Language of document : ECLI:EU:T:2011:621

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

25 octobre 2011 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché du chlorate de sodium – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE – Recours en annulation – Répartition du marché – Fixation des prix – Faisceau d’indices – Date des preuves – Déclarations de concurrents – Aveu – Durée de l’infraction – Amendes – Gravité de l’infraction – Circonstances atténuantes »

Dans l’affaire T‑348/08,

Aragonesas Industrias y Energía, SAU, établie à Barcelone (Espagne), représentée par M. I. S. Forrester, QC, et Mes K. Struckmann, P. Lindfelt et J. Garcia-Nieto Esteva, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Biolan, J. Bourke et R. Sauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation de la décision C (2008) 2626 final de la Commission, du 11 juin 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/38.695 – Chlorate de sodium), dans la mesure où cette décision concerne Aragonesas Industrias y Energía, et, à titre subsidiaire, une demande d’annulation ou de réduction substantielle de l’amende qui a été imposée à cette dernière dans ladite décision,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 septembre 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Aragonesas Industrias y Energía, SAU, est une société de droit espagnol. Constituée en 1992, elle appartenait alors à la division des produits chimiques du groupe Uralita, dont relevaient les activités concernant le chlorate de sodium et qui était placée sous la direction de la société Uralita, SA (ci-après « Uralita »). Jusqu’en 1994, Uralita détenait 100 % des parts de la requérante. En décembre 1994, Uralita a créé une société holding, baptisée Energia e Industrias Aragonesas EIA, SA (ci-après « EIA »), à laquelle toutes les activités chimiques ont été transférées. La requérante est alors devenue une filiale à 100 % d’EIA. Initialement, Uralita détenait 98,84 % des parts d’EIA, puis, du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2000, cette participation d’Uralita dans le capital d’EIA a évolué entre 49,44 % et 50,71 %.

2        Le chlorate de sodium est un agent fortement oxydant obtenu par électrolyse d’une solution aqueuse de chlorure de sodium dans une cellule sans diaphragme. Le chlorate de sodium peut être produit sous une forme cristallisée ou en solution. Il trouve sa principale application dans la fabrication du dioxyde de chlore, utilisé dans l’industrie de la pâte et du papier pour le blanchiment de la pâte chimique. Ses autres applications concernent, dans une bien moindre mesure, la purification de l’eau potable, le blanchiment textile, les herbicides et le raffinage de l’uranium [considérant 2 de la décision C (2008) 2626 final de la Commission, du 11 juin 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/38.695 – Chlorate de sodium) (ci-après la « décision attaquée »)].

3        Le 28 mars 2003, des représentants d’EKA Chemicals AB (ci-après « EKA »), société établie en Suède, ont présenté une demande d’immunité d’amendes ou, à défaut, de réduction d’amendes, au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération »), concernant l’existence d’une entente dans l’industrie du chlorate de sodium. La demande d’EKA a été étayée par des éléments de preuve documentaires fournis par elle et par des déclarations orales de ses représentants, le 31 mars 2003 (ci-après les « déclarations d’EKA de 2003 »).

4        Le 30 septembre 2003, la Commission des Communautés européennes a adopté une décision accordant une immunité conditionnelle d’amende à EKA, conformément au paragraphe 15 de la communication sur la coopération.

5        Le 10 septembre 2004, la Commission a adressé des demandes de renseignements, conformément à l’article 18, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), à Finnish Chemicals Oy (ci-après « FC »), société établie en Finlande, à Arkema France SA, société établie en France et désignée, dans la décision attaquée, sous la raison sociale « Atochem » (ci-après « Arkema France »), et, enfin, à la requérante.

6        Le 24 septembre 2004, M. L., salarié d’Arkema France [ci-après « M. L. (Arkema France) »], a été auditionné par la Commission (ci-après les « déclarations d’Arkema France »).

7        Le 18 octobre 2004, Arkema France a présenté, dans sa réponse à la demande de renseignements de la Commission, une demande d’immunité ou de réduction d’amendes au titre de la communication sur la coopération.

8        Le 29 octobre 2004, FC a déposé auprès de la Commission, lors d’une réunion dans les locaux de cette dernière, une demande de réduction d’amendes au titre de la communication sur la coopération et a fourni oralement à la Commission des renseignements relatifs à l’enquête sur le chlorate de sodium. Par courrier du 2 novembre 2004, FC a confirmé sa demande de réduction d’amendes et a fourni simultanément des éléments de preuve documentaires concernant sa participation à l’infraction alléguée par la Commission.

9        Le 4 novembre 2004, une réunion s’est tenue entre la Commission et les représentants d’EKA. Le 11 novembre 2004, EKA a transmis à la Commission des informations complémentaires concernant l’évolution récente du marché du chlorate de sodium.

10      Les 3 et 9 décembre 2004, la requérante a répondu aux demandes de renseignements de la Commission du 10 septembre 2004.

11      Le 6 juillet 2006, EKA a effectué une nouvelle déclaration orale à l’attention de la Commission, déclaration qui a été suivie par des entretiens avec deux de ses employés, les 19 et 20 juillet 2006. Le 29 août 2006, EKA a procédé à de nouvelles déclarations orales lors d’une réunion dans les locaux de la Commission (ci-après les « déclarations d’EKA de 2006 »).

12      Entre le 13 novembre 2006 et le 11 avril 2008, la Commission a adressé des demandes de renseignements, conformément à l’article 18, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, à plusieurs sociétés et, notamment, le 13 novembre 2006, les 8 février et 12 mars 2007 et le 11 avril 2008, à la requérante.

13      Le 27 juillet 2007, la Commission a adopté une communication des griefs dont les destinataires étaient, notamment, EKA, FC, Arkema France, la requérante et Uralita.

14      Dans le délai imparti, la requérante a communiqué à la Commission ses observations sur la communication des griefs. La requérante a eu accès, d’une part, au dossier de la Commission sous la forme d’un DVD adressé par cette dernière contenant des documents publics et, d’autre part, à la transcription des déclarations orales des demandeurs, tendant au bénéfice de la communication sur la coopération, recueillies par la Commission au cours de la procédure d’enquête.

15      Le 20 novembre 2007, plusieurs des sociétés concernées, dont Uralita, mais non la requérante, ont exercé leur droit d’être entendues oralement par la Commission.

16      Le 11 juin 2008, la Commission a adopté la décision attaquée et l’a notifiée à la requérante le 16 juin suivant.

17      Au considérant 69 de la décision attaquée, la Commission relève, en substance, qu’EKA, FC, Arkema France et la requérante ont participé à des réunions et ont eu des contacts visant à se partager les marchés en répartissant leurs volumes de vente et à fixer les prix du chlorate de sodium sur le marché de l’Espace économique européen (ci-après l’« EEE »). À ce titre, la Commission a établi une liste de 72 contacts anticoncurrentiels, ayant pris la forme soit de réunions, soit d’appels téléphoniques (ci-après les « 72 contacts anticoncurrentiels »). Cette liste est jointe en annexe I à la décision attaquée. En outre, en annexe II à la décision attaquée, est jointe une liste des personnes citées dans ladite décision. Parmi les noms cités, figurent ceux de MM. S. et W., salariés d’EKA [ci-après « M. S. (EKA) » et « M. W. (EKA) »], de MM. A. et S. [ci-après « M. S. (FC) »], salariés de FC, de M. L. (Arkema France) et de M. A., salarié de la requérante [ci-après « M. A. (Aragonesas) »]. Toujours au considérant 69 de la décision attaquée, la Commission indique que les pratiques anticoncurrentielles visées ont eu lieu à partir du 21 septembre 1994, s’agissant d’EKA et de FC, à partir du 17 mai 1995, s’agissant d’Arkema France, et à partir du 16 décembre 1996, s’agissant de la requérante. Elles auraient duré jusqu’au 9 février 2000, au moins, s’agissant d’EKA, de FC, d’Arkema France et de la requérante.

18      Aux considérants 70 et 71 de la décision attaquée, la Commission a précisé que le respect des décisions prises dans le cadre de l’entente était vérifié principalement lors de réunions bilatérales et de conversations téléphoniques, au cours desquelles les parties échangeaient des informations commercialement sensibles sur les négociations avec les clients, et ce, en particulier, sur les volumes vendus et les prix pratiqués. Elle a ajouté que les participants à l’entente menaient une stratégie de stabilisation du marché du chlorate de sodium, dont le but ultime était de se répartir les volumes de vente du produit, de coordonner la politique de fixation des prix à l’égard des clients et, ce faisant, d’optimiser leurs marges.

19      En outre, aux considérants 73 à 78 de la décision attaquée, la Commission a décrit les grandes lignes des principes fondamentaux et du fonctionnement de l’entente. À ce titre, elle a fait état de nombreux contacts entre les principaux producteurs de chlorate de sodium ayant pour objet principal la négociation entre eux afin de se répartir leurs volumes de vente sur les marchés géographiques concernés et de fixer les prix à atteindre dans les contrats conclus avec les clients. Selon la Commission, l’échange d’informations commercialement sensibles constituait un aspect important du comportement collusoire, dès lors que les participants étaient ensuite en mesure de prévoir le comportement de leurs concurrents sur le marché. S’agissant du fonctionnement de l’entente, la Commission affirme que les producteurs de chlorate de sodium entretenaient des contacts fréquents sous la forme de réunions bilatérales ou multilatérales et de conversations téléphoniques sans toutefois suivre un schéma préfixé. Toutefois, elle précise que, au niveau de l’encadrement supérieur, les discussions se tenaient lors des réunions multilatérales, souvent en marge des réunions du groupe de travail sur le chlorate de sodium du Conseil européen de l’industrie chimique (ci-après le « CEFIC »). Enfin, selon la Commission, s’agissant du calendrier des négociations, les contacts entre les concurrents s’intensifiaient généralement à la fin de chaque année (entre les mois d’octobre et de décembre), période qui correspondait à la négociation annuelle des contrats entre les producteurs de chlorate de sodium et leurs clients au titre de l’année à venir. Toutefois, la Commission rapporte que, pendant la période faisant l’objet de l’enquête, ces négociations se poursuivaient souvent après le début de l’année suivante, et ce notamment au cours des mois de janvier et de février.

20      S’agissant du comportement infractionnel de la requérante, il ressort des considérants 350 et 356 de la décision attaquée que, pour apprécier sa participation aux accords illicites, la Commission s’est fondée, d’une part, sur les demandes d’immunité ou de réduction d’amendes, d’autre part, sur les documents contemporains établissant, selon la Commission, que la requérante s’était entretenue avec d’autres parties à l’entente et, enfin, sur l’aveu de la requérante quant à sa participation à une réunion illicite, en marge d’une réunion officielle du CEFIC, le 28 janvier 1998, à Bruxelles (ci-après la « réunion illicite du 28 janvier 1998 »).

21      S’agissant plus particulièrement des éléments de preuve contemporains de l’infraction, la Commission fait valoir, aux considérants 349 et 350 de la décision attaquée, ce qui suit :

« 349 Les notes de [M. S. (FC)] font référence à trois reprises à un entretien téléphonique avec la requérante. Tout d’abord, le 16 décembre 1996, [M. S. (FC)] a confirmé, dans une conversation avec [M. S. (EKA)], que [FC] se conformerait aux prix convenus pour l’Espagne et le Portugal, évoquant à cette occasion des discussions avec [la requérante] : ‘[CONFIDENTIEL] (1)’ (mise en évidence ajoutée, voir le considérant 130). L’annotation ‘[CONFIDENTIEL]’ montre que [M. S. (FC)] avait eu précédemment avec [la requérante] une conversation personnelle sur les prix, s’inscrivant dans le dispositif d’accords entre les parties à l’entente. Ensuite, les notes de [M. S. (FC)] font état d’un entretien téléphonique avec [M. S. (EKA)] : ‘[CONFIDENTIEL]’ (mise en évidence ajoutée, voir le considérant 219). Cette annotation atteste qu’Arkema France a directement discuté des prix avec [la requérante], ce qui, encore une fois, relève de la coordination générale des prix. Enfin, les notes de [M. S. (FC)] précisent, à propos d’un appel téléphonique du 9 décembre 1999 : ‘[CONFIDENTIEL]’ (mise en évidence ajoutée, voir le considérant 258). Il ressort de cette annotation que [M. S. (FC)] a noté ce que [M. L. (Arkema France)] lui avait relaté au téléphone ou qu’il a rapporté à ce dernier sa propre conversation avec [la requérante]. [Que la requérante] se soit entretenue avec l’un plutôt qu’avec l’autre importe peu, puisqu’il transparaît du contenu des notes que la discussion en cause était de nature illicite.

350       Ces références témoignent clairement de contacts téléphoniques directs avec [la requérante] et indiquent manifestement que cette dernière a directement contribué aux accords généraux sur les prix. Plus encore, [la requérante] a confirmé avoir participé à [la réunion illicite du 28 janvier 1998], au cours de laquelle les concurrents ont tenu des discussions illicites (voir les considérants 182 et 184). La Commission conclut donc, en se fondant sur les déclarations orales reçues dans la présente affaire et les éléments de preuve contemporains des faits qui indiquent clairement un comportement anticoncurrentiel de sa part, [que la requérante] a participé à l’infraction dans son ensemble. Dans de telles conditions, il incombe à [la requérante] d’apporter des preuves expliquant en quoi sa conduite est compatible avec un comportement concurrentiel. »

22      Au considérant 352 de la décision attaquée, la Commission a indiqué ce qui suit :

« Dans les autres cas où il est fait référence à [la requérante] dans la […] décision [attaquée], la Commission accepte l’argument de la société selon lequel les informations peuvent émaner de tiers plutôt que de l’intéressée elle-même. Le dossier de la Commission ne contient pas suffisamment d’éléments de preuve permettant d’établir de façon certaine que les informations en cause provenaient directement de la requérante. Il en sera tenu compte au niveau de la durée de l’infraction dont [la requérante] doit répondre. »

23      S’agissant de la durée de l’infraction, et notamment des dates de début et de fin de la participation de la requérante à l’infraction, la Commission a exposé et conclu, aux considérants 487 à 489 de la décision attaquée, dans les termes qui suivent :

« 487 EKA et [FC] ont participé aux accords anticoncurrentiels dès […] et [la requérante] dès le 16 décembre 1996 au moins (voir le considérant 130). […].

488       En ce qui concerne la fin de l’infraction, à la connaissance de la Commission, la dernière réunion anticoncurrentielle – à laquelle EKA, Atochem et [la requérante] ont participé – s’est tenue le 9 février 2000. Lors de cette réunion, EKA s’est distanciée ouvertement de l’entente en annonçant son refus de participer à toute autre discussion avec les concurrents. L’un des participants y a clairement indiqué sa volonté de ne plus être impliqué dans l’entente et il s’agit, à la connaissance de la Commission, du dernier contact entre producteurs de chlorate de sodium entrant en ligne de compte (voir également le considérant 283). Alors qu’EKA, Atochem et [la requérante] ont directement participé à la réunion du 9 février 2000, rien n’indique, dans le dossier de la Commission, que [FC] aurait ouvertement pris ses distances vis-à-vis de l’entente avant cette date (aucune des parties n’ayant par ailleurs fait valoir une telle distanciation). En conséquence, la Commission considère le 9 février 2000 comme étant la date de fin de l’entente pour toutes les entreprises concernées, en l’occurrence EKA, [FC], Atochem et [la requérante].

489      Il s’ensuit que la durée totale de l’infraction telle que décrite dans la […] décision [attaquée] s’élève à […] 3 ans et 1 mois pour [la requérante] et Uralita. »

24      Aux considérants 444 et 455 à 468 de la décision attaquée, la Commission considère, d’une part, qu’Uralita a exercé une influence déterminante sur l’orientation stratégique et la politique commerciale globale de la requérante et, d’autre part, que, à la suite de l’absorption d’EIA par Uralita, la responsabilité de l’infraction incombant à EIA, en tant que seul actionnaire de la requérante, a été transférée à Uralita. Partant, aux considérants 469 et 487 à 489 de la décision attaquée, la Commission tient [la requérante] et Uralita pour solidairement responsables de l’infraction commise par la première entre le 16 décembre 1996 et le 9 février 2000 (ci-après « l’infraction en cause »), soit sur une durée totale de trois années et un mois.

25      S’agissant de la détermination du montant des amendes à infliger, il ressort du considérant 498 de la décision attaquée que la Commission s’est fondée sur les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après « les lignes directrices de 2006 »). En outre, dans le cas d’espèce, il ressort du considérant 509 de la décision attaquée que, aux fins de la détermination de la valeur des ventes, la Commission a pris en considération les ventes de chlorate de sodium effectuées par chaque entreprise dans l’EEE pendant l’exercice social qui correspond à la dernière année complète de l’infraction et qui a pris fin le 31 décembre 1999.

26      S’agissant de la détermination du montant de base de l’amende, il ressort des considérants 509 à 524 de la décision attaquée que la Commission a constaté, premièrement, en ce qui concerne la gravité de l’infraction en cause, d’une part, que cette dernière, en ce qu’elle reposait sur des accords en matière de partage des marchés et de fixation des prix, était particulièrement grave (considérant 512 de la décision attaquée), d’autre part, que la part de marché cumulée des entreprises participant à cette infraction s’élevait en 1999 à 90 % au sein de l’EEE (considérant 513 de la décision attaquée), par ailleurs, que cette infraction a produit ses effets sur une partie substantielle du territoire de l’EEE (considérant 514 de la décision attaquée) et, enfin, que les accords ont, même s’ils n’ont pas toujours donné tous les résultats escomptés, généralement été mis en œuvre (considérant 515 de la décision attaquée). Par conséquent, la Commission a fixé la proportion de la valeur des ventes de chaque entreprise impliquée, utilisée pour établir le montant de base, à 19 %.

27      Deuxièmement, la Commission a fixé le coefficient multiplicateur au titre de la durée de l’infraction, sur le fondement des dispositions du paragraphe 24 des lignes directrices de 2006, à 3,5.

28      Troisièmement, au considérant 523 de la décision attaquée, la Commission a, sur le fondement des dispositions du point 25 des lignes directrices de 2006, et afin de dissuader les entreprises en cause de participer à des accords horizontaux de fixation de prix semblables aux accords faisant l’objet de la décision attaquée, décidé d’augmenter le montant de base de l’amende d’un montant additionnel fixé, au regard des facteurs examinés aux considérants 512 à 515 de la décision attaquée, à 19 %.

29      La Commission conclut, à l’article 1er, sous g) et h), de la décision attaquée, que la requérante et Uralita ont enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord EEE, en participant, du 16 décembre 1996 au 9 février 2000, à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le but de se répartir les volumes de vente, de fixer les prix, d’échanger des informations commercialement sensibles sur les prix et les volumes de vente et de surveiller l’exécution des arrangements anticoncurrentiels portant sur le chlorate de sodium sur le marché de l’EEE.

30      À l’article 2, sous f), de la décision attaquée, la Commission a infligé une amende d’un montant de 9 900 000 euros à la requérante et à Uralita, solidairement.

31      À l’article 3 de la décision attaquée, la Commission ordonne aux entreprises visées à l’article 1er de la décision attaquée, d’une part, de mettre fin, si elles ne l’ont pas déjà fait, à l’infraction constatée et, d’autre part, de s’abstenir dorénavant de tout acte ou comportement tel que décrit à l’article 1er de la décision attaquée ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

32      L’article 4 de la décision attaquée énumère les destinataires de la décision attaquée, dont la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

33      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 août 2008, la requérante a introduit le présent recours.

34      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Le Tribunal a également posé certaines questions aux parties et a demandé à la Commission de lui fournir certains documents. Les parties ont répondu auxdites questions et demandes dans les délais qui leur étaient impartis.

35      Par lettre du 3 septembre 2010, la Commission a déposé des observations sur le rapport d’audience dans l’affaire T‑348/08.

36      Lors de l’audience, le Tribunal a remis aux parties une copie des pages 1159 et 1160 du dossier de la Commission. Elles ont confirmé que, hormis l’ajout à la main par le Tribunal d’une numérotation des tirets qui figuraient sur ces deux pages, ladite copie était strictement identique à l’original figurant auxdites pages du dossier de la Commission.

37      La procédure orale a été close le 10 septembre 2010.

38      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée, pour autant qu’elle la concerne ;

–        à titre subsidiaire, modifier les articles 1er et 2 de la décision attaquée pour annuler ou réduire substantiellement le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

39      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

A –  Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

40      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré d’erreurs de droit et d’appréciation en ce que la Commission n’aurait pas établi à suffisance de droit que la requérante avait participé à l’infraction en cause. Le second moyen est tiré d’erreurs de droit et d’appréciation commises par la Commission au stade du calcul du montant de l’amende infligée à la requérante.

1.     Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation en ce que la Commission a retenu la participation de la requérante à l’infraction entre le 16 décembre 1996 et le 9 février 2000

41      Au titre du premier moyen, la requérante soutient que les éléments de preuve retenus par la Commission dans la décision attaquée n’établissent pas à suffisance de droit qu’elle ait participé à l’infraction en cause. Ce premier moyen se divise en deux branches. La Commission n’aurait pas démontré, premièrement, que la requérante ait participé directement à l’infraction en cause, entre le 16 décembre 1996 et le 9 février 2000, et, deuxièmement, qu’elle ait participé à une infraction unique et continue couvrant l’intégralité de l’EEE.

a)     Arguments des parties

42      Selon la requérante, le faisceau d’indices invoqué par la Commission pour lui imputer l’infraction en cause repose sur les trois types de preuve suivants. Le premier résiderait dans le fait que la requérante a reconnu avoir participé à la réunion illicite du 28 janvier 1998 avec EKA, FC et Arkema France. Le deuxième serait tiré des notes manuscrites de M. S. (FC) [ci-après les « notes de M. S. (FC) »]. Le troisième élément reposerait sur les déclarations d’EKA de 2003 et de 2006. Or, aucun de ces trois éléments de preuve, pris individuellement ou collectivement, n’établirait, sans qu’aucun doute raisonnable ne subsiste, qu’elle ait pris part à une entente illicite.

43      En premier lieu, s’agissant de la réunion illicite du 28 janvier 1998, la requérante ne conteste pas y avoir participé. Il s’agissait, selon elle, d’un rassemblement purement informel, dans les couloirs d’un hôtel. Elle rappelle toutefois que, ainsi que cela ressort des notes de M. S. (FC), telles qu’elles figurent à la page 1159 du dossier de la Commission, les chefs de file de l’entente ont demandé au salarié de la requérante de partir peu après que le groupe s’était formé. Dès lors, la requérante soutient que le fait d’avoir assisté partiellement à une seule réunion sur les 72 contacts anticoncurrentiels identifiés par la Commission entre les membres de l’entente ne permet pas de lui imputer une participation aux accords très complexes entre les autres destinataires de la décision attaquée, accords dont la fréquence était soutenue.

44      En deuxième lieu, s’agissant des preuves contemporaines de l’infraction tirées des notes de M. S. (FC), elles seraient uniquement constituées des trois références indirectes à la requérante visées au considérant 349 de la décision attaquée. En effet, d’une part, il ressortirait tant dudit considérant que du considérant 352 de ladite décision que ces trois références tirées des notes de M. S. (FC) constitueraient les seules preuves contemporaines des faits qui incrimineraient la requérante. D’autre part, il ressortirait du libellé du considérant 352 de ladite décision que la Commission aurait elle-même considéré qu’il n’était pas possible d’établir de façon certaine que les autres informations tirées des notes de M. S. (FC) concernant la requérante provenaient directement de cette dernière.

45      La requérante ajoute que les autres déclarations qui figurent dans les demandes tendant au bénéfice de la communication sur la coopération, que la Commission tente, dans ses écritures, de faire primer sur les trois références citées au considérant 349 de la décision attaquée, peuvent être interprétées différemment de ce que suggère la Commission et ne permettent pas de conclure que la requérante ait participé à une infraction unique et continue. Enfin, la Commission s’appuierait également sur d’autres éléments de preuve qui, d’une part, n’auraient pas été invoqués dans la décision attaquée et, d’autre part, ne démontreraient aucune culpabilité de la requérante, ce qui expliquerait qu’ils aient été omis dans ladite décision. Plus précisément, la requérante soutient que la Commission prétend, dans le mémoire en défense, que la décision serait fondée non seulement sur les trois références au considérant 349 de la décision attaquée, mais aussi sur d’autres références la concernant, extraites des notes de M. S. (FC). La requérante considère que cela revient à considérer que chaque référence qui lui est faite doit être interprétée comme une allégation directe contre elle. Or, bien que la Commission se prévale du « libellé clair de la décision [attaquée] », quant à ces autres références tirées des notes de M. S. (FC), pour incriminer la requérante, cette dernière considère, au contraire, soit qu’elles constituent des éléments de preuve à sa décharge soit qu’elles ne prouvent pas qu’elle ait participé à l’infraction en cause.

46      Enfin, la requérante estime que, contrairement à ce qui ressort du considérant 352 de la décision attaquée, en ce qu’il y est indiqué que, dans la mesure où les autres informations tirées des notes de M. S. (FC) peuvent émaner de tiers plutôt que de la requérante, « il en sera tenu compte au niveau de la durée de l’infraction dont [la requérante] doit répondre », la Commission n’a pas modifié son calcul de la durée de la participation de la requérante à l’infraction en cause par rapport à celle qui figurait dans la communication des griefs. Elle en déduit que la durée retenue dans la décision attaquée ne reflète pas correctement l’étendue de sa prétendue participation à l’infraction en cause et qu’elle n’a pas fait l’objet d’adaptations ou de concessions de la part de la Commission, afin de refléter le caractère ténu des éléments de preuve.

47      S’agissant de la première référence faite à la requérante, retenue au considérant 349 de la décision attaquée, elle se rapporterait à un entretien téléphonique, intervenu le 16 décembre 1996, entre M. S. (FC) et M. S. (EKA), au cours duquel le premier aurait évoqué un entretien qu’il aurait eu avec la requérante sur les prix en Espagne. La requérante fait valoir que cette première référence ne démontre pas, sans qu’aucun doute raisonnable ne subsiste sur ce point, qu’elle ait pris part à une entente. En effet, d’une part, le salarié concerné aurait nié avoir été en contact avec M. S. (FC) en dehors du cadre des assemblées générales officielles du CEFIC. D’autre part, cette référence ne rapporterait que la teneur d’un entretien avec EKA au sujet de la requérante. Enfin, les autres éléments de preuve ne suggéreraient pas que la requérante ait pris part à un accord sur les prix au cours de la période de négociation qui a précédé la signature de contrats sur le chlorate de sodium pour le premier trimestre 1997. Si la requérante avait participé à une entente à cette époque, les notes de M. S. (FC) en auraient fait état plus fréquemment, et ce d’une manière qui n’aurait pas été uniquement indirecte.

48      La deuxième référence faite à la requérante se rapporterait à un entretien téléphonique, ayant eu lieu le 4 décembre 1998, entre M. S. (FC) et M. S. (EKA), au cours duquel le second aurait évoqué un entretien qu’il aurait eu avec Arkema France sur les prix au Portugal. Il ressortirait de cette dernière conversation qu’Arkema France aurait indiqué à M. S. (EKA) s’être adressée à un salarié de la requérante. La requérante considère que cet extrait n’indique pas qu’elle ait participé à l’entente et, au contraire, pourrait laisser entendre qu’il avait été demandé à la requérante de ne pas réduire ses prix. Au demeurant, la requérante fait remarquer que la demande tendant au bénéfice de la communication sur la coopération d’Arkema France [formulée lors de l’audition de M. L. (Arkema France) le 24 septembre 2004] ne contient aucune mention du nom de la requérante dans le cadre des discussions qui ont eu lieu entre la mi-1998 et le mois de mai 2000. Par ailleurs, cet extrait rapporterait une déclaration d’Arkema France, qui était un concurrent direct de FC. Dès lors, la requérante émet l’idée que, lorsqu’Arkema France a parlé avec M. S. (EKA), la première a pu avoir intérêt, en tant que concurrent agressif de FC, à lui faire croire que le prix ne baisserait pas et que FC devait respecter le niveau de l’année précédente. Enfin, la requérante affirme que, durant l’année 1998, elle a réduit ses prix de vente de chlorate de sodium au Portugal. Partant, non seulement la deuxième référence ne prouverait pas que la requérante ait participé à des discussions au cours de la période concernée, mais, en outre, elle constituerait un élément à décharge en ce qu’elle suggérerait que la requérante n’avait pas coordonné sa conduite avec celle des membres de l’entente.

49      La troisième référence faite à la requérante se rapporterait à un entretien téléphonique s’étant déroulé le 9 décembre 1999, entre M. S. (FC) et M. L. (Arkema France), au cours duquel l’un de ces deux interlocuteurs aurait indiqué avoir parlé à la requérante. Or, la requérante soutient que le fait que quelqu’un lui ait parlé n’implique pas en soi qu’elle ait eu un comportement illicite. En effet, perçue comme une entreprise qui refusait de coopérer, il serait possible que les autres membres de l’entente aient eu besoin de lui parler pour tenter de la « faire rentrer dans le rang ». Par ailleurs, la requérante fait de nouveau observer que cette troisième référence est contredite par les déclarations recueillies lors de l’audition de M. L. (Arkema France), dans lesquelles il ne cite plus la requérante comme ayant participé à l’entente entre la mi-1998 et le mois de mai 2000.

50      En troisième lieu, s’agissant des déclarations d’EKA de 2003 et de 2006, la requérante rappelle que, selon la Commission, elles expliquent « l’implication de la requérante pour les clients espagnols, français et portugais ». Pourtant, FC et Arkema France ne formuleraient aucune accusation de ce type.

51      Premièrement, s’agissant des déclarations d’EKA de 2003, il en ressortirait que les principaux participants à l’entente étaient EKA, FC et Arkema France. La requérante aurait participé aux accords dans une moindre mesure. En outre, la Commission viserait, au considérant 358 de la décision attaquée et à la note en bas de page n° 391 s’y rapportant, spécifiquement les déclarations d’EKA de 2003. À ce titre, la requérante reproduit et commente trois passages de ces déclarations qui portent respectivement sur l’Espagne, la France et le Portugal. Ces trois passages constitueraient des passages de référence de la déclaration d’EKA qui expliqueraient l’allégation de cette dernière selon laquelle la requérante aurait participé à l’entente en fonction de sa position et de ses intérêts sur le marché pour les clients espagnols, français et portugais.

52      S’agissant du premier passage, qui concerne l’Espagne, il en ressortirait qu’EKA aurait en particulier déclaré que « [CONFIDENTIEL] ». À cet égard, la requérante fait valoir que, si elle devait perdre des parts de marché en Espagne, il serait naturel qu’elle tente de trouver des clients dans des marchés voisins, tels que la France ou le Portugal. Il s’agirait là d’un comportement normal sur un marché soumis au jeu de la concurrence. Il existerait donc une interprétation autre que celle retenue par la Commission, interprétation conforme au comportement normal sur le marché.

53      S’agissant du deuxième passage, qui concerne la France, il en ressortirait qu’EKA aurait en particulier déclaré qu’ « [CONFIDENTIEL] ». La requérante soutient que la Commission s’appuie sur cette déclaration pour suggérer l’existence en France d’accords bilatéraux sur les volumes entre Arkema France et des producteurs autres qu’EKA. Dès lors, la requérante fait valoir que cette déclaration d’EKA repose uniquement sur la rumeur, puisqu’elle prétend que la requérante a participé à des arrangements auxquels EKA n’avait pas pris part. Les informations contenues dans cette déclaration n’auraient donc pu être obtenues qu’auprès de tiers tels qu’Arkema France. Or, la requérante fait remarquer que, dans sa demande tendant au bénéfice de la communication sur la coopération, Arkema France ne mentionne aucun arrangement distinct avec la requérante. La déclaration d’un tiers qui allègue l’existence d’un accord qui « semble » avoir été conclu par d’autres producteurs ne saurait fonder la conviction quant à l’existence d’un tel accord. Partant, ce passage de la déclaration d’EKA ne serait pas suffisamment clair pour impliquer la requérante dans la commission de l’infraction en cause.

54      S’agissant du troisième passage, qui concerne le Portugal, il en ressortirait qu’EKA aurait en particulier déclaré que « [CONFIDENTIEL] ». La requérante affirme ne pas comprendre en quoi cette déclaration pourrait constituer une preuve contre elle, alors qu’elle n’implique qu’EKA, Arkema France et FC quant à un accord sur les volumes.

55      Deuxièmement, s’agissant des déclarations d’EKA de 2006, elles auraient été formulées à la suite d’une demande de la Commission. Or, la requérante affirme et maintient, nonobstant les arguments en défense de la Commission, que ces déclarations de 2006 corrigent certaines erreurs, voire contredisent certaines affirmations, contenues dans les déclarations antérieures d’EKA et, tout particulièrement, celles de 2003. C’est ainsi que, dans ses déclarations de 2006, EKA aurait indiqué que la requérante avait assisté à une seule réunion et non plus à cinq. En outre, EKA n’indiquerait plus que la requérante et Arkema France avaient réparti leurs parts de marché en France dans le cadre d’un accord distinct. Au demeurant, la requérante fait observer que, s’agissant du marché espagnol, la nouvelle déclaration d’EKA vient conforter son opinion selon laquelle les comportements relevés par la Commission seraient tout à fait naturels. De même, les déclarations d’EKA de 2006 ne contiendraient plus aucune mention spécifique de la requérante concernant les marchés espagnol, portugais et français. La requérante soutient que, bien qu’EKA ait déclaré que la requérante était partie aux accords, elle ne fournirait à ce sujet aucune indication spécifique. En effet, elle fait observer que, tandis que les déclarations d’EKA incriminent à tort la requérante en ce qu’elle aurait pris part à cinq réunions, la Commission se serait judicieusement abstenue de les retenir dans la décision attaquée. La seule mention de son nom constituerait un élément à décharge pour la requérante, puisqu’elle indiquerait qu’EKA et FC avaient décidé de ne pas augmenter leurs prix pour le cas où la requérante, Arkema France et [CONFIDENTIEL] ne les suivraient pas.

56      La requérante en conclut que les incohérences entre les déclarations d’EKA de 2003 et de 2006 permettent de douter un peu plus de leur exactitude et de leur valeur probante. Dès lors, elles ne sauraient fonder la ferme conviction du Tribunal quant à la commission d’une infraction par la requérante. En outre, ces déclarations ne feraient aucunement mention de réunions ou d’entretiens téléphoniques avec la requérante. Partant, elles seraient insuffisantes pour imputer à la requérante la responsabilité d’une infraction à l’article 81 CE.

57      Par ailleurs et en quatrième lieu, la requérante soutient que c’est à tort que la Commission a retenu, comme date de fin de sa prétendue participation à l’entente, le 9 février 2000. En effet, les éléments de preuve produits dans la décision attaquée démontreraient uniquement que la requérante a assisté à la réunion officielle du CEFIC du 9 février 2000, ce qu’elle ne conteste pas. En revanche, la Commission n’aurait pas prouvé que la requérante ait participé à une réunion illicite qui aurait été tenue en marge de la réunion du CEFIC du 9 février 2000 (ci-après la « réunion illicite du 9 février 2000 »). Ainsi, premièrement, la requérante estime que la déclaration de M. S. (EKA) lors de la réunion illicite du 9 février 2000, quant au refus d’EKA de participer à toute nouvelle discussion avec les concurrents, n’établit pas à suffisance sa propre participation à ladite réunion. Deuxièmement, elle fait valoir, d’une part, que ni Arkema France ni FC n’ont fait état d’une telle déclaration et, d’autre part, que son salarié a confirmé ne pas avoir entendu cette déclaration. Troisièmement, les discussions des 20, 21 et 24 janvier 2000, auxquelles la Commission renvoie au considérant 283 de la décision attaquée, ne sauraient être considérées comme des preuves incriminant la requérante ou comme étant susceptibles de rapporter la preuve de sa participation à la réunion illicite du 9 février 2000. Quatrièmement, la requérante fait observer qu’il ressort de l’annexe I de la décision attaquée qu’elle n’a pas été identifiée comme ayant participé à la réunion illicite du 9 février 2000 et que cette absence d’identification ne saurait résulter d’une simple erreur de plume.

58      En conclusion de la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir que les éléments de preuve retenus à son endroit dans la décision attaquée ne sont pas suffisamment précis et concordants pour emporter la ferme conviction qu’elle a participé à l’infraction en cause.

59      Dans ces conditions, premièrement, eu égard au principe selon lequel le doute bénéficie à l’accusé, un doute subsistant en l’espèce quant à la participation de la requérante à l’infraction en cause, la Commission aurait dû renoncer à lui imputer une participation à ladite infraction.

60      Deuxièmement, la requérante fait observer que la compétence dont dispose la Commission afin de constater l’existence d’infractions aux dispositions de l’article 81 CE est aujourd’hui renforcée. C’est ainsi que le règlement n° 1/2003 lui conférerait des pouvoirs nouveaux et renforcés. En outre, les nouveaux programmes de clémence lui permettraient de recevoir à présent des éléments de preuve documentaires substantiels. De plus, les progrès technologiques dans le domaine informatique permettraient également à la Commission de procéder à des recherches électroniques sophistiquées. Enfin, la requérante fait observer que, en l’espèce, la Commission n’a pas estimé nécessaire d’approfondir son enquête et, à ce titre, d’organiser une inspection de ses locaux ou de ceux des autres sociétés destinataires de la décision attaquée.

61      Au regard desdites compétences renforcées, la Commission devrait être tenue de respecter un niveau élevé de qualité de la preuve. En l’espèce, faute de satisfaire à un tel niveau de qualité, la Commission aurait dû, ainsi qu’elle l’aurait fait s’agissant des autres petits producteurs dont la situation était semblable à celle de la requérante, faire bénéficier cette dernière du doute qui subsistait. Partant, la Commission n’aurait pas dû lui imputer une participation à l’infraction en cause ni lui infliger une amende. En tout état de cause, la requérante relève que, alors que le niveau des informations échangées par les trois principaux producteurs au sujet de [CONFIDENTIEL] était semblable à celui des informations échangées au sujet de la requérante, la Commission a décidé de prononcer une amende uniquement à son égard. La requérante en conclut que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement.

62      La Commission conteste le bien-fondé des arguments exposés par la requérante.

63      Elle maintient que les preuves figurant dans la décision attaquée démontrent que la requérante a participé à l’infraction en cause. Elle rappelle que lesdites preuves sont de trois types, à savoir, d’une part, des déclarations de membres de l’entente incriminant la requérante, d’autre part, d’abondantes notes contemporaines des faits prises par M. S. (FC) et, enfin, l’aveu de la requérante quant à sa participation à la réunion illicite du 28 janvier 1998, aveu qui est étayé par d’autres preuves se rapportant à cette réunion.

64      En premier lieu, s’agissant des déclarations de membres de l’entente, la Commission fait observer qu’elles ont été faites peu de temps après la cessation de l’entente et qu’elles se caractérisent par un haut degré de concordance entre elles ainsi qu’avec les notes contemporaines de M. S. (FC). Elle ajoute que, contrairement à ce que soutient la requérante, les sociétés ayant demandé le bénéfice de la communication sur la coopération ne sont pas nécessairement incitées à présenter des éléments de preuve déformés quant aux autres participants à l’entente incriminée.

65      En deuxième lieu, s’agissant des notes contemporaines de M. S. (FC), la Commission conteste l’affirmation de la requérante selon laquelle, au regard du considérant 349 de la décision attaquée, seuls trois passages des notes de M. S. (FC) auraient été retenus pour incriminer la requérante, de sorte que toute autre référence pourrait être ignorée. En effet, la Commission fait remarquer que, outre les trois extraits sur lesquels la requérante se focalise, elle se fonde à maintes reprises sur d’autres références faites à la requérante dans les notes de M. S. (FC) et, à ce titre, cite comme exemple les considérants 150, 220, 229, 256, 305, 319 et 347 de la décision attaquée. La Commission fait remarquer que, au stade de la réplique, la requérante s’est contentée de circonscrire sa critique, quant à ces éléments de preuve au fond, à l’extrait des notes de M. S. (FC) mentionné au considérant 150, et ce en le citant de manière tronquée et en le sortant de son contexte. En ce qui concerne les six autres considérants, la requérante en reconnaîtrait le caractère directement incriminant, mais affirmerait que la décision attaquée ne la mentionne pas dans les constatations de fait se rapportant à l’année 1997. Cette dernière affirmation serait erronée et la Commission aurait légitimement pu conclure, au stade du mémoire en défense, que des contacts téléphoniques réguliers entre la requérante et des membres de l’entente avaient eu lieu en 1997.

66      Le considérant 349 de la décision attaquée réfuterait les arguments de la requérante tendant à rapporter son absence de participation à l’entente et ne devrait pas être confondu avec les considérants, tels que les considérants 305 et 319, dans lesquels la Commission développe pleinement ses arguments défavorables à la requérante. En outre, la Commission aurait insisté sur ces trois références visées au considérant 349, car, d’une part, il s’agirait d’éléments de preuve particulièrement concluants, et donc essentiels, à même de démontrer que la requérante avait participé à l’infraction en cause, à savoir une infraction unique et continue et de dimension européenne, d’autre part, la requérante n’aurait pas contesté ces déclarations et, enfin, ces preuves contemporaines des faits incrimineraient de manière particulièrement forte la requérante, sans pour autant être les seules preuves réunies par la Commission.

67      En troisième lieu, s’agissant du considérant 352 de la décision attaquée, la Commission affirme y avoir expressément établi une distinction entre les différents extraits des notes de M. S. (FC), en fonction de leur valeur probante, afin notamment de déterminer la durée de la participation de la requérante à l’infraction en cause. Or, audit considérant 352, elle aurait indiqué que, si elle s’était limitée aux autres références faites à la requérante que celles visées au considérant 349, elle aurait eu des difficultés à démontrer de manière concluante le comportement collusoire. Ce serait pour cette raison qu’elle aurait donc décidé de ne pas les retenir pour étendre la durée de la participation de la requérante à l’entente. Pour autant, si ces autres références faites à cette dernière ne s’avèrent pas concluantes en elles-mêmes, elles feraient à tout le moins partie d’un ensemble de coïncidences et d’indices sur lesquels la Commission était en droit de fonder son analyse concernant la participation de la requérante à l’entente.

68      Au stade de la duplique, toujours s’agissant du considérant 352 de la décision attaquée, la Commission soutient que la requérante ignore les considérants 305 et 319 de la décision attaquée, qui mentionnent expressément les autres extraits des notes de M. S. (FC) en tant qu’éléments de preuve contre elle. Elle ferait également abstraction des considérants 357 et 358 de la décision attaquée, qui établiraient que la Commission fonde ses griefs contre la requérante sur les notes de M. S. (FC), prises dans leur ensemble, et ne se limite pas aux trois références visées au considérant 349 de ladite décision. Selon la Commission, il ressort de la jurisprudence que le fait que l’information soit indirectement rapportée ou qu’elle ait une portée secondaire n’a aucune incidence quant à la possibilité de l’utiliser comme élément de preuve. Les preuves contemporaines de l’infraction constituées par les notes de M. S. (FC) seraient cohérentes par rapports aux autres éléments de preuve du dossier incriminant la requérante et auraient largement été admises par les parties, y compris la requérante.

69      Enfin, le considérant 352 de la décision attaquée ne contiendrait aucune promesse de modification de la durée de la participation de la requérante à l’infraction en cause, par rapport à celle retenue dans la communication des griefs. Par ailleurs, contrairement aux allégations de la requérante, les éléments de preuve utilisés dans la décision attaquée seraient les mêmes que ceux figurant dans la communication des griefs.

70      En quatrième lieu, la Commission fait valoir, dans un premier temps, que la décision attaquée repose sur des preuves générales fournies par EKA, Arkema France et FC, qui démontrent de manière catégorique la participation de la requérante à l’entente et les caractéristiques de cette entente.

71      Dans un deuxième temps, la Commission énumère un certain nombre de preuves spécifiques démontrant les contacts entre la requérante et les autres membres de l’entente.

72      Premièrement, il ressortirait des notes de M. S. (FC), au sujet de son entretien téléphonique du 16 décembre 1996 avec M. S. (EKA), que le premier aurait, antérieurement, eu une conversation avec la requérante. La Commission fait observer que celle-ci n’avait pas contesté cette preuve dans sa réponse à la communication des griefs. En outre, elle conteste les arguments à présent soulevés par la requérante à l’encontre de cette preuve.

73      Deuxièmement, s’agissant des preuves se rapportant à l’année civile 1997, la Commission estime que les extraits des notes contemporaines de M. S. (FC), datés des 10 et 14 janvier 1997, illustrent l’irritation de la requérante face aux tentatives de FC de s’arroger une part de marché plus importante en Espagne et au Portugal. De même, il ressortirait d’une note de M. S. (FC) du 14 octobre 1997, au sujet d’une réunion bilatérale du même jour entre EKA et FC, qui s’est tenue à Turku (Finlande) (ci-après la « réunion de Turku du 14 octobre 1997 »), que FC et EKA éprouvaient des difficultés à faire comprendre, en particulier à la requérante, qu’une hausse des prix de 1,5 % était nécessaire pour compenser l’inflation. Toujours à propos de cette réunion de Turku du 14 octobre 1997, il ressortirait d’une déclaration d’EKA que, face à l’augmentation des ventes de FC en Espagne, il existait des risques de représailles des producteurs espagnols et qu’EKA et FC seraient convenues de ne pas augmenter leurs prix au cas où, en particulier, la requérante ne les suivrait pas.

74      Troisièmement, s’agissant de la réunion illicite du 28 janvier 1998, la Commission rappelle que la requérante a admis avoir assisté à cette réunion. Les notes de M. S. (FC) montreraient que les parties ont discuté des marchés du chlorate de sodium dans plusieurs pays ainsi que des parts de marché et des prix. Dans un premier temps, la Commission a, dans ses écritures, soutenu qu’aucun élément du dossier ne permettait de penser que la participation de la requérante à cette réunion constituait un élément nouveau ou exceptionnel. Toutefois, dans un second temps, la Commission a, dans ses observations sur le rapport d’audience, expressément reconnu que cette participation de la requérante constituait un élément nouveau. Pour autant, la Commission considère que la requérante n’a pas démontré qu’elle avait participé à cette réunion dans une optique différente de celle des autres membres de l’entente et qu’elle s’en était publiquement distanciée. L’allégation de la requérante quant au caractère informel de la réunion serait contredite, d’une part, par le fait qu’elle avait été planifiée plusieurs semaines à l’avance et, d’autre part, par les notes détaillées de M. S. (FC). Contrairement à ce qu’aurait erronément compris la requérante, il ressortirait du considérant 183 de la décision attaquée que les parties ont discuté de manière exhaustive (et non pas exclusive) de la Belgique, de l’Espagne, de la France et du Portugal. Il ne ressortirait pas des notes de M. S. (FC) que les chefs de file de l’entente aient demandé à la requérante de partir. Au contraire, les notes de M. S. (FC) montreraient que l’examen des marchés espagnol, français et portugais a été entrecoupé de discussions au sujet d’autres marchés durant la majeure partie de la réunion, si bien qu’il serait probable que la requérante ait été présente tout au long de la réunion. Enfin, la Commission affirme que l’annexe I de la décision attaquée se limite nécessairement aux contacts dont elle connaît la date réelle, de sorte qu’il existait d’autres contacts, étayés par des éléments de preuve, mais sans mention d’une date précise, qui impliquaient la requérante.

75      Quatrièmement, en octobre et novembre 1998, MM. L. (Arkema France) et S. (FC) se seraient entretenus à plusieurs reprises par téléphone de la part de marché de la requérante au Portugal.

76      Cinquièmement, s’agissant du contact téléphonique du 4 décembre 1998 entre MM. S. (FC) et S. (EKA), la Commission considère que la requérante n’explique pas comment de tels contacts auraient pu se dérouler dans le cadre normal des affaires et que, au demeurant, celle-ci admettrait qu’il lui aurait été demandé de ne pas réduire ses prix, ce qui constituerait une demande anticoncurrentielle, à laquelle la requérante aurait accédé. Contrairement à ce que prétend la requérante, il ne ressortirait pas de la déclaration de M. L. (Arkema France) que la requérante ait quitté l’entente à la fin de la première période allant du mois d’octobre 1994 à la mi-1998, et ce par rapport à une prétendue seconde période allant de la mi-1998 au mois de mai 2000, d’autant plus que cette interprétation serait infirmée par des preuves abondantes.

77      Sixièmement, la Commission fait remarquer que la requérante s’est limitée à mentionner les baisses de prix au Portugal en 1999 et 2000, omettant de préciser que ses prix avaient augmenté de 1993 à 1997 et avaient été maintenus en 1998. Elle ajoute que la baisse des prix en 1999 pourrait s’expliquer par la guerre des prix qui aurait éclaté au Portugal à la suite du conflit à propos d’un client. De nouveau, nonobstant l’affaiblissement de l’entente en 1999, elle serait restée active et, ainsi que cela ressortirait des notes de M. S. (FC) quant à ses entretiens téléphoniques du 16 juin et des 6, 9 et 22 décembre 1999 avec M. L. (Arkema France), la requérante aurait continué à y participer. Ces trois notes rapporteraient l’existence d’un contact direct avec la requérante et, contrairement à ce que prétend cette dernière, rien n’indiquerait qu’elle ne coopérait pas, de sorte que les autres membres auraient tenté de la faire rentrer dans le rang.

78      Septièmement, la Commission ajoute qu’il ressort des notes de M. S. (FC), quant à sa discussion téléphonique du 22 décembre 1999 avec M. L. (Arkema France), que la requérante participait encore à des contacts illicites avec ses concurrents à la fin du mois de décembre 1999. De même, ces notes quant aux entretiens téléphoniques intervenus au cours du mois de janvier 2000, telles que résumées dans la décision attaquée, démontreraient que les membres de l’entente continuaient à coordonner leurs positions.

79      Enfin, huitièmement, la Commission précise que le fait que la requérante ne soit pas citée, dans l’annexe I de la décision attaquée, parmi les participants à la réunion illicite du 9 février 2000 résulte d’une erreur de plume, puisque, aux considérants 283 et 488 de la décision attaquée, elle a conclu à la présence de la requérante à cette réunion. Il importerait peu que la requérante n’ait pas entendu de déclaration d’EKA, en marge de la réunion officielle du CEFIC, quant à son refus de participer à toute nouvelle discussion avec les concurrents, puisque l’entente aurait pris fin à cette date. Au demeurant, le fait qu’elle indique ne pas avoir entendu cette déclaration constituerait un indice sérieux de sa participation à la réunion illicite du 9 février 2000.

80      Dans un troisième temps, la Commission conteste le bien-fondé des arguments développés par la requérante s’agissant des déclarations orales d’EKA.

81      Premièrement, au considérant 319 de la décision attaquée, la Commission aurait fait référence, de manière globale, aux déclarations d’EKA de 2003 et non pas aux trois passages retenus par la requérante dans sa requête, en fonction de ses intérêts.

82      S’agissant du premier passage retenu par la requérante, qui porte sur le marché espagnol, le comportement décrit comme susceptible d’être adopté par la requérante sur le marché français, en cas de perte de parts de marché en Espagne, ne correspondrait pas à un comportement normal sur le marché, mais constituerait une menace dans le cadre des accords collusoires, ce qui présupposerait manifestement un accord général sur les parts de marché. En outre, la Commission rappelle que, selon la jurisprudence, d’une part, le fait qu’une entreprise ne respecte pas, ponctuellement, ce qui a été convenu dans le cadre de l’entente n’est pas de nature à l’exonérer de sa responsabilité en l’absence de distanciation publique de sa part quant aux accords et, d’autre part, le fait qu’elle ait pu sciemment tromper les autres membres de l’entente ne la disculperait pas pour autant de la commission d’une infraction.

83      S’agissant du deuxième passage retenu par la requérante, qui porte sur le marché français, ce serait à tort que celle-ci soutient que la déclaration d’EKA repose sur une rumeur diffusée par cette dernière. En effet, le passage retenu, pris dans son ensemble, démontrerait qu’EKA avait connaissance de l’existence d’un arrangement bilatéral séparé sur le marché français.

84      S’agissant du troisième passage retenu par la requérante, qui porte sur le marché portugais, il ne serait pas mentionné dans la décision attaquée et n’incriminerait ni ne disculperait la requérante.

85      Deuxièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, les déclarations d’EKA de 2006 ne rectifieraient pas celles de 2003. L’objet des premières aurait été de confirmer en détail certaines déclarations antérieures. Elles concorderaient toutes avec celles de 2003, qui fournissaient de plus amples informations. La Commission constate qu’il ressort des déclarations d’EKA de 2006 que cette dernière a mentionné de nouveau la requérante parmi les parties à l’entente, a décrit en détail comment ces parties fixaient des objectifs de prix et divisaient le marché, a laissé entendre que la requérante y participait bien avant la date de début de sa participation retenue dans la décision attaquée et qu’elle aurait confirmé que la requérante prenait des mesures de représailles sur le marché français en réponse aux comportements de FC. Les déclarations d’EKA de 2006 ne contiendraient donc pas d’élément à décharge susceptible de profiter à la requérante.

86      Dans un quatrième temps, la Commission conteste que, en sanctionnant la requérante, elle ait violé le principe d’égalité de traitement. En effet, la requérante ne se trouverait pas dans une situation comparable à celle d’autres petits producteurs de chlorate de sodium. En particulier, d’une part, elle aurait reconnu sa participation à une réunion de l’entente et, d’autre part, contrairement aux autres petits producteurs, les autres membres de l’entente l’auraient identifiée comme membre de l’entente et, enfin, les notes contemporaines de l’infraction de M. S. (FC) permettraient de rapporter des faits à son endroit, ce qui ne serait pas le cas des autres petites entreprises. En tout état de cause, il ressortirait de la jurisprudence que la circonstance qu’un opérateur se trouve dans une situation semblable à celle d’un requérant, mais n’a fait l’objet d’aucune constatation d’infraction de la part de la Commission, ne permettrait pas d’écarter le constat de la participation de ce requérant à l’infraction retenue à son endroit, dès lors que celle-ci a été correctement établie.

87      La Commission estime que le faisceau d’indices invoqué permet ainsi de démontrer que la requérante a participé à l’infraction en cause et qu’il y a donc lieu de rejeter la première branche du premier moyen.

b)     Appréciation du Tribunal

88      Il ressort des écritures des parties qu’elles s’opposent, d’une part, sur l’identification des éléments de preuve retenus par la Commission dans la décision attaquée afin de démontrer la participation de la requérante à l’infraction en cause et, d’autre part, sur la valeur probante desdits éléments de preuve aux fins de conclure à ladite participation.

89      Premièrement, il convient de faire état de certaines considérations générales relatives à la preuve, deuxièmement, d’identifier les éléments de preuve retenus dans la décision attaquée s’agissant de la participation de la requérante à l’infraction en cause, troisièmement, d’en apprécier la valeur probante et, quatrièmement, sur le fondement de cette dernière appréciation, de se prononcer sur le caractère précis et concordant du faisceau d’indices invoqué par la Commission afin de démontrer la participation de la requérante à l’infraction en cause.

 Considérations générales relatives à la preuve

90      En ce qui concerne l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, il convient de rappeler que la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58, et du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 86).

91      De plus, dans le cadre d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 230 CE, il n’appartient au juge de l’Union que de contrôler la légalité de l’acte attaqué (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 174).

92      Ainsi, le rôle du juge saisi d’un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission constatant l’existence d’une infraction aux règles de concurrence et infligeant des amendes aux destinataires consiste à apprécier si les preuves et autres éléments invoqués par la Commission dans sa décision sont suffisants pour établir l’existence de l’infraction reprochée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit « PVC II », T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 891).

93      En outre, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, Rec. p. 207, point 265). Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêt du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 91 supra, point 177).

94      En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte de la présomption d’innocence, tel qu’elle résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, laquelle fait partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence de la Cour, par ailleurs réaffirmée par le préambule de l’Acte unique européen et par l’article 6, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne ainsi que par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1), sont protégés dans l’ordre juridique de l’Union. Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, la présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives aux violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (voir, en ce sens, Cour eur. D. H., arrêts Öztürk du 21 février 1984, série A n° 73, et Lutz du 25 août 1987, série A n° 123-A ; arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I-4287, points 149 et 150, et Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, points 175 et 176).

95      Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 20, et du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, point 127 ; arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T‑68/89, T‑77/89 et T‑78/89, Rec. p. II‑1403, points 193 à 195, 198 à 202, 205 à 210, 220 à 232, 249, 250 et 322 à 328, et du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, points 43 et 72).

96      Toutefois, il importe de souligner que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir, en ce sens, arrêt PVC II, point 92 supra, points 768 à 778, en particulier le point 777, confirmé sur cette question précise par la Cour, sur pourvoi, dans son arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I-8375, points 513 à 523).

97      En outre, compte tenu du caractère notoire de l’interdiction des accords anticoncurrentiels, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Les éléments fragmentaires et épars dont pourrait disposer la Commission devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes. L’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut donc être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 55 à 57 et arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, Rec. p. II‑3567, points 64 et 65).

98      En ce qui concerne les moyens de preuve qui peuvent être invoqués pour établir l’infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 72).

99      Par conséquent, l’éventuelle absence de preuves documentaires est uniquement pertinente dans le cadre de l’appréciation globale de la valeur probante du faisceau de preuves présenté par la Commission. En revanche, à elle seule, elle n’a pas pour conséquence que l’entreprise concernée puisse valablement mettre en cause les allégations de la Commission en présentant une explication autre des faits de l’espèce. Tel est seulement le cas lorsque les preuves présentées par la Commission ne permettent pas d’établir l’existence de l’infraction sans équivoque et sans qu’une interprétation soit nécessaire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Coats Holdings et Coats/Commission, T‑36/05, non publié au Recueil, point 74).

100    Par ailleurs, aucune disposition ni aucun principe général du droit de l’Union n’interdit à la Commission de se prévaloir, à l’encontre d’une entreprise, des déclarations d’autres entreprises incriminées. Si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec sa mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions (voir, par analogie, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 91 supra, point 192).

101    Toutefois, la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve, étant entendu que le degré de corroboration requis peut être moindre, du fait de la fiabilité des déclarations en cause (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 91 supra, points 219 et 220).

102    Quant à la valeur probante des différents éléments de preuve, le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité (arrêt Dalmine/Commission, point 98 supra, point 72).

103    Selon les règles générales en matière de preuve, la crédibilité et, partant, la valeur probante, d’un document dépend de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et du caractère sensé et fiable de son contenu (arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, points 1053 et 1838).

104    Quant aux déclarations, une valeur probante particulièrement élevée peut, par ailleurs, être reconnue à celles qui, premièrement, sont fiables, deuxièmement, sont faites au nom d’une entreprise, troisièmement, proviennent d’une personne tenue à l’obligation professionnelle d’agir dans l’intérêt de cette entreprise, quatrièmement, vont à l’encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement, proviennent d’un témoin direct des circonstances qu’elles rapportent et, sixièmement, ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 91 supra, points 205 à 210).

105    En outre, bien qu’une certaine méfiance à l’égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, étant donné la possibilité, en l’espèce, que ces participants aient tendance à minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et de maximiser celle des autres, il n’en reste pas moins que le fait de demander à bénéficier de l’application de la communication sur la coopération en vue d’obtenir une immunité ou une réduction de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés en ce qui concerne la participation des autres membres de l’entente incriminée. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 70).

106    Il convient encore d’observer, à cet égard, que les conséquences potentielles de la communication à la Commission d’éléments déformés sont d’autant plus graves que la déclaration contestée d’une entreprise doit être étayée par d’autres éléments de preuve, ainsi qu’il ressort du point 101 ci‑dessus. En effet, cette circonstance augmente le risque que des déclarations inexactes soient identifiées, tant par la Commission que par les autres entreprises inculpées d’avoir participé à l’infraction.

107    La jurisprudence précitée est applicable, par analogie, à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE.

 Éléments de preuve retenus dans la décision attaquée s’agissant de la participation de la requérante à l’infraction en cause

–       Observations liminaires

108    À la lumière de la jurisprudence rappelée au point 92 ci-dessus, il y a lieu de considérer que, dans la mesure où il appartient au Tribunal d’apprécier si les preuves et les autres éléments invoqués par la Commission dans la décision attaquée sont suffisants pour établir l’existence d’une infraction imputée à la requérante, il lui incombe tout autant, au terme d’un examen détaillé des motifs de la décision attaquée, d’identifier les éléments de preuve retenus par la Commission afin de démontrer la participation de la requérante à l’infraction en cause.

109    À ce titre, il convient de rappeler que la procédure administrative prévue par le règlement n° 1/2003, qui se déroule devant la Commission, se subdivise en deux phases distinctes et successives dont chacune répond à une logique interne propre, à savoir une phase d’instruction préliminaire, d’une part, et une phase contradictoire, d’autre part. La phase d’instruction préliminaire, durant laquelle la Commission fait usage des pouvoirs d’instruction prévus par le règlement n° 1/2003, et qui s’étend jusqu’à la communication des griefs, est destinée à permettre à la Commission de rassembler tous les éléments pertinents confirmant ou non l’existence d’une infraction aux règles de concurrence et de prendre une première position sur l’orientation ainsi que sur la suite ultérieure à réserver à la procédure. En revanche, la phase contradictoire, qui s’étend de la communication des griefs à l’adoption de la décision finale, doit permettre à la Commission de se prononcer définitivement sur l’infraction reprochée (voir, par analogie, arrêts de la Cour Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 96 supra, point 183, et du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, Rec. p. I‑8725, point 38).

110    Il ressort de la jurisprudence rappelée au point 109 ci-dessus que la recherche, aux fins de l’identification par le Tribunal desdits éléments de preuve, ne peut porter que sur la partie des motifs de la décision attaquée dans lesquels la Commission décrit la phase contradictoire de la procédure administrative. En effet, ce n’est qu’après avoir recueilli, dans le cadre de cette dernière phase, les observations de la requérante sur la première position dégagée par la Commission au terme de la phase d’instruction préliminaire, telle que rapportée dans la communication des griefs, que la Commission peut décider de maintenir ou non ladite première position et ainsi se prononcer définitivement sur l’infraction reprochée.

111    À ce titre, en l’espèce, il y a lieu de constater que le point 5.4.1.1 de la décision attaquée, intitulée « Appréciation et conclusion de la Commission » (considérants 347 à 360 de la décision attaquée), figure sous le titre « 5. Application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE », dont la subdivision 5.3.2, qui porte sur la nature de l’infraction, est suivie d’une partie 5.4 consacrée aux « [a]rguments présentés par les parties en réponse aux faits et à l’appréciation de la Commission exposés dans la communication des griefs ». La partie 5.4 contient une subdivision 5.4.1, qui expose sommairement les « [a]rguments avancés par [la requérante] ». Cette dernière subdivision contient elle-même un premier et unique point, à savoir le point 5.4.1.1, intitulé « Appréciation et conclusion de la Commission ». Ce point n’est pas suivi d’un point 5.4.1.2, mais directement d’une subdivision 5.4.2, portant le titre « Arguments avancés par Uralita ».

112    Par conséquent, les appréciations de la Commission figurant dans le point 5.4.1.1 portent exclusivement sur les observations de la requérante en réponse à la communication des griefs. En outre, il y a lieu de considérer que les conclusions tirées dans ce point 5.4.1.1 constituent, au terme de la phase contradictoire de la procédure administrative, les conclusions finales de la Commission s’agissant de la participation de la requérante à l’infraction en cause.

113    Il ressort des considérations qui précèdent ainsi que de la jurisprudence rappelée au point 109 ci-dessus que tout renvoi direct, voire indirect, dans le point 5.4.1.1, à des considérants de la décision qui précèdent ceux qui figurent dans ce point, à savoir les considérants 347 à 360, est susceptible de permettre à la Commission de reprendre, à ce stade de l’exposé des motifs dans la décision attaquée, à savoir celui de la phase contradictoire, des éléments de preuve exposés auparavant dans ladite décision. En revanche, en l’absence d’un renvoi direct ou indirect, dans le point 5.4.1.1, à des éléments de preuve visés dans d’autres considérants que ceux qu’il contient, il conviendra de considérer que la Commission, au terme de la procédure contradictoire qu’elle a menée concernant les faits susceptibles d’être attribués à la requérante, a finalement décidé de ne pas les retenir dans le cadre de la démonstration de sa participation à l’infraction en cause. Enfin, lorsque, après avoir recueilli les observations d’une entreprise sur la communication des griefs, la Commission, dans son appréciation des éléments de preuve dont elle disposait au terme de la phase d’instruction préliminaire afin de se prononcer sur la participation de ladite entreprise à une infraction, remet elle-même en cause la valeur probante desdits éléments de preuve, le Tribunal ne peut que tenir compte de cette appréciation de la Commission.

114    C’est à la lumière de ces observations liminaires qu’il y a lieu d’identifier les éléments que, en l’espèce, la Commission a décidé, au terme de la procédure contradictoire, de retenir afin de démontrer que la requérante avait participé à l’infraction en cause et qui, partant, sont contenus dans le faisceau d’indices invoqué par la Commission.

115    À cet égard, il convient de relever que les parties s’accordent sur le fait que, dans la décision attaquée, le faisceau d’indices invoqué par la Commission afin de démontrer la participation de la requérante à l’infraction en cause repose sur trois types de preuves, à savoir :

–        l’aveu de la requérante quant à sa participation à la réunion illicite du 28 janvier 1998 ;

–        les notes de M. S. (FC) et

–        les déclarations d’autres membres de l’entente.

116    En revanche, les parties s’opposent, notamment au regard des termes du considérant 352 de la décision attaquée, quant à la valeur probante desdites preuves aux fins d’apprécier si la requérante a participé à l’infraction en cause.

–       Éléments de preuve initialement retenus par la Commission, dans la décision attaquée, au stade de la phase préliminaire de la procédure administrative

117    Il ressort d’un examen détaillé des motifs de la décision attaquée figurant dans la partie 4.3, consacrée à l’historique de l’entente, pour autant qu’elle porte sur la période de la participation alléguée de la requérante à l’infraction en cause, à savoir du 16 décembre 1996 au 9 février 2000, que le nom de la requérante, ou celui d’un membre de son personnel, est identifié de manière directe ou indirecte en rapport avec vingt et un évènements rapportés par la Commission (ci-après les « 21 évènements »).

118    À la lumière des observations formulées au point 110 ci-dessus, il convient d’examiner lesquels de ces 21 évènements la Commission a, dans le point 5.4.1.1, décidé de retenir à la fin de la phase contradictoire de la procédure administrative, afin de démontrer, à travers un faisceau d’indices, la participation de la requérante à l’infraction en cause.

119    À ce titre, après avoir identifié les éléments de preuve expressément retenus dans le point 5.4.1.1, il conviendra, afin d’identifier si la Commission a implicitement visé d’autres éléments de preuve à l’appui de ses conclusions quant à la participation de la requérante à l’infraction en cause, d’interpréter les termes du considérant 352 de la décision attaquée.

–       Éléments de preuve expressément retenus par la Commission, dans la décision attaquée, au terme de la phase contradictoire de la procédure administrative

120    Il ressort des motifs exposés dans le point 5.4.1.1 de la décision attaquée, dans lequel la Commission rapporte les appréciations et les conclusions qu’elle a tirées au terme de la phase contradictoire de la procédure administrative, à savoir les considérants 347 à 360 de ladite décision, que la Commission a expressément visé, de manière directe ou indirecte, cinq évènements, parmi les 21 évènements initialement retenus dans le cadre de la procédure préliminaire de la procédure administrative, comme démontrant la participation de la requérante à l’infraction en cause, à savoir :

–        notamment au considérant 349 de la décision attaquée, en citant les notes de M. S. (FC), l’entretien téléphonique du 16 décembre 1996 entre MM. S. (FC) et S. (EKA), initialement visé au considérant 130 de la décision attaquée ;

–        aux considérants 350 et 356 de la décision attaquée, en renvoyant aux déclarations orales recueillies, la réunion de Turku du 14 octobre 1997, initialement visée aux considérants 162 à 164 de la décision attaquée ;

–        aux considérants 350 et 356 de la décision attaquée, en visant, d’une part, l’aveu de la requérante et, d’autre part, par un renvoi aux considérants 182 et 184 de la décision attaquée, les notes de M. S. (FC), la réunion illicite du 28 janvier 1998, initialement visée aux considérants 182 à 186 de la décision attaquée ;

–        notamment au considérant 349, en citant les notes de M. S. (FC), l’entretien téléphonique du 4 décembre 1998, initialement visé au considérant 219 de la décision attaquée ;

–        et, enfin, aux considérants 347 et 349, en citant les notes de M. S. (FC), l’entretien téléphonique du 9 décembre 1999, initialement visé au considérant 258 de la décision attaquée.

121    Il convient de déterminer si la Commission a implicitement visé, dans le point 5.4.1.1 de la décision attaquée, d’autres évènements susceptibles de démontrer la participation de la requérante à l’infraction en cause et, à cette fin, d’interpréter les termes du considérant 352 de la décision attaquée.

–       Interprétation du considérant 352 de la décision attaquée

122    Ainsi que cela ressort des écritures des parties, l’interprétation du considérant 352 de la décision attaquée est déterminante aux fins de l’identification d’autres éléments de preuve que ceux expressément visés par la Commission dans le point 5.4.1.1 de la décision attaquée qui auraient été retenus par la Commission afin de démontrer la participation de la requérante à l’infraction en cause.

123    En effet, selon la requérante, au considérant 352 de la décision attaquée, la Commission a écarté toute référence aux notes de M. S. (FC) autre que les trois références retenues au considérant 349 de ladite décision. La Commission conteste cette interprétation.

124    Lors de l’audience, en réponse aux questions posées par le Tribunal au sujet de l’interprétation qu’il y avait lieu de retenir des termes du considérant 352 de la décision attaquée, la Commission a notamment indiqué ce qui suit.

125    Premièrement, audit considérant, elle aurait distingué entre, d’une part, les trois références aux notes de M. S. (FC) expressément visées au considérant 349 de la décision attaquée et, d’autre part, les autres éléments de preuve retenus contre la requérante.

126    S’agissant des trois références aux notes de M. S. (FC) expressément visées au considérant 349 de la décision attaquée, qui renvoient aux trois évènements décrits aux considérants 130, 219 et 258 de ladite décision, la Commission a insisté sur le fait qu’elles constituaient des éléments de preuve particulièrement probants, dès lors qu’ils permettaient de constater des contacts directs entre des membres de l’entente et la requérante.

127    S’agissant des autres éléments de preuve retenus contre la requérante, ils ne proviendraient certes pas directement de cette dernière. Néanmoins, ils n’auraient pas pour autant, au regard de la jurisprudence, été écartés du faisceau d’indices retenu par la Commission aux fins de démontrer que la requérante avait participé à l’infraction en cause.

128    Deuxièmement, la Commission a indiqué que la formule « Dans les autres cas où il est fait référence à [la requérante] dans la […] décision [attaquée] », qui introduit le considérant 352 de cette dernière, devait être interprétée comme renvoyant aux références faites à la requérante figurant aux considérants 220, 256, 305 et 319 ainsi qu’aux autres considérants visés dans les considérants 305 et 319.

129    Troisièmement, s’agissant de la portée des deuxième et troisième phrases du considérant 352 de la décision attaquée, en ce qu’il y est fait état d’insuffisances du dossier de la Commission et qu’il en serait tenu compte concernant la durée de l’infraction, la Commission a indiqué que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, elle disposait de suffisamment de preuves pour prouver la durée de la participation de la requérante à l’infraction en cause, à savoir entre le mois de décembre 1996 et le mois de février 2000. À ce sujet, elle a précisé que, bien qu’elle disposât d’autres éléments de preuve susceptibles d’établir une telle participation en 1994, 1995 et au début de l’année 1996, elle avait décidé de ne retenir que les meilleures preuves dont elle disposait, à savoir les « trois références » ou encore « ces trois passages », le premier étant « l’appel du 16 décembre 1996 ».

130    Au regard des arguments des parties exposés dans leurs écritures ainsi que lors de l’audience, il convient tout d’abord de constater que, parmi les 21 évènements visés au point 117 ci-dessus, 19 évènements sont rapportés sur le fondement des notes de M. S. (FC).

131    Ensuite, sur ces 19 évènements tirés des notes de M. S. (FC), trois sont, ainsi qu’il a été relevé au point 120 ci-dessus et indiqué par la Commission à l’audience, expressément visés au considérant 349 de la décision attaquée. À leur égard, les parties s’accordent à considérer que ces trois références ne font pas partie des « autres cas où il est fait référence à [la requérante] dans la [décision attaquée] », au sens du considérant 352 de ladite décision.

132    Enfin, ainsi que cela ressort du point 120 ci-dessus, les notes de M. S. (FC), en ce qu’elles portent sur la réunion illicite du 28 janvier 1998, sont expressément visées, dans le point 5.4.1.1, aux considérants 350 et 356 de la décision attaquée par un renvoi aux considérants 182 et 184 de ladite décision. Dès lors, cette quatrième référence tirée des notes de M. S. (FC) ne saurait non plus faire partie des « autres cas où il est fait référence à [la requérante] dans la […] décision [attaquée] », au sens du considérant 352 de cette dernière.

133    En revanche, il convient de constater que les quinze autres évènements tirés des notes de M. S. (FC) [ci-après les « 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC) »] ne sont pas expressément visés dans le point 5.4.1.1 de la décision attaquée.

134    En effet, en premier lieu, s’agissant de l’explication donnée par la Commission selon laquelle la formule « Dans les autres cas où il est fait référence à [la requérante] dans la […] décision [attaquée] », qui introduit le considérant 352 de ladite décision, renverrait aux considérants 220, 256, 305 et 319 de la décision attaquée ainsi qu’aux autres considérants visés dans lesdits considérants 305 et 319 (à savoir les considérants 130, 150, 184, 219, 229, 256 et 258), il y a, certes, lieu de reconnaître que cette interprétation est plausible dans la mesure où les considérants 305 et 319 de la décision attaquée visent notamment quatre autres considérants de ladite décision rapportant la teneur des notes de M. S. (FC) au sujet de quatre évènements, à savoir ceux visés aux considérants 150, 220, 229 et 256 de la décision attaquée. Toutefois, une telle explication est, aux fins d’interpréter la formule « Dans les autres cas où il est fait référence à [la requérante] dans la […] décision [attaquée] », soit incomplète, dans la mesure où elle ne vise que quatre des 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC), soit dépourvue de pertinence, lorsque, auxdits considérants 305 et 319, il est également renvoyé aux considérants 130, 184, 219 et 258 de la décision attaquée, qui constituent, pour trois d’entre eux, les trois références expresses à la requérante tirées des notes de M. S. (FC), visées au considérant 349, ou qui, s’agissant du considérant 184 de la décision attaquée, rapportent la teneur des notes de M. S. (FC) quant à la réunion illicite du 28 janvier 1998, à laquelle la requérante a explicitement reconnu avoir participé, à tout le moins partiellement. Partant, l’explication donnée par la Commission, dont il découle que la formule susmentionnée renverrait aux seuls considérants 130, 150, 184, 219, 220, 229, 256, 258, 305 et 319 de la décision attaquée, étant pour partie incomplète et pour partie dépourvue de pertinence, ne saurait être retenue par le Tribunal.

135    Par conséquent, il y a lieu de considérer que la seule interprétation qu’il y a lieu de retenir de la formule « Dans les autres cas où il est fait référence à [la requérante] dans la […] décision [attaquée] », qui introduit le considérant 352 de cette dernière, est celle selon laquelle ladite formule renvoie aux 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC).

136    En deuxième lieu, il convient de constater qu’il ressort des termes mêmes de la seconde partie de cette première phrase du considérant 352 de la décision attaquée que la Commission s’accorde également avec la requérante sur l’origine probablement indirecte, par rapport à cette dernière, des informations contenues dans les 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC). En effet, selon les termes mêmes de cette seconde partie, « la Commission accepte l’argument de la société selon lequel les informations peuvent émaner de tiers plutôt que de l’intéressée elle-même ». Partant, force est de constater qu’elle accueille explicitement l’argument de la requérante, tel que rapporté au considérant 345 de la décision attaquée (dans la subdivision 5.4.1, intitulée « Arguments avancés par [la requérante] ») et initialement exposé au point 44 de sa réponse à la communication des griefs.

137    Sur ce dernier point, les termes explicites de cette seconde partie de la première phrase du considérant 352 de la décision attaquée s’avèrent déterminants dans le cas d’espèce, dès lors qu’ils interviennent au stade de la phase contradictoire de la procédure administrative, phase qui, ainsi que rappelé au point 109 ci-dessus, permet à la Commission de se prononcer définitivement sur l’infraction reprochée et qui clôture ladite procédure, en l’espèce en faveur d’un argument de la requérante exposé dans sa réponse à la communication des griefs.

138    En troisième lieu, il convient de constater que la deuxième phrase du considérant 352 de la décision attaquée vient confirmer cette dernière appréciation quant à la portée de la première phrase. En effet, la Commission y indique de manière tout aussi explicite que son dossier ne contenait « pas suffisamment d’éléments de preuve permettant d’établir de manière certaine que les informations en cause », à savoir donc les 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC), « provenaient directement de la requérante ». Dès lors, il convient de considérer que, par ce constat, la Commission indique que les éléments de preuve figurant dans son dossier ne lui permettaient pas d’étayer à suffisance de droit les 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC).

139    Ce constat s’avère, du reste, pour partie confirmé par la description que fait la Commission de son approche, rapportée au point 129 ci-dessus, quant aux éléments de preuve dont elle disposait. En effet, la Commission y indique expressément avoir finalement décidé de limiter la période infractionnelle de la requérante en fonction desdits éléments, en s’en tenant aux meilleures preuves dont elle disposait, à savoir les trois références, dont la première porte sur l’entretien téléphonique du 16 décembre 1996, c’est-à-dire, plus précisément et manifestement, les trois références visées expressément au considérant 349 de la décision attaquée.

140    Ainsi, la Commission reconnaît qu’elle ne pouvait pas, contrairement à ce qu’elle a fait s’agissant de ces trois dernières références et des notes de M. S. (FC) au sujet de la réunion illicite du 28 janvier 1998, retenir ces 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC) pour démontrer la participation de la requérante à l’infraction en cause.

141    Partant, il convient de constater que, au considérant 352 de la décision attaquée, la Commission a elle-même émis des doutes quant à la crédibilité des 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC), afin d’imputer la participation de la requérante à l’infraction en cause.

142    En quatrième lieu, il convient de constater que cette dernière considération se trouve confirmée au regard des termes de la troisième phrase du considérant 352 de la décision attaquée, dans laquelle la Commission tire elle-même, de manière tout à fait claire, les conséquences de ses propres constatations quant à l’absence de crédibilité des 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC), afin de démontrer la participation de la requérante à l’infraction en cause. C’est ainsi que la Commission déclare qu’« [i]l en sera tenu compte au niveau de la durée de l’infraction dont [la requérante] doit répondre ». Une telle conclusion fait apparaître de manière manifeste que la Commission a considéré que, au regard des éléments de preuve figurant dans son dossier, les 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC) ne constituaient pas des éléments suffisamment crédibles pour démontrer que la requérante avait participé à l’infraction en cause.

143    Cette appréciation ne saurait être modifiée au regard des explications fournies par la Commission lors de l’audience, en réponse aux questions posées par le Tribunal, quant à la signification à retenir selon elle de la troisième phrase du considérant 352 de la décision attaquée. À cette occasion, la Commission a suggéré de considérer que la dernière phrase du considérant 352 de la décision attaquée, à savoir qu’« Il en sera tenu compte au niveau de la durée de l’infraction dont [la requérante] doit répondre », a effectivement été suivie d’effets, puisqu’elle n’aurait pas retenu les preuves dont elle disposait quant à la période antérieure au 16 décembre 1996 afin de caractériser la participation de la requérante à l’infraction entre 1994 et le début de l’année 1996.

144    Une telle interprétation, qui implique que les éléments de preuve écartés aux termes du considérant 352 de la décision attaquée se rapportaient à une période antérieure au 16 décembre 1996, ne saurait être retenue, et ce pour les deux raisons suivantes.

145    Premièrement, force est de constater qu’aucun des considérants visés aux considérants 305 et 319 de la décision attaquée et auxquels renvoie la Commission afin d’interpréter la formule « Dans les autres cas où il est fait référence à [la requérante] dans la […] décision [attaquée] » ne concerne un évènement intervenu avant la date à laquelle la participation de la requérante à l’infraction en cause a, selon la Commission, débuté, soit le 16 décembre 1996. Or, il ressort de l’ensemble des considérations exposées par la Commission au considérant 352 de la décision attaquée que ce sont bien les insuffisances du dossier de la Commission quant aux « autres cas où il est fait référence à [la requérante] dans [ladite décision] » qui l’ont amenée à indiquer que lesdites insuffisances seraient prises « en compte au niveau de la durée de l’infraction dont [la requérante devait] répondre. »

146    Deuxièmement, cette interprétation vient contredire l’approche que la Commission a décrite en dernier lieu à l’audience et qui est rappelée, notamment, au point 139 ci-dessus.

147    Ainsi, il ressort du caractère clair des termes retenus par la Commission au considérant 352 de la décision attaquée que, à ce stade des motifs consacrés, en vertu de l’intitulé même du point 5.4.1.1, à l’appréciation et aux conclusions de la Commission quant aux observations de la requérante, motifs qui viennent clôturer la phase contradictoire de la procédure administrative, elle avait décidé d’écarter ces 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC) des éléments de preuve pouvant être retenus contre la requérante.

148    En cinquième lieu, il convient d’ajouter que, contrairement à ce que prétend la Commission, à aucun moment, ni dans ce considérant 352 de la décision attaquée, ni même dans les autres considérants du point 5.4.1.1, la Commission n’indique qu’elle considérait, nonobstant ce manque de crédibilité des 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC), qu’elles faisaient partie du faisceau d’indices qu’elle avait invoqué afin de démontrer la participation de la requérante à l’infraction en cause.

149    Tout au contraire, il ressort du contexte général des motifs du point 5.4.1.1 que, dans un premier temps, aux considérants 349 à 351 de la décision attaquée, ainsi qu’il a été relevé au point 131 ci-dessus, la Commission a distingué, d’une part, les trois références visées au considérant 349 de la décision attaquée et celles qui se rapportent à la réunion illicite du 28 janvier 1998 et, d’autre part, les 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC). De même, au considérant 351 de la décision attaquée, il convient de constater que la Commission commente les réactions de la requérante concernant les trois références visées au considérant 349 de ladite décision.

150    Puis, dans un second temps, au considérant 352 de la décision attaquée, la Commission a renvoyé de manière tout à fait explicite aux « autres cas où il est fait référence à [la requérante] […] », c’est-à-dire aux 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC), de sorte qu’il ressort de ces termes, qui débutent la première phrase dudit considérant, une volonté explicite de la part de la Commission d’identifier une autre catégorie de références à la requérante dans les notes de M. S. (FC). Du reste, il convient de noter que, dans ses écritures, la Commission a indiqué qu’elle ne contestait pas avoir catégorisé les références tirées des notes de M. S. (FC) « en fonction de leur valeur probante » (voir point 67 ci-dessus). Elle confirme, dans ces mêmes écritures, ainsi qu’il a été exposé au point 147 ci-dessus, que les 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC), que celles visées au considérant 349 de la décision attaquée, ont été écartées, dès lors qu’elles étaient insuffisantes pour démontrer son comportement collusoire.

151    Pourtant, la Commission estime que, nonobstant ce manque de crédibilité des 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC), elle aurait pu les retenir dans le cadre du faisceau d’indices qu’elle a invoqué.

152    Premièrement, à l’appui de cette prétention, la Commission a notamment renvoyé, lors de l’audience, aux considérants 305 et 319 de la décision attaquée, où les autres extraits des notes de M. S. (FC) seraient expressément signalés en tant qu’éléments de preuve à l’encontre de la requérante.

153    Un tel argument ne saurait prospérer, alors que lesdits considérants 305 et 319 de la décision attaquée précèdent les observations de la requérante sur la communication des griefs (subdivision 5.4.1) et que, au considérant 352 de la décision attaquée, en réponse auxdites observations de la requérante, la Commission, ainsi qu’elle le confirme dans ses écritures, reconnaît qu’elle ne pouvait pas retenir ces 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC) pour démontrer la participation de la requérante à l’infraction en cause. Ainsi, il convient de constater que les termes du considérant 352 de ladite décision ne laissent place à aucun doute quant au sort que la Commission a réservé, au terme de la procédure administrative contradictoire, à ces autres références.

154    Deuxièmement, la Commission fait observer que, aux considérants 357 et 358 de la décision attaquée, elle fonde de manière générale ses griefs contre la requérante sur les notes de M. S. (FC) et ne se limite pas aux trois références visées au considérant 349 de ladite décision.

155    À cet égard, tout d’abord, s’agissant du considérant 357 de la décision attaquée, il convient de constater qu’il y est effectivement fait expressément référence aux notes de M. S. (FC). Toutefois, une telle référence ne saurait permettre de considérer que la Commission y visait l’ensemble des 19 références faites à la requérante dans les notes de M. S. (FC). En effet, au regard de la conclusion tirée par la Commission au considérant 352 de la décision attaquée, un tel renvoi général ne satisfait pas aux exigences de précision requises, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 96 ci-dessus, s’agissant du faisceau d’indices invoqué par la Commission. Cela est d’autant plus le cas en l’espèce que les notes de M. S. (FC) représentent une part notoire des éléments de preuve retenus par la Commission contre la requérante, à savoir 19 des 21 évènements à l’occasion desquels la requérante a été citée nommément. En tout état de cause, retenir cet argument de la Commission quant au renvoi aux notes de M. S. (FC) qu’elle a effectué au considérant 357 de la décision attaquée entraînerait une incohérence insurmontable entre ces deux considérants et les termes clairs du considérant 352 de ladite décision.

156    Par conséquent, il convient de considérer que le renvoi, au considérant 357 de la décision attaquée, aux notes de M. S. (FC) ne porte que sur les trois références visées au considérant 349 de ladite décision et sur les notes de M. S. (FC) concernant la réunion illicite du 28 janvier 1998.

157    Ensuite, s’agissant du considérant 358 de la décision attaquée, la Commission y renvoie, de manière abstraite et générale, à l’ensemble des « preuves documentaires contemporaines des faits (visées à la subdivision 4.3) ». Or, il ressort des 21 évènements visés au point 117 ci-dessus que, au cours de la période d’infraction retenue par la Commission à l’encontre de la requérante, seules les notes de M. S. (FC) constituaient de telles preuves contemporaines visant expressément, de manière directe ou indirecte, la requérante. En effet, il convient de relever que les passages des notes de M. W. (EKA) retenus par la Commission aux considérants 162 à 164 de la décision attaquée, au sujet de la réunion de Turku du 14 octobre 1997, ne visent en aucune manière la requérante. Partant, au même titre que le renvoi aux notes de M. S. (FC) effectué au considérant 357 de la décision attaquée, il y a lieu de considérer qu’un tel renvoi aux notes de M. S. (FC), de par son caractère abstrait et général, ne permet pas de considérer, comme le prétend la Commission, qu’elle a ainsi retenu l’ensemble des références tirées desdites notes, y compris les 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC) qu’elle a pourtant écartées au considérant 352 de la décision attaquée, aux fins de démontrer la participation de la requérante à l’infraction en cause. En tout état de cause, pour les mêmes raisons que celles exposées au sujet du considérant 357 de la décision attaquée, si l’argument de la Commission devait être retenu, il en résulterait une incohérence insurmontable entre les conclusions qu’elle a tirées audit considérant 352 de la décision attaquée et les autres motifs exposés dans le point 5.4.1.1 de ladite décision.

158    Par conséquent, il convient de considérer que le renvoi, au considérant 358 de la décision attaquée, à l’ensemble des « preuves documentaires contemporaines des faits (visées à la subdivision 4.3) » ne porte que sur les trois références visées au considérant 349 de cette même décision et sur les notes de M. S. (FC) concernant la réunion illicite du 28 janvier 1998.

159    Enfin, troisièmement, la Commission fait valoir qu’il ressort de la jurisprudence que le fait que l’information soit indirectement rapportée ou qu’elle ait une portée secondaire n’aurait aucune incidence quant à la possibilité de l’utiliser comme élément de preuve. Néanmoins, en l’espèce, ainsi que cela ressort tant des termes clairs du considérant 352 de la décision attaquée que des écritures de la Commission elle-même, cette dernière avait, au stade de la phase contradictoire de la procédure administrative, décidé d’écarter, sans aucune réserve, ces 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC).

160    Partant, dans la mesure où, au considérant 352 de la décision attaquée, la Commission a non seulement, dans les deux premières phrases dudit considérant, reconnu la faible valeur probante des 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC), mais surtout a conclu, dans la troisième phrase du même considérant, qu’elle ne pouvait retenir lesdites références dans les notes de M. S. (FC) pour démontrer la participation de la requérante à l’infraction en cause, il convient de considérer qu’il lui appartenait d’indiquer explicitement, si telle était son intention ensuite, qu’elle considérait néanmoins que les mêmes références pouvaient être retenues dans le cadre du faisceau d’indices.

161    Or, à aucun moment, entre les considérants 353 et 356 de la décision attaquée, la Commission ne procède à une telle réintégration, dans le faisceau d’indices, des 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC), pour démontrer la participation de la requérante à l’infraction en cause.

162    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à juste titre qu’il est soutenu que, au considérant 352 de la décision attaquée, la Commission a décidé d’écarter les 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC) des éléments à charge contre elle, et ce y compris s’agissant du faisceau d’indices invoqué par la Commission.

–       Conclusion quant à l’identification des éléments de preuve retenus à l’encontre de la requérante, au titre de sa prétendue participation à l’infraction en cause

163    En premier lieu, force est de relever, premièrement, que, à aucun endroit du point 5.4.1.1 de la décision attaquée, la Commission ne mentionne la date du 9 février 2000 comme marquant la fin de la participation de la requérante à l’infraction en cause. Pas plus n’y rapporte-t-elle un quelconque début de preuve quant à la détermination de la date de fin de la participation de la requérante à l’infraction en cause.

164    Deuxièmement, en réponse aux arguments de la requérante à ce sujet (voir point 57 ci-dessus), la Commission fait valoir qu’il importe peu que la requérante n’ait pas entendu de déclaration d’EKA, en marge de la réunion officielle du CEFIC du 9 février 2000, puisque l’entente a pris fin à cette date. En tout état de cause, selon elle, le fait que la requérante indique ne pas avoir entendu cette déclaration constituerait un indice sérieux de sa participation à la réunion illicite du 9 février 2000.

165    Cependant, il y a tout d’abord lieu de constater que cette argumentation de la Commission, qui vise à relativiser l’importance de la détermination de la date de fin de la prétendue participation de la requérante à l’infraction en cause, ne saurait prospérer. En effet, il convient de rappeler que la durée d’une infraction, qui implique que soit connue la date finale de celle-ci, constitue l’un des éléments essentiels de l’infraction, dont la charge de la preuve incombe à la Commission (arrêt Peróxidos Orgánicos/Commission, point 105 supra, point 52). Partant, il incombait à la Commission, dans le cas d’espèce, de rapporter la preuve de la participation de la requérante à la réunion illicite du 9 février 2000.

166    Par ailleurs, la détermination par la Commission de la date finale de la prétendue participation de la requérante à l’infraction en cause était d’autant plus nécessaire en l’espèce qu’il ressort des points 48 et 49 des observations de la requérante sur la communication des griefs ainsi que de ses écritures dans la présente affaire que la requérante avait expressément contesté avoir participé à la réunion illicite du 9 février 2000. Partant, il y a lieu de constater que la Commission a omis d’exposer, dans le point 5.4.1.1, dans lequel elle devait apprécier les observations de la requérante sur la communication des griefs et, finalement, tirer les conclusions de la procédure administrative en cause, les raisons pour lesquelles elle a finalement considéré, nonobstant les observations de la requérante, que cette dernière avait participé à la réunion illicite du 9 février 2000.

167    Troisièmement et en tout état de cause, il y a lieu de relever que ce n’est finalement, ainsi que la Commission le reconnaît elle-même, qu’au considérant 488 de la décision attaquée, qui figure dans la partie 7.1, intitulée « Dates de début et de fin », sous le titre « 7. Durée de l’infraction », qu’elle prétend avoir déterminé, en renvoyant notamment au considérant 283 de la décision attaquée, qui figure dans la partie 4.3 sur l’historique de l’entente, la date de fin de la participation des membres de l’entente à l’infraction et tire ses conclusions à ce sujet.

168    Tant dans le considérant 488 de la décision attaquée que dans le considérant 283, auquel il renvoie, la Commission vise la date du 9 février 2000 comme étant celle d’une réunion illicite des membres du cartel en marge de la réunion officielle du CEFIC du même jour à Bruxelles. Or, il convient de relever le caractère ambigu et contradictoire des motifs ainsi exposés par la Commission afin de retenir la date du 9 février 2000 comme marquant la fin de la période d’infraction en ce qui concerne la requérante.

169    C’est ainsi que, au considérant 283 de la décision attaquée, la Commission indique que, le 9 février 2000, s’est tenue, à Bruxelles, une réunion officielle du CEFIC, réunion à laquelle la requérante a participé. Il ressort du même considérant que ce serait en marge de cette réunion que M. S. (EKA) aurait informé « ses homologues qu’il refusait de participer à toute nouvelle discussion avec les concurrents ». Ainsi, force est de constater que, si la Commission indique clairement, au considérant 283 de la décision attaquée, que la participation à la réunion officielle du CEFIC d’EKA, d’Arkema France et de la requérante ressort des éléments de son dossier, en revanche, elle ne fait état d’aucun élément de preuve de la participation de la requérante à la réunion illicite du 9 février 2000, au cours de laquelle M. S. (EKA) aurait fait sa déclaration au nom d’EKA. Au demeurant, audit considérant 283 de la décision attaquée, la Commission n’identifie même pas la tenue d’une réunion illicite en marge de celle, officielle, du CEFIC du 9 février 2000. En effet, elle se contente de faire état d’une déclaration au nom d’EKA « en marge de la réunion » officielle du CEFIC du même jour.

170    Par conséquent, il ressort des considérations qui précèdent que la Commission s’est contentée, au considérant 283 de la décision attaquée, de présumer que la participation de la requérante à la réunion illicite du 9 février 2000 découlait de sa participation à la réunion officielle du CEFIC du 9 février 2000. Une telle présomption s’avère insuffisante, alors que la requérante avait expressément contesté, dans ses observations sur la communication des griefs, avoir participé à la réunion illicite du 9 février 2000. Au demeurant, il convient d’observer que, à aucun endroit de la décision attaquée, la Commission ne prétend que les participants aux réunions officielles du CEFIC participaient nécessairement aux réunions du cartel tenues en marge des premières. Tout au plus indique-t-elle, au considérant 76 de la décision attaquée, que, au niveau de l’encadrement supérieur, les discussions se tenaient lors des réunions multilatérales, souvent en marge des réunions du groupe de travail sur le chlorate de sodium du CEFIC.

171    Cet amalgame auquel se livre la Commission, entre la réunion officielle du CEFIC du 9 février 2000 et la réunion illicite du même jour, est reproduit au considérant 488 de la décision attaquée, lorsqu’elle affirme, sans rapporter un seul élément de preuve à l’appui de sa position, et en renvoyant uniquement au considérant 283 de la décision attaquée, que « la dernière réunion anticoncurrentielle — à laquelle EKA, Arkema France et [la requérante] ont participé — s’est tenue le 9 février 2000 » et que « [la requérante a] directement participé à la réunion du 9 février 2000 ». Pourtant, de nouveau, force est de constater que, dès lors que, à aucun moment, la Commission n’a prétendu ni, a fortiori, établi que la participation aux réunions officielles du CEFIC impliquait une présence aux réunions anticoncurrentielles tenues en marge de celles-ci, c’est à juste titre que la requérante fait valoir que la Commission n’a rapporté aucun élément de preuve de sa participation à la réunion illicite du 9 février 2000, qui constituait la seule réunion du cartel à ladite date.

172    Enfin, il ressort de manière explicite de l’annexe I de la décision attaquée que la requérante n’est pas identifiée comme ayant participé à la réunion illicite du 9 février 2000. Dans ses écritures, la Commission se prévaut à cet égard d’une simple erreur matérielle. Toutefois, il ressort du considérant 69 de la décision attaquée et de la note en bas de page n° 114 de la décision attaquée que l’annexe I de ladite décision contient la liste des 72 contacts anticoncurrentiels auxquels ont participé les membres de l’entente en cause. Par conséquent, la dernière ligne du tableau reproduit en annexe I à la décision attaquée vise nécessairement la réunion illicite du 9 février 2000 identifiée par la Commission, et non la réunion officielle du CEFIC du même jour. Or, au regard des motifs de la décision attaquée et des éléments du dossier, rien ne permet de constater que la requérante ait, comme le soutient la Commission, participé à cette réunion du cartel et, partant, de considérer que le fait que la requérante n’ait pas été identifiée, dans l’annexe I de la décision attaquée, comme ayant participé à la réunion illicite du 9 février 2000 résulte d’une simple erreur matérielle.

173    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, en l’absence d’un quelconque élément de preuve rapporté par la Commission à ce sujet, c’est à tort que celle-ci soutient que la participation de la requérante à l’infraction a pris fin le 9 février 2000. Partant, il convient d’accueillir, comme fondé, l’argument exposé par la requérante, pris de ce que la Commission n’a pas prouvé qu’elle ait participé à la réunion illicite du 9 février 2000. Elle ne pouvait donc retenir cette dernière date comme marquant la fin de la participation de la requérante à l’infraction en cause.

174    En second lieu, s’agissant, premièrement, des preuves manuscrites contemporaines des faits, il ressort de l’ensemble des considérations exposées ci-dessus que, d’une part, il ne s’agit que des références tirées des notes de M. S. (FC). D’autre part, parmi les 19 références tirées des notes de M. S. (FC), initialement retenues au terme de la phase préliminaire de la procédure administrative, s’agissant de la période d’infraction en cause, seules les trois références tirées des notes de M. S. (FC), visées au considérant 349 de la décision attaquée, et celle se rapportant à la réunion illicite du 28 janvier 1998 ont été expressément retenues par la Commission, au terme de la phase contradictoire de la procédure administrative, dans le faisceau d’indices visant à rapporter la preuve de la participation de la requérante à l’infraction en cause. S’agissant des 15 autres références à la requérante dans les notes de M. S. (FC), il y a lieu de considérer qu’elles ont été écartées dudit faisceau d’indices, au considérant 352 de la décision attaquée, pour défaut de caractère probant.

175    Deuxièmement, s’agissant des déclarations des concurrents de la requérante intégrées dans le faisceau d’indices par la Commission, en ce qu’elles permettraient de rapporter la preuve de sa participation à l’infraction en cause, il ressort des éléments de preuve retenus par la Commission, visés aux points 117 et 120 ci-dessus, qu’il s’agit, durant la période d’infraction retenue par la Commission à l’encontre de la requérante, des déclarations d’EKA et de celles de FC, à l’exclusion de toute autre société. En effet, force est de constater que la Commission n’a pas retenu, ni durant la phase préliminaire ni au terme de la phase contradictoire de la procédure administrative, les déclarations d’Arkema France, telles que visées au point 6 ci-dessus et jointes en annexe A.3 à la requête, aux fins d’établir la participation de la requérante à l’infraction en cause.

176    Troisièmement, la Commission a retenu l’aveu de la requérante concernant sa participation à la réunion illicite du 28 janvier 1998. Afin de déterminer l’étendue de cette participation, la Commission se fonde sur les notes de M. S. (FC) concernant cette réunion et sur les déclarations de FC et d’EKA.

177    C’est au regard des conclusions exposées aux points 163 à 176 ci-dessus qu’il convient tout d’abord d’apprécier la valeur probante des éléments de preuve retenus par la Commission et, ensuite, d’apprécier si ces éléments constituent des preuves suffisantes permettant de démontrer la participation de la requérante à l’infraction en cause.

 Sur la valeur probante des éléments de preuve retenus à l’encontre de la requérante

–       S’agissant des preuves écrites contemporaines de la participation directe de la requérante à l’infraction en cause

178    À titre liminaire, il y a lieu de renvoyer l’examen de la valeur probante des notes de M. S. (FC) se rapportant à la réunion illicite du 28 janvier 1998 à celui concernant l’aveu de la requérante quant à sa participation à ladite réunion (voir points 216 à 218 ci-dessous).

179    À titre principal, s’agissant des trois références faites à la requérante tirées des notes de M. S. (FC), visées au considérant 349 de la décision attaquée, il convient, en premier lieu, de constater que, au regard des observations formulées par les parties dans leurs écritures ainsi que de leurs réponses aux questions que le Tribunal leur a posées soit par écrit soit lors de l’audience, les notes de M. S. (FC), telles qu’elles figurent dans le dossier de la Commission, à savoir des notes dactylographiées, résultent à la fois d’une retranscription dans ce format et d’une traduction du finnois vers l’anglais, par M. S. (FC), des notes manuscrites en finnois qu’il avait lui-même prises lors de chacun des faits qu’elles rapportent et décrivent. À cet égard, nonobstant quelques ajustements d’ordre formel, voire terminologique, en ce qui concerne certains passages, sur lesquels le Tribunal a attiré l’attention de la Commission lors de l’audience, il y a lieu de considérer que, pour autant que les notes figurant dans le dossier traduisent et retranscrivent fidèlement les notes manuscrites prises à l’origine par M. S. (FC), ces dernières notes manuscrites ayant été prises à l’époque des faits par M. S. (FC), leur version retranscrite en langue anglaise doit être appréhendée en tant qu’une preuve écrite contemporaine de l’infraction. Partant, les trois références aux notes de M. S. (FC), telles que visées au considérant 349 de la décision attaquée, constituent de telles preuves.

180    Plus précisément, s’agissant, premièrement, des notes prises par M. S. (FC) au sujet de son entretien téléphonique du 16 décembre 1996 avec M. S. (EKA), le premier aurait indiqué avoir eu des discussions avec la requérante. Dans le passage, retenu par la Commission au considérant 349 de la décision attaquée, de la retranscription par M. S. (FC), dans ses notes, de cet entretien du 16 décembre 1996, il est indiqué : « [CONFIDENTIEL] ». Il est également fait référence, dans cette partie du considérant 349 concernant cet entretien, au considérant 130 de la décision attaquée. Dans ce dernier considérant, la Commission indique qu’elle considère que cet élément de preuve démontre la participation de la requérante à l’entente, en ce qu’elle a participé à un contact illicite avec un concurrent.

181    S’agissant, deuxièmement, des notes prises par M. S. (FC) au sujet de son entretien téléphonique du 4 décembre 1998 avec M. S. (EKA), le second aurait indiqué qu’Arkema France aurait eu une discussion avec la requérante. Le passage, retenu par la Commission au considérant 349 de la décision attaquée, de la retranscription par M. S. (FC), dans ses notes, de cet entretien du 4 décembre 1998, se lit comme suit : « [CONFIDENTIEL] ». Il est également fait référence, dans cette partie du considérant 349 concernant cet entretien, au considérant 219 de la décision attaquée, considérant dans lequel la même citation est reproduite.

182    S’agissant, troisièmement, des notes prises par M. S. (FC) au sujet de son entretien téléphonique du 9 décembre 1999 avec M. L. (Arkema France), l’un d’eux aurait indiqué avoir eu une discussion avec la requérante. S’agissant de ce dernier entretien téléphonique, la Commission indique, au considérant 349 de la décision attaquée, qu’elle n’a pas été en mesure de préciser lequel des deux interlocuteurs avait eu une discussion avec la requérante. Or, contrairement à ce que laisse entendre la Commission au considérant 349 de la décision attaquée, une telle imprécision n’est pas négligeable. En effet, la multiplication du nombre d’intermédiaires a pour conséquence une diminution de la crédibilité de l’élément de preuve se rapportant aux contacts en cause. Par conséquent, le degré de crédibilité de cette retranscription sera plus important si M. S. (FC) a effectivement eu ledit entretien avec la requérante que si c’est M. L. (Arkema France) qui s’est entretenu avec cette dernière.

183    En outre, toujours s’agissant de cet entretien téléphonique du 9 décembre 1999, il convient de relever que le passage des notes de M. S. (FC) à ce sujet, tel que reproduit par la Commission au considérant 349 de la décision attaquée, se lit comme suit : « [CONFIDENTIEL] ». Il est également fait référence, dans cette partie du considérant 349 concernant cet entretien, au considérant 258 de la décision attaquée. Dans ce dernier considérant, la Commission indique que, à cette occasion, les deux interlocuteurs ont discuté de la nécessité de trouver un nouvel accord général entre concurrents. Outre le passage susmentionné, tel que repris par la Commission au considérant 349 de la décision attaquée, il apparaît que les notes de M. S. (FC) reproduites au considérant 258 de la décision attaquée précisaient ce qui suit :

« [CONFIDENTIEL] ».

184    En deuxième lieu, il convient de rappeler que, ainsi que cela ressort du considérant 350 de la décision attaquée, les trois références à la requérante, tirées des notes de M. S. (FC), visées au considérant 349 de la décision attaquée, témoigneraient clairement, selon la Commission, de contacts téléphoniques directs avec la requérante et indiqueraient manifestement que cette dernière a directement contribué aux accords généraux sur les prix. En outre, il ressort des écritures de la Commission et de ses réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience, d’une part, que ces trois éléments de preuve seraient particulièrement concluants, et constitueraient donc les principaux éléments à charge contre la requérante pour démontrer qu’elle avait participé à l’infraction unique, continue et de dimension européenne poursuivie par la Commission, d’autre part, que la requérante n’aurait pas contesté ces déclarations et, enfin, que ces preuves contemporaines des faits incrimineraient de manière particulièrement forte la requérante, sans pour autant être les seules preuves réunies par la Commission. En revanche, la requérante conteste, s’agissant de sa prétendue participation à l’infraction en cause, la valeur probante desdits éléments de preuve contemporains des faits.

185    À ce titre, premièrement, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la Commission, la requérante a contesté, dans sa réponse à la communication des griefs (voir en particulier le point 76 de sa réponse à la communication des griefs), la valeur probante des notes de M. S. (FC) et, en particulier, celle se rapportant à l’entretien téléphonique du 16 décembre 1996.

186    Deuxièmement, d’une manière générale, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission, ces trois références faites à la requérante, tirées des notes de M. S. (FC), telles que visées au considérant 349 de la décision attaquée, constituent des preuves indirectes de la prétendue participation de la requérante à l’infraction en cause.

187    En effet, ces trois références font état, au cours d’entretiens téléphoniques entre MM. S. (FC) et S. (EKA) (entretiens du 16 décembre 1996 et du 4 décembre 1998) ou entre MM. S. (FC) et L. (Arkema France) (entretien du 9 décembre 1999), soit d’une discussion entre M. S. (FC) et la requérante [voir les notes de M. S. (FC) sur ses entretiens du 16 décembre 1996 et du 9 décembre 1999, pour autant que, au regard des hésitations de la Commission à ce sujet, il soit considéré que ce dernier entretien téléphonique a eu lieu entre M. S. (FC) et la requérante], soit d’une discussion entre Arkema France et la requérante [voir les notes de M. S. (FC) sur son entretien du 4 décembre 1998].

188    Par conséquent, ainsi que le fait valoir la requérante, ces trois références visées au considérant 349 de la décision attaquée et tirées des notes de M. S. (FC) se contentent de rapporter, de manière indirecte, une prétendue discussion, antérieure à l’évènement auquel chacune de ces références se rapporte directement, entre un des concurrents de la requérante et cette dernière. Dans ces conditions, la valeur probante desdites preuves s’en trouve atténuée, puisqu’elles ne rapportent pas, en elles-mêmes, de manière directe, la preuve de la participation de la requérante à l’infraction en cause. Pour que de telles notes puissent constituer une preuve directe de ladite participation, il conviendrait qu’un tel élément de preuve ait été directement obtenu par la Commission auprès de la requérante (à l’occasion d’une perquisition dans ses locaux, par exemple, perquisition qui, en l’espèce, n’a pas été diligentée) ou, à la rigueur, qu’il s’agisse d’une note manuscrite contemporaine des faits [telle que celles de M. S. (FC)] rendant compte de la teneur d’une discussion entre l’auteur de ladite note et la requérante. Or, en l’espèce, aucune des trois références tirées des notes de M. S. (FC) et retenues par la Commission au considérant 349 de la décision attaquée ne constitue une telle preuve directe de la participation de la requérante à l’infraction en cause.

189    Dès lors, bien que les trois références faites à la requérante, tirées des notes de M. S. (FC), telles que visées au considérant 349 de la décision attaquée, constituent des preuves contemporaines de l’infraction, se rapportant à des évènements susceptibles de caractériser cette dernière, il convient toutefois de constater qu’elles ne sont aucunement contemporaines d’évènements impliquant directement la requérante. Dans ces conditions, nonobstant le fait que ces trois références se rapportent à des éléments survenus durant la période de l’infraction, il y a lieu, afin de les qualifier de probantes, de vérifier qu’elles sont confirmées de manière suffisante par d’autres éléments de preuve.

190    Troisièmement, s’agissant des prétendues discussions entre M. S. (FC) et la requérante, telles que visées dans les notes de M. S. (FC) au sujet des entretiens téléphoniques du 16 décembre 1996, voire du 9 décembre 1999, et pour autant, encore une fois, que, au regard des hésitations de la Commission à ce sujet, il soit considéré que ce dernier entretien téléphonique ait eu lieu entre M. S. (FC) et la requérante, il est permis de s’étonner de l’absence de retranscription dans ses notes, par le premier, de leur teneur.

191    En effet, ainsi que cela ressort des pièces du dossier, et tout particulièrement de l’extrait des notes de M. S. (FC), ce dernier avait manifestement pour habitude de transcrire dans ses notes ses contacts (téléphoniques ou lors de ses réunions) avec les concurrents de FC. C’est, du reste, ce que la Commission laisse entendre dans la dernière phrase du considérant 351 de la décision attaquée, lorsqu’elle affirme que « [l]es notes de [M. S. (FC)] sont des procès-verbaux ou des comptes rendus de réunions et de conversations téléphoniques auxquelles il a lui-même assisté ». Pourtant, force est de constater qu’il n’existe pas, dans lesdites notes, un procès-verbal ou un compte rendu d’un quelconque contact téléphonique direct entre M. S. (FC) et la requérante.

192    Quatrièmement, il y a lieu de constater qu’il ressort de la transcription de l’audition de M. S. (FC) par la Commission que, à cette occasion, il n’a pas fait état de, et partant confirmé, ces deux entretiens avec la requérante, tels que visés dans ses notes concernant ses entretiens du 16 décembre 1996 et du 9 décembre 1999. De même, le Tribunal observe que la Commission n’a pas même jugé nécessaire, au cours de cette même audition, de demander à M. S. (FC) de l’éclairer ni quant à l’absence de compte rendu dans ses notes de ses prétendus entretiens téléphoniques avec la requérante ni quant à la teneur de ces discussions et ni même quant à la signification qu’il conviendrait de retenir des trois références faites à la requérante, tirées de ses notes et visées au considérant 349 de la décision attaquée.

193    En troisième lieu, il convient d’apprécier, au regard des considérations exposées aux points 184 à 192 ci-dessus, la valeur probante susceptible d’être accordée à chacune des trois références visées au considérant 349 de la décision attaquée.

194    Premièrement, s’agissant des notes de M. S. (FC) concernant l’entretien téléphonique du 16 décembre 1996, il est, certes, permis de reconnaître que l’indication dans ladite note, telle que mise en évidence par la Commission, au considérant 349 de la décision attaquée, à savoir « [CONFIDENTIEL] », peut constituer un commencement de preuve quant à l’existence de contacts directs entre un membre du cartel et la requérante.

195    Néanmoins, ainsi qu’il a été relevé dans les considérations générales exposées aux points 186 à 192 ci-dessus, il y a lieu de constater qu’il n’existe pas de notes de M. S. (FC) se rapportant directement à sa prétendue discussion avec la requérante à laquelle il est fait référence dans ses notes sur l’entretien téléphonique du 16 décembre 1996. Pas plus ne trouve-t-on, dans la transcription de son audition, une quelconque information au sujet soit de l’entretien téléphonique du 16 décembre 1996 soit de cette prétendue discussion antérieure avec la requérante. Par ailleurs, au considérant 130 de la décision attaquée, qui se rapporte audit entretien téléphonique, la Commission n’a rapporté aucun autre élément de preuve susceptible de conférer aux notes de M. S. (FC) une valeur probante suffisante à ce sujet. Du reste, il convient de constater qu’il ne ressort pas des déclarations d’EKA un quelconque élément susceptible de confirmer le contenu de l’entretien téléphonique du 16 décembre 1996, tel que rapporté dans cette note de M. S. (FC).

196    Partant, il convient de considérer que, en l’absence d’un quelconque élément de preuve confirmant les termes des notes de M. S. (FC) s’agissant de l’entretien téléphonique du 16 décembre 1996, à l’occasion duquel le nom de la requérante aurait été prononcé, mais qui n’a pas impliqué de manière directe celle-ci, cette référence faite à la requérante dans lesdites notes ne constitue pas un élément de preuve suffisamment fiable quant à la preuve de sa participation à l’infraction en cause.

197    Deuxièmement, s’agissant des notes de M. S. (FC) concernant l’entretien téléphonique du 4 décembre 1998 entre MM. S. (FC) et S. (EKA), nonobstant le caractère vague des termes utilisés par la Commission afin de rapporter la prétendue discussion entre Arkema France et la requérante, il est permis de considérer que l’indication dans ladite note, telle que mise en évidence par la Commission au considérant 349 de la décision attaquée, à savoir « [CONFIDENTIEL] », peut également constituer un commencement de preuve quant à l’existence de contacts directs entre un membre du cartel et la requérante.

198    Néanmoins, il convient tout d’abord de relever que cette note ne rapporte pas une discussion entre un des interlocuteurs de cet entretien téléphonique du 4 décembre 1998 et la requérante, mais fait état d’une discussion entre une troisième personne, Arkema France, et la requérante. Ensuite, il y a lieu de constater qu’il ne ressort pas de la transcription de l’audition de M. S. (FC) par la Commission une quelconque information donnant plus d’éclaircissements sur les termes de cet entretien du 4 décembre 1998, tels que retranscrits dans ses notes. Par ailleurs, il y a lieu de relever que, au considérant 219 de la décision attaquée, qui se rapporte audit entretien téléphonique, la Commission n’a rapporté aucun autre élément de preuve susceptible de conférer aux notes de M. S. (FC) une valeur probante suffisante à ce sujet. De même, force est de nouveau de constater qu’il ne ressort pas des déclarations d’EKA un quelconque élément susceptible de confirmer le contenu de l’entretien téléphonique du 4 décembre 1998, tel que rapporté dans cette note de M. S. (FC). Enfin, il convient d’observer qu’il ne ressort pas des déclarations d’Arkema France [M. L. (Arkema France)] au cours de son audition par la Commission, le 24 septembre 2004, un quelconque élément susceptible de corroborer le contenu de l’entretien téléphonique du 4 décembre 1998, tel que rapporté dans les notes de M. S. (FC), à savoir qu’Arkema France aurait eu des discussions avec la requérante. Ce dernier constat n’est, au demeurant, pas surprenant, dès lors que, ainsi que le fait valoir la requérante, il ressort de la transcription de cette même audition d’Arkema France que celle-ci identifiait la requérante comme un membre de l’entente, uniquement sur une première période allant du mois d’octobre 1994 à la mi-1998, et non plus durant la seconde période, allant de la mi-1998 au mois de mai 2000.

199    Partant, il convient de considérer que, en l’absence d’un quelconque élément de preuve confirmant les termes des notes de M. S. (FC) s’agissant de l’entretien téléphonique du 4 décembre 1998, cette référence faite à la requérante dans lesdites notes ne constitue pas un élément de preuve suffisamment fiable quant à la preuve de la participation de la requérante à l’infraction en cause.

200    Troisièmement, s’agissant des notes de M. S. (FC) concernant l’entretien téléphonique du 9 décembre 1999 entre MM. S. (FC) et L. (Arkema France), il est de nouveau permis de reconnaître que l’indication dans ladite note, telle que mise en évidence par la Commission au considérant 349 de la décision attaquée, à savoir « [CONFIDENTIEL] », peut constituer un commencement de preuve quant à l’existence de contacts directs entre un membre du cartel et la requérante.

201    Néanmoins, d’un côté, à supposer que ce soit M. S. (FC) qui ait discuté avec la requérante, ainsi qu’il a déjà été relevé dans les considérations générales exposées aux points 186 à 192 ci-dessus, il convient de constater qu’il n’existe pas de note de M. S. (FC) se rapportant directement à sa prétendue discussion avec la requérante, à laquelle il est fait référence dans ses notes. Pas plus ne trouve-t-on dans la transcription de son audition une quelconque information au sujet de cette prétendue discussion avec la requérante. Par ailleurs, au considérant 258 de la décision attaquée, qui se rapporte audit entretien téléphonique, la Commission n’a rapporté aucun autre élément de preuve susceptible de conférer aux notes de M. S. (FC) une valeur probante suffisante au sujet de l’entretien téléphonique du 9 décembre 1999. Enfin, au même titre que s’agissant de l’entretien téléphonique du 4 décembre 1998, il ne ressort pas des déclarations d’Arkema France [M. L. (Arkema France)], au cours de son audition par la Commission, le 24 septembre 2004, un quelconque élément susceptible d’éclairer le Tribunal au sujet des notes prises par M. S. (FC) au cours de son entretien téléphonique du 9 décembre 1999.

202    D’un autre côté, même à supposer que ce soit M. L. (Arkema France) qui s’est entretenu avec la requérante, force serait alors de constater qu’il existerait une incohérence entre les termes de cet entretien, tel que retranscrit par M. S. (FC) dans ses notes, et les déclarations de M. L. (Arkema France), au cours de son audition du 24 septembre 2004. En effet, non seulement il ne ressort pas des déclarations d’Arkema France, au cours de ladite audition, un quelconque contact entre elle et la requérante, mais surtout, et de nouveau, ainsi que le fait valoir la requérante, il apparaît que, alors qu’Arkema France identifiait la requérante comme un membre de l’entente sur une première période allant du mois d’octobre 1994 à la mi-1998, tel n’était pas le cas s’agissant de la période allant de la mi-1998 au mois de mai 2000.

203    Partant, il convient de considérer que, en l’absence d’un quelconque élément de preuve susceptible de confirmer les termes des notes de M. S. (FC) s’agissant de l’entretien téléphonique du 9 décembre 1999, cette référence faite à la requérante dans lesdites notes ne constitue pas un élément de preuve suffisamment fiable quant à la preuve de sa participation à l’infraction en cause.

204    Au regard de l’ensemble des considérations exposées aux points 178 à 203 ci-dessus, en l’absence d’un quelconque élément de preuve venant confirmer la teneur des trois références faites à la requérante, tirées des notes de M. S. (FC) et visées au considérant 349 de la décision attaquée, il y a lieu de considérer que ces trois éléments de preuve retenus par la Commission ne sont pas suffisamment fiables pour pouvoir, en tant que tels, servir d’éléments de preuve établissant le comportement infractionnel de la requérante.

–       S’agissant des déclarations de FC et d’EKA

205    S’agissant des déclarations des concurrents de la requérante, ainsi qu’il a été relevé au point 175 ci-dessus, l’examen de leur valeur probante ne concerne que les déclarations d’EKA et de FC.

206    En premier lieu, il convient d’examiner l’argument soulevé par la requérante tendant à contester la fiabilité des déclarations de concurrents aux fins de bénéficier de la communication sur la coopération. À ce titre, il suffit de rappeler que, ainsi que cela ressort de la jurisprudence exposée aux points 100 à 106 ci-dessus, aucune disposition ni aucun principe général du droit de l’Union n’interdit à la Commission de se prévaloir, à l’encontre d’une entreprise, des déclarations d’autres entreprises incriminées, fussent-elles recueillies par la Commission dans le cadre d’une demande tendant au bénéfice de la communication sur la coopération en vue d’obtenir une immunité ou une réduction de l’amende. Néanmoins, il ressort des mêmes points que la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve, étant entendu que le degré de corroboration requis peut être moindre, du fait de la fiabilité des déclarations en cause. Une telle condition de corroboration de la déclaration d’une entreprise doit également être respectée en cas de contestation de ladite déclaration par une autre entreprise poursuivie. Or, il est constant que, en l’espèce, la requérante conteste l’exactitude des déclarations d’EKA et de FC.

207    En deuxième lieu, il convient donc d’apprécier la fiabilité des déclarations d’EKA et de FC.

208    Premièrement, s’agissant des déclarations d’EKA, lesdites déclarations sont visées par la Commission dans la partie 4.3, au sujet de la réunion de Turku du 14 octobre 1997 et de la réunion illicite du 28 janvier 1998.

209    En ce qui concerne les déclarations d’EKA au sujet de la réunion de Turku du 14 octobre 1997, entre FC et EKA, elles sont citées au considérant 162 de la décision attaquée, dans la partie 4.3. Dans ce passage des déclarations d’EKA, repris au considérant 162, il est indiqué que FC augmentait constamment ses livraisons en Espagne et au Portugal, et que le risque était que cela ait pour conséquence que les producteurs espagnols se tournent vers la France. EKA aurait ensuite déclaré : « [CONFIDENTIEL] ».

210    Puis, aux considérants 163 et 164 de la décision attaquée, la Commission cite les notes de M. S. (FC) et celles de M. W. (EKA). Toutefois, il convient de relever que, si lesdites notes font état d’inquiétudes d’Arkema France et d’EKA quant aux perspectives sur le marché espagnol, à aucun moment le nom de la requérante n’y apparaît, directement ou indirectement.

211    Enfin, dans sa conclusion figurant au considérant 165 de la décision attaquée, quant à la réunion de Turku du 14 octobre 1997, la Commission a constaté ce qui suit :

« [L]a question du non-respect par [FC] des parts de marché au Portugal, en Espagne et en France a été abordée. EKA et [FC] sont aussi convenues d’une hausse de prix dans ces pays, sous réserve du soutien d’autres concurrents. »

212    Cette dernière interprétation retenue par la Commission quant aux déclarations d’EKA citées au considérant 162 de la décision attaquée ne saurait prospérer. En effet, il ressort uniquement des termes de cette déclaration qu’EKA et FC s’étaient mises d’accord pour observer les réactions des autres concurrents au cas où elles augmenteraient leurs prix. En revanche, au regard des éléments du dossier, et contrairement à ce que la Commission a estimé au considérant 165 de la décision attaquée, il ne saurait en être déduit que le soutien de concurrents tels que la requérante devait être recueilli afin de procéder à une augmentation des prix. En outre, ainsi que cela a déjà été relevé ci-dessus, si les notes de MM. S. (FC) et W. (EKA), citées respectivement aux considérants 163 et 164 de la décision attaquée, font état de tensions sur les marchés espagnol et portugais, avec des risques de répercussions sur le marché français, ces notes ne mentionnent nullement une quelconque implication de la requérante ni ne viennent confirmer la déclaration d’EKA quant à l’existence d’un accord sur une augmentation des prix, conditionnée par un soutien de concurrents tels que la requérante.

213    Enfin, en tout état de cause, ainsi que le fait valoir la requérante, il ne saurait être exclu que, en vertu du comportement des acteurs sur un marché concurrentiel, si l’un d’eux devait, du fait de la pénétration d’un concurrent sur ledit marché, perdre des parts de marché, il serait naturel qu’il tente de trouver des clients dans des marchés voisins. Dans ces conditions, il convient de considérer que, contrairement à ce que la Commission soutient, le fait que FC et EKA aient pu faire état, au cours de la réunion de Turku du 14 octobre 1997, d’un risque de répercussion sur le marché français de l’augmentation des livraisons de FC sur le marché espagnol ne peut pas, sans autres éléments de preuve à l’appui, être interprété comme rapportant la preuve d’une participation d’un concurrent tel que la requérante à une infraction au sens de l’article 81 CE. Ainsi, en l’absence d’autres éléments de preuve venant corroborer cette déclaration d’EKA, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la requérante conteste la fiabilité de cette déclaration.

214    En ce qui concerne les déclarations d’EKA au sujet de la réunion illicite du 28 janvier 1998, elles sont visées par la Commission dans la partie 4.3 de la décision attaquée. Plus précisément, c’est au considérant 182 de la décision attaquée que la Commission déclare que, « dans leurs déclarations, EKA, FC et la requérante ont indiqué que [MM. S. (EKA), L. (Arkema France), A. (Aragonesas) et S. (FC)] avaient assisté à cette réunion ». Par conséquent, dans la mesure où, ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus, le troisième type de preuve dont dispose la Commission réside dans l’aveu de la requérante quant à sa participation à la réunion illicite du 28 janvier 1998, il y a lieu de réserver l’examen de la fiabilité des déclarations d’EKA, au sujet de ladite réunion, pour procéder à son analyse dans le cadre de l’appréciation de la valeur probante de cet aveu.

215    Deuxièmement, s’agissant des déclarations de FC, lesdites déclarations sont visées par la Commission dans la partie 4.3 uniquement en ce qui concerne la réunion illicite du 28 janvier 1998. Plus précisément, c’est également au considérant 182 de la décision attaquée que la Commission déclare que, « dans leurs déclarations, EKA, FC et [la requérante] ont indiqué que [MM. S. (EKA), L. (Arkema France), A. (Aragonesas) et S. (FC)] avaient assisté à cette réunion ». Par conséquent, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 214 ci-dessus, quant aux déclarations d’EKA au sujet de la réunion illicite du 28 janvier 1998, il y a lieu de réserver l’examen de la fiabilité des déclarations de FC au sujet de ladite réunion, afin d’y procéder dans le cadre de l’appréciation de la valeur probante de cet aveu.

–       S’agissant de l’aveu de la requérante concernant sa participation à la réunion illicite du 28 janvier 1998

216    La requérante ne conteste pas avoir participé à la réunion illicite du 28 janvier 1998. En revanche, elle fait valoir que, ainsi que cela ressortirait des notes de M. S. (FC), cette participation a été partielle et qu’une telle participation à un seul des 72 contacts anticoncurrentiels listés dans l’annexe I de la décision attaquée est insuffisante pour rapporter la preuve de la participation de la requérante à l’infraction en cause.

217    Il convient de rappeler, en ce qui concerne l’aveu de la requérante quant à sa participation à la réunion illicite du 28 janvier 1998, qu’il ressort de la jurisprudence que la reconnaissance explicite ou implicite d’éléments de fait ou de droit par une entreprise durant la procédure administrative devant la Commission peut constituer un élément de preuve complémentaire lors de l’appréciation du bien-fondé d’un recours juridictionnel (arrêt de la Cour du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, non encore publié au Recueil, point 90).

218    Partant, afin de retenir un tel aveu comme un élément de preuve fiable, il convient, au stade de l’appréciation du bien-fondé d’un recours juridictionnel, de contrôler si les termes de cet aveu viennent compléter d’autres éléments de preuve rapportés par la Commission au sujet de la réunion illicite du 28 janvier 1998.

219    En premier lieu, s’agissant de la participation de la requérante à la réunion illicite du 28 janvier 1998, il est tout d’abord constant que la requérante a explicitement reconnu, au cours de la procédure administrative devant la Commission, y avoir participé.

220    Ensuite, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que la Commission soutenait initialement dans ses écritures et ainsi qu’elle l’a expressément reconnu dans ses observations du 3 septembre 2010 sur le rapport d’audience, la participation de la requérante à la réunion illicite du 28 janvier 1998 constitue la première participation de la requérante à une réunion de l’entente en cause. Au demeurant, force est de relever que cette constatation ressort de manière explicite des déclarations de FC, telles qu’elles figurent dans le dossier de la Commission. Aux termes desdites déclarations, il ressort que, s’agissant de la réunion illicite du 28 janvier 1998, cette réunion du cartel était comparable aux précédentes « à la différence qu’elle impliquait également [la requérante]. »

221    En second, il ressort des considérants 182 à 186 de la décision attaquée que la Commission a expressément fait référence, en sus de cette reconnaissance explicite de la requérante quant à sa participation à la réunion illicite du 28 janvier 1998, à d’autres éléments de preuve permettant de constater ladite participation. C’est ainsi qu’elle a renvoyé, d’une part, aux notes de M. S. (FC) se rapportant à ladite réunion, telles que reproduites aux pages 1159 et 1160 du dossier de la Commission, et, d’autre part, aux déclarations d’EKA.

222    S’agissant desdites pages du dossier, qui contiennent des notes de M. S. (FC), le Tribunal constate que, en réponse à une question posée à la requérante lors de l’audience, cette dernière a indiqué qu’elle n’était plus certaine que les notes reproduites auxdites pages du dossier se soient rapportées effectivement à la réunion illicite du 28 janvier 1998 et que, si tel était le cas, elles décriraient une réunion à laquelle M. A. (Aragonesas) n’avait pas participé.

223    À cet égard, premièrement, le Tribunal observe qu’il ressort tout d’abord clairement du point 24 de la réponse de la requérante à la communication des griefs que celle-ci a cité entre guillemets des passages repris des notes de M. S. (FC) et, plus précisément, ceux tirés des tirets 14 à 22 et des tirets 24 à 32 desdites notes. En outre, toujours au point 24 de sa réponse à la communication des griefs, la requérante identifie expressément le point 163 de ladite communication comme reprenant des termes des notes de M. S. (FC) concernant la réunion illicite du 28 janvier 1998. Enfin, le Tribunal constate que, au point 25 de sa réponse à la communication des griefs, la requérante formule des observations sur la teneur des notes citées au point 163 de ladite communication, mais, à aucun moment, ne conteste que lesdites notes portent sur des échanges intervenus au cours de la réunion illicite du 28 janvier 1998, en présence de M. A. (Aragonesas).

224    Deuxièmement, le Tribunal constate qu’il ressort du second paragraphe introductif des notes de M. S. (FC) se rapportant à la réunion illicite du 28 janvier 1998, tel qu’il figure en tête de la page 1159, que la participation de la requérante à cette réunion avait été programmée par MM. S. (FC) et L. (Arkema France).

225    Troisièmement, il ressort des notes de M. S. (FC) prises au cours de la réunion illicite du 28 janvier 1998, telles que reproduites aux pages 1159 et 1160 du dossier de la Commission, que, sans que cela ait été contesté par la requérante dans ses écritures ou lors de l’audience, son nom apparaît soit implicitement sous des formes abrégées, à savoir « Arag. » ou « Ara », soit indirectement au travers du nom de son représentant, M. A. (Aragonesas), dans les échanges qui ont eu lieu entre les participants au cours de ladite réunion.

226    Par conséquent, il convient tout d’abord de considérer que les notes de M. S. (FC) figurant aux pages 1159 et 1160 du dossier de la Commission se rapportent, contrairement à ce que prétend à présent la requérante, à la réunion illicite du 28 janvier 1998 à laquelle elle a reconnu avoir participé. Ainsi, lesdites notes sont contemporaines d’un évènement auquel la requérante a directement participé.

227    Ensuite, l’aveu de la requérante quant à sa participation à la réunion illicite du 28 janvier 1998 venant compléter, au sens de la jurisprudence rappelée au point 217 ci-dessus, les notes de M. S. (FC) et les déclarations d’EKA et de FC en ce qui concerne la participation de la requérante à ladite réunion (voir points 214 et 215 ci-dessus), cet aveu, ainsi que lesdites notes et déclarations, constituent des éléments de preuve suffisamment fiables pour être à bon droit opposés à la requérante.

 Sur le caractère précis et concordant du faisceau d’indices invoqué par la Commission afin de démontrer la participation de la requérante à l’infraction en cause

228    À la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 95 et 96 ci-dessus ainsi que des conclusions qui précèdent quant aux éléments de preuve réunis par la Commission et quant à leur valeur probante respective, il convient à présent d’apprécier globalement si le faisceau d’indices invoqué par la Commission, afin de rapporter la preuve de la participation de la requérante à l’infraction en cause, répond aux exigences de précision et de concordance permettant de fonder la ferme conviction que la requérante a participé à l’infraction en cause.

229    En premier lieu, le Tribunal constate que, s’agissant de la réunion illicite du 28 janvier 1998, réunion à laquelle la requérante a reconnu avoir participé, il ressort tant des notes de M. S. (FC) que des déclarations de FC et d’EKA que les participants à ladite réunion ont, à cette occasion, d’une part, échangé des informations sensibles sur leurs activités sur le territoire de l’ensemble de l’EEE et, d’autre part, négocié entre elles leurs parts de marché et leurs prix de vente.

230    À cet égard, premièrement, ainsi que la Commission l’a, à juste titre, relevé aux considérants 183 à 186 de la décision attaquée, les participants ont examiné de manière approfondie les marchés du chlorate de sodium en Espagne, en France et au Portugal, tout en abordant leurs situations sur le marché belge.

231    C’est ainsi que, tout d’abord, concernant lesdits marchés, il ressort des tirets 9 à 32 des notes de M. S. (FC) que les participants ont échangé des données se rapportant à leurs volumes de production, à leurs prix de vente et à leurs parts de marché, et ce concernant, notamment, les années 1996 et 1997. Certes, la requérante conteste le montant la concernant, tel que reproduit aux tirets 14 et 19 des notes de M. S. (FC) s’agissant de la réunion illicite du 28 janvier 1998. Toutefois, il convient de constater que, d’une part, la requérante reconnaît avoir participé à ladite réunion, d’autre part, elle ne conteste pas l’objet des discussions rapportées aux tirets 9 à 28 desdites notes, par ailleurs, elle ne conteste pas avoir participé aux échanges rapportés aux tirets 14 et 19 desdites notes, mais uniquement les montants des données la concernant qui y figurent et, enfin, elle ne conteste pas plus que, ainsi qu’il a été rapporté au tiret 21, « [CONFIDENTIEL] » et, au tiret 22, « [CONFIDENTIEL] ».

232    Ensuite, ainsi que cela ressort des notes de M. S. (FC) concernant la réunion illicite du 28 janvier 1998, de ses déclarations et des déclarations d’EKA de 2003, les participants, et notamment la requérante, ont également engagé des négociations afin de se répartir des parts de marché, voire de fixer des prix. C’est ainsi qu’il est indiqué au tiret 23 des notes de M. S. (FC) concernant la réunion illicite du 28 janvier 1998 que, s’agissant du marché espagnol, [CONFIDENTIEL]. De même, il ressort des tirets 29 et 30 desdites notes de M. S. que, s’agissant cette fois du marché français, [CONFIDENTIEL].

233    Par voie de conséquence, il ressort de ces notes que, ainsi que cela a été confirmé dans les déclarations de FC et d’EKA, l’objet de la réunion illicite du 28 janvier 1998 était anticoncurrentiel et que les négociations ont porté sur plusieurs marchés du territoire de l’EEE. Dès lors, au regard de la participation substantielle de la requérante à ladite réunion, et ce, notamment, s’agissant de l’expression de ses prétentions en termes de volumes sur les marchés espagnol et français, et de la confirmation quant au maintien de ses prix sur ce dernier marché, elle ne saurait prétendre qu’elle ignorait ou n’aurait pas été en mesure de constater l’objet anticoncurrentiel de cette réunion. Enfin, lors de la participation de la requérante à la réunion illicite du 28 janvier 1998, il y a lieu de constater que, d’une part, son optique était manifestement d’y participer et que, d’autre part, rien ne permet de démontrer qu’elle se soit publiquement distanciée de l’objet anticoncurrentiel de ladite réunion.

234    Deuxièmement, les constatations qui précèdent ne sauraient être remises en cause par l’allégation de la requérante s’agissant du caractère prétendument partiel de sa participation à la réunion illicite du 28 janvier 1998. En effet, en réponse aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience quant à l’objet de sa participation et à son caractère complet ou partiel, la requérante n’a ni démontré que sa participation relevait d’un objectif différent de celui des autres participants à ladite réunion, ni démontré qu’elle s’était publiquement distanciée du contenu de cette réunion, ni enfin rapporté un quelconque élément de preuve susceptible d’établir avec un certain degré de certitude que, ainsi qu’elle le prétend, elle aurait participé de manière partielle à cette réunion.

235    Tout au plus, s’agissant du caractère prétendument partiel de sa participation à la réunion illicite du 28 janvier 1998, la requérante, d’une part, insiste sur le caractère tout à fait informel et très rapide de cette réunion, d’autre part, se prévaut des termes du second paragraphe introductif figurant en tête de la page 1159 du dossier et, enfin, a soutenu, lors de l’audience, que M. A. (Aragonesas), qui représentait la requérante à cette réunion, aurait quitté cette dernière pour se rendre à Madrid.

236    S’agissant du caractère informel de la réunion illicite du 28 janvier 1998, il suffit de relever que, ainsi que cela ressort des constatations exposées aux points 230 à 233 ci-dessus, quelle que soit la forme prise par ladite réunion, son objet était anticoncurrentiel et que la requérante ne pouvait ignorer ni ledit objet ni la dimension géographique de l’infraction en cause.

237    S’agissant des termes du second paragraphe introductif, il convient tout d’abord de relever que, ainsi que l’a admis la Commission lors de l’audience, ledit paragraphe ne figurait pas dans les notes manuscrites d’origine de M. S. (FC), mais a été ajouté par ce dernier lorsqu’il a procédé à la retranscription en anglais desdites notes. Ensuite, il ressort de manière manifeste desdits termes que M. S. a, dans ce second paragraphe introductif, rapporté la teneur d’un entretien téléphonique qu’avaient eu MM. S. (FC) et L. (Arkema France), le 14 janvier 1998.

238    Certes, il ressort tant dudit paragraphe que des notes de M. S. (FC) prises lors de cet entretien téléphonique du 14 janvier 1998, qui sont reproduites à la page 1147 du dossier de la Commission, que, à cette occasion, MM. S. (FC) et L. (Arkema France) avaient évoqué la participation de la requérante à la réunion illicite du 28 janvier 1998 et planifié que ladite participation se limiterait aux discussions concernant les marchés espagnol, français et portugais. Toutefois, il convient de constater qu’il ne ressort ni des notes de M. S. (FC) ni des déclarations d’EKA que la participation de la requérante aurait effectivement été partielle.

239    S’agissant de l’affirmation de la requérante, énoncée lors de l’audience, en réponse à des questions posées par le Tribunal, selon laquelle M. A. (Aragonesas) avait quitté très rapidement la réunion illicite du 28 janvier 1998, dans la mesure où il devait prendre un avion pour rentrer à Madrid, celle-ci ne saurait être retenue afin de démontrer le caractère partielle de sa participation à ladite réunion. En effet, ainsi que la Commission l’a fait observer lors de l’audience, et sans que cela ait été contesté par la requérante à cette même occasion, il ressort des réponses écrites de la requérante à des questions de la Commission au sujet de la réunion illicite du 28 janvier 1998, réponses qui figurent notamment aux pages 12856 et 12857 du dossier de la Commission (voir annexe E.1), que la requérante a expressément indiqué qu’il ressortait, d’une part, d’un relevé d’une carte bancaire de M. A. (Aragonesas), que ce dernier était resté au Sheraton Hôtel de Bruxelles le soir du 28 janvier 1998 et, d’autre part, d’annotations sur ledit relevé, premièrement, que l’objet de son déplacement à Bruxelles était la tenue d’une réunion officielle du CEFIC dans le même hôtel et, deuxièmement, qu’il avait participé à une réunion en marge de ladite réunion officielle, dont la date devait être identique à celle de la réunion officielle. Partant, c’est à tort que la requérante soutient que M. A. (Aragonesas) avait quitté cette dernière réunion pour prendre un avion et rentrer le soir même à Madrid.

240    Enfin, c’est tout autant à tort que la requérante a, dans ses réponses aux questions posées par le Tribunal, soutenu qu’il ressortait du tiret 40 des notes de M. S. (FC) concernant la réunion illicite du 28 janvier 1998 que M. A. (Aragonesas) était absent de la réunion. Aux termes dudit tiret, il est indiqué ce qui suit : « [CONFIDENTIEL] ». En effet, si lesdites notes figurant sous ledit tiret rapportent effectivement une évaluation par un tiers des capacités de la requérante, il convient néanmoins de constater qu’elles ne permettent pas pour autant d’en conclure que M. A. (Aragonesas) avait alors quitté la réunion, et ce d’autant moins que le seul élément rapporté par la requérante afin de démontrer le caractère prétendument partiel de sa participation, ainsi qu’il a été constaté au point 239 ci-dessus, manque manifestement en fait.

241    Dès lors, il convient de rejeter comme non fondé l’argument de la requérante selon lequel sa participation à la réunion illicite du 28 janvier 1998 aurait été partielle.

242    Troisièmement, dans la mesure où la requérante a participé à l’ensemble de la réunion illicite du 28 janvier 1998, force est de considérer que, dès lors que les participants à ladite réunion ont, à cette occasion et en fonction de leur présence sur les marchés en cause, échangé des informations non seulement sur leurs activités en dehors de l’EEE [voir les tirets 1 à 7, 33 à 38 des notes de M. S. (FC) concernant la réunion illicite du 28 janvier 1998)], mais également sur plusieurs marchés à l’intérieur de l’EEE, à savoir la Belgique, l’Espagne, la France et le Portugal [voir les tirets 9 à 32 des notes de M. S. (FC) concernant la réunion illicite du 28 janvier 1998)] ainsi que la Finlande, la Suède, le Royaume-Uni et la Norvège [voir les tirets 26 et 42 à 48 des notes de M. S. (FC) concernant la réunion illicite du 28 janvier 1998)], la requérante ne pouvait ignorer que, ainsi que l’a fait valoir la Commission, notamment au considérant 347 de la décision attaquée, l’entente à laquelle elle participait couvrait une partie substantielle de l’EEE.

243    Il ressort des considérations exposées en premier lieu ci-dessus que, au regard, d’une part, des éléments de preuve réunis par la Commission s’agissant de la teneur des discussions au cours de la réunion illicite du 28 janvier 1998 auxquelles la requérante a participé et, d’autre part, de l’aveu de cette dernière quant à sa participation à ladite réunion, la Commission a rapporté à suffisance de droit la preuve de la participation de la requérante à la réunion illicite du 28 janvier 1998. Dès lors que, ainsi que cela ressort du considérant 78 de la décision attaquée (voir point 19 ci-dessus), et sans que cela ait été contesté lors de la procédure administrative ou devant le Tribunal, les contacts visant à déterminer les comportements des membres de l’entente sur le marché en prévision de la négociation annuelle des contrats entre les producteurs de chlorate de sodium et leurs clients s’intensifiaient généralement à la fin de l’année précédente, voire se poursuivaient au tout début de l’année concernée, il convient de considérer que la preuve rapportée de la participation de la requérante à la réunion illicite du 28 janvier 1998 suffisait pour permettre à la Commission de conclure que la requérante avait participé à l’entente au cours de l’année 1998.

244    En second lieu, s’agissant des autres éléments de preuve qui composent le faisceau d’indices, à savoir les trois références faites à la requérante, visées au considérant 349 de la décision attaquée, et les déclarations d’EKA, il convient de relever que, ainsi que cela ressort du considérant 78 de la décision attaquée, les contacts entre les membres de l’entente, d’une part, se tenaient généralement à la fin de chaque année civile, voire au début de l’année faisant l’objet des discussions, et, d’autre part, avaient pour objet une répartition des marchés en cause sur une base annuelle. Il découle de cette considération, non remise en cause par la requérante, que les autres éléments de preuve qui composent le faisceau d’indices visent des contacts ponctuels et respectivement éloignés (à savoir, d’une part, les entretiens téléphoniques des 16 décembre 1996, 4 décembre 1998 et 9 décembre 1999 et, d’autre part, la réunion du 14 octobre 1997), qui étaient susceptibles de se rapporter à des années différentes de l’infraction en cause (à savoir, s’agissant des entretiens téléphoniques susvisés, aux années 1997, 1999 et 2000, voire, s’agissant de la réunion du 14 octobre 1997, à l’année 1998).

245    Partant, outre le fait que, ainsi qu’il a été constaté aux points 204, 212 et 213 ci-dessus, les autres éléments de preuve manquent de fiabilité, et nonobstant les considérations exposées au point 243 ci-dessus au sujet des preuves se rapportant à l’année civile 1998, lesdits éléments revêtent un caractère excessivement épars et fragmentaire.

246    Par conséquent, au regard de la jurisprudence rappelée aux points 96 et 97 ci-dessus, il y a lieu de constater que le faisceau d’indices invoqué par la Commission, apprécié globalement, n’est pas suffisamment précis et concordant et, notamment, ne permet de déceler ni des coïncidences ni des indices, pour fonder la ferme conviction, fût-ce en recourant à des déductions, que la requérante a participé à l’ensemble de l’infraction en cause, à savoir du 16 décembre 1996 au 9 février 2000. En revanche, il convient de considérer que la Commission a rapporté la preuve de la participation de la requérante à l’entente au cours de la seule année civile 1998.

247    Dès lors, il y a lieu d’accueillir la première branche du premier moyen comme partiellement fondée, en ce que la Commission a commis une erreur en concluant, dans la décision attaquée, que la requérante avait participé à l’infraction en cause, d’une part, entre le 16 décembre 1996 et le 27 janvier 1998 et, d’autre part, entre le 1er janvier 1999 et le 9 février 2000. Pour le surplus, il convient de rejeter la première branche du premier moyen.

248    En conclusion, sans qu’il y ait lieu d’examiner le bien-fondé des arguments exposés par la requérante à l’appui de la seconde branche du premier moyen, tirée de l’absence de preuve suffisante quant à la prétendue participation de la requérante à l’infraction en cause, en tant qu’infraction unique et continue, couvrant l’intégralité de l’EEE, ladite branche ayant perdu son objet, il convient d’accueillir partiellement le premier moyen soulevé par la requérante, en ce que la Commission a conclu que la requérante avait participé à l’infraction, d’une part, du 16 décembre 1996 au 27 janvier 1998 et, d’autre part, du 1er janvier 1999 au 9 février 2000. Pour le surplus, et s’agissant donc de la conclusion de la Commission quant à la participation à l’infraction du 28 janvier 1998 au 31 décembre 1998, il convient de rejeter ledit moyen comme non fondé.

249    Il convient donc d’annuler partiellement l’article 1er, sous g), de la décision attaquée en ce que la Commission y a retenu, au titre de la période de la participation de la requérante à l’infraction en cause, les périodes comprises, d’une part, entre le 16 décembre 1996 et le 27 janvier 1998 et, d’autre part, entre le 1er janvier 1999 et le 9 février 2000.

2.     Sur le second moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation commises par la Commission au stade du calcul du montant de l’amende infligée à la requérante

a)     Arguments des parties

250    La requérante soutient que la Commission a commis des erreurs de droit et d’appréciation au stade du calcul du montant de l’amende qui lui a été infligée. Ce second moyen se divise en trois branches tirées, respectivement, d’une part, du caractère disproportionné et discriminatoire de l’amende infligée, d’autre part, d’une erreur dans le calcul de la durée de l’infraction en cause et, enfin, de l’absence de prise en compte de circonstances atténuantes spécifiques à la requérante.

251    En premier lieu, s’agissant du caractère prétendument disproportionné et discriminatoire de l’amende qui lui a été infligée, la requérante fait valoir que la Commission a, premièrement, commis une erreur d’appréciation au titre de la détermination de la gravité de l’infraction qu’elle a commise, en lui appliquant le même degré de gravité qu’aux chefs de file destinataires de la décision attaquée. En effet, la nature de l’infraction commise par la requérante ne serait pas comparable à celle commise par les autres participants à l’entente en cause. Ainsi, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que sa participation à l’infraction n’avait pas duré, selon les conclusions de la Commission, plus de trois années et demie, qu’elle ne portait que sur trois marchés géographiques nationaux de l’EEE, que sa part de marché n’était que de 5 %, qu’elle n’avait pas participé à une infraction unique et continue, et que plusieurs indices démontreraient qu’elle n’avait pas effectivement suivi les accords allégués.

252    Deuxièmement, sur le fondement des mêmes considérations que celles exposées au point 251 ci-dessus, la Commission n’aurait pas dû inclure dans le montant de base de son amende un droit d’entrée sur le fondement du point 25 des lignes directrices de 2006 ou, à tout le moins, un droit d’entrée identique à celui appliqué à tous les autres destinataires de la décision attaquée.

253    Dès lors, troisièmement, en retenant, d’une part, le même niveau de gravité de l’infraction commise par la requérante et, d’autre part, le même droit d’entrée que ceux retenus à l’encontre des autres participants à l’entente en cause afin de fixer le montant de base de l’amende qui leur a été infligée, la Commission n’aurait pas tenu compte des caractéristiques spécifiques de la participation de la requérante à l’infraction par rapport à celles des autres participants. Partant, elle aurait violé le principe de non-discrimination.

254    En deuxième lieu, s’agissant d’une prétendue erreur commise par la Commission dans le calcul de la durée de l’infraction en cause, la requérante reprend les arguments qu’elle a exposés sur le même sujet dans le cadre du premier moyen soulevé. Elle ajoute que, dans l’hypothèse où le Tribunal conclurait à une participation de la requérante à l’entente en cause, d’une part, la date de début de ladite participation serait déterminée par rapport à celle de sa première et unique participation à une réunion avec les concurrents, à savoir la réunion illicite du 28 janvier 1998, et, d’autre part, celle de la fin de ladite participation correspondrait au mois de décembre 1998.

255    En troisième lieu, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte, conformément aux dispositions du point 2 B, des lignes directrices de 2006, des circonstances atténuantes en sa faveur qui justifiaient une réduction du montant de base de l’amende qui lui a été infligée.

256    Notamment, il ressortirait de plusieurs passages des éléments produits par les sociétés ayant demandé le bénéfice de la communication sur la coopération qu’elle n’a pas véritablement suivi les accords allégués conclus par les chefs de file de l’entente. Au demeurant, elle fait observer que certaines des informations présentées par lesdites sociétés concernant les niveaux des prix et des volumes lui ayant été attribués ne correspondraient pas à son comportement sur le marché.

257    La Commission conteste l’ensemble des arguments exposés par la requérante à l’appui du second moyen.

b)     Appréciation du Tribunal

258    Au regard des conclusions tirées au point 247 ci-dessus, il y a lieu, d’emblée, d’accueillir comme fondée la deuxième branche du second moyen, prise de ce que la Commission aurait commis une erreur d’appréciation quant au calcul de la durée de la participation de la requérante à l’infraction.

 Sur la violation des principes de proportionnalité et de non‑discrimination au stade du calcul du montant de base de l’amende

259    Au titre de la première branche du second moyen, la requérante se prévaut d’une violation des principes de proportionnalité et de non‑discrimination, au stade de la détermination du montant de base de l’amende infligée à la requérante, par rapport aux montants de base des amendes infligées aux autres participants à l’entente en cause.

260    En premier lieu, il y a lieu de rappeler que, en vertu des points 9 à 11 des lignes directrices, la méthodologie utilisée par la Commission pour fixer les amendes comporte deux étapes. Dans un premier temps, la Commission détermine un montant de base pour chaque entreprise ou association d’entreprises. Dans un second temps, elle peut ajuster ce montant de base à la hausse ou à la baisse, et ce au regard de circonstances aggravantes ou atténuantes qui caractérisent la participation de chacune des entreprises concernées.

261    S’agissant plus précisément de la première phase de la méthode pour la fixation des amendes, il ressort notamment des points 13 à 25 des lignes directrices de 2006 que le montant de base de l’amende est lié à une proportion de la valeur des ventes des biens ou services réalisées par l’entreprise, durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction. Cette proportion de la valeur des ventes, qui reflète le degré de gravité de l’infraction, peut être fixée, en général, à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %, et ce en tenant compte de facteurs tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction. Il est précisé au point 23 des lignes directrices de 2006 que les accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, qui sont généralement secrets, comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves, de sorte que la proportion des ventes prises en compte pour de telles infractions sera généralement proche de 30 %. Enfin, en vertu des dispositions du point 25 des lignes directrices de 2006, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, un montant additionnel ou « entry right » (ci-après le « droit d’entrée »), dont la somme est comprise entre 15 % et 25 % de la valeur des ventes, est ou peut être inclus par la Commission dans le montant de base de l’amende. Ledit droit est inclus en cas d’accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, et ce afin de dissuader les entreprises de participer à de tels accords. En revanche, il peut être inclus, par la Commission, dans le cas d’autres infractions. Conformément aux dispositions du même point 25 des lignes directrices de 2006, la proportion du droit d’entrée, qu’il s’agisse de celui imposé en cas d’accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, ou de celui susceptible d’être imposé dans les autres cas, est déterminée en tenant compte d’un certain nombre de facteurs dont ceux identifiés au point 22 des mêmes lignes directrices.

262    Les dispositions du point 24 des lignes directrices de 2006 énoncent ce qui suit :

« Afin de prendre pleinement en compte la durée de la participation de chaque entreprise à l’infraction, le montant déterminé en fonction de la valeur des ventes (voir points 20 à 23 ci-dessus) sera multiplié par le nombre d’années de participation à l’infraction. Les périodes de moins d’un semestre seront comptées comme une demie‑année ; les périodes de plus de six mois mais de moins d’un an seront comptées comme une année complète. »

263    En deuxième lieu, en l’espèce, la requérante reproche à la Commission, en substance, en se fondant sur plusieurs caractéristiques la concernant, d’avoir déterminé le montant de base de son amende en retenant, d’une part, le même coefficient d’évaluation de la gravité de l’infraction, soit 19 % (voir le considérant 521 de la décision attaquée), et, d’autre part, le même droit d’entrée de 19 % que ceux appliqués s’agissant du montant de base des amendes infligées aux autres concurrents (voir le considérant 523 de la décision attaquée).

264    À cet égard, il convient de relever qu’il ressort de la décision attaquée ainsi que des lignes directrices de 2006 dont les principes sont appliqués dans celle-ci et enfin de la jurisprudence que, si la gravité de l’infraction est, dans un premier temps, appréciée en fonction des éléments propres à l’infraction, tels que sa nature, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et sa mise en œuvre ou non, dans un second temps, cette appréciation est modulée en fonction de circonstances aggravantes ou atténuantes propres à chacune des entreprises ayant participé à l’infraction (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission, T‑202/98, T‑204/98 et T‑207/98, Rec. p. II‑2035, point 109 ; du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 401, et du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, point 1530).

265    Ainsi, au regard des rappels effectués aux points 261 et 264 ci-dessus, la première phase de la méthode de fixation de l’amende par la Commission a pour objet de déterminer le montant de base de l’amende infligée à chaque entreprise concernée, et ce en appliquant sur la valeur des ventes de produits ou services en cause sur le marché géographique concerné de chacune d’elles un premier coefficient multiplicateur reflétant la gravité de l’infraction, voire un second coefficient multiplicateur visant à les dissuader de s’engager de nouveau dans de tels comportements illégaux. Or, ainsi que cela ressort des lignes directrices de 2006, chacun de ces deux coefficients multiplicateurs est déterminé au regard de facteurs qui reflètent les caractéristiques de l’infraction prise dans sa globalité, à savoir en ce qu’elle regroupe l’ensemble des comportements anticoncurrentiels de la totalité de ses participants.

266    Dès lors, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, il n’y a pas lieu, lors de la détermination du montant de ces deux coefficients multiplicateurs, de tenir compte des caractéristiques spécifiques liées à l’infraction commise par chacun des participants pris individuellement. Cette constatation est en outre confortée par l’objet même de la seconde phase de la méthode de fixation des amendes, qui vise, quant à elle, précisément à tenir compte des circonstances aggravantes ou atténuantes qui caractérisent, de manière individuelle, le comportement anticoncurrentiel de chacun des participants à l’infraction en cause. Ainsi, l’interprétation retenue par la requérante des critères de détermination des deux coefficients multiplicateurs, tels que retenus au cours de la première phase de la méthode pour la fixation des amendes, est manifestement erronée dès lors qu’elle reviendrait à tenir compte, au cours des deux phases de la méthode de fixation des amendes, des mêmes caractéristiques spécifiques à chacun des participants.

267    Par conséquent, les facteurs énumérés au point 22 des lignes directrices de 2006, afin de déterminer à la fois le coefficient multiplicateur « gravité de l’infraction » (point 21 des lignes directrices de 2006) et le coefficient multiplicateur « droit d’entrée » (point 25 des lignes directrices de 2006), ont tous pour objet d’évaluer l’infraction aux règles de concurrence de l’Union, prise dans son ensemble.

268    C’est ainsi que, en l’espèce, tout d’abord, au titre du facteur lié à la nature de l’infraction commise par l’ensemble des concurrents, la Commission a, au considérant 512 de la décision attaquée, constaté qu’ils ont conclu des accords en matière de partage des marchés et de fixation des prix, accords qui constituent les restrictions à la concurrence les plus graves. Ensuite, s’agissant du facteur lié à la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, la Commission a, au considérant 513 de la décision attaquée, constaté que ladite part de marché s’élevait à 90 % au sein de l’EEE. Par ailleurs, s’agissant du facteur lié à l’étendue géographique de l’infraction, la Commission a, au considérant 514 de la décision attaquée, rappelé que ses effets se sont fait ressentir sur une partie substantielle du territoire de l’EEE. Enfin, s’agissant du facteur lié à la mise en œuvre ou non de l’infraction, la Commission a, au considérant 515 de la décision attaquée, constaté que, bien que les résultats escomptés n’étaient pas toujours atteints, les accords ont généralement été mis en œuvre et que ladite mise en œuvre était surveillée au sein de l’entente.

269    Au demeurant, il convient de relever que certains paramètres de calcul du montant de base de l’amende, retenus dès le stade de la première phase de la méthode pour la fixation des amendes, prennent en compte la situation spécifique individuelle de chacune des parties concernées. Il s’agit des deux paramètres objectifs se rapportant, d’une part, à la valeur des ventes, des produits ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE, et, d’autre part, à la durée de la participation de chaque entreprise à l’infraction globale en cause. Dès lors, ainsi que cela ressort des dispositions du point 6 des lignes directrices de 2006, la combinaison de la valeur des ventes, en relation avec l’infraction, de chacune des entreprises en cause et de la durée de leur participation respective permet dès la première phase de la méthode de fixation de l’amende de refléter à la fois l’importance économique de l’infraction, prise dans son ensemble, et le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction.

270    En troisième lieu, au regard des considérations qui précèdent, il convient d’apprécier le bien‑fondé des griefs formulés par la requérante quant à l’absence de prise en compte, lors de la première phase de la méthode de fixation de l’amende qui lui a été infligée, de plusieurs spécificités caractérisant sa participation à l’infraction en cause.

271    Premièrement, s’agissant de la durée de la participation de la requérante à l’infraction et de son poids économique sur le marché concerné en termes de parts de marché et de présence sur seulement trois marchés nationaux de l’EEE, force est de constater que, en multipliant la valeur des ventes des produits réalisées par la requérante en 1999 dans l’EEE, et partant dans les trois marchés nationaux de l’EEE sur lesquels elle vendait du chlorate de sodium, par la durée de sa participation à l’infraction en cause, telle que retenue par la Commission, dans la décision attaquée, conformément aux dispositions du point 24 des lignes directrices de 2006, à savoir trois années et demie, la Commission a, dès cette première phase de la méthode pour la fixation des amendes, tenu compte du poids relatif de la requérante, en termes de parts de marché, de présence sur le territoire de l’EEE et de durée de participation à l’infraction, dans l’infraction prise dans son ensemble. Au surplus et au regard des conclusions tirées au point 247 ci-dessus, il conviendra, au stade de l’examen de la demande de réformation de la décision attaquée, de tenir compte de l’erreur d’appréciation commise par la Commission quant à la détermination de la durée de la participation de la requérante à l’infraction en cause.

272    Par conséquent, l’argument exposé par la requérante, pris de ce que, en substance, la Commission n’a pas tenu compte, au cours de la première phase de la méthode pour la fixation de l’amende qui lui a été infligée, du poids relatif de la requérante dans l’infraction prise dans son ensemble, doit être rejeté comme non fondé.

273    Deuxièmement, s’agissant des griefs formulés par la requérante quant à l’absence de prise en compte par la Commission, au stade de la première phase de la méthode de fixation de l’amende, du fait, d’une part, qu’elle n’a participé qu’à un seul des 72 contacts anticoncurrentiels et, d’autre part, qu’elle n’aurait pas mis en œuvre les accords conclus entre les chefs de file de l’entente en cause, il suffit, au regard des considérations exposées au point 264 ci-dessus, de constater qu’il ne ressort pas des dispositions des lignes directrices de 2006 que la Commission est tenue de prendre en compte de tels éléments spécifiques à un participant à une infraction aux règles de concurrence de l’Union européenne, à ce premier stade de la méthode pour la fixation des amendes. En effet, de tels éléments ne sont pris en compte par la Commission qu’au stade de la seconde phase de ladite méthode, et ce en tant que circonstances aggravantes ou atténuantes propres à chacune des entreprises ayant participé à l’infraction. Par conséquent, il convient d’écarter lesdits griefs comme dépourvus de pertinence.

274    Enfin, en tout état de cause, il convient de relever que, dès lors que la Commission a, au stade de la détermination du montant de base de chacune des amendes, appliqué les mêmes coefficients multiplicateurs, au titre de la gravité de l’infraction et du droit d’entrée, à toutes les entreprises destinataires de la décision attaquée, l’allégation de la requérante quant à la prétendue violation du principe d’égalité de traitement manque en fait.

275    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter les arguments exposés par la requérante à l’appui de la première branche du second moyen, prise d’une violation des principes de proportionnalité et de non‑discrimination, comme, pour partie, dénués de pertinence et, pour l’autre partie, dénués de fondement.

 Sur les circonstances atténuantes

276    Il convient d’examiner le bien‑fondé de la troisième branche du second moyen, prise de ce que la Commission n’aurait pas tenu compte de circonstances atténuantes en faveur de la requérante.

277    À ce titre, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu d’examiner la gravité relative de la participation à l’infraction de chacune d’entre elles (arrêts de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 623, et Commission/Anic Partecipazioni, point 90 supra, point 150), afin de déterminer s’il existe, à leur égard, des circonstances aggravantes ou atténuantes (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 165).

278    Cette conclusion constitue la conséquence logique du principe d’individualité des peines et des sanctions en vertu duquel une entreprise ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés, principe qui est applicable dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en vertu des règles communautaires de concurrence (arrêt Cheil Jedang/Commission, point 277 supra, point 185 ; voir, en ce qui concerne l’imputation d’une amende, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II-3757, point 63).

279    À cet égard, il convient de noter que les points 28 et 29 des lignes directrices de 2006 prévoient une modulation du montant de base de l’amende en fonction de certaines circonstances aggravantes et atténuantes qui sont propres à chaque entreprise concernée.

280    En particulier, le point 29 des lignes directrices de 2006 établit une liste non exhaustive de circonstances atténuantes qui peuvent amener, sous certaines conditions, à une diminution du montant de base de l’amende.

281    Certes, cette liste ne fait plus référence, au titre des circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en compte, au rôle passif d’une entreprise. Toutefois, dans la mesure où la liste établie au point 29 des lignes directrices de 2006 n’est pas exhaustive, une telle hypothèse ne saurait être, dans son principe, écartée au titre des circonstances qui peuvent amener à une diminution du montant de base de l’amende.

282    En l’espèce, il convient tout d’abord de rappeler que c’est à juste titre que la Commission a conclu que la requérante a participé à l’infraction entre le 28 janvier 1998 et le 31 décembre 1998.

283    Ensuite, la requérante se prévaut en substance, au titre de circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en compte, d’une part, de sa qualité d’acteur mineur et partant de son rôle passif dans le cadre de sa participation à l’infraction et, d’autre part, du fait qu’elle n’a pas véritablement mis en œuvre les accords anticoncurrentiels conclus par les chefs de file de l’entente.

–       Sur le rôle passif de la requérante

284    Il ressort de la jurisprudence que le rôle passif d’une entreprise dans la réalisation de l’infraction implique l’adoption par l’entreprise concernée d’un « profil bas », c’est-à-dire une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels (arrêt Cheil Jedang/Commission, point 277 supra, point 167).

285    Toujours selon la jurisprudence, parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l’entente (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 343), de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l’objet de l’infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, 240/82 à 242/82, 261/82, 262/82, 268/82 et 269/82, Rec. p. 3831, point 100), ou encore l’existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Weig/Commission, T‑317/94, Rec. p. II‑1235, point 264).

286    Certes, en l’espèce, il convient tout d’abord de relever qu’il ressort de la décision attaquée que des contacts n’impliquant pas la requérante ont eu lieu entre différents membres de l’entente, préalablement et postérieurement à la réunion illicite du 28 janvier 1998, afin de coordonner leurs efforts de négociation au sujet de l’année 1998, et ce concernant les marchés espagnol, portugais et français.

287    C’est ainsi que, au considérant 172 de la décision attaquée, la Commission a notamment conclu que « […] à la fin de 1997, EKA, Finnish Chemicals et Atochem ont réexaminé leurs volumes de vente et leurs parts de marché au Portugal, en Espagne et en France. […] ». De même, aux considérants 177 à 180 de la décision attaquée, la Commission rapporte, en se fondant sur les notes de M. S. (FC), la teneur de quatre entretiens téléphoniques au cours des mois de janvier, février et mars 1998, entre MM. S. (EKA) et S. (FC) ou entre MM. L. (Arkema France) et S. (FC), entretiens au cours desquels, ainsi que la Commission l’a conclu au considérant 181 de la décision attaquée, d’une part, « [CONFIDENTIEL] » et, d’autre part, « [CONFIDENTIEL] ».

288    Toutefois, c’est à juste titre que la Commission soutient que, au cours de la réunion illicite du 28 janvier 1998, les participants, parmi lesquels la requérante, ont échangé des informations sensibles et en tout état de cause tenté de fixer les prix des produits et de se répartir entre eux les parts de marché sur les différents marchés de l’EEE et que, partant, l’objet de ladite réunion constitue une restriction de concurrence particulièrement grave.

289    En effet, il ressort tant de la décision attaquée que des éléments du dossier de la Commission que, s’agissant de l’année 1998, ce sont les discussions au cours de la réunion illicite du 28 janvier 1998 qui ont joué un rôle déterminant dans le cadre des négociations entre les membres de l’entente présents sur les marchés espagnol, portugais et français, dont notamment Aragonesas, quant à la répartition de leurs volumes de vente sur lesdits marchés et quant à leur politique de prix sur les marchés espagnol et portugais.

290    En outre, il ressort des notes de M. S. (FC) que, si la participation de la requérante à la réunion illicite du 28 janvier 1998 constituait, en tant que première participation de sa part à une réunion de l’entente, un évènement nouveau, il n’en demeure pas moins que cette participation a été active en ce sens que M. A. (Aragonesas) est, ainsi que cela ressort des constatations exposées aux points 230 à 233 ci-dessus, clairement intervenu et a contribué de manière non négligeable, et en tout état de cause à un niveau comparable à celui des autres participants à la réunion, aux négociations visant à nouer des accords anticoncurrentiels concernant chacun des trois marchés espagnol, portugais et français. Partant, bien que la requérante n’ait pas participé directement à d’autres contacts avec les membres de l’entente au sujet de l’année 1998, il convient de constater que les caractéristiques de ladite participation ne sont manifestement pas de nature à révéler un quelconque rôle passif qui aurait été joué, à cette occasion, par la requérante.

291    Par ailleurs, force est de relever qu’il ne ressort ni des pièces du dossier de la Commission ni même de la décision attaquée une quelconque déclaration expresse émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction qui serai de nature à révéler le rôle passif de la requérante au sein de l’entente, au cours de l’année 1998.

292    En outre, à supposer que la requérante ait prétendu se prévaloir de la circonstance atténuante découlant d’une entrée tardive, au sens de la jurisprudence visée au point 285 ci-dessus, d’une des entreprises concernées sur le marché touché par l’infraction, un tel argument serait, en l’espèce, manifestement dénué de pertinence. En effet, si, ainsi qu’il a été conclu ci-dessus, la participation de la requérante à l’infraction n’a débuté qu’à la date du 28 janvier 1998, alors que celle des autres destinataires de la décision attaquée remonterait, aux termes de la décision attaquée, au 21 septembre 1994, en revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier ni de la décision attaquée qu’elle serait entrée tardivement sur le marché du chlorate de sodium. Au contraire, il ressort des considérants 25 à 33 de la décision attaquée qu’Aragonesas, lors de sa création en 1992, appartenait à la division des produits chimiques du groupe Uralita, division dont relevait le chlorate de sodium.

293    De même, l’invocation de la pratique décisionnelle antérieure de la Commission par Aragonesas ne saurait non plus être retenue. En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que la Commission dispose d’une marge d’appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T‑150/89, Rec. p. II‑1165, point 59 ; du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T‑49/95, Rec. p. II‑1799, point 53, et du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T‑229/94, Rec. p. II‑1689, point 127). Le fait que la Commission ait appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions ne saurait dès lors la priver de la possibilité d’élever ce niveau dans les limites indiquées par le règlement nº 1/2003, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de concurrence (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 109 ; arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T‑12/89, Rec. p. II‑907, point 309, et du 14 mai 1998, Europa Carton/Commission, T‑304/94, Rec. p. II‑869, point 89). L’application efficace des règles communautaires de concurrence exige au contraire que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, point 109, et arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 237).

294    En tout état de cause, il convient de rappeler que, en l’espèce et contrairement à d’autres entreprises désignées par la requérante comme ayant pu, selon elle, participer à l’entente, elle a explicitement reconnu avoir participé à la réunion illicite du 28 janvier 1998 et n’a pas rapporté un quelconque élément de preuve de sa distanciation quant à l’objet anticoncurrentiel de cette dernière.

295    Par conséquent, il convient de rejeter l’argument de la requérante pris de ce qu’elle aurait joué, en tant qu’acteur mineur, un rôle passif au sein de l’entente au cours de l’année 1998.

–       Sur l’absence de mise en œuvre des accords

296    Il importe de vérifier si les circonstances avancées par la requérante sont de nature à établir que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, à savoir au cours de la période comprise entre le 28 janvier 1998 et le 31 décembre 1998, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché (voir, en ce sens, arrêts Cimenteries CBR e.a./Commission, point 103 supra, points 4872 à 4874, et Cheil Jedang/Commission, point 277 supra, point 192).

297    Selon la jurisprudence constante, le fait qu’une entreprise, dont la participation à une concertation avec ses concurrents en matière de prix est établie, ne se soit pas comportée sur le marché d’une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte, en tant que circonstance atténuante, lors de la détermination du montant de l’amende à infliger. En effet, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus ou moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d’utiliser l’entente à son profit (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Cascades/Commission, T‑308/94, Rec. p. II‑925, point 230, et Cheil Jedang/Commission, point 277 supra, point 190).

298    En l’espèce, il suffit de relever que les éléments fournis par la requérante ne permettent pas de considérer que son comportement réel sur le marché a été susceptible de contrarier les effets anticoncurrentiels de l’infraction constatée. En particulier, la requérante fait valoir, à l’appui du présent grief, qu’il ressortirait de plusieurs passages des déclarations des sociétés ayant demandé le bénéfice de la communication sur la coopération que la requérante n’aurait pas véritablement suivi les accords allégués conclus entre les chefs de file du marché.

299    Or, le seul passage de ces déclarations, cité par la requérante, qui soit susceptible de rapporter la teneur d’un contact qui aurait pu avoir un effet s’agissant de l’année 1998 est tiré des déclarations d’EKA de 2006 et concerne la réunion de Turku du 14 octobre 1997, entre EKA et FC, au cours de laquelle il aurait été convenu entre les participants « [CONFIDENTIEL] ». Cependant, ainsi qu’il a déjà été constaté aux points 209 à 213 ci-dessus, d’une part, il ressort uniquement des termes de cette déclaration qu’EKA et FC s’étaient mis d’accord pour observer les réactions des autres concurrents en cas d’augmentation des prix des deux premières et, d’autre part, qu’il ne saurait être exclu que, en vertu des comportements des acteurs sur un marché concurrentiel, si l’un d’eux devait, du fait de la pénétration d’un concurrent sur ce dernier, perdre des parts de marché sur ledit marché, il serait naturel qu’il tente de trouver des clients dans des marchés voisins.

300    En outre, force est de constater que la requérante a explicitement indiqué dans ses écritures, ainsi qu’il a été rapporté au point 254 ci-dessus, que, si le Tribunal devait conclure qu’elle a participé à l’entente, sa participation ne pourrait avoir débuté que le 28 janvier 1998 et se serait terminée en décembre 1998. Toutefois, elle n’a communiqué au Tribunal aucun élément de preuve qui serait susceptible de démontrer que, au cours de la période comprise entre le 28 janvier 1998 et le 31 décembre 1998, elle se serait effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché. Les seuls éléments fournis à cette fin par la requérante ne portent que sur ses volumes de vente à ses clients en France, au Portugal et en Espagne en 1999 et 2000 et sur ses prix pratiqués à l’égard de ses différents clients en Espagne et au Portugal au cours des mêmes années.

301    Partant, il convient de rejeter l’argument pris de l’absence de mise en œuvre des accords durant la période au cours de laquelle la requérante a participé à l’infraction.

302    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient d’accueillir partiellement le second moyen, en ce que la durée de l’infraction commise par la requérante, telle que retenue par la Commission aux fins du calcul de l’amende qui lui a été infligée, est erronée. Pour le surplus, il y a lieu de rejeter le second moyen.

303    En conclusion, il y a lieu d’accueillir de manière partielle la demande d’annulation de la décision attaquée, dans la mesure où, d’une part, la Commission y conclut, à son article 1er, à la participation de la requérante à l’infraction entre le 16 décembre 1996 et le 27 janvier 1998 et entre le 1er janvier 1999 et le 9 février 2000 et, d’autre part, la Commission y fixe, à son article 2, le montant de l’amende à 9 900 000 euros.

B –  Sur la demande de réformation des articles 1er et 2 de la décision attaquée

1.     Arguments des parties

304    À titre subsidiaire, dans son second chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal, à défaut d’accueillir la demande d’annulation dans son ensemble, de réformer les articles 1er et 2 de la décision attaquée, afin de réduire substantiellement le montant de l’amende qui lui a été infligée.

305    La Commission s’oppose aux demandes de la requérante.

2.     Appréciation du Tribunal

306    Il ressort de la jurisprudence que le fait que l’examen des moyens soulevés à l’encontre de la légalité d’une décision de la Commission infligeant une amende pour violation des règles de concurrence de l’Union a révélé une illégalité ne dispense pas le Tribunal d’examiner s’il doit, en fonction des conséquences de ladite illégalité et en faisant usage de sa compétence de pleine juridiction, réformer la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑59/02, Rec. p. II‑3627, point 443).

307    Compte tenu, d’une part, de l’illégalité qui a été constatée quant à la durée de la participation de la requérante à l’entente en cause et, partant, des conclusions tirées par le Tribunal au point 303 ci-dessus quant à l’annulation partielle de la décision attaquée, conclusions dont il incombe à la Commission de tirer toutes les conséquences dans le cadre de l’exécution du présent arrêt, il n’y a pas lieu, en l’espèce, de faire droit aux conclusions à fin de réformation de la décision attaquée présentées par la requérante.

308    Par conséquent, il n’y a pas lieu d’exercer, en l’espèce, le pouvoir de pleine juridiction du Tribunal en modifiant l’article 2, sous f), de la décision attaquée.

 Sur les dépens

309    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

310    En l’occurrence, la requérante obtenant l’annulation partielle de la décision attaquée, qui se rapproche de celle recherchée dans le cadre de son recours, il y a lieu de conclure que ledit recours a été, pour une part significative, accueilli par le Tribunal.

311    Dès lors, au regard des circonstances de l’espèce, il y a lieu de décider que la Commission supportera les deux tiers des dépens de la requérante et la moitié de ses propres dépens. La requérante supportera quant à elle un tiers de ses propres dépens et la moitié des dépens de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’article 1er, sous g), de la décision C (2008) 2626 final de la Commission, du 11 juin 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/38.695 – Chlorate de sodium), est annulé dans la mesure où la Commission des Communautés européennes y a constaté une infraction, de la part d’Aragonesas Industrias y Energía, SAU, pour les périodes comprises, d’une part, entre le 16 décembre 1996 et le 27 janvier 1998 et, d’autre part, entre le 1er janvier 1999 et le 9 février 2000.

2)      L’article 2, sous f), de la décision C (2008) 2626 final est annulé en ce qu’il fixe le montant de l’amende à 9 900 000 euros.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Aragonesas Industrias y Energía est condamnée à supporter un tiers de ses propres dépens et la moitié des dépens de la Commission.

5)      La Commission est condamnée à supporter la moitié de ses propres dépens et deux tiers des dépens d’Aragonesas Industrias y Energía.

Pelikánová

Jürimäe

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 octobre 2011.

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

A –  Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

1.  Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation en ce que la Commission a retenu la participation de la requérante à l’infraction entre le 16 décembre 1996 et le 9 février 2000

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Considérations générales relatives à la preuve

Éléments de preuve retenus dans la décision attaquée s’agissant de la participation de la requérante à l’infraction en cause

–  Observations liminaires

–  Éléments de preuve initialement retenus par la Commission, dans la décision attaquée, au stade de la phase préliminaire de la procédure administrative

–  Éléments de preuve expressément retenus par la Commission, dans la décision attaquée, au terme de la phase contradictoire de la procédure administrative

–  Interprétation du considérant 352 de la décision attaquée

–  Conclusion quant à l’identification des éléments de preuve retenus à l’encontre de la requérante, au titre de sa prétendue participation à l’infraction en cause

Sur la valeur probante des éléments de preuve retenus à l’encontre de la requérante

–  S’agissant des preuves écrites contemporaines de la participation directe de la requérante à l’infraction en cause

–  S’agissant des déclarations de FC et d’EKA

–  S’agissant de l’aveu de la requérante concernant sa participation à la réunion illicite du 28 janvier 1998

Sur le caractère précis et concordant du faisceau d’indices invoqué par la Commission afin de démontrer la participation de la requérante à l’infraction en cause

2.  Sur le second moyen, tiré d’erreurs de droit et d’appréciation commises par la Commission au stade du calcul du montant de l’amende infligée à la requérante

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Sur la violation des principes de proportionnalité et de non‑discrimination au stade du calcul du montant de base de l’amende

Sur les circonstances atténuantes

–  Sur le rôle passif de la requérante

–  Sur l’absence de mise en œuvre des accords

B –  Sur la demande de réformation des articles 1er et 2 de la décision attaquée

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1 – Données confidentielles occultées.