Language of document : ECLI:EU:T:2024:56

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

7 février 2024 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres – Liste des personnes, des entités et des organismes faisant l’objet de restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres – Inscription et maintien du nom du requérant sur les listes – Notion de “soutien aux actions ou politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine” – Article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2014/145/PESC – Article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) no 269/2014 – Compétence du Tribunal – Obligation de motivation – Erreur d’appréciation – Droits de la défense – Droit de propriété et liberté d’entreprendre – Liberté de circulation »

Dans l’affaire T‑237/22,

Alisher Usmanov, demeurant à Tashkent (Ouzbékistan), représenté par Mes J. Grand d’Esnon, C. Durrleman et S. Lescanne, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Vitro, B. Driessen et Mme D. Laurent, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme M. Brkan (rapporteure) et M. I. Gâlea, juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 avril 2022,

–        l’ordonnance du 27 juin 2022, Usmanov/Conseil (T‑237/22 R, non publiée, EU:T:2022:401), par laquelle le président du Tribunal a rejeté la demande en référé et réservé les dépens,

–        le mémoire en adaptation déposé par le requérant au greffe du Tribunal le 3 mai 2023,

–        les documents déposés par le requérant au greffe du Tribunal le 31 mai 2023 et versés au dossier,

à la suite de l’audience du 6 juin 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Alisher Usmanov, demande l’annulation, d’une part, de la décision (PESC) 2022/329 du Conseil, du 25 février 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 50, p. 1), et du règlement (UE) 2022/330 du Conseil, du 25 février 2022, modifiant le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 51, p. 1), et, d’autre part, de la décision (PESC) 2022/337 du Conseil, du 28 février 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 59, p. 1), et du règlement d’exécution (UE) 2022/336 du Conseil, du 28 février 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 58, p. 1) (ci-après les « actes initiaux »), et, après adaptation, de la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 134), et du règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 1) (ci-après les « actes de maintien »), dans la mesure où ces actes (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») le concernent.

 Antécédents du litige

2        Le requérant est un homme d’affaires ayant les nationalités russe et ouzbek.

3        Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16). Le même jour, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215 TFUE, le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).

4        Le 24 février 2022, le président de la Fédération de Russie a annoncé une opération militaire en Ukraine et les forces armées russes ont commencé à attaquer l’Ukraine.

5        Le même jour, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a publié une déclaration au nom de l’Union européenne condamnant avec la plus grande fermeté l’invasion non provoquée de l’Ukraine par les forces armées de la Fédération de Russie et l’implication de la République de Biélorussie dans cette agression contre l’Ukraine. Le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a indiqué que la riposte de l’Union comprendrait des mesures restrictives à la fois sectorielles et individuelles.

6        À cette même date, le Conseil européen a condamné avec la plus grande fermeté l’agression militaire non provoquée et injustifiée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, indiquant que, par ses actions militaires illégales, la Fédération de Russie violait de façon flagrante le droit international et les principes de la charte des Nations unies et portait atteinte à la sécurité et à la stabilité européennes et mondiales. Le Conseil européen a demandé à la Fédération de Russie et aux formations armées qu’elle soutenait de respecter le droit humanitaire international et de cesser leur campagne de désinformation et leurs cyberattaques. Le Conseil européen a marqué son accord sur de nouvelles mesures restrictives, en coordination étroite avec les partenaires et alliés de l’Union.

7        Le 25 février 2022, dans le sillage de ces déclarations, le Conseil a, eu égard à la gravité de la situation, adopté la décision 2022/329, modifiant la décision 2014/145, et le règlement 2022/330, modifiant le règlement no 269/2014, afin de modifier les critères d’inscription sur les listes des personnes, entités et organismes visés par les mesures restrictives en cause.

8        L’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, prévoit ce qui suit :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire :

a)      des personnes physiques qui sont responsables d’actions ou de politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ou la stabilité ou la sécurité en Ukraine, ou qui font obstruction à l’action d’organisations internationales en Ukraine, des personnes physiques qui soutiennent ou mettent en œuvre de telles actions ou politiques ;

[…]

b)      des personnes physiques qui apportent un soutien matériel ou financier aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ces décideurs ; […]

et les personnes physiques qui leur sont associées, dont la liste figure en annexe. »

9        L’article 2, paragraphe 1, de la décision 2014/145 telle que modifiée se lit comme suit :

« Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :

a)      à des personnes physiques qui sont responsables d’actions ou de politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ou la stabilité ou la sécurité en Ukraine, ou qui font obstruction à l’action d’organisations internationales en Ukraine, à des personnes physiques qui soutiennent ou mettent en œuvre de telles actions ou politiques ;

[…]

d)      à des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui apportent un soutien matériel ou financier aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ces décideurs ;

[…]

et les personnes physiques et morales, les entités ou les organismes qui leur sont associés, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent, dont la liste figure en annexe ».

10      Les modalités de ce gel de fonds sont définies à l’article 2, paragraphes 3 à 6, de la décision 2014/145.

11      Le règlement no 269/2014 dans sa version modifiée par le règlement 2022/330 a prévu l’adoption de mesures de gel de fonds et en a défini les modalités en des termes identiques à ceux de la décision 2014/145 telle que modifiée. En effet, l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement a repris les mêmes critères que ceux énoncés à l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2014/145 telle que modifiée.

12      Le 28 février 2022, par la décision 2022/337 et le règlement d’exécution 2022/336, le Conseil a ajouté le nom du requérant sur les listes des personnes physiques ou morales, entités et organismes faisant l’objet de mesures restrictives annexées à la décision 2014/145 et au règlement no 269/2014 (ci-après « les listes litigieuses »).

13      Les motifs de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses ont été les suivants :

« Alisher Usmanov est un oligarque pro-Kremlin qui entretient des liens particulièrement étroits avec le président russe Vladimir Poutine. Il a été désigné comme l’un des oligarques préférés de Vladimir Poutine. Il est considéré comme l’un des hommes d’affaires officiels de la Russie chargés de gérer les flux financiers, mais dont la position dépend de la volonté du président. M. Usmanov aurait fait office de façade pour le président Poutine et résolu ses problèmes dans le domaine des affaires. Selon les fichiers du FinCEN, il a versé six millions de dollars à l’influent conseiller de Vladimir Poutine, Valentin Yumashev. Dmitry Medvedev, le vice-président du conseil de sécurité de la Russie et ancien président et Premier ministre de la Russie, a bénéficié de l’utilisation personnelle des résidences luxueuses contrôlées par M. Usmanov.

Il a donc apporté un soutien matériel ou financier actif à des décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine.

M. Usmanov a des intérêts dans le minerai de fer et l’acier, les médias et les sociétés d’Internet. Son principal holding est le géant de l’acier Metalloinvest. Lorsque M. Usmanov a pris le contrôle du quotidien économique Kommersant, la liberté de la rédaction a été restreinte et le journal a adopté une position manifestement pro-Kremlin. Sous M. Usmanov, le Kommersant a publié un article propagandiste anti-ukrainien de Dmitry Medvedev, dans lequel l’ancien président de la Russie affirmait qu’il était inutile d’engager des pourparlers avec les autorités ukrainiennes actuelles, qui, selon lui, étaient sous contrôle étranger direct.

Il a donc soutenu activement les politiques de déstabilisation de l’Ukraine menées par le gouvernement russe. »

14      Le 1er mars 2022, un avis à l’attention des personnes, entités et organismes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145, modifiée par la décision 2022/337, et par le règlement no 269/2014, mis en œuvre par la règlement d’exécution 2022/336, a été publié au Journal officiel (JO 2022, C 101, p. 4) et a précisé notamment que les personnes et entités concernées pouvaient adresser au Conseil, avant le 1er juin 2022, une demande de réexamen de la décision par laquelle elles avaient été inscrites sur les listes litigieuses, en y joignant des pièces justificatives.

15      Le 6 avril 2022, le requérant a sollicité du Conseil l’accès à l’ensemble du dossier le concernant, ce qui a été fait le 28 avril 2022 par transmission du dossier portant la référence WK 2767/2022 (ci-après le « premier dossier de preuves »).

16      Le 13 mars 2023, le Conseil a adopté les actes de maintien, dont il a résulté que la décision 2014/145 telle que modifiée a été applicable jusqu’au 15 septembre 2023 et que les mesures restrictives individuelles applicables au requérant ont été ainsi prolongées, le nom de celui-ci étant maintenu sur les listes litigieuses pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés au point 13 ci-dessus.

 Conclusions des parties

17      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués en ce qui le concerne ;

–        annuler la décision 2022/329 et le règlement 2022/330 ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 1er, paragraphe 2, sous f) et g), de la décision 2022/329 et l’article 1er, sous f) et g), du règlement 2022/330 ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

18      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

19      À titre liminaire, il convient d’examiner la compétence du Tribunal en ce que le recours vise l’annulation de la décision 2022/329 et la compétence du Tribunal et la recevabilité du recours en ce qu’il vise l’annulation du règlement 2022/330.

 Sur la compétence du Tribunalpour connaître du chef de conclusion visant l’annulation de la décision 2022/329

20      Le requérant demande l’annulation de la décision 2022/329, en ce qu’elle modifie l’article 2, paragraphe 1 de la décision 2014/145 et introduit de nouveaux critères pour l’inscription sur la liste des personnes physiques ou morales, entités ou organismes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par cette disposition.

21      À cet égard, le requérant demande, à titre principal, l’annulation de la décision 2022/329 dans son intégralité. L’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2022/329 modifie l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2014/145 en modifiant les critères d’inscription dont la liste est dressée à l’article 2, paragraphe 1, sous a) à g), de cette décision. À titre subsidiaire, il demande l’annulation des seuls critères prévus à l’article 2, paragraphe 1, sous f) et g), de la décision 2014/145 telle que modifiée.

22      Il convient d’examiner d’office si les conclusions en annulation de la décision 2022/329 sont portées devant une juridiction compétente pour en connaître. En effet, dans la mesure où la question de la compétence du Tribunal pour connaître d’un litige est d’ordre public, une telle question peut à tout moment de la procédure être examinée, même d’office, par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2020, Bank Refah Kargaran/Conseil, C‑134/19 P, EU:C:2020:793, point 25 et jurisprudence citée).

23      Il y a lieu de relever que la décision 2022/329 a été adoptée sur le fondement de l’article 29 TUE, qui est une disposition relative à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) au sens de l’article 275 TFUE.

24      Si, par application de l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE et de l’article 275, premier alinéa, TFUE, la Cour de justice de l’Union européenne n’est, en principe, pas compétente en ce qui concerne les dispositions relatives à la PESC ainsi que les actes adoptés sur le fondement de ces dispositions, il y a lieu de rappeler, toutefois, que les traités établissent explicitement deux exceptions à ce principe. En effet, d’une part, tant l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE que l’article 275, second alinéa, TFUE prévoient que la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour contrôler le respect de l’article 40 TUE. D’autre part, l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, dernière phrase, TUE attribue à la Cour de justice de l’Union européenne la compétence pour contrôler la légalité de certaines décisions visées à l’article 275, second alinéa, TFUE. Pour sa part, cette dernière disposition prévoit la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne pour se prononcer sur les recours, formés dans les conditions prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, concernant le contrôle de la légalité des décisions du Conseil, adoptées sur le fondement des dispositions relatives à la PESC, qui prévoient des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales (arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 60).

25      Par conséquent, il convient de vérifier si les dispositions de la décision 2022/329 prévoient des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales, au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE.

26      À cet égard, en ce qui concerne les actes adoptés sur le fondement des dispositions relatives à la PESC, c’est la nature individuelle de ces actes qui ouvre, conformément aux termes de l’article 275, second alinéa, TFUE et de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, l’accès au juge de l’Union (arrêt du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, EU:C:2013:258, point 57 ; voir, également, arrêt du 17 février 2017, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑14/14 et T‑87/14, EU:T:2017:102, point 37 et jurisprudence citée).

27      Des mesures de portée générale ne constituent pas des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE. Cela est notamment le cas lorsque des dispositions prévoient des mesures dont le champ d’application est déterminé par référence à des critères objectifs et que ces mesures ne ciblent pas des personnes physiques ou morales identifiées, mais s’appliquent de manière générale (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, points 97 et 98).

28      La décision 2022/329 modifie, d’une part, l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/145, relatif à des restrictions en matière d’admission sur le territoire de l’Union, et, d’autre part, l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2014/145, portant sur des mesures de gels de fonds, en ce qu’elle modifie les critères d’inscription sur la liste des personnes physiques ou morales, entités et organismes faisant l’objet de mesures restrictives annexée à la décision 2014/145.

29      La décision 2022/329 définit ces critères d’inscription applicables de manière générale et abstraite. En effet, concernant les mesures de gels de fonds, la décision 2022/329 modifie l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2014/145 et prévoit que « sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :

a)      à des personnes physiques qui sont responsables d’actions ou de politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ou la stabilité ou la sécurité en Ukraine, ou qui font obstruction à l’action d’organisations internationales en Ukraine, à des personnes physiques qui soutiennent ou mettent en œuvre de telles actions ou politiques ;

b)      à des personnes morales, des entités ou des organismes qui soutiennent matériellement ou financièrement des actions qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine ;

c)      à des personnes morales, des entités ou des organismes de Crimée ou de Sébastopol dont la propriété a été transférée en violation du droit ukrainien, ou à des personnes morales, des entités ou des organismes qui ont bénéficié d’un tel transfert ;

d)      à des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui apportent un soutien matériel ou financier aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ces décideurs ;

e)      à des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui réalisent des transactions avec les groupes séparatistes de la région du Donbas en Ukraine ;

f)      à des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui apportent un soutien matériel ou financier au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ce gouvernement ; ou

g)      à des femmes et hommes d’affaires influents ou des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine,

et les personnes physiques et morales, les entités ou les organismes qui leur sont associés, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent, dont la liste figure en annexe. »

30      Il convient ainsi de distinguer, d’une part, la décision qui définit les critères d’inscription ou les modifie de manière générale et, d’autre part, la décision ultérieure par laquelle le Conseil décide d’inscrire le nom d’une personne physique ou morale identifiée en application de ces critères. Or en l’espèce, la décision 2022/329 ne fait que modifier de manière générale la définition des critères d’inscription sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives annexée à la décision 2014/145. Cette décision du 25 février 2022 se distingue de la décision 2022/337 du 28 février 2022 par laquelle le nom du requérant a été inscrit sur la liste annexée à la décision 2014/145 et de la décision 2023/572 du 13 mars 2023 qui maintient cette inscription. En l’espèce, la « décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales », au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE, est à trouver dans l’acte par lequel l’inscription du nom du requérant a été effectuée, à savoir la décision 2022/337 du 28 février 2022, par laquelle le nom du requérant a été ajouté à l’annexe de la décision 2014/145, puis la décision 2023/572 du 13 mars 2023 par laquelle son nom a été maintenu dans cette annexe.

31      Cette situation est à distinguer de celle des points 100 à 107 de l’arrêt du 28 mars 2017, Rosneft (C‑72/15, EU:C:2017:236), dans lequel la Cour s’est reconnue compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur la validité de dispositions relatives à la PESC, à savoir l’article 1er, paragraphe 2, sous b) à d), et paragraphe 3, de l’article 7 et l’annexe III de la décision 2014/512. En l’occurrence, l’objet des mesures restrictives prévues par ces dispositions était défini par référence à des entités spécifiques qui étaient identifiées en annexe à la décision en cause au moment de son adoption, parmi lesquelles figurait la société requérante Rosneft comme précisé au point 104 dudit arrêt. Ainsi, ces dispositions n’étaient pas des mesures s’appliquant de manière générale, mais ciblaient des personnes physiques ou morales identifiées.

32      Au surplus, il y a lieu de relever que, en l’espèce, le requérant n’a pas soulevé d’exception d’illégalité au titre de l’article 277 TFUE contre l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2014/145 telle que modifiée par la décision 2022/329.

33      Interrogé lors de l’audience sur la question de savoir s’il entendait, par le chef de conclusions visant l’annulation de la décision 2022/329, en réalité soulever une exception d’illégalité visant l’article 2, paragraphe 1, sous a) et d), de la décision 2014/145 telle que modifiée, le requérant a maintenu son chef de conclusions visant l’annulation de la décision 2022/329.

34      La décision 2022/329 ne peut être qualifiée de « décision prévoyant des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales », au sens de l’article 275, second alinéa, TFUE. Par conséquent, il y a lieu, en l’espèce, de rejeter les conclusions en annulation de la décision 2022/329 comme étant portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

 Sur la compétence du Tribunal pour connaître du chef de conclusions visant l’annulation du règlement 2022/330 et sur la recevabilité dudit chef

35      Le requérant demande l’annulation du règlement 2022/330. Ce règlement modifie l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 portant sur des mesures de gels de fonds en ce qu’il modifie les critères d’inscription sur la liste des personnes physiques ou morales, entités et organismes faisant l’objet de mesures restrictives annexée au règlement no 269/2014. À titre principal, le requérant demande l’annulation de l’intégralité du règlement 2022/330, en ce qu’il modifie l’article 3, paragraphe 1, sous a) à g) du règlement no 269/2014. À titre subsidiaire, le requérant demande l’annulation du règlement 2022/330 en ce qu’il modifie l’article 3, paragraphe 1, sous f) et g), du règlement no 269/2014.

36      Il convient de rappeler que la compétence du Tribunal ne se trouve aucunement limitée s’agissant d’un règlement adopté sur le fondement de l’article 215 TFUE, qui donne effet à des décisions de l’Union arrêtées dans le contexte de la PESC. En effet, de tels règlements constituent des actes de l’Union adoptés sur le fondement du traité FUE à l’égard desquels les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu des traités, assurer un contrôle en principe complet de légalité [voir arrêt du 22 juin 2021, Venezuela/Conseil (Affectation d’un État tiers), C‑872/19 P, EU:C:2021:507, point 21 et jurisprudence citée].

37      Le règlement 2022/330 a été adopté sur le fondement de l’article 215 TFUE, qui régit les mesures restrictives adoptées par le Conseil dans le cadre de l’action extérieure de l’Union, et le Tribunal est ainsi compétent pour connaître du chef de conclusions soulevé par le requérant visant l’annulation du règlement 2022/330.

38      Toutefois, il convient de vérifier si ce chef de conclusion est recevable.

39      Il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir l’acte attaqué être annulé. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté. La preuve d’un tel intérêt, qui s’apprécie au jour où le recours est formé et qui constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice, doit être rapportée par le requérant (arrêts du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 37, et du 27 mars 2019, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, C‑236/17 P, EU:C:2019:258, point 91).

40      En l’espèce, il ressort des motifs d’inscription mentionnés au point 13 ci-dessus que le requérant a été ajouté sur la liste annexée au règlement no 269/2014 tel que modifié, en application de l’article 3, paragraphe 1, sous a) et d), dudit règlement. Il convient de constater que le requérant n’a pas été inscrit sur la liste annexée au règlement no 269/2014 en vertu des critères prévus à l’article 3, paragraphe 1, sous b), c) et e) à g), du règlement no 269/2014 tel que modifié.

41      Par conséquent, dans la mesure où le requérant n’a pas été inscrit sur la liste annexée au règlement no 269/2014 en vertu de ces critères, il n’a aucun intérêt à demander l’annulation du règlement 2022/330 en ce qu’il a modifié l’article 3, paragraphe 1, sous b), c) et e) à g) du règlement no 269/2014 tel que modifié. Le chef de conclusion visant l’annulation desdits critères doit donc être déclaré irrecevable.

42      Il convient de poursuivre l’examen de la recevabilité de ce chef de conclusions uniquement en prenant en considération le règlement 2022/330 en ce qu’il modifie l’article 3, paragraphe 1, sous a) et d), du règlement no 269/2014.

43      L’article 3, paragraphe 1, sous a) et d), du règlement no 269/2014 tel que modifié par le règlement 2022/330 reprend les mêmes critères que ceux énoncés à l’article 2, paragraphe 1, sous a) et d), de la décision 2014/145 et vise :

–        les « personnes physiques qui sont responsables d’actions ou de politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ou la stabilité ou la sécurité en Ukraine, ou qui font obstruction à l’action d’organisations internationales en Ukraine, des personnes physiques qui soutiennent ou mettent en œuvre de telles actions ou politiques » [critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2014/145 telle que modifiée, à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 269/2014 tel que modifié ainsi que, en substance, à l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la décision 2014/145 telle que modifiée (ci-après le « critère a) »)] ;

–        les « personnes physiques qui apportent un soutien matériel ou financier aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ces décideurs » [critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous d), de la décision 2014/145 telle que modifiée, à l’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement no 269/2014 tel que modifié ainsi que, en substance, à l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la décision 2014/145 telle que modifiée (ci-après le « critère d) »)].

44      Dans la mesure où le nom du requérant a été inscrit sur le fondement des critères a) et d), il a un intérêt à agir contre le règlement 2022/330 en ce que ledit règlement a modifié ces critères à l’article 3, paragraphe 1, du règlement 269/2014.

45      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

46      En l’espèce, tout d’abord, le requérant n’est pas le destinataire du règlement 2022/330.

47      Ensuite, il convient de vérifier si le règlement 2022/330, en ce qu’il modifie les critères a) et d) prévus par l’article 3, paragraphe 1 du règlement 269/2014, constitue un acte réglementaire qui concerne directement le requérant et qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

48      À cet égard, il convient de relever que le règlement 2022/330 est un acte réglementaire en ce qu’il a une portée générale et que, adopté sur le fondement de l’article 215 TFUE et selon la procédure prévue à cet article, il ne l’a pas été conformément à la procédure législative ordinaire, visée à l’article 289, paragraphe 1, TFUE et définie à l’article 294 TFUE [voir, par analogie, arrêt du 22 juin 2021, Venezuela/Conseil (Affectation d’un État tiers), C‑872/19 P, EU:C:2021:507, point 92].

49      En outre, selon la jurisprudence constante de la Cour, l’expression « qui ne comportent pas de mesures d’exécution », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, doit être interprétée à la lumière de l’objectif de cette disposition qui consiste, ainsi qu’il ressort de sa genèse, à éviter qu’un particulier soit contraint d’enfreindre le droit pour pouvoir accéder à un juge. Or, lorsqu’un acte réglementaire produit directement des effets sur la situation juridique d’une personne physique ou morale sans requérir des mesures d’exécution, cette dernière risque d’être dépourvue d’une protection juridictionnelle effective si elle ne dispose pas d’une voie de recours devant le juge de l’Union aux fins de mettre en cause la légalité de cet acte réglementaire. En effet, en l’absence de mesures d’exécution, une personne physique ou morale, bien que directement concernée par l’acte en question, ne serait en mesure d’obtenir un contrôle juridictionnel de cet acte qu’après avoir violé les dispositions dudit acte en se prévalant de l’illégalité de celles-ci dans le cadre des procédures ouvertes à son égard devant les juridictions nationales (arrêts du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 27, et du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 58).

50      La Cour a, par ailleurs, itérativement jugé que, aux fins d’apprécier si un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, il y a lieu de s’attacher à la position de la personne invoquant le droit de recours au titre de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE (voir arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C‑622/16 P à C‑624/16 P, EU:C:2018:873, point 61 et jurisprudence citée).

51      En l’espèce, il y a lieu de constater que, pour son application, le règlement 2022/330 nécessite l’adoption d’une mesure d’exécution consistant, comme il ressort de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 tel que modifié, en l’inscription ou, après réexamen, le maintien de l’inscription du nom de la personne, de l’entité ou de l’organisme visé à l’annexe I dudit règlement. Partant, le règlement 2022/330 ne constitue pas un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE.

52      Enfin, il convient de vérifier si le requérant est directement et individuellement concerné par le règlement 2022/330 en ce qu’il modifie les critères a) et d).

53      Il convient ainsi de distinguer, d’une part, le règlement 2022/330, modifiant l’article 3, paragraphe 1, sous a) et d), du règlement no 269/2014, qui définit les critères d’inscription de manière générale sans que des personnes physiques ou morales inscrites en annexe soient identifiées ou identifiables au moment de son adoption, et, d’autre part, le règlement d’exécution ultérieur par lequel le Conseil a décidé d’inscrire le nom d’une personne physique ou morale identifiée en application de ces critères. Or, en l’espèce, le règlement 2022/330 ne fait que modifier de manière générale la définition des critères d’inscription sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives annexée au règlement no 269/2014, de sorte qu’il n’affecte pas individuellement le requérant. L’acte individuel directement attaquable par le requérant est l’acte par lequel son nom a été inscrit à l’annexe I du règlement no 269/2014, à savoir le règlement d’exécution 2022/336.

54      Par conséquent, l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 tel que modifié n’est pas, en tant que tel, une disposition d’un acte dont le requérant peut demander l’annulation sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

55      En outre, ainsi qu’il ressort du point 33 ci-dessus, le requérant n’a pas soulevé d’exception d’illégalité au titre de l’article 277 TFUE contre l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 tel que modifié par le règlement 2022/330.

56      Partant, le chef de conclusions visant l’annulation, à titre principal, du règlement 2022/330 dans son intégralité et, à titre subsidiaire, de l’article 1er du règlement 2022/330 en ce qu’il modifie l’article 3, paragraphe 1, sous f) et g), du règlement no 269/2014, doit être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le fond

57      Le requérant invoque, en substance, sept moyens, tirés, le premier, d’une violation des droits de la défense, du droit d’être entendu et du droit à une protection juridictionnelle effective, le deuxième, de l’illégalité des critères définis par la décision 2022/329 et par le règlement 2022/330, le troisième, de l’illégalité de l’inscription du requérant sur les listes litigieuses en ce qu’elle reposerait sur des critères eux-mêmes illégaux, le quatrième, d’une violation de l’obligation de motivation, le cinquième, d’une absence de valeur probante des preuves produites par le Conseil et d’une erreur manifeste d’appréciation, le sixième, d’une violation des droits fondamentaux et, le septième, d’une violation du principe de proportionnalité.

58      Dans la mesure où les chefs de conclusion visant l’annulation de la décision 2022/330 et du règlement 2022/330 ont été, comme il ressort des points 20 à 56 ci-dessus, rejetés, respectivement, pour incompétence et comme étant irrecevable, il n’y a pas lieu d’examiner les deuxième et troisième moyens, tirés de l’illégalité des critères définis par la décision 2022/329 et par le règlement 2022/330 et de l’illégalité de l’inscription du requérant sur les listes litigieuses en ce qu’elle reposerait sur des critères illégaux.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense, du droit d’être entendu et du droit à une protection juridictionnelle effective

59      Le requérant invoque une violation de ses droits de la défense, de son droit d’être entendu et de son droit à une protection juridictionnelle effective, au motif qu’il n’a pas reçu en temps utile les motifs de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses. Il reproche au Conseil de ne pas lui avoir adressé une communication individuelle de la décision par laquelle son nom a été inscrit sur les listes litigieuses alors qu’il disposait de son adresse. Il considère que, s’il avait été averti de l’existence de la décision dont il faisait l’objet et mis en mesure de faire valoir ses observations en temps utile, la procédure aurait abouti à un résultat différent.

60      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

61      Il y a lieu de rappeler que le droit d’être entendu dans toute procédure, prévu à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la Charte »), qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure administrative et avant qu’une décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts ne soit prise à son égard (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 75 et jurisprudence citée).

62      Dans le cadre d’une procédure portant sur l’adoption de la décision d’inscrire le nom d’une personne sur une liste figurant à l’annexe d’un acte portant mesures restrictives, le respect des droits de la défense exige que l’autorité compétente de l’Union communique à la personne concernée les motifs et les éléments retenus à sa charge sur lesquels cette autorité envisage de fonder sa décision. Lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue à l’égard des motifs retenus à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 111 et 112).

63      L’article 52, paragraphe 1, de la Charte admet toutefois des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, pour autant que la limitation concernée respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 101 et jurisprudence citée).

64      À cet égard, la Cour a, à plusieurs reprises, jugé que les droits de la défense pouvaient être soumis à des limitations ou dérogations, et ce notamment dans le domaine des mesures restrictives adoptées dans le contexte de la PESC (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 67 et jurisprudence citée).

65      En outre, l’existence d’une violation des droits de la défense doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 102 et jurisprudence citée).

66      C’est à la lumière de ces principes jurisprudentiels qu’il convient d’analyser les arguments du requérant.

–       Concernant les actes initiaux

67      En premier lieu, le requérant soutient que le Conseil ne lui a pas communiqué de manière individuelle les actes initiaux ainsi que les motifs justifiant l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

68      Il convient, tout d’abord, de relever que l’article 3, paragraphe 2, de la décision 2014/145 et l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 269/2014 prévoient que le Conseil communique à la personne physique ou morale, à l’entité ou à l’organisme concerné la décision et l’exposé des motifs de l’inscription de son nom sur la liste concernée « soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en donnant à cette personne, cette entité ou cet organisme la possibilité de présenter des observations ».

69      Ensuite, il ressort de la jurisprudence que le Conseil n’est pas libre de choisir le mode de communication aux personnes intéressées des actes par lesquels il les soumet à des mesures restrictives. En effet, une communication indirecte de tels actes par la publication d’un avis au Journal officiel n’est autorisée que dans les seuls cas où il est impossible pour le Conseil de procéder à une communication individuelle. À défaut, il serait permis au Conseil de se soustraire aisément à son obligation de communication individuelle (voir, en ce sens, ordonnance du 10 juin 2016, Pshonka/Conseil, T‑381/14, EU:T:2016:361, point 41 et jurisprudence citée).

70      Enfin, le Conseil peut être considéré comme étant dans l’impossibilité de communiquer individuellement à une personne physique ou morale ou à une entité un acte comportant des mesures restrictives la concernant soit lorsque l’adresse de cette personne ou de cette entité n’est pas publique et ne lui a pas été fournie, soit lorsque la communication envoyée à l’adresse dont le Conseil dispose échoue, en dépit des démarches qu’il a entreprises, avec toute la diligence requise, afin d’effectuer une telle communication (voir arrêt du 21 avril 2021, El-Qaddafi/Conseil, T‑322/19, EU:T:2021:206, point 63 et jurisprudence citée).

71      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 14 ci-dessus, la communication des motifs de l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses a fait l’objet d’un avis publié au Journal officiel du 1er mars 2022. À cet égard, le Conseil soutient que, à la date d’adoption des actes initiaux, l’adresse du requérant n’était pas publique et ne lui a pas été fournie.

72      Il convient de constater que le requérant n’a pas apporté d’indice tendant à démontrer que le Conseil disposait de son adresse à la date d’adoption des actes initiaux, soit parce que ladite adresse lui avait été fournie, soit parce qu’elle était publique. À cet égard, le fait, invoqué par le requérant, que son adresse était inscrite dans un dossier de preuves postérieur à l’adoption des actes initiaux et utilisé par le Conseil dans une autre procédure juridictionnelle ne permet pas de démontrer que le Conseil disposait de cette adresse au moment de l’adoption desdits actes.

73      Par conséquent, il y a lieu de considérer que l’argument selon lequel le Conseil aurait dû communiquer au requérant les actes initiaux par le biais d’une notification directe doit être écarté.

74      En second lieu, le requérant fait valoir que les motifs ne lui ont pas été transmis en temps utile, car cette communication n’aurait pas eu lieu concomitamment ou immédiatement après l’adoption des actes initiaux et qu’il n’a pas été mis en mesure de faire valoir ses observations devant le Conseil.

75      En matière de mesures restrictives, il convient de rappeler que, dans le cas d’une décision initiale, le Conseil n’est pas tenu de communiquer au préalable à la personne ou à l’entité concernée les motifs sur lesquels cette institution entend fonder l’inclusion du nom de cette personne ou entité sur les listes en cause. En effet, une telle mesure, afin de ne pas compromettre son efficacité, doit, par sa nature même, pouvoir bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer immédiatement. Dans un tel cas, il suffit, en principe, que l’institution procède à la communication des motifs à la personne ou à l’entité concernée et ouvre le droit à l’audition de celle-ci concomitamment à l’adoption de ladite décision ou immédiatement après cette adoption (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, points 92 et 93).

76      En outre, il convient de souligner que ni les dispositions pertinentes de la décision 2014/145 telle que modifiée et du règlement no 269/2014 tel que modifié ni le principe général du respect des droits de la défense ne confèrent aux intéressés le droit à une audition formelle, la possibilité de présenter ses observations par écrit étant suffisante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 75 et jurisprudence citée).

77      En l’espèce, il convient de relever, premièrement, que le requérant a été inscrit pour la première fois sur les listes litigieuses par les actes initiaux. Dès lors, en application de la jurisprudence rappelée au point 75 ci-dessus, le Conseil n’était pas tenu de l’entendre préalablement à cette première inscription.

78      Deuxièmement, ainsi qu’il ressort des points 14 et 71 ci-dessus, la communication des motifs de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause a fait l’objet d’un avis publié au Journal officiel du 1er mars 2022, à savoir le lendemain de l’adoption des actes initiaux. En outre, les personnes et entités concernées par cet avis pouvaient, conformément à ce dernier, adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle leur nom avait été inscrit sur les listes en cause. Cette possibilité garantit le maintien d’un équilibre entre le respect des droits fondamentaux des personnes inscrites et la nécessité pour le Conseil de prendre des mesures à caractère préventif (arrêt du 10 novembre 2021, Alkattan/Conseil, T‑218/20, non publié, EU:T:2021:765, point 68).

79      À la suite de cet avis, le requérant a demandé au Conseil, par lettre du 6 avril 2022, les documents étayant ladite inscription, ce que le Conseil a fait par lettre du 28 avril 2022. Dans la mesure où le requérant a adressé une lettre au Conseil le 28 avril 2022, il convient de considérer que le requérant a été en mesure de formuler des observations après l’adoption des actes initiaux. Il a également pu introduire un recours devant le Tribunal, ainsi qu’une demande en référé, de façon étayée.

80      Partant, aucune violation des droits de la défense ne saurait être reprochée au Conseil en ce qui concerne la possibilité pour le requérant de formuler des observations immédiatement après l’adoption des actes initiaux.

–       Concernant les actes de maintien

81      Le requérant soutient, dans son mémoire en adaptation, que le Conseil n’a pas procédé à une appréciation actualisée de sa situation et que les mesures restrictives prises à son égard ont été maintenues de manière automatique, étant donné que les éléments de preuves du dossier de preuve WK 17716/2022 (ci-après « le second dossier de preuves ») sur lequel se fondent les actes de maintien seraient dénués de pertinence et que le Conseil n’aurait pas tenu compte des observations formulées par lui.

82      Le Conseil conteste cette argumentation.

83      Il convient de rappeler que, dans le cas d’une décision de gel de fonds par laquelle le nom d’une personne ou d’une entité figurant déjà sur la liste des personnes et des entités dont les fonds sont gelés est maintenu sur cette liste, l’adoption d’une telle décision doit, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernée d’être entendue [voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 62, et du 24 novembre 2021, Assi/Conseil, T‑256/19, EU:T:2021:818, point 72 (non publié)].

84      Le respect des droits de la défense implique que, avant d’adopter une décision portant renouvellement de mesures restrictives imposées à l’égard d’une personne ou d’une entité, le Conseil, même lorsqu’il ne modifie pas les motifs retenus à l’égard de cette personne ou de cette entité, lui communique les éléments nouveaux par lesquels il a procédé, lors du réexamen périodique des mesures en cause, à une actualisation des informations qui avaient justifié l’inscription précédente de son nom sur la liste des personnes et des entités faisant l’objet de telles mesures restrictives, afin de vérifier si une telle inscription demeurait justifiée (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 60 et jurisprudence citée).

85      En effet, une telle appréciation actualisée des informations vise à permettre au Conseil d’établir un bilan de l’impact des mesures restrictives dans le cadre de leur réexamen périodique, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur les listes litigieuses ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 58 et 59 et jurisprudence citée). Une telle appréciation impliquait donc que le Conseil examine les éléments qu’il avait rassemblés à la lumière, le cas échéant, des observations transmises par le requérant.

86      En outre, lorsque des observations sont formulées par la personne concernée au sujet de l’exposé des motifs, l’autorité compétente de l’Union a l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués, à la lumière de ces observations et des éventuels éléments à décharge joints à celles-ci (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 114 et jurisprudence citée).

87      En l’espèce, par lettre du 22 décembre 2022, le Conseil a informé le requérant qu’il envisageait de maintenir l’inscription du nom de celui-ci sur les listes litigieuses. Dans ce courrier, il a joint, en annexe, le second dossier de preuves, comportant de nouveaux éléments de preuve. En outre, dans ledit courrier, le requérant était expressément invité à formuler ses observations avant le 12 janvier 2023.

88      Ainsi, conformément à la jurisprudence citée au point 84 ci-dessus, le Conseil a transmis au requérant en temps utile, avant l’adoption des actes de maintien, les éléments sur le fondement desquels il considérait, au terme de son appréciation actualisée effectuée lors du réexamen périodique des mesures restrictives, que l’inscription du nom de celui-ci sur les listes litigieuses demeurait justifiée.

89      S’agissant de l’argument selon lequel le Conseil n’aurait pas tenu compte des observations du requérant, il convient de noter que le requérant a transmis au Conseil des observations par une lettre du 19 janvier 2023 et que le Conseil a accusé réception de cette lettre par une lettre du 14 mars 2023 dans laquelle il a pris position sur les observations formulées par le requérant. En effet, le Conseil considère que « les moyens soulevés dans [la] requête et dans [la]réplique sont identiques à ceux énoncés dans [sa] lettre [du 19 janvier 2023] » et indique rester « convaincu de la validité des arguments et moyens soulevés dans le mémoire qu’il a produit en défense et en duplique ». Le Conseil en a conclu que les observations du requérant ne remettaient pas en cause son appréciation selon laquelle il existait des motifs suffisants pour inclure le requérant sur les listes litigieuses. Partant, contrairement à ce que prétend le requérant, le Conseil a tenu compte de ses observations transmises par sa lettre du 19 janvier 2023.

90      Par ailleurs, l’argument du requérant selon lequel le maintien de son nom sur les listes litigieuses ne découlerait pas d’une appréciation actualisée de sa situation en raison du manque de pertinence des éléments de preuve produits dans le second dossier de preuve se rapporte au bien-fondé des motifs du maintien de son nom sur les listes litigieuses et sera analysé dans le cadre du cinquième moyen.

91      Par conséquent, contrairement à ce qu’affirme le requérant, le maintien de son nom n’a pas été automatique, mais a résulté d’une appréciation actualisée par le Conseil des mesures restrictives en cause prenant en compte les observations formulées par lui.

92      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

93      Le requérant soutient que la motivation des actes initiaux est insuffisante en ce que les motifs y sont trop vagues et ne lui permettent pas de connaître les raisons individuelles, spécifiques et concrètes de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses. Il souligne l’imprécision des motifs des actes initiaux et estime qu’il n’a pas été en mesure, à la lecture desdits motifs, de déterminer sur quels critères reposait l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

94      En outre, il estime que les motifs des actes initiaux ne sont ni prouvés ni circonstanciés eu égard à des éléments précisant une date, un lieu ou un contenu, ce qui va également à l’encontre de l’obligation du Conseil en matière de charge de la preuve.

95      Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

96      Il ressort de la jurisprudence que l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 49 et jurisprudence citée).

97      La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications des mesures prises aux fins d’en apprécier le bien-fondé et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 50 ; voir, également, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 47 et jurisprudence citée).

98      En outre, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de cet acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par ledit acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est notamment pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, ni qu’elle réponde de manière détaillée aux considérations formulées par l’intéressé lors de sa consultation avant l’adoption du même acte, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, points 53 et 54 ; voir, également, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 48 et jurisprudence citée).

99      Le degré de précision de la motivation d’un acte doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles celui-ci doit intervenir (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 104 et jurisprudence citée).

100    En outre, la jurisprudence a précisé que la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne devait pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considérait, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé devait faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 105 et jurisprudence citée).

101    En l’espèce, il convient de relever que les mesures restrictives en cause ont été adoptées par les actes initiaux, lesquels précisent le contexte, dans le cadre de leurs considérants respectifs, et les fondements juridiques sur lesquels ces actes ont été adoptés.

102    En premier lieu, il y a lieu de considérer que le contexte dans lequel se sont inscrites les mesures restrictives prises à l’encontre du requérant était connu de celui-ci. Il suffit de relever, à cet égard, que les actes initiaux font mention, dans leurs considérants 11 respectifs, de « l’agression militaire non provoquée et injustifiée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine » et, dans leurs considérants 12 respectifs, de la « gravité de la situation ». En outre, ils font référence à la décision 2014/145 telle que modifiée et au règlement no 269/2014 tel que modifié, qui eux-mêmes font référence à « la violation par la Fédération de Russie, sans qu’il y ait eu provocation, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine ».

103    En second lieu, l’énoncé des circonstances factuelles tel que rappelé au point 13 ci-dessus constitue une motivation suffisamment claire et précise pour permettre au requérant de comprendre sur le fondement de quels critères et les raisons pour lesquelles son nom a été inscrit, puis maintenu, sur les listes litigieuses.

104    À cet égard, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel les termes employés dans les motifs d’inscription seraient vagues et imprécis, il convient de relever, tout d’abord, que ces motifs identifient clairement MM. Poutine et Medvedev comme étant les décideurs russes auxquels le requérant aurait apporté son soutien. Ensuite, lesdits motifs identifient plusieurs formes de soutien, à savoir une aide dans le domaine des affaires, une transaction financière envers un proche conseiller de M. Poutine et une mise à disposition par le requérant de ses résidences dont aurait bénéficié M. Medevedev. Enfin, les motifs font référence au fait que le requérant est le propriétaire du journal Kommersant et qu’il aurait soutenu les politiques de déstabilisation de l’Ukraine par le biais d’une publication anti-ukrainienne de M. Medvedev dans ce journal.

105    Par conséquent, étant donné qu’il n’est pas exigé que la motivation spécifie en détail tous les éléments de fait et de droit pertinents, la motivation des actes initiaux contient suffisamment d’éléments factuels et de précisions pour permettre au requérant de comprendre la portée de la mesure prise à son égard et au Tribunal d’exercer son contrôle.

106    Par ailleurs, le requérant allègue que les motifs justifiant l’inscription de son nom sur les listes litigieuses ne sont pas prouvés et ne sont pas circonstanciés.

107    Or, il ressort de la jurisprudence que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien‑fondé des motifs, celui‑ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67). En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles‑ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle‑ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 181). Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37).

108    Par conséquent, l’argument du requérant selon lequel la motivation du Conseil est non étayée relève de l’appréciation du bien-fondé des actes initiaux et sera examiné dans le cadre du cinquième moyen.

109    À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les actes initiaux énoncent à suffisance de droit les éléments de droit et de fait qui en constituent, d’après leur auteur, le fondement.

110    Il convient, dès lors, de rejeter le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation.

 Sur le cinquième moyen tiré, d’une absence de valeur probante des preuves et d’une erreur « manifeste » d’appréciation

111    Il résulte de la motivation de l’inscription et du maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses qu’il est visé par les mesures restrictives en cause au titre des critères a) et d).

112    Dans le cadre du présent moyen, premièrement, le requérant conteste la valeur probante des preuves produites au soutien de l’inscription et du maintien de son nom sur les listes litigieuses et, deuxièmement, fait valoir le caractère manifestement erroné des appréciations figurant dans la motivation des actes attaqués.

113    Le Tribunal estime pertinent de commencer par l’examen de ces deux branches au regard du critère a).

114    En l’espèce, pour justifier l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses sur le fondement du critère a) dans le cadre des actes initiaux, le Conseil a fourni dans le premier dossier de preuves, visé au point 15 ci-dessus, les éléments de preuve suivants :

–        Un extrait du site Internet de l’organisation « Atlantic Council » daté du 12 octobre 2021 et consulté le 17 février 2022 (élément de preuve no 6) ;

–        Un extrait du site Internet de l’organisation « Reporters sans frontière » daté du 16 juin 2021 et consulté le 17 février 2022 (élément de preuve no 7) ;

–        Un extrait du site Internet du média « Deutsche Welle » daté du 20 mai 2019 et consulté le 17 février 2022 (élément de preuve no 8).

–        Un extrait du site Internet du consortium de journalistes « International Consortium of Investigative Journalists » du 19 janvier 2018 et consulté le 17 février 2022 (élément de preuve no 9) ;

115    Dans le cadre des actes de maintien, le Conseil a fourni le second dossier de preuves, visé au point 81 ci-dessus, comportant les éléments de preuve suivants concernant le critère a) :

–        Un extrait du site Internet du journal Le Monde daté du 5 novembre 2017 et consulté le 13 décembre 2022 (élément de preuve no 6 du second dossier de preuves) ;

–        Un extrait du site Internet du journal Le Monde daté du 23 juillet 2022 et consulté le 13 décembre 2022 (élément de preuve no 7 du second dossier de preuves) ;

–        Un article publié par HSE publications (Higher school of economics, Russie) publié en 2017 et consulté le 13 décembre 2022 (élément de preuve no 9 du second dossier de preuves) ;

–        Un article publié par la revue Demokratizatsiya daté de 2014 et consulté le 13 décembre 2022 (élément de preuve no 10 du second dossier de preuves).

–       Sur la première branche, tirée de l’absence de valeur probante des preuves au soutien du critère a)

116    Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêts du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil, T‑461/16, EU:T:2018:316, point 107 et jurisprudence citée, et du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 95 (non publié) et jurisprudence citée].

117    En l’absence de pouvoirs d’enquête dans des pays tiers, l’appréciation des autorités de l’Union doit, de fait, se fonder sur des sources d’information accessibles au public, des rapports, des articles de presse, des rapports des services secrets ou d’autres sources d’information similaires (arrêts du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 107, et du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 59).

118    En outre, il importe de relever que la situation de conflit rend en pratique difficile, voire impossible, l’accès à certaines sources ou documents officiels, l’indication expresse de la source primaire de certaines informations ainsi que le recueil de témoignages de la part de personnes acceptant d’être identifiées. Les difficultés d’investigation qui s’ensuivent peuvent ainsi faire obstacle à ce que des preuves précises et des éléments d’information objectifs soient apportés (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46 ; du 24 novembre 2021, Al Zoubi/Conseil, T‑257/19, EU:T:2021:819, point 73).

1)      Sur l’inscription initiale

119    Le requérant considère que les motifs avancés dans les actes initiaux le visant n’ont pas de fondement en raison de la faiblesse des sources sur lesquels ils reposent. Ces motifs reposeraient sur une source unique, à savoir un article de l’Organised Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) intitulé « Sanctioning an oligarch is not so easy : Why the money trail of Alisher Usmanov, one of Russia’s wealthiest men, is difficult to follow » (Sanctionner un oligarque n’est pas si facile : pourquoi la piste de l’argent d’Alicher Usmanov, l’un des hommes les plus riches de Russie, est-elle difficile à suivre ?), dont les conclusions seraient d’une grande fragilité.

120    Le Conseil conteste cette argumentation.

121    En l’espèce, pour justifier l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses sur le fondement du critère a), le Conseil s’est fondé sur le premier dossier de preuves, comportant douze éléments de preuve dont trois cités au point 114 ci-dessus concernant le critère a). Toutefois, il convient de relever que l’article de l’OCCRP dont le requérant remet en cause la valeur probante ne figure pas parmi les éléments de preuve sur lesquels le Conseil a fondé l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses. Par conséquent, le requérant n’a pas avancé d’argument susceptible de remettre en cause la fiabilité des preuves utilisées par le Conseil pour fonder l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses.

2)      Sur le maintien du nom du requérant

122    Dans le cadre des actes de maintien, il y a lieu de constater que les motifs d’inscription sont demeurés les mêmes que dans les actes initiaux. Toutefois, le Conseil a produit le second dossier de preuves, qui vient s’ajouter au premier dossier de preuves et qui contient dix éléments de preuve.

123    Le requérant conteste la valeur probante des éléments de preuve du second dossier de preuve, les jugeant obsolètes, entachés de nombreuses erreurs et non étayés par des preuves ou des sources.

124    Le Conseil conteste cette argumentation.

125    S’agissant de l’article publié par la « Higher School of economics » de Russie en 2017 (pièce no 9 du second dossier de preuves), le requérant fait valoir que ce document est entaché de nombreuses erreurs.

126    Or, la force probante d’un document doit s’apprécier globalement, en tenant compte, notamment, de la qualité de la source dont le document est issu ainsi que des autres éléments d’information qui y sont présentés.

127    En l’espèce, l’appréciation globale du document démontre qu’il s’agit d’un article publié par le professeur I. Kiriya dans le journal Communications. Media. Design publié par l’université « The national research University – Higher School of Economics ». En outre, le requérant ne conteste pas la fiabilité du journal dans lequel l’article a été publié, mais plutôt le contenu de cet article. Or, l’appréciation du contenu des éléments de preuve sur lequel se fonde le Conseil relève du bien-fondé de l’appréciation du Conseil, mais ne remet pas en cause la fiabilité de la source. Or, le requérant n’a apporté aucun élément remettant en question l’auteur ou étayant son allégation selon laquelle cet article serait « prétendument scientifique ». Par conséquent, la valeur probante de cet article ne saurait être écartée.

128    En outre, s’agissant de l’article publié par la revue Demokratizatsiva en 2014 (pièce no 10 du second dossier de preuves), le requérant estime qu’il est obsolète et entaché d’erreurs. Toutefois, le requérant ne produit aucun élément de nature à établir le caractère obsolète ou erroné des informations y figurant, de sorte que son argument n’est pas étayé.

129    Au vu de tout ce qui précède, et en l’absence d’élément avancé par le requérant susceptible de remettre en cause la fiabilité des sources utilisées par le Conseil, il y a lieu de leur reconnaître un caractère sensé et fiable, au sens de la jurisprudence rappelée au point 116 ci-dessus.

–       Sur la seconde branche, tirée d’une appréciation « manifestement » erronée des faits au regard du critère a)

130    À titre liminaire, il importe de relever que ce moyen doit être considéré comme tiré d’une erreur d’appréciation, et non d’une erreur « manifeste » d’appréciation. En effet, s’il est certes vrai que le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer au cas par cas si les critères juridiques sur lesquels se fondent les mesures restrictives en cause sont remplis, il n’en reste pas moins que les juridictions de l’Union doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, points 54 et 55, et du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 70 et jurisprudence citée).

131    En outre, il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

132    C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121, et du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, point 57).

133    L’appréciation du bien-fondé de ces motifs doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre la personne sujette à une mesure restrictive et le régime ou, en général, les situations combattues (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée).

134    C’est à l’aune de ces principes jurisprudentiels qu’il convient de déterminer si le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant que, en l’espèce, il existait une base factuelle suffisamment solide pouvant justifier, d’une part, l’inscription initiale et, d’autre part, le maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses sur le fondement du critère a).

1)      Sur l’inscription initiale

135    Le requérant fait valoir que les motifs des actes initiaux sont erronés et ne reposent sur aucune base factuelle concernant le critère a), étant donné qu’il ne soutient d’aucune manière les événements en Ukraine. En outre, il serait erroné qu’il ait restreint la liberté d’expression des journalistes de Kommersant, journal dont il a fait l’acquisition en 2006, en adoptant une position en faveur du Kremlin. En effet, il aurait toujours déclaré, en tant qu’actionnaire du journal Kommersant, qu’il ne lui appartenait pas d’intervenir dans la politique éditoriale de celui-ci. En outre, si le journal Kommersant a publié un éditorial rédigé par M. Medvedev intitulé « Pourquoi les contacts avec les dirigeants ukrainiens actuels n’ont aucun sens » et détaillant selon le Conseil des propos anti-ukrainiens, ce journal ne s’est pas associé aux propos tenus dans cet article.

136    Le requérant soutient que le journal Kommersant est considéré comme l’un des principaux médias indépendants en Russie et ne saurait donc être qualifié de média pro-Kremlin. D’une part, le journal Kommersant exposerait de manière circonstanciée les différents points de vue en jeu. En effet, le journal Kommersant aurait publié de nombreux articles décrivant les manifestations à la suite de l’agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie, ce que le requérant met en avant avec des articles joints en annexe à la requête. En outre, un des journalistes de Kommersant aurait également participé à la première interview par des journalistes russes du président ukrainien, M. Zelensky. Si cette interview a été interdite de publication dans les médias russes par le service fédéral de supervision des communications, des technologies de l’information et des médias de masse, cet article serait encore disponible sur l’internet et montrerait l’implication d’un journaliste de Kommersant. D’autre part, le journal Kommersant aurait révélé dans ses publications des affaires de corruption de la part du gouvernement russe.

137    Le Conseil conteste cette argumentation.

138    Il y a lieu de rappeler que le nom du requérant a été inscrit sur les listes litigieuses sur le fondement du critère a) au motif que, en premier lieu, « [l]orsqu’[il] a pris le contrôle du quotidien économique Kommersant, la liberté de la rédaction a été restreinte », en deuxième lieu, que « le journal a adopté une position manifestement pro-Kremlin » et, en troisième lieu, que « [s]ous [le requérant], le Kommersant, a publié un article propagandiste anti-ukrainien de Dmitry Medvedev, dans lequel l’ancien président de la Russie affirmait qu’il était inutile d’engager des pourparlers avec les autorités ukrainiennes actuelles, qui, selon lui, étaient sous contrôle étranger direct ».

139    Il ressort d’un extrait du site Internet de « Reporters sans frontières » publié le 16 juin 2021 (élément de preuve no 7 du premier dossier de preuve) que le gouvernement russe a déployé une série de mesures visant à établir un contrôle toujours plus ferme sur la diffusion d’informations sur le territoire russe. En effet, une vingtaine de lois visant les médias traditionnels et en ligne ont été adoptées à la suite des grandes manifestations menées contre M. Poutine en 2012 et une loi promulguée en 2015 a interdit aux étrangers de détenir plus de 20 % des parts d’un média russe. Cela est corroboré par les éléments du dossier et notamment par un article publié en 2014 dans la revue Demokratizatsiya selon lequel les médias non gouvernementaux ont été soumis à une pression croissante à partir de 2012 tandis que la crise en Ukraine, suivie de l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie, a exacerbé cette pression. Il ressort de cet élément du dossier que le contrôle par la propriété est un outil efficace pour imposer des contraintes aux médias. Ainsi, des propriétaires de médias privés en Russie, tels que le requérant, seraient soucieux d’éviter les risques politiques en raison de leurs intérêts commerciaux divers et à grande échelle et veilleraient, en principe, à ce que leurs médias ne se montrent pas déloyaux envers le gouvernement. En outre, l’élément de preuve no 7 ainsi que l’élément de preuve no 8 du premier dossier de preuves, à savoir un extrait du site Internet de la « Deutsche Welle » daté du 20 mai 2019, qualifient le requérant comme étant proche du Kremlin tandis qu’un extrait du site Internet du « International consortium of investigative journalists » daté du 19 janvier 2019 (élément de preuve no 9 du premier dossier de preuve) le décrit comme ayant des liens étroits avec M. Poutine.

140    C’est dans ce contexte qu’il convient d’établir, en premier lieu, si c’est à juste titre que le Conseil a pu considérer que la liberté de la rédaction du journal Kommersant a été restreinte depuis que le requérant en a pris le contrôle. À cet égard, le requérant ne conteste pas être le propriétaire du groupe détenant le journal Kommersant, mais fait valoir qu’il n’a joué aucun rôle dans la ligne éditoriale de ce journal.

141    Il ressort du premier dossier de preuves que le requérant était en mesure d’influencer la ligne éditoriale de ce journal. En effet, les éléments de preuves nos 7 et 8 du premier dossier de preuves mettent en évidence que de fortes tensions ont existé entre le requérant, propriétaire du journal Kommersant, et certains journalistes de la rédaction. En effet, ces éléments de preuves établissent que, en 2019, deux journalistes du service politique du journal Kommersant ont été licenciés à la suite d’un article portant sur le possible remplacement du président de la chambre haute du Parlement, un allié de M. Poutine. À la suite de ces licenciements, l’intégralité du service politique du journal a présenté sa démission, ce qui a eu pour conséquence le départ de treize journalistes. L’élément de preuve no 8 cite le rédacteur adjoint du journal Kommersant, selon lequel « le propriétaire a le droit de prendre des décisions relatives au personnel », ainsi qu’une journaliste de Kommersant, selon laquelle ces licenciements sont « l’exemple le plus récent des pressions auxquelles doivent faire face les membres de la rédaction » et le requérant « détrui[t] le meilleur média de Russie ». En outre, cela est corroboré par un article du Financial Times daté du 3 janvier 2020, produit par le Conseil en annexe au mémoire en défense, dans lequel il est question d’un ancien journaliste que le requérant aurait convoqué dans sa propriété et qu’il aurait rappelé à l’ordre en raison d’un de ses articles. Il ressort ainsi des éléments du dossier que le requérant était en mesure d’exercer des pressions sur la rédaction du journal Kommersant et d’en influencer la ligne éditoriale.

142    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les éléments de preuve apportés par le requérant. À cet égard, ce dernier a produit, d’une part, une lettre non datée de l’ancien directeur général de la société d’édition du journal Kommersant, selon lequel son influence sur les décisions de la rédaction était minimale et se limitait en fait aux décisions corporatives au niveau du conseil d’administration. Interrogé lors de l’audience, le requérant a indiqué que ce directeur général avait cessé de travailler pour le groupe détenant le journal Kommersant vers 2012. Ainsi, ce témoignage porte sur une période très antérieure à celle décrite dans les éléments de preuve nos 7 et 8 du premier dossier de preuves.

143    D’autre part, le requérant a produit un courrier daté du 15 mars 2022, signé par 14 journalistes de la rédaction de Kommersant, dans lequel ils font valoir que le journal Kommersant a changé plusieurs fois de propriétaires, mais que la politique éditoriale de ce journal est déterminée exclusivement par son équipe éditoriale. Toutefois, la valeur probante de ce courrier, qui émane de journalistes travaillant pour une société d’édition dont le requérant est propriétaire, doit être relativisée, en application de la jurisprudence citée au point 116 ci-dessus et eu égard au lien de subordination qui existe entre ces journalistes et le requérant. En outre, le requérant n’a apporté aucun élément permettant d’établir que ce courrier était représentatif de l’ensemble de la rédaction.

144    Dès lors, c’est à juste titre que le Conseil a pu considérer que la liberté de la rédaction a été restreinte.

145    En second lieu, il convient d’examiner le bien-fondé du troisième motif exposé au point 138 ci-dessus, selon lequel, « [s]ous [le requérant], le journal Kommersant a publié un journal propagandiste anti-ukrainien de Dmitry Medvedev dans lequel l’ancien président de la Russie affirmait qu’il était inutile d’engager des pourparlers avec les autorités ukrainiennes actuelles, qui, selon lui, étaient sous contrôle étranger direct ». À cet égard, il y a lieu de relever que le journal Kommersant a publié le 11 octobre 2021 un article de M. Dmitry Medvedev, intitulé « Pourquoi les contacts avec les dirigeants ukrainiens actuels n’ont aucun sens ». Il convient, d’une part, de souligner que si M. Medvedev n’est plus Premier ministre de la Fédération de Russie depuis 2020, il reste vice-président du conseil de sécurité et, en tant qu’ancien président de la Fédération de Russie, ses prises de position sur l’Ukraine ont un poids considérable en Russie. D’autre part, il convient de porter une attention particulière au contenu de cet article, aux termes employés et à la manière dont les propos de M. Medvedev y ont été formulés. Ainsi qu’il ressort d’un extrait du site Internet du « Atlantic Council » publié le 12 octobre 2021 (élément de preuve no 6 du premier dossier de preuves), cet article de M. Medvedev, produit par le requérant, évoque l’oppression de l’Ukraine et sous-entend qu’il ne s’agit pas d’un pays souverain.

146    À cet égard, premièrement, en prenant publiquement position sur le président ukrainien, M. Zelensky, M. Medvedev fait référence à ses origines juives en indiquant que c’est « un homme avec certaines racines ethniques ». En comparant la situation de M. Zelensky à celle des juifs allemands qui auraient collaboré avec le régime nazi, en faisant explicitement référence à l’organisation Schutzstaffel (SS) du régime nazi ainsi qu’à l’ « étoile jaune », M. Medvedev utilise des symboles forts liés à l’antisémitisme et à l’oppression des juifs pendant la seconde guerre mondiale. En outre, en faisant référence à plusieurs massacres commis pendant la seconde guerre mondiale par le régime nazi sur le territoire appartenant aujourd’hui à l’Ukraine, notamment à Lviv, à Bila Tserkva ou à Babi Yar, il fait allusion à l’oppression de la population en Ukraine en évoquant des traumatismes du passé. De même, dans cet article, M. Medvedev utilise des symboles, notamment en citant une phrase en ukrainien selon laquelle « la chèvre et le loup se sont battus et il ne restait plus que la peau de la chèvre » afin de souligner la supériorité de la Russie face à l’Ukraine.

147    Deuxièmement, dans cet article, M. Medvedev accuse M. Zelensky de « servir les forces nationalistes les plus enragées d’Ukraine ». En outre, il écarte toute possibilité de négocier avec l’Ukraine étant donné qu’il s’agit d’un pays « sous contrôle étranger direct ». Ainsi, selon lui, il serait inutile pour la Fédération de Russie de « traiter avec des vassaux », ce qui ressort également de l’intitulé même de cet article qui énonce « [p]ourquoi les contacts avec les dirigeants ukrainiens actuels n’ont aucun sens ».

148    Ainsi, le fait que cet article ait été publié le 11 octobre 2021, à savoir quelques mois avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, ainsi que les propos très virulents qui y sont tenus par M. Medvedev démontrent que le contenu de cet article vise à soutenir la politique du gouvernement russe en vue de l’invasion future de l’Ukraine par la Fédération de Russie.

149    En outre, il ressort de l’élément de preuve no 6 du premier dossier de preuves que le gouvernement russe a confirmé que les propos de cet article correspondaient à sa position concernant le gouvernement ukrainien. Un tel article, publié sans aucune mise en perspective ou réserve, simplement présenté comme « cinq courtes thèses polémiques », doit donc être interprété comme venant au soutien des actions et politiques du gouvernement russe compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine ou la stabilité ou la sécurité de l’Ukraine. Dès lors, l’argument du requérant selon lequel le journal Kommersant ne se serait pas associé aux propos tenus par M. Medvedev dans cet article doit également être écarté.

150    Enfin, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que le président du conseil d’administration d’une maison d’édition ne peut pas raisonnablement ignorer la ligne éditoriale des publications de la maison d’édition qu’il dirige, compte tenu du pouvoir d’influence et de la responsabilité résultant d’une telle fonction (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 131 et jurisprudence citée).

151    Par analogie, le propriétaire d’un journal tel que le requérant, qui détient ledit journal à 100 % et qui est, comme il ressort du point 141 ci-dessus, en mesure d’influencer la ligne éditoriale dudit journal, ne pouvait raisonnablement ignorer le contenu des publications de ce journal.

152    Il résulte de tout ce qui précède que le Conseil pouvait valablement considérer que le journal Kommersant avait publié « un article propagandiste anti-ukrainien de Dmitry Medvedev, dans lequel l’ancien président de la Russie affirmait qu’il était inutile d’engager des pourparlers avec les autorités ukrainiennes actuelles, qui, selon lui, étaient sous contrôle étranger direct ». Il en résulte que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a considéré que le requérant soutenait des actions ou des politiques qui compromettaient ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine ou la stabilité ou la sécurité en Ukraine.

153    Étant donné que les premier et troisième motifs exposés au point 138 ci-dessus sont fondés et suffisent à eux seuls à justifier l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses sur le fondement du critère a), il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé du deuxième motif selon lequel « le journal [Kommersant] a adopté une position manifestement pro-Kremlin ». En effet, il convient de relever que, dans la mesure où certains des motifs dont une décision fait état sont, à eux seuls, de nature à justifier celle-ci à suffisance de droit, les erreurs qui pourraient éventuellement entacher d’autres motifs de l’acte, sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, EU:T:2005:455, point 48).

154    Par conséquent, l’argument du requérant selon lequel le journal Kommersant exposerait les différents points de vue, illustré par un courrier daté du 15 mars 2022 signé par 14 journalistes de la rédaction de Kommersant ainsi que par plusieurs articles publiés par ledit journal produits par le requérant en annexe à la requête, doit être rejeté comme inopérant, étant donné qu’il vise à remettre en cause le deuxième motif, selon lequel « le journal [Kommersant] a adopté une position manifestement pro-Kremlin ».

155    Partant, au vu de tout ce qui précède, il convient de considérer que le motif d’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses, en raison de son soutien aux politiques et aux actions de déstabilisation de l’Ukraine, au sens du critère a), est suffisamment étayé, de sorte que, au regard de ce critère, l’inscription initiale de son nom sur ces listes est fondée.

2)      Sur le maintien du nom du requérant

156    Il importe de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures restrictives, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur la liste litigieuse ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (voir arrêt du 27 avril 2022, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑108/21, EU:T:2022:253, point 55 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 67).

157    Pour justifier le maintien du nom d’une personne sur la liste, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la personne concernée sur la liste en cause, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et, d’autre part, le contexte n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes (arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 99).

158    Ledit contexte inclut non seulement la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi, mais également la situation particulière de la personne concernée (voir arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 78 et jurisprudence citée).

159    De même, le maintien sur les listes litigieuses reste justifié au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, au regard du fait que les objectifs visés par les mesures restrictives n’auraient pas été atteints (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 83 et 84).

160    En l’espèce, il résulte de l’article 6 de la décision 2014/145 telle que modifiée que les actes initiaux ainsi que les actes de maintien successifs font l’objet d’un suivi constant et sont prorogés, ou modifiés le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. L’article 14, paragraphe 4, du règlement no 269/2014 tel que modifié prévoit quant à lui la révision à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois de la liste figurant en annexe.

161    Dans le cadre des actes de maintien, il y a lieu de constater que les motifs d’inscription sont demeurés les mêmes que dans les actes initiaux.

162    Il convient, en application de la jurisprudence citée au point 157 ci-dessus, de vérifier si le contexte, les objectifs et la situation individuelle du requérant permettaient de maintenir l’inscription de son nom sur le fondement de motifs inchangés.

163    S’agissant du contexte général lié à la situation de l’Ukraine, force est de constater que, à la date d’adoption des actes de maintien, la gravité de la situation en Ukraine demeurait.

164    De même, les mesures restrictives répondent à l’objectif poursuivi, à savoir de faire pression sur le gouvernement russe afin que celui-ci mette fin à ses actions et à ses politiques déstabilisant l’Ukraine.

165    S’agissant de la situation individuelle du requérant, ce dernier fait valoir, d’une part, que le journal Kommersant a toujours couvert les différents points de vue qui composaient la société russe et que, s’il avait publié l’article susmentionné de M. Medvedev sans s’y associer, il avait également publié les opinions de fonctionnaires ou d’institutions non russes sur les questions liées à l’Ukraine et qu’il était reconnu dans les médias étrangers comme l’un des médias les plus indépendants de Russie. D’autre part, le requérant détaille les licenciements de plusieurs journalistes du groupe détenant le journal Kommersant en soulignant qu’ils n’étaient pas liés à des interférences du requérant dans la ligne éditoriale dudit journal.

166    Le Conseil conteste cette argumentation.

167    Premièrement, il convient de relever que le requérant était toujours, à la date d’adoption des actes de maintien de mars 2023, le propriétaire du journal Kommersant.

168    Deuxièmement, les éléments de preuves nos 9 et 10 du second dossier de preuves viennent s’ajouter aux éléments de contexte présentés au point 139 ci-dessus. En effet, ces éléments de preuve viennent confirmer le contrôle indirect exercé par le gouvernement russe sur les médias politiques en Russie en raison de la proximité des propriétaires de ces médias, tels que le requérant, avec le gouvernement. À cet égard, le second dossier de preuve comporte également un article du journal le Monde publié le 5 novembre 2017 (pièce no 6 du second dossier de preuves) ainsi qu’un autre article du journal le Monde publié le 23 juillet 2022 (pièce no 7 du second dossier de preuves) qui viennent confirmer, ainsi que cela ressort des éléments de preuve nos 7 à 9 du premier dossier de preuve présentés au point 139 ci-dessus, que le requérant est un proche de M. Poutine.

169    Troisièmement, ainsi que le relève à juste titre le Conseil, ce n’est pas le journal Kommersant qui a fait l’objet de mesures restrictives, mais le requérant en raison de l’influence qu’il pouvait exercer sur la ligne éditoriale de ce journal et en raison de la publication par ce journal de l’article susmentionné de M. Medvedev. Or, il y a lieu de considérer que l’article de M. Medvedev publié le 11 octobre 2021 était d’une importance et d’une gravité telles que, bien que cette publication ait eu lieu en octobre 2021, elle demeurait une preuve cruciale du soutien du requérant à des actions et des politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, justifiant le maintien de son nom sur les listes litigieuses au titre du critère a).

170    Il s’ensuit que, au vu de ces éléments, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a constaté l’absence de changement dans la situation individuelle du requérant et s’est fondé sur les mêmes éléments pour maintenir l’inscription de son nom sur les listes litigieuses.

171    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments soulevés par le requérant contre les actes de maintien. En effet, ces arguments sont, dans une large mesure, analogues à ceux avancés contre les actes initiaux. D’une part, le requérant allègue qu’il n’était pas impliqué dans les licenciements des deux journalistes de la rédaction du journal Kommersant, en 2019, mentionnés dans les éléments de preuves nos 7 et 8 du premier dossier de preuves, et que ces licenciements étaient liés à une violation des normes éditoriales de ce journal. Il convient de relever que cet argument est étayé par un article de « RBC.RU » daté du 20 mai 2019 qui cite l’éditeur en chef du journal Kommersant, selon lequel l’intention des journalistes de la rédaction de démissionner à la suite du licenciement de leurs deux collègues journalistes aurait été une forme de pression sur la maison d’édition. Toutefois, comme il ressort des éléments du dossier, et notamment de la preuve no 8 du premier dossier de preuves, la démission desdits journalistes pourrait au contraire être perçue comme un moyen de demander le respect de leur indépendance. Par conséquent, cet article de « RBC.RU » n’infirme pas l’appréciation retenue au point 141 ci-dessus selon laquelle le requérant était en mesure d’influencer la ligne éditoriale du journal Kommersant.

172    D’autre part, le requérant allègue à nouveau que le journal Kommersant est un journal indépendant qui couvre les différents points de vue qui composent la société russe ainsi que les opinions de fonctionnaires non russes sur la question de l’Ukraine. Cet argument vise à contester la partie des motifs d’inscription selon laquelle le journal Kommersant est un journal pro-Kremlin. Ainsi qu’il ressort du point 154 ci-dessus, un tel argument doit être déclaré inopérant. En effet, les premier et troisième motifs exposés au point 138 ci-dessus sont fondés et suffisent à eux seuls à justifier l’inscription du nom du requérant sur les listes litigieuses sur le fondement du critère a). Dès lors, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé du deuxième motif selon lequel « le journal [Kommersant] a adopté une position manifestement pro-Kremlin ».

173    Partant, le cinquième moyen, pour autant qu’il est fondé sur l’erreur d’appréciation du Conseil au regard du critère a), doit être rejeté tant pour les actes initiaux que pour les actes de maintien.

174    Selon la jurisprudence, s’agissant du contrôle de la légalité d’une décision adoptant des mesures restrictives, et eu égard à leur nature préventive, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 et jurisprudence citée).

175    En conséquence, il n’y a pas lieu d’examiner le bien-fondé du moyen tiré de l’erreur d’appréciation du Conseil au regard du critère d), visant les « personnes physiques qui apportent un soutien matériel ou financier aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine, ou tirent avantage de ces décideurs ».

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation des droits fondamentaux

176    Le requérant soutient, en substance, que les actes initiaux portent atteinte à son droit de propriété, à sa liberté d’entreprendre et à sa liberté d’aller et venir dans la mesure où ils prévoient un gel de ses fonds et une interdiction d’entrer ou de transiter par un État membre de l’Union. Il fait valoir que les mesures restrictives le concernant ne seraient pas prévues par la loi, ne rempliraient pas un objectif d’intérêt général, ne seraient pas limitées dans le temps et ne seraient pas les seules appropriées pour atteindre le but poursuivi.

177    Le Conseil conteste cette argumentation.

178    Les mesures restrictives prises à l’encontre du requérant comportent, d’une part, un gel de ses fonds en application de l’article 2, paragraphe 1, sous a) et d), de la décision 2014/145 et de l’article 3, paragraphe 1, sous a et d), du règlement no 269/2014 et, d’autre part, une interdiction d’entrer et de transiter sur le territoire des États membres de l’UE en application de l’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2014/145.

–       Sur l’atteinte au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre

179    Le droit de propriété fait partie des principes généraux de droit de l’Union et se trouve consacré à l’article 17 de la Charte. De même, aux termes de l’article 16 de la Charte, « [l]a liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales ».

180    En l’espèce, les mesures restrictives découlant des actes initiaux limitent incontestablement les droits dont le requérant bénéficie en vertu des articles 16 et 17 de la Charte, dès lors qu’elles imposent notamment un gel de ses fonds et ressources économiques.

181    Toutefois, la liberté d’entreprise et le droit de propriété ne sont pas des prérogatives absolues et leur exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, EU:C:2011:735, point 113, et du 12 mai 2016, Bank of Industry and Mine/Conseil, C‑358/15 P, non publié, EU:C:2016:338, point 55).

182    Le droit de propriété dont se prévaut le requérant peut faire l’objet de limitations, dans les conditions énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, aux termes duquel, d’une part, « [t]oute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par [ladite c]harte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés » et, d’autre part, « [d]ans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui ».

183    Ainsi, pour être conforme au droit de l’Union, une atteinte au droit de propriété doit répondre à quatre conditions. Premièrement, la limitation en cause doit être « prévue par la loi », en ce sens que l’institution de l’Union adoptant des mesures susceptibles de restreindre le droit de propriété d’une personne, physique ou morale, doit disposer d’une base légale à cette fin. Deuxièmement, la limitation en cause doit respecter le contenu essentiel du droit de propriété. Troisièmement, elle doit répondre effectivement à un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union. Quatrièmement, la limitation en cause doit être proportionnée (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 145 et jurisprudence citée).

184    Or, en l’espèce, force est de constater que ces quatre conditions sont remplies.

185    Premièrement, les mesures restrictives en cause sont « prévues par la loi » en ce qu’elles sont énoncées dans des actes ayant notamment une portée générale, à savoir la décision 2014/145 telle que modifiée et le règlement no 269/2014 tel que modifié, et disposant d’une base légale claire en droit de l’Union, à savoir respectivement les articles 29 TUE et 215 TFUE.

186    Deuxièmement, il ressort de la jurisprudence que les mesures restrictives ne portent pas atteinte au contenu essentiel du droit de propriété dès lors qu’elles présentent, par nature, un caractère temporaire et réversible (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil, T‑346/14, EU:T:2016:497, point 169 et jurisprudence citée, et du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 154). En l’espèce, le maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses est soumis à un réexamen régulier, tous les six mois, visant à vérifier que ce maintien demeure compatible avec les critères d’inscription en application de l’article 6 de la décision 2014/145. Partant, il y a lieu de conclure que la nature et l’étendue du gel de fonds temporaire en cause respectent le contenu essentiel du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre et ne remettent pas en cause ces droits en tant que tels.

187    Troisièmement, les mesures restrictives en cause répondent à un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union, de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 150). En effet, elles visent à exercer une pression sur les autorités russes afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine. Dans cette perspective, les mesures restrictives en cause sont conformes à l’objectif visé à l’article 21, paragraphe 2, sous c), TUE, qui est de préserver la paix, de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale, conformément aux buts et aux principes de la charte des Nations unies (voir, en ce sens, arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 163).

188    Quatrièmement, il y a lieu de vérifier si la limitation en cause est proportionnée au but recherché.

189    Tout d’abord, il convient de vérifier si les mesures restrictives en cause sont appropriées pour atteindre les objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. En l’espèce, il importe de relever que le gel des fonds du requérant, en tant que mesure s’inscrivant dans le cadre d’une riposte rapide, unifiée, graduée et coordonnée, mise en place au titre d’une série de mesures restrictives, constitue une mesure appropriée pour atteindre l’objectif d’exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays.

190    Ensuite, en ce qui concerne leur caractère nécessaire, il convient de constater que les mesures de remplacement et les mesures moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable ou une obligation de justification a posteriori de l’usage des fonds versés, ne permettent pas aussi efficacement d’atteindre l’objectif poursuivi, à savoir l’exercice d’une pression sur les personnes associées aux responsables d’actions ou de politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ou la stabilité ou la sécurité en Ukraine, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 178).

191    Enfin, une mise en balance des intérêts en jeu démontre que les inconvénients que comporte le gel temporaire de fonds ne sont pas démesurés par rapport aux objectifs poursuivis. En effet, l’importance des objectifs poursuivis par les actes initiaux, qui s’inscrivent dans l’objectif plus large du maintien de la paix et de la sécurité internationale, conformément aux objectifs de l’action extérieure de l’Union énoncés à l’article 21 TUE, est de nature à prévaloir sur des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs. En effet, le maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses fait l’objet d’un suivi constant et est soumis à un réexamen régulier visant à vérifier que ce maintien demeure compatible avec les critères d’inscription. En outre, il y a lieu de relever que des dérogations spécifiques aux mesures peuvent être accordées par les autorités des États membres conformément à l’article 2, paragraphes 3 et 4, de la décision 2014/145 telle que modifiée et aux articles 4 à 6 du règlement no 269/2014 tel que modifié, notamment pour répondre aux besoins fondamentaux ou essentiels des personnes en cause ou pour faire face aux dépenses nécessaires.

192    Il s’ensuit que les mesures de gel des fonds du requérant respectent le principe de proportionnalité. Par conséquent, ces mesures sont compatibles avec la liberté d’entreprise et le droit de propriété de ce dernier.

–       Sur l’atteinte à la liberté d’aller et venir

193    Le requérant fait valoir, en substance, que l’interdiction d’entrer et de transiter par un État membre de l’Union prévue à l’article 1er, paragraphe 1, sous a) et b), de la décision 2014/145 porte atteinte à l’article 6 de la Charte, en ce que cela l’empêche de se déplacer au sein de l’Union.

194    L’article 6 de la Charte prévoit que « [t]oute personne a droit à la liberté et à la sûreté ». Cette disposition de la Charte reprend la garantie octroyée par l’article 5, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Le « droit à la liberté » protégé par ces dispositions vise la liberté physique de la personne et ne concerne pas, contrairement à ce que soutient le requérant, les restrictions à la liberté de circulation, qui sont l’objet de l’article 45 de la Charte.

195    Il ressort de l’article 45, paragraphe 1, de la Charte que « [t]out citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ». L’article 45, paragraphe 2, de la Charte prévoit que « la liberté de circulation et de séjour peut être accordée, conformément aux traités, aux ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire d’un État membre ».

196    Or, en l’espèce, le requérant n’a pas invoqué expressément une violation de l’article 45 de la Charte, mais s’est contenté de faire valoir, de manière générale et en se fondant sur l’article 6 de la Charte, que l’inscription de son nom sur les listes litigieuses par les actes initiaux avait pour conséquence de l’empêcher de se déplacer au sein de l’Union.

197    Ainsi, il convient de relever que l’argument du requérant relatif à une atteinte à sa liberté de circulation dans l’Union ne relève pas du champ d’application de l’article 6 de la Charte, invoqué par ce dernier, et n’est, en tout état de cause, pas étayé.

198    Par conséquent, il convient de rejeter l’argument du requérant tiré d’une atteinte à sa liberté d’aller et venir.

199    Partant, il y a lieu de rejeter le sixième moyen dans son intégralité.

 Sur le septième moyen, soulevé dans le cadre de l’adaptation de la requête, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

200    Dans le cadre du mémoire en adaptation, le requérant soutient que les mesures restrictives qui lui sont imposées par les actes de maintien sont disproportionnées, dans la mesure où ces actes sont inappropriés pour atteindre les objectifs qu’ils visent en l’absence de lien suffisant entre lui et la situation combattue. En outre, le requérant fait valoir que lesdits actes causent un préjudice disproportionné aux bénéficiaires des initiatives caritatives, sociales et sportives soutenues qu’il soutient, ce qui a notamment un impact sur le développement de l’Ouzbékistan.

201    Le Conseil conteste cette argumentation.

202    Il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union et qui est repris à l’article 5, paragraphe 4, TUE, exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient de nature à permettre que soient atteints les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre lesdits objectifs (arrêts du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 122, et du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 133).

203    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 187 ci-dessus, l’adoption des mesures restrictives et spécifiquement des mesures de gel de fonds répond à un objectif d’intérêt général, dans la mesure où elles visent à exercer une pression sur les autorités russes afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine.

204    En outre, il ressort des points 189 à 191 ci-dessus que les mesures restrictives en cause sont appropriées pour atteindre les objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union, qu’elles sont nécessaires et que les inconvénients qu’elles comportent ne sont pas démesurés par rapport aux objectifs poursuivis.

205    Par conséquent, il n’est pas établi que les mesures restrictives en cause seraient disproportionnées.

206    S’agissant de l’argument du requérant selon lequel le maintien des mesures restrictives à son égard aurait des conséquences disproportionnées pour les bénéficiaires des initiatives caritatives, sociales et sportives qu’il soutient, il y a lieu de rappeler que l’importance des objectifs poursuivis par la décision 2014/145 telle que modifiée, à savoir la protection de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de l’indépendance de l’Ukraine ainsi que la promotion d’un règlement pacifique de la crise dans ce pays, qui s’inscrivent dans l’objectif plus large du maintien de la paix et de la sécurité internationale, conformément aux objectifs de l’action extérieure de l’Union énoncés à l’article 21 TUE, est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs qui n’ont aucune responsabilité quant à la situation ayant conduit à l’adoption des sanctions (voir, en ce sens, arrêts du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, points 149 et 150 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2018, Almaz-Antey/Conseil, T‑515/15, non publié, EU:T:2018:545, point 144 et jurisprudence citée).

207    Dès lors, le fait que les actes de maintien aient des conséquences négatives pour le requérant ainsi que pour les bénéficiaires des initiatives caritatives qu’il soutient n’est pas de nature à affecter leur légalité.

208    Il en résulte que le septième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité, doit être écarté.

209    Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

210    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Alisher Usmanov est condamné aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Spielmann

Brkan

Gâlea

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude


Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

Sur la compétence du Tribunal pour connaître du chef de conclusion visant l’annulation de la décision 2022/329

Sur la compétence du Tribunal pour connaître du chef de conclusions visant l’annulation du règlement 2022/330 et sur la recevabilité dudit chef

Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense, du droit d’être entendu et du droit à une protection juridictionnelle effective

– Concernant les actes initiaux

– Concernant les actes de maintien

Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

Sur le cinquième moyen tiré, d’une absence de valeur probante des preuves et d’une erreur « manifeste » d’appréciation

– Sur la première branche, tirée de l’absence de valeur probante des preuves au soutien du critère a)

1) Sur l’inscription initiale

2) Sur le maintien du nom du requérant

– Sur la seconde branche, tirée d’une appréciation « manifestement » erronée des faits au regard du critère a)

1) Sur l’inscription initiale

2) Sur le maintien du nom du requérant

Sur le sixième moyen, tiré d’une violation des droits fondamentaux

– Sur l’atteinte au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre

– Sur l’atteinte à la liberté d’aller et venir

Sur le septième moyen, soulevé dans le cadre de l’adaptation de la requête, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.