Language of document : ECLI:EU:T:2024:69

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

7 février 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative WOXTER – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Recevabilité des éléments de preuve présentés pour la première fois devant la chambre de recours – Preuve de l’usage sérieux – Appréciation des preuves »

Dans l’affaire T‑792/22,

Quatrotec Electrónica, SL, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes I. Valdelomar Serrano, J. L. Rodríguez-Fuensalida y Carnicero, P. Ramells Higueras, A. Figuerola Moure et P. Muñoz Moreno, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Woxter Technology Co. Ltd, établie à Causeway Bay, Hong Kong (Chine),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. Kornezov (rapporteur), président, D. Petrlík et K. Kecsmár, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 13 septembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Quatrotec Electrónica, SL, demande l’annulation et la réformation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 28 septembre 2022 (affaire R 323/2022-4) (ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        Le 29 mai 2003, Woxter Technology Co. Ltd a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et les services couverts par la marque visée au point 2 ci-dessus relevaient des classes 9, 37 et 39 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, distribution, transformation, accumulation, régulation ou contrôle de l’électricité ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer et équipements pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; extincteurs » ;

–        classe 37 : « Services de réparation et services d’installation d’appareils, dispositifs et instruments permettant l’enregistrement, la transmission et la reproduction du son et des images » ;

–        classe 39 : « Services de transport et de distribution (répartition), ainsi que services d’emballage et stockage d’appareils, dispositifs et instruments pour l’enregistrement, la transmission et la reproduction du son et des images ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires le 1er mars 2004 et la marque a été enregistrée le 23 septembre 2004.

5        Le 1er juillet 2020, la requérante a présenté une demande en déchéance de la marque contestée au titre de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

6        Le 20 décembre 2021, la division d’annulation a fait droit à la demande en déchéance dans son intégralité.

7        Le 18 février 2022, la titulaire de la marque contestée a introduit un recours contre la décision de la division d’annulation.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a, d’une part, partiellement annulé la décision de la division d’annulation, dans la mesure où cette dernière avait prononcé la déchéance de la marque contestée pour la sous-catégorie de produits haut-parleurs relevant de la classe 9 et, d’autre part, rejeté le recours pour le surplus.

II.     Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision de la division d’annulation du 20 décembre 2021 prononçant la déchéance de la marque contestée pour tous les produits et les services qu’elle couvrait ;

–        déclarer la déchéance de ladite marque pour les produits et les services protégés par celle-ci ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

III. En droit

A.      Sur la compétence du Tribunal pour connaître de certains chefs de conclusions

11      En ce qui concerne le premier chef de conclusions de la requérante, par lequel celle-ci demande au Tribunal de confirmer la décision de la division d’annulation du 20 décembre 2021, il suffit de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des jugements confirmatifs [voir, par analogie, ordonnance du 9 décembre 2003, Italie/Commission, C‑224/03, non publiée, EU:C:2003:658, points 20 et 21, et arrêt du 18 janvier 2023, Neratax/EUIPO – Intrum Hellas e.a. (ELLO ERMOL, Ello creamy, ELLO, MORFAT Creamy et MORFAT), T-528/21, non publié, EU:T:2023:4, point 34 et jurisprudence citée].

12      Cependant, en l’espèce, il ressort clairement du contenu de la requête que la requérante demande, en réalité, l’annulation de la décision attaquée, ce qu’elle a confirmé lors de l’audience. Il s’ensuit qu’il y a lieu d’interpréter le premier chef de conclusions de la requérante comme tendant à l’annulation de la décision attaquée.

13      S’agissant du deuxième chef de conclusions de la requérante tendant à ce que le Tribunal modifie la décision attaquée en prononçant la déchéance de la marque contestée pour tous les produits et les services visés, il convient de relever que la requérante demande, en substance, au Tribunal d’adopter la décision que la chambre de recours aurait dû prendre. Il y a donc lieu de conclure que, par le deuxième chef de conclusions, la requérante demande la réformation de la décision attaquée, ce qu’elle a confirmé lors de l’audience [voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Polfarmex/EUIPO – Kaminski (SYRENA), T‑677/19, non publié, EU:T:2020:424, point 130 et jurisprudence citée].

B.      Sur le fond

14      La requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p.1), et, le second, de l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée.

1.      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625

15      Au point 22 de la décision attaquée, la chambre de recours a décidé d’admettre, conformément à l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et à l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, certains éléments de preuve de l’usage de la marque contestée produits pour la première fois devant elle par la titulaire de cette marque, au motif qu’ils étaient pertinents pour l’issue de l’affaire et qu’ils complétaient les éléments déjà présentés devant la division d’annulation.

16      En revanche, aux points 23 à 25 de la décision attaquée, la chambre de recours a décidé de ne pas admettre les éléments de preuve produits pour la première fois devant elle par la requérante, au motif qu’ils n’étaient pas pertinents pour l’issue de l’affaire et n’avaient pas pour objet de remettre en cause les conclusions de la division d’annulation.

17      D’une part, la requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a manqué à son obligation de motivation lorsqu’elle a constaté que les éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée, produits par la titulaire de ladite marque pour la première fois devant la chambre de recours, étaient recevables. D’autre part, elle fait valoir que la chambre de recours aurait estimé à tort que les documents supplémentaires qu’elle a produits pour « prouver la manipulation » des éléments de preuve produits par la titulaire de la marque contestée n’étaient pas recevables.

18      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

19      Selon l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, l’EUIPO peut ne pas tenir compte des preuves que les parties n’ont pas produites en temps utile.

20      Cependant, l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’EUIPO prévu à cette disposition est encadré par l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, qui a pour objet, conformément au considérant 8 de ce règlement délégué, de fixer avec précision les limites du pouvoir discrétionnaire de l’EUIPO en matière d’examen des preuves déposées tardivement. Selon l’article 27, paragraphe 4, dudit règlement délégué, la chambre de recours peut ainsi accepter des preuves produites pour la première fois devant elle uniquement si ces preuves satisfont à deux conditions mentionnées ci-après. Premièrement, elles « semblent, à première vue, pertinent[e]s pour l’issue de l’affaire ». Deuxièmement, elles « n’ont pas été présenté[e]s en temps utile pour des raisons valables, en particulier lorsqu’[elles] viennent uniquement compléter des faits et preuves pertinents qui avaient déjà été soumis en temps utile, ou sont déposé[e]s pour contester les conclusions tirées ou examinées d’office par la première instance dans la décision objet du recours ».

21      À cet égard, et dans la mesure où la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Elle a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [arrêt du 23 septembre 2020, CEDC International/EUIPO – Underberg (Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille), T‑796/16, EU:T:2020:439, point 186 (non publié)].

22      En outre, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. Il suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [voir arrêt du 12 mars 2020, Maternus/EUIPO – adp Gauselmann (Jokers WILD Casino), T‑321/19, non publié, EU:T:2020:101, point 16 et jurisprudence citée].

23      En l’espèce, il convient de relever que les éléments de fait et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision attaquée ressortent d’une lecture globale de ladite décision.

24      En effet, au point 6 de la décision attaquée, la chambre de recours a énuméré les éléments de preuve produits par la titulaire de la marque contestée devant la division d’annulation, parmi lesquels figuraient notamment des factures, des images de produits et de leurs emballages, un catalogue et des photographies de stands lors de salons et de foires. Ces éléments ont été considérés comme pertinents par la division d’annulation.

25      Au point 12, sous vi), de la décision attaquée, la chambre de recours a énuméré les éléments de preuve produits par la titulaire de la marque contestée pour la première fois devant elle, à savoir un catalogue, des photographies de produits et d’emballages ainsi que des photographies de stands et d’un prix reçu lors d’un salon.

26      Par la suite, la chambre de recours a rappelé, aux points 19 à 21 de la décision attaquée, les considérations figurant aux points 19 et 20 ci-dessus, sur le fondement desquelles elle a conclu, au point 22 de ladite décision, que les éléments de preuve produits par la titulaire de la marque contestée pour la première fois devant elle complétaient les preuve déjà produites devant la division d’annulation et qu’ils étaient pertinents pour l’examen de l’affaire en ce qu’ils visaient à démontrer l’usage de la marque contestée.

27      Il ressort de ce qui précède que la chambre de recours a examiné les éléments de preuve produits pour la première fois devant elle par la titulaire de la marque contestée en corrélation avec les éléments de même nature produits devant la division d’annulation, lesquels avaient déjà été considérés comme pertinents à ce stade de la procédure, afin de conclure à leur caractère pertinent, d’une part, et complémentaire, d’autre part. En outre, il en découle de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré, en substance, que lesdits éléments avaient été produits pour la première fois devant elle pour une raison valable, en ce qu’ils visaient à contester la décision de la division d’annulation quant à la question de l’usage sérieux de la marque contestée.

28      Il découle donc d’une lecture globale de la décision attaquée que la chambre de recours a suffisamment motivé sa décision d’admettre les éléments de preuve produits pour la première fois devant elle par la titulaire de la marque contestée.

29      En deuxième lieu, s’agissant des éléments de preuve produits par la requérante pour la première fois devant la chambre de recours, ceux-ci consistaient, premièrement, en des extraits du site Internet de l’EUIPO portant sur d’autres marques détenues par la titulaire de la marque contestée, aux fins de démontrer que les éléments de preuves versés par cette dernière ne portaient pas sur ladite marque, mais sur d’autres marques enregistrées, dont certaines avaient expiré. À cet égard, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté que ces marques ne faisaient pas l’objet du recours porté devant elle et qu’elles n’étaient pas pertinentes pour l’issue de l’affaire.

30      Deuxièmement, la requérante a produit pour la première fois devant la chambre de recours plusieurs documents intitulés « modèles de conditions économiques », datés des années 2016 à 2020, constituant en substance des contrats de vente conclus entre elle et une chaîne de magasins, portant notamment sur des produits de la marque Woxter.

31      La requérante fait valoir que ces documents avaient pour objet de prouver que la titulaire de la marque contestée n’avait pas conclu d’accord avec la chaîne de magasins concernée, de sorte que certains des éléments versés pour la première fois devant la chambre de recours par cette dernière auraient été « manipulés » par elle afin de faire croire que les produits figurant sur lesdits éléments de preuve étaient les siens, alors qu’il s’agirait, en réalité, de ses produits.

32      À cet égard, il convient de relever que, à supposer même que la chambre de recours ait commis une erreur en refusant d’admettre ces éléments de preuve, une telle irrégularité n’entraînerait pas automatiquement l’annulation de la décision attaquée. En effet, pour entraîner une telle annulation, encore faudrait-il que la partie qui se prévaut de cette irrégularité prouve que, en l’absence de celle-ci, il n’aurait été pas entièrement exclu que la décision attaquée ait eu un contenu différent [voir, par analogie, arrêts du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598, point 94, et du 20 mars 2019, Prim/EUIPO – Primed Halberstadt Medizintechnik (PRIMED), T‑138/17, non publié, EU:T:2019:174, point 28].

33      Sur ce point, il ressort du dossier que le bandeau portant le nom de la chaîne de magasins en cause n’apparaît que sur quelques photographies d’emballages produites en tant qu’éléments de preuve par la titulaire de la marque contestée. Aucun autre élément de preuve produit par cette dernière ne fait référence à ladite chaîne.

34      Or, force est de constater qu’aucune desdites photographies, sauf une, ne concernait des haut-parleurs relevant de la classe 9, seuls produits pour lesquels l’enregistrement de la marque contestée a été maintenu par la chambre de recours. Ces photographies n’ont pas été prises en compte par la chambre de recours et étaient donc dépourvues de pertinence pour l’issue de l’affaire devant elle.

35      S’agissant de la seule photographie concernant ladite chaîne de magasins, il convient de constater que celle-ci montre un haut-parleur de modèle Dynamic Line. Or, force est de relever que la chambre de recours n’a pas pris en compte ce modèle de haut-parleurs lors de son examen de l’usage de la marque contestée. Cette seule photographie était donc, elle aussi, dépourvue de pertinence pour l’issue de l’affaire devant la chambre de recours.

36      Partant, l’ensemble des éléments de preuve présentés par la requérante pour la première fois devant la chambre de recours était dépourvu de pertinence pour l’issue de l’affaire. Dans ces circonstances, il y a lieu de relever que la requérante n’a pas démontré que, en l’absence de l’irrégularité alléguée, il n’était pas entièrement exclu que la décision attaquée aurait eu un contenu différent.

37      Eu égard à ces considérations, le premier moyen doit être rejeté comme en partie non fondé et en partie inopérant.

2.      Sur le second moyen, tiré de l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée

38      Conformément à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu’il n’existe pas de juste motif pour le non-usage.

39      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle que protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, non publié, EU:T:2007:299, point 54 et jurisprudence citée].

40      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (voir arrêt du 27 septembre 2007, LA MER, T‑418/03, non publié, EU:T:2007:299, point 55 et jurisprudence citée).

41      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, ce qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte [arrêt du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 36]. Il ne s’agit donc pas d’analyser chacune des preuves de façon isolée, mais de les analyser conjointement, afin d’en identifier le sens le plus probable et le plus cohérent. Dans le cadre d’une telle analyse, il ne peut être exclu qu’un faisceau d’éléments de preuve permette d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits [arrêt du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI, C‑108/07 P, non publié, EU:C:2008:234, point 36 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 mars 2014, Anapurna/OHMI – Annapurna (ANNAPURNA), T‑71/13, non publié, EU:T:2014:105, point 45].

42      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante.

43      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 31 de la décision attaquée, la titulaire de la marque contestée devait démontrer l’usage sérieux de la marque contestée pour la période s’étendant du 1er juillet 2015 au 30 juin 2020.

44      À cet égard, la titulaire de la marque contestée a notamment produit, au cours de la procédure administrative, 55 factures et factures pro forma, un catalogue Woxter daté de 2014 (ci-après le « catalogue »), diverses photographies de produits et d’emballages, des captures d’écran des sites Internet Google Trends et Amazon en France, au Royaume-Uni et en Espagne, des fiches techniques de produits et des photographies de stands Woxter prises lors de différents salons et foires.

45      La requérante remet en cause la pertinence de ces éléments de preuve et conteste, en outre, qu’ils suffisent pour prouver la durée, le lieu, la nature et l’intensité de l’usage de la marque contestée.

a)      Sur la pertinence des éléments de preuve produits par la titulaire de la marque contestée

46      La requérante fait valoir que certains éléments de preuve produits par la titulaire de la marque contestée ne sont pas pertinents pour prouver l’usage de ladite marque. Premièrement, tel serait le cas des factures, qui seraient de simples documents internes émis par la titulaire de cette marque. Deuxièmement, quant aux captures d’écran issues du site Internet Google Trends, lesquelles indiquent à quelle fréquence le terme « woxter » a été recherché dans divers pays sur le moteur de recherche de Google, la requérante fait valoir que cet outil présente des données de manière généralisée ne permettant pas de prouver que la recherche dudit terme se rapporte à la marque contestée ou aux produits concernés. Troisièmement, la titulaire de la marque contestée aurait manipulé les captures d’écran du site Internet Amazon présentant un haut-parleur de modèle microbeat, vendu sous ladite marque, en insérant cette marque en haut du document. Quatrièmement, les fiches techniques des produits concernés seraient de simples documents internes non datés. Il en irait de même pour les diverses photographies, qui ne comporteraient aucune indication quant à leur date et au territoire sur lequel elles ont été prises. Cinquièmement, selon la requérante, le catalogue étant daté en dehors de la période pertinente, il n’aurait pas dû être pris en considération par la chambre de recours.

47      L’EUIPO réfute les arguments de la requérante.

48      Premièrement, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 10, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625, les preuves de l’usage sérieux peuvent consister en des pièces justificatives telles que des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’en des déclarations écrites faites sous serment ou solennellement visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001. Dès lors, la pertinence des factures en tant qu’éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée ne saurait être remise en cause du seul fait que celles-ci ont été émises par la titulaire de ladite marque.

49      Deuxièmement, certes, les captures d’écran du site Internet Google Trends n’indiquent pas à quels produits les recherches du terme « woxter » se rapportent. Toutefois, il ressort de la décision attaquée que lesdites captures d’écran n’ont pas eu une incidence déterminante sur la conclusion à laquelle est parvenue la chambre de recours. En effet, cette dernière ne les mentionne qu’à deux reprises, une première fois dans le cadre de l’examen de la durée de l’usage et une seconde dans celui du lieu de l’usage. Or, à ces deux égards, la conclusion de la chambre de recours est fondée principalement sur les factures produites par la titulaire de la marque contestée.

50      Troisièmement, l’allégation de la requérante, selon laquelle les captures d’écran du site Internet Amazon sur lesquelles apparaît un haut-parleur de modèle microbeat auraient été manipulées par la titulaire de la marque contestée, n’est qu’une simple spéculation. En effet, ainsi que cela a été relevé par la division d’annulation, il n’apparaît pas que lesdites captures d’écran constituent un montage, mais il s’agit plutôt, en réalité, de deux captures d’écran différentes superposées l’une au-dessus de l’autre.

51      Quatrièmement, quant aux fiches techniques des produits et aux photographies, lesquelles seraient, selon la requérante, dépourvues de pertinence au motif qu’elles ne sont pas datées, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, si des documents non datés peuvent, dans certains cas, être retenus pour établir l’usage d’une marque, de telles preuves ne sauraient néanmoins être pertinentes aux fins d’établir cet usage pendant la période de référence que pour autant qu’elles permettent de confirmer des faits qui se déduiraient d’autres éléments de preuve [voir arrêt du 2 février 2017, Marcas Costa Brava/EUIPO – Excellent Brands JMI (Cremcaffé by Julius Meinl), T‑686/15, non publié, EU:T:2017:53, point 59 et jurisprudence citée].

52      En l’espèce, comme cela ressort de la décision attaquée, les fiches techniques ainsi que les photographies des produits et de leurs emballages permettent de confirmer des faits qui se déduisent d’autres éléments de preuve datés, notamment les factures, sur lesquelles les références de produits sont indiquées. La chambre de recours n’a donc pas commis d’erreur d’appréciation en les prenant en considération dans le cadre de son examen de l’usage sérieux de la marque contestée.

53      Cinquièmement, s’agissant du catalogue, il est vrai que, comme l’indique la requérante, celui-ci est daté de 2014, c’est-à-dire avant le début de la période pertinente. Toutefois, selon la jurisprudence, l’appréciation du caractère sérieux de l’usage d’une marque au cours de la période pertinente peut, le cas échéant, tenir compte d’éventuels éléments antérieurs ou postérieurs à cette période, qui peuvent permettre de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de ladite marque au cours de la période pertinente [voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2016, Future Enterprises/EUIPO – McDonald’s International Property (MACCOFFEE), T‑518/13, EU:T:2016:389, point 55 et jurisprudence citée].

54      En l’espèce, force est de constater que la chambre de recours n’a tenu compte du catalogue qu’en corrélation avec les factures comprenant une date se rapportant à la période pertinente, et ce aux seules fins d’identifier les produits énumérés sur lesdites factures grâce à leurs références, lesquelles figuraient de manière identique dans ledit catalogue. Dans ces circonstances, la chambre de recours a pu considérer, à juste titre, que le catalogue permettait de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque contestée au cours de la période pertinente.

55      Partant, il y a lieu de rejeter l’ensemble des arguments de la requérante visant à contester la pertinence des éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée, produits par la titulaire de la marque contestée au cours de la procédure administrative.

b)      Sur la durée et le lieu de l’usage

56      La chambre de recours a indiqué, au point 35 de la décision attaquée, que, parmi les éléments de preuve présentés par la titulaire de la marque contestée, 35 factures relevaient de la période pertinente et que les informations contenues dans celles-ci étaient suffisantes pour satisfaire à l’exigence de la durée de l’usage de ladite marque. Quant au lieu de l’usage, la chambre de recours a relevé que lesdites factures étaient adressées, entre autres, à des sociétés établies dans des États membres de l’Union, tels que la Pologne, la Suède, l’Italie, la France ou l’Espagne. Elle a indiqué, notamment, qu’une référence aux pays de l’Union pouvait être identifiée sur les captures d’écran des sites Internet d’Amazon en France, au Royaume-Uni et en Espagne.

57      La requérante fait valoir que certains éléments de preuve, notamment une partie des factures, font état d’une date ne relevant pas de la période pertinente ou concernent des territoires ne faisant pas partie de l’Union et que, partant, les seuls documents se rapportant à la période et au territoire pertinents seraient insuffisants pour prouver l’usage sérieux de la marque contestée.

58      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

59      À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’argument de la requérante procède d’une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, il ressort de cette décision que la chambre de recours n’a tenu compte que des factures dont la date relève de la période pertinente et qui sont adressées à des clients établis dans l’Union.

60      Ainsi, si la titulaire de la marque contestée a fourni 55 factures et factures pro forma, la chambre de recours a toutefois relevé, à juste titre, que seules 35 d’entre elles se rapportaient à la période pertinente. Ces dernières sont réparties sur une période comprise entre le 15 novembre 2015 et le 20 septembre 2018, soit une période d’environ 2 ans et 10 mois.

61      Il ressort de ces constatations une constance de l’usage de la marque contestée, établie par la répétition des actes y concourant, ce qui permet d’établir que ladite marque a été utilisée pendant une partie considérable de la période pertinente.

62      Quant au lieu de l’usage, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours, que les factures relevant de la période pertinente ont été adressées à des clients établis dans plusieurs États membres de l’Union, notamment la Pologne, la Suède, l’Italie, la France ou encore l’Espagne.

63      Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu que les indications figurant dans les éléments de preuve en cause relatives à la période pertinente et au lieu de l’usage étaient suffisantes pour satisfaire l’exigence de la durée et du lieu de l’usage de la marque contestée.

c)      Sur la nature de l’usage

1)      Sur l’usage de la marque contestée selon sa fonction essentielle

64      Ainsi qu’il a été rappelé au point 39 ci-dessus, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée.

65      La chambre de recours a considéré que cette condition était, en l’espèce, remplie au motif que les éléments de preuve produits par la titulaire de la marque contestée démontraient que celle-ci avait été utilisée de manière publique et dans le cadre d’une activité commerciale. Elle a ajouté que l’apposition de ladite marque sur des factures pouvait être considérée comme une preuve de son usage selon sa fonction essentielle, et non comme une référence à la dénomination sociale ou au nom commercial de la titulaire de cette marque.

66      La requérante fait valoir, d’une part, que, sur les factures, la marque contestée a été utilisée non en tant que marque, mais en tant que dénomination sociale, nom ou symbole de la titulaire de ladite marque. D’autre part, elle souligne que lesdites factures mentionnent le terme « woxter » pour désigner uniquement certains des produits qui y sont énumérés, tandis que d’autres produits mentionnés sur ces factures sont décrits par d’autres dénominations, telles que « superbox », « funbox », « icard », « djp » ou en encore « microbeat », dont certaines seraient des marques enregistrées.

67      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

68      En l’espèce, il y a lieu de constater que la marque contestée est apposée en entête, dans le coin supérieur gauche, de l’ensemble des factures. En outre, la dénomination sociale Woxter Techonology Co. Ltd, suivie de l’adresse et des coordonnées de la titulaire de la marque contestée, figure dans le coin supérieur droit desdites factures.

69      Comme l’a relevé, en substance, la chambre de recours, cette configuration démontre que la marque contestée se distingue nettement de la dénomination sociale de sa titulaire. La configuration des factures est donc de nature à permettre l’établissement d’un lien étroit entre la marque contestée et les produits facturés [voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, 6Minutes Media/EUIPO – ad pepper media International (ad pepper), T‑666/18, non publié, EU:T:2019:720, point 82].

70      Partant, contrairement à ce que soutient la requérante, la marque contestée a été clairement utilisée, dans l’entête des factures, en tant qu’indication de l’origine commerciale des produits qui y sont répertoriés.

71      Deuxièmement, il convient de constater que le terme « woxter » figure également à côté de la référence de certains modèles de produits énumérés dans les factures, tandis que d’autres sont désignés par d’autres termes, tels que « funbox », « microbeat » ou encore « djp ».

72      À cet égard, le fait, invoqué par la requérante, que la mention « woxter » ne figure pas à côté de la référence de chacun des modèles de produits figurant dans les factures est dépourvu de pertinence, étant donné que la marque contestée est clairement apposée dans le coin supérieur gauche de l’ensemble desdites factures, ainsi que cela a été relevé aux points 68 à 70 ci-dessus.

73      De surcroît, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 46 de la décision attaquée, les références des produits mentionnés dans les factures correspondent à celles figurant dans le catalogue, sur la couverture duquel figure également la marque contestée.

74      Par ailleurs, la présence éventuelle d’autres marques sur les factures, désignant, selon la requérante, les différents modèles de produits commercialisés par la titulaire de la marque contestée, n’est en aucune manière de nature à empêcher ou à altérer l’identification, par le public pertinent, des produits rattachés à ladite marque, laquelle n’occupe une place ni accessoire ni négligeable dans les éléments de preuve produits (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, ad pepper, T‑666/18, non publié, EU:T:2019:720, point 84).

75      Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu que la marque contestée avait été utilisée conformément à sa fonction essentielle.

2)      Sur l’usage de la marque contestée en rapport avec les haut-parleurs relevant de la classe 9

76      La chambre de recours a considéré que la titulaire de la marque contestée n’avait prouvé l’usage sérieux de la marque contestée qu’en ce qui concerne les haut-parleurs relevant de la classe 9.

77      La requérante soutient, en substance, premièrement, que les preuves fournies ne sont pas de nature à établir l’usage de la marque contestée pour les haut-parleurs. À cet égard, elle relève que ladite marque n’est directement apposée que sur trois modèles de haut-parleurs commercialisés par la titulaire de cette marque, à savoir les modèles BT 300, BT 400 et BT 500. Les autres éléments de preuve ne montreraient pas la marque contestée comme étant apposée directement sur des haut-parleurs. Deuxièmement, l’utilisation de la marque contestée en entête des factures ne démontrerait pas son usage pour les haut-parleurs. En tout état de cause, l’utilisation de cette marque dans l’entête des factures ne permettrait de prouver, tout au plus, qu’un usage pour des services relevant de la classe 35.

78      L’EUIPO conteste ces arguments.

79      À cet égard, premièrement, il convient de relever que, dans le catalogue, la marque contestée apparaît apposée directement sur les trois modèles de haut-parleurs identifiés par la requérante.

80      Deuxièmement, s’agissant des autres éléments de preuve, sur lesquels la marque contestée n’apparaît pas directement apposée sur les produits en cause, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 58, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque est déclaré déchu de ses droits si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union « pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée » et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

81      Or, selon la jurisprudence, il n’est pas nécessaire que la marque contestée soit apposée sur les produits pour que cette dernière fasse l’objet d’un usage sérieux par rapport à ces produits au sens de l’article 58, paragraphe 1, du règlement 2017/1001. En effet, même en l’absence d’apposition, il y a usage « pour des produits ou des services » au sens dudit article lorsque la marque contestée est utilisée de telle façon qu’il s’établit un lien entre cette marque et la commercialisation des produits et des services en cause. Ainsi qu’il ressort du point 48 ci-dessus, est susceptible d’établir ce lien la présence de la marque contestée notamment dans des factures, des articles et des publicités concernant lesdits produits [voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2017, Alcohol Countermeasure Systems (International)/EUIPO – Lion Laboratories (ALCOLOCK), T‑638/15, non publié, EU:T:2017:229, point 82 et jurisprudence citée].

82      En l’espèce, la chambre de recours a relevé à juste titre, au point 46 de la décision attaquée, qu’un lien pouvait être établi entre les produits concernés – lesquels sont identifiables grâce à leurs références, qui apparaissent de manière identique dans les factures et dans le catalogue – et la marque contestée, affichée tant dans le coin supérieur gauche desdites factures que sur la couverture dudit catalogue. De même, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a constaté, au même point, qu’un tel lien existait également entre lesdits produits, à savoir des haut-parleurs, et leurs fiches techniques, lesquelles comportaient à la fois la marque contestée, une photographie du produit en cause et le nom du modèle de ce dernier.

83      En outre, la chambre de recours a également pris en considération, à juste titre, les photographies montrant que la marque contestée était apposée, dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, sur l’emballage des haut-parleurs de modèle microbeat.

84      Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu à l’usage de la marque contestée en rapport avec la sous-catégorie de produits comprenant les haut-parleurs, relevant de la classe 9.

3)      Sur l’utilisation de la marque contestée dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée

85      La chambre de recours a observé, premièrement, que, sur les factures, la marque contestée était représentée dans des couleurs différentes de celles sous lesquelles elle a été enregistrée, ce qui n’altérait cependant pas son caractère distinctif. Deuxièmement, elle a relevé que, dans le catalogue, ladite marque était représentée sur trois haut-parleurs, pour des raisons de marketing, en blanc, ce qui n’altérait pas non plus son caractère distinctif. Troisièmement, elle a considéré que la même marque apparaissait comme un élément verbal dans certaines des factures, ce qui était une pratique courante afin de simplifier son identification. Elle a ajouté, à cet égard, que les factures portaient, entre autres, sur le modèle de haut-parleur microbeat, dénomination qui figurait, avec la marque contestée, dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, sur les emballages et sur la fiche technique dudit produit. Elle en a conclu que ladite marque était utilisée dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée.

86      La requérante fait valoir que les éléments de preuve ne permettent pas de prouver l’usage de la marque contestée dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée. D’une part, le fait que certaines références de produits mentionnées dans les factures comportent la mention « woxter » ne serait pas suffisant à cet égard. D’autre part, certaines photographies d’emballages comporteraient une marque figurative différente de la marque contestée.

87      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

88      À titre liminaire, il importe de rappeler qu’il résulte de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 que, s’agissant de l’obligation d’usage de la marque de l’Union européenne dans un délai de cinq ans à compter de son enregistrement, il convient également d’admettre l’usage de la marque en cause sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, que la marque soit ou non enregistrée sous la forme utilisée au nom du titulaire.

89      Il y a lieu de préciser que l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 vise l’hypothèse selon laquelle, notamment, une marque nationale ou de l’Union européenne enregistrée est utilisée dans le commerce sous une forme légèrement différente par rapport à la forme sous laquelle l’enregistrement a été effectué. Son objet, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en altérer le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés [voir arrêt du 13 septembre 2016, hyphen/EUIPO – Skylotec (Représentation d’un polygone), T‑146/15, EU:T:2016:469, point 27 et jurisprudence citée].

90      Conformément à son objet, le champ d’application matériel de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque la forme du signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susmentionnée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 27 et jurisprudence citée).

91      Premièrement, en l’espèce, la requérante ne conteste pas la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le simple changement de couleur de la marque contestée, opéré sur les factures et sur les produits sur lesquels celle-ci est apposée, n’altère pas son caractère distinctif.

92      Deuxièmement, comme indiqué par la chambre de recours, l’utilisation de l’élément verbal de la marque contestée dans les factures est une pratique courante visant uniquement à simplifier son identification. En effet, ladite marque étant une marque figurative, il n’est pas inhabituel, pour des raisons de lisibilité, que celle-ci soit limitée à son élément verbal lorsqu’elle est utilisée sur des factures pour désigner des produits. Partant, cette utilisation n’altère pas non plus son caractère distinctif. En tout état de cause, comme constaté au point 68 ci-dessus, l’ensemble des factures comporte, en outre, la représentation graphique de la marque contestée, sous une forme n’altérant pas son caractère distinctif, dans leur coin supérieur gauche, de sorte que les arguments de la requérante à cet égard doivent être rejetés.

93      Troisièmement, comme le relève la requérante, sur certaines photographies d’emballages, figure la marque figurative suivante:

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94      À cet égard, la chambre de recours ne s’est pas spécifiquement prononcée sur l’utilisation de la marque contestée sous la forme représentée au point 93 ci-dessus. Toutefois, à supposer même que les photographies sur lesquelles ladite marque apparait sous cette forme aient dû être écartées de l’examen de l’usage sérieux, comme le soutient la requérante, cela n’aurait pas eu d’impact sur la solution du litige dès lors que la marque contestée apparait, sur la plupart des éléments de preuve retenus par la chambre de recours, telle qu’elle a été enregistrée ou sous une forme n’altérant pas son caractère distinctif.

d)      Sur l’intensité de l’usage

95      La chambre de recours a considéré que le volume des ventes, tel qu’il résultait des factures pertinentes, à savoir environ 2 800 unités de haut-parleurs, pour un montant d’environ 90 000 dollars des États-Unis (USD) (environ 83 100 euros), même s’il n’était pas important, constituait tout de même un usage objectivement propre à créer ou à conserver un débouché pour ces produits, étant donné qu’un tel volume de ventes, par rapport à la durée et à la fréquence de l’usage, n’était pas faible au point qu’il amènerait à conclure qu’il s’agissait d’un usage purement symbolique, minime ou fictif dans le seul but de maintenir la protection du droit à la marque.

96      Selon la requérante, les ventes de haut-parleurs sous la marque contestée ne seraient que symboliques. En effet, les éléments de preuve fournis par la titulaire de ladite marque permettraient uniquement de prouver la vente de 35 haut-parleurs de modèle BT 300, BT 400 et BT 500 pendant la période pertinente et dans le territoire pertinent. En outre, les ventes du modèle de haut-parleur microbeat, dans l’hypothèse où celles-ci devraient aussi être prises en compte, seraient également dérisoires, ne dépassant pas les 600 unités. Enfin, les ventes de produits pour lesquels la mention « woxter » est apposée à côté de leur référence dans les factures, à savoir les produits videolan, power line, cam 1.3 accesories et actioncam, ne pourraient être prises en considération qu’à condition que lesdites factures soient corroborées par d’autres éléments de preuve, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

97      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

98      Il convient de rappeler que, pour apprécier l’importance de l’usage qui a été fait de la marque contestée, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part (arrêt du 8 juillet 2004, HIPOVITON, T‑334/01, EU:T:2004:223, point 35).

99      En outre, un usage même minime peut être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque. Ainsi, il n’est pas possible de fixer a priori, de façon abstraite, le seuil quantitatif qui devrait être retenu pour déterminer si l’usage avait ou non un caractère sérieux, de sorte qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’EUIPO ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne saurait être fixée (arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 72).

100    En l’espèce, il convient de relever que l’essentiel de l’argumentation de la requérante relative à l’intensité de l’usage se fonde sur la prémisse erronée selon laquelle seules les ventes de produits sur lesquels la marque contestée est directement apposée, à savoir les modèles BT 300, BT 400 et BT 500, ou, tout au plus, les ventes de produits pour lesquels la mention « woxter » figure à côté de leur référence sur les factures, tels que le produit videolan, peuvent être prises en considération.

101    Or, ainsi qu’il ressort des points 80 à 83 ci-dessus, la chambre de recours pouvait, à juste titre, prendre également en compte les ventes des autres modèles de haut-parleurs figurant sur les factures, pour lesquels elle a établi un lien entre ces produits et la marque contestée.

102    En outre, la chambre de recours a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, également tenir compte des ventes du haut-parleur de modèle microbeat qui, bien que n’étant pas référencé dans le catalogue, pouvait être facilement identifié sur d’autres éléments de preuve, la référence à ce produit figurant sur les factures et les images d’emballages de produits. De même, certaines des fiches techniques ainsi que les captures d’écran du site Internet Amazon concernent ce modèle.

103    La chambre de recours a relevé à juste titre qu’il ressortait des factures concernées que, durant la période pertinente, la titulaire de la marque contestée a vendu, pour un montant d’environ 90 000 USD, environ 2 800 unités de haut-parleurs, à savoir 600 modèles microbeat, environ 2 000 modèles DJP-RED, environ 170 modèles FUNBOX et environ 38 modèles BT 300 et BT 500.

104    En l’espèce, la chambre de recours a pu conclure, sur le fondement des données mentionnées au point 103 ci-dessus, et sans commettre d’erreur d’appréciation, que l’usage de la marque contestée, quoique limité dans son volume, ne saurait être qualifié de marginal ou de symbolique.

105    En effet, dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque contestée doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 7 septembre 2022, Peace United/EUIPO – 1906 Collins (MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN), T‑699/21, non publié, EU:T:2022:528, point 36 et jurisprudence citée].

106    Or, aucun élément du dossier n’indique que l’usage de la marque contestée, dont font état les éléments de preuve examinés précédemment, ne serait qu’un usage à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par ladite marque.

107    Partant, il convient de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en relevant que le volume des ventes du produit concerné, commercialisé sous la marque contestée, quoique relativement limité, n’était pas symbolique, et ce, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les ventes des produits identifiés par la requérante pour lesquels la mention « woxter » est apposée à côté de leur référence dans les factures, à savoir les modèles videolan, power line, cam 1.3 accessories ou encore actioncam, ainsi que les ventes des modèles ispk-black, beatbomb, superbox et icard, identifiés par l’EUIPO dans les factures et le catalogue pour la première fois au cours de la procédure devant le Tribunal.

e)      Appréciation globale

108    Selon la jurisprudence rappelée au point 41 ci-dessus, pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce.

109    Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement [arrêts du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42, et du 8 juillet 2004, HIPOVITON, T‑334/01, EU:T:2004:223, point 36].

110    En l’espèce, la chambre de recours a estimé, en substance, que la faible quantité de ventes était compensée par d’autres facteurs, à savoir la durée et la régularité de l’usage de la marque contestée. Elle a également indiqué que les factures étaient étayées par d’autres éléments démontrant l’usage de ladite marque pour les produits en cause, notamment le catalogue, les fiches techniques ainsi que les images desdits produits et de leurs emballages.

111    À cet égard, le Tribunal considère que les éléments de preuve, pris ensemble, démontrent un usage stable, continu et géographiquement répandu de la marque contestée, quoique relativement limité sur le plan quantitatif.

112    Premièrement, les factures se rapportant à la période et au territoire pertinents font état de relations commerciales entre la titulaire de la marque contestée et onze clients différents en relation avec les produits en cause, ce qui démontre que l’usage de ladite marque s’est fait publiquement et vers l’extérieur et non uniquement à l’intérieur de l’entreprise titulaire de cette marque ou dans un réseau de distribution possédé ou contrôlé par celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2007, LA MER, T‑418/03, non publié, EU:T:2007:299, point 87 et jurisprudence citée).

113    Deuxièmement, ces clients sont établis dans six États membres de l’Union, ce qui démontre un usage de la marque contestée relativement répandu sur le plan géographique.

114    Troisièmement, les ventes des produits concernés sous la marque contestée ou en lien avec cette marque ont eu lieu régulièrement sur une période relativement longue.

115    Quatrièmement, les éléments de preuve démontrent l’existence de plusieurs modèles du produit concerné, commercialisés sous la marque contestée ou en lien avec cette marque, ce qui atteste également du caractère sérieux de l’usage de celle-ci.

116    Le volume des ventes relativement limité se trouve ainsi compensé par la durée, l’étendue géographique et la régularité de l’usage de la marque contestée.

117    Eu égard à l’ensemble de ces considérations, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu que la titulaire de la marque contestée avait prouvé l’usage sérieux de cette dernière pour les haut-parleurs relevant de la classe 9.

118    Partant, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

119    Aucun des moyens invoqués par la requérante au soutien de ses conclusions aux fins d’annulation et de réformation de la décision attaquée ne devant être accueilli, il y a donc lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

120    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

121    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’EUIPO, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Quatrotec Electrónica, SL est condamnée aux dépens.

Kornezov

Petrlík

Kecsmár

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.