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ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

4 mai 2017 (*)

« Manquement d’État – Directive 91/271/CEE – Articles 3 à 5 et 10 – Annexe I, points A, B et D – Traitement des eaux urbaines résiduaires – Systèmes de collecte – Traitement secondaire ou équivalent – Traitement plus rigoureux des rejets dans des zones sensibles »

Dans l’affaire C‑502/15,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 22 septembre 2015,

Commission européenne, représentée par MM. K. Mifsud-Bonnici et E. Manhaeve, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mme J. Kraehling, en qualité d’agent, assistée de Mme S. Ford, barrister,

partie défenderesse,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. E. Juhász, président de chambre, MM. C. Vajda et C. Lycourgos (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours, la Commission européenne demande à la Cour de constater que :

–        en ne veillant pas à ce que les eaux collectées dans un système combiné recueillant les eaux urbaines résiduaires et les eaux de pluie dans les agglomérations de Gowerton et de Llanelli soient retenues et acheminées à des fins de traitement, conformément aux exigences de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO 1991, L 135, p. 40), le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3, 4 et 10 de cette directive ainsi que de l’annexe I, points A et B, de celle-ci ;

–        en ne mettant pas en place un traitement secondaire ou un traitement équivalent ou en ne fournissant pas de preuves suffisantes pour démontrer la mise en conformité avec la directive 91/271 à cet égard en ce qui concerne les agglomérations de Banchory, de Stranraer ainsi que de Ballycastle et en ne soumettant les eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Gibraltar à aucun traitement, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4 de la directive 91/271 et de l’annexe I, points B et D, de celle-ci, et

–        en ne veillant pas à ce que les eaux urbaines résiduaires entrant dans les systèmes de collecte des agglomérations de Tiverton, de Durham (Barkers Haugh), de Chester‑le‑Street, d’Islip, de Broughton Astley, de Chilton, de Witham et de Chelmsford, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, fassent l’objet d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4 de la directive 91/271 et en conformité avec les exigences de l’annexe I, point B, de celle-ci, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5 de la directive 91/271 et de l’annexe I, points B et D, de celle-ci.

 Le cadre juridique

2        Aux termes du huitième considérant de la directive 91/271, « [...] il est nécessaire de surveiller les stations de traitement, les eaux réceptrices et l’évacuation des boues pour faire en sorte que l’environnement soit protégé des effets négatifs du déversement des eaux résiduaires [...] ».

3        L’article 3 de cette directive dispose :

«1.      Les États membres veillent à ce que toutes les agglomérations soient équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires :

–        au plus tard le 31 décembre 2000 pour celles dont l’équivalent habitant (EH) est supérieur à 15 000

et

–        au plus tard le 31 décembre 2005 pour celles dont l’EH se situe entre 2 000 et 15 000.

Pour les rejets d’eaux urbaines résiduaires dans des eaux réceptrices considérées comme des “zones sensibles” telles que définies à l’article 5, les États membres veillent à ce que des systèmes de collecte soient installés au plus tard le 31  décembre 1998 pour les agglomérations dont l’EH est supérieur à 10 000.

Lorsque l’installation d’un système de collecte ne se justifie pas, soit parce qu’il ne présenterait pas d’intérêt pour l’environnement, soit parce que son coût serait excessif, des systèmes individuels ou d’autres systèmes appropriés assurant un niveau identique de protection de l’environnement sont utilisés.

[...]

2.      Les systèmes de collecte décrits au paragraphe 1 doivent répondre aux prescriptions de l’annexe I, point A. [...]

[...] »

4        Aux termes de l’article 4 de ladite directive :

«1.      Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent selon les modalités suivantes :

–        au plus tard le 31 décembre 2000 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 15 000,

–        au plus tard le 31 décembre 2005 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 10 000 et 15 000,

–        au plus tard le 31 décembre 2005 pour les rejets, dans des eaux douces et des estuaires, provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 2 000 et 10 000.

[...]

3.      Les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées aux paragraphes 1 et 2 répondent aux prescriptions de l’annexe I, point B. [...]

4.      La charge exprimée en EH est calculée sur la base de la charge moyenne maximale hebdomadaire qui pénètre dans la station d’épuration au cours de l’année, à l’exclusion des situations inhabituelles comme celles qui sont dues à de fortes précipitations. »

5        L’article 5 de la même directive dispose :

«1.      Aux fins du paragraphe 2, les États membres identifient, pour le 31 décembre 1993, les zones sensibles sur la base des critères définis à l’annexe II.

2.      Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte fassent l’objet, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4, et ce au plus tard le 31 décembre 1998 pour tous les rejets provenant d’agglomérations ayant un EH de plus de 10 000.

[...]

3.      Les rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées au paragraphe 2 répondent aux prescriptions pertinentes de l’annexe I, point B. [...]

[...]

5.      Pour les rejets des stations d’épuration d’eaux urbaines qui sont situées dans les bassins versants pertinents des zones sensibles et qui contribuent à la pollution de ces zones, les paragraphes 2, 3 et 4 sont applicables.

[...]

6.      Les États membres veillent à ce que la liste des zones sensibles soit revue au moins tous les quatre ans.

7.      Les États membres veillent à ce que les zones identifiées comme sensibles à la suite de la révision prévue au paragraphe 6 se conforment aux exigences précitées dans un délai de sept ans.

[...] »

6        L’article 10 de la directive 91/271 prévoit :

« Les États membres veillent à ce que les stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires construites pour satisfaire aux exigences des articles 4, 5, 6 et 7 soient conçues, construites, exploitées et entretenues de manière à avoir un rendement suffisant dans toutes les conditions climatiques normales du lieu où elles sont situées. Il convient de tenir compte des variations saisonnières de la charge lors de la conception de ces installations. »

7        L’article 15 de cette directive fixe les exigences de surveillance, par les autorités compétentes ou les organes appropriés, des rejets provenant de stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires, qui doivent être conformes aux procédures de contrôle fixées à l’annexe I, point D, de ladite directive.

8        L’annexe I de la même directive, intitulée « Prescriptions relatives aux eaux urbaines résiduaires », prévoit, à son point A, intitulé « Systèmes de collecte » :

« Les systèmes de collecte tiennent compte des prescriptions en matière de traitement des eaux usées.

La conception, la construction et l’entretien des systèmes de collecte sont entrepris sur la base des connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner les coûts excessifs, notamment en ce qui concerne :

–        le volume et les caractéristiques des eaux urbaines résiduaires,

–        la prévention des fuites,

–        la limitation de la pollution des eaux réceptrices résultant des surcharges dues aux pluies d’orage. »

9        L’annexe I, point B, de la directive 91/271, intitulé « Rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires dans les eaux réceptrices », fixe les prescriptions auxquelles doivent satisfaire les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires déversées dans les eaux réceptrices.

10      L’annexe I, point D, de la directive 91/271 prévoit les procédures de contrôle des rejets des eaux usées. Le point D, 3, dispose que des échantillons doivent être prélevés à intervalles réguliers au cours d’une année, à savoir douze échantillons au cours de la première année dans les agglomérations dont l’EH est compris entre 2 000 et 9 999, et quatre échantillons les années suivantes, s’il peut être démontré que les eaux respectent les dispositions de cette directive pendant la première année. Si l’un des quatre échantillons ne correspond pas aux normes, douze échantillons sont prélevés l’année suivante. Pour les agglomérations dont l’EH est compris entre 10 000 et 49 999, douze échantillons par an doivent être prélevés.

 La procédure précontentieuse

 Les lettres de mise en demeure

11      En premier lieu, à la suite de plusieurs plaintes de citoyens, la Commission a adressé, le 26 juin 2009, une lettre de mise en demeure au Royaume-Uni relative à son obligation de veiller à la collecte et au traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Gowerton et de Llanelli. La Commission considérait que le Royaume-Uni avait omis de veiller à ce que les eaux collectées dans un système combiné recueillant les eaux urbaines résiduaires et les eaux de pluie de ces deux agglomérations soient retenues et acheminées à des fins de traitement, conformément aux exigences des articles 3 à 5 et 10 de la directive 91/271 ainsi que de l’annexe I, points A et B, de celle-ci.

12      Le Royaume-Uni a répondu par une lettre datée du 28 septembre 2009 dans laquelle il a reconnu que les systèmes de collecte mis en place dans lesdites agglomérations ne fonctionnaient pas comme prévu en ce qui concerne le nombre de déversements se produisant lors de certaines surcharges. Cet État membre a précisé, dans cette lettre, que ses services, d’une part, procédaient à des enquêtes pour déterminer la cause des mauvaises performances de ces systèmes et, d’autre part, progressaient à propos des mesures répressives à prendre à l’encontre de l’entreprise responsable du traitement des eaux usées en vertu de la réglementation du Royaume-Uni.

13      Par courriers des 21 mai 2010, 4 février 2011, 16 février 2012 et 13 septembre 2012, le Royaume-Uni a indiqué les mesures qu’il prenait pour remédier à cette situation.

14      Dans une lettre datée du 12 septembre 2013, le Royaume-Uni a fourni des chiffres actualisés pour les déversements enregistrés dans les installations modélisées des agglomérations de Gowerton et de Llanelli depuis l’année 2010 et a également indiqué les prévisions de déversements sur la base d’un programme de travaux visant à assurer la mise en conformité avec la directive 91/271 d’ici l’année 2025. Au mois de janvier 2014, le Royaume-Uni a indiqué à la Commission que la pleine conformité avec cette directive était plutôt prévue pour l’année 2020.

15      En second lieu, la Commission a adressé, le 21 juin 2013, une lettre de mise en demeure au Royaume-Uni, par laquelle elle reprochait à cet État membre de ne pas avoir mis en place de traitement secondaire ou de traitement équivalent, comme le prévoit l’article 4 de la directive 91/271, pour les rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant de 26 agglomérations. Dans cette lettre, la Commission a également allégué que la situation à Gibraltar n’était pas conforme à l’article 4 de cette directive et a demandé des éclaircissements ainsi que des informations quant à l’application, par le Royaume-Uni, de l’article 5 de ladite directive à propos d’un nombre important d’agglomérations.

16      Le Royaume-Uni a répondu par une lettre datée du 18 octobre 2013. La Commission a examiné cette réponse et a considéré que le Royaume-Uni ne respectait toujours pas les exigences de l’article 4 de la directive 91/271 dans quatre agglomérations citées dans la lettre de mise en demeure du 21 juin 2013. En outre, cette institution a constaté que Gibraltar ne possédait pas de station d’épuration des eaux urbaines résiduaires et n’était, en conséquence, pas en conformité avec ce même article 4.

17      Par ailleurs, le Royaume-Uni a expliqué que le rapport sur lequel se fondait la mise en demeure comportait des données erronées concernant la désignation des zones sensibles pour 92 des 127 agglomérations qui y étaient réputées non conformes. Le Royaume-Uni a également affirmé que des erreurs figuraient dans les données relatives à d’autres agglomérations, et que certaines agglomérations étaient en conformité avec la directive 91/271. Après avoir analysé les données reçues, la Commission a considéré que le Royaume-Uni ne se conformait toujours pas aux exigences de l’article 5 de cette directive en ce qui concerne 24 agglomérations.

 L’avis motivé

18      Par une lettre datée du 10 juillet 2014, réceptionnée le 11 juillet par le Royaume‑Uni, la Commission a adressé un avis motivé en vertu de l’article 258 TFUE, selon lequel, premièrement, le Royaume-Uni n’avait pas assuré le respect des articles 3, 4 et 10 de la directive 91/271 ainsi que de l’annexe I, points A et B, de celle-ci en ce qui concerne les agglomérations de Gowerton et de Llanelli, deuxièmement, il n’avait pas correctement appliqué l’article 4 de cette directive et l’annexe I, points B et D, de celle-ci en ce qui concerne quatre agglomérations ainsi que Gibraltar et, troisièmement, il n’appliquait pas correctement l’article 5 de ladite directive et l’annexe I, points B et D, de celle-ci en ce qui concerne 24 agglomérations. Elle a invité cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

19      Dans sa réponse à l’avis motivé, envoyée le 11 septembre 2014 et dans une réponse complémentaire du 27 avril 2015, le Royaume-Uni a, premièrement, reconnu que les systèmes de traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Gowerton et de Llanelli n’avaient pas fonctionné comme prévu et a précisé que la mise en conformité avec la directive 91/271 ne serait pas pleinement achevée avant la fin de l’année 2020. Deuxièmement, pour les autres sites, qui, selon la Commission, ne respectaient pas l’article 4 de cette directive, il a soit précisé les travaux entrepris pour se mettre en conformité avec ladite directive, soit fourni la date à laquelle des données portant sur une année complète d’analyses seraient disponibles. Troisièmement, pour les 24 agglomérations désignées comme étant en non-conformité avec l’article 5 de la directive 91/271, cet État membre a précisé la nature des travaux entrepris pour se mettre en conformité et a indiqué la date à laquelle des données portant sur une année complète d’analyses seraient disponibles. En outre, il a affirmé que, en ce qui concerne les agglomérations de Witham et de Chelmsford, le tracé délimitant la zone sensible était erroné.

20      N’étant pas satisfaite des réponses apportées par le Royaume-Uni à cet avis motivé, la Commission a introduit le présent recours.

 Sur la demande tendant à la production de preuves après la clôture de la phase écrite de la procédure

21      Après la clôture de la procédure écrite le 7 mars 2016, le Royaume-Uni a demandé, par une lettre en date du 1er février 2017, à être autorisé à produire de nouveaux documents en application de l’article 128, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour. Un délai a été accordé à la Commission pour lui permettre de prendre position sur lesdits documents, ce qu’elle a fait le 21 février 2017.

22      Par décision du 28 février 2017, le président de chambre a admis ces nouveaux documents en tant que preuve dans l’examen du présent recours en manquement.

 Sur le recours

 Considérations liminaires

23      Il y a lieu de rappeler que, si, dans le cadre d’une procédure en manquement engagée en vertu de l’article 258 TFUE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué en apportant à la Cour tous les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque, il convient de tenir compte du fait que, s’agissant de vérifier l’application correcte en pratique des dispositions nationales destinées à assurer la mise en œuvre effective d’une directive, la Commission, qui ne dispose pas de pouvoirs propres d’investigation en la matière, est largement tributaire des éléments fournis par d’éventuels plaignants ainsi que par l’État membre concerné (arrêt du 2 décembre 2010, Commission/Portugal, C‑526/09, non publié, EU:C:2010:734, point 21 et jurisprudence citée).

24      Il s’ensuit notamment que, lorsque la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître que les dispositions nationales transposant une directive ne sont pas correctement appliquées en pratique sur le territoire de l’État membre défendeur, il incombe à celui-ci de contester de manière substantielle et détaillée les éléments ainsi présentés et les conséquences qui en découlent (arrêt du 2 décembre 2010, Commission/Portugal, C‑526/09, non publié, EU:C:2010:734, point 22 et jurisprudence citée).

25      Par ailleurs, il appartient à la Cour de constater si le manquement reproché existe ou non, même dans la mesure où l’État concerné ne conteste pas le manquement (voir, notamment, arrêt du 23 février 2006, Commission/Allemagne, C‑43/05, non publié, EU:C:2006:145, point 11).

26      Il convient également de rappeler que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêt du 16 juin 2005, Commission/France, C‑191/04, non publié, EU:C:2005:393, point 17).

27      En l’occurrence, l’avis motivé daté du 10 juillet 2014 et réceptionné le 11 juillet 2014 par le Royaume-Uni impartissait à ce dernier un délai de deux mois pour se conformer aux obligations résultant de la directive 91/271. Dès lors, l’existence du manquement allégué doit être appréciée à la date du 11 septembre 2014.

28      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent recours.

 Sur le premier grief, tiré de l’absence d’une application correcte des articles 3, 4 et 10 de la directive 91/271 ainsi que de l’annexe I, points A et B, de celle-ci en ce qui concerne les agglomérations de Gowerton et de Llanelli

 Argumentation des parties

29      La Commission reproche au Royaume-Uni de manquer aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3, 4 et 10 de la directive 91/271 ainsi que de l’annexe I, points A et B, de celle-ci en ne veillant pas à ce que les eaux collectées dans un système combiné recueillant les eaux urbaines résiduaires et les eaux de pluie dans les agglomérations de Gowerton et de Llanelli soient retenues et acheminées à des fins de traitement, conformément aux exigences de cette directive.

30      La procédure précontentieuse aurait permis de constater qu’un grand nombre de déversements avant traitement se produiraient dans tous les systèmes de collecte, dans des eaux qui seraient désignées comme présentant de nombreux intérêts, notamment, en vertu de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7), et de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7).

31      La Commission relève notamment que les eaux de l’estuaire de Burry, qui reçoivent ces déversements, ont été désignées, le 11 octobre 1999, comme « eaux conchylicoles » sur la base de la directive 79/923/CEE du Conseil, du 30 octobre 1979, relative à la qualité requise des eaux conchylicoles (JO 1979, L 281, p. 47), et que ces eaux demeurent des zones protégées en vertu de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO 2000, L 327, p. 1), qui a abrogé la directive 79/923. Selon la Commission, il est évident que les déversements provenant des agglomérations de Gowerton et de Llanelli contribuent à la détérioration de la qualité desdites eaux.

32      La Commission souligne que la qualité de l’eau et les niveaux d’E. coli dans les coquillages sont contrôlés dans ces zones protégées en vue de la mise sur le marché de la marchandise récoltée. Elle relève à cet égard que la diminution du nombre de coquillages et leur contamination ont eu des conséquences économiques négatives pour les exploitations locales et un impact sur certaines espèces d’oiseaux qui en dépendent pour s’alimenter. Cette institution mentionne que les taux élevés d’E. coli, provoquant la fermeture des exploitations de coquillages, semblent être liées à une contamination fécale, qui proviendrait à la fois des eaux urbaines résiduaires et des eaux de ruissellement agricoles liées au bétail.

33      La Commission, à propos des travaux en cours sur ces sites, reconnaît que le recours aux systèmes de drainage durables (sustainable drainage systems, ci-après les « SuDS»), préconisé par le Royaume-Uni, constitue une solution innovante qui tend à éviter, dans la mesure du possible, l’écoulement des eaux de surface dans les systèmes de collecte. Néanmoins, elle souligne que les travaux destinés à mettre en œuvre la solution proposée par cet État membre ont été entrepris trop tard, raison pour laquelle la mise en conformité ne se fera pas avant l’année 2020.

34      La Commission considère que l’argument du Royaume-Uni selon lequel la mise en place de SuDS constituait la seule solution conforme à la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs », visée à l’annexe I, point A, de la directive 91/271, ne saurait être admis en l’espèce. En tout état de cause, elle est d’avis que le Royaume-Uni n’a pas réussi à établir que les coûts qu’entraîneraient les travaux visant à réduire davantage les fréquences et les volumes des déversements seraient disproportionnés par rapport aux bienfaits attendus en matière environnementale.

35      Le Royaume-Uni reconnaît que les agglomérations de Gowerton et de Llanelli ne sont pas en conformité avec les prescriptions de la directive 91/271 et indique que les niveaux actuels des déversements s’expliquent par le volume des eaux de surface, qui ne sont pas des effluents, pénétrant dans le système de retenue et d’assainissement.

36      Cet État membre souligne qu’il s’est engagé à mener un programme de travaux dans ces deux agglomérations qui permettra d’assurer leur mise en conformité avec la directive 91/271 d’ici l’année 2020, en réduisant considérablement la fréquence et le volume des déversements du système de collecte avant le traitement. Il indique que ce programme est axé sur la modernisation des SuDS, complétée par l’optimisation des actifs existants et l’installation de plusieurs petits réservoirs de stockage.

37      Le Royaume-Uni considère que ces travaux correspondent à la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs », visée à l’annexe I, point A, de la directive 91/271, et qu’il ne serait pas conforme à ladite notion d’aller au-delà des mesures qu’il envisage de prendre, compte tenu de l’impact minime sur l’environnement ainsi que de l’augmentation excessive et progressive des coûts que cela engendrerait. À cet égard, le Royaume-Uni précise notamment que la réduction prévue des niveaux des déversements ne permettra probablement pas d’atteindre une absence totale de coliformes fécaux dans la chair des coquillages, dans la mesure où l’apport microbien dans l’estuaire provient d’un grand nombre de sources, notamment du pâturage intensif.

38      Le Royaume-Uni conteste également la thèse de la Commission selon laquelle les réductions drastiques du nombre de coquillages dans la zone de l’estuaire de Burry seraient partiellement dues à des niveaux élevés d’E. coli, car des études auraient confirmé que la mortalité des coquillages dans cette zone était essentiellement liée à des facteurs biologiques, notamment aux dynamiques démographiques naturelles. Le Royaume-Uni précise que les SuDS contribueront toutefois à réduire la concentration moyenne de bactéries, notamment d’E. coli, dans les eaux conchylicoles.

39      Le Royaume-Uni fait également valoir que, d’une part, la réalisation des travaux présente certaines difficultés particulières auxquelles il a fallu faire face sur ces sites, dont certaines ne sont apparues qu’au fil du temps et, d’autre part, que les premières évaluations concernant l’exécution des SuDS indiquent que ces systèmes vont considérablement au-delà des attentes et que la performance des installations ne cesse de s’améliorer avec le temps.

 Appréciation de la Cour

40      À titre liminaire, il y a lieu de constater qu’il est constant que les agglomérations de Gowerton et de Llanelli ont un EH supérieur à 15 000.

41      Conformément à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’annexe I, point A, de celle-ci, les agglomérations doivent être équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires dont la conception, la construction et l’entretien sont entrepris sur la base des « connaissances techniques les plus avancées sans entraîner de coûts excessifs », notamment en ce qui concerne le volume et les caractéristiques des eaux urbaines résiduaires, la prévention des fuites et la limitation de la pollution des eaux réceptrices résultant des surcharges dues aux pluies d’orage.

42      Dans sa réponse à l’avis motivé datée du 11 septembre 2014, le Royaume-Uni soutient que le nombre de déversements excède ce qui avait été planifié lors de la conception des systèmes de collecte, de sorte que ces derniers ne permettent ni de retenir ni d’acheminer les eaux pour être traitées. Cet État membre indique que, à cette date, un ambitieux programme de travaux était engagé afin de mettre la situation des agglomérations de Gowerton et de Llanelli en conformité avec la directive 91/271 d’ici l’année 2020, ce qu’il confirme, d’ailleurs, dans son mémoire en défense ainsi que dans une lettre adressée à la Commission le 31 janvier 2017 et transmise à la Cour.

43      Il s’ensuit que le Royaume-Uni ne conteste pas que, à la date d’expiration du délai indiqué dans l’avis motivé, la situation de ces agglomérations n’était pas conforme aux obligations découlant de l’article 3 de la directive 91/271, lu en combinaison avec l’annexe I, point A, de cette directive.

44      Dès lors que le manquement allégué doit être examiné à la date du 11 septembre 2014, il y a lieu de constater que les systèmes de collecte de Gowerton et de Llanelli ne pouvaient être considérés comme des installations en conformité avec la notion de « connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs », au sens de l’annexe I, point A, de la directive 91/271. En effet, l’engagement du Royaume-Uni dans un grand programme de travaux prouve que des solutions technologiques, en vue de pallier le problème de déversements excessifs, avant traitement, dans des eaux présentant de nombreux intérêts, d’eaux résiduaires en provenance des agglomérations de Gowerton et de Llanelli, existaient mais n’avaient pas été appliquées. En outre, les coûts de ces travaux ne sauraient être considérés comme excessifs, dans la mesure où le Royaume-Uni a décidé de les mettre en œuvre (voir, par analogie, arrêt du 18 octobre 2012, Commission/Royaume-Uni, C‑301/10, EU:C:2012:633, point 90).

45      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 4 de la directive 91/271, les agglomérations concernées doivent soumettre les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans leurs systèmes de collecte à un traitement secondaire ou équivalent permettant à ces eaux d’être rejetées en respectant les prescriptions de l’annexe I, point B, de cette directive, et, conformément à l’article 10 de cette dernière, elles doivent être dotées de stations d’épuration conçues, construites, exploitées et entretenues de manière à avoir un rendement suffisant dans toutes les conditions climatiques normales du lieu où elles sont situées.

46      Dès lors que, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, les agglomérations de Gowerton et de Llanelli ne disposaient pas de systèmes de collecte permettant de retenir et d’acheminer la totalité des eaux urbaines résiduaires en vue de leur traitement, l’obligation de soumettre la totalité de ces eaux à un traitement secondaire ou équivalent, telle que prévue aux articles 4 et 10 de la directive 91/271, n’était donc a fortiori pas remplie (voir, par analogie, arrêt du 25 octobre 2007, Commission/Grèce, C‑440/06, non publié, EU:C:2007:642, point 25).

47      Par ailleurs, les arguments invoqués par le Royaume-Uni pour justifier l’inobservation de ses obligations au regard de la directive 91/271 ne sauraient prospérer.

48      En effet, il importe de relever que le législateur de l’Union, conscient de l’ampleur des travaux d’infrastructure que nécessitait l’application de la directive 91/271 et des coûts liés à l’exécution complète de celle‑ci, a accordé aux États membres un délai de plusieurs années pour l’accomplissement de leurs obligations. En tout état de cause, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, un État membre ne saurait exciper de difficultés d’ordre interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union (arrêt du 6 novembre 2014, Commission/Belgique, C‑395/13, EU:C:2014:2347, point 51).

49      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en ne veillant pas à ce que les eaux collectées dans un système combiné recueillant les eaux urbaines résiduaires et les eaux de pluie dans les agglomérations de Gowerton et de Llanelli soient retenues et acheminées à des fins de traitement, conformément aux exigences de la directive 91/271, le Royaume-Unia manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3, 4 et 10 de cette directive ainsi que de l’annexe I, points A et B, de celle-ci.

 Sur le deuxième grief, tiré d’un manquement aux obligations découlant de l’article 4 de la directive 91/271 et de l’annexe I, points B et D, de celle-ci en ce qui concerne les agglomérations de Ballycastle et de Gibraltar

 Argumentation des parties

50      La Commission considère que le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4 de la directive 91/271 et de l’annexe I, points B et D, de celle-ci en ne mettant pas en place un traitement secondaire ou un traitement équivalent ou en ne fournissant pas de preuves suffisantes pour démontrer la mise en conformité des installations de l’agglomération de Ballycastle avec cette directive, ainsi qu’en ne soumettant les eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Gibraltar à aucun traitement.

51      Dans sa requête, la Commission soutenait également que le Royaume-Uni n’avait pas respecté ses obligations en ce qui concerne les agglomérations de Banchory et de Stranraer. Cependant, après avoir obtenu de la part du Royaume-Uni des données correspondant à une année civile de prélèvements, cette institution a, dans son mémoire en réplique, décidé de renoncer aux griefs formulés à l’encontre de ces deux agglomérations dans le cadre du présent recours.

52      S’agissant de l’agglomération de Ballycastle, qui aurait dû être mise en conformité avec la directive 91/271 au plus tard le 31 décembre 2005, la Commission relève que, dans sa réponse à l’avis motivé, datée du 11 septembre 2014, le Royaume-Uni indique que les travaux de mise en conformité avec ladite directive seraient menés à bien pour le mois de septembre 2017.

53      La Commission considère également que le Royaume-Uni a manqué aux obligations lui incombant en vertu de la directive 91/271, dans la mesure où Gibraltar ne dispose d’aucune station d’épuration des eaux urbaines résiduaires, alors que la date limite de sa mise en conformité avec la directive était le 31 décembre 2000. La Commission souligne que, dans sa réponse à l’avis motivé datée du 11 septembre 2014, le Royaume-Uni faisait valoir qu’une station d’épuration devait être mise en service à Gibraltar au plus tard à la fin de l’année 2016.

54      Le Royaume-Uni, souligne, en premier lieu, que Gibraltar déverse ses eaux urbaines résiduaires non pas dans des eaux douces et des estuaires, comme le soutient la Commission dans sa requête, mais dans les eaux du littoral. En second lieu, il admet que l’agglomération de Ballycastle ainsi que Gibraltar ne respecteront les prescriptions de la directive 91/271 qu’à la fin de l’année 2017. Dans une lettre adressée à la Commission le 31 janvier 2017 et transmise à la Cour, le Royaume-Uni indique que la mise en conformité de Gibraltar est fixée à la fin de l’année 2018.

55      Concernant l’agglomération de Ballycastle, le Royaume-Uni précise que l’acquisition de terrains nécessaires pour moderniser la station d’épuration de cette agglomération a été problématique et confirme que des mesures sont adoptées pour garantir une mise en conformité de cette installation à la fin de l’année 2017.

56      En ce qui concerne la situation de Gibraltar, le Royaume-Uni souligne que des difficultés résultant des caractéristiques géographiques particulières de Gibraltar, de la densité de la population exceptionnellement élevée, exigeant la récupération de terres sur la mer et de l’usage inhabituel de l’eau de mer à des fins sanitaires, ont retardé le début des travaux. Il soutient que les prescriptions de l’article 4 de la directive 91/271 et les exigences de l’annexe I, point B, de celle-ci seront pleinement respectées à la fin de l’année 2017. Le Royaume-Uni ajoute que l’autorité compétente de Gibraltar pourra alors, conformément aux prescriptions de l’article 15 de cette directive, assurer la surveillance des rejets de la station d’épuration pour vérifier le respect des prescriptions de l’annexe I, point B, de ladite directive, conformément aux procédures de contrôle énoncées à l’annexe I, point D, de celle-ci.

57      À cet égard, le Royaume-Uni relève, à propos à la fois des agglomérations de Ballycastle et de Gibraltar, que le fait de ne pas avoir collecté des données de surveillance à intervalles réguliers comme l’exige l’annexe I, point D, de la directive 91/271 constitue non pas une violation de l’article 4 de cette directive, mais une violation de son article 15, qui, cependant, n’a pas été alléguée par la Commission dans sa requête.

 Appréciation de la Cour

58      Il y a lieu de constater que la Commission a, lors de la procédure écrite devant la Cour, retiré du petitum de sa requête les agglomérations de Banchory et Stranraer. Elle a, en revanche, maintenu son recours pour ce qui concerne les agglomérations de Ballycastle et de Gibraltar, qui ont, respectivement, un EH supérieur à 10 000 et à 15 000.

59      L’article 4 de la directive 91/271 impose aux États membres de veiller à ce que, dans les délais indiqués audit article, les agglomérations concernées soumettent les eaux urbaines résiduaires, qui pénètrent dans les systèmes de collecte dont les agglomérations sont équipées conformément à l’article 3 de cette directive, à un traitement adéquat et que ces rejets répondent aux prescriptions de l’annexe I, point B, de celle-ci. Quant au point D de l’annexe I de cette même directive, il prescrit les exigences minimales que la méthode de surveillance des eaux adoptée par les États membres doit respecter.

60      S’agissant des agglomérations de Ballycastle et de Gibraltar, le Royaume-Uni ne conteste pas que, au terme du délai fixé dans l’avis motivé, leurs situations respectives n’étaient pas conformes à la directive 91/271, mais il invoque certaines difficultés d’ordre pratique pour justifier le retard accusé dans les travaux nécessaires en vue de pallier cette absence de conformité.

61      Il ressort en effet du dossier soumis à la Cour que, le 11 septembre 2014, date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, d’une part, la station d’épuration de Ballycastle nécessitait des travaux de modernisation car elle n’était pas pourvue d’un traitement secondaire et, d’autre part, qu’il n’existait aucune station d’épuration à Gibraltar. Il doit dès lors être constaté que la situation de ces deux agglomérations n’était pas, à cette date, en conformité avec l’article 4 de la directive 91/271 et l’annexe I, point B, de celle-ci. L’argument du Royaume-Uni selon lequel l’inobservation de ses obligations est liée à des difficultés d’ordre interne ne saurait prospérer pour les mêmes raisons que celles exposées au point 48 du présent arrêt.

62      En ce qui concerne la violation alléguée de l’annexe I, point D, de la directive 91/271, la Commission indique, aux points 42 et 50 de sa requête, que les procédures de contrôle visées à cette disposition sont liées à l’article 15 de cette directive, qui fixe les exigences de surveillance des rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires.

63      Il convient, à cet égard, de relever que la Cour a jugé, au point 40 de son arrêt du 28 janvier 2016, Commission/Portugal (C‑398/14, EU:C:2016:61), que l’obligation contenue à l’article 4 de la directive 91/271, selon laquelle les rejets des eaux urbaines résiduaires doivent être soumises à un traitement respectant les prescriptions de l’annexe I, point B, de celle-ci, est pérennisée par la surveillance des rejets provenant des stations d’épuration, prévue à l’article 15, paragraphe 1, premier tiret, de cette directive, qui fait une référence expresse à l’annexe I, point D, de celle-ci. Ainsi, le non-respect de l’annexe I, point D, de ladite directive ne peut être examiné que conjointement à l’allégation de la violation de l’article 15 de cette même directive.

64      Dès lors, il y a lieu de rejeter le deuxième grief en ce qu’il concerne un manquement aux procédures de contrôle fixées à l’annexe I, point D, de la directive 91/271, dans la mesure où la Commission, dans sa requête, ne demande pas à la Cour de constater une violation de l’obligation de surveillance au titre de l’article 15 de cette directive.

65      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en ne mettant pas en place un traitement secondaire pour les eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Ballycastle et en ne soumettant à aucun traitement les eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Gibraltar, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4 de la directive 91/271 et de l’annexe I, point B, de celle-ci. Le deuxième grief doit être rejeté pour le surplus.

 Sur le troisième grief, tiré d’un manquement aux obligations découlant de l’article 5 de la directive 91/271 et de l’annexe I, points B et D, de celle-ci en ce qui concerne les agglomérations de Tiverton, de Durham (Barkers Haugh), de ChesterleStreet, d’Islip, de Broughton Astley, de Chilton, de Witham et de Chelmsford

 Argumentation des parties

66      La Commission considère que le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5 de la directive 91/271 et de l’annexe I, points B et D, de celle-ci en ne veillant pas à ce que les eaux urbaines résiduaires entrant dans les systèmes de collecte des agglomérations de Durham (Barkers Haugh), de Chester‑le‑Street, de Chilton, de Tiverton, de Broughton Astley, d’Islip, de Witham et de Chelmsford, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, fassent l’objet d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4 de cette directive.

67      La Commission souligne que ces huit agglomérations rejettent leurs eaux dans des zones désignées comme sensibles au regard de la directive 91/271 et nécessitent la mise en place d’un traitement tertiaire destiné à éliminer le phosphore que contiennent ces eaux urbaines résiduaires.

68      Cette institution précise, notamment, que les agglomérations de Durham (Barkers Haugh) et de Chester-le-Street rejettent leurs eaux résiduaires dans la rivière Wear, tandis que les agglomérations de Tiverton, de Broughton Astley, d’Islip et de Chilton rejettent leurs eaux résiduaires respectivement dans les rivières Creedy, Soar, Nene et Skerne (Tees).

69      La Commission souligne que, bien que le Royaume-Uni soutienne que les travaux nécessaires à la mise en conformité avec l’article 5 de la directive 91/271 sont planifiés ou en cours à Tiverton et à Broughton Astley, tant qu’ils ne sont pas terminés et que des données recueillies pendant une année complète démontrant la conformité avec les exigences de cette directive ne sont pas fournies, la situation de ces agglomérations n’est pas en conformité avec ladite directive.

70      De même, la Commission soutient que, même si les installations de traitement tertiaire desservant les agglomérations de Durham (Barkers Haugh), de Chester-le-Street, d’Islip et de Chilton étaient achevées, comme le fait valoir le Royaume-Uni, la situation de ces agglomérations ne peut être considérée comme étant conforme aux exigences de la directive 91/271 en l’absence de données recueillies sur une année complète.

71      À cet égard, la Commission considère que les circonstances qu’une installation de traitement existe et que son fonctionnement soit prouvé au moyen d’un relevé d’échantillonnage, dont les valeurs spécifiques sont conformes aux prescriptions du tableau 1 de l’annexe I de ladite directive, ne suffisent pas à démontrer que le traitement des eaux urbaines résiduaires satisfait aux exigences de la directive 91/271. Seul un prélèvement d’au moins douze échantillons permettrait de contrôler le bon fonctionnement des installations de traitement. Elle souligne que la Cour a validé ce point de vue au point 48 de l’arrêt du 15 octobre 2015, Commission/Grèce (C‑167/14, non publié, EU:C:2015:684).

72      En ce qui concerne les agglomérations de Witham et de Chelmsford, il ressortirait des lettres du Royaume-Uni des 11 septembre 2014 et 27 avril 2015, que les rejets dans une zone sensible en provenance de ces deux agglomérations seraient dus à une erreur dans la délimitation de la zone sensible des rivières Can, Wid et Chelmer, désignée comme telle le 30 juillet 1998. Bien que la Commission comprenne que cette violation de la directive 91/271 puisse être due à une erreur de tracé, elle considère que, au moment du dépôt de sa requête, cette erreur n’était pas corrigée et que les rejets dans une zone sensible se poursuivent, alors que la date limite de mise en conformité était le 30 juillet 2005.

73      Le Royaume-Uni indique qu’un traitement tertiaire a été mis en place au mois de décembre 2015 dans les agglomérations de Tiverton et de Broughton Astley et que les premiers échantillons présentent des résultats inférieurs au niveau maximum autorisé par la directive 91/271, démontrant ainsi la conformité de ceux-ci avec son article 5.

74      En ce qui concerne les agglomérations de Durham (Barkers Haugh), de Chester-le-Street et de Chilton, le Royaume-Uni admet que, le 11 septembre 2014, la situation de ces agglomérations n’était pas en conformité avec l’article 5 de la directive 91/271, mais fait valoir que tel n’est plus le cas à présent. À cet égard, il indique que des travaux d’amélioration ont été finalisés à Durham (Barkers Haugh) et à Chester‑le-Street le 31 décembre 2014 ainsi qu’à Chilton le 31 mars 2015. Cet État membre ajoute, dans son mémoire en duplique, que des échantillons prélevés attestent le fait que les installations de ces agglomérations répondent aux prescriptions de la directive 91/271 en la matière depuis les mois de janvier 2015 pour l’agglomération de Durham (Barkers Haugh), de novembre 2014 pour celle de Chester-le-Street et de mai 2015 pour celle de Chilton.

75      Le Royaume-Uni soutient, par ailleurs, que la situation de l’agglomération d’Islip était conforme aux exigences de la directive 91/271 à la date du 11 septembre 2014. Cet État membre transmet, dans son mémoire en défense, les résultats de sept échantillons démontrant, selon lui, le respect des paramètres établis par ladite directive et, à cet effet, il joint à son mémoire en duplique des échantillons supplémentaires. À cet égard, le Royaume-Uni fait valoir que la Commission effectue, à tort, un amalgame entre, d’une part, l’obligation d’un État membre de veiller au respect des articles 4 et 5 de la directive 91/271 ainsi que de l’annexe I, point B, de celle-ci et, d’autre part, l’obligation distincte de surveillance des rejets aux fins de vérifier la conformité au titre de l’article 15 de cette directive et de son annexe I, point D. Il s’oppose également à la lecture faite par la Commission de l’arrêt du 15 octobre 2015, Commission/Grèce (C‑167/14, non publié, EU:C:2015:684).

76      Quant aux agglomérations de Witham et de Chelmsford, le Royaume-Uni invoque une erreur de cartographie dans la délimitation de la zone sensible des rivières Can, Wid et Chelmer, et estime que des rejets dans des eaux sensibles en provenance de ces deux agglomérations n’ont jamais été effectués, de sorte qu’un traitement plus contraignant n’était pas nécessaire. Dans son mémoire en duplique, le Royaume-Uni indique que ladite erreur a été formellement rectifiée, avec effet au 29 janvier 2016.

 Appréciation de la Cour

77      À titre liminaire, il y a lieu de constater qu’il est constant que les huit agglomérations visées par le troisième grief ont un EH de plus de 10 000.

78      Conformément à l’article 5, paragraphes 2 et 3, de la directive 91/271, pour les agglomérations ayant un EH de plus de 10 000, sauf exceptions qui ne sont pas applicables en l’espèce, d’une part, les eaux urbaines résiduaires qui entrent dans les systèmes de collecte doivent faire l’objet, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4 de cette directive et, d’autre part, ces rejets doivent répondre aux prescriptions pertinentes de l’annexe I, point B, de ladite directive.

79      Concernant l’annexe I, point D, de la directive 91/271, dont la violation est aussi alléguée par la Commission dans le cadre de son troisième grief, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 62 du présent arrêt, que les exigences que cette disposition prévoit sont liées à l’obligation de surveillance visée à l’article 15 de cette directive. La Commission ne demandant pas à la Cour, dans le cadre de son troisième grief, de constater une violation dudit article 15, il y a lieu de rejeter ce troisième grief en ce qu’il vise l’annexe I, point D, de la directive 91/271.

80      Concernant les agglomérations de Durham (Barkers Haugh), de Chester-le-Street, de Chilton, de Tiverton et de Broughton Astley, le Royaume-Uni reconnaît que la situation de celles-ci ne répondait pas aux exigences de l’article 5 de la directive 91/271 et de son annexe I, point B, au moment où le délai fixé dans l’avis motivé a expiré. En effet, il ressort de la lettre de réponse à l’avis motivé, datée du 11 septembre 2014, que ces cinq agglomérations nécessitaient des travaux pour la mise en place d’un traitement tertiaire afin de se conformer auxdites dispositions de la directive 91/271.

81      En revanche, le Royaume-Uni conteste le manquement en ce qui concerne les agglomérations d’Islip, de Witham et de Chelmsford.

82      Premièrement, le Royaume-Uni soutient que des travaux d’amélioration ont été réalisés à Islip, le 31 mars 2014, et que cette agglomération était en conformité avec la directive 91/271 à la date du 11 septembre 2014.

83      S’agissant de la mise en conformité des installations de cette dernière agglomération avec les exigences de la directive 91/271, il ressort du dossier soumis à la Cour, et notamment de l’annexe B.10 jointe au mémoire en défense du Royaume-Uni, que l’échantillon le plus ancien dont il est fait état afin de prouver cette conformité date du 14 avril 2015. Force est donc de constater qu’il n’est pas établi que le traitement des eaux résiduaires de l’agglomération d’Islip était conforme aux exigences de la directive 91/271 à la date du 11 septembre 2014.

84      Deuxièmement, s’agissant des agglomérations de Witham et de Chelmsford, le Royaume-Uni fait état, dès la phase précontentieuse, d’une erreur de cartographie dans la délimitation de la zone sensible des rivières Can, Wid et Chelmer, dans laquelle se déversent les rejets de ces agglomérations. Cet État membre soutient que, dès lors, ces dernières agglomérations n’auraient jamais dû être soumises aux obligations de l’article 5 de la directive 91/271.

85      Il n’est cependant pas contesté par le Royaume-Uni que le territoire des rivières Can, Wid et Chelmer a été désigné par cet État membre comme zone sensible, le 30 juillet 1998, et que la révision de cette désignation n’est intervenue que le 29 janvier 2016. En outre, les éléments dont dispose la Cour montrent sans équivoque que, le 11 septembre 2014, ledit territoire faisait partie des zones désignées comme sensibles par le Royaume-Uni et que les eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Witham et de Chelmsford se déversant dans cette zone sensible ne faisaient pas l’objet du traitement requis par l’article 5 de la directive 91/271. Le manquement, en tant qu’il porte sur les obligations incombant au Royaume‑Uni au titre de l’article 5 de la directive 91/271 et de l’annexe I, point B, de celle-ci, est en conséquence établi.

86      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en ne veillant pas à ce que les eaux urbaines résiduaires entrant dans les systèmes de collecte des agglomérations de Tiverton, de Durham (Barkers Haugh), de Chester‑le‑Street, d’Islip, de Broughton Astley, de Chilton, de Witham et de Chelmsford, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, fassent l’objet d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4 de la directive 91/271, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5 de cette directive et de l’annexe I, point B, de celle-ci. Le troisième grief doit être rejeté pour le surplus.

87      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que :

–        en ne veillant pas à ce que les eaux collectées dans un système combiné recueillant les eaux urbaines résiduaires et les eaux de pluie dans les agglomérations de Gowerton et de Llanelli soient retenues et acheminées à des fins de traitement, conformément aux exigences de la directive 91/271, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3, 4 et 10 de cette directive ainsi que de l’annexe I, points A et B, de celle-ci ;

–        en ne mettant pas en place un traitement secondaire pour les eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Ballycastle et en ne soumettant à aucun traitement les eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Gibraltar, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4 de la directive 91/271 et de l’annexe I, point B, de celle-ci, et

–        en ne veillant pas à ce que les eaux urbaines résiduaires entrant dans les systèmes de collecte des agglomérations de Tiverton, de Durham (Barkers Haugh), de Chester‑le‑Street, d’Islip, de Broughton Astley, de Chilton, de Witham et de Chelmsford, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, fassent l’objet d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4 de la directive 91/271, le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5 de cette directive et de l’annexe I, point B, de celle-ci.

88      Le recours doit être rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

89      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume‑Uni et le manquement ayant, pour l’essentiel, été constaté, il y a lieu de condamner cet État membre aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête :

1)      En ne veillant pas à ce que les eaux collectées dans un système combiné recueillant les eaux urbaines résiduaires et les eaux de pluie dans les agglomérations de Gowerton et de Llanelli soient retenues et acheminées à des fins de traitement, conformément aux exigences de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 3, 4 et 10 de cette directive ainsi que de l’annexe I, points A et B, de celle-ci.

2)      En ne mettant pas en place un traitement secondaire pour les eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Ballycastle et en ne soumettant à aucun traitement les eaux urbaines résiduaires de l’agglomération de Gibraltar, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4 de la directive 91/271 et de l’annexe I, point B, de celle-ci.

3)      En ne veillant pas à ce que les eaux urbaines résiduaires entrant dans les systèmes de collecte des agglomérationsde Tiverton, de Durham (Barkers Haugh), de ChesterleStreet, d’Islip, de Broughton Astley, de Chilton, de Witham et de Chelmsford, avant d’être rejetées dans des zones sensibles, fassent l’objet d’un traitement plus rigoureux que celui qui est décrit à l’article 4 de la directive 91/271, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5 de cette directive et de l’annexe I, point B, de celleci.

4)      Le recours est rejeté pour le surplus.

5)      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nordest condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.