Language of document : ECLI:EU:C:2024:500

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

13 juin 2024 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 19 TUE – Article 45 TFUE – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Impôt sur le revenu – Convention préventive de la double imposition – Procédure amiable prévue par une telle convention – État membre conditionnant, à l’issue de cette procédure, le droit à la restitution de l’impôt déjà payé dans un autre État membre au désistement du contribuable de ses recours introduits devant les juridictions de ce premier État membre – Irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle »

Dans l’affaire C‑380/23 [Monmorieux] (i),

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal de première instance du Luxembourg (Belgique), par décision du 14 juin 2023, parvenue à la Cour le 16 juin 2023, dans la procédure

UN

contre

État belge,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, M. A. Kumin et Mme I. Ziemele (rapporteure), juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour UN, par Mes J. Clément et C. Vandevyver, avocats,

–        pour le gouvernement belge, par MM. S. Baeyens, P. Cottin et Mme C. Pochet, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. I. Herranz Elizalde, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement français, par M. R. Bénard et Mme O. Duprat-Mazaré, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. A. Maddalo, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes E. M. M. Besselink et M. K. Bulterman, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement slovaque, par Mme E. V. Larišová, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. A. Ferrand, W. Roels et P. J. O. Van Nuffel, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 19 TUE, de l’article 45 TFUE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant UN à l’État belge, représenté par le ministre des Finances, au sujet de dommages-intérêts dus en raison de la prétendue violation par l’État belge des droits de la défense et des droits fondamentaux de UN en ce qu’il a été contraint de choisir entre la poursuite d’un recours judiciaire contre des décisions fiscales prises à son égard et le bénéfice de l’accord amiable qui lui a été proposé sur le fondement de l’article 24 de la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus, signée à Bruxelles le 10 mars 1964 (ci-après la « convention franco-belge »).

 Le cadre juridique

 Le droit international

3        L’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la convention franco-belge stipule :

« Une personne physique est réputée résident de l’État contractant où elle dispose d’un foyer permanent d’habitation.

a)      Lorsqu’elle dispose d’un foyer permanent d’habitation dans chacun des États contractants, elle est considérée comme un résident de l’État contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits, c’est-à-dire de l’État contractant où elle a le centre de ses intérêts vitaux ».

4        Aux termes de l’article 24 de cette convention :

« 1.      Les autorités compétentes des deux États contractants se concerteront au sujet des mesures administratives nécessaires à l’exécution des dispositions de la présente Convention, et notamment au sujet des justifications à fournir par les résidents de chaque État pour bénéficier dans l’autre État des exemptions ou réductions d’impôt prévues à la présente Convention.

2.      Dans le cas où l’exécution de certaines dispositions de la présente Convention donnerait lieu à des difficultés ou à des doutes, les autorités compétentes des deux États contractants se concerteront pour appliquer ces dispositions dans l’esprit de la Convention. Dans des cas spéciaux, elles pourront d’un commun accord appliquer les règles prévues par la présente Convention à des personnes physiques ou morales qui ne sont pas résidentes de l’un des deux États contractants mais qui possèdent dans l’un de ces États un établissement stable dont certains revenus ont leur source dans l’autre État.

3.      Si un résident de l’un des États contractants estime que les impositions qui ont été établies ou qu’il est envisagé d’établir à sa charge ont entraîné ou doivent entraîner pour lui une double imposition dont le maintien serait incompatible avec les dispositions de la Convention, il peut, sans préjudice de l’exercice de ses droits de réclamation et de recours suivant la législation interne de chaque État, adresser aux autorités compétentes de l’État dont il est résident une demande écrite et motivée de révision desdites impositions.

Cette demande doit être présentée avant l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date de la notification ou de la perception à la source de la seconde imposition. Si elles en reconnaissent le bien-fondé, les autorités saisies d’une telle demande s’entendront avec les autorités compétentes de l’autre État contractant pour éviter la double imposition.

4.      S’il apparaît que, pour parvenir à une entente, des pourparlers soient opportuns, l’affaire sera déférée à une commission mixte dont les membres seront désignés par les autorités compétentes des deux États contractants. »

 Le droit de l’Union

5        L’article 23 de la directive (UE) 2017/1852 du Conseil, du 10 octobre 2017, concernant les mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l’Union européenne (JO 2017, L 265, p. 1), intitulé « Entrée en vigueur », prévoit :

« La présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

Elle s’applique à toute réclamation introduite à compter du 1er juillet 2019 qui porte sur des différends relatifs à des revenus ou à des capitaux perçus au cours d’un exercice fiscal commençant le 1er janvier 2018 ou après cette date. Les autorités compétentes des États membres concernés peuvent cependant convenir d’appliquer la présente directive en ce qui concerne toute réclamation introduite avant cette date ou portant sur des exercices fiscaux antérieurs. »

 Le droit belge

6        L’article 32 de la constitution belge énonce :

« Chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s’en faire remettre copie, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi, le décret ou la règle visée à l’article 134. »

7        L’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, de la loi relative à la publicité de l’administration, du 11 avril 1994 (Moniteur belge du 30 juin 1994, p. 17662), dispose :

« [L]’autorité administrative fédérale ou non fédérale rejette la demande de consultation, d’explication ou de communication sous forme de copie d’un document administratif si elle a constaté que l’intérêt de la publicité ne l’emporte pas sur la protection de l’un des intérêts suivants :

[...]

3°      les relations internationales fédérales de la Belgique ;

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

8        Au cours des années 2008 à 2014, UN, de nationalité belge, aurait été domicilié en France tout en exerçant un travail salarié en Belgique. Pendant cette période, UN a été imposé en France sur ses revenus de source belge, du fait qu’il a revendiqué le bénéfice du régime spécifique des travailleurs frontaliers prévu par la convention franco-belge.

9        L’administration fiscale belge a cependant estimé par la suite que UN avait conservé en Belgique son unique foyer permanent d’habitation, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la convention franco-belge, et qu’il avait ainsi demandé, à tort, le bénéfice du régime spécifique des travailleurs frontaliers. Bien qu’il eût déjà payé ses impôts sur le revenu en France, cette administration l’a imposé d’office en Belgique pour les sept années concernées, en majorant en outre de 50 % l’impôt dû à ce titre.

10      Tout en contestant cette imposition d’office devant le tribunal de première instance du Luxembourg (Belgique), qui est la juridiction de renvoi, UN a demandé à l’administration fiscale belge d’entamer la procédure amiable prévue à l’article 24 de la convention franco-belge.

11      Le 30 août 2017, l’administration fiscale belge a informé UN qu’elle s’était accordée avec l’administration fiscale française pour considérer qu’il n’avait pas disposé, au cours des années d’imposition en cause, de foyer permanent d’habitation en France et que cette dernière administration était disposée à lui rembourser les impôts indûment perçus en France, à la condition cependant qu’il se désistât de tous ses recours contre les impositions belges concernées (ci-après l’« exigence de désistement »), afin que ces dernières impositions acquièrent un caractère définitif.

12      Considérant qu’une telle condition violait ses droits de la défense et ses droits fondamentaux, UN n’a pas donné suite à cette proposition et a réclamé, toujours devant la juridiction de renvoi, des dommages-intérêts à l’État belge.

13      Par arrêt du 13 mars 2019, la juridiction de renvoi a statué sur le recours de UN dirigé contre la décision d’imposition d’office adoptée à l’égard de celui-ci. Elle a partiellement fait droit à ce recours en annulant la majoration de 50 % visée au point 9 du présent arrêt et en ordonnant la restitution de toute somme indûment perçue au titre de cette majoration, augmentée des intérêts moratoires. Dans ce même arrêt, elle a par ailleurs sursis à statuer en ce qui concerne la demande de dommages-intérêts visée au point précédent du présent arrêt.

14      Dans le cadre de l’examen de cette dernière demande, la juridiction de renvoi se demande si, au regard du droit de l’Union, une administration fiscale nationale peut, dans une situation telle que celle de UN, subordonner l’exécution de l’accord amiable intervenu avec une autre administration fiscale nationale sur le fondement d’une convention préventive de la double imposition au désistement du contribuable des recours que celui-ci a introduits devant les juridictions de l’État membre dont relève la première administration.

15      À cet égard, la juridiction de renvoi explique qu’un contribuable tel que UN peut, tout en demandant le bénéfice de la procédure amiable prévue par la convention franco-belge, saisir les juridictions belges pour contester l’imposition d’office dont il fait l’objet en Belgique, étant précisé que cette imposition d’office est, en l’occurrence, non seulement plus élevée qu’en France, mais majorée d’une pénalité de 50 %.

16      Lorsque la procédure amiable aboutit en sa faveur et qu’il souhaite accepter le résultat de celle-ci, le contribuable serait tenu, selon l’administration fiscale belge, de se désister de son recours judiciaire alors qu’il n’a aucun accès aux échanges intervenus entre les deux administrations nationales ni aucun moyen de vérifier qu’un examen effectif de sa situation est intervenu. Or, cette situation pouvant comporter des éléments jouant tant en sa faveur qu’en sa défaveur, un tel contribuable pourrait avoir tout autant intérêt à poursuivre la procédure judiciaire pour convaincre le juge du bien-fondé de sa thèse qu’à bénéficier de l’accord amiable dans le cas où il succomberait en justice. Cet intérêt pourrait être sauvegardé si les administrations fiscales concernées suspendaient l’examen de la situation de l’intéressé dans le cadre de la procédure amiable jusqu’à l’issue du recours judiciaire.

17      Considérant que le litige touche à la libre circulation des travailleurs, garantie à l’article 45 TFUE, et que les États membres, lorsqu’ils se lient dans le cadre de conventions bilatérales préventives de la double imposition, sont tenus de respecter les droits fondamentaux de l’Union tels que le droit à un recours effectif devant un tribunal, consacré à l’article 47 de la Charte, la juridiction de renvoi se demande si ces dispositions ainsi que l’article 19 TUE s’opposent à une exigence de désistement d’un recours judiciaire telle que celle visée au point 14 du présent arrêt.

18      Dans ces conditions, le tribunal de première instance du Luxembourg a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 24 de la [c]onvention [franco-belge], interprété en ce sens qu’un citoyen belge qui soutient avoir sa résidence fiscale en France, laquelle est toutefois contestée par l’administration fiscale belge, qui a sollicité, à titre conservatoire, le recours à la procédure amiable afin de récupérer l’impôt acquitté en France, voit conditionné par l’administration fiscale belge et l’administration fiscale française le droit à la restitution de cet impôt à son désistement inconditionnel de l’instance judiciaire qu’il a introduite devant les juridictions judiciaires belges afin de contester, à titre principal, l’imposition d’office dont il a fait l’objet en Belgique, viole-t-il [l’]article[...] 19 [TUE], [l’article] 45 [TFUE ainsi que] l’article 47 de la Charte [...] lus en combinaison avec le principe de proportionnalité en ce qu’il perdrait définitivement le droit à la restitution de l’impôt français s’il devait maintenir sa contestation principale sur son assujettissement à l’impôt en Belgique devant le juge judiciaire belge ?

2)      En cas de réponse négative à la première question, la réponse demeure-t-elle la même si, afin de pouvoir récupérer l’impôt acquitté en France, l’intéressé en se désistant de son action judiciaire tendant à contester l’imposition en Belgique, perd également le droit à bénéficier d’un contrôle juridictionnel effectif sur les sanctions administratives à caractère répressif, qualifiées de pénales au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, qui majorent l’imposition, perdant de ce fait le droit au contrôle de proportionnalité de la sanction et à demander à bénéficier du sursis, modalités de l’individualisation de la peine qui lui ont pourtant été reconnues tant par la Cour constitutionnelle que par la Cour de cassation ?

3)      En cas de réponse négative aux deux premières questions, la réponse demeure-t-elle la même lorsqu’il existe une doctrine administrative en vertu de laquelle l’intéressé se voit refuser l’accès aux pièces et documents relatifs à la procédure amiable entre les deux États contractants, lequel refus est itérativement réputé contraire à l’article 32 de la [constitution belge] et aux articles 4 et 6 de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration par la Commission d’accès aux documents administratifs et par le Conseil d’État ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

19      Par ses questions qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 19 TUE, l’article 45 TFUE et l’article 47 de la Charte doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une pratique administrative par laquelle, dans le cadre d’une procédure amiable diligentée au titre d’une convention préventive de double imposition conclue entre deux États membres, un contribuable ne peut obtenir le remboursement de l’impôt indûment prélevé par le premier État membre qu’à la condition de se désister des recours juridictionnels qu’il a introduits devant les juridictions du second État membre, de sorte que l’impôt payé dans ce second État membre pourrait acquérir un caractère définitif.

20      La recevabilité de la demande de décision préjudicielle a été mise en doute par les gouvernements belge, espagnol, français et slovaque aux motifs, d’une part, que les questions préjudicielles seraient hypothétiques ou que la réponse de la Cour ne pourrait avoir aucune incidence sur l’issue du litige au principal et, d’autre part, que la juridiction de renvoi n’a pas exposé, du moins avec la clarté suffisante requise, le lien entre le droit de l’Union et le cadre factuel et juridique au principal. En outre, les gouvernements belge et espagnol font valoir que la troisième question porte sur l’interprétation du droit national et non sur celle du droit de l’Union.

21      Par ailleurs, sans avoir soulevé expressément l’irrecevabilité de la demande de décision préjudicielle, la Commission a également relevé, dans ses observations écrites, des lacunes dans la motivation de cette demande quant à la nécessité de l’interprétation des dispositions du droit de l’Union mentionnées dans les questions préjudicielles afin de résoudre le litige au principal.

22      À cet égard, il convient de rappeler qu’il appartient aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et qui doivent assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour. Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale est cependant possible s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [voir, en ce sens, arrêts du 5 juillet 2016, Ognyanov, C‑614/14, EU:C:2016:514, point 21 et jurisprudence citée, ainsi que du 23 novembre 2021, IS (Illégalité de l’ordonnance de renvoi), C‑564/19, EU:C:2021:949, point 61 et jurisprudence citée].

23      En vertu d’une jurisprudence constante, désormais reflétée à l’article 94, sous a) et b), du règlement de procédure de la Cour, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. En outre, il est indispensable, comme l’énonce l’article 94, sous c), du règlement de procédure, que la demande de décision préjudicielle expose les raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la réglementation nationale applicable au litige au principal (arrêt du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C‑333/21, EU:C:2023:1011, point 59 et jurisprudence citée).

24      En l’occurrence, s’agissant, tout d’abord, de l’article 19 TUE, force est de constater que la juridiction de renvoi n’explicite nullement les raisons concrètes qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation de cette disposition ni le lien qu’elle prétend établir entre celle-ci et l’exigence de désistement. En particulier, elle n’indique pas en quoi le fait de conditionner la possibilité de bénéficier du résultat de la procédure amiable au désistement des recours introduits devant les juridictions belges pourrait entrer en conflit avec les exigences découlant de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, en vertu duquel les États membres doivent établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la demande de décision préjudicielle ne satisfait pas aux exigences de l’article 94, sous c), du règlement de procédure et est donc irrecevable pour autant qu’elle porte sur l’interprétation de l’article 19 TUE.

25      S’agissant, ensuite, de l’article 45 TFUE, il convient de rappeler que cette disposition, qui garantit la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, s’oppose à toute mesure nationale qui est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants de l’Union, de cette liberté de circulation fondamentale et prohibe non seulement les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par l’application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat [voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 2021, État belge (Perte d’avantages fiscaux dans l’État membre de résidence), C‑241/20, EU:C:2021:605, point 24 et jurisprudence citée, ainsi que du 15 juin 2023, Thermalhotel Fontana, C‑411/22, EU:C:2023:490, point 37].

26      Dans ce contexte, la Cour a déjà jugé qu’il n’y a pas de restriction aux libertés de circulation lorsqu’un désavantage résultant d’une double imposition découle, en l’absence d’exercice discriminatoire par un État membre de sa compétence fiscale, de l’exercice parallèle des compétences fiscales des États membres (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2021, Société Générale, C‑403/19, EU:C:2021:136, point 40).

27      Or, en l’occurrence, si la juridiction de renvoi affirme que la situation du requérant au principal relève du champ d’application de l’article 45 TFUE, au motif que celui-ci aurait prétendu résider en France, où il avait accès à un logement, tout en exerçant une activité professionnelle salariée en Belgique, il convient cependant de constater qu’elle ne précise pas en quoi la violation alléguée de l’article 45 TFUE pourrait consister. En particulier, la juridiction de renvoi ne précise pas la manière dont l’exigence de désistement serait de nature à gêner ou à rendre moins attrayant l’exercice de la liberté garantie par cet article, en donnant lieu notamment à une discrimination prohibée par celui-ci. Dès lors, la juridiction de renvoi a omis de décrire le lien qu’elle prétend établir entre cette exigence et ledit article.

28      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la demande de décision préjudicielle ne satisfait pas aux exigences de l’article 94, sous c), du règlement de procédure et est donc irrecevable pour autant qu’elle porte sur l’interprétation de l’article 45 TFUE.

29      S’agissant, enfin, de l’article 47 de la Charte, il convient de rappeler que le champ d’application de celle-ci, pour ce qui est de l’action des États membres, est défini à son article 51, paragraphe 1, aux termes duquel les dispositions de la Charte s’adressent aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Cet article 51, paragraphe 1, de la Charte confirme la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle les droits fondamentaux garantis dans l’ordre juridique de l’Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union, mais pas en dehors de telles situations. Ainsi, lorsqu’une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître et les dispositions éventuellement invoquées de la Charte ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence (arrêt du 24 février 2022, Viva Telecom Bulgaria, C‑257/20, EU:C:2022:125, points 126 à 128 et jurisprudence citée).

30      Or, en l’occurrence, il ne ressort pas de la décision de renvoi que l’administration fiscale belge aurait mis en œuvre le droit de l’Union en assortissant l’accord amiable proposé à UN de l’exigence de désistement. Par conséquent, l’article 47 de la Charte ne trouve pas à s’appliquer de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur son interprétation.

31      Il ressort des considérations qui précèdent que la demande de décision préjudicielle est irrecevable.

 Sur les dépens

32      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

La demande de décision préjudicielle introduite par le tribunal de première instance du Luxembourg (Belgique), par décision du 14 juin 2023, est irrecevable.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


i      Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.