Language of document : ECLI:EU:C:2024:510

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 13 juin 2024 (1)

Affaire C368/23 [Fautromb] (i)

Haut conseil du Commissariat aux comptes

contre

MO

[demande de décision préjudicielle formée par la formation restreinte du Haut conseil du Commissariat aux comptes (France)]

« Renvoi préjudiciel – Article 267 TFUE – Notion de juridiction nationale – Critères – Libre prestation de services – Directive 2006/43/CE – Articles 22 et 52 – Règlement (UE) nº 537/2014 – Article 5, paragraphes 1 et 2 – Directive 2006/123/CE – Article 25 – Activités pluridisciplinaires – Législation nationale interdisant aux contrôleurs légaux des comptes d’exercer des activités commerciales à l’exception de celles qui sont accessoires à la profession d’expert-comptable – Articulation entre, d’une part, la directive 2006/43 et le règlement no 537/2014 et, d’autre part, la directive 2006/123 – Article 3 de la directive 2006/123 – Conflit avec d’autres dispositions du droit de l’Union – Articles 49 et 56 TFUE – Raisons impérieuses intérêt général – Proportionnalité »






1.        Le Haut conseil du Commissariat aux comptes (France, ci-après le « H3C ») était, à l’époque des faits sur lesquels porte le renvoi préjudiciel dans la présente affaire (2), l’autorité publique de supervision des contrôleurs légaux des comptes en France.

2.        Une formation restreinte du H3C est appelée à décider si elle inflige une amende et interdit l’exercice de la profession à un contrôleur légal des comptes auquel est reproché l’exercice d’activités incompatibles, selon le droit national, avec son statut.

3.        Avant d’adopter sa décision, la formation restreinte du H3C fait part à la Cour de ses doutes quant à la compatibilité avec le droit de l’Union de la législation française interdisant aux contrôleurs légaux des comptes d’exercer des activités commerciales, à moins que les activités concernées ne soient accessoires à la profession d’expert-comptable. Dans ce contexte, elle sollicite l’interprétation de la directive 2006/123/CE (3), de la directive 2006/43/CE (4) et du règlement (UE) no 537/2014 (5).

4.        La demande de décision préjudicielle sera recevable si la Cour admet que la formation restreinte du H3C exerce des fonctions juridictionnelles, au sens de l’article 267 TFUE, ce que le gouvernement français conteste. Pour les raisons que j’exposerai par la suite, je partage l’avis de ce gouvernement selon lequel la Cour ne devrait pas déclarer cette demande recevable.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      La directive 2006/123

5.        Conformément à l’article 3 de la directive 2006/123 (« Relation avec les autres dispositions du droit communautaire ») :

« 1.      Si les dispositions de la présente directive sont en conflit avec une disposition d’un autre acte communautaire régissant des aspects spécifiques de l’accès à une activité de services ou à son exercice dans des secteurs spécifiques ou pour des professions spécifiques, la disposition de l’autre acte communautaire prévaut et s’applique à ces secteurs ou professions spécifiques. […] »

6.        L’article 25 de la directive 2006/123 (« Activités pluridisciplinaires ») dispose :

« 1.      Les États membres veillent à ce que les prestataires ne soient pas soumis à des exigences qui les obligent à exercer exclusivement une activité spécifique ou qui limitent l’exercice conjoint ou en partenariat d’activités différentes.

Toutefois, les prestataires suivants peuvent être soumis à de telles exigences :

a)      les professions réglementées, dans la mesure où cela est justifié pour garantir le respect de règles de déontologie différentes en raison de la spécificité de chaque profession, et nécessaire pour garantir l’indépendance et l’impartialité de ces professions ;

[…] »

2.      La directive 2006/43

7.        L’article 22 (« Indépendance et objectivité ») de la directive 2006/43 prévoit les règles dont les États membres doivent assurer le respect afin, en substance, que les contrôleurs légaux des comptes ou les cabinets d’audit soient indépendants de l’entité contrôlée, qu’ils n’aient pas d’intérêts financiers dans cette entité ou dans des entités liées à celle-ci et qu’ils évitent les conflits d’intérêts avec les unes et les autres.

8.        Aux termes de l’article 52 (« Harmonisation minimale ») de la directive 2006/43 :

« Les États membres qui exigent le contrôle légal des comptes peuvent imposer des exigences plus rigoureuses, à moins qu’il n’en soit disposé autrement dans la présente directive. »

3.      Le règlement no 537/2014

9.        L’article 5 (« Interdiction de fournir des services autres que d’audit ») du règlement no 537/2014 dispose :

« 1.      Le contrôleur légal des comptes ou le cabinet d’audit procédant au contrôle légal des comptes d’une entité d’intérêt public, ou tout membre du réseau dont fait partie le contrôleur légal des comptes ou le cabinet d’audit, ne fournissent pas, directement ou non, à l’entité contrôlée, à son entreprise mère ou aux entreprises qu’elle contrôle dans l’Union des services autres que d’audit interdits :

a)      au cours de la période s’écoulant entre le commencement de la période contrôlée et la publication du rapport d’audit ; et

b)      au cours de l’exercice précédant immédiatement la période visée au point a) en ce qui concerne les services énumérés au deuxième alinéa, point e).

Aux fins du présent article, les services autres que d’audit interdits sont :

[…]

2.      Les États membres peuvent interdire des services autres que ceux énumérés au paragraphe 1 lorsqu’ils considèrent que lesdits services présentent un risque en matière d’indépendance. […]

[…] »

B.      Le droit français

1.      Le code de commerce

a)      La réglementation relative au H3C applicable ratione temporis

10.      L’article L821‑1, paragraphe I, du code de commerce dispose que le H3C exerce, entre autres, les missions d’inscription des commissaires aux comptes, d’adoption de normes relatives à la déontologie des commissaires aux comptes, au contrôle interne de qualité et à l’exercice professionnel, de surveillance du respect des obligations des commissaires aux comptes dans ce domaine, et de prononcé des sanctions.

11.      L’article L821‑2, paragraphe II, du code de commerce prévoit que le H3C statue en formation restreinte en matière de sanctions.

12.      Conformément à l’article L821‑3-1 du code de commerce, le H3C dispose d’un service chargé de procéder aux enquêtes préalables à l’ouverture des procédures de sanction. Ce service est dirigé par un rapporteur général.

13.      L’article L824‑4 du code de commerce prévoit que le président du H3C soumet au rapporteur général tout fait susceptible de justifier l’engagement d’une procédure de sanction. Le rapporteur général peut également engager une procédure sur la base des signalements dont il est destinataire.

b)      Incompatibilités concernant les commissaires aux comptes

14.      L’article L822‑10 du code de commerce, dans sa version antérieure à la loi no 2019‑486, du 22 mai 2019 (6), prévoyait que les fonctions de commissaires aux comptes étaient incompatibles :

« 1º      Avec toute activité ou tout acte de nature à porter atteinte à son indépendance ;

2º      Avec tout emploi salarié ; toutefois, un commissaire aux comptes peut dispenser un enseignement se rattachant à l’exercice de sa profession ou occuper un emploi rémunéré chez un commissaire aux comptes ou chez un expert-comptable ;

3º      Avec toute activité commerciale, qu’elle soit exercée directement ou par personne interposée. »

15.      La loi no 2019‑486 a introduit deux exceptions à la troisième incompatibilité susvisée. En vertu de cette loi, les fonctions de commissaire aux comptes sont, depuis son entrée en vigueur, compatibles avec :

–        les activités commerciales accessoires à la profession d’expert‑comptable, exercées dans le respect des règles de déontologie et d’indépendance des commissaires aux comptes et dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 22 de l’ordonnance no 45‑2138 du 19 septembre 1945 (7), et

–        les activités commerciales accessoires exercées par une « société pluri-professionnelle d’exercice » dans les conditions prévues à l’article 31‑5 de la loi no 90‑1258 du 31 décembre 1990 (8).

2.      Ordonnance no 452138

16.      Aux termes de l’article 22 :

« L’activité d’expertise comptable est incompatible avec toute occupation ou tout acte de nature à porter atteinte à l’indépendance de la personne qui l’exerce en particulier :

[…]

Avec toute activité commerciale ou acte d’intermédiaire autre que ceux que comporte l’exercice de la profession, sauf s’il est réalisé à titre accessoire et n’est pas de nature à mettre en péril l’exercice de la profession ou l’indépendance des associés experts-comptables ainsi que le respect par ces derniers des règles inhérentes à leur statut et à leur déontologie. […] »

II.    Les faits, le litige et les questions préjudicielles

17.      MO est commissaire aux comptes depuis 1976. Il est également inscrit au tableau de l’ordre des experts-comptables depuis 1967.

18.      MO détient, directement ou indirectement par l’intermédiaire de la société anonyme Fiducial International, 99,9 % du capital de la société civile Fiducial (« société Fiducial SC »), dont il est le gérant. Cette société est la société mère du groupe pluridisciplinaire Fiducial, que MO a fondé en 1970 (9).

19.      Le 3 janvier 2022, la présidente du H3C a saisi le rapporteur général d’un ensemble de faits susceptibles de caractériser l’exercice, par MO, d’activités commerciales incompatibles avec les fonctions de commissaire aux comptes. Le même jour, le rapporteur général a ouvert une enquête concernant le non‑respect des obligations de MO relatives à l’exercice du commissariat aux comptes.

20.      Le 13 octobre 2022, une procédure de sanction a été formellement engagée à l’encontre de MO.

21.      La formation restreinte du H3C doit déterminer si MO a violé, depuis le 3 janvier 2016, les dispositions de l’article L822‑10, point 3, du code de commerce. MO aurait commis cette infraction en exerçant, directement ou indirectement, au travers des sociétés Fiducial SC et Fiducial International, des activités commerciales ne pouvant être qualifiées d’accessoires à la profession d’expert-comptable et, dès lors, incompatibles avec les fonctions de commissaire aux comptes (10).

22.      Lors de la séance du 13 avril 2023, le rapporteur général a demandé que soient prononcées la radiation de MO de la liste des commissaires aux comptes ainsi qu’une sanction pécuniaire d’un montant de 250 000 euros, et que soit ordonnée la publication de la décision dans un journal économique ou financier, aux frais de l’intéressé.

23.      Lors de cette séance, le conseil de MO a demandé que son client soit mis hors de cause en soutenant que les dispositions l’article L822‑10, point 3, du code de commerce seraient contraires au droit de l’Union, et plus particulièrement à l’article 25 de la directive 2006/123.

24.      La formation restreinte du H3C nourrit des doutes quant à savoir si l’interdiction imposée aux commissaires aux comptes d’exercer des activités commerciales est compatible avec l’article 25 de la directive 2006/123, lu en combinaison avec d’autres dispositions du droit de l’Union.

25.      En résumé, selon la formation restreinte du H3C :

–        une telle interdiction est de nature à prévenir des situations de conflit d’intérêts et, en conséquence, à limiter les risques d’atteinte à l’indépendance et à l’impartialité des commissaires aux comptes ;

–        cette interdiction pourrait relever de la faculté dont disposent les États membres d’imposer des normes plus rigoureuses que celles prévues explicitement par la directive 2006/43, et

–        les exceptions à cette interdiction (qui autorisent les commissaires aux comptes à exercer des activités commerciales accessoires à la profession d’expert-comptable ou des activités commerciales exercées à titre accessoire par une société constituée pour l’exercice en commun de certaines professions libérales) limitent l’atteinte portée à la liberté des commissaires aux comptes de diversifier leurs activités. Elles impliquent, dans le même temps, que ces activités autorisées sont soumises à certaines exigences déontologiques imposées aux experts comptables ou à autres professions réglementées (11).

26.      Dans ce contexte, la formation restreinte du H3C soumet à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)       L’article 25 de la directive [2006/123] doit-il être interprété, en considération notamment des dispositions de la directive [2006/43] et du règlement [no 537/2014], comme s’opposant à ce qu’une législation nationale interdise aux contrôleurs légaux des comptes et aux cabinets d’audit d’exercer toute activité commerciale, qu’elle soit exercée directement ou par personne interposée ?

2.      Dans l’affirmative, en est-il de même lorsque cette législation exclut du champ de cette interdiction, par exception, d’une part, les activités commerciales accessoires à la profession d’expert‑comptable, exercées dans le respect des règles de déontologie et d’indépendance des commissaires aux comptes et dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 22 de l’ordonnance [no 45‑2138] et, d’autre part, les activités commerciales accessoires exercées par une société pluri‑professionnelle d’exercice dans les conditions prévues à l’article 31‑5 de la loi [no 90‑1258] ? »

III. La procédure devant la Cour

27.      La demande de décision préjudicielle a été enregistrée au greffe de la Cour le 12 juin 2023.

28.      Des observations écrites ont été déposées par MO, les gouvernements belge et français ainsi que par la Commission européenne. Tous, à l’exception du gouvernement belge, ont comparu à l’audience qui s’est tenue le 9 avril 2024.

IV.    Appréciation

A.      Recevabilité du renvoi préjudiciel

29.      Le gouvernement français estime que le renvoi préjudiciel est irrecevable au motif que la formation restreinte du H3C n’est pas une juridiction habilitée à adresser des questions préjudicielles à la Cour, conformément à l’article 267 TFUE.

30.      L’objection qu’il soulève s’appuie sur l’arrêt CityRail (12) et est formulée, en substance, dans les termes suivants :

–        le H3C est une autorité administrative indépendante, ce qui constitue un facteur qui, comme il ressort de l’arrêt CityRail (point 45), revêt une importance particulière aux fins de juger si ses décisions ont un caractère juridictionnel, au-delà des critères traditionnels (13) auxquels l’organe de renvoi fait référence. Le H3C « s’est référé aux [critères Vaassen-Göbbels] sans examiner en quoi la décision qu’[il] serait amen[é] à rendre serait de nature juridictionnelle, au sens de la jurisprudence de la Cour » (14) ;

–        dans le cadre du système de supervision publique du contrôle des comptes, le H3C opère conformément à la directive 2006/43, dont l’article 30 quinquies exige que les décisions de cet organe puissent faire l’objet d’un recours. En France, il appartient au Conseil d’État de connaître, en premier et dernier ressort, des recours de pleine juridiction formés contre les décisions du H3C. Ce facteur constitue un indice du caractère administratif de telles décisions (arrêt CityRail, point 62) ;

–        les sanctions infligées par le H3C sont des sanctions administratives, lesquelles, par définition, ne sont pas imposées par des juridictions. La formation restreinte du H3C ne contrôle pas la légalité d’une décision préalablement adoptée, mais prend position, pour la première fois, dans le cadre d’une procédure administrative de sanction, et

–        les modalités d’organisation interne du H3C sont dictées par des exigences constitutionnelles, dans la mesure où les fonctions de poursuite et d’instruction, d’une part, et celles du prononcé de la sanction, d’autre part, sont séparées. Ces modalités répondent à l’objectif de garantir les droits de la défense et le caractère contradictoire de la procédure de sanction. La décision adoptée par la formation restreinte du H3C à l’issue de cette procédure est imputée au H3C lui-même « en tant qu’institution ».

31.      Selon moi, l’objection du gouvernement français doit être accueillie. Pour étayer mon opinion, je dois immanquablement me référer tant aux considérations que j’ai exposées dans les conclusions dans l’affaire CityRail (15) qu’à l’arrêt rendu dans cette affaire.

1.      Renvois préjudiciels et autorités de supervision indépendantes

32.      La vérification du respect des critères Vaassen-Göbbels répond à la méthodologie habituellement suivie pour déterminer les cas dans lesquels une demande de décision préjudicielle émane d’une juridiction, au sens de l’article 267 TFUE.

33.      Cependant, lorsque l’on applique les catégories de l’article 267 TFUE aux autorités de régulation et de supervision indépendantes, les critères Vaassen-Göbbels (notamment, celui de l’indépendance de l’organe) passent au second plan. Il ne suffit pas qu’ils soient remplis pour que de telles autorités aient la qualité de juridiction (16).

34.      Ce qui importe, à cet égard, est de vérifier si ces autorités indépendantes, compte tenu de la nature spécifique de leurs fonctions dans un contexte déterminé, se prononcent dans le cadre d’une procédure qui aboutit à une décision ayant un caractère juridictionnel (17).

35.      C’est ce que la Cour a jugé : « Cette vérification revêt une importance particulière en présence d’autorités administratives dont l’indépendance est une conséquence directe des exigences découlant du droit de l’Union qui leur confère des compétences de contrôle sectoriel et de surveillance des marchés. Bien que ces autorités soient susceptibles de répondre aux critères […] Vaassen-Göbbels […], l’activité de contrôle sectoriel et de surveillance des marchés est, essentiellement, de nature administrative […], en ce qu’elle implique l’exercice de compétences qui sont étrangères à celles attribuées aux juridictions » (18).

36.      L’article L821‑1 du code de commerce définit le H3C comme une autorité publique indépendante. Le gouvernement français, après avoir relevé que cette indépendance était une conséquence directe des exigences découlant du droit de l’Union (19), met en avant le caractère administratif, et non juridictionnel, des compétences du H3C.

2.      Fonctions de sanction des autorités indépendantes

37.      L’article 32, paragraphe 4, de la directive 2006/43 mentionne un large ensemble de fonctions des régulateurs nationaux en matière de contrôle des comptes. Il s’agit d’un éventail de tâches typiquement administratives, qui forment le contexte spécifique dans lequel ils exercent leurs missions (20).

38.      Parmi ces fonctions figure, pour ce qui importe aux fins de la présente affaire, celle que la directive 2006/43 leur attribue au chapitre VI (« Enquêtes et sanctions »). L’article 30 bis de cette directive confère des pouvoirs de sanction aux autorités nationales, en soulignant qu’il s’agit de « sanctions administratives », ce qui est à nouveau indiqué à l’article 30 quater.

39.      Le H3C dispose d’une compétence de sanction de nature administrative dans le domaine du contrôle des comptes. Cette caractéristique, d’emblée, « constitue un indice d[e son] caractère administratif et non pas juridictionnel » (21).

40.      Lors de l’audience, il y a eu certaines discussions sur le point de savoir si la jurisprudence CityRail devait être comprise comme étant applicable uniquement aux fonctions de régulation des autorités indépendantes ou comme s’étendant également à leurs fonctions de sanctions (22). Selon moi, il n’y a pas de raison de réduire la portée de cet arrêt, et ce d’autant moins que l’attribution de pouvoirs de sanction aux autorités indépendantes est, dans de nombreux cas, un instrument clé pour l’exécution de leurs tâches.

3.      Procédure de sanction

41.      Constitue également un indicateur du fait qu’un organisme exerce des fonctions non pas juridictionnelles mais administratives « le pouvoir d’engager des procédures d’office […] ainsi que celui d’infliger, également d’office, des sanctions dans les matières relevant de sa compétence » (23).

42.      Or, dans des cas tels que celui donnant lieu à la présente affaire, le H3C agit d’office, sans dépôt d’une plainte préalable (24), après que sa présidente a ordonné l’ouverture de la procédure. Dans la phase finale de la procédure de sanction, il est vrai qu’une formation restreinte intervient, mais cette formation n’en demeure pas moins un organe parmi ceux qui composent le H3C lui-même. Celui-ci se voit attribuer, comme le relève le gouvernement français, la paternité des décisions de ses organes internes. Le H3C n’est donc pas une autorité ayant la qualité de tiers par rapport à sa formation restreinte, et vice-versa.

43.      Il est vrai que la mise en état de l’affaire incombe au rapporteur général. Cependant, même si la procédure n’est pas conduite par le responsable de la décision finale, c’est, en définitive, le H3C qui assume toutes les fonctions, certes de manière séparée ou dédoublée, entre différentes unités de sa structure organique.

44.      L’architecture de la procédure administrative suivie en l’espèce révèle que, à proprement parler, il ne s’agit pas d’un litige entre parties, mais d’une procédure dirigée de manière inquisitoire contre MO. La formation restreinte du H3C n’exerce pas une fonction de contrôle d’une décision préalable, mais prend position et statue pour la première fois dans l’exercice du pouvoir de sanction (25).

45.      En ce qui concerne la séparation des fonctions d’instruction de celles d’adoption des décisions en matière de sanctions, il est logique que l’organe appelé à statuer soit dissocié de celui qui est compétent pour enquêter sur les faits et pour mener l’instruction. Le gouvernement français souligne, comme je l’ai déjà indiqué, que cette séparation répond à des exigences constitutionnelles (26).

46.      Par conséquent, la séparation des activités d’instruction et de décision, dans le contexte de l’affaire au principal, n’est pas un élément témoignant de l’exercice de fonctions juridictionnelles.

47.      La décision que la formation restreinte du H3C adopte au terme de la procédure n’a, en aucun cas, force de chose jugée, contrairement à ce qui se produit dans le cas de décisions juridictionnelles.

48.      Lors de l’audience, le gouvernement français a indiqué que, par dérogation à la règle générale, l’organe infligeant la sanction pouvait retirer ultérieurement la mesure adoptée, ce qui constitue une faculté qui ne s’accorde pas avec la nature des décisions juridictionnelles (27). La défense de MO a toutefois contesté cette possibilité.

4.      Recours juridictionnels contre les décisions de l’autorité indépendante

49.      La Cour a qualifié d’« administrative » l’activité des organismes de régulation qui ont pour mission non pas de contrôler la légalité d’une décision, mais de prendre position, pour la première fois, sur la plainte d’un administré et dont les décisions sont susceptibles de faire l’objet d’un recours juridictionnel (28).

50.      Elle a, en outre, elle a relevé :

–        que la circonstance que les États membres doivent veiller « à ce que les décisions prises par l’organisme de contrôle puissent faire l’objet d’un contrôle juridictionnel […] constitue un indice du caractère administratif de telles décisions » (29), et

–        que « [la] participation de l’[organisme de régulation] à une procédure de recours, mettant en cause sa propre décision, constitue un indice que, lorsqu’il adopte celle-ci, l’[organisme de régulation] n’a pas la qualité de tiers par rapport aux intérêts en présence » (30).

51.      L’organe de renvoi néglige, dans sa demande de décision préjudicielle, l’importance du régime des recours juridictionnels contre ses décisions. Les observations du gouvernement français font au contraire apparaître que, en accord avec l’article 30 quinquies de la directive 2006/43 (31), la décision de la formation restreinte du H3C est susceptible de recours devant le Conseil d’État.

52.      Saisi d’un tel recours, qui est un recours de pleine juridiction, le Conseil d’État exerce un plein contrôle, de droit comme de fait, sur la décision adoptée par la formation restreinte du H3C, que le gouvernement français qualifie d’« instance administrative » (32).

53.      Cette soumission au contrôle juridictionnel implique que la décision de sanction du H3C « n’est pas susceptible d’être revêtue des attributs d’une décision judiciaire, notamment de l’autorité de la chose jugée » (33). Au contraire, elle pourra déboucher sur une procédure juridictionnelle dans le cadre de laquelle le H3C aura la qualité de partie défenderesse (34). Là encore, ce facteur « constitue un indice que, lorsqu’il adopte [cette décision], l’[organisme de régulation] n’a pas la qualité de tiers par rapport aux intérêts en présence » (35).

54.      C’est dans le contexte de l’intervention ultérieure d’une véritable juridiction (le Conseil d’État) que celle-ci peut, si elle l’estime nécessaire, s’adresser à la Cour pour exposer ses doutes sur l’interprétation du droit de l’Union (36).

55.      Il n’existe donc pas de risque de vide concernant cette interprétation. Sous l’angle de l’unité d’interprétation du droit de l’Union, « l’existence desdits recours juridictionnels permet de garantir l’effectivité du mécanisme de renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE » (37).

5.      Conclusion intermédiaire

56.      L’ensemble des éléments que je viens d’exposer révèle que la formation restreinte du H3C n’exerce pas de fonctions juridictionnelles lorsqu’elle inflige une sanction administrative au commissaire aux comptes. Partant, elle n’est pas habilitée à faire usage du mécanisme de l’article 267 TFUE. Sa demande de décision préjudicielle est donc irrecevable.

57.      Dans l’hypothèse où la Cour ne serait pas de cet avis, j’examinerai en tout état de cause cette demande au fond.

B.      Sur le fond

1.      Observations liminaires

58.      La première question préjudicielle concerne la législation nationale interdisant aux contrôleurs légaux des comptes et aux cabinets d’audit l’exercice de toute activité commerciale. L’organe de renvoi souhaite savoir si cette législation est contraire à l’article 25 de la directive 2006/123 « en considération notamment des dispositions de la directive [2006/43] et du règlement [no 537/2014] », dispositions qu’elle n’identifie pas plus précisément.

59.      La seconde question préjudicielle est posée dans le cas où la réponse à la première serait affirmative. Dans cette hypothèse, l’organe de renvoi souhaite savoir si le sens de la réponse changerait dans le cas où la législation nationale admet certaines exceptions à l’incompatibilité (activités commerciales accessoires à la profession d’expert-comptable ou exercées par une société pluri-professionnelle).

60.      Il convient au préalable d’apporter des éclaircissements concernant la succession dans le temps des règles internes applicables, étant donné que les faits reprochés à MO se sont déroulés entre le 3 janvier 2016 et le jour de l’ouverture de l’enquête, à savoir le 3 janvier 2022. Au cours de cette période, deux régimes juridiques différents se sont succédés en ce qui concerne l’article L822‑10, point 3, du code de commerce :

–        du 3 janvier 2016 jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi no 2019‑486, il était totalement interdit aux commissaires aux comptes d’exercer toute activité commerciale, par eux-mêmes ou par personne interposée, et

–        à compter de l’entrée en vigueur de la loi no 2019‑486, cette interdiction a été nuancée et les deux exceptions que j’ai déjà retranscrites sont admises (38).

61.      Chacune des questions porte sur la réglementation applicable respectivement à l’une et à l’autre de ces sous-périodes.

62.      Par ailleurs, la seconde question préjudicielle introduit dans le débat l’exception relative aux « activités commerciales accessoires exercées par une société pluri-professionnelle d’exercice dans les conditions prévues à l’article 31‑5 de la loi [no 90‑1258] […] » sans que la raison pour ce faire n’apparaisse clairement. J’estime, à l’instar du gouvernement français (39), que, au vu des faits reprochés à MO, cette incise pourrait ne pas être pertinente en l’espèce.

63.      En effet, il n’est pas question ici de déterminer si un cabinet d’audit peut intégrer en son sein d’autres professionnels et réaliser simultanément des activités autres que celles qui sont propres à l’audit (40). Le problème soulevé dans le présent litige consiste uniquement à savoir si un contrôleur des comptes qui est une personne physique peut, par l’intermédiaire de sociétés dont il détient le capital ou dans lesquelles il opère, exercer d’autres activités commerciales.

64.      Je me concentrerai donc, en ce qui concerne la seconde question préjudicielle, sur l’exception relative aux « activités commerciales accessoires à la profession d’expert-comptable, exercées dans le respect des règles de déontologie et d’indépendance des commissaires aux comptes et dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 22 de l’ordonnance [no 45‑2138] ».

2.      Dispositions du droit de l’Union applicables

65.      Les doutes de la juridiction de renvoi ont trait à l’interprétation de l’article 25 de la directive 2006/123, à la lumière de la directive 2006/43 (qui régit l’activité des contrôleurs légaux des comptes dans l’Union) et du règlement no 537/2014 (qui régit uniquement les contrôles des comptes des entités d’intérêt public) (41).

66.      Conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2006/123 (42), en cas de « conflit » entre celle-ci et la directive 2006/43 ou le règlement no 537/2014, l’application de ces derniers prime, c’est-à-dire que la lex specialis prime la lex generalis.

67.      L’article 25 de la directive 2006/123, relatif aux activités pluridisciplinaires, prévoit un principe général tempéré par plusieurs exceptions :

–        le principe général (paragraphe 1, premier alinéa) est que « les prestataires ne s[ont] pas soumis à des exigences qui les obligent à exercer exclusivement une activité spécifique » ou à des exigences « qui limitent l’exercice conjoint ou en partenariat d’activités différentes », et

–        l’exception (paragraphe 2, second alinéa) qui importe ici est celle qui concerne les professions réglementées, parmi lesquelles la profession de contrôleur légal des comptes. Le régime applicable à ces professions peut ne pas respecter le principe général, à savoir la liberté d’exercer des activités pluridisciplinaires, a) si cela est justifié pour garantir le respect de règles de déontologie différentes inhérentes à la spécificité de chaque profession, et b) si cela est nécessaire pour garantir l’indépendance et l’impartialité des personnes exerçant ces professions (43).

68.      Quant à la directive 2006/43 (notamment après sa réforme par la directive 2014/56) et au règlement no 537/2014, ces deux instruments visent à ce que les contrôleurs légaux des comptes respectent des normes d’éthique rigoureuses, en ce qui concerne leur intégrité, leur indépendance et leur objectivité (44). La directive 2014/56 a cherché à « renforcer, par une harmonisation plus approfondie, notamment, l’indépendance des contrôleurs légaux des comptes dans l’exécution de leur mission » (45).

69.      Aux termes de l’article 52 de la directive 2006/43, « [l]es États membres qui exigent le contrôle légal des comptes peuvent imposer des exigences plus rigoureuses, à moins qu’il n’en soit disposé autrement dans la présente directive ». Dans le même ordre d’idées, selon l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 537/2014, les États membres peuvent interdire aux contrôleurs des comptes des entités d’intérêt public d’autres services (fournis à l’entité contrôlée) que l’audit lorsqu’ils considèrent que lesdits services présentent un risque en matière d’indépendance.

70.      La règle énoncée à l’article 25 de la directive 2006/123 croise celles de l’article 22 (« Indépendance et objectivité ») de la directive 2006/43 et de l’article 5 (« Interdiction de fournir des services autres que d’audit ») du règlement no 537/2014 sur la question de la garantie de l’indépendance du contrôleur des comptes, dont la sauvegarde constitue la raison de l’adoption des incompatibilités et interdictions.

71.      Or, à l’instar de la Commission (46), je ne pense pas qu’il y ait dans le cas présent, à proprement parler, un conflit entre l’application des unes et des autres dispositions du droit de l’Union, qui écarte l’application de la directive 2006/123 en vertu de la règle de spécialité énoncée à son article 3, paragraphe 1. Il existe plutôt une relation de complémentarité.

72.      Il s’agira donc de trancher la question de savoir si la législation française, en ce qu’elle interdit l’exercice d’activités commerciales aux contrôleurs des comptes, est conforme à la règle prévue à titre d’exception à l’article 25, paragraphe 1, second alinéa, sous a), de la directive 2006/123 et respecte, en outre, les dispositions que la directive 2006/43 et le règlement no 537/2014 ont instauré afin de garantir l’indépendance et l’impartialité de ces professionnels.

3.      Réponse conjointe aux deux questions préjudicielles

73.      L’article 52 de la directive 2006/43 et l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 537/2014 autorisent les États membres à aller au-delà des limitations prévues à l’article 22 de la directive 2006/43 et à l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 537/2014.

74.      Les États membres peuvent donc imposer des restrictions plus strictes aux contrôleurs légaux des comptes. C’est le cas en droit français.

75.      L’exercice de cette faculté n’est cependant pas inconditionnel. Les États membres sont tenus de respecter les dispositions du traité FUE relatives tant à la liberté d’établissement qu’à la libre prestation de services, prévues respectivement aux articles 49 et 56 TFUE (47).

76.      Aux termes de ses deuxième et cinquième considérants, la directive 2006/123 vise précisément à éliminer les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre circulation des services entre les États membres. Dans la mesure où ces objectifs, dont découle le régime instauré par la directive 2006/123, correspondent à ceux des articles 49 et 56 TFUE, il n’est pas nécessaire de se référer au droit primaire et les dispositions de cette directive suffisent.

77.      S’il n’existe pas d’éléments transfrontaliers en l’espèce, les exigences imposées par la réglementation en cause pourraient décourager l’établissement ou la prestation de services en France de contrôleurs des comptes provenant d’autres États membres (48). Une règle d’un État membre qui interdit aux contrôleurs des comptes d’exercer toute autre activité commerciale est, en soi, de nature à porter atteinte à la liberté de déplacement des contrôleurs des autres États membres (49).

78.      Les restrictions aux libertés fondamentales peuvent être considérées comme justifiées si elles reposent sur des raisons impérieuses d’intérêt général et, le cas échéant, si elles ne vont pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis (50).

79.      L’article 25, paragraphe 1, second alinéa, sous a), de la directive 2006/123 fait référence à cette justification et à cette nécessité lorsqu’il autorise les États membres à imposer, pour les professions réglementées, des exigences limitant l’exercice d’activités pluridisciplinaires. Bien que le libellé ne soit pas le même, il y a lieu de considérer que cela se retrouve implicitement de manière sous-jacente à l’article 52 de la directive 2006/43 et à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 537/2014.

a)      Le contenu de la restriction

80.      Il importe avant tout de déterminer le champ d’application de la restriction. Il n’appartient pas à la Cour d’interpréter le droit national, mais il ressort de la décision de renvoi et des observations des parties que l’interdiction d’exercer toute activité commerciale a un caractère quasi absolu.

81.      Il est vrai que, suite à l’adoption de la loi no 2019‑486, les commissaires aux comptes peuvent réaliser les activités commerciales accessoires à la profession d’expert-comptable (51) (admises sous certaines conditions (52)) et les activités commerciales accessoires exercées par une « société pluri-professionnelle d’exercice », dans les conditions prévues à l’article 31‑5 de la loi no 90‑1258. Ces exceptions ont toutefois un caractère très limité, qui ne parvient pas à occulter la portée quasiment sans limite de l’interdiction elle-même.

b)      Justification de la restriction

82.      Selon le gouvernement français, l’indépendance requise des contrôleurs légaux des comptes, qui sont chargés d’une mission d’intérêt général, a pour corollaire l’incompatibilité avec leur accès à l’exercice d’activités commerciales. La restriction à l’exercice de ces activités serait justifiée par les motifs suivants :

–        la législation nationale viserait à éviter que le commissaire aux comptes ne devienne un acteur ordinaire du monde économique. L’imbrication des différents secteurs (bancaires, économiques ou financiers) crée des interférences potentielles, susceptibles de faire naître des soupçons. L’interdiction du cumul des activités assure à un tiers objectif, raisonnable et informé que le commissaire aux comptes n’est pas un acteur économique ordinaire, susceptible d’interagir directement ou indirectement avec les entités contrôlées ;

–        l’incompatibilité s’expliquerait également par l’obligation particulière de compétence professionnelle à laquelle est soumis le commissaire aux comptes. L’exercice d’une activité commerciale autre que le contrôle des comptes serait de nature à diminuer son implication et à porter atteinte à sa compétence professionnelle, et

–        le droit de l’Union et le droit national octroient à la profession le monopole de l’activité de contrôle légal des comptes, qui est une activité réglementée et d’intérêt général. Il apparait légitime de s’attendre à ce que les commissaires aux comptes se consacrent bien à cette fonction particulière.

83.      Le gouvernement français met ainsi l’accent sur le monopole de l’activité de contrôle légal des comptes, ce qui est lié à la dimension externe de l’indépendance de cette activité : le public doit percevoir le contrôleur légal des comptes comme un professionnel de confiance, éloigné de la vie économique ordinaire.

84.      Selon moi, les motifs d’intérêt général avancés par le gouvernement français expliqueraient que les commissaires aux comptes soient soumis à certaines restrictions dans l’exercice d’activités commerciales autres que l’audit lui-même. Cependant, ce qui pourrait compromettre l’indépendance des contrôleurs légaux des comptes (ou des cabinets d’audit ou des membres de leur réseau) est le fait de fournir auprès des entités contrôlées certains services autres que le contrôle légal des comptes (53).

85.      Si l’on admettait, ce qui est très douteux, que ce même danger pour l’indépendance puisse provenir de la fourniture au public, en général, de services autres que d’audit par les commissaires aux comptes (54), le problème ne serait pas tant la justification, in abstracto, d’un régime restrictif, mais le contenu concret des interdictions imposées, qui pourraient aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre leur objectif.

c)      Proportionnalité

86.      Le gouvernement français estime que la législation en cause est proportionnée : le commissaires aux comptes n’est pas tenu d’exercer exclusivement cette activité spécifique, puisqu’il peut aussi exercer celle d’expert-comptable, visée par les deux exceptions introduites par la loi no 2019‑486 (55).

87.      Le gouvernement français complète son raisonnement en excluant que d’autres mesures moins contraignantes puissent permettre d’atteindre le même but. Tel serait le cas de l’instauration d’un régime d’autorisation préalable, de la rédaction d’une liste d’activités interdites, ou d’un mécanisme obligatoire de publication des rapports d’audit des commissaires aux comptes. Aucune de ces mesures ne répondrait au besoin de perception, par les tiers, de l’indépendance des commissaires aux comptes.

88.      Au contraire, la Commission estime que l’interdiction semble disproportionnée par rapport à son objectif. Il existe déjà d’autres dispositions de la loi française au service de cet objectif, auxquelles la juridiction de renvoi fait référence (56), sans qu’il soit bien expliqué pourquoi ces dispositions devraient être complétées par l’interdiction en cause. En particulier, l’article L822‑10, point 1, du code de commerce proscrit toute activité de nature de porter atteinte à l’indépendance du commissaire aux comptes.

89.      Il appartiendra à l’organe de renvoi (si l’on admet qu’il est habilité à introduire des demandes de décision préjudicielle) d’apprécier la proportionnalité des règles litigieuses. La Cour peut cependant lui fournir quelques orientations, comme celles que je préconise ci-après.

90.      En premier lieu, je ne souscris pas à la thèse du gouvernement français quant à l’interprétation de l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2006/123 en ce qui concerne l’adverbe exclusivement. Selon moi, et je partage l’avis de la Commission sur ce point, l’obligation d’« exercer exclusivement une activité spécifique » subsiste lorsqu’une législation nationale permet d’ajouter à cette activité une autre activité accessoire d’importance mineure, tout en interdisant l’exercice simultané de toutes les autres activités de nature commerciale, comme c’est le cas en l’espèce. Si l’on admettait la thèse du gouvernement français, un État membre pourrait, au moyen de concessions minimales, facilement contourner les objectifs poursuivis par la réglementation.

91.      Deuxièmement, et suivant la même perspective, l’interdiction quasi absolue faite aux contrôleurs des comptes d’exercer des activités commerciales (j’ai déjà indiqué que les deux exceptions admises avaient une portée très limitée) obéit à une « inversion de la logique prescrite par l’article 25 de la directive 2006/123 » (57). Si, conformément à cette disposition, le libre exercice d’activités pluridisciplinaires doit être la règle pour les prestataires de services, la législation française adopte précisément le principe contraire en ce qui concerne les commissaires aux comptes.

92.      Troisièmement, comme le souligne la Commission, l’indépendance du commissaire aux comptes est déjà assurée par d’autres dispositions du droit français, sans parler du fait que le code de déontologie de cette profession contient également des dispositions visant à éviter les conflits d’intérêts.

93.      Quatrièmement, les deux exceptions autorisées, relatives à certaines activités commerciales accessoires, ne suffisent pas à démontrer la proportionnalité de l’interdiction générale. Je rappellerai que « l’article 25, paragraphe 1, second alinéa, sous a), de la directive 2006/123 ne prévoit pas la possibilité de soumettre l’exercice conjoint d’une profession réglementée avec une autre activité à la condition que cette dernière soit accessoire » (58).

94.      Cinquièmement, le législateur français pourrait identifier, au moyen d’un catalogue ou d’une liste similaire à celle de l’article 5 du règlement no 537/2014, les services autres que l’audit qui, concrètement, sont interdits aux commissaires aux comptes afin de préserver leur indépendance ou l’image que le grand public a de cette indépendance. Contrairement à ce que fait valoir le gouvernement français, cette technique aboutit à un résultat moins contraignant que l’interdiction (quasi) généralisée imposée par la loi litigieuse, tout en respectant également l’objectif consistant à préserver l’indépendance du commissaire aux comptes.

95.      Si cette solution était adoptée, le législateur devrait expliquer a) pourquoi une liste applicable, selon le règlement no 537/2014, au seul contrôle légal des comptes d’une entité d’intérêt public est étendue au contrôle légal des comptes d’entités dépourvues de ce caractère, et b) pourquoi une liste applicable uniquement à certains services (autres que l’audit) fournis à l’entité contrôlée est étendue à d’autres activités commerciales que le contrôleur peut réaliser auprès de personnes ou d’entités qu’il ne contrôle pas.

96.      L’interdiction générale d’activités commerciales autres que l’audit apparaît donc, à première vue, comme disproportionnément stricte et va au-delà de l’objectif visant à préserver l’indépendance et l’objectivité des contrôleurs légaux des comptes. Dans cette même mesure, elle n’est pas conforme à l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2006/123, à l’article 52 de la directive 2006/43 et à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 537/2014.

V.      Conclusion

97.      Eu égard à ce qui précède, je suggère à la Cour de déclarer la demande de décision préjudicielle irrecevable.

À titre subsidiaire, je propose de répondre à cette demande dans les termes suivants :

« L’article 25 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, concernant les services dans le marché intérieur, en lien avec les articles 22 et 52 de la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2006, concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés et avec l’article 5, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) no 537/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relatif aux exigences spécifiques applicables au contrôle légal des comptes des entités d’intérêt public,

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose, en principe, à une législation nationale qui interdit aux contrôleurs légaux des comptes d’exercer toute activité commerciale, directement ou par personne interposée, à l’exception des activités commerciales accessoires à la profession d’expert-comptable. Il appartient à l’organe de renvoi de déterminer si cette législation est fondée sur des raisons d’intérêt général qui justifient l’interdiction et si celle-ci est indispensable pour préserver l’indépendance et l’objectivité des contrôleurs légaux des comptes. »


1      Langue originale : l’espagnol.


i      Le nom de la présente affaire est un nom fictif. Il ne correspond au nom réel d’aucune partie à la procédure.


2      Il a été remplacé, à compter du 1er janvier 2024, par la Haute autorité de l’audit (France) en vertu de l’ordonnance nº 2023‑1142, du 6 décembre 2023, relative à la publication et à la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d’entreprise des sociétés commerciales (JORF no 0283 du 7 décembre 2023, texte no 19).


3      Directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376 p. 36).


4      Directive du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, et abrogeant la directive 84/253/CEE du Conseil (JO 2006, L 157, p. 87), telle que modifiée par la directive 2014/56/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014 (JO 2014, L 158, p. 196)


5      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux exigences spécifiques applicables au contrôle légal des comptes des entités d’intérêt public et abrogeant la décision 2005/909/CE de la Commission (JO 2014, L 158, p. 77).


6      Loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (JORF no 0119 du 23 mai 2019, texte no 2, ci-après la « loi no 2019‑486 »).


7      Ordonnance portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable (JORF no 0222 du 21 septembre 1945, p. 5938, ci-après l’« ordonnance no 45‑2138 »).


8      Loi relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales (JORF no 0004 du 15 janvier 1991, p. 216, ci-après la « loi no 90‑1258 »). Conformément à son article 31‑5, qui fait partie du titre consacré aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de certaines professions libérales, « [l]a société peut exercer, à titre accessoire, toute activité commerciale dont la loi ou le décret n’interdit pas l’exercice à l’une au moins des professions qui constituent son objet social ».


9      Selon les informations figurant dans la décision de renvoi (points 3 à 7), le groupe Fiducial propose une offre diversifiée d’activités par l’intermédiaire des entreprises qui le composent : i) il exerce l’activité de commissariat aux comptes au travers de la Société fiduciaire nationale de révision comptable (« Fidaudit ») ; ii) il exerce l’activité d’expertise comptable au travers de la Société fiduciaire nationale d’expertise comptable (« Fidexpertise ») ; iii) il intervient dans le domaine de la sécurité au travers de la société Fiducial Security Services ; iv) il se consacre à la vente de fournitures et de mobilier de bureau avec la société Fiducial Office Solutions ; v) il agit, dans le domaine de la fourniture de services informatiques, au travers de la société Fiducial Informatique ; vi) il opère, au travers de la société Fiducial Real Estate, sur le marché de l’immobilier et de la gestion de sociétés civiles de placement immobilier ; vii) il intervient, dans le secteur bancaire, avec la société Banque Fiducial, et viii) il exploite, au travers de la société Fiducial Médias, une station de radio à diffusion nationale et des médias régionaux.


10      Point 11 de la décision de renvoi. Il s’agissait de la fourniture de prestations de sécurité, de la vente de fournitures et de mobilier de bureau, de l’activité d’agent immobilier et de gestion de sociétés civiles de placement immobilier, de l’activité bancaire, ainsi que de prestations dans le secteur des médias. La fourniture de services informatiques au travers de la société Fiducial Informatique n’a pas été visée, dans la mesure où elle a été implicitement considérée comme accessoire à l’activité d’expertise comptable exercée au travers de la société Fidexpertise.


11      Il s’agit des professions visées à l’article 31‑3 de la loi no 90‑1258.


12      Arrêt du 3 mai 2022, CityRail (C‑453/20, ci-après l’« arrêt CityRail », EU:C:2022:341). Cet arrêt s’inscrit dans la tendance restrictive dessinée dans les arrêts du 21 janvier 2020, Banco de Santander (C‑274/14, EU:C:2020:17), et du 16 septembre 2020, Anesco e.a. (C‑462/19, ci-après l’« arrêt Anesco e.a. », EU:C:2020:715), concernant une autorité indépendante de régulation et de surveillance de différents secteurs économiques.


13      Critères issus de l’arrêt du 30 juin 1966, Vaassen-Göbbels (61/65, EU:C:1966:39) (ci-après les « critères Vaassen-Göbbels »).


14      Observations écrites du gouvernement français, point 35.


15      C‑453/20, EU:C:2021:1018.


16      Arrêt CityRail, point 46 : « un organisme national, alors que son origine légale, son caractère permanent, la nature contradictoire de sa procédure, l’application par celui-ci des règles de droit et son indépendance ne font pas de doute, ne saurait saisir la Cour à titre préjudiciel que si, dans le cadre de l’affaire pendante devant lui, il exerce des fonctions de nature juridictionnelle ».


17      Ordonnance du 14 novembre 2013, MF 7 (C‑49/13, EU:C:2013:767), point 16 : « un organisme national ne peut pas être qualifié de “juridiction”, au sens de l’article 267 TFUE, dans des circonstances dans lesquelles il statue en exerçant des fonctions non juridictionnelles, telles que des fonctions de nature administrative ».


18      Arrêt CityRail, point 45.


19      Point 34 de ses observations, renvoyant à l’article 32 de la directive 2006/43.


20      Arrêt CityRail, point 63.


21      Arrêt Anesco e.a., point 44.


22      La Commission, qui n’a in fine pas pris position sur la question de la recevabilité du renvoi préjudiciel (elle s’est limitée à avancer des arguments pour et contre la recevabilité), a souligné que, dans le cas de sanctions prononcées à l’encontre de certains professionnels, la Cour avait admis la qualité de juridiction des organes de renvoi. Je pense que la jurisprudence concernée ne saurait être étendue à la présente affaire, dans laquelle une institution publique (et non un ordre professionnel) telle que le H3C impose une sanction administrative.


23      Arrêt CityRail, point 48. Le fait que l’organe soit habilité à agir d’office « est un indice de ce que celui-ci n’a pas la qualité de “juridiction”, mais revêt les caractéristiques d’un organe administratif » [ordonnance du 14 novembre 2013, MF 7 (C‑49/13, EU:C:2013:767), point 18, et arrêt Anesco e. a., point 44].


24      Voir points 19 et 20 des présentes conclusions. Il ressort de l’exposé des faits qu’il n’y a pas eu de plaignant et que c’est la présidente du H3C qui a demandé, d’office, l’ouverture des enquêtes. Le rapporteur général a ouvert la procédure et la formation restreinte du H3C est l’entité qui est chargée de statuer. Toutes les parties prenantes relèvent donc du H3C lui-même.


25      La formation restreinte souligne les garanties qui existent dans le cadre de la procédure qu’elle mène aux fins de l’imposition de sanctions. Cependant, pour déterminer si la fonction qu’elle exerce est de nature juridictionnelle ou non, il est possible de s’abstenir d’examiner des critères relatifs à la composition de l’organe, à la garantie de l’impartialité ou aux droits d’intervention de l’intéressé. Ces critères s’appliquent également à l’exercice des fonctions de sanction de tout organe administratif.


26      Point 58 de ses observations écrites, citant l’arrêt du Conseil d’État, du 15 octobre 2021, Société Mazars e.a, 451835 (FR:CE:2021:451835.20211015).


27      À l’appui de sa thèse, le gouvernement français a invoqué l’article L243‑4 du code des relations entre le public et l’administration, en vertu duquel « une mesure à caractère de sanction infligée par l’administration peut toujours être retirée ».


28      Arrêt CityRail, point 51, avec de nombreuses références à la jurisprudence. J’ai ajouté les caractères italiques afin de mettre en évidence le fait que tel est le cas a fortiori lorsque les démarches conduisant à la première décision n’ont pas été déclenchées par l’intermédiaire d’une plainte préalable.


29      Arrêt CityRail, point 62.


30      Arrêt CityRail, point 69.


31      L’article 30 sexies de la directive 2006/43 reconnaît à l’intéressé le droit à un recours effectif devant un tribunal contre toute décision ou mesure le concernant.


32      Points 50 et 51 des observations du gouvernement français.


33      Arrêt Anesco e.a., point 48.


34      Point 54 des observations du gouvernement français. Lors de l’audience, MO a relevé que le président du H3C pouvait également contester devant le Conseil d’État les décisions de la formation restreinte qu’il considère erronées. Cette possibilité répond à une finalité d’épuration de l’action administrative respectueuse de l’indépendance de la formation restreinte par rapport aux autres organes du H3C. Cependant, cela n’invalide pas, selon moi, les autres arguments relatifs au caractère administratif, et non juridictionnel, de la décision de sanction. Quelle que soit sa position procédurale, le H3C, en tant qu’institution, agit en qualité de partie à la procédure juridictionnelle.


35      Arrêt CityRail, points 62 et 69.


36      Dans l’affaire tranchée par l’arrêt du 5 avril 2011, Société fiduciaire nationale d’expertise comptable (C‑119/09, EU:C:2011:208), le renvoi préjudiciel, ayant trait à une autre interdiction imposée aux contrôleurs des comptes français, a été introduit par le Conseil d’État. Le débat portait alors sur la question de savoir si l’interdiction du « démarchage » était contraire à l’article 24 de la directive 2006/123.


37      Arrêt du 31 janvier 2013, Belov (C‑394/11, EU:C:2013:48, point 52).


38      Point 15 des présentes conclusions.


39      Point 122 de ses observations écrites.


40      Dans l’arrêt du 29 juillet 2019, Commission/Autriche (Ingénieurs civils, agents de brevets et vétérinaires) (C‑209/18, EU:C:2019:632), la Cour s’est penchée sur la restriction des activités pluridisciplinaires imposée aux sociétés d’ingénieurs civils et d’agents de brevets.


41      Selon les informations figurant dans la décision de renvoi, la société Fidaudit (dont MO détient, directement ou indirectement, 98 % du capital) et ses filiales détenaient quatre mandats concernant des entités d’intérêt public. La directive 2006/43 ne couvrant pas les contrôles des entités d’intérêt public, le règlement no 537/2014 a été adopté (simultanément à la directive 2014/56). Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 537/2014, celui-ci « s’applique sans préjudice de la directive [2006/43] ».


42      Retranscrit au point 5 des présentes conclusions.


43      Conformément au considérant 101 de la directive 2006/123, on aboutit ainsi, « […] dans l’intérêt des destinataires, en particulier des consommateurs, […] à ce qu’il soit possible aux prestataires d’offrir des services pluridisciplinaires et à ce que les restrictions à cet égard soient limitées à ce qui est nécessaire pour assurer l’impartialité, l’indépendance et l’intégrité des professions réglementées ».


44      Arrêt du 24 mars 2021, A (C‑950/19, EU:C:2021:230), point 39, relatif à la directive 2006/43. Ce même objectif ressort des considérants et des articles du règlement no 537/2014.


45      Idem, point 40. Dans les conclusions que j’ai présentées dans cette affaire (C‑950/19, EU:C:2020:1019), j’ai mis en évidence, aux points 36 à 42, que l’indépendance des contrôleurs est une préoccupation formellement exprimée par le législateur de l’Union, qui a progressivement gagné un rôle central jusqu’à arriver aux dispositions de la réglementation actuelle, introduite par la directive 2014/56.


46      Point 22 de ses observations écrites.


47      Une règle nationale peut entraver deux libertés simultanément : voir arrêt du 28 janvier 2016, Laezza (C‑375/14, EU:C:2016:60, point 24).


48      Voir, par analogie, arrêt du 27 février 2020, Commission/Belgique (Comptables) (C‑384/18, EU:C:2020:124, point 76).


49      Voir, également par analogie, arrêt du 5 avril 2011, Société fiduciaire nationale d’expertise comptable (C‑119/09, EU:C:2011:208).


50      Arrêts du 24 janvier 2013, Stanleybet e.a. (C‑186/11 et C‑209/11, EU:C:2013:33, point 27), et du 12 juin 2014, Digibet et Albers (C‑156/13, EU:C:2014:1756, point 22).


51      Lors de l’audience, le gouvernement français a indiqué que les commissaires aux comptes peuvent exercer les fonctions d’expert-comptable, y compris les activités accessoires à cette profession (visées à l’article 22 de l’ordonnance no 45‑2138), s’ils s’inscrivent à l’ordre des experts comptables.


52      Conformément à l’avis nº 2021‑01 du Haut Conseil du Commissariat aux Comptes relatif à l’exercice par un commissaire aux comptes d’une activité commerciale en application de l’article L822‑10 du code de commerce, cette exception s’applique uniquement aux commissaires inscrits à l’ordre des experts-comptables.


53      C’est ce qu’indique le considérant 8 du règlement no 537/2014. Aux points 51 à 55 de mes conclusions dans l’affaire A (C‑950/19, EU:C:2020:1019), j’ai analysé l’article 22 bis de la directive 2006/43 suivant la même perspective.


54      Lors de l’audience, il a été souligné que les recommandations internationales sur l’activité des contrôleurs des comptes [International Auditing Standards, approuvées par l’International Ethics Standards Board for Accountants (IESBA)] et les rapports du Commitee of European Auditing Oversight Bodies (CEAOB) ne prévoient pas, parmi les mesures destinées à sauvegarder l’indépendance et l’impartialité des contrôleurs légaux des comptes, des interdictions telles que celle en cause, relatives à des activités commerciales étrangères aux sociétés contrôlées.


55      Le gouvernement français précise que plus de 90 % des commissaires aux comptes en France exercent également légalement l’activité d’expert-comptable (points 87 et 88 de ses observations écrites).


56      Point 52 de la décision de renvoi.


57      Je reprends l’expression imagée et correcte utilisée par MO dans ses observations écrites (point 69). Si les professions réglementées peuvent ne pas être soumises à la règle générale de l’article 25, paragraphe 1, de la directive 2006/123, ce ne sera le cas que dans les conditions strictes du second alinéa, sous a), dudit paragraphe.


58      Arrêt du 27 février 2020, Commission/Belgique (Comptables) (C‑384/18, EU:C:2020:124, point 68).