Language of document : ECLI:EU:T:2008:324

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

10 septembre 2008 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres communautaire – Prestation de services informatiques et fournitures connexes liés aux systèmes d’information de la direction générale ‘Pêche’ – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑465/04,

Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par MN. Korogiannakis, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par Mme K. Banks, puis par MM. M. Wilderspin et E. Manhaeve, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 15 septembre 2004 de ne pas retenir l’offre soumise par la requérante dans le cadre de la procédure d’appel d’offres concernant la prestation de services informatiques et les fournitures connexes liés aux systèmes d’information de la direction générale « Pêche », et d’attribuer le marché au soumissionnaire retenu,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 mai 2007,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La passation des marchés de services de la Commission est assujettie aux dispositions du titre V de la première partie du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), ainsi qu’aux dispositions du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution »). Ces dispositions s’inspirent des directives communautaires en la matière, notamment, pour les marchés de services, de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), telle que modifiée.

2        Selon l’article 89, paragraphe 1, du règlement financier :

« Tous les marchés publics financés totalement ou partiellement par le budget respectent les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination. »

3        L’article 97 du règlement financier, dans sa version applicable au moment des faits, énonce :

« 1. Les critères de sélection permettant d’évaluer les capacités des candidats ou des soumissionnaires et les critères d’attribution permettant d’évaluer le contenu des offres sont préalablement définis et précisés dans les documents d’appel à la concurrence.

2. Le marché peut être attribué par adjudication ou par attribution à l’offre économiquement la plus avantageuse. »

4        L’article 100, paragraphe 2, du règlement financier dispose :

« Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire.

Toutefois la communication de certains éléments peut être omise dans les cas où elle ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre celles-ci. »

5        L’article 149 des modalités d’exécution, dans sa version applicable au moment des faits, dispose :

« 1. Les pouvoirs adjudicateurs informent dans les meilleurs délais les candidats et les soumissionnaires des décisions prises concernant l’attribution du marché, y inclus les motifs pour lesquels ils ont décidé de renoncer à passer un marché pour lequel il y a eu mise en concurrence ou de recommencer la procédure.

2. Le pouvoir adjudicateur communique, dans un délai maximal de quinze jours [de] calendrier à compter de la réception d’une demande écrite, les informations mentionnées à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier. »

 Antécédents du litige

6        La requérante, Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, est une société de droit grec, active dans le domaine de la technologie de l’information et des communications.

7        Par un avis de marché du 14 avril 2004, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2004, S 73) sous la référence « FISH/2004/02 », la Commission a lancé un appel d’offres portant sur un contrat‑cadre pour la prestation de services informatiques et les fournitures connexes liés aux systèmes d’information de la direction générale (DG) « Pêche ».

8        Le point 2 du cahier des charges relatif à l’appel d’offres en cause, intitulé « Évaluation des offres et attribution du contrat », prévoyait :

« […]

2.2. Procédures d’attribution du marché

L’attribution du marché se compose de trois phases principales. Premièrement, l’examen des conditions d’exclusion des offres. Deuxièmement, la sélection des offres qui se subdivise en l’analyse de la capacité professionnelle, économique et financière et la capacité technique du contractant. Troisièmement, l’évaluation de l’offre sous l’aspect technique et financier.

L’évaluation sera menée par étapes, comme décrit ci-dessous. Seules les offres qui répondent aux exigences d’une étape passeront à la prochaine étape de l’évaluation. L’étape finale comprendra l’attribution du contrat au soumissionnaire qui a présenté l’offre dont le rapport qualité/prix est le meilleur.

[…]

2.5. Étape 2 – Sélection des soumissionnaires – Critères de sélection

Les critères de sélection pour cet appel d’offres sont présentés ci-dessous et concernent la capacité économique, financière, l’expertise et l’expérience professionnelle du soumissionnaire (et de ses sous‑contractants). Le soumissionnaire doit démontrer que ses capacités doivent correspondre, tant en type qu’en volume, à l’objet du contrat qu’on propose d’attribuer.

[…]

2.5.3. Capacité technique

La capacité technique vise à démontrer notamment le savoir-faire, l’efficacité, l’expérience et la fiabilité du contractant.

Le soumissionnaire devra démontrer :

[…]

p)       la capacité technique des ressources humaines pour les prestations  requises ;

[…]

2.6.      Étape 3 – Évaluation des offres – Critères d’attribution

La Commission attribuera le marché après une analyse comparative des offres sur la base des critères techniques et financiers suivants (article 36 de la directive 92/50 […]).

2.6.1. Méthode d’attribution

Pour la phase de l’évaluation technique, le comité évaluera chaque critère et y attribuera une note finale. Le marché sera accordé à l’offre présentant le meilleur rapport qualité/prix.

2.6.2.  Évaluation technique

a)       Conformité de l’offre par rapport aux contraintes fixées et à la qualité de  rédaction (20 points).

b)       Compréhension des tâches et pertinence de la proposition par rapport au  présent appel d’offres (70 points).

c)       Modalités de communication mises en oeuvre afin d’unifier, d’une part, le  travail des équipes ‘intra-muros’ et ‘extra-muros’ et, d’autre part, les moyens  mis en œuvre pour assurer la communication entre les chefs de projet  ‘intra‑muros’, les fonctionnaires et les utilisateurs (50 points).

d)       Ventilation de la charge de travail dans les différentes phases du cycle de vie  de développement (30 points).

e)       Valeur technique de l’équipe mise à disposition (160 points).

f)       Composition de l’équipe (80 points).

g)       Connaissances linguistiques des candidats proposés pour l’équipe intra-muros  (50 points).

h)       Garanties de la stabilité de l’équipe (40 points).

i)       Délai de mise en œuvre (50 points).

j)       Procédures et méthodes proposées pour le transfert des connaissances en fin  de projet (30 points).

k)       Capacité éventuelle, dans l’hypothèse où il est désigné comme attributaire de  ce marché, à mettre en place une implantation de bureaux à Bruxelles ou ses  environs, soit en utilisant ses propres ressources, soit par voie d’un partenaire  ou sous‑contractant. Si ce bureau implanté à Bruxelles ou ses environs n’est  pas une agence de la société soumissionnaire, le ou les partenaires(s) doit  (doivent) fournir les informations suivantes :

[…]

La somme des points obtenus pour chaque critère est notée Q et quantifie l’évaluation technique.

Q = a + b + c + d + e + f + g + h + i + j + k.

2.6.3. Évaluation financière

La valeur de l’offre sera calculée sur la base des prix figurant dans le bordereau de prix fourni dans le modèle de réponse au présent appel d’offres.

Soit :

a)       le prix pour les tâches d’assurance qualité.

b)       le prix pour la prise de connaissance des applications de ‘base’ et  complémentaires.

c)       le prix pour le transfert des connaissances à l’échéance du contrat.

d)       le prix forfaitaire pour la mise en œuvre de l’environnement de travail.

e)       le prix journalier d’un chef de projet senior.

f)       le prix journalier d’un chef de projet junior.

g)       le prix journalier de développeurs senior.

h)       le prix journalier de développeurs junior.

i)       le prix journalier de développeurs senior intra‑muros.

j)       le prix journalier de développeurs junior intra-muros.

Soit

CPS : le pourcentage de charge de travail attribué à un chef de projet senior (cf. tableau dans le modèle de réponse),

CPJ : le pourcentage de charge de travail attribué à un chef de projet junior,

DS : le pourcentage de charge de travail attribué à un développeur senior,

DJ : le pourcentage de charge de travail attribué à un développeur junior,

la valorisation de l’offre sera effectuée selon la formule suivante :

p = [((((e*CPS) + (f*CPJ) + (g*DS) + (h*DJ))*3080) + (((e*CPS) + (f*CPJ) + (i*DS) + (j*DJ))*616)) + a + b + c + d] : 3696.

Remarque : La formule utilisée ci‑dessus est une estimation qui ne reflète pas nécessairement la réalité qui sera appliquée pendant l’exécution du contrat et n’engage pas la DG [« Pêche »].

2.6.4. Évaluation finale et attribution du marché

Le marché sera accordé à l’offre présentant le meilleur (le plus grand) rapport qualité-prix selon la formule suivante :

R = Q : P ».

9        Le 15 avril 2004, la requérante a manifesté son souhait de participer à l’appel d’offres en cause.

10      Le 17 avril 2004, la DG « Pêche » lui a envoyé les documents d’appel à la concurrence en précisant, dans la lettre d’accompagnement, qu’une réunion d’information à l’intention des soumissionnaires potentiels aurait lieu le 7 mai 2004. Le cahier des charges prévoyait, à ce propos, que les soumissionnaires pouvaient envoyer des questions écrites visant à éclaircir les points de l’appel d’offres en cause jusqu’à cinq jours ouvrables avant la date de ladite réunion et que les réponses seraient données lors de celle‑ci. Un résumé en anglais serait adressé à toutes les sociétés ayant demandé le cahier des charges.

11      Le 30 avril 2004, le conseil de la requérante, sans préciser quelle société il représentait, a adressé à la DG « Pêche » une lettre contenant six questions, assorties de certaines observations critiques, relatives à l’appel d’offres en cause. La DG « Pêche » lui a répondu, par courrier électronique du 3 mai 2004, en rappelant les dispositions du cahier des charges et en indiquant qu’il recevrait le compte rendu de la réunion d’information. Par télécopie du même jour, le conseil de la requérante a marqué son accord avec cette solution.

12      Parallèlement à l’échange de correspondances avec son conseil, le même jour, la requérante a elle-même adressé 36 questions à la DG « Pêche » par courrier électronique. Ces questions ont été envoyées une nouvelle fois le 3 mai 2004, par télécopie et par lettre recommandée. La requérante a envoyé, par courrier électronique, par télécopie et par lettre recommandée, une autre série de 14 questions la veille de la réunion d’information.

13      La réunion d’information a eu lieu le 7 mai 2004, en présence, notamment, de la requérante. Au cours de cette réunion, la DG « Pêche » a répondu aux questions qu’elle avait reçues jusqu’à la veille de ladite réunion.

14      Le même jour, un erratum concernant l’appel d’offres en cause a été envoyé par la DG « Pêche » à l’ensemble des sociétés qui avaient manifesté un intérêt pour cet appel d’offres.

15      Par courrier électronique du 12 mai 2004, la DG « Pêche » a adressé à la requérante le compte rendu de la réunion dans lequel figurait une première série de réponses aux questions posées. Une autre série de réponses aux questions qui n’avaient pas été traitées durant la réunion d’information lui a été adressée par courrier électronique le 17 mai 2004.

16      Le 19 mai 2004, date limite fixée pour la réception des offres, la requérante a soumissionné à l’appel d’offres en cause. Les dix offres reçues par la DG « Pêche » ont été ouvertes le 28 mai 2004 en présence de cinq soumissionnaires, dont la requérante.

17      Pendant les mois de juin et de juillet 2004, les offres ont été examinées par le comité d’évaluation, qui a proposé finalement de retenir l’offre de la société Intrasoft (ci‑après le « soumissionnaire retenu »), contractant actuel de l’époque, en considérant que c’était l’offre économiquement la plus avantageuse.

18      La proposition du comité d’évaluation a été ensuite entérinée par la DG « Pêche », qui, par lettre du 15 septembre 2004, a informé la requérante de la décision de rejeter son offre, en précisant que les motifs de ce rejet avaient trait à la composition et à la stabilité de l’équipe, aux procédures proposées pour le transfert des connaissances en fin de projet, ainsi qu’au fait que l’offre ne présentait pas le meilleur rapport qualité-prix. La DG « Pêche » indiquait également que la requérante pouvait demander par écrit des informations additionnelles sur les motifs du rejet de son offre.

19      Le 16 septembre 2004, la requérante a demandé par lettre et télécopie à la DG « Pêche » de lui communiquer le nom du soumissionnaire retenu, les résultats attribués à son offre technique et à celle du soumissionnaire retenu pour chaque critère d’évaluation, une copie du rapport du comité d’évaluation ainsi que la comparaison entre son offre financière et celle du soumissionnaire retenu. La requérante exprimait, en outre, ses objections quant aux premier et deuxième motifs concernant le rejet de son offre, et posait les questions suivantes :

« a)  quelles questions spécifiques du questionnaire et à quels critères d’attribution  spécifiques chacun de ces motifs fait-il référence ?

b)       pourquoi la réponse de la requérante sur chacun de ces points a-t-elle été  considérée comme de moindre qualité que celle du soumissionnaire  retenu ? ».

20      Les 11 et 19 octobre 2004, la requérante a envoyé à la DG « Pêche » deux lettres de rappel, en se plaignant, dans la dernière, du retard inéquitable et injustifié pris pour répondre à ses questions, et soulignait que ce retard risquait de compromettre gravement ses droits de recours.

21      Par lettre du 18 octobre 2004, envoyée par télécopie le 22 octobre 2004, la DG « Pêche » a répondu à ces lettres dans les termes suivants :

« […]

Selon le rapport d’évaluation votre offre a été évaluée de la façon suivante : selon le point 2.6.2 [du cahier des charges], les besoins de l’offre ont été, en règle générale, bien compris. La ventilation de la charge de travail entre les différents postes de développement est très proche des attentes de la DG. Les tests, qui sont très importants pour la DG, ont également été bien appréhendés.

Toutefois, l’expérience de l’équipe en ce qui concerne ColdFusion est une faiblesse. En outre, l’équipe proposée est composée de 16 personnes, ce qui, par rapport aux besoins de la DG, représente une équipe surdimensionnée. La charge de travail pour le transfert des connaissances en fin de projet et les garanties quant à la stabilité de l’équipe sont des points faibles dans l’offre.

La note moyenne pour l’évaluation technique, classée 4e, avec une différence considérable par rapport aux trois meilleures offres, est compensée par des prix journaliers bas qui classent l’offre en deuxième position conformément au point 2.6.4 [du cahier des charges].

Par comparaison, l’offre du [soumissionnaire retenu] a été appréciée comme suit : ‘L’offre est de bonne qualité (3e). Il n’y a pas de remarque particulière sur cette offre. Le soumissionnaire tire profit des prix journaliers bas qui lui permettent d’offrir le meilleur rapport qualité-prix’.

Vous trouverez ci‑après le tableau comparant votre offre à celle retenue pour ce qui est des critères d’attribution techniques.

             

Intrasoft

 

18

(TB)

52,5

(B)

45

(TB)

18

158,28

72

(TB)

45,71

30

(B)

37,5

(B)

22,5

(B)

20

(E)

European Dynamics

 

18

(TB)

[1er]

63

(TB)

[1er]

45

(TB)

[1er]

27


[2e]

118,78


[6e]

56

(S+)

[4e]

50


[1er]

26,4

(S)

[4e]

50

(E)

[1er]

21

(S+)

[5e]

20

(E)

[1er]

             


Vous trouverez ci‑après le tableau comparant votre offre, classée deuxième, à celle retenue, conformément aux dispositions du point 2.6.4 [du cahier des charges].

    
 

1,4973

347,23

519,89

 

1,4034

352,84

495,18


[…] »

22      Par télécopie du 26 octobre 2004, la requérante a énoncé une série de griefs à l’encontre de cette lettre, notamment en ce qui concernait les résultats de l’évaluation technique de son offre ; elle a également critiqué la procédure d’appel d’offres dans son ensemble et demandé qu’une nouvelle procédure soit lancée. 

23      Le 5 novembre 2004, la DG « Pêche » a répondu aux divers points soulevés par la requérante et annoncé qu’elle signerait le contrat avec l’attributaire. Dans ladite lettre, la DG « Pêche » précisait, notamment, ce qui suit :

« […]

Pour ce qui est du critère p) de la sélection technique, l’appréciation de la capacité technique de l’équipe dans la technologie ColdFusion se fonde sur les données que vous avez fournies dans la section 1.5.3.x.3 de votre offre. Le total des ‘points’ pour l’ensemble de l’équipe en ce qui concerne ColdFusion additionnés (145 points) a été divisé par 1 600 points (le maximum étant 100*16 CV). Le résultat de cette opération est égal à 9,06 %. La moyenne des résultats, pour ce critère, obtenus par l’ensemble des autres soumissionnaires est de 14,49 %, avec un maximum de 21,5 % et un minimum de 6,8 %. Sur la base dudit résultat, l’équipe a été classée en sixième position. Tenant compte de ce classement, le comité a considéré votre société, comparativement aux autres, comme ayant une certaine faiblesse dans cette technologie. Veuillez noter que cette évaluation fait partie de la phase de sélection des soumissionnaires et qu’elle ne se rapporte pas à votre offre dans le contexte de la phase d’attribution. Cette appréciation n’a affecté ni la note qualitative ni le résultat final.

La remarque portant sur le nombre de ressources de l’équipe se fonde sur un calcul financier. Le coût de l’équipe pour la durée maximale du contrat, aux prix indiqués dans votre offre est de 5 192 000 euros. Dans la section 1.1, la DG a fourni une estimation de 4 000 000 euros pour la durée totale du contrat. La différence entre l’estimation et la prévision est de 29,8 %. Ce résultat est la conséquence directe des prix journaliers indiqués dans votre offre. L’observation selon laquelle ‘l’équipe est surdimensionnée par rapport aux besoins de la DG’ était une information pour le comité d’évaluation, fondée sur l’incidence financière.

En ce qui concerne le critère h), ‘Garanties de stabilité de l’équipe’, votre offre a été classée en quatrième position. Le comité d’évaluation a estimé ce critère comme ‘satisfaisant’ et vous a attribué une note de 26,4 points sur 40. Vous mentionnez dans la section 1.5.4 de votre offre deux arguments : ‘années d’expérience et caractère professionnel [l’équipe]’ et ‘motivation personnelle’. Le comité a attribué une note ‘satisfaisante’ parce que, bien qu’il puisse accorder foi à la société en ce qui concerne la motivation personnelle, les données fournies dans la section 1.5.3.x.3 (nombre de mois d’expérience) à propos de l’équipe proposée aboutissent à une moyenne de 6,45 hommes/année alors que la moyenne pour l’ensemble des autres soumissionnaires est de 8,16 hommes/année. En outre, votre offre demeure assez vague s’agissant des mesures concrètes à mettre en œuvre pour garantir la stabilité de l’équipe, comme demandé dans le modèle de réponse.

En ce qui concerne le critère j) ‘Procédures et méthodes proposées pour le transfert des connaissances en fin de projet’, l’appel d’offres spécifiait un maximum de 100 hommes/jour pour cette activité. Vous avez précisé dans la section 1.5.7 de votre offre ‘Le nombre maximal d’hommes/jour nécessaire est de 40’. Compte tenu de l’expertise du comité concernant les applications décrites au point 7.2 [du cahier des charges], un chiffre de 40 hommes/jour pour l’activité de transfert est un chiffre légèrement sous-estimé. C’est pour cette raison que le comité a décidé de noter ce critère comme ‘satisfaisant plus’ et vous a attribué 21 points sur 30.

Enfin, l’appréciation ‘est une faiblesse dans l’offre’ à propos des critères h) et j) ne se réfère pas à ces critères spécifiques pris séparément, mais constitue une appréciation globale résultant d’une comparaison avec d’autres critères [a), b), c), d), g), i) et k)] qui ont été mieux notés dans votre offre. En outre, même si votre offre avait reçu le maximum de points pour les deux critères h) et j), la note finale (R) aurait été de 1,4675 et votre offre aurait toujours été classée en deuxième position.

[…] »

24      Par lettre du 8 novembre 2004, la requérante a encore une fois exposé ses critiques et demandé à la DG « Pêche » de ne pas procéder à la signature du contrat.

25      Le 15 novembre 2004, La DG « Pêche » a répondu qu’elle maintenait sa position quant au rejet de l’offre de la requérante et qu’elle n’entendait pas suspendre la signature du contrat.

 Procédure et conclusions des parties

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 novembre 2004, la requérante a introduit le présent recours.

27      La procédure écrite s’est achevée avec le dépôt du mémoire en défense, la requérante n’ayant pas déposé au greffe du Tribunal, conformément à l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal, une copie de l’original du mémoire en réplique dans le délai de dix jours suivant son envoi par télécopie.

28      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a invité la requérante à répondre par écrit à une série de questions et la Commission à produire certains documents, parmi lesquels, notamment, le rapport d’évaluation et l’offre du soumissionnaire retenu. La Commission a partiellement déféré à cette demande, en précisant qu’elle n’était pas en mesure de produire une version non confidentielle de l’offre du soumissionnaire retenu dans le délai imparti.

29      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 16 mai 2007. Le Tribunal a invité la Commission à produire la version non confidentielle de l’offre du soumissionnaire retenu dans un nouveau délai fixé au 28 mai 2007.

30      Par lettre du 25 mai 2007, la Commission a demandé une prorogation dudit délai. Le Tribunal a fait droit à cette demande en accordant une nouvelle prorogation jusqu’au 12 juin 2007. Une version non confidentielle de l’offre du soumissionnaire retenu a été versée au dossier par la Commission le 8 juin 2007. La requérante a présenté ses commentaires écrits sur ce document le 2 juillet 2007. La Commission ayant pris position sur les commentaires de la requérante par écrit, la procédure orale a été close le 19 juillet 2007.

31      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Commission de rejeter son offre et d’attribuer le contrat au soumissionnaire retenu (ci-après la « décision attaquée ») ;

–        ordonner à la Commission de procéder à une nouvelle évaluation de son offre ;

–        condamner la Commission aux dépens même en cas de rejet de la demande.

32      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

1.     Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions

33      Dans son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’ordonner à la Commission de procéder à une nouvelle évaluation de son offre.

34      La Commission fait valoir que le Tribunal n’est pas compétent pour prononcer une telle injonction, la Commission étant obligée, en cas d’annulation de la décision attaquée, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal, conformément à l’article 233 CE.

35      À cet égard, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, il ne lui appartient pas, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 230 CE, d’adresser des injonctions aux institutions (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, DSM/Commission, C‑5/93 P, Rec. p. I‑4695, point 36 ; arrêts du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T‑374/94, T‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, Rec. p. II‑3141, point 53, et du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T‑145/98, Rec. p. II‑387, point 83). En effet, si le Tribunal annule l’acte attaqué, il incombe alors à l’institution concernée de prendre, en vertu de l’article 233 CE, les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation (arrêts du Tribunal du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing/Commission, T‑67/94, Rec. p. II‑1, point 200 ; ADT Projekt/Commission, précité, point 84 ; ordonnances du Tribunal du 13 juillet 2004, Comunidad Autónoma de Andalucía/Commission, T‑29/03, Rec. p. II‑2923, point 26).

36      Il s’ensuit que le deuxième chef de conclusions, visant à ce qu’il soit ordonné à la Commission de réévaluer l’offre déposée par la requérante en réponse à l’appel d’offres litigieux, ne relève pas de la compétence du Tribunal et qu’il doit, par conséquent, être déclaré irrecevable.

2.     Sur le fond

37      À l’appui de son recours, visant à l’annulation de la décision attaquée, la requérante invoque cinq moyens. Le premier moyen est pris de l’atteinte au jeu de la libre concurrence et de la violation du principe de non-discrimination. Le deuxième moyen est fondé sur la violation de l’article 97, paragraphe 1, du règlement financier, ainsi que de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 92/50. Le troisième moyen est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission dans l’évaluation de l’offre de la requérante. Le quatrième moyen est tiré de l’absence d’informations pertinentes et de motivation. Le cinquième moyen est pris de la violation des principes de bonne administration et de diligence.

38      En l’espèce, le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord le quatrième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et de l’absence d’informations pertinentes

 Arguments des parties

39      La requérante fait valoir que la décision attaquée est viciée par l’absence d’une motivation adéquate. En premier lieu, la requérante reproche à la Commission de l’avoir privée de la possibilité d’apprécier la légalité de ses actes, en s’abstenant de répondre aux questions qu’elle avait posées et de fournir les clarifications réclamées à maintes reprises par écrit. En deuxième lieu, elle fait valoir que la Commission ne lui a pas fourni toutes les informations demandées quant aux motifs du rejet de l’offre. En troisième lieu, elle reproche à la Commission de ne pas lui avoir communiqué les rapports d’évaluation de son offre et de l’offre retenue, hormis les valeurs « qualité » et « prix ».

40      La requérante souligne que, en vertu notamment de l’article 253 CE et de l’article 8 de la directive 92/50, le pouvoir adjudicateur est tenu de motiver sa décision de rejeter l’offre d’un soumissionnaire, lorsque ce dernier lui en fait la demande, dans un délai de quinze jours.

41      En l’espèce, la DG « Pêche » n’aurait pas justifié de manière suffisante les raisons qui l’ont amenée à rejeter l’offre de la requérante, ni précisé quels étaient les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue, privant ainsi la requérante de la possibilité de formuler des commentaires quant au choix effectué et de le contester ainsi que de la possibilité éventuelle d’obtenir une réparation juridique. De plus, la DG « Pêche » se serait contentée d’invoquer le secret commercial pour justifier son refus de communiquer le rapport d’évaluation, qui devrait normalement être transmis à tous les soumissionnaires, conformément à l’article 12, paragraphe 2, de la directive 92/50.

42      La Commission conteste le grief de la requérante. Elle fait valoir que son raisonnement a été expliqué au fur et à mesure de chaque lettre qu’elle a envoyée à la requérante les 15 septembre, 18 octobre, 5 et 15 novembre 2004. Elle admet ne pas avoir respecté son obligation, fondée sur l’article 149 des modalités d’exécution, et non sur l’article 12 de la directive 92/50, de répondre dans les quinze jours suivant la lettre de la requérante du 16 septembre 2004, cependant elle estime que ce retard n’a pas affecté la capacité de cette dernière « d’évaluer la légalité de ses actes ». Il serait, en effet, évident que la requérante a utilisé les informations contenues dans ces lettres pour introduire le présent recours.

43      S’agissant de l’argument tiré du défaut de communication du rapport d’évaluation, ainsi que des valeurs « qualité » et « prix », pour son offre et pour celle du soumissionnaire retenu, la Commission indique que tous les extraits pertinents dudit rapport, y compris les chiffres comparés de la requérante et du soumissionnaire retenu, relatifs à la qualité et au prix, figuraient dans sa lettre du 18 octobre 2004. D’autres explications auraient été données, par la suite, dans sa lettre du 5 novembre 2004. Quant au fait qu’elle n’aurait pas communiqué à la requérante le rapport d’évaluation intégral, la Commission conteste avoir, aux termes de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, une quelconque obligation en ce sens.

44      En tout état de cause, l’allégation de la requérante, en ce qu’elle concerne une omission administrative postérieure à la décision attaquée, ne pourrait pas rétroactivement invalider cette décision.

 Appréciation du Tribunal

45      Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, selon une jurisprudence constante, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres. Le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite, dès lors, à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêts du Tribunal du 27 septembre 2002, Tideland Signal/Commission, T‑211/02, Rec. p. II‑3781, point 33, et du 6 juillet 2005, TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, T‑148/04, Rec. p. II‑2627, point 47 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 novembre 1978, Agence européenne d’intérims/Commission, 56/77, Rec. p. 2215, point 20).

46      Il convient d’observer, à titre liminaire, que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, ce n’est pas à la lumière des dispositions de la directive 92/50 – qui, en vertu de l’article 105 du règlement financier, ne s’applique aux marchés publics passés par les institutions communautaires pour leur propre compte que pour les seules questions relatives aux seuils qui déterminent les modalités de publication, le choix des procédures et les délais correspondants – que le respect de l’obligation de motivation du rejet de l’offre incombant à la Commission vis-à-vis du soumissionnaire évincé doit être examiné. Ainsi qu’il a été rappelé au point 1 ci-dessus, la passation du marché litigieux est, en effet, assujettie aux dispositions du règlement financier et de ses modalités d’exécution et, notamment, pour ce qui est de l’obligation de motivation, à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et à l’article 149 des modalités d’exécution.

47      Il résulte de ces articles, ainsi que de la jurisprudence du Tribunal, que la Commission satisfait à son obligation de motivation si elle se contente, tout d’abord, de communiquer immédiatement à tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre et fournit, ensuite, aux soumissionnaires ayant présenté une offre recevable et qui en font la demande expresse, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours de calendrier à compter de la réception d’une demande écrite (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 8 mai 1996, Adia Interim/Commission, T‑19/95, Rec. p. II‑321, points 31 ; du 26 février 2002, Esedra/Commission, T‑169/00, Rec. p. II‑609, points 188 et 189, et du 25 février 2003, Strabag Benelux/Conseil, T‑183/00, Rec. p. II‑135, point 54).

48      Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 253 CE, selon laquelle il convient de faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (arrêts Adia Interim/Commission, point 47 supra, point 32 ; Esedra/Commission, point 47 supra, point 190, et Strabag Benelux/Conseil, point 47 supra, point 55).

49      Il importe, en outre, de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

50      Ainsi, pour déterminer s’il est satisfait à l’exigence de motivation prévue par le règlement financier ainsi que par ses modalités d’exécution, il convient d’examiner non seulement la décision attaquée, mais également la lettre du 18 octobre 2004, envoyée à la requérante en réponse à sa demande expresse, réitérée dans ses lettres des 16 septembre, 11 et 19 octobre 2004, visant à obtenir des informations supplémentaires sur la décision d’attribution du marché en cause.

–       Sur la motivation contenue dans la décision attaquée et dans la lettre du 18 octobre 2004

51      À cet égard, il y a lieu de constater, tout d’abord, que, dans la décision attaquée, la DG « Pêche » s’est bornée, conformément à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, à énoncer les motifs justifiant le rejet de l’offre de la requérante. Ces motifs ont trait à la composition et à la stabilité de son équipe, ainsi qu’aux procédures proposées pour le transfert des connaissances en fin de projet, se rapportant, respectivement, aux critères techniques d’attribution définis au point 2.6.2, sous f), h) et j), du cahier des charges (voir point 8 ci-dessus), ainsi qu’à la circonstance que son offre ne présentait pas le meilleur rapport qualité-prix (point 2.6.4 du cahier des charges, voir point 8 ci-dessus).

52      Quant à la lettre du 18 octobre 2004, envoyée le 22 octobre 2004, il convient d’observer, d’emblée, que la DG « Pêche » a répondu à la requérante avec environ trois semaines de retard par rapport au délai maximal, établi à l’article 149, paragraphe 2, des modalités d’exécution, de quinze jours de calendrier à compter de la réception de sa demande écrite, qui a été envoyée par télécopie et par courrier, pour la première fois, le 16 septembre 2004. Ce retard, bien qu’il soit regrettable et en réalité non justifié, ne semble pas, toutefois, avoir restreint la possibilité de la requérante de faire valoir ses droits devant le Tribunal et ne peut pas, à lui seul, entraîner l’annulation de la décision attaquée. Il ressort, en effet, du dossier, que la requérante a utilisé toutes les informations contenues dans cette lettre pour former le présent recours.

53      Il y a lieu, ensuite, de relever que, dans ladite lettre, la DG « Pêche » a fourni d’autres précisions quant aux motifs justifiant le rejet de l’offre de la requérante. En effet, après avoir indiqué la procédure suivie lors de l’évaluation des offres, le nom de l’attributaire et le fait que l’offre de ce dernier avait été retenue, car elle était économiquement la plus avantageuse, elle a précisé, notamment, ce qui suit : « Toutefois, l’expérience de l’équipe en ce qui concerne ColdFusion est une faiblesse. En outre, l’équipe proposée est composée de 16 personnes, ce qui, par rapport aux besoins de la DG, représente une équipe surdimensionnée. La charge de travail pour le transfert des connaissances en fin de projet et les garanties quant à la stabilité de l’équipe sont des points faibles dans l’offre. » Elle a communiqué, enfin, les notes obtenues par l’offre de la requérante et celle du soumissionnaire retenu pour chacun des critères techniques d’évaluation, ainsi que le résultat de l’évaluation financière, sous forme de tableaux (voir point 21 ci‑dessus).

54      Or, si le pouvoir adjudicateur peut se limiter, dans un premier temps, à communiquer au soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre et n’est tenu que dans un second temps, dans l’hypothèse où le soumissionnaire en fait la demande par écrit, de lui communiquer les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue, il importe néanmoins de relever que, lorsque, comme en l’espèce, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour la Commission de motiver de façon suffisante ses décisions. C’est seulement ainsi que le juge communautaire est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14, et arrêt du Tribunal du 5 mars 2002, Le Canne/Commission, T‑241/00, Rec. p. II‑1251, points 53 et 54).

55      En l’espèce, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission et de l’étendue de l’obligation de motivation qui lui incombe à l’égard du soumissionnaire écarté, les informations contenues dans la décision attaquée et dans la lettre du 18 octobre 2004 n’apparaissent pas entièrement satisfaisantes. D’une part, elles ne laissent pas ressortir clairement les motifs du rejet de l’offre de la requérante et, d’autre part, n’éclaircissent pas suffisamment les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue.

56      En effet, à part les tableaux indiquant, d’une part, les notes obtenues par la requérante et par le soumissionnaire retenu quant aux critères techniques d’attribution et, d’autre part, le résultat final du calcul découlant de la formule figurant au point 2.6.4 du cahier des charges pour déterminer le meilleur rapport qualité-prix, la lettre du 18 octobre 2004 se limite à évoquer génériquement les points faibles de l’offre de la requérante ainsi que des commentaires vagues et succincts sur l’offre du soumissionnaire retenu. À l’égard de ce dernier, la lettre indique tout simplement ce qui suit : 

« Par comparaison, l’offre du [soumissionnaire retenu] a été appréciée comme suit : ‘L’offre est de bonne qualité (3e). Il n’y a pas de remarque particulière sur cette dernière. Le soumissionnaire tire profit des coûts journaliers bas qui lui permettent d’offrir le meilleur rapport qualité-prix’. »

57      De surcroît, il y a lieu d’observer que, ainsi qu’il a été constaté au point 52 ci‑dessus, les motifs de rejet de l’offre indiqués dans la décision attaquée, hormis celui du rapport qualité-prix, avaient trait à la composition et à la stabilité de l’équipe, ainsi qu’aux procédures proposées pour le transfert des connaissances en fin de projet, correspondant aux critères techniques définis au point 2.6.2, respectivement sous f), h) et j), du cahier des charges, et non, au critère technique défini au point 2.6.2, sous e), auquel la lettre du 18 octobre 2004 semble se rapporter lorsqu’elle mentionne la faiblesse de l’équipe proposée dans la technologie ColdFusion. S’agissant de la remarque, figurant dans la lettre du 18 octobre 2004, relative à la taille de l’équipe, il n’est pas clair qu’elle se réfère au critère technique défini au point 2.6.2, sous f), du cahier des charges relatif à la composition de l’équipe, évoqué dans la décision attaquée. Il en résulte que les motifs justifiant le rejet de l’offre ne ressortent pas clairement d’une lecture combinée des deux lettres de la DG « Pêche » censées satisfaire à l’exigence de motivation.

58      En outre, il convient de souligner que même la Commission a reconnu, dans ses écritures et à l’audience, que la motivation fournie dans ces deux premières lettres n’était pas entièrement satisfaisante. Elle soutient, en effet, avoir expliqué davantage son raisonnement, au fur et à mesure de chaque lettre, y compris celles des 5 et 15 novembre 2004 (voir, respectivement, points 23 et 25 ci‑dessus), qui devraient, dès lors, également être prises en considération pour établir s’il est satisfait à l’exigence de motivation, car la requérante aurait utilisé tous les éléments d’information y figurant pour former son recours, bien que la Commission elle-même ait admis, aux points 20 et 23 de son mémoire en défense, que la lettre du 5 novembre 2004 aurait pu prêter à confusion.

59      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsque, comme en l’espèce, l’institution concernée envoie une lettre, à la suite d’une demande du requérant d’explications supplémentaires au sujet d’une décision avant l’introduction d’un recours, mais après la date prévue par l’article 149, paragraphe 2, des modalités d’exécution, cette lettre peut aussi être prise en considération pour examiner si la motivation en l’espèce était suffisante. En effet, l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la requérante disposait au moment de l’introduction du recours, étant entendu, toutefois, que l’institution n’est pas autorisée à substituer une motivation entièrement nouvelle à la motivation initiale (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 25 février 2003, Renco/Conseil, T‑4/01, Rec. p. II‑171, point 96, et Strabag Benelux/Conseil, point 48 supra, point 58).

–       Sur la motivation contenue dans les lettres de la DG « Pêche » datées des 5 et 15 novembre 2004

60      Il y a lieu, dès lors, d’examiner si par le biais de la lettre du 5 novembre 2004 – censée, selon les propres affirmations de la Commission, compléter la motivation contenue dans la lettre du 18 octobre 2004 – la DG « Pêche » a fourni des explications plus détaillées, correspondant à celles données dans cette dernière, quant aux motifs strictement liés au rejet de l’offre de la requérante, étant précisé qu’il ne fait aucun doute qu’elle n’ajoute rien quant aux caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue. S’agissant de la lettre du 15 novembre 2004, il suffit de relever qu’elle n’apporte aucune explication supplémentaire sur ces deux aspects et qu’elle est, de ce fait, sans pertinence aux fins de l’appréciation de la motivation.

61      En ce qui concerne la lettre du 5 novembre 2004, force est de constater que, contrairement à ce que prétend la Commission, les explications inhérentes aux motifs du rejet de l’offre de la requérante qui y sont indiquées non seulement ne correspondent pas entièrement à celles qu’elle a fournies dans sa correspondance antérieure, mais font apparaître des incohérences graves et manifestes par rapport à celle‑ci. À cet égard, il convient également de rappeler que, lors de l’audience, même la Commission a reconnu, en réponse à une question du Tribunal, que les trois lettres envoyées à la requérante afin de mieux expliquer les motifs du rejet de son offre, à savoir la décision attaquée et les lettres des 18 octobre et 5 novembre 2004, prises ensemble, semblent être quelque peu incohérentes, voire contradictoires.

62      En premier lieu, le Tribunal constate que la DG « Pêche », après avoir fait référence pour la première fois, dans sa lettre du 18 octobre 2004, à la faiblesse de l’équipe de la requérante pour ce qui est de la technologie ColdFusion, affirme, dans sa lettre du 5 novembre 2004, que l’expérience de l’équipe dans ladite technologie avait été évaluée dans le cadre de la phase de sélection [voir le critère défini au point 2.5.3, sous p), du cahier des charges, point 8 ci-dessus] et non d’attribution. Cette thèse a été également reprise par la Commission dans son mémoire en défense et à l’audience.

63      Il convient de rappeler, à cet égard, que la DG « Pêche » a évoqué la question de l’expérience de l’équipe proposée en réponse à la lettre de la requérante du 26 octobre 2004, dans laquelle cette dernière avait précisé ce qui suit :

« Notre équipe d’experts couvre d’une manière très satisfaisante tous les domaines thématiques demandés par la DG « Pêche », y compris ColdFusion. La plupart des experts proposés offrent leurs services dans le domaine de ColdFusion à diverses organisations prestigieuses, y compris la Commission elle-même. Nous contestons toute allégation d’une prétendue ‘faiblesse’ dans cette technologie ou dans tout autre domaine de compétence requis. »

64      Il est, dès lors, évident que, contrairement à ce que semble soutenir la Commission, en mentionnant la technologie ColdFusion, la requérante se rapportait au critère d’attribution figurant au point 2.6.2, sous e), du cahier des charges (voir point 8 ci-dessus), et non au critère de sélection figurant au point 2.6.2, sous p), du cahier des charges (visant l’appréciation de la capacité technique dans le cadre de la phase de sélection, voir point 8 ci-dessus), ou, à tout le moins, elle considérait à juste titre que c’était audit critère d’attribution que la DG « Pêche » avait fait référence dans sa lettre du 18 octobre 2004, lorsqu’elle avait mentionné la faiblesse de l’équipe proposée par la requérante en ce qui concerne l’expérience dans la technologie ColdFusion. Cependant, dans sa lettre du 5 novembre 2004, la DG « Pêche » a répondu dans les termes suivants :

« Pour ce qui est du critère p) de la sélection technique, l’appréciation de la capacité technique de l’équipe dans la technologie ColdFusion se fonde sur les données que vous avez fournies dans la section 1.5.3.x.3 de votre offre. Le total des ‘points’ pour l’ensemble de l’équipe en ce qui concerne ColdFusion additionnés (145 points) a été divisé par 1 600 points (le maximum étant 100*16 CV). Le résultat de cette opération est égal à 9,06 %. La moyenne des résultats, pour ce critère, obtenus par l’ensemble des autres soumissionnaires est de 14,49 %, avec un maximum de 21,5 % et un minimum de 6,8 %. Sur la base dudit résultat, l’équipe a été classée en sixième position. Tenant compte de ce classement, le comité a considéré votre société, comparativement aux autres, comme ayant une certaine faiblesse dans cette technologie. Veuillez noter que cette évaluation fait partie de la phase de sélection des soumissionnaires et qu’elle ne se rapporte pas à votre offre dans le contexte de la phase d’attribution. Cette appréciation n’a affecté ni la note qualitative ni le résultat final […] »

65      Il est certes vrai que, à l’audience, la Commission a, pour la première fois, soutenu que le comité d’évaluation aurait confondu, pour ce qui est de l’appréciation de l’expérience de l’équipe proposée par la requérante dans la technologie ColdFusion, les critères de sélection et les critères d’attribution. Toutefois, il n’en demeure pas moins que, à supposer même que le comité d’évaluation ait confondu ces critères, ce qui, par ailleurs, n’est étayé par aucun élément du dossier, cela n’a pas dissuadé la Commission, qui, en tant que pouvoir adjudicateur, a pris la décision finale sur l’attribution du marché, de faire référence, dans sa lettre du 18 octobre 2004, à la faiblesse de l’équipe de la requérante dans ladite technologie, et ce dans le cadre d’une lettre qu’elle lui a adressée en réponse à sa demande expresse de connaître les détails des motifs du rejet de son offre ainsi que les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue. En toute hypothèse, il n’est pas possible de comprendre pour quelle raison, à ce stade de la procédure, la DG « Pêche » aurait dû faire référence à un critère, tel que celui relatif à la capacité technique de l’équipe, qui avait déjà été vérifié lors de la phase de sélection des candidatures et qui, de ce fait, ne devait pas être de nouveau pris en compte dans le cadre de la phase d’attribution.

66      Dès lors, le Tribunal ne peut pas établir si l’expérience de l’équipe proposée par la requérante, notamment dans la technologie ColdFusion, a été évaluée au regard du critère technique de sélection figurant au point 2.5.3, sous p), du cahier des charges, ce que soutient la Commission dans la lettre du 5 novembre 2004 ainsi que dans ses écritures et à l’audience, ou plutôt au regard du critère technique d’attribution figurant au point 2.6.2, sous e), du cahier des charges, ce qui semble ressortir de la lettre du 18 octobre 2004 lorsqu’elle se réfère à la faiblesse de l’équipe de la requérante dans ladite technologie, et, dans ce cas, si le nombre d’années d’expérience a été le seul élément pris en considération par la DG « Pêche » lors de l’appréciation de la « valeur technique de l’équipe mise à disposition » par la requérante.

67      En second lieu, le Tribunal constate que, dans la lettre du 18 octobre 2004, la DG « Pêche » affirme tout simplement que l’équipe proposée par la requérante était surdimensionnée par rapport à ses besoins, alors que, dans la lettre du 5 novembre 2004, toujours en réponse à un argument soulevé par la requérante dans sa lettre du 26 octobre 2004, elle soutient que la remarque sur le nombre de ressources de l’équipe était une information pour le comité d’évaluation qui se fondait sur l’incidence financière de l’offre.

68      Dans la lettre du 5 novembre 2004, la DG « Pêche » précise, en particulier, ce qui suit :

« La remarque portant sur le nombre de ressources de l’équipe se fonde sur un calcul financier. Le coût de l’équipe pour la durée maximale du contrat, aux prix indiqués dans votre offre est de 5 192 000 euros. Dans la section 1.1, la DG a fourni une estimation de 4 000 000 euros pour la durée totale du contrat. La différence entre l’estimation et la prévision est de 29,8 %. Ce résultat est la conséquence directe des prix journaliers indiqués dans votre offre. L’observation selon laquelle ‘l’équipe est surdimensionnée par rapport aux besoins de la DG’ était une information pour le comité d’évaluation, fondée sur l’incidence financière. »

69      Par ailleurs, au point 23 de son mémoire en défense, la Commission a expliqué que cette remarque n’avait aucun rapport avec les critères d’attribution appliqués par le comité d’évaluation, car l’évaluation financière de l’ensemble des offres avait été effectuée sur la base d’une stricte comparaison, en application de la formule indiquée au point 2.6.3 du cahier des charges. À propos de cette formule, la Commission précise :

« [L]e nombre de membres proposés pour former une équipe importe peu, puisque le même nombre de tarifs journaliers (correspondant aux différents profils requis) est pris en compte pour chaque soumissionnaire. En d’autres termes, il y a eu une égalisation du nombre de ressources incluses dans le calcul relatif à chaque soumissionnaire. » Cette thèse a été également reprise par la Commission lors de l’audience. En revanche, au point 17 de son mémoire en défense, la Commission semble suivre un autre raisonnement en se référant à la taille de l’équipe. En fait, elle affirme, tout d’abord, que si le comité d’évaluation a considéré que l’équipe proposée était surdimensionnée, ce n’est pas parce que la requérante a présenté le nombre maximal de curriculum vitæ, mais parce qu’elle proposait que les seize candidats fassent partie de son équipe principale, en précisant ensuite que, la taille moyenne des équipes des autres soumissionnaires étant de 10,8 personnes, le comité d’évaluation a estimé à bon droit que l’équipe proposée par la requérante serait trop grande. Lors de l’audience, en dépit de questions répétées du Tribunal, la Commission n’a pas été à même de fournir d’explications précises à cet égard et a finalement admis qu’une telle remarque n’aurait pas dû être faite.

70      Or, à supposer qu’il soit vrai que la remarque concernant le coût global de l’équipe proposée par la requérante n’a pas influencé l’évaluation financière de son offre, il n’en demeure pas moins que la DG « Pêche » a mentionné cet aspect dans la correspondance adressée à la requérante, alors que la question relative à la taille de l’équipe ne pouvait que relever du critère d’attribution figurant au point 2.6.2, sous f), du cahier des charges, critère pour lequel l’offre de la requérante avait été classée en quatrième position, ayant obtenu une note de 56 points sur 80. Il est évident que c’est à ce critère que la DG « Pêche » faisait référence dans la décision attaquée, ainsi que dans sa lettre du 18 octobre 2004, qui contient un complément de la motivation communiquée dans la décision attaquée.

71      Au vu de ces considérations, le Tribunal n’est pas à même de comprendre pour quelle raison la DG « Pêche » a mis en exergue, dans sa lettre du 5 novembre 2004, le coût de l’équipe proposée par la requérante, dès lors que cette lettre était censée répondre à celle de la requérante du 26 octobre 2004, dans laquelle celle‑ci s’arrêtait sur la prétendue erreur que le comité d’évaluation aurait commise en estimant que l’équipe était surdimensionnée. En tout état de cause, eu égard à l’ensemble des explications données par la Commission, l’on ne saurait établir si le caractère surdimensionné de l’équipe proposée par la requérante a ou non été considéré comme l’un des motifs justifiant le rejet de son offre.

72      De surcroît, il convient de relever que les arguments de la Commission ne sont pas non plus consistants par rapport à l’appréciation individuelle de l’offre de la requérante faite par le comité d’évaluation. Il ressort, en effet, du point 2.4.4.1 du rapport d’évaluation que ledit comité, après avoir rappelé que les besoins de la DG étaient plutôt bien cernés par la requérante, que la répartition de la charge de travail était proche des attentes de la DG et que les tests, qui étaient importants pour cette dernière, étaient bien appréhendés, a affirmé ce qui suit :

« Toutefois l’offre reste faible en terme d’expérience de l’équipe et présente une relative faiblesse en ColdFusion. En outre, l’équipe proposée est composée de 16 personnes, ce qui, par rapport aux besoins de la DG, est une équipe surdimensionnée. Dans l’hypothèse où le soumissionnaire serait sélectionné, la mobilisation de cette large équipe poserait des problèmes de financement. Enfin, la stabilité de l’équipe et les moyens de transfert des connaissances en fin de projet sont des points relativement faibles de l’offre […] Malgré une note de qualité moyenne (4e), assez éloignée des notes obtenues par les trois premiers, mais bien compensée par des prix bas, l’offre se place en 2e position qui selon les membres du comité ne reflète pas sa valeur globale. Bien que ce soumissionnaire ne soit pas le lauréat de l’appel d’offres, il est porté à l’attention de l’ordonnateur que, compte tenu du passif de la société, le comité ne recommande pas de recourir aux services de ce prestataire. »

73      Il est, dès lors, évident, contrairement à ce que prétend la Commission, que les aspects relatifs à la taille et à l’expérience de l’équipe proposée par la requérante dans la technologie ColdFusion ont été pris en considération par le comité d’évaluation dans le cadre de la phase d’attribution et non de sélection, ce qui expliquerait pourquoi la DG « Pêche », dans un premier temps, les a évoqués parmi les motifs justifiant le rejet de l’offre. D’ailleurs, s’il fallait suivre la thèse de la Commission, il résulterait que ni la faiblesse de l’offre de la requérante en ce qui concerne, notamment, l’expérience dans la technologie ColdFusion, ni le caractère surnuméraire de l’équipe proposée n’auraient justifié le rejet de l’offre, ce qui est manifestement contraire à la fois à la motivation fournie par la DG « Pêche » dans ses deux premières lettres et à l’appréciation du comité d’évaluation, qui a été entérinée par celle‑ci.

74      Quant aux critères techniques d’attribution figurant au point 2.6.2, sous h) et j), du cahier des charges relatifs, respectivement, aux garanties de stabilité de l’équipe et aux procédures et méthodes pour le transfert des connaissances en fin de projet, il ressort de la lettre du 5 novembre 2004 que, si, d’une part, la DG « Pêche » fournit des informations plus détaillées par rapport à celles contenues dans la décision attaquée et dans la lettre du 18 octobre 2004, d’autre part, elle affirme que « l’appréciation ‘est une faiblesse dans l’offre’ à propos [desdits critères] ne se réfère pas à ces critères spécifiques pris séparément, mais constitue une appréciation globale résultant d’une comparaison avec d’autres critères [a), b), c), d), g), i) et k)] qui ont été mieux notés dans votre offre ». Or, non seulement cette explication n’avait jamais été précisée auparavant, mais elle aussi, au vu de sa formulation elliptique, ne contribue pas non plus à éclairer le Tribunal sur l’ensemble des raisons qui ont amené la DG « Pêche » à rejeter l’offre de la requérante.

75      Ne saurait, enfin, être admise la thèse, soutenue par la Commission lors de l’audience, selon laquelle la lettre du 5 novembre 2004 serait la plus appropriée s’agissant de l’indication des motifs justifiant le rejet de l’offre. À cet égard, il y a lieu de rappeler que ce n’est que dans le cadre d’une première lettre, faisant état des motifs du rejet de l’offre du soumissionnaire évincé, ainsi que d’une deuxième lettre, censée communiquer, en réponse à une demande expresse dudit soumissionnaire, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre de l’attributaire du marché, que la Commission se doit de satisfaire à son obligation de motivation. Ainsi, une motivation satisfaisante doit intervenir, au plus tard, lors de l’envoi de la deuxième lettre, dont le but est de compléter la motivation initiale quant aux éléments ayant justifié la décision d’attribution du marché. L’éventuel envoi d’une troisième lettre, ainsi qu’il a été expliqué au point 60 ci-dessus, ne peut être pris en compte que dans le cas où une telle lettre confirme la motivation initiale, en se limitant à fournir plus de détails quant aux motifs justifiant le rejet de l’offre du soumissionnaire évincé et l’attribution du marché au soumissionnaire retenu, et non dans le cas, comme en l’espèce, où la Commission expose d’autres considérations qui vont jusqu’à remettre en cause la motivation fournie dans les deux premières lettres. Cela est d’autant plus vrai lorsque le but de la troisième lettre, envoyée en réponse aux griefs du soumissionnaire évincé, est tout simplement de « rectifier les erreurs » contenues dans la correspondance antérieure, ce qui, comme l’a admis la Commission à l’audience, a été le cas en l’espèce.

76      Au vu des considérations qui précèdent, d’une part, les explications contenues dans la lettre du 5 novembre 2004 ne peuvent être prises en considération pour établir si la DG « Pêche » a satisfait à son obligation de motivation et, d’autre part, dans la mesure où elles ne sont pas cohérentes par rapport à celles fournies précédemment, elles rendent d’autant plus obscur et équivoque son raisonnement quant aux motifs justifiant le rejet de l’offre de la requérante.

77      Le caractère ambigu de la motivation de la décision attaquée, ainsi que cela ressort d’une lecture combinée de l’ensemble des lettres envoyées par la DG « Pêche », a empêché tant la requérante que le Tribunal de connaître, avec suffisamment de certitude, les raisons justifiant le rejet de l’offre de la requérante.

78      De même, en raison de l’ambiguïté résultant des éléments contradictoires avancés dans les différents courriers adressés par la DG « Pêche » à la requérante en vue de justifier le rejet de son offre, le Tribunal n’est pas non plus en mesure de contrôler le bien-fondé de l’attribution du marché en cause au soumissionnaire retenu. Ainsi, la motivation fournie par la Commission ne permet pas d’identifier, avec suffisamment de certitude, les critères d’attribution retenus, en particulier ceux relatifs à la taille et à l’expérience de l’équipe proposée, ni de vérifier la manière dont ils ont été appliqués, et ce y compris à l’égard du soumissionnaire retenu.

79      Il résulte de ce qui précède que la décision de rejeter l’offre de la requérante et d’attribuer le marché au soumissionnaire retenu est entachée d’un défaut de motivation.

80      Il y a donc lieu d’annuler la décision attaquée, en ce que la Commission a violé l’obligation de motivation que lui imposent les articles 100 du règlement financier et 149 des modalités d’exécution, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués par la requérante.

81      S’agissant, enfin, de la demande de la requérante d’ordonner à la Commission la production des documents sollicités dans la requête, il suffit de constater que le Tribunal a, au titre des mesures d’organisation de la procédure, invité la Commission à produire le rapport d’évaluation et qu’elle a déféré à cette demande.

 Sur les dépens

82      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses conclusions et la requérante ayant conclu à la condamnation de la Commission aux dépens, il y a lieu de condamner cette dernière à supporter ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission de rejeter l’offre soumise par Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE et d’attribuer le marché au soumissionnaire retenu dans le cadre de la procédure d’appel d’offres « FISH/2004/02 » est annulée.

2)      La Commission supportera l’ensemble des dépens.

Jaeger

Azizi

Cremona

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 septembre 2008.

E. Coulon

 

      M. Jaeger

Table des matières

Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions

2.  Sur le fond

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et de l’absence d’informations pertinentes

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Sur la motivation contenue dans la décision attaquée et dans la lettre du 18 octobre 2004

–  Sur la motivation contenue dans les lettres de la DG « Pêche » datées des 5 et 15 novembre 2004

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.