Language of document : ECLI:EU:T:2020:187

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

13 mai 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale Peek & Cloppenburg – Dénomination commerciale nationale antérieure Peek & Cloppenburg – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 4, du règlement (UE) 2017/1001 – Coexistence de la dénomination commerciale nationale et de la marque demandée – Accord de délimitation – Application du droit national par l’EUIPO – Suspension de la procédure administrative – Article 70 du règlement 2017/1001 – Règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement (CE) no 2868/95 [devenue article 71, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) 2018/625] – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T–446/18,

Peek & Cloppenburg KG, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée par Me P. Lange, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Hanf, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Peek & Cloppenburg KG, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Mes A. Renck, M. Petersenn et C. Stöber, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 20 avril 2018 (affaire R 1589/2007-1), relative à une procédure d’opposition entre Peek & Cloppenburg (Hambourg) et Peek & Cloppenburg (Düsseldorf),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, J. Schwarcz et C. Iliopoulos (rapporteur), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juillet 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 18 octobre 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 8 octobre 2018,

vu les décisions des 27 août et 25 octobre 2018 refusant de joindre la présente affaire avec les affaires T‑443/18 à T‑445/18, d’une part, et avec les affaires T‑443/18 à T‑445/18, T‑534/18 et T‑535/18, d’autre part,

vu la décision du 14 octobre 2019 portant jonction des affaires T‑444/18 à T‑446/18, T‑534/18 et T‑535/18 aux fins de la phase orale de la procédure,

à la suite de l’audience du 10 décembre 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 17 février 2005, la requérante, Peek & Cloppenburg KG (Düsseldorf), a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Peek & Cloppenburg.

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 8, 9, 14, 16, 18, 20, 24, 25, 26, 28, 34, 35, 37, 39, 40 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; produits pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 8 : « Outils et appareils à main entraînés manuellement pour la construction de machines, d’appareils et de véhicules ainsi que pour les techniques de construction ; coutellerie, fourchettes et cuillers ; armes blanches ; rasoirs » ;

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, électriques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours et d’enseignement ; appareils et instruments électriques (compris dans la classe 9) ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; extincteurs » ;

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué (compris dans la classe 14) ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques » ;

–        classe 16 : « Papier, carton et produits en ces matières (compris dans la classe 16) ; produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles) ; matériel d’enseignement (à l’exception des appareils) ; matières plastiques pour l’emballage (comprises dans la classe 16) ; caractères d’imprimerie ; clichés » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières (compris dans la classe 18) ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 20 : « Meubles, glaces (miroirs), cadres ; produits (compris dans la classe 20) en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques » ;

–        classe 24 : « Tissus et produits textiles (compris dans la classe 24) ; couvertures de lit et de table » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 26 : « Dentelles et broderies, rubans et lacets ; boutons, crochets et œillets, épingles et aiguilles ; fleurs artificielles » ;

–        classe 28 : « Jeux, jouets, articles de gymnastique et de sport (compris dans la classe 28), décorations pour arbres de Noël ; cartes à jouer » ;

–        classe 34 : « Tabac ; articles pour fumeurs ; allumettes » ;

–        classe 35 : « Publicité ; gestion des affaires commerciales, administration commerciale ; travail de bureau » ;

–        classe 37 : « Construction et réparation » ;

–        classe 39 : « Transport ; emballage et entreposage de marchandises ; organisation de voyages » ;

–        classe 40 : « Traitement de matériaux ».

–        classe 41 : « Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 36/2005, du 5 septembre 2005.

5        Le 5 décembre 2005, l’intervenante, Peek & Cloppenburg KG (Hambourg), a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement no 40/94 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la dénomination commerciale Peek & Cloppenburg reconnue comme telle en Allemagne et utilisée pour fabriquer et commercialiser des vêtements pour hommes, femmes et enfants ainsi que des accessoires, tels que des ceintures et d’autres articles en cuir.

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient, d’une part, ceux visés à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001), conjointement avec l’article 5, paragraphe 2, l’article 6, paragraphe 3, et l’article 15, paragraphe 2, du Gesetz über den Schutz von Marken und sonstigen Kennzeichen (Markengesetz) (loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs), du 25 octobre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 3082, ci-après la « loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs ») et, d’autre part, ceux visés à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94, conjointement avec l’article 5, paragraphe 2, l’article 6, paragraphe 3, et l’article 15, paragraphe 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs.

8        Le 30 août 2007, la division d’opposition a partiellement accueilli l’opposition. Elle a rejeté la demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour les produits et services suivants :

–        classe 3 : « Savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices » ;

–        classe 8 : « Coutellerie, rasoirs » ;

–        classe 9 : « Appareils et instruments optiques » ;

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué (compris dans la classe 14) ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques » ;

–        classe 16 : « Produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies » ;

–        classe 20 : « Produits (compris dans la classe 20) en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières (compris dans la classe 18) ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes » ;

–        classe 24 : « Tissus et produits textiles (compris dans la classe 24) ; couvertures de lit et de table » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie »;

–        classe 26 : « Dentelles et broderies, rubans et lacets ; boutons, crochets et œillets, épingles et aiguilles » ;

–        classe 28 : « Articles de gymnastique et de sport (compris dans la classe 28) » ;

–        classe 34 : « Tabac ; articles pour fumeurs ; allumettes » ;

–        classe 35 : « Publicité ; gestion des affaires commerciales, administration commerciale ; travail de bureau » ;

–        classe 37 : « Réparation » ;

–        classe 39 : « Transport ; emballage et entrepose de marchandises » ;

–        classe 40 : « Traitement des matériaux » ;

–        classe 41 : « Éducation ».

9        La division d’opposition a accueilli l’opposition au motif qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 en combinaison avec l’article 5, paragraphe 2, l’article 6, paragraphe 3, et l’article 15, paragraphe 2, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs pour les produits et services susmentionnés, pour lesquels elle a constaté une proximité de produits ou de secteur au sens de l’article 15, paragraphe 2, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs. Pour les autres produits et services, elle a rejeté l’opposition au motif de l’absence de proximité de produits ou de secteur au sens de ladite disposition et dans la mesure où les exigences posées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 conjointement avec l’article 5, paragraphe 2, l’article 6, paragraphe 3, et l’article 15, paragraphe 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs n’étaient pas remplies. En outre, la division d’opposition a condamné la requérante et l’intervenante à supporter leurs propres frais.

10      Le 5 octobre 2007, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 57 à 63 du règlement no 40/94 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition dans la mesure où elle rejetait sa demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour les produits et services visés au point 8 ci-dessus. Dans ses observations en réponse au recours, l’intervenante a demandé la réformation de cette décision dans la mesure où elle rejetait l’opposition qui visait toujours l’intégralité de la liste des produits et des services mentionnés au point 3 ci-dessus.

11      Par décision du 25 octobre 2011, la procédure d’opposition a été suspendue en raison de procédures pilotes devant l’EUIPO relatives à des procédures d’opposition entre la requérante et l’intervenante (affaires R 53/2005-1 et R 262/2005-1) (ci-après les « procédures pilotes »). Dans les procédures pilotes, par décisions de la première chambre de recours de l’EUIPO du 28 février 2011, les oppositions fondées sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 40/94 ont été admises et les demandes de la requérante d’enregistrement du signe verbal Peek & Cloppenburg ont été rejetées.

12      Par deux arrêts du 18 avril 2013, Peek & Cloppenburg/OHMI – Peek & Cloppenburg (Peek & Cloppenburg) (T‑506/11, non publié, EU:T:2013:197), et du 18 avril 2013, Peek & Cloppenburg/OHMI – Peek & Cloppenburg (Peek & Cloppenburg) (T‑507/11, non publié, EU:T:2013:198), le Tribunal a rejeté les recours formés par la requérante contre les décisions de la première chambre de recours de l’EUIPO du 28 février 2011 dans les procédures pilotes. Par arrêt du 10 juillet 2014, Peek & Cloppenburg/OHMI (C‑325/13 P et C‑326/13 P, non publié, EU:C:2014:2059), la Cour a rejeté les pourvois dans le cadre desquels la requérante a demandé l’annulation desdits arrêts.

13      Après la clôture définitive des procédures pilotes, la présente procédure d’opposition a repris.

14      Dans une autre procédure entre la requérante et l’intervenante relative aux marques allemandes de la requérante (dont également trois marques Peek & Cloppenburg), l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne), après renvoi par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne), a par décision du 7 juillet 2015 (affaire I-20 U 24/07), condamné la requérante à donner son consentement à la radiation desdites marques (ci-après « l’arrêt de l’Oberlandesgericht Düsseldorf »). Le 28 avril 2016, cet arrêt est devenu définitif après rejet du recours en autorisation du pourvoi en cassation par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice).

15      Le 29 septembre 2015, la requérante a limité la liste de la demande d’enregistrement de la marque demandée. Cette limitation s’est traduite comme suit :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; produits pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 8 : « Outils et appareils à main entraînés manuellement pour la construction de machines, d’appareils et de véhicules ainsi que pour les techniques de construction ; coutellerie, fourchettes et cuillers ; armes blanches ; rasoirs » ;

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, électriques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours et d’enseignement ; appareils et instruments électriques (compris dans la classe 9) ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrement magnétiques, disques acoustiques ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l’information et les ordinateurs ; extincteurs » ;

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages, ainsi que montres en métaux précieux et leurs alliages, œuvres d’art en métaux précieux et leurs alliages (compris dans la classe 14), joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques » ;

–        classe 16 : « Papier, carton et autocollants, images, affiches, cartes postales, livres et pochettes pour documents en ces matières (compris dans la classe 16) ; produits de l’imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles) ; matériel d’enseignement (à l’exception des appareils) ; matières plastiques pour l’emballage (comprises dans la classe 16) ; cartes à jouer ; caractères d’imprimerie ; clichés » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières, compris dans la classe 18, à savoir sacs, sacs à main, portefeuilles, bourses, étuis pour clés, étuis pour appareils électroniques, sets de voyage, sacs à dos, petits sacs ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 20 : « Meubles, glaces (miroirs), cadres ; meubles, glaces (miroirs), cadres, coffrets [meubles], ainsi que peignes (compris dans la classe 20), en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer ou en matières plastiques » ;

–        classe 24 : « Tissus et produits textiles (compris dans la classe 24) ; couvertures de lit et de table » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 26 : « Dentelles et broderies, rubans et lacets ; boutons, crochets et œillets, épingles et aiguilles ; fleurs artificielles » ;

–        classe 28 : « Jeux, jouets, articles de gymnastique et de sport (compris dans la classe 28), décorations pour arbres de Noël ; cartes à jouer » ;

–        classe 34 : « Tabac ; articles pour fumeurs ; allumettes » ;

–        classe 35 : « Publicité ; gestion des affaires commerciales, administration commerciale ; travail de bureau » ;

–        classe 37 : « Construction, réparation de vêtements » ;

–        classe 39 : « Transport ; emballage et entreposage de marchandises ; organisation de voyages » ;

–        classe 40 : « Teinture du cuir ; services de coupe de tissus ; traitement des colles et des textiles » ;

–        classe 41 : « Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ».

16      Le 12 janvier 2017, la requérante a demandé auprès de l’EUIPO la suspension de la procédure (ci-après la « demande de suspension ») jusqu’à l’adoption d’une décision définitive dans le cadre d’une action reconventionnelle en constatation d’un droit qu’elle a formée le 30 novembre 2016 contre l’intervenante (ci-après l’ « action reconventionnelle en constatation d’un droit ») devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf, Allemagne). Par ladite action reconventionnelle, elle a demandé au Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) de constater qu’elle a le droit de faire enregistrer des marques dérivées de sa dénomination commerciale et de les utiliser dans les régions de l’Allemagne qui lui ont été attribuées par un accord de délimitation conclu entre les parties en 1990 et prétendument confirmé en 1992 (ci-après l’ « accord de délimitation »). L’accord de délimitation consiste uniquement en des cartes géographiques indiquant les sigles des parties et des traits sur chaque carte pour indiquer les territoires qui leur sont respectivement attribués.

17      Par décision du 20 avril 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a estimé que l’opposition était fondée et a rejeté la demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour l’ensemble des produits et services demandés. En outre, elle a rejeté la demande de suspension.

18      En premier lieu, la chambre de recours a rappelé les conditions cumulatives posées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 ainsi que les conditions de l’article 15 de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs.

19      En deuxième lieu, la chambre de recours s’est référée aux constatations qu’elle a effectuées dans les procédures pilotes et a renvoyé à la motivation figurant dans les décisions correspondantes.

20      En troisième lieu, la chambre de recours a estimé que la dénomination commerciale Peek & Cloppenburg était utilisée par l’intervenante dans la vie des affaires pour désigner son entreprise et ses magasins en Allemagne et constituait une dénomination commerciale protégée au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs. Elle a ajouté que ladite dénomination commerciale, qui possédait un caractère distinctif élevé, était antérieure à la date de la demande d’enregistrement de la marque demandée au sens de l’article 6 de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs et que son utilisation avait une portée qui n’était pas seulement locale.

21      En quatrième lieu, d’une part, la chambre de recours a constaté l’identité de la dénomination commerciale de l’intervenante avec la marque demandée ainsi que, pour une partie des produits et services concernés, une proximité des secteurs, emportant un risque de confusion au sens de l’article 15, paragraphe 2, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs. D’autre part, dans la mesure où une proximité des secteurs n’a pas été prouvée, la chambre de recours a conclu à ce que l’utilisation de la marque demandée diluerait la dénomination commerciale de l’intervenante ou l’exploiterait de manière illicite au sens de l’article 15, paragraphe 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs.

22      En cinquième lieu, s’agissant de l’argument qui n’avait pas encore été invoqué par la requérante dans les procédures pilotes et selon lequel elle disposait, sur la base de l’accord de délimitation, d’un droit contractuel d’utiliser et de faire enregistrer la marque demandée, premièrement, la chambre de recours a relevé que l’accord de délimitation ne liait pas l’EUIPO, mais devait être appliqué aux parties au contrat par la juridiction compétente des États membres. Deuxièmement, elle a estimé que la requérante n’avait pas prouvé que ledit accord lui conférait le droit d’utiliser et de faire enregistrer des marques de l’Union européenne. À cet égard, elle a observé que, d’une part, de tels droits ne résulteraient pas de l’arrêt de l’Oberlandesgericht Düsseldorf et, d’autre part, même dans l’hypothèse où l’accord de délimitation engloberait également l’enregistrement de marques, il n’était pas établi que celui-ci s’étendait également à des marques de l’Union européenne.

23      En sixième lieu, la chambre de recours a estimé, en substance, que la requérante n’avait pas non plus prouvé que le jugement déclaratoire souhaité dans le cadre de l’action reconventionnelle en constatation d’un droit devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) produirait des effets procéduraux sur la présente procédure dans la mesure où un tel jugement n’obligerait pas l’intervenante à retirer son opposition formée devant l’EUIPO. En outre, la chambre de recours a observé que le contenu dudit recours n’avait pas de conséquence sur la procédure en l’espèce étant donné que la requérante n’avait pas prouvé que l’accord de délimitation (prétendument conclu en 1990 et prétendument confirmé en 1992) lui conférait le droit d’utiliser et de faire enregistrer des marques de l’Union européenne et que, même dans l’hypothèse où l’accord de délimitation engloberait également l’enregistrement de marques, il ne serait pas établi qu’il engloberait des territoires de vente situés en dehors de l’Allemagne et des marques de l’Union européenne qui n’avaient été réglementées que par le règlement no 40/94.

24      En conclusion, la chambre de recours a rejeté le recours et, partant, fait droit à l’opposition sur la base de la dénomination commerciale de l’intervenante.

 Conclusions des parties

25      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

26      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

27      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux de l’intervenante.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité des renvois opérés par la requérante à ses arguments présentés devant l’EUIPO

28      L’intervenante prétend, en substance, que la requérante se limite à plusieurs reprises, notamment aux points 18, 20, 28, 31, 32, 35 et 36 de sa requête, à des renvois globaux à des mémoires qu’elle a déposés antérieurement. Ces renvois ne sauraient compenser l’absence des éléments essentiels dans les considérations juridiques que la requête doit présenter conformément à l’article 177, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

29      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, la requête introduite dans le cadre d’un recours dirigé contre l’EUIPO doit contenir, notamment, l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et du règlement de procédure. De plus, cet exposé, même sommaire, doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. La sécurité juridique et une bonne administration de la justice exigent, pour qu’un recours ou, plus spécifiquement, un moyen du recours soient recevables, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ceux-ci se fondent ressortent de façon cohérente et compréhensible, du texte même de la requête [voir arrêt du 4 octobre 2018, Blackmore/EUIPO – Paice (DEEP PURPLE), T‑345/16, non publié, EU:T:2018:652, point 45 et jurisprudence citée].

30      S’il est vrai que le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête. Ainsi, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, voire dans le dossier administratif de l’EUIPO, les moyens qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un argument est invoqué au soutien d’un moyen [voir arrêt du 9 mars 2018, Recordati Orphan Drugs/EUIPO – Laboratorios Normon (NORMOSANG), T‑103/17, non publié, EU:T:2018:126, point 24 et jurisprudence citée]. En outre, les renvois au dossier administratif de l’EUIPO ne peuvent être pris en considération que dans la mesure où il est possible de déterminer avec précision quels sont les éléments que ce dossier contient qui étayent ou complètent les moyens ou arguments expressément invoqués par la partie requérante dans le corps de ses écritures (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 mars 2013, Dole Food et Dole Germany/Commission, T‑588/08, EU:T:2013:130, point 462 et jurisprudence citée).

31      En l’espèce, tout d’abord, au point 20 de sa requête, la requérante renvoie à un ensemble d’arguments qu’elle a présenté devant la chambre de recours et invite le Tribunal à se reporter au dossier administratif. Plus particulièrement, en opposition au constat de la chambre de recours selon lequel il ne serait pas établi que l’accord de délimitation s’étende à des marques de l’Union européenne, elle avance que, « [a]vant de livrer une telle interprétation, [la chambre de recours] aurait pourtant dû examiner l’exposé circonstancié fait par [elle] dans ses mémoires du 2 février 2016, du 30 juin 2016 et du 12 janvier 2017, ainsi que les preuves produites dans ce contexte, montrant que l’[intervenante] elle-même a fait enregistrer une marque de l’Union européenne nominative [composée à partir de sa dénomination commerciale] et qu’elle en a effectivement amplement fait usage ». À titre d’exemple, la requérante renvoie à des preuves d’un usage par l’intervenante de certaines de ses propres marques « nominatives » dans la copie de l’action reconventionnelle en constatation d’un droit annexée au mémoire du 12 janvier 2017.

32      Il y a lieu de relever que la requérante ne précise pas davantage, au point 20 de sa requête, les passages des mémoires déposés devant l’EUIPO de nature à étayer ses allégations, à l’exception de deux renvois à des points précis, à savoir aux points 45 à 49 du mémoire du 30 juin 2016 et au point 57 du mémoire du 2 février 2016. Hormis ces deux derniers renvois, la requérante s’est donc contentée d’effectuer un renvoi global au dossier administratif, au sens de la jurisprudence citée aux points 29 et 30 ci‑dessus, lequel doit dès lors être déclaré irrecevable.

33      Ensuite, au point 35 de sa requête, concernant le droit des entreprises de même nom, la requérante indique que « [l]es deux parties ont acquis des droits de marque équivalents sur leurs dénominations commerciales totalement identiques et c’est la raison pour laquelle l’opposante ne saurait invoquer le nécessaire bon droit à l’encontre des marques de la requérante » et renvoie à cet égard aux « points 56 et suivants [de son mémoire devant l’EUIPO] du 30 juin 2016 ». Or, la partie du mémoire de la requérante du 30 juin 2016 qui débute au point 56 sous l’intitulé « Application du droit des entreprises de même nom contraire aux droits fondamentaux » et s’étend jusqu’au point 90 dudit mémoire contient des considérations développées par la requérante à l’égard d’une application du droit des entreprises de même nom prétendument contraire aux articles 3, 12 et 14 du Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland (loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne).

34      Il y a lieu de relever que lesdites observations de la requérante, qui s’étendent sur plus de 30 points et qui font elles-mêmes référence à des parties d’annexes s’étendant sur 236 pages, reposent sur des considérations juridiques qui ne sont pas visées dans l’argument de la requête auquel le renvoi est censé se rattacher. Par conséquent, en application de la jurisprudence susmentionnée au point 30 ci-dessus, le renvoi opéré par la requérante au point 35 de sa requête aux points 56 et suivants de son mémoire devant l’EUIPO du 30 juin 2016, doit également être déclaré irrecevable.

35      Enfin, dans la mesure où l’intervenante critique également les renvois effectués aux points 18, 28 et 32 de la requête, il convient de constater que lesdits renvois concernent des observations de la requérante sur des points spécifiques, qui sont étayés et complétés par des renvois à des passages déterminés du dossier administratif. En effet, au point 18 de sa requête, la requérante renvoie, entre autres, aux points 1 et 2 du mémoire du 28 septembre 2015 et, en substance, aux points 8 et suivants du mémoire du 2 février 2016 qui, ensemble avec l’annexe B 22, abordent le sujet traité au point 18, à savoir le critère tiré de l’usage « non autorisé » c’est-à-dire « sans le consentement du titulaire du signe antérieur ». Au point 28 de sa requête, la requérante renvoie au point 9 du mémoire du 12 janvier 2017 qui a trait, comme indiqué au point 28 de la requête, à une prétendue confirmation de l’accord de délimitation en 1992. Contrairement à ce que fait valoir l’intervenante, la question de savoir si le point 9 du mémoire du 12 janvier 2017 est apte à étayer l’allégation faite au point 28 de la requête est une question de fond et ne concerne pas la recevabilité du renvoi. Au point 32 de sa requête, la requérante renvoie au point 15 de cette requête, qui pour sa part, renvoie au point 93 du mémoire du 30 juin 2016 et au point 18 du mémoire du 12 janvier 2017. Les deux renvois ne revêtent pas un caractère global, mais s’avèrent précis dans la mesure où ils concernent des passages déterminés et encadrés du dossier administratif. La question de savoir s’ils sont aptes à étayer l’allégation faite au point 32 de la requête selon laquelle l’intervenante se comporte de manière illicite au regard du principe venire contra factum proprium dans la mesure où, après la conclusion de l’accord de délimitation, elle a demandé, le 29 avril 1996, l’enregistrement d’une marque PUC en tant que marque de l’Union européenne, est une question de fond et sera traitée ci-après au point 96.

36      Par conséquent, les renvois effectués au point 20 de la requête aux points 45 à 49 du mémoire du 30 juin 2016 et au point 57 du mémoire du 2 février 2016 ainsi que les renvois effectués aux points 18, 28 et 32 de la requête sont recevables. En outre, il convient d’observer que les points 31 et 36 de la requête, critiqués par l’intervenante en raison de prétendus renvois globaux auxquels ils procéderaient, ne contiennent, en réalité, aucun renvoi.

 Sur la recevabilité de certains éléments de fait invoqués pour la première fois devant le Tribunal et la chambre de recours de l’EUIPO

37      Premièrement, l’intervenante fait valoir que l’argumentation de la requérante concernant l’usage qu’aurait fait l’intervenante de la marque PUC est tardive. Selon elle, ce n’est que dans le cadre de la requête que la requérante a exposé, pour la première fois, que l’usage de la marque verbale PUC serait pertinent aux fins de l’interprétation de l’accord de délimitation. L’intervenante soutient également que ce ne serait que devant le Tribunal que la requérante aurait invoqué la contradiction (principe du venire contra factum proprium) qui ressortirait de son usage de la marque PUC. Dans le même temps, elle observe que c’est dans son mémoire du 2 février 2016 devant la chambre de recours que la requérante aurait évoqué pour la première fois l’usage de la marque PUC comme constitutif d’un tel comportement contradictoire.

38      Deuxièmement, l’intervenante prétend, en substance, que l’argumentation de la requérante concernant l’importance et le contenu de l’accord de délimitation est, de surcroît, tardif selon la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1) [devenu article 27, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)]. En effet, selon elle, l’accord de délimitation est invoqué pour la première fois par la requérante dans son mémoire du 28 septembre 2015 devant la chambre de recours, à savoir huit ans après son mémoire exposant les motifs du recours du 21 décembre 2007, en prétendant qu’il en découle l’« autorisation » pour elle d’enregistrer des marques de l’Union européenne. Il n’existerait pas de motif valable qui expliquerait la raison pour laquelle la requérante présente aussi tardivement la teneur supposée de l’accord.

39      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001 et que, dans le contentieux de l’annulation, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des éléments de preuve présentés pour la première fois devant lui. Des éléments de fait qui sont invoqués devant le Tribunal sans avoir été portés auparavant devant les instances de l’EUIPO ne sauraient affecter la légalité d’une telle décision que si l’EUIPO avait dû les prendre en considération d’office [voir arrêt du 2 février 2017, Mengozzi/EUIPO – Consorzio per la tutela dell’olio extravergine di oliva toscano (TOSCORO), T‑510/15, EU:T:2017:54, point 21 et jurisprudence citée].

40      Or, en l’espèce, contrairement à ce que fait valoir l’intervenante, la requérante a déjà avancé devant la chambre de recours son argumentation selon laquelle il fallait interpréter l’accord de délimitation en tenant compte du comportement ultérieur des parties à cet accord, tel que l’usage étendu que l’intervenante fait de ses propres noms de marques, notamment la marque PUC, ce qui amènerait au constat que ledit accord lui conférerait le droit d’utiliser et d’enregistrer des marques de l’Union européenne. En ce qui concerne l’argument tiré d’un comportement prétendument contradictoire de la part de l’intervenante (principe du venire contra factum proprium) qui se manifeste sous l’aspect de l’usage de la marque PUC, il convient de relever que ledit argument a été évoqué par la requérante au point 93 de son mémoire du 30 juin 2016 auquel elle se réfère aux points 15 et 32 de sa requête.

41      Partant, en application de la jurisprudence reprise au point 39 ci-dessus, lesdits éléments de fait ne peuvent, contrairement à ce que fait valoir l’intervenante, être écartés comme irrecevables.

42      En outre, dans la mesure où l’intervenante fait valoir que la requérante a exposé tardivement devant la chambre de recours son argumentation concernant l’importance et le contenu de l’accord de délimitation, et invoque la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 2868/1995, elle remet en réalité en cause la légalité de la décision attaquée dans la mesure où la chambre de recours aurait admis comme tels les faits invoqués pour la première fois devant elle sans que les conditions de ladite disposition ne soient remplies.

43      Or, dans la mesure où l’intervenante n’a pas formé de recours contre la décision attaquée, mais demande, par ses conclusions, le rejet du recours de la requérante, il convient de rejeter ses observations à cet égard comme étant inopérantes.

 Sur le fond

44      La requérante invoque quatre moyens, tirés, premièrement, de la violation des dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 et de l’article 15, paragraphe 2, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs, deuxièmement, de la violation des dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 et de l’article 15, paragraphe 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs, troisièmement, de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, et quatrièmement, en substance, de la violation des dispositions combinées de l’article 70, du règlement 2017/1001 et de la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement no 2868/95 (devenue article 71, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625).

45      La requérante fait valoir, par ses trois premiers moyens, que la chambre de recours a interprété de manière erronée les dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 et de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs dans la mesure où elle n’a pris en compte que de manière incomplète les conditions matérielles prévues par le droit allemand. Par son quatrième moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a violé les dispositions combinées de l’article 70, du règlement 2017/1001 et de la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement no 2868/95 en ce qu’elle a commis des erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation de sa demande de suspension, se livrant ainsi à un détournement de pouvoir.

46      Il convient d’examiner conjointement les trois premiers moyens, dans le cadre desquels la requérante développe des argumentations similaires.

 Sur les premier, deuxième et troisième moyens, tirés de la violation des dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 et de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs

47      Dans le cadre de l’opposition, l’intervenante a indiqué, en substance, que sa dénomination commerciale lui conférait le droit de s’opposer à l’utilisation de la marque demandée sur le fondement de l’article 5, paragraphe 2, de l’article 6, paragraphe 3, et de l’article 15, paragraphe 2 et 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs.

48      L’article 5 de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs prévoit :

« (1) Sont protégés en tant que dénominations commerciales les noms commerciaux et les titres d’œuvres.

(2) Les noms commerciaux sont des signes qui sont utilisés dans la vie des affaires en tant que nom, raison sociale, ou désignation particulière d’un fonds de commerce ou d’une entreprise [...]

[...] »

49      Selon l’article 6 de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs :

« (1) Si, en cas de conflit entre les droits visés aux articles 4, 5 et 13, l’ordre de priorité des droits doit, selon la présente loi, être défini par leur ancienneté, celle-ci est déterminée selon les dispositions des paragraphes 2 et 3.

(2) Pour la détermination de l’ancienneté des marques demandées ou enregistrées, la date du dépôt [...] ou, en cas de revendication d’une priorité en vertu de l’article 34 ou de l’article 35, la date de priorité est décisive.

(3) Pour la détermination de l’ancienneté des droits au sens de l’article 4, points 2 et 3, et des articles 5 et 13, la date de l’acquisition du droit est décisive.

(4) Si, en application des paragraphes 2 et 3, des droits ont la même ancienneté, ils ont le même rang et ne peuvent fonder aucune prétention à l’encontre les uns des autres. »

50      L’article 15 de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs dispose :

« (1) L’acquisition de la protection d’une dénomination commerciale confère à son titulaire un droit exclusif.

(2) Il est interdit aux tiers d’utiliser sans autorisation, dans la vie des affaires, la dénomination commerciale ou un signe similaire d’une manière pouvant entraîner une confusion avec la dénomination protégée.

(3) S’il s’agit d’une dénomination commerciale notoire dans le pays, il est également interdit aux tiers d’utiliser dans la vie des affaires la dénomination commerciale ou un signe similaire même s’il n’y a pas de risque de confusion au sens du paragraphe 2, dans la mesure où, sans motifs légitimes, l’usage du signe tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée commerciale ou leur porterait préjudice.

(4) Quiconque utilise une dénomination commerciale ou un signe similaire en violation des paragraphes 2 ou 3 peut être poursuivi en cessation par le titulaire de la dénomination commerciale, en cas de risque de récidive. Cette action peut également être engagée lorsqu’il existe un risque d’infraction [...] »

51      Il convient également de citer l’article 23 de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs qui énonce :

« (1) Le titulaire d’une marque ou d’une désignation commerciale n’est pas en droit d’interdire à un tiers d’utiliser, dans la vie des affaires,

[...]

2. un signe identique ou semblable à la marque ou à la désignation commerciale […] en tant qu’indication concernant des caractéristiques ou des particularités de produits ou services tels que, notamment, leur nature, leur qualité, leur destination, leur valeur, leur provenance géographique ou l’époque de leur production ou prestation, ou

3. la marque ou la désignation commerciale à des fins d’identification ou en tant qu’indication des produits ou des services provenant du titulaire de la marque [...]

(2) […] pour autant que cet usage ne soit pas contraire aux usages honnêtes. »

52      La requérante prétend, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, en ce que celle-ci a conclu que la dénomination commerciale de l’intervenante remplissait les conditions posées audit article et, partant, permettait de faire échec à l’enregistrement de la marque demandée.

53      En vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un signe autre qu’une marque peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne si cette marque non enregistrée ou ce signe remplit cumulativement quatre conditions : il doit être utilisé dans la vie des affaires ; il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; le droit à cette marque ou à ce signe doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où il était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne ; enfin, cette marque ou ce signe doit reconnaître à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que, lorsqu’une marque non enregistrée ou un signe ne remplit pas l’une de ces conditions, l’opposition fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée ou d’autres signes utilisés dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, ne peut aboutir [voir arrêt du 24 octobre 2018, Bacardi/EUIPO – Palírna U zeleného stromu (42 BELOW), T‑435/12, EU:T:2018:715, point 43 et jurisprudence citée].

54      Les deux premières conditions, c’est-à-dire celles relatives à l’usage (dans la vie des affaires) et à la portée du signe ou de la marque invoquée, cette dernière ne devant pas être seulement locale, résultent du libellé même de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 et doivent donc être interprétées à la lumière du droit de l’Union. Ainsi, ce règlement établit des standards uniformes, relatifs à l’usage des signes et à leur portée, qui sont cohérents avec les principes qui inspirent le système mis en place par ce règlement (voir arrêt du 24 octobre 2018, 42 BELOW, T‑435/12, EU:T:2018:715, point 44 et jurisprudence citée).

55      En revanche, il résulte de la locution « lorsque et dans la mesure où, selon le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe », que les deux autres conditions, énoncées ensuite à l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement 2017/1001, constituent des conditions fixées par le règlement qui, à la différence des précédentes, s’apprécient au regard des critères fixés par le droit qui régit le signe invoqué. Ce renvoi au droit qui régit le signe invoqué est justifié, étant donné que le règlement 2017/1001 reconnaît à des signes étrangers au système de marque de l’Union la possibilité d’être invoqués à l’encontre d’une marque de l’Union européenne. Dès lors, seul le droit qui régit le signe invoqué permet d’établir si celui-ci est antérieur à la marque de l’Union européenne et s’il peut justifier d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente (voir arrêt du 24 octobre 2018, 42 BELOW, T‑435/12, EU:T:2018:715, point 45 et jurisprudence citée).

56      En l’espèce, tout d’abord, il n’est pas contesté que la dénomination commerciale de l’intervenante constitue un « autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale » au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001. Ensuite, il est également incontesté qu’il s’agit d’un droit antérieur au sens de l’article 8, paragraphe 4, sous a), du règlement 2017/1001, étant donné qu’il a été acquis par l’intervenante avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée (article 6, paragraphes 1 et 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs). Enfin, il n’est pas contesté que la dénomination commerciale de l’intervenante entre dans le champ d’application de l’article 15 de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs qui reconnaît au titulaire d’une telle dénomination commerciale la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Il n’est de même pas contesté que cette dénomination revêt un caractère notoire au sens de l’article 15, paragraphe 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs.

57      S’agissant des conditions requises par l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs, il est admis par les parties que celles-ci sont partiellement remplies étant donné que, d’une part, il existe un risque de confusion au sens de l’article 15, paragraphe 2, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs entre la dénomination commerciale de l’intervenante et la marque demandée en rapport avec les produits et services revendiqués par ladite marque à propos desquels une proximité sectorielle avec le domaine d’activité commerciale de l’intervenante a été établie et que, d’autre part, dans la mesure où une telle proximité sectorielle n’a pas pu être établie, l’usage de la marque demandée tire profit du caractère distinctif ou de la renommée du signe antérieur ou porte préjudice à celui-ci au sens de l’article 15, paragraphe 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs.

58      En revanche, la requérante considère que la chambre de recours a commis une erreur en ce que, aux fins de vérifier si les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement 2017/1001 étaient remplies, elle n’a pas examiné de manière exhaustive les dispositions du droit allemand pertinentes en l’espèce, alors qu’elle en avait l’obligation. Selon elle, la chambre de recours a renvoyé, au point 50 de la décision attaquée, à la motivation figurant dans les décisions des procédures pilotes sans prendre en compte le critère matériel résultant des termes « sans autorisation » de l’article 15, paragraphe 2, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs et de l’expression « sans motifs légitimes » et du terme « indûment » de l’article 15, paragraphe 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs qui, selon elle, ont le même sens. Ledit critère matériel figurerait au même titre que les critères permettant de constater un risque de confusion et engloberait les circonstances factuelles, dont il ressortirait dans le cas d’espèce un droit du titulaire du signe plus récent de pouvoir utiliser ledit signe malgré l’existence d’un risque de confusion. La chambre de recours n’aurait notamment pas pris en compte le fait que, bien que le risque de confusion ait été constaté, l’accord de délimitation faisait obstacle au droit pour l’intervenante de lui interdire l’usage de la marque demandée. Il en irait de même pour deux autres aspects invoqués, à savoir le comportement contradictoire de la part de l’intervenante et le droit des entreprises de même nom. Ces trois aspects auraient dû être pris en considération dans le cadre du critère matériel résultant des expressions « sans autorisation », et « sans motifs légitimes » et du terme « indûment » de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs en tenant compte des faits nouveaux soumis par la requérante et faisant état de l’usage étendu que l’intervenante aurait fait de ses propres noms de marques.

59      En particulier, premièrement, la requérante fait valoir que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement 2017/1001 en ne tenant pas compte de l’accord de délimitation dans le cadre de l’application de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs. Selon elle, l’usage et l’enregistrement de la marque demandée ne sont ni « sans autorisation » ni « sans motifs légitimes » et n’ont pas été effectués « indûment » au sens desdites dispositions dans la mesure où il existe un accord qui lui concède le droit d’utiliser cette marque dans sa partie de secteur territorial.

60      À cet égard, tout d’abord, la requérante affirme que le renvoi au droit national énoncé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 montre que l’examen doit être exhaustif et qu’il intègre également les objections qui, selon le droit national, excluent le droit d’interdire l’usage de la marque plus récente et restreignent l’élément constitutif de la violation.

61      Elle ajoute que, même à supposer que l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement 2017/1001 doive être interprété dans le sens qu’il suffit que l’intervenante dispose d’un droit d’interdiction « abstrait », c’est-à-dire en faisant abstraction des accords contractuels des parties qui n’auraient vocation à leur être appliqués que par la juridiction nationale, la décision attaquée aurait néanmoins violé ladite disposition dans la mesure où l’application de l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement 2017/1001 ne devait pas aboutir à un abus de droit, ce qui était pourtant le cas en l’espèce pour les trois raisons énumérées au point 58 ci-dessus.

62      Ensuite, la requérante est d’avis qu’il incombe à la chambre de recours d’interpréter l’accord selon le droit allemand. Dans ce contexte, la requérante fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir examiné son exposé circonstancié des faits nouveaux pour interpréter l’accord, ce qui exige également, selon le droit allemand, de prendre en compte un comportement ultérieur des parties à cet accord, tel que l’usage étendu que l’intervenante fait de ses propres noms de marques, notamment la marque PUC qui a été enregistrée en 1981 en tant que marque nationale et en 1996 en tant que marque de l’Union européenne, et qui montre qu’elle ne voulait pas exclure ses marques composées à partir de sa dénomination commerciale de l’accord de délimitation. Si l’intervenante avait souhaité que les nombreuses marques de la requérante également composées à partir de sa dénomination commerciale et qui existaient déjà à l’époque de l’accord de délimitation ne soient pas autorisées, et que la requérante ne puisse non plus demander l’enregistrement de marques de l’Union européenne, elle aurait dû consigner ce point par écrit dans ledit accord.

63      Enfin, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas pris en compte le fait que, selon le point 27 de l’arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) du 12 juillet 2016, (KZR 69/14) portant sur le contenu de l’accord de délimitation par rapport à des mesures publicitaires suprarégionales, ledit accord visait à « éviter des tromperies et les litiges au niveau du droit des marques ». Elle ajoute que, contrairement à ce qu’estime la chambre de recours, il ne pourrait pas être exclu que l’accord de délimitation s’étende également à des marques de l’Union européenne dans la mesure où, à la date de l’accord, la discussion sur la future marque de l’Union européenne était particulièrement vive en Allemagne.

64      Deuxièmement, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas pris en compte, dans le cadre du critère matériel résultant des expressions « sans autorisation » et « sans motifs légitimes » et du terme « indûment » de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs, le fait que l’intervenante se comportait de manière illicite au regard du principe venire contra factum proprium. Selon elle, il ressort de la mise en œuvre de l’accord de délimitation que l’opposition formée par l’intervenante à l’enregistrement de la marque demandée constituait un abus de droit étant donné que, après la conclusion dudit accord, l’intervenante avait elle aussi, le 29 avril 1996, demandé l’enregistrement d’une marque PUC en tant que marque de l’Union européenne. Par conséquent, par la présente procédure, l’intervenante tenterait de lui interdire l’exercice d’un droit qu’elle se plaît à revendiquer pour elle-même, ce qui serait illicite au regard du principe venire contra factum proprium.

65      Troisièmement, la requérante prétend, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, étant donné qu’elle n’a pas pris en compte, dans le cadre du critère matériel résultant des expressions « sans autorisation » et « sans motifs légitimes » et du terme « indûment » de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs, le fait que son usage de la marque demandée était autorisé en vertu du droit des entreprises de même nom, situation qui devrait faire l’objet d’une nouvelle appréciation sur la base d’un fait nouveau, à savoir que l’intervenante a, le 29 avril 1996, demandé l’enregistrement de sa propre marque de l’Union européenne PUC.

66      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

67      Il convient de rappeler que la chambre de recours, après avoir indiqué qu’un accord contractuel ne liait, en principe, pas l’EUIPO, mais devrait, le cas échéant, être appliqué aux parties au contrat par la juridiction compétente, a estimé que la requérante n’avait pas prouvé que ledit accord lui conférait le droit d’utiliser et de faire enregistrer des marques de l’Union européenne. À cet égard, elle a observé, d’une part, que de tels droits ne résulteraient pas de l’arrêt de l’Oberlandesgericht Düsseldorf et, d’autre part, que même dans l’hypothèse où l’accord de délimitation engloberait également l’enregistrement de marques, il n’était pas établi que celui-ci s’étendait également à des marques de l’Union européenne.

68      À titre liminaire, en ce qui concerne l’étendue du contrôle que l’EUIPO est tenu d’opérer, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 55 ci-dessus que le renvoi effectué par l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement 2017/1001 au droit qui régit le signe invoqué inclut tous les critères qui, selon le droit concerné, déterminent si « ce signe donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente ». Par ailleurs, il y a lieu de préciser que, pour déterminer si le signe en cause permettrait d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente, il convient de se placer dans la perspective de la marque demandée à l’enregistrement (arrêt du 18 avril 2013, Peek & Cloppenburg, T‑506/11, non publié, EU:T:2013:197, point 35).

69      En l’espèce, l’expression « sans autorisation » de l’article 15, paragraphe 2, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs ainsi que l’expression « sans motifs légitimes » et le terme « indûment » de l’article 15, paragraphe 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs relèvent, au même titre que les autres conditions énoncées à l’article 15, des critères matériels qui déterminent l’existence d’un droit d’interdire l’utilisation de la marque demandée au sens de l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement 2017/1001.

70      Contrairement à ce que fait valoir l’EUIPO, ce constat n’est pas remis en cause par le point 48 de l’arrêt du 10 juillet 2014, Peek & Cloppenburg/OHMI (C‑325/13 P et C‑326/13 P, non publié, EU:C:2014:2059), rendu dans le cadre des procédures pilotes, par lequel la Cour a confirmé sa jurisprudence selon laquelle il ne saurait être exigé de l’opposant qu’il démontre que son droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente a été exercé, en ce sens qu’il a effectivement été en mesure d’obtenir l’interdiction d’une telle utilisation. À cet égard, l’EUIPO ne précise pas de quelle manière ledit arrêt ferait obstacle à la prise en compte des critères susvisés de l’article 15 de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs. En tout état de cause, l’examen desdits critères aux fins de déterminer l’existence d’un droit d’interdire l’utilisation de la marque demandée ne revient pas à exiger de l’opposant qu’il apporte la preuve que le respect de ce droit a été imposé par une juridiction nationale.

71      Dès lors, en l’espèce, contrairement à ce que la chambre de recours a considéré au point 35 de la décision attaquée, l’examen selon le droit national doit être exhaustif et doit intégrer également les objections qui, selon le droit national, permettent d’exclure le droit d’interdire l’usage de la marque plus récente y inclus la question de savoir si l’usage de la marque demandée n’est ni « sans autorisation » ni « sans juste motif » et n’est pas fait « indûment » au sens de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs dans la mesure où un tel droit résulte de l’accord de délimitation.

72      À cet égard, il convient, en outre, de relever que la requérante a produit, au cours de l’audience, deux documents présentant, premièrement, un arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) du 11 mai 2000, (I ZR 193/97) et, deuxièmement, l’extrait d’un commentaire de l’article 12 de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs auquel se trouve annexée la reproduction, par extraits, des articles 5, 12, 15 et 42 de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs. Ces documents tendent, selon la requérante, à prouver que le droit découlant de l’article 15 de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs s’inspire des conditions matérielles délictuelles et que le critère tiré de l’usage « non autorisé », c’est-à-dire sans le consentement du titulaire du signe antérieur, relève, au même titre que les autres conditions énoncées à l’article 15, des critères matériels qui déterminent l’existence d’un droit d’interdire l’utilisation de la marque demandée au sens de l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement 2017/1001.

73      Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de ces éléments de preuve, il convient de relever que, au vu des considérations exposées aux points 68 à 71 ci-dessus, ceux-ci ne sont pas déterminants pour la solution du litige [voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2012, Volkswagen/OHMI – Suzuki Motor (SWIFT GTi), T‑63/09, non publié, EU:T:2012:137, point 82]. En effet, indépendamment de la prise en compte de ces éléments de preuve, les considérations qui précèdent confirment, ainsi que tend à le prouver la requérante, que, contrairement à ce que la chambre de recours a considéré au point 35 de la décision attaquée, l’examen selon le droit national doit être exhaustif et doit intégrer également les objections qui, selon le droit national, permettent d’exclure le droit d’interdire l’usage de la marque plus récente y inclus la question de savoir si l’usage de la marque demandée n’est pas « sans autorisation » au sens de l’article 15, paragraphe 2, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs dans la mesure où un tel droit résulte de l’accord de délimitation.

74      Toutefois, l’erreur de la chambre de recours en ce qui concerne la portée de son contrôle ne doit conduire à l’annulation de la décision attaquée que dans l’hypothèse où celle-ci ne contiendrait pas, par ailleurs, à l’égard des conséquences à tirer dudit accord, des éléments qui suffisent à la fonder juridiquement.

75      À cet égard, premièrement, il convient de constater que, contrairement à ce que fait valoir la requérante aux points 17 et 30 de la requête, la chambre de recours a pris en compte ses allégations fondées sur un prétendu droit à l’enregistrement de la marque demandée résultant de l’accord de délimitation. En effet, la chambre de recours a constaté, aux points 34 à 43 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas prouvé que l’accord de délimitation lui conférait un tel droit dans la mesure où, d’une part, de tels droits ne résulteraient pas de l’arrêt de l’Oberlandesgericht Düsseldorf et, d’autre part, que, même dans l’hypothèse où l’accord de délimitation engloberait également l’enregistrement de marques, il ne serait pas établi que celui-ci s’étendait également à des marques de l’Union européenne.

76      La requérante reproche également à la chambre de recours d’avoir omis d’interpréter l’accord de délimitation selon le droit allemand en tenant compte de son exposé circonstancié des faits.

77      À cet égard, en premier lieu, il est utile de rappeler que, en ce qui concerne la répartition des rôles entre le demandeur en nullité, les instances compétentes de l’EUIPO et le Tribunal, il a déjà été jugé que la règle 37 du règlement no 2868/95 (devenue article 16 du règlement délégué 2018/625) prévoyait qu’il incombait au demandeur de fournir des éléments démontrant qu’il était habilité, en vertu de la législation nationale applicable, à faire valoir un droit antérieur, protégé dans le cadre juridique national. Cette règle fait peser sur le demandeur la charge de présenter à l’EUIPO non seulement les éléments démontrant qu’il remplit les conditions requises, conformément à la législation nationale dont il demande l’application, afin de pouvoir faire interdire l’usage d’une marque de l’Union européenne en vertu d’un droit antérieur, mais aussi les éléments établissant le contenu de cette législation (voir arrêt du 24 octobre 2018, 42 BELOW, T‑435/12, EU:T:2018:715, point 78 et jurisprudence citée).

78      En deuxième lieu, s’agissant, plus spécifiquement, des obligations auxquelles est soumis l’EUIPO, la Cour a jugé que, dans le cas où une demande en nullité d’une marque de l’Union européenne était fondée sur un droit antérieur protégé par une règle du droit national, il incombait, en premier lieu, aux instances compétentes de l’EUIPO d’apprécier l’autorité et la portée des éléments présentés par le demandeur afin d’établir le contenu de ladite règle. En outre, la décision des instances compétentes de l’EUIPO pouvant avoir pour effet de priver le titulaire de la marque d’un droit qui lui a été conféré, la portée d’une telle décision implique nécessairement que l’instance qui prend celle‑ci ne soit pas limitée à un rôle de simple validation du droit national tel que présenté par le demandeur en nullité (voir arrêt du 24 octobre 2018, 42 BELOW, T‑435/12, EU:T:2018:715, point 79 et jurisprudence citée).

79      En troisième lieu, conformément à l’article 72, paragraphes 1 et 2, du règlement 2017/1001, le Tribunal est compétent pour exercer un plein contrôle de légalité sur l’appréciation portée par l’EUIPO sur les éléments présentés par le demandeur pour établir le contenu de la législation nationale dont il invoque la protection (voir arrêt du 24 octobre 2018, 42 BELOW, T‑435/12, EU:T:2018:715, point 80 et jurisprudence citée).

80      Par ailleurs, dans la mesure où l’application du droit national, dans le contexte procédural en cause, peut avoir pour effet de priver le titulaire d’une marque de l’Union européenne de son droit, il est impératif que le Tribunal, malgré d’éventuelles lacunes dans les documents produits à titre de preuve du droit national applicable, puisse réellement exercer un contrôle effectif. À cet effet, il doit donc pouvoir vérifier, au-delà des documents produits, la teneur, les conditions d’application et la portée des règles de droit invoquées par le demandeur en nullité. Par conséquent, le contrôle juridictionnel exercé par le Tribunal doit satisfaire aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective (voir arrêt du 24 octobre 2018, 42 BELOW, T‑435/12, EU:T:2018:715, point 81 et jurisprudence citée).

81      Il importe de souligner que le contrôle exercé par l’EUIPO et par le Tribunal doit être effectué à la lumière de l’exigence de garantir l’effet utile du règlement 2017/1001, qui est d’assurer la protection de la marque de l’Union européenne (voir arrêt du 24 octobre 2018, 42 BELOW, T‑435/12, EU:T:2018:715, point 82 et jurisprudence citée).

82      S’agissant des demandes d’opposition fondées sur un droit antérieur, tiré d’une règle de droit national, des considérations similaires à celles exposées aux points 77 à 81 ci-dessus peuvent être retenues en ce qui concerne la charge de la preuve et la répartition des rôles entre les parties, les instances compétentes de l’EUIPO et le Tribunal (arrêt du 24 octobre 2018, 42 BELOW, T‑435/12, EU:T:2018:715, point 83).

83      À cet égard, il y a lieu de préciser qu’il ressort de la jurisprudence que, s’agissant des droits antérieurs invoqués, il convient de tenir compte, notamment, de la réglementation nationale alléguée au soutien de l’opposition et des décisions juridictionnelles rendues dans l’État membre concerné et que, sur ce fondement, l’opposant doit démontrer que le signe en cause entre dans le champ d’application du droit de l’État membre invoqué et qu’il permet d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente (arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, EU:C:2011:189, point 190).

84      En outre, il incombe à l’EUIPO d’examiner si, dans le cadre d’une procédure d’opposition, les conditions d’application d’un motif de refus d’enregistrement invoqué sont réunies. Dans ce cadre, il est tenu d’apprécier la matérialité des faits invoqués et la force probante des éléments présentés par les parties. Il peut être appelé à tenir compte, notamment, du droit national de l’État membre dans lequel le signe antérieur sur lequel est fondée l’opposition jouit d’une protection. Dans ce cas, il doit s’informer d’office, par les moyens qui lui paraissent utiles à cet effet, sur le droit national de l’État membre concerné si de telles informations sont nécessaires à l’appréciation des conditions d’application d’un motif de refus d’enregistrement en cause et, notamment, de la matérialité des faits avancés ou de la force probante des pièces présentées (voir arrêt du 24 octobre 2018, 42 BELOW, T‑435/12, EU:T:2018:715, point 85 et jurisprudence citée).

85      Par ailleurs, la question de l’existence d’un droit national applicable en vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 est une question de fait. Il incombe ainsi à une partie qui prétend à l’existence d’un droit remplissant les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 d’établir, devant l’EUIPO, non seulement que ce droit découle de la législation nationale, mais encore la portée de cette législation elle-même [voir, en ce sens, arrêt du 7 mai 2013, macros consult/OHMI – MIP Metro (makro), T‑579/10, EU:T:2013:232, point 62].

86      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’apprécier le bien-fondé des arguments par lesquels la requérante conteste la légalité de la décision attaquée.

87      S’agissant, en premier lieu, de la charge de la preuve du droit antérieur et de la portée d’un tel droit, il convient de relever que, dès lors que la requérante se prévaut de l’accord de délimitation conclu entre les parties pour contester que l’intervenante ait pu s’opposer à l’enregistrement de la marque demandée sur le fondement de l’article 15 de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs, la charge de preuve lui incombait (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2018, 42 BELOW, T‑435/12, EU:T:2018:715, points 92 et 114).

88      S’agissant, en second lieu, de la portée des faits nouveaux invoqués par la requérante à l’appui de sa contestation, il y a lieu de relever que, dans l’examen de ceux-ci par l’EUIPO, des considérations similaires à celles exposées aux points 83 et 85 ci-dessus peuvent être retenues en ce qui concerne la charge, les moyens et le niveau de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2018, 42 BELOW, T‑435/12, EU:T:2018:715, point 83). Or, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que la requérante n’avait pas prouvé que l’accord de délimitation lui conférait le droit de faire enregistrer des marques de l’Union européenne.

89      Tout d’abord, la requérante elle-même n’allègue pas que le droit de faire enregistrer des marques de l’Union européenne résulte directement des faits présentés devant la chambre de recours. Selon elle, il incombait à la chambre de recours d’interpréter l’accord de délimitation selon le droit allemand et de tenir compte des faits exposés dans son appréciation, ce qui aurait dû l’amener au constat que l’accord de délimitation lui conférait le droit d’enregistrer des marques de l’Union européenne.

90      Or, en application de la jurisprudence citée aux points 83 et 85 ci-dessus, il n’incombe pas à la chambre de recours de procéder elle-même à l’application de la loi allemande en vue d’interpréter l’accord de délimitation à la lumière du comportement ultérieur des parties à cet accord, tel que l’usage que l’intervenante a fait de ses propres noms de marques. C’est en effet à la requérante de démontrer, d’une part, qu’une telle interprétation s’impose au regard du droit allemand et, d’autre part, que le résultat de cette interprétation aboutit à lui conférer le droit d’enregistrer des marques de l’Union européenne, en étayant le cas échéant sa démonstration par la référence à des décisions juridictionnelles rendues dans l’État membre concerné.

91      Ensuite, il convient de constater que c’est à juste titre que l’EUIPO a relevé, au point 37 de la décision attaquée, qu’« aucun droit à enregistrement de marques ne découle de la formulation de [l’arrêt de l’Oberlandesgericht Düsseldorf] ». Bien au contraire, il ressort de l’arrêt de l’Oberlandesgericht Düsseldorf que la requérante ne dispose, en vertu de l’accord de délimitation, d’aucun droit à l’enregistrement de marques (arrêt de l’Oberlandesgericht Düsseldorf, point II. 5). Ainsi, dans cet arrêt, devenu définitif, l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) a examiné cette question à la lumière des principes d’interprétation du droit allemand applicable et a expressément constaté qu’il ne ressortait précisément pas de l’accord de délimitation l’autorisation reconnue à la requérante de faire enregistrer des marques. En outre, le fait que la requérante ait intenté, devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf), une action reconventionnelle en constatation d’un droit par laquelle elle remet en cause les constatations opérées par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) figurant dans l’arrêt définitif de ce dernier du 7 juillet 2015 et sollicité une nouvelle appréciation juridique complète des faits, n’est également pas de nature à prouver que la requérante était en mesure de se prévaloir des exceptions au droit d’interdire l’utilisation de la dénomination commerciale de l’intervenante visées à l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs.

92      Enfin, le droit de la requérante de faire enregistrer des marques de l’Union européenne ne ressort pas non plus de l’arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) du 12 juillet 2016 (KZR 69/14). En effet, cet arrêt selon lequel l’accord de délimitation visait à « éviter des tromperies et les litiges au niveau du droit des marques » ne concernait pas la question de savoir si ledit accord permettait l’enregistrement de marques, mais s’il s’opposait à la poursuite de campagnes publicitaires suprarégionales. La question de savoir si l’accord de délimitation permet, au niveau national, l’enregistrement de marques a été traitée dans l’arrêt de l’Oberlandesgericht Düsseldorf, qui, selon la requérante elle-même, est pertinent en l’espèce et a été confirmé par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice).

93      Deuxièmement, dans la mesure où la requérante s’oppose au constat de la chambre de recours selon lequel elle n’a pas prouvé que l’accord de délimitation lui conférait le droit de faire enregistrer des marques de l’Union européenne en faisant valoir qu’il ressort de la mise en œuvre dudit accord que l’opposition formée par l’intervenante à l’enregistrement de la marque demandée constitue un abus de droit au regard du principe venire contra factum proprium étant donné que, après la conclusion dudit accord, l’intervenante avait, elle aussi, demandé l’enregistrement d’une marque PUC en tant que marque de l’Union européenne, il y a lieu de constater que, en application de la jurisprudence citée ci-dessus aux points 83 et 85, il incombe à la requérante de démontrer que telle est l’interprétation qui s’impose en application du droit allemand.

94      Or, il convient de relever que la requérante qui, comme constaté au point 40 ci-dessus, a seulement évoqué cet aspect devant la chambre de recours, n’a avancé aucun argument substantiel, ni apporté aucune preuve devant la chambre de recours pour étayer ses allégations concernant le comportement prétendument illicite de l’intervenante au regard du principe venire contra factum proprium.

95      En effet, la requérante n’a pas fait valoir la portée du droit allemand par rapport à l’exception du principe venire contra factum proprium, ni allégué ni prouvé que le droit d’opposer une telle exception lui confèrerait également le droit de demander l’enregistrement du signe litigieux en tant que marque de l’Union européenne. Il n’est, en outre, pas précisé si un comportement contradictoire de la part de l’intervenante aurait pour conséquence d’écarter les critères de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs, les deux dispositions donnant à l’intervenante le droit de s’opposer à l’enregistrement du signe demandé en tant que marque de l’Union européenne.

96      En outre, il y a lieu de constater que la requérante n’a soumis aucun élément de preuve devant la chambre de recours répondant aux exigences énoncées aux points 83 et 85 ci-dessus. En effet, dans la mesure où la requérante renvoie au point 32 de sa requête au point 15 de cette requête, qui pour sa part, renvoie au point 93 du mémoire du 30 juin 2016 et au point 18 du mémoire du 12 janvier 2017, il convient de relever que lesdits renvois ne sont pas aptes à étayer son argumentation. En premier lieu, force est d’observer que le point 18 du mémoire du 12 janvier 2017 ne concerne pas un comportement illicite de la part de l’intervenante au regard du principe venire contra factum proprium, mais comporte des opinions juridiques de la requérante concernant le droit des entreprises de même nom ainsi que les droits résultant d’un nom d’entreprise antérieur et qui ne sont d’ailleurs pas étayées par la production de la jurisprudence pertinente. En second lieu, même si la requérante exprime, au point 93 du mémoire du 30 juin 2016, son avis juridique selon lequel, compte tenu de la position d’équilibre entre les parties, notamment en ce qui concerne les noms des marques respectives, l’opposition formée par l’intervenante à l’enregistrement de la marque demandée serait, de par son comportement, contradictoire, abusive et, partant, contraire aux bonnes mœurs, il convient d’observer qu’elle n’a apporté aucun élément de preuve à cet égard. Les arrêts qu’elle cite concernent, d’une part, le refus de qualifier la poursuite d’une injonction en tant que comportement abusif au vu d’un intérêt sérieux de la partie concernée (la partie qui veut poursuivre l’injonction) [Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), arrêt du 15 novembre 1967, Ib ZR 119/66, point IV. 1. b., dossier administratif, page 4519], et, d’autre part, la possibilité de qualifier un comportement comme abusif au vu des obligations de loyauté résultant d’une longue coopération entre les parties [Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), arrêt du 21 avril 1994, I ZR 22/92, point II. 3. b), dossier administratif, page 4523].

97      Troisièmement, à l’égard de la prétendue légitimité de la demande d’enregistrement de la requérante selon le droit des entreprises de même nom, il y a lieu, à titre liminaire, de relever que la question de savoir si l’enregistrement de son nom en tant que marque est autorisé en vertu du droit des entreprises de même nom faisait déjà l’objet des procédures pilotes ainsi que d’une autre procédure entre les parties au présent litige, citée au point 14 ci-dessus, relative aux marques allemandes de la requérante, devant l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) et le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice).

98      En premier lieu, dans les procédures pilotes auxquelles la chambre de recours a renvoyé au point 50 de la décision attaquée, le Tribunal a confirmé les observations de la chambre de recours qui a « appliqué la jurisprudence du Bundesgerichtshof [Cour fédérale de justice] relative à l’article 23 [de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs], lequel dispose, en substance, que le titulaire d’une dénomination commerciale n’a pas le droit d’interdire à un tiers, dans la vie des affaires, l’usage de son nom ou de son adresse pour autant que cet usage ne soit pas contraire aux bonnes mœurs et a considéré que la demande de marque [de l’Union européenne] formée par la requérante, qui perturbait la situation d’équilibre existant entre les deux signes sur le marché allemand, pouvait être considérée comme un usage contraire aux bonnes mœurs » (arrêts du 18 avril 2013, Peek & Cloppenburg, T‑506/11, non publié, EU:T:2013:197, point 29, et du 18 avril 2013, Peek & Cloppenburg, T‑507/11, non publié, EU:T:2013:198, point 29).

99      En second lieu, dans la procédure entre les parties au présent litige relative aux marques allemandes de la requérante, visant également trois marques Peek & Cloppenburg, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a constaté que « [l]es principes du droit des entreprises de même nom ne sauraient en l’espèce justifier les demandes de marques contestées » [Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), arrêt du 14 avril 2011, I ZR 41/08, point 39 resp. points 34 et suivants]. Dans son arrêt rendu à la suite du renvoi prononcé par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) a réaffirmé le constat selon lequel « [l]’état d’équilibre concernant les dénominations commerciales qui existe entre les parties auquel il convient d’appliquer les principes du droit des entreprises de même nom, n’autorise pas la [requérante] – en dépit du fait qu’elle dispose depuis 1972 de marques dont l’élément caractéristique est le nom commercial ou son abréviation – à enregistrer d’autres noms » (arrêt de l’Oberlandesgericht Düsseldorf, point II. 3).

100    En revanche, selon la requérante, le droit de l’intervenante d’interdire l’utilisation de la marque demandée doit faire l’objet d’une nouvelle appréciation sur la base des faits nouveaux. Dans la mesure où l’intervenante aurait, le 29 avril 1996, demandé l’enregistrement de sa propre marque de l’Union européenne PUC, les deux parties auraient acquis des droits de marque équivalents sur leur dénominations commerciales totalement identiques et, dans ce contexte, la prise en compte des intérêts réciproques et du respect mutuel requis par le droit des entreprises de même nom n’imposerait de restrictions à la requérante (à savoir l’entreprise la plus récente en termes de priorité) que dans le cas où la demande de marque altère la sphère de fonctionnement de la dénomination commerciale de l’entreprise de même nom (l’intervenante) par rapport à la situation qu’elle (l’intervenante) serait obligée, en tout état de cause, d’accepter dans les faits.

101    À cet égard, il convient de relever que la requérante n’a soumis aucun élément de preuve devant la chambre de recours répondant aux exigences énoncées aux points 83 et 85 ci-dessus pour étayer son argument selon lequel l’enregistrement, par l’intervenante, de la marque de l’Union européenne PUC en 1996 nécessitait une nouvelle appréciation des faits à l’égard du droit des entreprises de même nom.

102    En effet, en premier lieu, il convient de relever que la requérante n’a produit aucun arrêt des juridictions allemandes compétentes établissant que les deux parties auraient acquis des droits de marque équivalents sur leurs dénominations commerciales totalement identiques et que, dans ce contexte, la prise en compte des intérêts réciproques et du respect mutuel requis par le droit des entreprises de même nom ne lui imposerait pas de restrictions. Comme indiqué aux points 33 et 34 ci-dessus, le renvoi général opéré par la requérante au point 35 de sa requête aux pièces qu’elle a déposées devant l’EUIPO est irrecevable. Dans la mesure où la requérante renvoie, au point 15 de sa requête, également et spécifiquement au point 62 de son mémoire devant l’EUIPO du 30 juin 2016 ainsi que au point 23 de son mémoire devant l’EUIPO du 21 décembre 2007, il y a lieu de relever que lesdits points ne contiennent pas de considérations à l’appui de son affirmation reproduite ci-dessus, mais se limitent à des considérations générales à l’égard du droit des entreprises de même nom.

103    En second lieu, il convient de constater que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, celle-ci ne peut pas prétendre que l’état d’équilibre existant ne serait pas modifié par la marque demandée dans la mesure où, comme le relève l’intervenante à juste titre, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), dans son arrêt du 14 avril 2011 au (point 53), a établi que toute autre demande de marque faite par une entreprise de même nom perturbait l’état d’équilibre et qu’il y avait donc lieu de s’abstenir de faire une telle demande, même en cas d’enregistrements antérieurs identiques. En outre, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a précisé, au point 52 de l’arrêt précité, que l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) a considéré à tort qu’un portefeuille des marques caractérisant un état d’équilibre pouvait être renforcé par l’enregistrement d’autres marques si ces enregistrements satisfont aux standards d’un usage sérieux au sens de l’article 26, paragraphe 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs.

104    Il découle de l’ensemble de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en constatant que la requérante n’avait pas prouvé que l’accord de délimitation lui conférait le droit de faire enregistrer des marques de l’Union européenne, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le motif surabondant de la décision attaquée selon lequel, à supposer même que l’accord de délimitation englobe l’enregistrement de marques, il ne serait pas établi que celui-ci s’étende à des marques de l’Union européenne.

105    Il s’ensuit que les trois premiers moyens, tirés de la violation des dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 et de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs, doivent être rejetés.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des dispositions combinées de l’article 70 du règlement 2017/1001 et de la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement no 2868/95

106    La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a violé les dispositions combinées de l’article 70, du règlement 2017/1001 et de la règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement no 2868/95 en décidant de rejeter sa demande de suspension de la procédure.

107    À cet égard, premièrement, la chambre de recours a constaté, aux points 38 et 39 de la décision attaquée, qu’une suspension supplémentaire n’était pas justifiée dans la mesure où l’action reconventionnelle en constatation d’un droit devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) ne visait qu’une constatation et ne pourrait aboutir à ce que l’intervenante soit tenue de retirer son opposition.

108    Deuxièmement, la chambre de recours a relevé que le contenu du recours n’aurait aucune incidence sur la présente procédure. À cet égard, elle a précisé que la requérante n’avait pas prouvé que l’accord de délimitation lui conférait le droit d’utiliser et de faire enregistrer des marques et que, même dans l’hypothèse où l’accord de délimitation engloberait également l’enregistrement de marques, il ne serait pas établi que celui-ci s’étendrait également à des territoires de vente situés en dehors de l’Allemagne (points 34 à 37, 40 et 41 de la décision attaquée). La chambre de recours a ajouté que la requérante n’avait ni allégué ni établi que l’accord de délimitation englobait également des marques de l’Union européenne (point 42 de la décision attaquée). En outre, la chambre de recours a observé que d’autres motifs qui feraient apparaître qu’une suspension supplémentaire de la procédure était appropriée n’auraient pas été allégués de manière fondée et a, par conséquent, rejeté la demande de suspension.

109    La requérante critique l’ensemble de ces considérations en faisant valoir qu’elles reposent sur une prise en compte seulement partielle des faits à retenir, sur une méconnaissance d’aspects importants du droit matériel allemand, ainsi que sur une méconnaissance de l’effet de l’action reconventionnelle en constatation d’un droit qu’elle a introduite. Le raisonnement de la chambre de recours serait globalement erroné en ce qu’il n’aborderait pas les aspects du droit des entreprises de même nom ainsi que le comportement contradictoire de l’intervenante et ne comporterait aucune mise en balance des intérêts réciproques des parties. La chambre de recours aurait, par conséquent, commis des erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation de sa demande de suspension, se livrant ainsi à un détournement de pouvoir.

110    En particulier et en premier lieu, la requérante précise que la constatation de la chambre de recours selon laquelle l’action reconventionnelle en constatation d’un droit introduite devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) ne vise pas d’obligation de retrait de l’acte d’opposition est erronée. En effet, selon elle, la constatation qu’elle souhaitait obtenir, à savoir le fait qu’elle soit autorisée à demander l’enregistrement de la marque demandée, a une portée beaucoup plus vaste qu’un recours visant le retrait de l’acte d’opposition. Il en découlerait que la protection contre le risque de confusion et la protection de la renommée, que l’intervenante fait valoir contre la marque demandée en s’appuyant sur sa dénomination commerciale, n’existeraient pas au regard du droit allemand pertinent à cet égard et l’arrêt en constatation souhaité déciderait, par conséquent, directement du bien-fondé de la demande de l’intervenante de lui interdire en l’espèce l’usage de la marque demandée.

111    En deuxième lieu, la requérante estime que la considération de la chambre de recours selon laquelle il n’a été ni allégué ni établi que l’accord de délimitation englobait également des marques de l’Union européenne est erronée dans la mesure où elle a expressément précisé, à l’appui de sa demande de suspension du 12 janvier 2017, que son action reconventionnelle en constatation d’un droit concernait également des marques de l’Union européenne. Or, elle en aurait apporté la preuve, étant donné que les conclusions de l’action reconventionnelle en constatation d’un droit incluaient dans leur libellé, à savoir « marques », les marques de l’Union européenne. En outre, l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’accord de délimitation ne tranchait pas de manière claire la question de savoir s’il englobait l’ensemble du territoire de l’Union européenne serait dépourvue de pertinence étant donné qu’un accord dont l’objectif est d’exclure un risque de confusion en Allemagne, en attribuant, dans cet État membre, des espaces géographiques dans lesquels un usage de marques nominatives est autorisé, serait également pertinent en ce qui concerne des marques de l’Union européenne.

112    En troisième lieu, la requérante fait valoir que la considération de la chambre de recours, selon laquelle le contenu du recours n’a pas non plus d’incidence sur la présente procédure, est erronée. Si la décision prise sur le fondement de l’action reconventionnelle en constatation d’un droit établissait qu’elle avait le droit de demander l’enregistrement de la marque demandée, l’usage de ladite marque ne serait ni « non autorisé » selon l’article 15, paragraphe 2, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs, ni « sans motifs légitimes », ni exercé « indûment » selon l’article 15, paragraphe 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs. Ainsi, l’action reconventionnelle en constatation d’un droit, si elle était accueillie, aurait pour conséquence qu’il soit décidé, en dernier ressort, en prenant en compte les faits nouveaux, du bien-fondé de la demande de l’intervenante de lui interdire l’usage de la marque demandée, au titre de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs. En revanche, les décisions antérieures rendues dans des litiges comparables entre les parties seraient sans pertinence pour l’action reconventionnelle en constatation d’un droit étant donné que les faits nouveaux présentés en l’espèce ne pouvaient pas encore être pris en compte dans lesdites décisions.

113    L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

114    Il convient, d’emblée, de rappeler que la chambre de recours dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour suspendre ou non une procédure. La règle 20, paragraphe 7, sous c), du règlement no 2868/95, applicable aux procédures devant la chambre de recours conformément à la règle 50, paragraphe 1, dudit règlement, illustre ce large pouvoir d’appréciation en disposant que l’EUIPO peut suspendre la procédure d’opposition lorsque les circonstances justifient une telle suspension. La suspension demeure ainsi une faculté pour la chambre de recours qui ne la prononce que lorsqu’elle l’estime justifiée. La procédure devant la chambre de recours n’est donc pas automatiquement suspendue à la suite d’une demande formulée en ce sens par une partie devant ladite chambre [voir arrêt du 21 octobre 2015, Petco Animal Supplies Stores/OHMI – Gutiérrez Ariza (PETCO), T‑664/13, EU:T:2015:791, point 31 et jurisprudence citée].

115    Il y a lieu de rappeler, en outre, que la circonstance que la chambre de recours dispose d’un large pouvoir d’appréciation afin de suspendre la procédure en cours devant elle ne soustrait pas son appréciation au contrôle du juge de l’Union. Cette circonstance restreint cependant ledit contrôle quant au fond à la vérification de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 21 octobre 2015, PETCO, T‑664/13, EU:T:2015:791, point 32 et jurisprudence citée).

116    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, lors de l’exercice de son pouvoir d’appréciation relatif à la suspension de la procédure, la chambre de recours doit respecter les principes généraux régissant une procédure équitable au sein d’une Union de droit. Par conséquent, lors dudit exercice, elle doit tenir compte non seulement de l’intérêt de la partie dont la marque de l’Union européenne est contestée, mais également de celui des autres parties. La décision de suspendre ou de ne pas suspendre la procédure doit être le résultat d’une mise en balance des intérêts en cause (voir arrêt du 21 octobre 2015, PETCO, T‑664/13, EU:T:2015:791, point 33 et jurisprudence citée).

117    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner si les facteurs que la chambre de recours a pris en considération lui permettaient de conclure, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, ni de détournement de pouvoir, qu’il n’y avait pas lieu en l’espèce de suspendre la procédure.

118    À cet égard, en premier lieu, la chambre de recours a estimé, en substance, que l’action reconventionnelle en constatation d’un droit ne visait qu’une constatation et ne pourrait, par conséquent, aboutir à ce que l’intervenante soit tenue de retirer son opposition. Si ce constat n’est pas erroné, il convient néanmoins de relever qu’il ne suffit pas à lui seul pour justifier le rejet de la demande de suspension. En effet, comme la requérante le fait valoir à juste titre, si la décision prise sur le fondement de la demande en constatation établit qu’elle avait le droit de demander l’enregistrement des marques dérivées de sa dénomination commerciale, notamment du signe verbal Peek & Cloppenburg, la chambre de recours devrait alors prendre en compte ce résultat et pourrait ainsi considérer que la requérante a apporté la preuve que l’enregistrement de la marque demandée n’était ni « non autorisé » selon l’article 15, paragraphe 2, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs ni « sans motifs légitimes » ni effectué « indûment » selon l’article 15, paragraphe 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs ce qui, selon le droit allemand, exclurait la protection contre le risque de confusion invoquée. Il s’ensuit que, même si la constatation souhaitée par la requérante n’a pas pour conséquence d’obliger l’intervenante à retirer son acte d’opposition et même si l’EUIPO n’est pas lié par la décision du Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf), cette constatation doit néanmoins être prise en compte dans le cadre de l’application des dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 et de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs et, par conséquent, également dans le cadre de la mise en balance des intérêts en cause à l’égard de la demande de suspension. Ainsi, c’est à bon droit que la chambre de recours ne s’est pas limitée au constat que l’action reconventionnelle en constatation d’un droit ne pouvait aboutir à ce que l’intervenante soit tenue de retirer son acte d’opposition, mais a, par la suite, pris position sur les conséquences à tirer du contenu du recours devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) pour la procédure en l’espèce.

119    S’agissant, en second lieu, de la portée de l’accord de délimitation, il convient, à titre liminaire, de constater que la décision attaquée est entachée d’inexactitudes matérielles, dans la mesure où la chambre de recours a affirmé, aux points 41 et 42 de la décision attaquée, que la requérante n’a ni allégué ni établi que l’accord de délimitation englobait également des marques de l’Union européenne et qu’il ne serait pas établi que celui-ci s’étende également à des territoires de vente situés en dehors de l’Allemagne. En effet, d’une part, contrairement à ce qui est indiqué au point 42 de la décision attaquée, la requérante relève à juste titre qu’elle a allégué à l’appui de sa demande de suspension du 12 janvier 2017 que l’accord de délimitation concernait également des marques de l’Union européenne. Par conséquent, c’est à tort que la chambre de recours a constaté que la requérante n’avait pas émis une telle allégation. En outre, la requérante souligne à juste titre qu’elle en a apporté la preuve, étant donné que les conclusions de l’action reconventionnelle en constatation d’un droit incluaient dans leur libellé les marques de l’Union européenne. D’autre part, et également en accord avec l’argumentation de la requérante, il y a lieu de relever que la considération de la chambre de recours selon laquelle il n’est pas établi que l’accord de délimitation s’étend également à des territoires de vente situés en dehors de l’Allemagne est dépourvue de pertinence dans la mesure où ce constat ne permet pas nécessairement de conclure que ledit accord n’englobe pas des marques de l’Union européenne. Il ne peut pas, en effet, être exclu a priori que les parties à un accord de coexistence cherchent à trouver une solution pour la situation visée par l’action reconventionnelle en constatation d’un droit formé par la requérante devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf), à savoir le droit de faire enregistrer des marques, notamment des marques de l’Union européenne, en vue d’une utilisation dans des régions qui sont attribuées à la requérante dans ce contrat, même si ces régions se limitent à un seul État membre. En effet, dans la mesure où il ressort de la jurisprudence de la Cour que la preuve de l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne ne doit pas nécessairement avoir une étendue transfrontalière (arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C149/11, EU:C:2012:816, point 50), il ne saurait, a priori, être exclu que les parties audit accord cherchent à enregistrer des marques de l’Union européenne, même si, aux termes de l’accord et au moment de l’enregistrement, l’utilisation de ces marques de l’Union européenne n’est prévue que dans un seul État membre. Toutefois, cette appréciation erronée de la chambre de recours ne conduirait à l’annulation de la décision attaquée que dans l’hypothèse où l’examen que celle-ci a effectué des probabilités de succès de l’action reconventionnelle en constatation d’un droit devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) et son constat que la requérante n’avait pas prouvé que l’accord de délimitation lui conférait le droit d’utiliser et de faire enregistrer des marques de l’Union européenne se révéleraient eux-mêmes erronés [voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Fiesta Hotels & Resorts/EUIPO – Residencial Palladium (PALLADIUM PALACE IBIZA RESORT & SPA), T‑217/15, non publié, EU:T:2016:691, points 36 et 50].

120    À cet égard, il est utile de rappeler que, s’agissant d’une procédure engagée à l’encontre d’une marque antérieure, sur laquelle l’opposition est fondée, il a déjà été jugé qu’une analyse prima facie des probabilités de succès d’une telle procédure s’inscrivait dans le cadre du large pouvoir d’appréciation reconnu à la chambre de recours, tel que rappelé au point 114 ci-dessus, et s’avérait justifiée par l’objectif d’éviter que l’instrument de la suspension puisse être utilisé à des fins dilatoires [arrêt du 21 octobre 2015, PETCO, T‑664/13, EU:T:2015:791, point 34 ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 février 2019, Beko/EUIPO – Acer (ALTUS), T‑162/18, non publié, EU:T:2019:87, point 44]. Partant, lorsque les probabilités de succès d’une demande en nullité sont prima facie considérées comme faibles, ce qu’il appartient à la chambre de recours de vérifier, la balance des intérêts des parties penche nécessairement en faveur de l’intérêt légitime de l’opposante à obtenir, sans tarder, une décision sur l’opposition (arrêt du 21 octobre 2015, PETCO, T‑664/13, EU:T:2015:791, point 35).

121    Or, il ne ressort pas en l’espèce des éléments du dossier et des observations de la requérante que la chambre de recours a commis une quelconque erreur en considérant, aux points 34 à 43 de la décision attaquée, à la suite d’une analyse prima facie des probabilités de succès de l’action reconventionnelle en constatation d’un droit, que le contenu de ladite action reconventionnelle n’avait pas de conséquence sur la procédure en l’espèce dans la mesure où la requérante n’avait pas prouvé que l’accord de délimitation lui conférait le droit d’utiliser et de faire enregistrer des marques de l’Union européenne.

122    En effet, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les décisions antérieures mentionnées au point 14 ci-dessus et relatives aux marques allemandes de la requérante ne sont pas sans pertinence, mais peuvent servir de base pour une analyse prima facie des probabilités de succès de l’action reconventionnelle en constatation d’un droit. Ainsi, comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, l’action reconventionnelle en constatation d’un droit engagée devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) vise à clarifier en substance les mêmes questions de droit que celles qui avaient déjà été traitées de manière définitive dans la procédure devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf), l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) et le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), à savoir la question de savoir si l’accord de délimitation conférait à la requérante le droit d’utiliser et de faire enregistrer des marques de l’Union européenne.

123    Or, comme cela est exposé au point 104 ci-dessus, la chambre de recours, en prenant en compte la jurisprudence dans les procédures pilotes devant le Tribunal et la Cour ainsi que la jurisprudence dans les affaires parallèles devant la juridiction allemande [Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) et Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice)], n’a pas commis d’erreur en constatant que la requérante n’avait pas prouvé que l’accord de délimitation lui conférait le droit de faire enregistrer des marques de l’Union européenne.

124    Ainsi, en prenant en compte le critère matériel résultant des expressions « sans autorisation » et « sans motifs légitimes » et du terme « indûment » au sens de l’article 15, paragraphes 2 et 3, de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs et les faits nouveaux soulevés à cet égard par la requérante, notamment concernant les prétendus droits résultant de l’accord de délimitation ainsi que les aspects du droit des entreprises de même nom et du comportement prétendument contradictoire de l’intervenante, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en constatant que la requérante n’avait pas prouvé que l’accord de délimitation lui conférait le droit de faire enregistrer des marques de l’Union européenne, ce qui permettait de conclure l’analyse prima facie des probabilités de succès de l’action reconventionnelle en constatation d’un droit par l’affirmation que celles-ci n’étaient pas établies.

125    Dès lors, bien qu’ayant, à tort, considéré, aux points 41 et 42 de la décision attaquée, que la requérante n’avait ni allégué ni établi que l’accord de délimitation englobait également des marques de l’Union européenne et qu’il ne serait pas établi que celui-ci s’étendait également à des territoires de vente situés en dehors de l’Allemagne, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation ni de détournement de pouvoir que la chambre de recours a estimé, dans le cadre des observations portant sur l’accord de délimitation et les demandes de suspension (points 34 à 43 de la décision attaquée), que le contenu de l’action reconventionnelle en constatation d’un droit devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) n’avait aucune incidence sur la présente procédure et que la requérante n’avait pas prouvé que l’accord de délimitation lui conférait le droit d’utiliser et de faire enregistrer des marques y compris de marques de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, PALLADIUM PALACE IBIZA RESORT & SPA, T‑217/15, non publié, EU:T:2016:691, points 36 et 50).

126    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

127    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

128    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Peek & Cloppenburg KG (Düsseldorf) est condamnée aux dépens.

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 mai 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.