Language of document : ECLI:EU:T:2001:149

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

7 juin 2001 (1)

«Recours en annulation - Aide d'État - Aide incompatible avec le marché commun - Délai d'investigation - Acte d'adhésion - Déclaration n° 31 - Motivation»

Dans l'affaire T-187/99,

Agrana Zucker und Stärke AG, établie à Vienne (Autriche), représentée par Mes W. Barfuß et H. Wollmann, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. Erhart et D. Triantafyllou, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 1999/342/CE de la Commission, du 30 septembre 1998, concernant les projets d'aide de l'Autriche à Agrana Stärke-GmbH pour la création et la transformation d'installations de production d'amidon (JO 1999, L 131, p. 61),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),

composé de Mme P. Lindh, président, MM. R. García-Valdecasas, J. D. Cooke, M. Vilaras et N. Forwood, juges,

greffier: M. G. Hertzig, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 16 novembre 2000,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    L'article 16, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 951/97 du Conseil, du 20 mai 1997, concernant l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles (JO L 142, p. 22), qui remplace, en des termes identiques, la même disposition du règlement (CEE) n° 866/90 du Conseil, du 29 mars 1990 (JO L 91, p. 1), dispose:

«Les États membres peuvent prendre, dans le domaine couvert par le présent règlement, des mesures d'aide dont les conditions ou modalités d'octroi s'écartent de celles qui sont prévues dans le présent règlement ou dont les montants excèdent les plafonds qui y sont prévus, sous réserve que ces mesures soient prises en conformité avec les articles 92 à 94 du traité.»

2.
    L'article 151, paragraphe 1, de l'acte relatif aux conditions d'adhésion du royaume de Norvège, de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, ci-après l'«acte d'adhésion») dispose:

«Les actes figurant dans la liste de l'annexe XV du présent acte s'appliquent à l'égard des nouveaux États membres dans les conditions prévues dans cette annexe.»

3.
    L'annexe XV, point VII D 1, de l'acte d'adhésion précise:

«[...] [Règlement n° 866/90], [...] modifié en dernier lieu par [le] règlement (CEE) n° 3669/93 du Conseil, du 22 décembre 1993 (JO L 338 du 31.12.1993, p. 26).

Lors de l'application de l'article 16, paragraphe 5, la Commission:

-     [...]

-    appliquera ces dispositions à l'égard de l'Autriche et de la Finlande conformément à la déclaration n° 31 figurant dans l'acte final.

    [...]»

4.
    Dans l'acte final de l'acte d'adhésion, une déclaration commune a été insérée. Celle-ci prévoit:

«31. Déclaration sur l'industrie de transformation en Autriche et en Finlande:

Les parties contractantes conviennent de ce qui suit:

[...]

ii) la souplesse quant aux régimes transitoires d'aides nationales visant à faciliter la restructuration.»

Faits à l'origine du litige

5.
    Agrana Stärke-GmbH est une entreprise qui extrait de l'amidon à partir de pommes de terre et de maïs et qui commercialise ses produits sur le marché national et à l'exportation, tant dans le secteur non alimentaire que dans le secteur des produits biologiques. Elle produit et transforme de l'amidon de maïs dans son usine d'Aschach (Autriche) et de la fécule de pomme de terre dans son usine de Gmünd (Autriche). À l'époque des faits, Agrana Beteiligungs-AG, dont le capital était détenu principalement par Zucker BeteiligungsgmbH et Südzucker AG, détenait 98,75 % des parts d'Agrana Stärke-GmbH. Le 13 août 1999, Agrana Stärke-GmbH a fusionné avec sa société soeur Agrana Zucker-GesmbH. La requête est introduite par cette nouvelle société dénommée «Agrana Zucker-GesmbH», ayant cause à titre universel d'Agrana Stärke-GmbH. Le 27 août 1999, Agrana Zucker-GesmbH a été transformée en société anonyme de droit autrichien (Aktiengesellschaft). La raison sociale de cette dernière société a été en même temps modifiée en Agrana Zucker und Stärke Aktiengesellschaft (ci-après, y compris sous ses précédentes formes sociales, «Agrana»).

6.
    En 1995, le gouvernement autrichien a mis en place un cadre global de soutien à certaines activités intitulé «Programme spécial PRE pour les investissements destinésà améliorer la transformation et la commercialisation des produits agricoles relevant de l'article 38, annexe II, du traité CE» («Eurofit»). Agrana a déposé, le 19 mai 1995, une demande d'aide relative à différents investissements dans le secteur de l'amidon prévus pour ses sites de Gmünd et d'Aschach auprès de l'autorité autrichienne compétente pour l'octroi d'une aide dans le cadre du programme Eurofit.

7.
    Le 27 mai 1995, le gouvernement autrichien a notifié à la Commission le cadre global de soutien Eurofit.

8.
    En septembre 1995, Agrana a pris la décision de lancer la mise en oeuvre du projet.

9.
    Par la suite, le gouvernement autrichien a décidé de notifier séparément, et non dans un cadre global, chaque projet concerné par le programme Eurofit. Par lettre datée du 28 juin 1996, il a donc notifié individuellement à la Commission les mesures d'aide aux investissements réalisés par Agrana sur les sites d'Aschach et de Gmünd. La notification du programme Eurofit a finalement été retirée le 3 décembre 1996.

10.
    Par lettre datée du 20 décembre 1996 adressée à la Commission, le gouvernement autrichien a demandé l'application d'un traitement séparé pour les deux mesures relatives à chacun des sites d'Agrana.

11.
    Les aides destinées à l'usine de Gmünd ont été approuvées par la Commission par lettre SG (97) D/461, du 23 janvier 1997 (aide d'État N 517/96).

12.
    Les aides destinées à l'usine d'Aschach concernaient les mesures suivantes:

-    la transformation, avec mise en oeuvre d'une technologie standard, d'une installation de prégélatinisation à haute pression pour amidon de maïs avec augmentation de la capacité de traitement, de [...] à [...];

-    une installation de saccharification de l'amidon issu du maïs, avec augmentation de la capacité, qui sera portée à [...] par an (l'ancienne installation, devenue obsolète et présentant une capacité insuffisante, sera, quant à elle, fermée).

13.
    Pour ce qui est des mesures relatives à l'usine d'Aschach, la Commission a, d'abord, par télécopie du 30 juillet 1997 et, ensuite, par lettre du 18 août 1997, informé le gouvernement autrichien de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE). La décision d'ouverture de la procédure a été publiée le 12 novembre 1997 au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 342, p. 4), et les autres États membres ainsi que les autres parties intéressées ont été invités à présenter leurs observations.

14.
    Par lettre du 18 septembre 1997, le gouvernement autrichien a communiqué ses observations sur la décision de la Commission concernant l'ouverture de la procédure.

15.
    Par lettres datées du 12 décembre 1997, les gouvernements italien et espagnol ont communiqué leurs observations à la Commission.

16.
    La Fachverband der Stärkeindustrie eV, l'association des amidonneries de céréales de l'Union européenne et l'Asociación de Transformadores de Maiz por Via Húmeda ont communiqué, par lettres des 5, 9 et 12 décembre 1997, leurs observations à la Commission.

17.
    Par lettre du 12 février 1998, les autorités autrichiennes ont commenté ces observations.

18.
    Le 30 septembre 1998, la Commission a adopté la décision 1999/342/CE concernant les projets d'aides de l'Autriche à la société Agrana pour la création et la transformation d'installations de production d'amidon (JO 1999, L 131, p. 61), dans laquelle elle a constaté que le projet d'aide relatif à l'usine d'Aschach n'est pas compatible avec le marché commun (ci-après la «décision attaquée»).

Décision attaquée et procédure

19.
    Il ressort de la décision attaquée que, selon les déclarations du gouvernement autrichien, le montant de l'aide s'élève à 57,4 millions de schillings autrichiens (ATS) (4,13 millions d'écus), représentant 20 % des coûts d'investissement.

20.
    La Commission a estimé que la mesure d'aide notifiée est une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 87, paragraphe 1, CE). Elle a, par ailleurs, considéré que ni les dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 87, paragraphe 2, CE), ni celles prévues à l'article 92, paragraphe 3, sous a), b) et d), du traité CE [devenu article 87, paragraphe 3, sous a), b) et d), CE] étaient applicables.

21.
    De même, la Commission a constaté que la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité CE [devenu, après modification, article 87, paragraphe 3, sous c), CE] ne s'appliquait pas à l'aide en cause étant donné que celle-ci modifie les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun en contribuant à accroître l'offre sur un marché dominé par une demande limitée et en faussant ainsi la concurrence (point 54 de la décision attaquée). La Commission a estimé que, même s'il est tenu compte de la clause de souplesse exprimée dans la déclaration n° 31, l'aide ne peut être considérée comme compatible avec le marché commun, au sens de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité (point 56 de la décision attaquée).

22.
    En outre, la Commission a avancé que l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité n'est pas applicable du fait que les investissements ont, d'ores et déjà, été entièrement réalisés par Agrana et que la mise en service des installations visées a également étéeffectuée (point 57 de la décision attaquée). L'aide ne semblerait pas, de ce fait, nécessaire afin de pouvoir réaliser les investissements en cause. Selon la Commission, l'hypothèse selon laquelle le non-octroi de l'aide entraînerait probablement la liquidation de l'entreprise en raison de considérations relatives à la gestion de celle-ci n'était pas soutenable face à une décision d'investissement devenue effective. Dès lors, elle a considéré l'aide comme une aide au fonctionnement, laquelle tombe sous le coup de l'interdiction énoncée par l'article 92, paragraphe 1, du traité (point 69 de la décision attaquée).

23.
    La décision attaquée dispose:

«Article premier

[...]

[Le] projet d'aide ne peut entrer en ligne de compte pour aucune des exemptions à l'interdiction des aides d'État citées dans l'article 92, paragraphes 2 et 3, du traité. Il ne peut dès lors être exécuté.

[...]»

24.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 août 1999, la requérante a introduit le présent recours.

25.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 de son règlement de procédure, de demander à la Commission la production de certaines décisions dans lesquelles elle a appliqué la déclaration n° 31. La Commission a satisfait à cette demande.

26.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique du 16 novembre 2000.

Conclusions des parties

27.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens.

28.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

En droit

29.
    Il ressort de la requête que la requérante invoque quatre moyens à l'appui de ses conclusions en annulation, tirés en substance, premièrement, d'un dépassement du délai d'investigation, deuxièmement, d'une violation des dispositions combinées de l'article 151, paragraphe 1, de l'acte d'adhésion, de la déclaration n° 31 et de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE, troisièmement, d'une méconnaissance du critère de la nécessité de l'aide et, quatrièmement, d'une insuffisance de motivation.

Sur le premier moyen, tiré d'un dépassement du délai d'investigation

Arguments des parties

30.
    La requérante fait observer que, selon la jurisprudence, la Commission est tenue de faire diligence lors de la première phase de la procédure concernant des aides d'État et de tenir compte de l'intérêt des États membres à être fixés rapidement sur le point de savoir si les mesures projetées peuvent être mises à exécution (voir arrêt de la Cour du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, Rec. p. 1471). Si elle omettait de prendre position dans un délai de deux mois (ci-après le «délai Lorenz»), la Commission n'agirait pas avec la diligence voulue. Passé ce délai, l'État membre concerné pourrait mettre le projet à exécution. La requérante affirme que la Commission n'a pas respecté ce délai en l'espèce.

31.
    Elle soutient que ce n'est que par une lettre du 18 août 1997, délivrée à la représentation permanente de la république d'Autriche auprès des Communautés européennes le 19 août 1997, soit deux mois et trois jours après la dernière transmission de renseignements, que la procédure d'examen prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE a été ouverte. Il en résulterait que le délai Lorenz n'aurait pas été respecté. Par conséquent, l'interdiction de mise à exécution du projet d'aide tirée de l'article 88, paragraphe 3, CE serait devenue caduque et le libellé de la décision attaquée, aux termes duquel le projet d'aide «ne peut, dès lors, être exécuté», serait erroné. De ce fait, la décision attaquée devrait être annulée.

32.
    La requérante admet que le gouvernement autrichien a été informé par une télécopie du 30 juillet 1997 que la Commission avait décidé d'ouvrir la procédure conformément à l'article 88, paragraphe 2, CE, à savoir dans le délai de deux mois. Toutefois, selon elle, cette communication ne constituait pas une décision susceptible de suspendre ledélai Lorenz. En effet, la décision de la Commission d'ouvrir ladite procédure aurait dû prendre la forme d'une décision au sens de l'article 249 CE qui, par conséquent, aurait dû être motivée. Or, d'après la requérante, la télécopie en cause ne fournissait aucune motivation et, partant, elle ne permettait pas au gouvernement autrichien d'évaluer la portée de la décision et de présenter ses observations.

33.
    La requérante reconnaît également que la république d'Autriche n'a pas donné de préavis à l'issue de l'écoulement du délai de deux mois, tel que prévu dans l'arrêt Lorenz, précité. Toutefois, selon elle, le préavis ayant pour seule fonction de garantir que le projet d'aide soit mis à exécution conformément à la forme décrite dans la notification, son absence ne prive pas l'aide de son caractère d'aide existante.

34.
    Enfin, elle affirme qu'il découle de ce qui précède que la Commission ne pouvait examiner l'aide litigieuse qu'en vertu des dispositions relatives aux aides existantes.

35.
    La Commission conteste l'affirmation selon laquelle elle n'aurait pas respecté le délai Lorenz en l'espèce. Elle souligne, notamment, que la requérante affirme à tort que l'ouverture de la procédure conformément à l'article 88, paragraphe 2, CE doit être effectuée par une décision motivée au sens de l'article 249 CE. La Commission aurait respecté ce délai en communiquant au gouvernement autrichien, par télécopie du 30 juillet 1997, sa décision d'ouvrir la procédure. En tout état de cause, en l'absence de préavis donné à l'issue de l'écoulement du délai de deux mois, il manquerait une condition essentielle de l'application de la jurisprudence issue de l'arrêt Lorenz, précité, et, par conséquent, l'aide en cause ne pourrait en aucun cas constituer une aide existante au sens de l'article 88, paragraphe 1, CE.

Appréciation du Tribunal

36.
    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que l'article 88 CE prévoit, sous peine d'irrégularité de leur instauration, une procédure préalable d'examen des aides nouvelles que les États membres auraient l'intention d'instituer. En vertu de l'article 88, paragraphe 3, première phrase, CE, tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour, les projets tendant à instituer ou à modifier des aides doivent être notifiés à la Commission préalablement à leur mise en oeuvre. Celle-ci procède alors à un premier examen des aides projetées. Si, au terme de cet examen, celui-ci fait naître des doutes sérieux quant à la compatibilité d'un projet avec le marché commun, elle ouvre sans délai la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE.

37.
    Il ressort, par ailleurs, de l'article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE que, tout au long de la phase préliminaire, l'État membre concerné ne peut mettre à exécution le projet d'aide. En cas d'ouverture de la procédure d'examen prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE, cette interdiction subsiste jusqu'à l'adoption de la décision de la Commission sur la compatibilité du projet d'aide avec le marché commun. En revanche, ainsi qu'il résulte d'une jurisprudence constante, si la Commission n'a pas réagi dans les deux mois après la notification complète, l'État membre concerné peutmettre l'aide projetée à exécution à condition qu'il en ait donné préavis à la Commission, cette aide relevant ensuite du régime des aides existantes (voir arrêts de la Cour Lorenz, précité, point 6, du 30 juin 1992, Espagne/Commission, C-312/90, Rec. p. I-4117, point 18, du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C-39/94, Rec. p. I-3547, point 38, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 37).

38.
    En l'espèce, il convient de relever que la requérante ne conteste pas que la république d'Autriche a été informée, dans le délai de deux mois, par le biais d'une télécopie adressée par la Commission le 30 juillet 1997, de la décision de celle-ci d'ouvrir la procédure contradictoire prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE. La Commission ayant ainsi dûment «réagi» dans le délai prévu à cet effet, ladite télécopie suffisait pour interrompre l'écoulement du délai Lorenz.

39.
    En tout état de cause, il est constant en l'espèce que la république d'Autriche n'a pas envoyé de préavis à la Commission pour lui signaler son intention de mettre le projet d'aide à exécution. Or, contrairement à ce que soutient la requérante, un tel préavis n'a pas pour seule fonction de garantir que le projet d'aide soit mis à exécution conformément à la forme décrite dans la notification, mais répond aux «exigences de la sécurité juridique» (voir arrêt Lorenz, précité, point 4). En effet, le respect de cette obligation a pour objet d'établir, dans l'intérêt des parties intéressées et des juridictions nationales, la date après laquelle l'aide relève du régime des aides existantes. Cette obligation n'ayant pas été satisfaite, l'aide en cause ne saurait, dès lors, être considérée comme une aide existante.

40.
    Il résulte de ces éléments que le moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation des dispositions combinées de l'article 151, paragraphe 1, de l'acte d'adhésion, de la déclaration n° 31 et de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE

Arguments des parties

41.
    La requérante soutient que les dispositions combinées de l'article 151, paragraphe 1, et du point VII D 1 de l'annexe XV de l'acte d'adhésion prévoient que la Commission appliquera l'article 16, paragraphe 5, du règlement n° 866/90 à l'égard de la république d'Autriche et de la république de Finlande conformément à la déclaration n° 31 de l'acte final de l'acte d'adhésion. Par cette déclaration, l'Union européenne se serait engagée à faire preuve de souplesse à l'égard des dispositions transitoires nationales concernant des aides destinées à faciliter la restructuration rendue nécessaire du fait de l'adhésion.

42.
    Il découlerait de la combinaison de ces dispositions que la déclaration n° 31 n'aurait pas seulement une portée interprétative mais qu'elle correspondrait, par le biais del'article 151, paragraphe 1, de l'acte d'adhésion, à une obligation de droit primaire à la charge de l'Union européenne. Dès lors, la Commission ne pourrait refuser de prendre en compte la déclaration n° 31 en se référant au droit communautaire dérivé, voire à des actes constituant des engagements unilatéraux tels que l'encadrement communautaire des aides d'État relatives aux investissements dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles (JO 1996, C 29, p. 4). La requérante ajoute, d'ailleurs, que cet encadrement n'est pas applicable à la présente affaire, car il a été adopté postérieurement à la notification du projet d'aide dans le cadre du projet Eurofit.

43.
    Elle expose ensuite que l'origine de la déclaration n° 31 est un compromis tendant à faire coïncider l'intérêt de la république d'Autriche à ne pas être exposée brutalement au marché unique et sans protection de ses secteurs industriels particulièrement sensibles avec l'intérêt de la Communauté à ne pas accorder de période transitoire. La déclaration n° 31 constituerait, en substance, un régime transitoire et imposerait la prise en compte particulière du «scénario de l'adhésion».

44.
    La requérante estime que la notion de «souplesse» mentionnée dans la déclaration n° 31 implique que les aides à la restructuration puissent aussi avoir pour objet un accroissement de la capacité de production des industries concernées. Cela résulterait de la volonté des auteurs de cette déclaration, conscients du caractère inévitable de l'accroissement de capacité dans l'industrie de l'amidon, de permettre la survie des entreprises concernées dans le marché intérieur. Cette volonté pourrait être déduite en particulier du fait qu'une renonciation à des augmentations de capacité était initialement prévue dans une proposition de texte de la Commission au cours des négociations d'adhésion avec la république d'Autriche, restriction qui aurait été rejetée par les négociateurs autrichiens. La Commission ferait une application contraire à la déclaration n° 31, si elle soumettait l'autorisation d'une aide à la condition préalable d'un renoncement à l'accroissement de capacité.

45.
    Elle invoque, à cet égard, la position de la Commission elle-même dans sa décision relative à certains investissements d'Agrana dans le secteur de la fécule de pomme de terre (aide d'État N 517/96). La requérante cite notamment un passage de cette décision qui se lit comme suit:

«Afin que la déclaration n° 31 puisse avoir un sens, elle doit être comprise comme visant la viabilité à long terme du secteur. Dans tous les cas où cela ne peut être atteint qu'en maintenant ou en accroissant la capacité, une condition tendant à la réduction de la capacité irait à l'encontre même du sens de la notion de restructuration.»

46.
    La requérante affirme en outre que le projet d'aide notifié permettra à l'industrie autrichienne de l'amidon de s'adapter aux conditions de concurrence dans le marché intérieur européen. Il remplirait donc la première condition posée par l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE, ce qui ne serait pas contesté par la Commission dans la décision attaquée (point 50).

47.
    La prise en compte du «scénario de l'adhésion» exigerait que, lors de l'examen du projet d'aide en cause et, en particulier, lors de l'appréciation des critères de l'affectation des échanges et de l'intérêt communautaire, la Commission ne tienne pas exclusivement compte des circonstances propres au projet d'aide en cause. La Commission devrait, au contraire, mettre en balance les avantages que procure à la Communauté l'adhésion sans transition de la république d'Autriche à l'Union européenne et les inconvénients inhérents au versement de l'aide en cause. La Commission aurait méconnu cela dans la décision attaquée aux points 23 et 52 à 56.

48.
    La requérante précise, dans sa réplique, que la Commission s'est bornée à se poser la question de savoir si la situation du marché après l'adhésion serait à nouveau dégradée du fait de l'aide. Or, la Commission aurait dû prendre en considération la situation du marché dans les relations entre la Communauté et la république d'Autriche antérieurement à l'adhésion et la question de savoir si cette situation du marché s'était améliorée du fait de l'adhésion sans transition et si cette amélioration était remise en cause par la mesure d'aide examinée. L'absence de prise en considération de ces circonstances rendrait la décision illicite.

49.
    La Commission rejette cette argumentation.

50.
    Elle rappelle qu'il découle de l'article 174 de l'acte d'adhésion que la déclaration n° 31 ne fait pas partie intégrante de ce dernier. Toutefois, elle ne conteste pas qu'elle est obligée de prendre en considération cette déclaration lors de l'examen de cas particuliers. En effet, la déclaration n° 31 serait un élément supplémentaire dont la Commission doit tenir compte en plus de nombreux autres éléments dans l'évaluation globale d'un projet d'aide concret.

51.
    La Commission précise ensuite que sa position ne doit pas être interprétée en ce sens que la déclaration n° 31 ne pourrait jamais être invoquée pour autoriser une aide à des augmentations de capacité dans le secteur de l'amidon. Toutefois, en règle générale, une telle aide ne pourrait être accordée, même en invoquant la déclaration n° 31. Elle insiste sur le fait que, dans ce cas concret d'aide, l'autorisation d'une augmentation de capacité ne se justifie pas au terme de l'examen de la situation en cause.

52.
    La Commission conteste, à cet égard, l'évocation par la requérante de la décision relative à des investissements dans le secteur de la fécule de pomme de terre (aide d'État N 517/96), qui aurait peu de pertinence, car il ne s'agissait, en l'espèce, que du maintien de capacités existantes et non pas d'augmentations de capacité. De plus, elle se serait bornée dans la formulation invoquée par la requérante à constater que la volonté marquée d'aboutir à une diminution de capacité pourrait être contraire au sens de la notion de restructuration selon la déclaration n° 31. Elle n'aurait pas reconnu que des augmentations de capacité devraient être autorisées.

53.
    De même, la Commission fait observer que le point 53 de la décision attaquée ne comporte aucune formulation selon laquelle des augmentations de capacité ne seraienten aucun cas autorisées. Elle affirme que le point 53 ne peut être lu isolément et rappelle différents facteurs ayant été pris en compte dans son appréciation (énoncés aux points 52 à 56 de la décision attaquée). Dans sa duplique, la Commission fait remarquer que toute la deuxième partie du point 53 de la décision attaquée décrit son approche dans l'application des lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (JO C 368, du 23 décembre 1994, p. 12). Il serait donc faux de voir dans ces observations une affirmation concernant l'interprétation de la notion de souplesse visée à la déclaration n° 31, comme le fait la requérante.

54.
    La Commission conclut en précisant que, dans le cas de l'aide en cause, elle est arrivée à la conclusion, dans le cadre de son examen global, que cette aide ne pouvait pas être autorisée, même en invoquant la déclaration n° 31. Elle ajoute qu'elle a autorisé d'autres aides dont, notamment, la requérante était bénéficiaire, en leur appliquant la souplesse prônée par la déclaration n° 31. Elle mentionne les décisions relatives aux affaires N 445/B/95 (concernant l'Autriche), N 14/96 (concernant la Finlande) et N 517/96 (concernant l'Autriche).

Appréciation du Tribunal

55.
    L'article 16, paragraphe 5, du règlement n° 866/90 (devenu article 16, paragraphe 5, du règlement n° 951/97) dispose que les États membres peuvent prendre, sous certaines conditions, des mesures nationales d'aide, sous réserve que ces mesures soient prises en conformité avec les articles 92 à 94 du traité CE (devenus articles 87 CE à 89 CE) (voir point 1 ci-dessus).

56.
    Les critères utilisés par la Commission pour évaluer les aides visées par l'article 16, paragraphe 5, dudit règlement sont ceux qu'elle applique lors de ses examens des projets d'aide nationale conformément au traité CE et qui sont repris, notamment, dans différents encadrements et lignes directrices qu'elle a adoptés. En l'espèce, la Commission a fait référence, dans la décision attaquée, à son encadrement de 1996, précité, relatif aux investissements dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles. À cet égard, il importe de relever qu'un tel encadrement, pas plus que les lignes directrices, n'affecte la portée du droit primaire ou dérivé. De telles mesures correspondent à la volonté de la Commission de rendre publiques des règles indicatives sur l'orientation qu'elle entend suivre, telle qu'elle se dégage de ses décisions individuelles dans le domaine concerné (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Vlaamse Gewest/Commission, T-214/95, Rec. p. II-717, point 79). La requérante n'est donc pas fondée à alléguer que la Commission n'était pas en droit d'invoquer l'encadrement de 1996 en l'espèce, à supposer même qu'il soit considéré que l'aide litigieuse a été notifiée antérieurement à l'adoption de cet encadrement.

57.
    Dans cet encadrement, la Commission a fait savoir qu'il y avait lieu, en ce qui concernait l'examen de la compatibilité des aides nationales intervenues dans ledomaine visé, de se conformer à la logique exprimée au point 2.1, premier tiret, de l'annexe de la décision 94/173/CE de la Commission, du 22 mars 1994, relative à l'établissement des critères de choix à retenir pour les investissements concernant l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles et sylvicoles et abrogeant la décision 90/342/CEE (JO L 79, p. 29). Ce point exclut tout financement communautaire dans le secteur de l'amidon. En conséquence, étant donné que l'aide en cause concernait le domaine de la production d'amidon céréalier, elle ne pourrait être considérée comme compatible avec le marché commun par la Commission conformément à sa politique dans ce secteur (voir point 40 de la décision attaquée).

58.
    C'est dans ce contexte que s'inscrit l'annexe XV, point VII D 1, de l'acte d'adhésion, laquelle prévoit que la Commission appliquera l'article 16, paragraphe 5, du règlement n° 866/90 à l'égard de l'Autriche et de la Finlande, conformément à la déclaration n° 31. Cette déclaration énonce, à son tour, que la Commission doit faire preuve de «souplesse quant aux régimes transitoires d'aides nationales visant à faciliter la restructuration». Il s'agit donc d'une référence expresse dans l'acte d'adhésion à une déclaration figurant dans son acte final qui concerne l'application de l'article 16, paragraphe 5, du règlement n° 866/90 (devenu article 16, paragraphe 5, du règlement n° 951/97).

59.
    En l'espèce, il est constant entre les parties que l'aide litigieuse concerne la transformation d'un produit agricole et relève donc de l'article 16, paragraphe 5, du règlement n° 951/97. Il est également constant entre les parties que ladite aide est un «régime transitoire» au sens de la déclaration n° 31 dès lors que, d'une part, la mesure financière en cause, visant à faciliter la restructuration d'Agrana, concerne en réalité la quasi-totalité du secteur de l'amidon en Autriche et est donc à considérer comme un «régime» et, d'autre part, cette mesure étant destinée à faciliter le passage au nouvel environnement économique en Autriche du fait de son adhésion à l'Union européenne, elle est à considérer comme «transitoire».

60.
    La requérante prétend que la Commission a appliqué la déclaration n° 31 d'une manière manifestement erronée, d'une part, en ce qu'elle a posé comme condition préalable qu'une aide ne peut être admise si l'investissement en cause a pour objet un accroissement de la capacité de production et, d'autre part, en ce qu'elle n'a pas mis en balance les avantages que procure à la Communauté l'adhésion sans transition de la république d'Autriche à l'Union européenne et les inconvénients inhérents au versement de l'aide en cause.

61.
    À cet égard, il convient immédiatement d'observer que la déclaration n° 31 ne contient pas, d'après son libellé, de restrictions relatives à la capacité de production (voir point 4 ci-dessus). Il en résulte que la Commission ne peut, a priori, exclure du champ d'application de cette déclaration tous les cas où l'investissement d'un bénéficiaire potentiel d'une aide a pour objet d'augmenter la capacité de production. En effet, laCommission n'est pas en droit d'ajouter une limitation générale au champ d'application de la déclaration n° 31 qui ne ressort pas du texte de cette disposition.

62.
    Toutefois, même s'il est vrai que la Commission, au moins au regard du seul point 53 de la décision attaquée, a pu donner l'impression qu'elle n'accepterait en aucun cas une aide à un investisseur ayant pour objet une augmentation de capacité, conformément à son approche énoncée dans les lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration, il n'en demeure pas moins qu'une lecture plus complète de la décision attaquée permet de constater que la Commission a examiné s'il était possible d'accorder l'aide en question sur la base de la déclaration n° 31 eu égard aux circonstances propres au cas d'espèce.

63.
    Ainsi, la Commission a d'abord examiné les conditions existant dans le secteur de l'amidon de maïs et a constaté que ce secteur connaissait un excédent structurel représentant 20 % de la production sur le marché communautaire. Il n'existerait donc pas de segments de marché libre et les producteurs d'amidon des États membres se trouveraient dans une situation de concurrence extrêmement tendue. Cette situation toucherait non seulement le marché communautaire, mais aussi les marchés tiers, sur lesquels seraient écoulés les excédents au moyen de restitutions à l'exportation (point 25 de la décision attaquée). Selon la Commission, le projet de l'aide litigieuse contribuerait à une augmentation sensible desdites capacités de production existant dans la communauté (point 37 de la décision attaquée). En vue de cela, la Commission a précisé que, en vertu des règles normalement applicables, une telle aide serait «expressément exclue de tout soutien de l'État et serait dès lors considérée comme incompatible avec le marché commun» (point 40 de la décision attaquée).

64.
    Dans la suite de la décision, la Commission a toutefois admis que la déclaration n° 31 devait incontestablement être prise en compte. Elle a exposé qu'elle avait autorisé des aides sur la base de cette déclaration dans trois cas précédents [Autriche N 445/B/95, Finlande N 14/96, Autriche N 517/96] dans lesquels aucune aide ne pouvait être autorisé en vertu des dispositions juridiques 'habituelles‘. Dans la décision relative à l'affaire N 517/96, la Commission aurait ainsi accepté trois projets d'aide en faveur d'Agrana, qui avaient pour objet des investissements dans le secteur de la fécule de pomme de terre. Cette décision s'appuierait sur la déclaration n° 31, mais aussi sur le fait qu'une augmentation de la capacité de production était exclue, d'autant plus que le secteur de la fécule de pomme de terre en Autriche serait régi par un système de contingentement conformément au règlement (CE) n° 1868/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre (JO L 197, p. 4) (point 45 de la décision attaquée).

65.
    La Commission a ensuite insisté sur le fait que l'aide litigieuse «favorise une augmentation des capacités de production dans un secteur qui n'est pas réglementé par un système de quotas et qui se caractérise par des surcapacités structurelles» (point 46 de la décision attaquée). D'après la Commission, l'augmentation de la capacité d'Agrana serait de ce fait susceptible d'affecter la position concurrentielle d'entreprises productrices d'amidon opérant dans d'autres États membres et exportant versl'Autriche, qui peuvent en outre être exposées à une concurrence accrue sur d'autres marchés (point 52 de la décision attaquée). En conclusion, elle a considéré que l'aide litigieuse «modifie les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun en contribuant à accroître l'offre sur un marché dominé par une demande limitée et en faussant ainsi la concurrence» (point 54 de la décision attaquée).

66.
    La Commission a donc estimé que, même en tenant compte de la clause de souplesse définie dans la déclaration n° 31, l'aide ne pouvait être considérée comme compatible avec le marché commun, au sens de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité (point 56 de la décision attaquée).

67.
    À la lumière des motifs invoqués par la Commission dans la décision attaquée, il ne peut être considéré qu'elle a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le projet d'aide litigieuse ne pouvait être justifié sur la seule base de la déclaration n° 31.

68.
    En effet, il ne peut être reproché à la Commission d'avoir estimé que l'octroi de cette aide pourrait porter gravement atteinte à la politique qu'elle mène dans le secteur en cause. Le fait qu'elle se fonde, dans une large mesure, sur la situation structurelle dans ce secteur dans un contexte communautaire n'implique pas qu'elle n'ait pas évalué le présent cas individuellement.

69.
    Concernant l'absence de mise en balance des avantages que procurent à la Communauté l'adhésion sans transition de la république d'Autriche à l'Union européenne et les inconvénients inhérents au versement de l'aide en cause, force est de constater que la Commission n'était pas tenue de prendre cet aspect en compte. Dans son évaluation de la compatibilité de l'aide litigieuse, dans le cadre de laquelle elle devait prendre en considération la déclaration n° 31, la Commission devait, certes, apprécier, comme il est rappelé au point 49 de la décision attaquée, si l'aide était de nature à promouvoir le développement d'une branche ou d'un secteur économique, sans affecter les échanges d'une façon contraire à l'intérêt commun. Toutefois, les avantages dont la Communauté a pu bénéficier en raison de l'adhésion de la république d'Autriche à l'Union européenne ne constituent pas un élément pertinent dans le cadre d'une évaluation concrète d'une aide.

70.
    Il ressort de tout ce qui précède que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation lors de son évaluation de la compatibilité de l'aide litigieuse avec le marché commun. Il en résulte également qu'elle n'a pas violé les dispositions combinées de l'article 151, paragraphe 1, de l'acte d'adhésion, de la déclaration n° 31 et de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

71.
    Il s'ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré d'une méconnaissance du critère de la nécessité de l'aide

72.
    La requérante soutient que la Commission s'est fondée dans la décision attaquée sur une définition purement théorique et erronée de la notion de nécessité d'une aide (voir point 22 ci-dessus).

73.
    Elle avance que, s'il est exact que la décision de commencer à réaliser les investissements a été prise avant que la Commission ne se soit prononcée sur la compatibilité de l'aide, il n'est pas exact qu'Agrana aurait agi à ses risques et périls (point 62 de la décision attaquée) et que le projet aurait, de ce fait, été amorti même si l'aide n'avait pas été accordée.

74.
    À cet égard, il convient de rappeler que, afin qu'une aide puisse bénéficier d'une des dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 3, CE, l'aide doit non seulement être conforme à l'un des objectifs visés par l'article 87, paragraphe 3, sous a), b), c) ou d), CE mais elle doit également être nécessaire pour atteindre ces objectifs (voir arrêt de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730/79, Rec. p. 2671, point 17).

75.
    Or, il a été précédemment constaté que la requérante n'a pas démontré que la Commission a commis une erreur manifeste dans son appréciation des autres conditions requises pour considérer que l'aide litigieuse est compatible avec le marché commun au regard de la seule dérogation pertinente dans le cas présent, à savoir l'article 87, paragraphe 3, sous c) CE.

76.
    Par conséquent, il n'est pas besoin d'examiner le moyen relatif à la nécessité de l'aide, étant donné que l'éventuel succès de ce moyen ne saurait, en tout état de cause, entraîner l'annulation de la décision attaquée.

Sur le quatrième moyen, tiré d'un défaut de motivation

Arguments des parties

77.
    La requérante rappelle que l'obligation de motivation à la charge de la Commission est particulièrement marquée lorsqu'elle dispose d'un pouvoir discrétionnaire d'appréciation aux fins de l'application du traité. Tel serait le cas de décisions portant sur l'application de la règle dérogatoire de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

78.
    À cet égard, la Commission aurait dû veiller tout particulièrement à ce que le juge communautaire soit mis en mesure de vérifier et de décider si elle a respecté les règles de procédure, a correctement constaté les faits, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en adoptant sa décision et n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière étrangère aux fins et à l'esprit des textes concernés (voir arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C-269/90,Rec. p. I-5469, point 26, et conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84/82, Rec. p. 1451, 1492, 1500).

79.
    Or, en l'espèce, la Commission ne se serait pas expliquée au sujet de l'argument décisif du gouvernement autrichien que constituent la déclaration n° 31 et le «scénario de l'adhésion», ou du moins ne l'a fait que de manière très insuffisante. Dès lors, la décision attaquée devrait également être annulée pour violation de l'article 253 CE.

80.
    Ainsi, la Commission n'aurait pas procédé à des constatations propres à l'état et à l'évolution des relations commerciales entre la république d'Autriche et le reste de la Communauté dans le secteur de l'amidon antérieurement et postérieurement à l'adhésion. Par ailleurs, la Commission n'aurait pas analysé le point de savoir quels étaient, pour la Communauté, les avantages et les inconvénients de l'adhésion sans période transitoire dans le secteur de l'amidon. Elle ne se serait pas davantage expliquée sur le point de savoir si et pourquoi elle considérait comme dépourvu de pertinence l'exposé du gouvernement autrichien à cet égard. L'insuffisance de motivation serait aggravée par le fait que la Commission aurait adopté une opinion exactement contraire dans sa décision relative à l'affaire N 517/96.

81.
    La requérante précise dans sa réplique que si la Commission cite effectivement à plusieurs reprises la déclaration n° 31 dans la décision attaquée, elle n'a aucunement pris en compte cette déclaration lors de l'appréciation de l'intérêt communautaire au sens de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE. De plus, elle conteste l'argumentation de la Commission dans son mémoire en défense selon laquelle les avantages et les inconvénients transparaissaient dans l'état du marché lors de l'adoption de la décision attaquée. Cette analyse des conditions du marché au 30 juillet 1997 ne permettrait pas de déterminer si ces conditions sont meilleures qu'au 31 décembre 1994.

82.
    La Commission conteste l'allégation de la requérante selon laquelle la motivation de la décision attaquée serait insuffisante.

Appréciation du Tribunal

83.
    L'obligation incombant aux institutions communautaires, en vertu de l'article 253 CE, de motiver leurs décisions vise à permettre à l'intéressé de connaître les justifications de la mesure prise, afin de pouvoir défendre ses droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et au juge communautaire d'exercer son contrôle de légalité (voir arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, BFM et EFIM/Commission, T-126/96 et T-127/96, Rec. p. II-3437, point 57).

84.
    En outre, dans la motivation des décisions qu'elle est amenée à prendre pour assurer l'application des règles de concurrence, la Commission n'est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés. Il lui suffit d'exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielledans l'économie de la décision (voir arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T-459/93, Rec. p. II-1675, point 31).

85.
    Ainsi qu'il ressort de l'appréciation du Tribunal sur le deuxième moyen, la Commission a expliqué pourquoi elle avait considéré que la déclaration n° 31 ne permettait pas d'aboutir à un résultat favorable à Agrana en l'espèce.

86.
    En outre, comme il ressort également de cette appréciation, la Commission n'est pas tenue d'analyser le point de savoir quels sont les avantages et les inconvénients de l'adhésion d'un État membre dans l'appréciation concrète d'une aide (voir point 69 ci-dessus).

87.
    Enfin, la Commission a clairement indiqué les différences existant entre la présente espèce et l'affaire N 517/96 (voir point 64 ci-dessus).

88.
    Il s'ensuit que la décision attaquée permet à l'intéressé de connaître les justifications de la mesure prise et au juge communautaire d'exercer son contrôle de légalité.

89.
    Il convient donc de rejeter ce moyen.

90.
    Il ressort de ce qui précède que les mesures d'organisation de la procédure proposées par la requérante visant à ce que soient imposées à la Commission la production de la décision d'autorisation d'aides AT/24 (décision N 708/95) et la production des «Indications et documents communiqués par la république d'Autriche en vue de l'autorisation des aides d'État N 517/96» n'étant pas utiles pour la solution du litige, elles ne sauraient être retenues.

91.
    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

92.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission.

Lindh García-Valdecasas Cooke

Vilaras Forwood

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juin 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh


1: Langue de procédure: l'allemand.