Language of document : ECLI:EU:T:2001:161

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

14 juin 2001(1)

«Fonctionnaires - Nomination par voie de promotion - Annulation - Examen comparatif des mérites - Erreur manifeste d'appréciation»

Dans l'affaire T-230/99,

Hans McAuley , fonctionnaire du Conseil de l'Union européenne, demeurant à Wezembeek-Oppem (Belgique), représenté par Mes J.-N. Louis, G.-F. Parmentier et V. Peere, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. F. Anton et M. Bauer, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation des décisions du secrétaire général du Conseil du 15 décembre 1998 portant rejet de la candidature du requérant aux postes de chef de la division anglaise du service linguistique de la direction «Traduction et production des documents» de la direction générale «Administration - Protocole» et de conseiller linguistique de la même division et portant nomination, respectivement, de M. B. et de Mme K. auxdits emplois,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. P. Mengozzi, président, MM. R. M. Moura Ramos et J. D. Cooke, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 8 février 2001,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1.
    M. McAuley est entré au service du Conseil le 16 septembre 1972 en qualité de traducteur adjoint. Depuis son recrutement jusqu'à la date du présent recours, il a travaillé à la division anglaise du service linguistique de la direction «Traduction et production des documents» de la direction générale «Administration - Protocole» du secrétariat général du Conseil (ci-après la «division anglaise»).

2.
    À compter du 1er juin 1973, il a exercé ses fonctions en tant que réviseur/traducteur principal. En 1981, il a été promu, dans son emploi, au grade LA 4.

3.
    Le 9 septembre 1998, le Conseil a publié, par communication au personnel n° 112/98, un avis de vacance concernant l'emploi, de grade LA 3, de chef de la division anglaise (ci-après l'«avis de vacance du 9 septembre 1998»). Les fonctions rattachées audit emploi étaient décrites comme suit:

«Diriger la division anglaise sous l'autorité du directeur et sous l'autorité directe de son adjoint chargé plus spécialement de diriger le service linguistique.»

4.
    Les qualifications requises pour occuper le poste en question étaient les suivantes:

«-    être fonctionnaire du cadre [LA], grade 3;

-    avoir les capacités de gestion requises;

-    [avoir] une connaissance approfondie de l'anglais et [une] très bonne connaissance d'autres langues officielles des Communautés européennes».

5.
    Par lettre du 2 décembre 1998, le président de la commission consultative de promotion pour le cadre LA (ci-après la «commission consultative de promotion») a invité tous les fonctionnaires de grade LA 4 de la division anglaise, ainsi que les fonctionnaires anglophones de la coordination linguistique et du service des juristes linguistes ayant ce grade et l'ancienneté requise, à manifester, le cas échéant, leur intérêt pour les postes, de grade LA 3, de chef de la division anglaise et de conseiller linguistique de la même division. Le but de cette lettre était de permettre à la commission consultative de promotion de faire des propositions à l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») en vue de pourvoir ces postes par voie de promotion, comme l'AIPN le lui avait elle-même demandé.

6.
    La description des fonctions correspondant auxdits emplois, annexée à la lettre du 2 décembre 1998, était rédigée comme suit:

«a)    Chef de division linguistique

    Diriger sous l'autorité du directeur une division linguistique.

b)    Conseiller linguistique

    Fonctionnaire de haute qualification appelé à conseiller dans le domaine linguistique un service de l'institution ou chargé d'une mission spécifique, dans le domaine linguistique, sous l'autorité d'un directeur général ou d'un directeur.

    Cette dernière description peut couvrir, dans la pratique, une situation dans laquelle le conseiller linguistique serait placé sous l'autorité du chef de division par délégation du directeur, chargé [de l'] assister et de le conseiller dans les tâches d'organisation et de gestion de la division, et de remplir éventuellement des missions spécifiques dans le domaine linguistique.»

7.
    Le requérant a posé sa candidature aux deux emplois susvisés.

8.
    Par communication n° 172/98, du 15 décembre 1998, le secrétaire général du Conseil a informé le personnel que, suivant la proposition de la commissionconsultative de promotion, il avait décidé de nommer M. B. à l'emploi de chef de la division anglaise et Mme K. à celui de conseiller linguistique de la même division.

9.
    Le 8 mars 1999, le requérant a introduit une réclamation contre les décisions du Conseil rejetant sa candidature auxdits emplois et portant nomination de M. B. et de Mme K.

10.
    Par décision du 7 juillet 1999 - notifiée le même jour au requérant et à son conseil -, le secrétaire général du Conseil a rejeté cette réclamation.

11.
    C'est dans ces conditions que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 octobre 1999, le requérant a introduit le présent recours.

12.
    La procédure écrite s'est terminée le 21 janvier 2000, le requérant ayant renoncé à déposer une réplique.

13.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. À titre de mesures d'organisation de la procédure, il a demandé au défendeur de répondre à des questions écrites et de produire certains documents, notamment le dossier administratif de l'exercice de promotion litigieux et les rapports de notation de M. B. et de Mme K. pour les périodes 1991/1993, 1993/1995 et 1995/1997. Il a été satisfait à cette demande dans le délai imparti.

14.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 8 février 2001.

Conclusions des parties

15.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler les décisions du Conseil rejetant sa candidature aux emplois de chef de la division anglaise et de conseiller linguistique de cette même division et portant nomination de M. B. et de Mme K. auxdits emplois;

-    condamner le Conseil aux dépens.

16.
    Le défendeur conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

En droit

17.
    À l'appui de son recours, le requérant invoque plusieurs griefs tirés, d'une part, d'une violation des articles 29 et 45 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») ainsi que des principes de vocation à la carrière et d'égalité de traitement et, d'autre part, d'une erreur manifeste d'appréciation. Il convient d'examiner ensemble ces différents griefs. Le requérant invoque également une violation de l'obligation de motivation.

Sur la violation des articles 29 et 45 du statut, ainsi que des principes de vocation à la carrière et d'égalité de traitement, et sur l'erreur manifeste d'appréciation

Arguments des parties

18.
    Le requérant rappelle que, selon une jurisprudence constante, si l'AIPN dispose d'un large pouvoir d'appréciation des mérites respectifs des candidats, elle est tenue de l'exercer dans le respect de l'avis de vacance d'emploi (arrêt de la Cour du 18 mars 1993, Parlement/Frederiksen, C-35/92 P, Rec. p. I-991, point 13), qui a pour but, d'une part, d'informer les intéressés d'une façon aussi exacte que possible des conditions requises pour occuper le poste vacant et, d'autre part, de fixer le cadre de légalité dans lequel l'institution entend procéder à l'examen comparatif des mérites des candidats (arrêt du Tribunal du 19 mars 1997, Giannini/Commission, T-21/96, RecFP p. I-A-69 et II-211, point 21).

19.
    Dans le cas d'espèce, non seulement le défendeur n'aurait jamais publié l'avis de vacance de l'emploi de conseiller linguistique de la division anglaise, en violation des articles 4 et 29 du statut, mais encore la description des fonctions correspondant à cet emploi, annexée à la lettre du président de la commission consultative de promotion du 2 décembre 1998, ne contiendrait aucune indication en ce qui concerne les qualifications requises. De plus, cette description n'aurait pas permis à un candidat normalement avisé de comprendre que «la possession de qualités générales de direction, d'analyse et de jugement à un niveau élevé [jouerait] un rôle déterminant» dans l'examen des candidatures. Or, selon la décision de rejet de la réclamation du requérant, l'AIPN aurait précisément appliqué ce critère pour départager les candidats les plus méritants.

20.
    Par ailleurs, selon le requérant, l'AIPN n'a pas appliqué ce critère, étant donné que la candidate retenue pour le poste de conseiller linguistique, Mme K., n'a jamais assumé de responsabilité de gestion.

21.
    Quant à l'emploi de chef de la division anglaise, le requérant soutient que l'AIPN n'a pas respecté le cadre de légalité fixé par l'avis de vacance du 9 septembre 1998, en attribuant l'emploi en question à un candidat, M. B., n'ayant pas les qualifications requises. À cet égard, le requérant fait valoir que les connaissances linguistiques de M. B. ne couvrent que quatre langues et que l'expérience de celui-ci, en matière de gestion limitée à l'organisation du travail de six secrétaires/archivistes, n'est pas pertinente. En effet, les «capacités de gestion» mentionnées dans l'avis de vacance du 9 septembre 1998 se référeraient à l'ensemble du personnel de la division anglaise, composée de 52 personnes, dont 46 linguistes.

22.
    En outre, en présence d'un faisceau d'indices suffisamment concordants venant étayer l'argumentation du requérant relative à l'absence d'un véritable examen comparatif des candidatures, ce serait à l'institution défenderesse qu'il incombe derapporter la preuve, par des éléments objectifs susceptibles de faire l'objet d'un contrôle juridictionnel, qu'elle a respecté les garanties accordées par l'article 45 du statut au fonctionnaire ayant vocation à la promotion et procédé à un tel examen comparatif (arrêt du Tribunal du 12 mai 1998, Wenk/Commission, T-159/96, RecFP p. I-A-193 et II-593, point 55).

23.
    Or, ni dans les décisions attaquées ni dans la décision de rejet de la réclamation, le défendeur n'aurait fourni les éléments objectifs permettant de comprendre les raisons pour lesquelles les candidatures de Mme K. et de M. B. ont été préférées à celle du requérant et garantissant que le rejet de cette dernière est intervenu au terme d'un véritable examen comparatif. Au contraire, le dossier ferait apparaître un faisceau d'indices suffisamment concordants pour conclure à l'absence d'un tel examen. Le défendeur aurait ainsi violé tant l'article 45 du statut que les principes d'égalité de traitement et de vocation à la carrière.

24.
    En tout état de cause, à supposer même que le Conseil ait respecté les garanties prévues à l'article 45 du statut, il aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des mérites des candidats. À cet égard, le requérant affirme qu'il était le fonctionnaire naturellement désigné pour occuper l'un des postes litigieux. En premier lieu, ses connaissances linguistiques couvriraient huit langues, tandis que celles de M. B. et de Mme K. n'en couvriraient, respectivement, que quatre et deux. En second lieu, il bénéficierait d'une expérience certaine des emplois en question dans la mesure où il en aurait assuré la suppléance, et il aurait assumé à diverses reprises des responsabilités de gestion importantes, telles que la direction de l'une des équipes devant effectuer des heures supplémentaires. Tel ne serait pas le cas des candidats retenus, étant donné que Mme K. n'aurait effectué que des travaux de traduction et un peu de révision et que M. B. aurait travaillé surtout dans le domaine de la terminologie. En troisième lieu - comme il découlerait des résultats d'une consultation réalisée le 25 juin 1998 pour permettre aux membres de la division anglaise d'indiquer leurs préférences quant au futur chef de leur division -, le requérant aurait la préférence de ses collègues. En quatrième lieu, il posséderait une ancienneté dans le service et le grade nettement supérieure à celle des candidats retenus. En cinquième lieu, les rapports de notation de ces candidats seraient moins bons que les siens.

25.
    Le défendeur fait observer que, le requérant ayant assuré, selon ses affirmations, la suppléance du conseiller linguistique de la division anglaise, il ne peut soutenir qu'il ignorait le profil exigé pour cet emploi. En tout état de cause, la description des fonctions afférentes à l'emploi de conseiller linguistique aurait été arrêtée en 1991, lors de la création de cet emploi, et, depuis lors, n'aurait jamais été modifiée.

26.
    Le défendeur ajoute qu'aucun élément de la requête ne laisse supposer l'absence d'un véritable examen comparatif des mérites des candidats. Au contraire, commeil découlerait de la réponse à la réclamation du requérant, un tel examen aurait bien été effectué.

27.
    Selon le défendeur, un examen minutieux des rapports de notation de M. B., de Mme K. et du requérant permet de réfuter l'assertion selon laquelle les notations de ce dernier sont substantiellement supérieures à celles des fonctionnaires concernés. En outre, il résulterait de la motivation de la décision de rejet de la réclamation du requérant que l'AIPN a tenu compte de l'expérience de celui-ci dans l'appréciation des mérites. Enfin, le critère de l'ancienneté dans le grade ne constituerait qu'un critère d'évaluation parmi d'autres. Faire prédominer ce critère sans aucune marge d'appréciation reviendrait à lier l'AIPN, en violation de l'article 45 du statut, selon lequel la promotion se fait «au choix».

28.
    Quant à la violation du principe d'égalité de traitement, le défendeur soutient que le requérant a été traité de la même façon que toutes les personnes placées dans une situation comparable.

Appréciation du Tribunal

29.
    Il convient tout d'abord d'observer que, ayant été informé, par la lettre du 2 décembre 1998 du président de la commission consultative de promotion, de la vacance de l'emploi de conseiller linguistique de la division anglaise, ainsi que de la nature des fonctions qui s'y rattachent, le requérant n'a aucun intérêt à faire valoir le défaut de publication de l'avis de vacance relatif audit emploi. En effet, cette lettre ayant permis au requérant de faire acte de candidature pour le poste en question, elle a rempli la fonction essentielle de l'avis de vacance à son égard, à savoir la fonction d'information.

30.
    Dans ces circonstances, la question de savoir si cette lettre a permis d'informer le requérant de manière suffisamment exacte de la nature des conditions requises pour occuper le poste à pourvoir se confond avec celle de savoir si elle a également rempli la deuxième fonction de l'avis de vacance, c'est-à-dire fixer le cadre de légalité au regard duquel l'AIPN procédera à l'examen comparatif des mérites des candidats prévu par l'article 45, paragraphe 1, du statut (arrêt du Tribunal du 17 mai 1995, Benecos/Commission, T-16/94, RecFP p. I-A-103 et II-335, point 19).

31.
    À cet égard, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient le requérant, si, dans la lettre du 2 décembre 1998, les qualifications requises pour occuper le poste de conseiller linguistique n'étaient pas mentionnées, la description des fonctions à exercer annexée à cette lettre permettait toutefois de déduire, de manière suffisamment précise, les exigences au regard desquelles la commission consultative de promotion procéderait à l'examen comparatif des mérites des différents candidats. En particulier, en précisant que le conseiller linguistique serait «appelé à conseiller dans le domaine linguistique un service de l'institution», ou chargé «d'assister et de [...] conseiller» le chef de la division anglaise «dans les tâches d'organisation et de gestion» de celle-ci et de remplir éventuellement «desmissions spécifiques dans le domaine linguistique», cette description indiquait clairement que les connaissances linguistiques des candidats et leurs capacités d'organisation et de gestion joueraient un rôle déterminant dans l'examen comparatif des mérites.

32.
    Il convient ensuite d'examiner si, en attribuant l'emploi de conseiller linguistique à Mme K., l'AIPN n'a pas commis, au regard des exigences découlant de la description des fonctions à remplir annexée à la lettre du 2 décembre 1998, une erreur manifeste d'appréciation.

33.
    En effet, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d'un tel examen, il n'appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle de l'AIPN, mais de vérifier si, eu égard aux considérations qui ont pu conduire l'administration à son appréciation, celle-ci s'est tenue dans des limites raisonnables et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée (arrêts de la Cour du 21 avril 1983, Ragusa/Commission, 282/81, Rec. p. 1245, point 9, et du Tribunal du 20 septembre 2000, Behmer/Parlement, T-220/99, Rec. p. I-A-187 et II-851, point 32).

34.
    À cet égard, il convient d'observer, tout d'abord, que, ainsi qu'il résulte des rapports de notation de Mme K. pour les périodes 1991/1993, 1993/1995 et 1995/1997, celle-ci possède une expérience limitée en matière de gestion, ayant uniquement exercé - de surcroît occasionnellement - le rôle de coordinateur, responsable de la répartition et du suivi du travail de traduction et de révision dans la division anglaise.

35.
    En revanche, le requérant dispose, comme il est indiqué dans ses rapports de notation relatifs aux mêmes périodes, d'une expérience très importante en matière de gestion. Il dirige l'une des équipes chargées d'effectuer des heures supplémentaires, a souvent assuré la suppléance des emplois litigieux, a exercé à plusieurs reprises, durant les périodes 1991/1993 et 1993/1995, le rôle de coordinateur de la division anglaise et est devenu, pendant la période 1995/1997, membre de l'équipe des coordinateurs de cette division.

36.
    Il ressort, en outre, des rapports de notation que, pour les périodes 1991/1993 et 1995/1997, le requérant a obtenu, sous la rubrique «capacité d'organisation», des notes supérieures - deux «excellent» - à celles - deux «très bien» - attribuées sous la même rubrique à Mme K.

37.
    En vertu de son expérience en matière de gestion et de ses capacités d'organisation, le requérant était donc manifestement plus qualifié que Mme K. pour assister et conseiller le chef de la division anglaise «dans les tâches d'organisation et de gestion».

38.
    Quant aux connaissances linguistiques des deux candidats, il ressort des rapports de notation de Mme K. que celle-ci, de langue maternelle anglaise, n'a qu'une trèsbonne connaissance du français et de l'allemand. Elle était donc manifestement moins qualifiée que M. McAuley, qui a une très bonne connaissance de sept langues et une bonne connaissance de l'italien, pour «conseiller dans le domaine linguistique un service de l'institution» et remplir éventuellement des «missions spécifiques dans le domaine linguistique».

39.
    Dans ces conditions, force est de constater que la différence entre les mérites et les qualifications de Mme K. et ceux du requérant ne peut justifier les explications fournies par l'AIPN dans la décision de rejet de la réclamation. Il s'ensuit que, en considérant que Mme K. remplissait mieux que le requérant les conditions relatives à l'exercice de la fonction de conseiller linguistique de la division anglaise, le Conseil a commis une erreur manifeste d'appréciation.

40.
    Le présent recours doit donc être déclaré fondé dans la mesure où il vise à l'annulation des décisions relatives au pourvoi du poste de conseiller linguistique, sans qu'il soit nécessaire d'examiner, par rapport à ces décisions, le grief tiré de la violation de l'obligation de motivation.

41.
    S'agissant du poste de chef de la division anglaise, il échet de constater, en premier lieu, que, contrairement à ce que prétend le requérant, l'AIPN a respecté, lors de la procédure de nomination litigieuse, les garanties de l'article 45 du statut, ainsi que les principes d'égalité de traitement et de vocation à la carrière. Il ressort en effet des documents produits par le défendeur à la demande du Tribunal, notamment des rapports de la commission consultative de promotion des 3 et 14 décembre 1998, que ladite commission s'est procurée tous les éléments nécessaires pour procéder à l'examen comparatif des mérites prévu par l'article 45 du statut, y compris les rapports de notation et les dossiers personnels des candidats, et qu'elle a procédé effectivement à un tel examen. Ensuite, il ressort d'une note manuscrite apposée par le secrétaire général du Conseil sur le rapport du 14 décembre 1998, ainsi que de la communication n° 172/98, précitée, que l'AIPN a suivi l'avis exprimé par la commission consultative de promotion dans ce rapport.

42.
    En second lieu, force est de constater que, en attribuant à M. B. le poste de chef de la division anglaise, l'AIPN n'a commis aucune violation de l'avis de vacance du 9 septembre 1998 et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée.

43.
    À cet égard, il importe de remarquer, d'abord, qu'il est vrai que l'expérience en matière de gestion de M. B. - limitée à la supervision et à l'organisation du travail des archivistes et des «secretary-coordinators» de la division - pourrait sembler moins pertinente que celle du requérant par rapport aux exigences de la direction d'une division linguistique entière. Toutefois, il est également vrai que, dans leurs rapports de notation pour les exercices 1991/1993, 1993/1995 et 1995/1997, à la rubrique «capacité d'organisation», M. B. a été noté à chaque fois «excellent», alors que M. McAuley s'est vu attribuer deux «excellent» et un «très bien». En outre, dans la partie relative aux appréciations générales de ces rapports denotation, les capacités d'organisation de M. B. sont toujours décrites comme étant exceptionnelles, alors que celles de M. McAuley n'ont fait l'objet d'une telle appréciation qu'en ce qui concerne l'exercice 1995/1997, son travail de gestion étant qualifié de «très efficace» pour les périodes 1991/1993 et 1993/1995. Dans ces circonstances, en estimant que M. B. possédait les capacités de gestion requises par l'avis de vacance du 9 septembre 1998 et que, compte tenu de ses capacités d'organisation exceptionnelles, il était plus qualifié que M. McAuley pour exercer les fonctions de direction incombant au chef de la division anglaise, le Conseil n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation.

44.
    De même, bien que le requérant possède des connaissances linguistiques plus vastes que celles de M. B., le Conseil pouvait raisonnablement estimer, au regard de la nature des fonctions du chef de division, que des connaissances linguistiques aussi étendues, tout en n'étant pas négligeables, n'étaient pas essentielles pour occuper le poste en question. En effet, dans l'avis de vacance du 9 septembre 1998, les qualifications requises à cet égard consistaient en «une connaissance approfondie de l'anglais et [une] très bonne connaissance d'autres langues officielles des Communautés européennes», sans que le nombre de celles-ci soit précisé. Étant donné que M. B., qui a l'anglais pour langue maternelle, a une très bonne connaissance de l'allemand et du français et une bonne connaissance du danois et du néerlandais, l'AIPN n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il remplissait les conditions requises par l'avis de vacance du 9 septembre 1998.

45.
    Quant à l'ancienneté dans le grade et le service des deux candidats, il suffit d'observer que, comme le Conseil le rappelle à juste titre, cet élément ne constitue qu'un critère d'appréciation secondaire, pouvant revêtir un caractère décisif dans le choix de l'AIPN seulement en cas d'égalité des qualifications et des mérites des fonctionnaires concernés (arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Verheyden/Commission, T-138/99, RecFP p. II-1001, points 64 et 70).

46.
    Enfin, s'agissant des résultats de la consultation du 25 juin 1998, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur valeur en tant que critère de sélection, force est de constater qu'ils ne permettent pas de conclure que la candidature du requérant au poste de chef de la division anglaise jouissait du soutien des collègues de celui-ci. En effet, s'il est vrai que, lors de cette consultation, M. McAuley a obtenu la majorité relative des voix, il s'avère également que seuls neuf des cinquante-deux membres de la division anglaise ont exprimé leur préférence pour sa candidature.

47.
    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que, pour autant qu'ils se réfèrent à la procédure de pourvoi du poste de chef de la division anglaise, les griefs tirés de la violation des articles 29 et 45 du statut ainsi que des principes de vocation à la carrière et d'égalité de traitement et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être rejetés comme non fondés.

Sur la violation de l'obligation de motivation

Arguments des parties

48.
    Selon le requérant, ni dans les décisions attaquées ni dans la décision de rejet de sa réclamation le défendeur n'a fourni les éléments objectifs permettant de comprendre les raisons pour lesquelles la candidature de M. B. a été préférée à la sienne. Ces décisions seraient donc entachées d'une violation manifeste de l'obligation de motivation.

49.
    Selon le Conseil, la motivation de la décision de rejet de la réclamation du requérant fournit à celui-ci une indication suffisante pour lui permettre d'apprécier le bien-fondé des actes attaqués et l'opportunité d'introduire un recours devant le juge communautaire.

Appréciation du Tribunal

50.
    Il convient de rappeler, tout d'abord, que, selon une jurisprudence constante, l'AIPN n'est pas tenue de motiver les décisions de promotion, ni à l'égard de leurs destinataires, à qui elles ne peuvent faire grief, ni à l'égard des candidats non promus, auxquels une telle motivation risquerait d'être préjudiciable (arrêt de la Cour du 30 octobre 1974, Grassi/Conseil, 188/73, Rec. p. 1099, points 11 et 12). Dès lors, le requérant ne saurait reprocher au Conseil de ne pas avoir motivé la décision portant nomination de M. B. à l'emploi de chef de la division anglaise.

51.
    Il échet ensuite de relever que, également selon une jurisprudence constante, si l'AIPN n'est pas tenue de motiver les décisions de promotion, elle est, en revanche, tenue de motiver sa décision de rejet d'une réclamation introduite en vertu de l'article 90, paragraphe 2, du statut, par un candidat non promu, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec celle de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (arrêt de la Cour du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C-115/92 P, Rec. p. I-6549, point 22). Dans le cas d'espèce, le Conseil a respecté cette obligation en adoptant une décision explicite et motivée de rejet de la réclamation du requérant.

52.
    Il reste donc à vérifier si la motivation de cette décision peut être considérée comme suffisante. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, cette obligation de motiver, au moins au stade du rejet de la réclamation, une décision de promotion contestée a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l'acte lui faisant grief et l'opportunité d'introduire un recours devant le Tribunal et, d'autre part, de permettre à celui-ci d'exercer son contrôle sur la légalité de ladite décision. Comme les promotions se font au choix, la motivation du rejet de la réclamation ne doit concerner que la réunion des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la procédure (arrêt du Tribunal du 18 décembre 1997, Delvaux/Commission, T-142/95, RecFP p. I-A-477 et II-1247, point 84). Enparticulier, l'AIPN n'est pas tenue de révéler au candidat écarté l'appréciation comparative qu'elle a portée sur lui et sur le candidat retenu pour la promotion ni d'exposer en détail la façon dont elle a estimé que le candidat nommé remplissait les conditions de l'avis de vacance (arrêts du Tribunal du 29 mai 1997, Contargyris/Conseil, T-6/96, RecFP p. I-A-119 et II-357, point 148, et du 21 septembre 1999, Oliveira/Parlement, T-157/98, RecFP p. I-A-163 et II-851, point 52). Il suffit que, dans sa décision de rejet de la réclamation, l'AIPN indique au fonctionnaire concerné le motif individuel et pertinent justifiant le rejet de la candidature de celui-ci (arrêts du Tribunal du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T-25/92, Rec. p. II-201, point 25, et du 19 février 1998, Campogrande/Commission, T-3/97, RecFP p. I-A-89 et II-215, point 112).

53.
    Dans le cas d'espèce, il y a lieu d'observer que la décision de rejet de la réclamation du requérant est suffisamment motivée aux fins de permettre à celui-ci de connaître les raisons pour lesquelles sa candidature n'a pas été retenue. En effet, après avoir nié la pertinence de certains éléments - âge, ancienneté, résultats de la consultation effectuée au sein de la division anglaise et connaissances linguistiques - avancés par le requérant au soutien de la supériorité de ses mérites, elle indique que les rapports de notation du candidat retenu «soutiennent la comparaison avec ceux de M. McAuley», que les rapports de notation de celui-ci ne sont pas «substantiellement supérieurs» à ceux dudit candidat et, enfin, que, selon l'AIPN, les candidatures de M. B. et de Mme K. correspondaient le mieux à l'intérêt de l'institution.

54.
    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent recours, pour autant qu'il vise à l'annulation des décisions portant nomination de M. B. au poste de chef de la division anglaise et rejetant la candidature du requérant audit poste.

Sur les dépens

55.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Par ailleurs, l'article 88 du même règlement dispose que, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent, en tout état de cause, à la charge de celles-ci.

56.
    En l'espèce, le Tribunal fera une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la défenderesse supportera ses propres dépens ainsi que 50 % de ceux exposés par le requérant, qui, par conséquent, supportera 50 % de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    Les décisions du Conseil du 15 décembre 1998 portant nomination de Mme K. au poste de conseiller linguistique de la division anglaise et rejetant la candidature du requérant audit poste sont annulées.

2)    Le recours est rejeté pour le surplus.

3)    Le Conseil supportera ses propres dépens, ainsi que 50 % de ceux exposés par le requérant.

4)    Le requérant supportera 50 % de ses propres dépens.

Mengozzi

Moura Ramos
Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juin 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Mengozzi


1: Langue de procédure: le français.