Language of document : ECLI:EU:T:2001:162

Document de travail

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

14 juin 2001(1)

«Marque communautaire - Vocables UNIVERSALTELEFONBUCH et UNIVERSALKOMMUNIKATIONSVERZEICHNIS - Motif absolu de refus - Caractère descriptif - Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 40/94»

Dans les affaires jointes T-357/99 et T-358/99,

Telefon & Buch VerlagsgmbH, établie à Salzburg (Autriche), représentée par Mes H. G. Zeiner et B. Heaman-Dunn, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme S. Bonne et MM. A. von Mühlendahl et E. Joly, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de deux décisions de la troisième chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 21 novembre 1999 (affaires R 351/1999-3 et R 352/1999-3), refusant l'enregistrement des vocables UNIVERSALTELEFONBUCH et UNIVERSALKOMMUNIKATIONSVERZEICHNIS comme marques communautaires,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. P. Mengozzi, président, Mme V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal le 22 décembre 1999,

vu les mémoires en réponse déposés au greffe du Tribunal le 24 mars 2000,

vu la jonction des présentes affaires aux fins de la procédure orale et de l'arrêt, conformément à l'article 50 du règlement de procédure du Tribunal,

à la suite de l'audience du 8 mars 2001,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1.
    Le 28 janvier 1997, la requérante a présenté deux demandes de marque verbale communautaire à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l'«Office»), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2.
    Les marques dont l'enregistrement a été demandé sont les vocables UNIVERSALTELEFONBUCH et UNIVERSALKOMMUNIKATIONSVERZEICHNIS.

3.
    Les produits et services pour lesquels les deux enregistrements susvisés ont été demandés relèvent des classes 9, 16, 41 et 42 au sens de l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et services aux fins de l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante:

«Classe 9:    Appareils et instruments scientifiques, nautiques, géodésiques, électriques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage), et d'enseignement; appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction de son et des images; supports d'enregistrement magnétiques et mémoires informatiques avec des enregistrements pour installations et appareils de traitement électronique des données, en particulier bandes magnétiques, disques et CD-ROM; disques acoustiques; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l'information et les ordinateurs; extincteurs.

Classe 16:    Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d'autres classes; produits de l'imprimerie, bottins, ouvrages de référence, articles pour reliures; photographies; papeterie; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage; matériel pour les artistes; pinceaux; machines à écrire et articles de bureau (à l'exception des meubles); matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils); matières plastiques pour l'emballage (non comprises dans d'autres classes); cartes à jouer; caractère d'imprimerie; clichés.

Classe 41:    Services d'une maison de publication, notamment la publication de textes, de livres, de revues, de journaux.

Classe 42:    Services d'un rédacteur.»

4.
    Par communications du 2 mars 1998, l'examinateur a informé la requérante que les vocables en cause lui semblaient ne pas pouvoir être enregistrés parce qu'ils étaient uniquement descriptifs, au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, et dépourvus de caractère distinctif au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, pour les produits et services suivants: «mémoires informatiques avec des enregistrements pour installations et appareils de traitement électronique des données, en particulier CD-ROM (classe 9); produits de l'imprimerie, bottins, ouvrages de référence (classe 16); services d'une maison de publication,notamment la publication de textes, de livres, de revues, de journaux (classe 41); services d'un rédacteur (classe 42)».

5.
    Par décisions du 23 avril 1999, l'examinateur a rejeté les demandes en ce qui concerne les produits et services indiqués au point précédent, au titre de l'article 38 du règlement n° 40/94, pour les motifs indiqués dans ses communications du 2 mars 1998.

6.
    Le 23 juin 1999, la requérante a formé un recours auprès de l'Office, au titre de l'article 59 du règlement n° 40/94, contre chacune des deux décisions de l'examinateur portant rejet partiel des demandes.

7.
    Les recours ont été rejetés par deux décisions de la troisième chambre de recours du 21 octobre 1999 (ci-après les «décisions attaquées»), qui ont été notifiées à la requérante le 26 octobre 1999.

8.
    En substance, la chambre de recours a considéré que les vocables en cause étaient, relativement aux produits et services concernés, descriptifs dans la partie germanophone de la Communauté et dépourvus de caractère distinctif.

Conclusions des parties

9.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    modifier les décisions attaquées, en ce sens qu'aucun motif de refus au titre de l'article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 ne s'oppose à l'enregistrement comme marques communautaires des vocables UNIVERSALTELEFONBUCH et UNIVERSALKOMMUNIKATIONSVERZEICHNIS;

-    à titre subsidiaire, annuler les décisions attaquées;

-    condamner l'Office aux dépens.

10.
    L'Office conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     rejeter les recours;

-     condamner la requérante aux dépens.

En droit

11.
    La requérante invoque à l'appui de son recours la violation de l'article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94. Il convient, en l'espèce, d'examiner la violation de l'article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement.

Arguments des parties

12.
    La requérante rappelle les termes de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 et soutient que les vocables en cause peuvent être enregistrés parce qu'ils ne présentent pas le caractère exclusivement descriptif visé par l'article en question.

13.
    La requérante fait valoir que le consommateur doit s'astreindre à un certain effort intellectuel pour transformer le message contenu dans les vocables litigieux en une indication rationnelle, compte tenu, notamment, de leur longueur.

14.
    La requérante soutient que chacun des vocables en question se compose d'une combinaison de mots qui constitue un mot nouveau, dépourvu de signification évidente. La requérante soutient que, compte tenu des multiples possibilités d'interprétation de chacun de ces vocables, leurs éléments constitutifs ne sauraient leur conférer un caractère exclusivement descriptif.

15.
    En outre, il n'existe aucune exigence de disponibilité en l'espèce, aucun concurrent ne devant utiliser les combinaisons de mots UNIVERSALTELEFONBUCH et UNIVERSALKOMMUNIKATIONSVERZEICHNIS. D'éventuels concurrents ne seront pas privés du droit d'utiliser des termes descriptifs analogues renvoyant à l'espèce ou aux propriétés de leurs produits et services sous une forme originale, sans devoir utiliser les vocables en cause eu égard à leur longueur et à leur résonance plutôt rude.

16.
    La requérante souligne également que l'Office admet que ces vocables sont des néologismes. Ils ne peuvent donc être considérés comme des signes génériques dès lors que, en tant que néologismes, ils sont inconnus du consommateur. En outre, selon la requérante, il n'existe aucun élément permettant de croire que, à l'avenir, les signes en cause seront utilisés comme indications descriptives.

17.
    La requérante conclut que les décisions attaquées sont dénuées de fondement en droit et qu'elles ne concordent pas avec la pratique décisionnelle de l'Office.

18.
    L'Office fait valoir que la ratio legis du motif de refus d'enregistrement, visé à l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, n'est pas la nécessité de préserver certains termes pour la libre concurrence. Il considère que, en vertu de ladite disposition, le législateur a refusé l'enregistrement des signes exclusivement descriptifs parce qu'il a voulu qu'ils soient, par leur nature même, réputés inaptes à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises.

19.
    L'Office considère que l'interprétation de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, faite par la chambre de recours, est conforme tant à l'esprit qu'à la lettre de ladite disposition et que les principes régissant l'examen du caractère descriptif des vocables en cause ont correctement été appliqués.

20.
    L'Office affirme que le terme «UNIVERSAL» signifie universel, vaste et volumineux, et que, relativement aux produits et services concernés, il précise et renforce les mots «TELEFONBUCH» (annuaire téléphonique) et «KOMMUNIKATIONSVERZEICHNIS» (annuaire de communication), respectivement contenus dans l'un et l'autre vocable en cause. En outre, la requérante ne justifie pas sa thèse selon laquelle ces vocables seraient susceptibles de diverses interprétations puisqu'elle ne donne pas d'exemples de significations possibles desdits vocables autres que celles indiquées par l'Office.

21.
    L'Office soutient que les combinaisons des termes réalisées ne sont pas construites de façon inhabituelle ou contraire aux règles grammaticales de la langue allemande. Par ailleurs, la prétendue longueur et les difficultés de prononciation des vocables en cause, alléguées par la requérante, ne constituent pas un obstacle à la perception immédiate de leur sens, puisque le consommateur germanophone est habitué à l'usage de mots aussi longs. L'Office conclut que les vocables en cause ont été correctement analysés comme étant exclusivement descriptifs. De surcroît, l'Office réfute l'affirmation de la requérante selon laquelle les décisions attaquées ne sont pas en conformité avec sa pratique décisionnelle.

Appréciation du Tribunal

22.
    Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sont refusées à l'enregistrement «les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci». L'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 énonce que «le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n'existent que dans une partie de la Communauté».

23.
    Les signes visés par l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 sont des signes qui définissent ou indiquent exclusivement le produit ou le service en cause dans sa nature, ses propriétés, ses qualités ou dans sa destination et qui sont réputés incapables d'exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d'identifier l'origine du produit ou du service permettant ainsi au consommateur qui l'acquiert de répéter l'expérience, si elle s'avère positive, ou de l'éviter, si elle s'avère négative, dans une ultérieure acquisition.

24.
    Le motif absolu de refus énoncé à l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 doit être apprécié par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l'enregistrement du signe est demandé (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 1999, Procter & Gamble/OHMI, BABY-DRY T-163/98, Rec. p. II-2383, points 20 et 21).

25.
    En l'espèce, il faut examiner le caractère éventuellement descriptif des vocables UNIVERSALTELEFONBUCH et UNIVERSALKOMMUNIKATIONSVERZEICHNIS par rapport aux «mémoires informatiques avec des enregistrements pour installations et appareils de traitement électronique des données, en particulier CD-ROM (classe 9)», aux «produits de l'imprimerie, bottins, ouvrages de référence (classe 16)», aux «services d'une maison de publication, notamment la publication de textes, de livres, de revues, de journaux (classe 41)» et aux «services d'un rédacteur (classe 42)».

26.
    Les «mémoires informatiques avec des enregistrements pour installations et appareils de traitement électronique des données, en particulier CD-ROM» ainsi que les «produits de l'imprimerie, bottins, ouvrages de référence», couvrent divers types de produits aptes à contenir, soit sur support électronique, soit sur support papier, des annuaires téléphoniques ou de communication. Quant aux «services d'une maison de publication, notamment la publication de textes, de livres, de revues, de journaux» et aux «services d'un rédacteur», ils concernent la création et l'élaboration des produits cités précédemment et, en particulier, des produits sur support papier qui relèvent de la classe 16 au sens de l'arrangement de Nice.

27.
    Les vocables UNIVERSALTELEFONBUCH et UNIVERSALKOMMUNIKATIONSVERZEICHNIS signifient respectivement, en allemand, annuaire téléphonique universel et annuaire universel de communication. Ces deux vocables sont construits correctement, selon les règles grammaticales de la langue allemande, et sont composés de termes allemands courants.

28.
    Les combinaisons de mots «Telefonbuch» et «Kommunikationsverzeichnis» peuvent être considérées comme descriptives des produits et services en question, étant donné qu'elles désignent l'espèce de ces produits et la destination de ces services. Il convient ensuite de déterminer si, en ajoutant l'adjectif «universal», les vocables en cause doivent être considérés comme exclusivement descriptifs des annuaires téléphoniques ou de communication à vocation universelle ou si, en revanche, cet adjectif apporte un élément supplémentaire qui rend inapplicable le motif de refus de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

29.
    Comme la Cour l'a déclaré à propos des indications susceptibles de servir à désigner la provenance géographique de produits dans son arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee (C-108/97 et C-109/97, Rec. p. I-2779, points 30 et 31), il faut apprécier si un signe descriptif présente actuellement, aux yeux des milieux intéressés, un lien avec la catégorie de produits concernée ou s'il est raisonnable d'envisager que, dans l'avenir, un tel lien puisse être établi.

30.
    Même si des annuaires téléphoniques ou de communication à vocation universelle, dans lesquels figurent toutes les données à l'échelle mondiale, ne se trouvent pas actuellement sur le marché, il est fort possible qu'ils existent dans un proche avenir, soit sur support papier, soit sur support électronique. En tout état de cause, les vocables UNIVERSALTELEFONBUCH etUNIVERSALKOMMUNIKATIONSVERZEICHNIS peuvent, déjà à l'heure actuelle, désigner des annuaires qui couvrent ou qui ont la prétention de couvrir de façon universelle, à savoir exhaustive, soit tout un territoire (régional, national ou supranational), soit tout un secteur (professionnel, social).

31.
    Ainsi, il résulte de ce qui précède que les vocables UNIVERSALTELEFONBUCH et UNIVERSALKOMMUNIKATIONSVERZEICHNIS permettent au public concerné, en l'espèce le consommateur moyen germanophone qui est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, d'établir immédiatement et sans autre réflexion un rapport concret et direct avec les produits et services visés par les demandes d'enregistrement de marques litigieuses. Par ailleurs, le fait que ces vocables soient des néologismes ne modifie en aucune manière cette appréciation.

32.
    Quant à l'allégation de la requérante selon laquelle les décisions attaquées ne sont pas en conformité avec la pratique décisionnelle de l'Office, il suffit de constater que la requérante n'a pas démontré que la pratique à laquelle elle fait référence concernait des signes ou des situations comparables à ceux de la présente affaire.

33.
    Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours a, à juste titre, retenu que les vocables UNIVERSALTELEFONBUCH et UNIVERSALKOMMUNIKATIONSVERZEICHNIS, dans la partie germanophone de la Communauté, avaient un caractère purement descriptif pour les produits et les services pour lesquels les demandes d'enregistrement ont été rejetées, en vertu de l'article 7, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, du règlement n° 40/94.

34.
    En conséquence, les demandes, à titre principal, de modification et, à titre subsidiaire, d'annulation des décisions attaquées doivent être rejetées, en application de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

35.
    Il y a lieu de rappeler qu'il ressort de l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 qu'il suffit qu'un des motifs absolus de refus s'applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque communautaire (arrêt BABY-DRY, précité, point 29). Le Tribunal ayant considéré ci-dessus que le motif de refus visé à l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 trouvait à s'appliquer en l'espèce, il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen tiré de la violation de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

36.
    Il y a lieu de conclure, au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, que les deux recours doivent être rejetés.

Sur les dépens

37.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayantsuccombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l'Office, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    Les recours sont rejetés.

2)    La requérante est condamnée aux dépens.

Mengozzi                Tiili                    Moura Ramos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juin 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Mengozzi


1: Langue de procédure: l'allemand.