Language of document : ECLI:EU:T:2021:194

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

14 avril 2021 (*)

« Aides d’État – Marché danois du transport aérien – Aide accordée par le Danemark en faveur d’une compagnie aérienne dans le cadre de la pandémie de COVID-19 – Garantie – Décision de ne pas soulever d’objections – Engagements conditionnant la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur – Aide destinée à remédier aux dommages causés par un évènement extraordinaire – Liberté d’établissement – Libre prestation de services – Égalité de traitement – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑378/20,

Ryanair DAC, établie à Swords (Irlande), représentée par Mes E. Vahida, F.-C. Laprévote, S. Rating, I.-G. Metaxas-Maranghidis et V. Blanc, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme F. Tomat, MM. L. Flynn et S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Danemark, représenté par M. J. Nymann-Lindegren et Mme M. Søndahl Wolff, en qualité d’agents, assistés de Me R. Holdgaard, avocat,

par

République française, représentée par Mme E. de Moustier et M. P. Dodeller, en qualité d’agents,

et par

SAS AB, établie à Stockholm (Suède), représentée par Me F. Sjövall, avocat,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2020) 2416 final de la Commission, du 15 avril 2020, relative à l’aide d’État SA.56795 (2020/N) – Danemark – Indemnisation des dommages causés à SAS par la pandémie de COVID-19,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),

composé de MM. M. van der Woude, président, A. Kornezov, E. Buttigieg, Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteure) et M. G. Hesse, juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 27 novembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 10 avril 2020, le Royaume de Danemark a notifié à la Commission européenne, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, une mesure d’aide (ci-après la « mesure en cause ») sous la forme d’une garantie sur une ligne de crédit renouvelable d’un montant maximal de 1,5 milliard de couronnes suédoises (SEK) en faveur de SAS AB. Cette mesure vise à indemniser partiellement SAS pour le dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

2        Le 15 avril 2020, la Commission a adopté la décision C(2020) 2416 final, relative à l’aide d’État SA.56795 (2020/N) – Danemark – Indemnisation des dommages causés à SAS par la pandémie de COVID-19 (ci-après la « décision attaquée »), par laquelle elle a considéré que la mesure en cause, d’une part, était constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, d’autre part, était compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

 Procédure et conclusions des parties

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 juin 2020, la requérante, Ryanair DAC, a introduit le présent recours.

4        Par acte déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a demandé qu’il fût statué sur le présent recours selon une procédure accélérée, conformément aux articles 151 et 152 du règlement de procédure du Tribunal. Par décision du 15 juillet 2020, le Tribunal (dixième chambre) a fait droit à la demande de procédure accélérée.

5        Sur proposition de la dixième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

6        La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 29 juillet 2020.

7        En application de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requérante a présenté, le 12 août 2020, une demande motivée d’audience de plaidoiries.

8        Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 31 août, le 4 et le 21 septembre 2020, le Royaume de Danemark, SAS et la République française ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 8, le 15 et le 30 septembre 2020, la requérante a demandé, conformément à l’article 144, paragraphe 7, du règlement de procédure, que certaines données contenues dans la requête et la version abrégée de celle-ci ne fussent pas communiquées au Royaume de Danemark, à SAS et à la République française.

9        Par ordonnances, respectivement, du 17 septembre et du 7 octobre 2020, le président de la dixième chambre élargie du Tribunal a admis l’intervention du Royaume de Danemark, de la République française et de SAS et a provisoirement limité la communication de la requête et de la version abrégée de celle-ci aux versions non confidentielles produites par la requérante, en attendant les éventuelles observations de ceux-ci sur la demande de traitement confidentiel.

10      Par mesures d’organisation de la procédure signifiées le 7 octobre 2020, le Royaume de Danemark, la République française et SAS ont été autorisés, en application de l’article 154, paragraphe 3, du règlement de procédure, à déposer un mémoire en intervention.

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      La Commission et SAS concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      La République française et le Royaume de Danemark concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

14      Il convient de rappeler que le juge de l’Union européenne est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52, et du 14 septembre 2016, Trajektna luka Split/Commission, T‑57/15, non publié, EU:T:2016:470, point 84). Dès lors, il convient, au regard, en particulier, des considérations ayant conduit à l’octroi d’un traitement accéléré de la présente procédure et de l’importance s’attachant, tant pour la requérante que pour la Commission et le Royaume de Danemark, à une réponse rapide au fond, d’examiner d’emblée le bien-fondé du recours, sans statuer préalablement sur sa recevabilité.

15      À l’appui du recours, la requérante soulève cinq moyens, tirés, le premier, de ce que la Commission a violé l’exigence selon laquelle les aides accordées au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ne sont pas destinées à remédier aux dommages subis par une seule victime, le deuxième, de ce que la Commission a considéré, à tort, que la mesure en cause était proportionnée au regard des dommages causés à SAS par la pandémie de COVID-19, le troisième, de ce que la Commission a violé diverses dispositions relatives à la libéralisation du transport aérien au sein de l’Union, le quatrième, de ce que la Commission a violé ses droits procéduraux en refusant d’ouvrir la procédure formelle d’examen en dépit de difficultés sérieuses et, le cinquième, de ce que la Commission a violé l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

 Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission a violé l’exigence selon laquelle les aides accordées au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE ne sont pas destinées à remédier aux dommages subis par une seule victime

16      La requérante soutient que les évènements extraordinaires au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE affectent, en principe, des régions ou des secteurs entiers, voire l’ensemble d’une économie. Ainsi, cette disposition serait destinée à réparer les dommages subis par l’ensemble des victimes de ces évènements, et non seulement certaines d’entre elles.

17      La Commission, le Royaume de Danemark, la République française et SAS contestent l’argumentation de la requérante.

18      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, sont compatibles avec le marché intérieur les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres évènements extraordinaires.

19      En l’espèce, la requérante ne conteste pas l’appréciation de la Commission, retenue dans la décision attaquée, selon laquelle la pandémie de COVID-19 devait être regardée comme étant un « évènement extraordinaire » au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. Par ailleurs, il résulte de la décision attaquée que la pandémie de COVID-19 a conduit à l’interruption de la majeure partie du transport aérien de passagers, eu égard, notamment, à la fermeture des frontières de plusieurs États membres de l’Union, dont le Danemark.

20      Il s’ensuit que la requérante relève, à juste titre, que SAS n’est pas la seule entreprise, ni la seule compagnie aérienne, à être affectée par l’évènement extraordinaire en cause.

21      Toutefois, ainsi que le fait valoir, à juste titre, la Commission dans son mémoire en défense, il n’existe aucune obligation, pour les États membres, d’accorder des aides destinées à remédier aux dommages causés par un évènement extraordinaire au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

22      Plus particulièrement, d’une part, si l’article 108, paragraphe 3, TFUE oblige les États membres à notifier à la Commission leurs projets en matière d’aides d’État avant leur mise à exécution, il ne les oblige pas, en revanche, à octroyer une aide (ordonnance du 30 mai 2018, Yanchev, C‑481/17, non publiée, EU:C:2018:352, point 22).

23      D’autre part, une aide peut être destinée à remédier aux dommages causés par un évènement extraordinaire, conformément à l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, indépendamment du fait qu’elle ne remédie pas à l’intégralité de ces dommages.

24      Par conséquent, il ne découle ni de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, ni de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE que les États membres seraient obligés de remédier à l’intégralité des dommages causés par un évènement extraordinaire de sorte qu’ils ne sauraient non plus être tenus d’accorder des aides à l’ensemble des victimes de ces dommages.

25      Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission a commis une erreur de droit du seul fait que la mesure en cause ne bénéficiait pas à l’ensemble des victimes des dommages causés par la pandémie de COVID-19.

26      Dès lors, le premier moyen de la requérante doit être écarté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de ce que la Commission a considéré, à tort, que la mesure en cause était proportionnée au regard des dommages causés à SAS par la pandémie de COVID-19

27      La requérante soutient que la Commission a violé l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE dans la mesure où elle a autorisé une possible surcompensation du dommage subi par SAS.

28      La Commission, le Royaume de Danemark, la République française et SAS contestent l’argumentation de la requérante.

29      À cet égard, il y a lieu de relever que, s’agissant d’une dérogation au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, énoncé à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Dès lors, seuls peuvent être compensés, au sens de cette disposition, les désavantages économiques causés directement par des calamités naturelles ou par d’autres évènements extraordinaires (arrêt du 23 février 2006, Atzeni e.a., C‑346/03 et C‑529/03, EU:C:2006:130, point 79).

30      Il s’ensuit que les aides susceptibles d’être supérieures aux pertes encourues par leurs bénéficiaires ne relèvent pas de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2004, Espagne/Commission, C‑73/03, non publié, EU:C:2004:711, points 40 et 41).

31      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que la mesure en cause visait à indemniser partiellement SAS pour le dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Si elle a indiqué que l’étendue du dommage subi par SAS n’était pas encore connue lors de l’adoption de cette décision, elle a toutefois précisé qu’il s’agissait de la « perte de valeur ajoutée », qui consiste en la différence entre les revenus de la période allant de mars 2019 à février 2020 et ceux de la période allant de mars 2020 à février 2021, à laquelle ont été soustraits, d’une part, les coûts variables évités, qui ont été calculés sur la base des coûts encourus entre mars 2019 et février 2020, et, d’autre part, la marge bénéficiaire se rapportant à la perte de revenu. Le montant du dommage a été provisoirement évalué en tenant compte d’une baisse du trafic aérien comprise entre 50 et 60 % pour la période allant de mars 2020 à février 2021 par rapport à la période allant de mars 2019 à février 2020 et correspondrait à un montant compris entre 5 et 15 milliards de SEK.

32      Dans ces conditions, la Commission a considéré que, même dans l’hypothèse où le montant de l’aide résultant de la mesure en cause correspondrait au montant garanti, à savoir 1,5 milliard de SEK, ce montant resterait inférieur au dommage subi par SAS. Elle a par ailleurs précisé que le Royaume de Danemark s’était engagé à effectuer une évaluation ex post du dommage effectivement subi par SAS au plus tard le 30 juin 2021 et à demander le remboursement de l’aide perçue pour autant que celle-ci excèderait ledit dommage, compte tenu de l’ensemble des aides susceptibles d’être accordées à SAS du fait de la pandémie de COVID-19, y compris par des autorités étrangères, dont les autorités norvégiennes.

33      En premier lieu, premièrement, la requérante soutient que la méthode de calcul visant à l’évaluation du dommage subi par SAS, présentée dans la décision attaquée, n’est pas suffisamment précise et ne permet pas d’apprécier correctement le dommage subi par cette entreprise. Elle soutient que, dans ces conditions, la Commission a commis une erreur de droit ainsi qu’une erreur d’appréciation.

34      Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission aurait dû tenir compte des dommages subis par les autres compagnies aériennes au Danemark.

35      S’agissant, premièrement, de l’évaluation du dommage subi par SAS, il résulte du point 31 ci-dessus que la Commission a identifié, dans la décision attaquée, les éléments qui devraient être pris en considération afin de quantifier le dommage, à savoir la perte de revenu, les coûts variables évités et l’ajustement de la marge bénéficiaire, ainsi que la période au cours de laquelle ce dommage pourrait se matérialiser. Elle a, par ailleurs, précisé que la perte de revenu devait être déterminée en tenant compte de l’ensemble des revenus de SAS, et non seulement de ceux dérivés du transport aérien de passagers, et a présenté une liste non exhaustive des coûts encourus par SAS. En outre, ainsi qu’il ressort des paragraphes 34 à 37 de la décision attaquée, la Commission a noté l’engagement des autorités danoises, d’une part, de procéder à la quantification ex post détaillée et concrète du dommage subi par SAS et du montant de l’aide dont elle aurait finalement bénéficié et, d’autre part, d’assurer que SAS remboursât une éventuelle surcompensation dudit dommage.

36      Par conséquent, il convient de considérer que, eu égard aux circonstances de l’espèce caractérisées par l’évènement extraordinaire, au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, que constitue la pandémie de COVID‑19, à son caractère évolutif et au caractère nécessairement prospectif de la quantification du dommage causé et du montant de l’aide finalement octroyée, la Commission a présenté avec suffisamment de précision, dans la décision attaquée, une méthode de calcul visant à l’évaluation du dommage subi par SAS.

37      Par ailleurs, force est de constater que la requérante n’apporte aucun élément de nature à établir que la méthode de calcul, telle que définie dans la décision attaquée, permettrait le versement d’une aide d’État supérieure au dommage réellement subi par SAS. À cet égard, la circonstance, invoquée par la requérante, que la Commission, dans le document intitulé « Aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles [article 107, paragraphe 2, point b), du TFUE] Liste de contrôle pour les États membres », invite les États membres à fournir « un programme détaillé établissant une méthode de calcul pour l’évaluation des dommages » dans l’hypothèse où une telle méthode existerait déjà dans le droit national de l’État membre concerné n’est pas de nature à établir que la méthode de calcul définie dans la décision attaquée manquerait de précision aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

38      Dans ces conditions, eu égard aux éléments qui précèdent, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation en ce qui concerne l’évaluation du dommage subi par SAS.

39      S’agissant, deuxièmement, du dommage subi par les autres compagnies aériennes au Danemark, la requérante fait valoir, en se fondant sur son argumentation développée dans le cadre du premier moyen, que la Commission devait tenir compte de l’ensemble des victimes de l’évènement extraordinaire en cause visé à l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. Toutefois, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été mentionné au point 24 ci-dessus, les États membres ne sont pas tenus d’accorder des aides à l’ensemble des victimes des dommages causés par un tel évènement extraordinaire. Par conséquent, contrairement à ce que prétend la requérante, l’octroi d’une aide au seul bénéfice de SAS ne dépendait pas de la démonstration, par la Commission, que le dommage causé par cet évènement n’affectait que cette entreprise.

40      En deuxième lieu, la requérante soutient qu’il ne serait pas possible pour la Commission de contrôler la proportionnalité de la mesure en cause avant le mois de mars 2021. Elle fait valoir que SAS bénéficie de l’intégralité de l’aide presque immédiatement après l’adoption de la décision attaquée alors que le dommage subi par SAS ne se matérialiserait que de manière progressive jusqu’au mois de mars 2021 et que le montant de ces dommages resterait hypothétique, compte tenu notamment de l’absence de méthode pour le calculer.

41      À cet égard, premièrement, il convient de relever que la mesure en cause est une garantie sur une ligne de crédit renouvelable. Il s’ensuit que le montant maximal de l’aide, à savoir le montant garanti de 1,5 milliard de SEK, ne sera versé que dans l’hypothèse où SAS serait dans l’incapacité de rembourser l’intégralité des sommes qui lui auraient été prêtées. Or, la requérante n’apporte aucun élément de nature à établir que, lorsque la décision attaquée a été adoptée, la Commission devait savoir que SAS se trouverait nécessairement dans une telle incapacité.

42      Il s’ensuit que, ainsi qu’il résulte d’ailleurs de la communication de la Commission sur l’application des articles [107] et [108 TFUE] aux aides d’État sous forme de garanties (JO 2008, C 155, p. 10), le montant des aides en faveur de SAS correspondait, en réalité, à la différence de taux accordé à cette dernière avec ou en l’absence de la mesure en cause à la date de l’adoption de la décision attaquée.

43      La Commission a évalué le taux d’intérêt maximal, en l’absence de la mesure en cause, à 10,26 %, sans que cela soit contesté par la requérante. Par conséquent, le montant des aides versées à SAS ne saurait dépasser 153,9 millions de SEK la première année, auxquels il conviendrait, en outre, de soustraire le prix de cette mesure facturé à SAS, lequel s’élève, aux termes de la décision attaquée, au minimum à 15 millions de SEK par an, ainsi que le taux d’intérêt négocié par SAS, compte tenu de l’adoption de ladite mesure.

44      Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que SAS est susceptible de percevoir l’intégralité de l’aide dès l’adoption de la décision attaquée.

45      Deuxièmement, la Commission a considéré, en tout état de cause, que le dommage subi par SAS, évalué à au moins 5 milliards de SEK, serait supérieur au montant garanti par la mesure en cause, à savoir 1,5 milliard de SEK. Or, si l’évaluation du dommage dépend de prévisions relatives à la baisse du trafic aérien, la requérante n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette appréciation. Plus particulièrement, elle ne conteste pas l’hypothèse, retenue par la Commission, d’une baisse du trafic aérien comprise entre 50 et 60 % pour la période allant de mars 2020 à février 2021 par rapport à la période allant de mars 2019 à février 2020. Elle ne conteste pas non plus que le dommage subi par SAS du fait de la pandémie de COVID-19 s’élève au moins à 5 milliards de SEK.

46      Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à contester la proportionnalité de la mesure en cause.

47      En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission n’a pas pris en considération les aides octroyées par le Royaume de Norvège et par le Royaume de Suède, ni celles qui pourraient l’être avant le mois de mars 2021.

48      À cet égard, il suffit de relever que, d’une part, dans la décision attaquée, la Commission a constaté que le dommage subi par SAS, évalué à au moins 5 milliards de SEK, serait supérieur aux montants garantis cumulés résultant de la mesure en cause et d’un régime d’aide précédemment adopté par le Royaume de Suède auquel SAS était éligible, à savoir 3 milliards de SEK. D’autre part, la Commission a expressément fait référence à l’ensemble des aides susceptibles d’être accordées à SAS en raison des dommages causés par la pandémie de COVID-19 avant le premier trimestre de 2021. Elle a notamment fait spécifiquement référence, outre audit régime suédois, à un régime d’aide adopté par le Royaume de Norvège et auquel SAS serait éligible. Le Royaume de Danemark s’est ainsi engagé à demander le remboursement de l’aide résultant de la mesure en cause, pour autant que celle-ci, cumulée avec d’autres, y compris celles accordées par des autorités étrangères, excèderait le dommage effectivement subi par SAS.

49      Par conséquent, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission n’a pas pris en considération les aides octroyées par le Royaume de Norvège et par le Royaume de Suède, ni celles qui pourraient l’être avant le mois de mars 2021.

50      En quatrième lieu, la requérante soutient que la Commission n’a pas tenu compte de l’avantage concurrentiel résultant du caractère discriminatoire de la mesure en cause.

51      À cet égard, il convient de relever que, aux fins de l’appréciation de la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur, l’avantage procuré par cette aide à son bénéficiaire n’inclut pas l’éventuel bénéfice économique réalisé par celui-ci par l’exploitation de cet avantage. Un tel bénéfice peut ne pas être identique à l’avantage constituant ladite aide, voire s’avérer inexistant, sans que cette circonstance puisse justifier une appréciation différente de la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, point 92).

52      Par conséquent, il y a lieu de constater que la Commission a, à juste titre, tenu compte de l’avantage procuré à SAS, tel qu’il résulte de la mesure en cause, ainsi que cela ressort des points 40 à 46 ci-dessus. En revanche, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir déterminé l’existence d’un éventuel bénéfice économique résultant de cet avantage.

53      Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’un éventuel avantage concurrentiel résultant du caractère discriminatoire qu’elle allègue.

54      Par conséquent, il convient d’écarter le deuxième moyen de la requérante.

 Sur le troisième moyen, tiré de ce que la Commission a violé diverses dispositions relatives à la libéralisation du transport aérien au sein de l’Union

55      La requérante soutient que la Commission a violé le principe de non-discrimination ainsi que la libre prestation de services et la liberté d’établissement, au motif que la mesure en cause offrirait des conditions plus favorables réservées aux entreprises établies au Danemark.

56      La Commission, le Royaume de Danemark, la République française et SAS contestent l’argumentation de la requérante.

57      Il convient de rappeler qu’une aide d’État qui viole des dispositions ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur (arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C‑594/18 P, EU:C:2020:742, point 44 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, points 50 et 51).

 Sur la violation du principe de non-discrimination

58      Le principe de non-discrimination requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 66 ; voir également, en ce sens, arrêt du 5 juin 2018, Montero Mateos, C‑677/16, EU:C:2018:393, point 49).

59      Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 26).

60      Par ailleurs, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause (arrêt du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25), étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 55].

61      La requérante soutient que la décision attaquée autorise un traitement discriminatoire qui ne serait pas nécessaire pour atteindre l’objectif de la mesure en cause, à savoir réparer les dommages causés par la pandémie de COVID-19. Elle considère que l’objectif de préserver la connectivité du Danemark ainsi que la connectivité intrascandinave également mentionné dans cette décision méconnaît l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et requiert de tenir compte d’autres compagnies aériennes dans la mesure où celles-ci représentent 68 % de l’ensemble du trafic aérien de passagers intérieur et international du Danemark. En outre, l’objectif de préserver la connectivité intrascandinave constituerait une discrimination fondée sur la nationalité. De même, le critère de l’État membre ayant délivré à SAS sa licence d’exploitation, utilisée dans la décision attaquée, constituerait une discrimination fondée sur la nationalité.

62      À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, la mesure en cause n’a pas pour objectif, outre celui d’indemniser partiellement SAS du dommage résultant de la pandémie de COVID‑19, de préserver la connectivité du Danemark ainsi que l’« accessibilité intrascandinave ».

63      En effet, d’une part, il convient de relever que la requérante renvoie, à cet égard, aux paragraphes 21 à 26 de la décision attaquée. Or, ces paragraphes se situent dans le point intitulé « Bénéficiaire », lequel se contente de décrire le bénéficiaire de la mesure en cause, à savoir SAS. D’autre part, il résulte du point intitulé « Objectif de la mesure » de cette décision, et plus particulièrement de son paragraphe 5, que la mesure en cause vise uniquement à indemniser partiellement SAS pour le dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

64      Il s’ensuit que la requérante n’est pas non plus fondée à soutenir que la mesure en cause a été accordée à SAS au motif que cette dernière était titulaire d’une licence d’exploitation, au sens de l’article 3 du règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO 2008, L 293, p. 3), délivrée par le Royaume de Danemark. En effet, la Commission a, certes, considéré, dans le point intitulé « Bénéficiaire » de la décision attaquée, que SAS était la seule compagnie aérienne à être titulaire d’une licence délivrée par le Royaume de Danemark, laquelle serait « essentielle à l’accessibilité vers, depuis et au sein de [cet État membre] ». Toutefois, il convient de relever que, dès lors que l’objectif de la mesure en cause n’est pas d’assurer l’accessibilité du Danemark, cette considération de la Commission ne saurait être interprétée comme ayant pour objet de justifier le fait que la mesure en cause ne devait bénéficier qu’à SAS.

65      En deuxième lieu, il convient de relever qu’une aide individuelle, telle que celle en cause, ne bénéficie, par définition, qu’à une seule entreprise, à l’exclusion de toutes les autres entreprises, y compris celles se trouvant dans une situation comparable à celle du bénéficiaire de cette aide. Ainsi, de par sa nature, une telle aide individuelle instaure une différence de traitement, voire une discrimination, laquelle est pourtant inhérente au caractère individuel de ladite mesure. Or, soutenir, comme le fait la requérante, que l’aide individuelle en cause est contraire au principe de non-discrimination revient, en substance, à mettre en cause systématiquement la compatibilité avec le marché intérieur de toute aide individuelle du seul fait de son caractère intrinsèquement exclusif et par là discriminatoire, alors même que le droit de l’Union permet aux États membres d’octroyer des aides individuelles, pourvu que toutes les conditions prévues à l’article 107 TFUE soient remplies.

66      À cet égard, il a d’ailleurs été relevé au point 24 ci-dessus que, s’agissant plus particulièrement de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, les États membres ne sont pas obligés de remédier à l’intégralité des dommages causés par un évènement extraordinaire et, par voie de conséquence, d’accorder des aides à l’ensemble des victimes de ces dommages.

67      En troisième lieu, il convient de relever que, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 59 ci-dessus, la requérante fait valoir, à juste titre, que l’ensemble des compagnies aériennes qui opèrent au Danemark ont été affectées par les restrictions relatives à la pandémie de COVID-19 et qu’elles ont, par voie de conséquence, toutes subi, à l’instar de SAS, un dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de leurs vols à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

68      Toutefois, à supposer que, comme l’affirme la requérante, la différence de traitement instituée par la mesure en cause, en ce qu’elle ne bénéficie qu’à SAS, puisse être assimilée à une discrimination, il convient de vérifier si elle est justifiée par un objectif légitime et si elle est nécessaire, appropriée et proportionnée pour l’atteindre (voir points 58 et 60 ci-dessus). De même, pour autant que la requérante fait référence à l’article 18, premier alinéa, TFUE, il convient de souligner que, selon cette disposition, toute discrimination exercée en raison de la nationalité dans le domaine d’application des traités « sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient » est interdite. Partant, il importe de vérifier si cette différence de traitement est permise au regard de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, qui constitue la base juridique de la décision attaquée. Cet examen implique, d’une part, que l’objectif de la mesure en cause satisfasse aux exigences prévues par cette dernière disposition et, d’autre part, que les modalités d’octroi de la mesure en cause, à savoir, en l’espèce, le fait que celle-ci ne bénéficie qu’à SAS, soient de nature à permettre que soit atteint cet objectif et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

69      S’agissant de l’objectif de la mesure en cause, la requérante ne conteste pas que l’indemnisation d’un dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation des vols d’une compagnie aérienne à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement dans le contexte de la pandémie de COVID-19 permet de remédier aux dommages causés par cette pandémie. Ainsi qu’il a été relevé au point 19 ci-dessus, la requérante ne conteste pas non plus que la pandémie de COVID-19 constitue un évènement extraordinaire au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

70      S’agissant des modalités d’octroi de la mesure en cause, la Commission a relevé, dans la décision attaquée, que SAS, dont les opérations se concentraient au Danemark, en Suède et en Norvège, représentait les deux tiers du trafic aérien intrascandinave, 33 % du trafic à l’aéroport de Copenhague (Danemark), 32 % du trafic total domestique et international au Danemark et 40 % de la connectivité domestique du Danemark. Or, la requérante reconnaît elle-même que « [l]a part de marché constitue un indicateur acceptable des dommages subis par [l]es compagnies aériennes ».

71      La requérante fait néanmoins valoir qu’une telle circonstance ne permet pas de justifier la différence de traitement résultant de la mesure en cause. Elle considère, en effet, que cette différence de traitement n’est pas proportionnée dans la mesure où cette mesure accorde à SAS l’intégralité de l’aide destinée à remédier au dommage causé par la pandémie de COVID-19 alors que SAS subirait moins de 35 % de ce dommage.

72      À cet égard, il résulte de la décision attaquée que SAS, du fait de ses parts de marché plus importantes, a été davantage affectée par les restrictions relatives à la pandémie de COVID-19 que les autres compagnies aériennes présentes au Danemark. Cela est d’ailleurs confirmé par les données figurant à l’annexe A.3.2 de la requête, dont il ressort que SAS possédait la plus grande part de marché au Danemark, à hauteur de 34 %, et que cette part de marché était significativement plus élevée que celles de son plus proche concurrent et de la requérante, qui ne possédaient qu’une part de marché, respectivement, de 18 % et de 9 %.

73      En outre, il ressort plus particulièrement des données mentionnées au point 70 ci-dessus que SAS est, en proportion, significativement plus touchée par ces restrictions que ne l’est la requérante, qui ne réalisait, ainsi que cela résulte de l’annexe A.3.2 de la requête, qu’une partie minime de son activité à destination du Danemark et depuis cet État, à la différence de SAS, pour laquelle cette partie est beaucoup plus importante.

74      Par conséquent, il y a lieu de constater que la différence de traitement en faveur de SAS est appropriée aux fins de remédier aux dommages résultant de ces restrictions et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif, conformément aux motifs déjà relevés aux points 40 à 49 ci-dessus.

75      De plus, la requérante n’établit pas que, compte tenu du faible montant de la mesure en cause, rappelé au point 43 ci-dessus, au regard de l’évaluation du dommage subi par SAS, rappelée au point 31 ci-dessus, répartir ledit montant entre l’ensemble des compagnies aériennes présentes au Danemark n’aurait pas privé d’effet utile ladite mesure.

76      Il s’ensuit qu’il était justifié de n’accorder le bénéfice de la mesure en cause qu’à SAS et que la mesure en cause ne viole pas le principe de non-discrimination.

 Sur la violation de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services

77      Il convient de rappeler que, d’une part, les dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement visent à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil (voir arrêt du 6 octobre 2015, Finanzamt Linz, C‑66/14, EU:C:2015:661, point 26 et jurisprudence citée).

78      D’autre part, la libre prestation de services s’oppose à l’application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre, indépendamment de l’existence d’une discrimination selon la nationalité ou la résidence (voir, en ce sens, arrêt du 6 février 2003, Stylianakis, C‑92/01, EU:C:2003:72, point 25). Toutefois, il y a lieu de constater que, en vertu de l’article 58, paragraphe 1, TFUE, la libre prestation des services, en matière de transports, est régie par les dispositions du titre relatif aux transports, à savoir le titre VI du traité FUE. La libre prestation des services en matière de transports est ainsi soumise, au sein du droit primaire, à un régime juridique particulier (arrêt du 18 mars 2014, International Jet Management, C‑628/11, EU:C:2014:171, point 36). Par conséquent, l’article 56 TFUE, qui consacre la libre prestation de services, ne s’applique pas tel quel au domaine de la navigation aérienne (arrêt du 25 janvier 2011, Neukirchinger, C‑382/08, EU:C:2011:27, point 22).

79      C’est dès lors uniquement sur la base de l’article 100, paragraphe 2, TFUE que des mesures de libéralisation des services de transports aériens peuvent être adoptées (arrêt du 18 mars 2014, International Jet Management, C‑628/11, EU:C:2014:171, point 38). Or, ainsi que le relève, à juste titre, la requérante, le législateur de l’Union a adopté le règlement no 1008/2008 sur le fondement de cette disposition, qui a précisément pour objet de définir les conditions d’application, dans le secteur du transport aérien, du principe de la libre prestation des services (voir, par analogie, arrêt du 6 février 2003, Stylianakis, C‑92/01, EU:C:2003:72, points 23 et 24).

80      En l’espèce, il convient de relever que la requérante soutient, en substance, que la mesure en cause constitue une entrave à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services du fait de son caractère discriminatoire.

81      Or, s’il est vrai que la mesure en cause porte sur une aide individuelle qui ne bénéficie qu’à SAS, la requérante n’établit pas en quoi ce caractère exclusif est de nature à la dissuader de s’établir au Danemark ou d’effectuer des prestations de services depuis ce pays et à destination de celui-ci. La requérante reste notamment en défaut d’identifier les éléments de fait ou de droit qui feraient que cette mesure produit des effets restrictifs qui iraient au-delà de ceux qui déclenchent l’interdiction de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mais qui, ainsi qu’il a été jugé aux points 58 à 76 ci-dessus, sont néanmoins nécessaires et proportionnés pour remédier aux dommages causés à SAS par l’évènement extraordinaire qu’est la pandémie de COVID-19, conformément aux exigences prévues par l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

82      Par conséquent, la mesure en cause ne saurait constituer une entrave à la liberté d’établissement ou à la libre prestation de services. Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission de ne pas avoir examiné la compatibilité de cette mesure avec la liberté d’établissement et la libre prestation de services.

83      Dans ces conditions, il convient d’écarter le troisième moyen de la requérante.

 Sur le quatrième moyen, tiré de ce que la Commission a violé les droits procéduraux de la requérante en refusant d’ouvrir la procédure formelle d’examen en dépit de difficultés sérieuses

84      La requérante soutient que l’examen mené par la Commission était insuffisant, notamment concernant la proportionnalité de la mesure en cause ainsi que la compatibilité de cette dernière avec le principe de non-discrimination et ceux relatifs à la libre prestation de services et à la liberté d’établissement. Or, le caractère insuffisant de cet examen témoignerait de l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen et à permettre à la requérante de présenter ses observations et, ainsi, d’influer sur ledit examen.

85      La Commission, le Royaume de Danemark, la République française et SAS contestent l’argumentation de la requérante.

86      Il convient de relever, ainsi que le fait, en substance, valoir la Commission, que le quatrième moyen de la requérante présente, en réalité, un caractère subsidiaire, pour le cas où le Tribunal n’aurait pas examiné le bien-fondé de l’appréciation de l’aide en tant que tel. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante qu’un tel moyen vise à permettre à une partie intéressée d’être jugée recevable, en cette qualité, à introduire un recours au titre de l’article 263 TFUE, ce qui lui serait autrement refusé (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 48, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 44). Or, le Tribunal a examiné les trois premiers moyens du recours, se rapportant au bien-fondé de l’appréciation de l’aide en tant que tel, de sorte qu’un tel moyen se trouve privé de sa finalité affichée.

87      Au surplus, force est de constater que ce moyen est dépourvu de contenu autonome. En effet, dans le cadre d’un tel moyen, la partie requérante peut invoquer, aux fins de la préservation des droits procéduraux dont elle bénéficie dans le cadre de la procédure formelle d’examen, uniquement des moyens de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait ou pouvait disposer, lors de la phase d’examen préliminaire de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à la compatibilité de cette dernière avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêts du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 81 ; du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 35, et du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 59), comme le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire ou l’existence de plaintes provenant de parties tierces. Or, il convient de relever que le quatrième moyen reprend de façon condensée les arguments soulevés dans le cadre des premier à troisième moyens sans mettre en évidence d’éléments spécifiques relatifs à d’éventuelles difficultés sérieuses.

88      Pour ces motifs, il convient de constater que, le Tribunal ayant examiné au fond lesdits moyens, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé de ce moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré de ce que la Commission a violé l’article 296, deuxième alinéa, TFUE

89      La requérante soutient que la Commission a violé l’article 296, deuxième alinéa, TFUE dans la mesure où elle n’a pas apprécié l’avantage concurrentiel accordé à SAS, n’a pas expliqué la manière dont elle avait déterminé le montant de la mesure en cause, n’a pas évalué les dommages causés par la pandémie de COVID-19 et n’a pas vérifié que cette mesure était conforme au principe de non-discrimination ainsi qu’à ceux relatifs à la libre prestation de services et à la liberté d’établissement. Le raisonnement de la Commission serait ainsi soit inexistant, soit tautologique, soit contradictoire.

90      Lors de l’audience, la requérante a ajouté que l’évènement extraordinaire, au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, en cause en l’espèce n’était pas clairement identifié dans la décision attaquée. Elle a fait valoir que la décision attaquée faisait référence aux restrictions en matière de déplacement, lesquelles auraient été levées entre la mi-juin et le début du mois de juillet 2020, alors que le dommage provisoirement estimé par le Royaume de Danemark correspondait à la « perte de valeur ajoutée » entre les années 2019 et 2020 et les années 2020 et 2021.

91      La Commission, le Royaume de Danemark, la République française et SAS contestent l’argumentation de la requérante.

92      À cet égard, il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Ainsi, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences prévues par l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 ; du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C‑42/01, EU:C:2004:379, point 66, et du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 79).

93      En l’espèce, s’agissant de la nature de l’acte en cause, la décision attaquée a été adoptée au terme de la phase préliminaire d’examen des aides instituée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide concernée, sans que soit ouverte la procédure formelle d’examen prévue au paragraphe 2 dudit article, qui, quant à elle, est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données relatives à cette aide.

94      Or, une telle décision, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur (arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 65).

95      À cet égard, premièrement, s’agissant de la valeur de l’avantage concurrentiel et du montant de l’aide, il convient de relever que la Commission a expliqué, dans la décision attaquée, que le Royaume de Danemark ne pouvait pas déterminer le montant de la mesure en cause dans la mesure où SAS n’avait pas encore négocié de ligne de crédit renouvelable en bénéficiant de cette mesure à la date de l’adoption de cette décision. Elle a toutefois estimé le taux qui lui aurait été imposé en l’absence de ladite mesure, ainsi qu’il a été mentionné au point 43 ci-dessus. Elle a en outre apprécié la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur en tenant compte de la valeur nominale de celle-ci.

96      Par ailleurs, pour autant que la requérante fasse référence à l’avantage concurrentiel résultant du caractère discriminatoire de la mesure en cause, il suffit de constater, ainsi qu’il résulte du point 52 ci-dessus, que la Commission n’avait pas à prendre en considération un tel avantage aux fins d’apprécier la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, de sorte qu’elle n’avait pas non plus à le mentionner dans la décision attaquée.

97      Enfin, la Commission a, d’une part, évalué le dommage subi par SAS entre 5 et 15 milliards de SEK et, d’autre part, indiqué les éléments, rappelés au point 35 ci-dessus, qui devraient être pris en considération aux fins du calcul, par le Royaume de Danemark, de ce dommage.

98      Deuxièmement, s’agissant du principe de non-discrimination et de ceux relatifs à la libre prestation de services et à la liberté d’établissement, il convient, certes, de rappeler que, lorsque les bénéficiaires de l’acte, d’une part, et d’autres opérateurs exclus, d’autre part, se trouvent placés dans une situation comparable, l’institution de l’Union, auteur de l’acte, est tenue d’exposer, dans le cadre d’une motivation spécifique, en quoi la différence de traitement ainsi instaurée est objectivement justifiée (arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 82). Toutefois, en l’espèce, il y a lieu de constater que la décision attaquée contient les éléments, rappelés au point 70 ci-dessus, permettant de comprendre la raison pour laquelle la Commission a estimé qu’il était justifié que SAS soit la seule à pouvoir bénéficier de la mesure en cause.

99      Troisièmement, s’agissant de l’évènement extraordinaire en cause en l’espèce, il convient de relever, ainsi qu’il a été mentionné au point 19 ci-dessus et qu’il résulte des paragraphes 51 à 56 de la décision attaquée, que la Commission a considéré que la pandémie de COVID-19 constituait un tel évènement.

100    Par ailleurs, si le paragraphe 3 de la décision attaquée mentionne, certes, spécifiquement des restrictions et des recommandations en matière de déplacement adoptées par le Royaume de Danemark, le Royaume de Suède et le Royaume de Norvège au cours des mois d’avril et de mai 2020, d’une part, il y a lieu de relever que l’objectif de la mesure en cause, mentionné au paragraphe 5 de cette décision, est d’indemniser partiellement SAS pour le dommage résultant de l’annulation ou de la reprogrammation de ses vols à la suite de l’instauration de restrictions en matière de déplacement dans le contexte de la pandémie de COVID-19, sans que ces restrictions soient précisément identifiées. Par conséquent, il ne ressort pas de la décision attaquée que le dommage subi par SAS était limité à celui résultant des restrictions mentionnées au paragraphe 3 de cette décision et non à d’éventuelles restrictions qui auraient pu être également adoptées dans le contexte de la pandémie de COVID-19 postérieurement à ladite décision. D’autre part, il y a lieu de constater que la décision attaquée n’exclut pas que les restrictions mentionnées au paragraphe 3 de cette décision soient susceptibles d’avoir un effet sur le trafic aérien même après leur levée, conformément aux prévisions de la Commission rappelées au point 31 ci-dessus. Par conséquent, il convient de relever qu’il n’y avait pas de contradictions à considérer à la fois que le dommage subi par SAS résultait de restrictions en matière de déplacement dans le contexte de la pandémie de COVID-19 et que ce dommage pouvait se matérialiser jusqu’en 2021.

101    Il s’ensuit que la décision attaquée est suffisamment motivée et qu’il convient, en conséquence, d’écarter le cinquième moyen de la requérante.

102    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité.

 Sur les dépens

103    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière, y compris les dépens exposés dans le cadre de la demande de traitement confidentiel.

104    Le Royaume de Danemark et la République française supporteront leurs propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

105    SAS supportera ses propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ryanair DAC est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, y compris les dépens exposés dans le cadre de la demande de traitement confidentiel.

3)      Le Royaume de Danemark, la République française et SAS AB supporteront leurs propres dépens.

Van der Woude

Kornezov

Buttigieg

Kowalik-Bańczyk

 

      Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 avril 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.