Language of document : ECLI:EU:T:2020:253

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

10 juin 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative e – Marque internationale figurative antérieure e – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑646/19,

eSky Group IP sp. z o.o., établie à Varsovie (Pologne), représentée par Me P. Kurcman, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. L. Rampini et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal étant

Gerhard Gröpel, demeurant à Passau (Allemagne), représenté par Me N. Maenz, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 24 juillet 2019 (affaire R 223/2019-4), relative à une procédure d’opposition entre M. Gröpel et eSky Group IP,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et R. Norkus, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 26 septembre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 23 janvier 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 17 janvier 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 16 mai 2017, la requérante, eSky Group IP sp. z o.o., a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 39 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour cette classe, à la description suivante : « Organisation de voyages ; organisation d’excursions ; réservation de place et vente de billets pour des voyages en moyens de transport terrestres, maritimes et aériens ; réservation de places pour des excursions ; courtage en transport ; visites touristiques ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2017/154, du 16 août 2017.

5        Le 14 septembre 2017, l’intervenant, M. Gerhard Gröpel, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur l’enregistrement international antérieur désignant l’Union européenne no 1 242 560, reproduit ci-après, enregistré le 23 décembre 2014 pour, notamment, les services suivants compris dans la classe 39 : « Organisation de circuits de voyage ; services de pré-réservation pour les voyages ; réservation de places de voyage » :

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7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        Par décision du 29 novembre 2018, la division d’opposition a accueilli l’opposition pour tous les services contestés.

9        Le 29 janvier 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 24 juillet 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours en considération des constatations suivantes. Premièrement, la chambre de recours a repris le raisonnement de la division d’opposition, qui n’était pas contesté devant elle, et conclu que les services en cause étaient identiques (point 14 de la décision attaquée). Deuxièmement, elle a considéré que le niveau d’attention du grand public et du public de professionnels pertinents au regard des services en cause variait de moyen à supérieur à la moyenne (point 25 de la décision attaquée). Troisièmement, la chambre de recours a estimé que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur le plan visuel et étaient identiques sur le plan phonétique (points 19 et 20 de la décision attaquée). Quatrièmement, sur le plan conceptuel, elle a relevé que ni l’élément verbal ni les éléments figuratifs des marques ne véhiculaient un quelconque concept et considéré, dès lors, que la comparaison conceptuelle des signes restait neutre (point 21 de la décision attaquée). Cinquièmement, compte tenu du degré moyen de similitude visuelle et de l’identité phonétique entre les signes, de l’identité des services contestés et du caractère distinctif intrinsèque normal de la marque antérieure, la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion (point 27 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qui concerne les services à l’égard desquels l’opposition a été accueillie ;

–        annuler la décision de la division d’opposition du 29 novembre 2018 en ce qui concerne les services à l’égard desquels l’opposition a été accueillie ;

–        renvoyer l’affaire devant l’EUIPO afin qu’il réforme la décision de la division d’opposition du 29 novembre 2018 sur le fond et enregistre la marque demandée pour tous les services couverts, sans préjudice des services qui ne sont pas contestés ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens exposés devant la division d’opposition, la chambre de recours et le Tribunal.

12      L’EUIPO et l’intervenant concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle soutient qu’il n’existe pas de risque de confusion en raison de l’absence de similitude entre les signes.

14      L’EUIPO et l’intervenant contestent cette argumentation.

15      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii) et iv), du règlement 2017/1001, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre et les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans l’Union, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

16      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

17      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

18      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits ou services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

19      En l’espèce, la requérante ne conteste pas l’appréciation faite par la chambre de recours selon laquelle le public pertinent pour apprécier le risque de confusion est composé du grand public et du public professionnel du secteur des voyages au sein de l’Union. De même, la requérante ne conteste pas l’appréciation faite par la chambre de recours selon laquelle le niveau d’attention du grand public et du public professionnel pertinents au regard des services en cause varie de moyen à supérieur à la moyenne.

20      La requérante ne conteste pas non plus de manière circonstanciée la conclusion de la chambre de recours, qui reprend à son compte le raisonnement précédemment développé par la division d’opposition, selon laquelle les services en cause sont identiques.

21      Au vu des éléments du dossier, il n’y a pas lieu de remettre en cause ces appréciations, au demeurant non contestées par la requérante.

22      S’agissant de la comparaison des signes, il convient de rappeler que deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [voir arrêt du 27 juin 2013, Repsol YPF/OHMI – Ajuntament de Roses (R), T‑89/12, non publié, EU:T:2013:335, point 28 et jurisprudence citée].

23      En outre, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

24      En l’espèce, sur le plan visuel, le signe du droit antérieur est composé de la lettre minuscule « e » inclinée en noir et en gras, entourée de deux cercles continus noirs. La marque demandée est composée de la lettre minuscule « e » inclinée en bleu foncé et en gras, entourée d’un cercle fragmentaire coloré en turquoise et bleu avec une petite touche de rose.

25      La chambre de recours a estimé, d’une part, que « les signes en conflit poss[édaient] une structure très similaire, à savoir celle d’une lettre “e” minuscule inclinée et en gras, entourée d’un motif linéaire circulaire » et, d’autre part, que « [l]es marques diff[éraient] en ce qu’il y a[vait] un cercle dans la marque contestée et deux cercles dans la marque antérieure ; les couleurs de la marque contestée [étaient] différentes ; le cercle [était] fragmenté dans cette marque, tandis que ceux de la marque antérieure [étaient] intacts ». Elle a conclu que les signes en conflit étaient similaires à un degré moyen sur le plan visuel.

26      La requérante conteste une telle conclusion au motif que la présence commune d’une lettre « e » stylisée ne serait pas suffisante. En effet, les signes en conflit devant être comparés globalement et non en se concentrant sur la similitude entre leurs éléments verbaux, la chambre de recours aurait dû mettre l’accent sur les différences de représentation, de stylisation, de graphisme et de couleurs entre les signes en conflit, qui ne coïncideraient que sur des aspects dénués d’importance.

27      Ainsi, quant aux particularités du signe demandé, la chambre de recours aurait dû relever, d’une part, que l’élément verbal « e » est écrit dans une police caractéristique, qui lui conférerait une apparence plus vivante et attractive que le signe antérieur, et constater, d’autre part, que la représentation colorée du signe demandé rendrait ses éléments graphiques plus visibles, reconnaissables et marquants que ceux du signe antérieur.

28      De même, quant aux particularités du signe antérieur, la chambre de recours aurait dû relever que sa composition, faite de deux cercles noirs entourant la lettre « e », donnerait l’impression visuelle d’une spirale s’achevant par une courbure dirigée vers le centre du cercle. La lettre « e » serait ainsi dissoute dans l’image globale et ne se remarquerait pas au premier regard.

29      Par ailleurs, la chambre de recours n’aurait pas respecté le principe suivant lequel un signe représenté en noir et blanc ne pourrait être considéré identique à un même signe représenté en couleur que si les différences concernant les couleurs sont insignifiantes au point de passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen [arrêts du 19 janvier 2012, Shang/OHMI (justing), T‑103/11, EU:T:2012:19, point 24 ; du 20 février 2013, Langguth Erben/OHMI (MEDINET), T‑378/11, EU:T:2013:83, et du 9 avril 2014, Pico Food/OHMI – Sobieraj (MILANÓWEK CREAM FUDGE), T‑623/11, EU:T:2014:199]. Ce principe serait également formulé dans une pratique commune, définie par le Réseau européen des marques, dessins ou modèles, concernant la portée de l’identité de marques antérieures en noir et blanc ou nuances de gris avec des versions colorées du même signe. En d’autres termes, pour parler d’identité, les différences de couleurs des signes en conflit devraient être négligeables et à peine visibles.

30      L’EUIPO et l’intervenant contestent cette argumentation.

31      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence relative citée au point 23 ci-dessus, l’appréciation de la similitude entre les signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci. En l’occurrence, dans l’appréciation des différents éléments à prendre en compte pour comparer les signes en conflit sur le plan visuel, cette impression d’ensemble est déterminée par les ressemblances liées à la présence commune de la même lettre et par l’utilisation d’une structure de même nature, au motif qu’il s’agit là de deux éléments, perçus comme un tout, que le consommateur est susceptible de reconnaître et de garder en mémoire, plutôt que la stylisation graphique des signes, qui apparaît mineure, parce qu’elle suppose un examen minutieux de la part du consommateur, qui n’adopte pas une approche particulièrement attentive lorsqu’il est en présence de signes à lettre unique [voir, par analogie, arrêts du 13 juillet 2004, AVEX/OHMI – Ahlers (a), T‑115/02, EU:T:2004:234, point 20 ; du 8 mai 2012, Mizuno/OHMI – Golfino (G), T‑101/11, non publié, EU:T:2012:223, points 44 et 45 ; et du 7 octobre 2014, Tifosi Optics/OHMI – Tom Tailor (T), T‑531/12, non publié, EU:T:2014:855, point 62]. La requérante ne peut donc être suivie quand elle affirme d’emblée (voir point 26 ci-dessus) qu’au titre de l’appréciation d’ensemble les ressemblances liées à la similitude entre les éléments verbaux seraient moins importantes que les différences de représentation, de stylisation, de graphisme et de couleurs entre les signes en conflit.

32      À cet égard, s’agissant de l’appréciation d’ensemble effectuée dans la décision attaquée, il importe, tout d’abord, de relever que la chambre de recours n’a pas conclu à l’identité des signes en conflit, mais a seulement considéré qu’ils étaient similaires à un degré moyen sur le plan visuel. La requérante ne saurait donc se prévaloir du principe invoqué au point 29 ci-dessus, qui a été consacré pour apprécier la notion d’identité et non celle de similitude, utilisée en l’espèce pour apprécier le risque de confusion.

33      De même, il y a lieu de souligner que le constat d’un degré moyen de similitude sur le plan visuel résulte de l’examen des ressemblances et des différences qui existent entre les signes en conflit. En l’espèce, ainsi, comme cela a été constaté par la chambre de recours, les signes en conflit se ressemblent du fait de leur structure, qui se caractérise par la présence d’une lettre « e » minuscule, inclinée et en gras, entourée d’un motif linéaire circulaire. Il est tout aussi correct de relever, comme l’a fait la chambre de recours, que ces signes diffèrent du fait de la présence, pour la marque demandée, d’un cercle fragmenté et de plusieurs couleurs, à savoir, selon la description de cette marque, le turquoise, le blanc, le bleu foncé, le bleu et le rose clair, alors que la marque antérieure comporte deux cercles intacts et est en noir et blanc.

34      Une telle appréciation de la comparaison des signes sur le plan visuel n’est pas remise en cause par les différents arguments présentés par la requérante (voir points 27 et 28 ci-dessus). En effet, la police de caractères utilisée pour représenter la lettre « e » de la marque demandée tout comme son apparence ne suffisent pas à écarter la ressemblance relevée par la chambre de recours dans la décision attaquée en raison de la présence commune de cette lettre dans les signes en conflit. De même, la lettre « e » de la marque antérieure est visible au centre de cette marque, étant donné que ses contours sont séparés des cercles voisins, même s’ils en sont proches. Rapportée au signe dans son ensemble, la lettre « e » de la marque antérieure ne serait donc pas perçue comme faisant partie d’une spirale s’achevant par une courbure dirigée vers le centre du cercle, comme l’allègue la requérante, mais plutôt comme la représentation de la lettre « e » au sein de deux cercles. La chambre de recours était donc fondée à considérer que les signes en conflit se ressemblent en raison notamment de la présence commune de la lettre « e » écrite en minuscule inclinée et en gras.

35      Il ressort de ce qui précède que les critiques de la requérante relatives à l’appréciation de la comparaison des signes en conflit sur le plan visuel doivent être écartées.

36      Au demeurant, même si les parties reconnaissent toutes que les signes en conflit comportent la lettre « e », il peut aussi être relevé qu’à supposer que, comme l’allègue la requérante, la lettre « e » reproduite dans la marque antérieure ne soit pas perçue visuellement comme la représentation de cette lettre au sein de deux cercles, mais plutôt comme la dernière partie d’une spirale s’achevant par une courbure dirigée vers le centre du cercle, il y aurait toujours lieu de conclure à l’existence d’un degré moyen de similitude sur le plan visuel. Celui-ci résulterait, en effet, globalement des ressemblances qui existent entre les signes en conflit, lesquels reprennent tous les deux un symbole analogue entouré, d’une part, d’un cercle fragmenté, et, d’autre part, de deux cercles, rapportées aux différences, lesquelles ne sont pas suffisantes pour éliminer le constat d’un tel degré de similitude.

37      Sur le plan phonétique, sans que cela ne soit d’ailleurs contesté par la requérante, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que les signes en conflit étaient identiques étant donné qu’ils seront l’un et l’autre prononcés en tant que lettre « e ».

38      Sur le plan conceptuel, sans que cela ne soit contesté de manière circonstanciée par la requérante, la chambre de recours a également considéré à juste titre que ni la lettre unique « e » ni les motifs linéaires partagés par les signes en conflit ne véhiculaient de concept. Elle a donc conclu à bon droit que la comparaison conceptuelle des signes restait neutre.

39      S’agissant de l’appréciation globale du risque de confusion, celle-ci implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

40      En l’espèce, la chambre de recours a constaté l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent entre les signes en conflit et pour tous les services litigieux aux motifs que ces services étaient identiques, que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur le plan visuel et qu’ils étaient identiques sur le plan phonétique, et que la marque antérieure possédait un degré normal de caractère distinctif.

41      La requérante conteste une telle analyse en faisant valoir différents arguments, qui sont tous réfutés par l’EUIPO et l’intervenant.

42      D’une part, la requérante allègue que le caractère distinctif de la marque antérieure est extrêmement faible, dès lors que 398 marques composées uniquement de la lettre « e » sont enregistrées dans l’Union et que la lettre « e » possède une capacité limitée, voire inexistante, pour distinguer l’origine commerciale des services en cause. La lettre « e » ne pourrait donc pas être considérée comme l’« élément dominant », car l’existence d’un risque de confusion ne pourrait pas être fondée sur un élément non protégé par le droit des marques.

43      S’agissant du caractère distinctif de la marque antérieure, il convient toutefois de relever, comme le font l’EUIPO et l’intervenant, que celle-ci est dépourvue de signification pour les services en cause. La lettre « e », en particulier, qui constitue l’un des éléments pris en compte par la chambre de recours au titre de la comparaison des signes, ne fait aucunement référence aux services pertinents comme le reconnaît la requérante. La marque antérieure n’est donc pas descriptive, ni même allusive ou laudative.

44      Dès lors, la chambre de recours était bien en droit de considérer que le degré de caractère distinctif de la marque antérieure était moyen.

45      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 4 du règlement 2017/1001, les lettres comptent parmi les catégories de signes qui peuvent constituer des marques de l’Union à condition qu’elles soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2012, G, T‑101/11, non publié, EU:T:2012:223, point 50). Il s’ensuit qu’une lettre est en soi susceptible de conférer à une marque un caractère distinctif. Partant, c’est à tort que la requérante soutient que la lettre « e » ne constitue pas un élément distinctif notamment dans la marque antérieure.

46      L’affirmation faite par la requérante, selon laquelle il existe 398 enregistrements de marques constituées de la lettre « e », ne remet pas en cause le degré de caractère distinctif de la marque antérieure constaté par la chambre de recours. Cette affirmation ne permet effectivement pas d’établir que, s’agissant des services en cause, l’existence alléguée de nombreuses marques incluant la lettre « e » aurait eu pour effet d’éliminer, ou même de diminuer, l’aptitude de ces marques à identifier l’origine commerciale de tels services.

47      D’autre part, la requérante fait valoir que ses services sont achetés sur Internet, au moyen d’une plateforme en ligne, et que de tels achats effectués avec une grande attention sont précédés de plusieurs actions du consommateur. Étant donné que le signe demandé ne revêtirait pas de signification conceptuelle, son aspect visuel serait donc dominant pour le consommateur. Dès lors, du fait des différences qui existeraient sur le plan visuel, lesquelles seraient amplifiées par la prépondérance de la perception visuelle des signes en conflit pour le consommateur moyen, qui tend à être attentif, et compte tenu de l’absence de pertinence de la similitude phonétique dans la présente affaire, il y aurait lieu de considérer que les signes sont globalement différents et, par voie de conséquence, qu’il n’y a pas de risque de confusion.

48      À cet égard, il doit être rappelé qu’il ressort des considérations énoncées ci-dessus que la chambre de recours a considéré à bon droit que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur le plan visuel et qu’ils étaient identiques sur le plan phonétique, tandis que la comparaison conceptuelle des signes restait neutre (voir points 24 à 38 ci-dessus).

49      À cet égard, contrairement à ce qu’affirme la requérante, bien que l’aspect visuel joue un rôle important en ce qui concerne les services en cause, relatifs à l’organisation de voyages, l’impression phonétique ne saurait pour autant être négligée. En effet, non seulement ces services sont notamment susceptibles d’être proposés à la vente dans des agences de voyages ou par téléphone mais ils peuvent également, comme l’indique l’EUIPO, faire l’objet d’une publicité orale à la radio ou par l’intermédiaire d’autres consommateurs.

50      Compte tenu de ces éléments et compte tenu également du fait que les services en cause sont identiques (voir points 20 et 21 ci-dessus) et que la marque antérieure possède un caractère distinctif intrinsèque normal en ce qui concerne ces services (voir points 43 à 45 ci-dessus), la chambre de recours pouvait bien conclure à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, dont le niveau d’attention variait de moyen à supérieur à la moyenne (voir points 19 et 21 ci-dessus).

51      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle ses services sont achetés sur Internet, au moyen d’une plateforme en ligne, par des consommateurs qui font preuve d’une grande attention. En effet, il ne ressort pas du libellé de la liste des services visés par la marque demandée que ceux-ci se limitent à de tels services. En l’espèce, rien ne permet de considérer, lors de l’analyse du risque de confusion, que les services de la marque demandée seraient différents de ceux de la marque antérieure. De même, s’agissant du public pertinent, il y a lieu de rappeler que celui-ci comprend aussi bien le grand public que les professionnels et qu’il n’est pas contesté que son niveau d’attention au regard des services en cause varie de moyen à supérieur à la moyenne, comme cela a été pris en considération par la chambre de recours dans son appréciation du risque de confusion.

52      Partant, le moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 doit être rejeté comme étant non fondé, de même que le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des chefs de conclusions de la requérante visant à demander au Tribunal d’annuler la décision de la division d’opposition du 29 novembre 2018 et à renvoyer l’affaire devant l’EUIPO.

 Sur les dépens

53      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      eSky Group IP sp. z o.o. est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 juin 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.