Language of document : ECLI:EU:C:2013:420

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 20 juin 2013 (1)

Affaire C‑301/12

Cascina Tre Pini Ss

contre

Ministero dell’Ambiente e della Tutela del Territorio e del Mare e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Italie)]

«Directive 92/43/CEE – Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages – Site d’importance communautaire – Déclassement – Propriété – Évaluation sur demande – Consultation – Autorités compétentes»






I –    Introduction

1.        La Cour a déjà dû se prononcer plusieurs fois sur la constitution de Natura 2000, le réseau européen de zones de conservation, ainsi que sur la protection de ces zones. Dans la présente affaire, en revanche, elle est appelée à dire dans quelles circonstances le statut de zone protégée doit être retiré.

2.        La directive 92/43/CEE (2) mentionne certes la possibilité de déclasser une zone spéciale de conservation, mais le litige porte en l’espèce sur les droits dont jouissent à cet égard les propriétaires des sites en question. Cette question est d’une grande importance pour l’acceptation de la protection de la nature en Europe. Les exigences du droit commun de l’Union pour la mise en œuvre de la directive «habitats» par les administrations nationales, à savoir en particulier le droit fondamental de propriété et le droit d’être entendu, seront déterminantes pour répondre à cette question.

II – Cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

3.        L’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive «habitats» définit Natura 2000, le réseau européen de zones spéciales de conservation, de la manière suivante:

«Un réseau écologique européen cohérent de zones spéciales de conservation, dénommé ‘Natura 2000’, est constitué. Ce réseau, formé par des sites abritant des types d’habitats naturels figurant à l’annexe I et des habitats des espèces figurant à l’annexe II, doit assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d’habitats naturels et des habitats d’espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle».

4.        La sélection des sites à protéger est régie à l’article 4 de la directive «habitats». En vertu du paragraphe 1 de cet article, chaque État membre propose une liste de sites en fonction de certains critères. En vertu du paragraphe 2 dudit article, sur la base d’autres critères, la Commission européenne sélectionne dans les listes de tous les États membres les sites à inscrire sur la liste des sites d’importance communautaire (ci-après les «SIC»).

5.        Il y a lieu de souligner l’article 4, paragraphe 1, quatrième phrase, de la directive «habitats», qui concerne la modification de la liste:

«Les États membres suggèrent, le cas échéant, l’adaptation de cette liste à la lumière des résultats de la surveillance visée à l’article 11».

6.        L’article 4, paragraphes 4 et 5, de la directive «habitats» concerne la protection des SIC:

«4.      Une fois qu’un site d’importance communautaire a été retenu en vertu de la procédure prévue au paragraphe 2, l’État membre concerné désigne ce site comme zone spéciale de conservation le plus rapidement possible et dans un délai maximal de six ans en établissant les priorités en fonction de l’importance des sites pour le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, d’un type d’habitat naturel de l’annexe I ou d’une espèce de l’annexe II et pour la cohérence de Natura 2000, ainsi qu’en fonction des menaces de dégradation ou de destruction qui pèsent sur eux.

5.      Dès qu’un site est inscrit sur la liste visée au paragraphe 2 troisième alinéa, il est soumis aux dispositions de l’article 6 paragraphes 2, 3 et 4».

7.        La protection est définie à l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive «habitats»:

«2.      Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.

3.      Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.

4.      Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Natur[a] 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.

[…]»

8.        L’article 9 de la directive «habitats» mentionne la possibilité de déclasser certains sites protégés:

«La Commission, agissant selon la procédure prévue à l’article 19, procède à l’évaluation périodique de la contribution de Natura 2000 à la réalisation des objectifs visés aux articles 2 et 3. Dans ce contexte, le déclassement d’une zone spéciale de conservation peut être considéré là où l’évolution naturelle relevée au titre de la surveillance prévue à l’article 11 le justifie».

9.        L’article 11 de la directive «habitats» oblige les États membres à assurer la surveillance des espèces et des habitats naturels à protéger:

«Les États membres assurent la surveillance de l’état de conservation des espèces et habitats naturels visés à l’article 2, en tenant particulièrement compte des types d’habitats naturels prioritaires et des espèces prioritaires».

10.      En vertu de l’article 17 de la directive «habitats», les États membres transmettent tous les six ans à la Commission un rapport, qui comprend notamment les principaux résultats de la surveillance visée à l’article 11.

B –    Le droit italien

11.      L’article 3, paragraphe 4 bis, du décret du président de la République no 357, du 8 septembre 1997, relatif à la mise en œuvre de la directive 92/43/CEE (ci-après le «DPR no 357/97»), régit les compétences internes en matière de révision du réseau Natura 2000:

«Afin de garantir la mise en œuvre efficace de la [directive ‘habitats’], les Régions […], procèdent, sur la base des actions de suivi […] à une évaluation périodique de l’adéquation entre les sites retenus et la réalisation des objectifs de la directive et peuvent ensuite proposer au Ministero dell’ambiente e della tutela del territorio [ministère de l’Environnement et de la protection du territoire et de la mer, ci-après le ‘Ministero dell’Ambiente’] de mettre à jour la liste des sites, leur délimitation et le contenu de la fiche d’information relative à chacun d’eux. Le Ministero dell’Ambiente transmet cette proposition à la Commission aux fins de l’évaluation visée à l’article 9 de ladite directive».

III – Contexte factuel et demande de décision préjudicielle

12.      Cascina Tre Pini Ss (ci-après «Cascina Tre Pini») est une société civile et la propriétaire d’un terrain d’environ 22 hectares situé sur le territoire de la commune de Somma Lombardo, à proximité de l’aéroport de Milan – Malpensa (Italie). Ce terrain fait partie du site dénommé «Brughiera del Dosso», que la Commission a inscrit sur la liste des SIC, sous le numéro IT2010012 (3), pour une superficie totale de 455 hectares (4).

13.      D’après le formulaire standard de données de ce site (5), celui-ci abrite principalement de vieilles chênaies acidophiles des plaines sablonneuses à Quercus robur (code 9190) et, pour partie, des landes sèches européennes (code 4030) ainsi qu’un total de quatorze espèces inscrites à l’annexe II de la directive «habitats», en particulier la grenouille agile d’Italie (Rana latastei) et le nase d’Italie (Chondrostoma soetta). Le formulaire ne mentionne pas d’espèces ni d’habitats prioritaires.

14.      Entre temps, l’aéroport de Milan – Malpensa s’est développé. Son extension était prévue par le «Piano d’Area Malpensa» (plan de zone de Malpensa), approuvé par une loi régionale de 1999. Selon Cascina Tre Pini, ce plan prévoit que les zones sises notamment sur le territoire de la commune de Somma Lombardo sont destinées à une exploitation «commerciale et industrielle».

15.      Selon Cascina Tre Pini, le développement progressif du trafic aérien de Malpensa a provoqué à la longue une dégradation écologique progressive du terrain. Elle a donc demandé en 2005 au Consorzio Parco Lombardo della Valle del Ticino, l’organisme chargé de la gestion du site Brughiera del Dosso, d’adopter les mesures nécessaires pour empêcher la détérioration écologique de son terrain. Selon Cascina Tre Pini, cette demande est restée sans réponse.

16.      En 2006, Cascina Tre Pini a demandé au Ministero dell’Ambiente de retirer son terrain du domaine du site Brughiera del Dosso dès lors que, selon elle, les conditions de fait et de droit prévues par la législation applicable et, en particulier, les conditions prévues à l’annexe III de la directive «habitats», n’étaient plus remplies. Par décision du 2 mai 2006, ledit ministère s’est déclaré incompétent et a invité la requérante au principal à s’adresser à la Regione Lombardia.

17.      Cascina Tre Pini a ensuite adressé à la Regione Lombardia une demande qui a été rejetée le 26 juillet 2006, au motif que «la demande […] ne pourra être prise en considération que si le Ministero dell’Ambiente devait demander aux Régions d’ouvrir la procédure prévue à l’article 3, paragraphe 4 bis, du [DPR no 357/97]».

18.      Le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (Italie) a rejeté en première instance le recours présenté par Cascina Tre Pini contre cette décision. Son pourvoi est actuellement pendant devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État) Celui-ci a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les articles 9 et 10 de la directive 92/43/CEE s’opposent-ils à une législation nationale (l’article 3, paragraphe 4 bis, du DPR no 357/97) qui attribue aux régions et aux provinces autonomes le pouvoir de proposer d’office la révision des SIC, sans prévoir l’obligation pour ces administrations d’exercer ce pouvoir lorsqu’elles sont saisies d’une demande motivée présentée en ce sens par des particuliers, propriétaires de sites inclus dans les SIC, à tout le moins dans le cas où ces particuliers allèguent que l’environnement du site s’est dégradé?

2)      Les articles 9 et 10 de la directive 92/43/CEE s’opposent-ils à une législation nationale (l’article 3, paragraphe 4 bis, du DPR no 357/97) qui attribue aux régions et aux provinces autonomes le pouvoir de proposer d’office la révision des SIC, au terme d’une évaluation périodique, sans prévoir d’échéances régulières pour cette évaluation (par exemple biennales ou triennales) ni aucune forme de publicité relative à l’ouverture de cette évaluation périodique pour permettre aux intéressés de présenter leurs propositions ou observations?

3)      Les articles 9 et 10 de la directive 92/43/CEE s’opposent-ils à une législation nationale (l’article 3, paragraphe 4 bis, du DPR no 357/97) qui attribue aux régions et aux provinces autonomes le pouvoir de proposer la révision des SIC, sans attribuer ce même pouvoir à l’État, à tout le moins à titre subsidiaire, en cas de carence des régions ou des provinces autonomes?

4)      Les articles 9 et 10 de la directive 92/43/CEE s’opposent-ils à une législation nationale (l’article 3, paragraphe 4 bis, du DPR no 357/97) qui attribue aux régions et aux provinces autonomes le pouvoir totalement discrétionnaire de proposer d’office la révision des SIC, sans leur imposer de faire usage de ce pouvoir, même dans le cas où des phénomènes de pollution ou de dégradation se sont produits – et ont été formellement constatés?»

19.      Il ressort de la demande de décision préjudicielle que la référence à l’article 10 de la directive «habitats» dans ces questions résulte d’une erreur de plume. Le Consiglio di Stato vise en réalité l’article 11 de la même directive.

20.      Le Consiglio di Stato transmet également une question émanant de Cascina Tre Pini:

«5.      La procédure prévue à l’article 9 de la directive 92/43/CEE, réglementée par le législateur national au moyen de l’article 3, paragraphe 4 bis, du DPR no 357/97, [doit-elle] s’entendre comme une procédure devant nécessairement se conclure par un acte administratif ou comme une procédure dont l’issue est purement facultative? Par ‘procédure devant nécessairement se conclure par un acte administratif’, [faut-il] entendre une procédure en vertu de laquelle ‘lorsque les conditions sont réunies, le [Ministero dell’Ambiente] doit transmettre à la Commission européenne la proposition de la Région’, indépendamment de la question de savoir si cette procédure ne peut être ouverte que d’office ou si elle peut également être ouverte à la demande d’un particulier?»

21.      Enfin, la demande de décision préjudicielle contient six questions émanant de la Regione Lombardia, que le Consiglio di Stato considère cependant d’emblée comme irrecevables (6). C’est pourquoi nous renonçons à les reproduire.

22.      Cascina Tre Pini, la République italienne, la République tchèque et la Commission ont présenté des observations écrites. À l’exception de la République tchèque, ces parties se sont aussi exprimées à l’audience du 16 mai 2013.

IV – Appréciation en droit

A –    La recevabilité des questions reprises dans la demande de décision préjudicielle

23.      Les première à quatrième questions, posées par le Consiglio di Stato et reproduites ci-dessus (7), sont indubitablement recevables et appellent dès lors une réponse.

24.      En revanche, la République tchèque doute de la recevabilité des questions des parties à la procédure au principal qui ont été transmises. En effet, l’article 267 TFUE institue une coopération directe entre la Cour et les juridictions nationales par une procédure non contentieuse, étrangère à toute initiative des parties et au cours de laquelle celles-ci sont seulement invitées à se faire entendre. Aux termes de cette disposition, il appartient au juge national et non aux parties au litige au principal de saisir la Cour (8). Si ledit juge est libre d’inviter les parties au litige dont il est saisi à suggérer des formulations susceptibles d’être retenues pour l’énoncé des questions préjudicielles, il n’en demeure pas moins que c’est à lui seul qu’il incombe de décider en dernier lieu tant la forme que le contenu de celles-ci (9).

25.      En l’espèce toutefois, à la différence des affaires antérieures, les questions des parties ne sont pas contenues dans les observations de ces parties, mais c’est le juge national lui-même qui les a transmises à la Cour dans sa demande de décision préjudicielle. Ainsi que l’expose la Commission, dans le cadre de la procédure instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est tenue de statuer (10).

26.      Ainsi, une présomption de pertinence s’attache aux questions posées à titre préjudiciel par les juridictions nationales (11). Cette présomption doit également s’appliquer aux questions que le juge national transmet à la Cour après qu’elles ont été proposées par les parties.

27.      La présomption ne peut être écartée qu’à titre exceptionnel, s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (12).

28.      Or, il est manifeste que la cinquième question, proposée par Cascina Tre Pini, est étroitement liée au litige au principal, ce qui ressort également de la circonstance qu’elle recoupe les questions du Consiglio di Stato. En outre, la demande de décision préjudicielle contient les informations nécessaires pour répondre à cette question.

29.      En revanche, les six questions de la Regione Lombardia sont de nature hypothétique. D’après les éléments fournis par le Consiglio di Stato, elles se réfèrent à des dispositions qui n’existent pas actuellement en droit italien et sont dès lors irrecevables (13).

B –    La réponse à la demande de décision préjudicielle

30.      La demande de décision préjudicielle porte sur des questions de procédure relatives à la possibilité de déclasser un site que la Commission a inscrit sur la liste des SIC.

31.      Il convient de les regrouper comme suit. La première, la quatrième et la cinquième question portent sur le point de savoir si les articles 9 et 11 de la directive «habitats» obligent les autorités compétentes, lorsqu’elles sont saisies d’une demande motivée du propriétaire du site concerné, à procéder à une révision des SIC, en particulier si le propriétaire invoque ou établit une dégradation du site (titre 1 ci-dessous). La deuxième question vise à déterminer si les autorités compétentes doivent procéder à échéances régulières à la révision des SIC (titre 2 ci-dessous) et prévoir à cet égard, le cas échéant, une participation du public (titre 3 ci-dessous). La troisième question, enfin, porte sur la répartition des compétences entre les autorités nationales, à savoir la nécessité de reconnaître éventuellement aux autorités de l’État central le pouvoir de procéder à titre subsidiaire à la révision des SIC (titre 4 ci-dessous).

1.      L’obligation de procéder à la révision des SIC

32.      Par la première et la quatrième question, qui recoupent largement la cinquième question, posée par Cascina Tre Pini, le Consiglio di Stato demande si les articles 9 et 11 de la directive «habitats» sont compatibles avec une législation nationale en vertu de laquelle les autorités nationales compétentes sont libres de décider de proposer une révision des SIC sans devoir prendre en compte les demandes des particuliers propriétaires des sites en question ou les affirmations de ceux-ci quant à la dégradation affectant lesdits sites.

33.      Afin de répondre à cette question, il convient, tout d’abord, de déterminer les conditions dans lesquelles la directive «habitats» permet la révision des SIC. Cette révision n’est pas expressément prévue par cette directive. L’article 9, deuxième phrase, de celle-ci mentionne cependant le «déclassement d’une zone spéciale de conservation» qui peut être pris en considération. Cela implique nécessairement une révision des SIC. En effet, en vertu de l’article 4, paragraphe 4, les États membres doivent désigner tous les SIC comme zones spéciales de conservation. Ils ne peuvent en conséquence les déclasser que si ces sites ne sont plus considérés comme des SIC.

34.      En l’absence de dispositions particulières, la radiation ou la modification d’un SIC doit avoir lieu suivant la même procédure que l’inscription du site sur la liste des SIC. En vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «habitats», l’inscription d’un site sur cette liste fait l’objet d’une décision de la Commission sur proposition de l’État membre. En conséquence, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, quatrième phrase, de cette directive, les États membres suggèrent le cas échéant l’adaptation de la liste à la lumière des résultats de la surveillance visée à l’article 11. Il ressort de l’article 9, deuxième phrase, que l’adaptation de la liste peut comprendre le déclassement d’un SIC.

35.      La lettre de l’article 9, deuxième phrase, de la directive «habitats» n’indique cependant pas l’existence d’une obligation de déclasser un SIC. Cette disposition précise seulement que la compétence reconnue à la Commission pour adapter la liste des SIC inclut celle de déclasser des SIC.

36.      En revanche, selon la lettre de l’article 4, paragraphe 1, quatrième phrase, de la directive «habitats», la proposition d’adaptation de la liste des SIC ne relève pas du pouvoir discrétionnaire des États membres. S’il ressort des règles relatives à la procédure d’identification des sites susceptibles d’être désignés comme zones spéciales de conservation, prévues à la directive, que les États membres jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour effectuer leurs propositions au titre de l’article 4, paragraphe 1, il n’en demeure pas moins qu’ils doivent effectuer cette opération dans le respect des critères fixés par la directive (14). Il s’ensuit qu’ils doivent faire des propositions en ce sens lorsque les résultats de la surveillance visée à l’article 11 ne permettent pas d’autre appréciation, c’est-à-dire que l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, au vu des constatations factuelles, ne peut conduire qu’à une proposition d’adaptation de la liste. Il est particulièrement significatif que la version en langue anglaise de la directive emploie le terme «shall» et que sa version néerlandaise indique que la proposition est faite lorsque cela est «nodig», c’est-à-dire nécessaire.

37.      Une telle obligation correspond sans aucun doute aux objectifs de la directive «habitats» lorsque de nouveaux sites devant être inscrits dans la liste des SIC sont découverts (15).

38.      Cependant, lorsqu’un site ne peut plus contribuer à la réalisation des objectifs de la directive «habitats», il est également pertinent de réduire cette liste. Dans ce cas, il n’est pas justifié que ce site reste soumis aux exigences de la directive. Il ne serait pas utile à la conservation d’espèces et d’habitats naturels que les autorités compétentes continuent d’employer des ressources limitées pour gérer un tel site. Si le réseau Natura 2000 contenait des sites qui ne contribuent pas à la réalisation de ses objectifs, cela pourrait aussi mener à des malentendus ou à des erreurs sur la qualité dudit réseau.

39.      Toutefois, c’est en l’espèce le droit fondamental de propriété qui est décisif. Le classement d’un site SIC restreint l’usage qui peut en être fait et, partant, les droits du propriétaire du terrain en question. Tant que subsistent les conditions de la protection du site, ces restrictions au droit de propriété sont en principe justifiées par l’objectif de protection de l’environnement (16). Cependant, si ces conditions ont disparu entre temps, le maintien des restrictions à l’usage du terrain pourrait violer le droit de propriété. Des mesures incompatibles avec le respect des droits de l’homme reconnus et garantis ne sauraient être admises dans l’Union européenne (17).

40.      Il est donc incompatible avec une interprétation et une application de l’article 4, paragraphe 1, quatrième phrase, de la directive «habitats» conformes aux droits fondamentaux de laisser aux autorités compétentes le pouvoir de statuer de manière discrétionnaire sur une demande motivée de révision d’un SIC émanant du propriétaire de ce site.

41.      Il faut en revanche se demander quel motif permet de déclencher une révision. Si un motif quelconque était suffisant, il serait à craindre que les autorités compétentes doivent examiner un grand nombre de demandes non fondées, sans que cet investissement procure un avantage correspondant au propriétaire ou à Natura 2000.

42.      En vertu de l’article 9, deuxième phrase, de la directive «habitats», le déclassement d’un SIC peut être envisagé dans le (seul) cas où l’évolution naturelle relevée au titre de la surveillance prévue à l’article 11 le justifie.

43.      La demande de décision préjudicielle indique deux motifs à l’appui d’une éventuelle révision. Premièrement, l’exploitation de l’aéroport de Milan – Malpensa aurait causé la dégradation de l’environnement du site. Deuxièmement, le terrain serait situé dans une zone destinée à une exploitation «commerciale et industrielle».

44.      Aucune de ces deux circonstances ne constitue une évolution naturelle. Elles ne peuvent donc pas justifier un déclassement du SIC au titre de l’article 9, deuxième phrase, de la directive «habitats».

45.      La directive «habitats» ne contient cependant aucune règle qui exclurait expressément de réviser les SIC sur la base d’autres évolutions. Il convient donc d’examiner si cette directive oblige les États membres à proposer la révision des SIC lorsque des sites sont dégradés par des activités humaines ou sont destinés à des activités déterminées qui ne sont pas compatibles avec leur protection au titre de la directive «habitats».

46.      Il convient de s’appuyer à cet égard sur les principes qui président à la sélection des SIC. L’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «habitats» ne prévoit pas la prise en compte à cet égard d’exigences autres que celles tenant à la conservation des habitats naturels ainsi que de la flore et de la faune sauvages ou à la constitution du réseau Natura 2000 (18). Cela est nécessaire pour réaliser l’objectif de constitution du réseau visé à l’article 3, paragraphe 1, de la directive «habitats». Ce réseau est formé par des sites abritant des types d’habitats naturels figurant à l’annexe I de cette directive et des habitats des espèces figurant à l’annexe II de ladite directive, et qui doit assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des types d’habitats naturels et des habitats d’espèces concernés dans leur aire de répartition naturelle (19).

47.      En revanche, des motifs autres que ceux relevant de la protection de l’environnement, en particulier les nécessités économiques, sociales et culturelles ainsi que les particularités régionales et locales, ne peuvent pas être pris en compte dans la sélection des SIC (20).

48.      En conséquence, le déclassement n’est justifié que lorsque le site ne peut plus contribuer à la conservation des habitats naturels visés à l’annexe I de la directive «habitats» ni à celle de la flore et de la faune sauvages visées à l’annexe II de la même directive ou à la constitution du réseau Natura 2000 (21).

49.      Certes, l’exploitation de l’aéroport de Milan – Malpensa ne doit pas nécessairement causer une telle dégradation des terrains en question que ceux-ci ne soient plus en mesure d’apporter leur contribution, mais cela est imaginable. Il est en tout état de cause douteux qu’ils puissent apporter cette contribution alors que le plan de zone de Malpensa les destine à une exploitation commerciale ou industrielle.

50.      Cependant, toute dégradation grave d’un SIC ne justifie pas son déclassement. L’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» oblige en effet les États membres à protéger les SIC des dégradations. Si un État membre manque à cette obligation de protection pour un site, cela ne justifie pas le déclassement de celui-ci (22). Il incombe au contraire aux États membres d’adopter les mesures nécessaires pour le restaurer. En outre, lorsqu’ils sont informés de dégradations, ils ne peuvent pas rester inactifs mais doivent s’employer à assurer une protection de l’environnement suffisante pour enrayer la dégradation du site.

51.      Il n’y a toutefois pas d’obligation de protection si un site est affecté par un plan ou un projet qui a été autorisé selon la procédure prévue à l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive (23). L’évaluation des incidences de la mesure eu égard aux objectifs de conservation du site au titre de l’article 6, paragraphe 3, doit alors avoir démontré que le site est affecté. Il faut toutefois que les autorités compétentes aient décidé que le plan ou projet doit être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur et qu’il n’existe pas d’autre solution. En outre, toutes les mesures compensatoires nécessaires pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 soit protégée doivent avoir été adoptées.

52.      Lors de l’adoption du plan de zone de Malpensa en 1999, le site Brughiera del Dosso n’était pas encore inscrit sur la liste des SIC. Il s’ensuit que l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive «habitats» n’était pas encore applicable (24). La question de savoir si tel est également le cas pour l’autorisation de l’aéroport de Milan – Malpensa nécessiterait un examen plus approfondi.

53.      Cependant, depuis l’inscription du site sur la liste des SIC, l’État est obligé de le protéger en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» (25). En ce cas, les incidences sur ce site d’un projet préalablement autorisé ne sont admissibles que si elles ont été évaluées selon la procédure prévue à l’article 6, paragraphe 3 – le cas échéant a posteriori – et qu’il est satisfait aux conditions prévues à l’article 6, paragraphe 4 (26).

54.      En outre, les États membres peuvent aussi être tenus, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», de prendre des mesures destinées à enrayer des évolutions naturelles susceptibles de détériorer l’état de conservation des espèces et des habitats naturels dans les zones spéciales de protection (27).

55.      Il convient dès lors de répondre à la première et à la quatrième question, ainsi qu’à la cinquième question de Cascina Tre Pini, que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, quatrième phrase, de la directive «habitats», les autorités nationales compétentes, saisies d’une demande présentée par des propriétaires de sites inclus dans les SIC, doivent évaluer s’il convient de proposer à la Commission le déclassement de ces sites, dans le cas où la demande est fondée sur la circonstance que, malgré le respect des dispositions de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive «habitats», ces sites ne peuvent plus contribuer à la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ou à la constitution du réseau Natura 2000.

2.      La nécessité d’une révision périodique des SIC

56.      Par la première partie de la deuxième question, le Consiglio di Stato demande si les autorités compétentes doivent procéder à la révision périodique des SIC, par exemple à des échéances biennales ou triennales.

57.      La directive «habitats» ne contient pas de disposition expresse relative aux intervalles séparant les révisions. L’examen des première, quatrième et cinquième questions permet seulement de déduire qu’une telle révision doit être effectuée lorsqu’il existe des indices qu’un SIC ou une partie de celui-ci ne satisfait plus aux conditions environnementales.

58.      L’article 4, paragraphe 1, quatrième phrase, et l’article 9, deuxième phrase, de la directive «habitats» montrent toutefois que la surveillance visée à l’article 11 de celle-ci revêt une grande importance pour la révision des SIC.

59.      L’article 11 de la directive «habitats» oblige les États membres à assurer la surveillance des espèces et des habitats naturels visés à l’article 2. Il s’ensuit que les États membres doivent assurer la surveillance de tous les habitats naturels et de toute la faune et la flore sauvages sur leur territoire européen. La surveillance doit en outre viser à la réalisation des objectifs de la directive «habitats», à savoir assurer la biodiversité par la conservation de ces espèces et habitats naturels.

60.      La position de cette disposition, située dans la partie de la directive relative à la protection des sites, montre l’importance particulière des SIC à cet égard. Cela correspond à leur signification étant donné que, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, ils doivent assurer le maintien ou, le cas échéant, le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des habitats d’espèces d’intérêt communautaire(28), c’est-à-dire les habitats naturels et les espèces qui doivent être particulièrement protégés en vertu de l’article 1er, sous c) et g), de la directive.

61.      La surveillance des SIC doit notamment être adéquate pour assurer les priorités établies à l’article 4, paragraphe 4, de la directive «habitats» pour le maintien ou le rétablissement, dans un état de conservation favorable, des espèces et des habitats naturels dans les différents SIC, pour mettre en œuvre les mesures de conservation concrètes prévues à l’article 6, paragraphe 1, et pour exécuter les obligations de protection prévues au même article 6, paragraphe 2.

62.      Ces objectifs doivent obligatoirement être pris en compte pour déterminer les circonstances qui pourraient rendre nécessaire le déclassement d’un SIC à l’issue de la révision.

63.      Si la surveillance révèle des indices allant dans ce sens, les autorités compétentes doivent en tirer les conséquences qui s’imposent. Il faut songer tout d’abord, à cet égard, à des mesures complémentaires de protection dudit SIC et de rétablissement des éléments qui sont affectés. Toutefois, dans l’hypothèse où les conditions exposées ci-dessus plaideraient en faveur d’un déclassement, il faut également en tenir compte afin d’éviter de porter une atteinte injustifiée aux droits du propriétaire du site en question.

64.      La coopération avec la Commission qui est prévue à la directive «habitats» permet de déduire des exigences minimales pour ce qui concerne la périodicité des mesures de surveillance. En vertu de l’article 9, première phrase, de cette directive, la Commission est tenue de prendre acte des résultats de la surveillance et de les appliquer à l’évaluation globale de la contribution de Natura 2000 à la réalisation des objectifs de la directive. En vertu de l’article 17 de la directive «habitats», les États membres établissent à cette fin tous les six ans un rapport destiné à la Commission, rapport qui comprend notamment les principaux résultats de la surveillance visée à l’article 11.

65.      En conséquence, les États membres sont tenus d’organiser leur surveillance dans le temps de manière à transmettre tous les six ans à la Commission des informations actualisées relatives aux habitats naturels et aux espèces dont ils doivent assurer la surveillance et, en particulier, aux SIC.

66.      Or, les États membres ne seront en principe pas en mesure d’exécuter leurs obligations relatives aux SIC s’ils ne les contrôlent que tous les six ans. De tels intervalles ne permettraient d’assurer ni la protection des sites, ni la réalisation des priorités établies, ni la mise en œuvre de mesures de conservation. L’obligation de surveillance est, au contraire, de nature continue. Seule l’intensité de la surveillance peut varier selon le cas.

67.      En résumé, il convient de répondre à la première partie de la deuxième question que les États membres doivent organiser la surveillance des SIC visée aux articles 11 et 17 de la directive «habitats» de manière à assurer à ces sites une protection et une gestion adéquates et à être en mesure de transmettre à la Commission, tous les six ans au moins, des informations actualisées relatives à l’état des SIC. Ces informations incluent la question de savoir si les SIC apportent une contribution à la conservation des habitats naturels et de la faune et de la flore sauvages ou à la réalisation du réseau Natura 2000.

3.      La deuxième partie de la deuxième question

68.      La deuxième partie de la deuxième question porte sur le point de savoir si les autorités compétentes doivent prévoir une participation du public à la révision des SIC.

69.      La directive «habitats» ne contient pas non plus de disposition explicite à cet égard. Pour ce qui concerne le propriétaire du site concerné, certaines exigences ressortent toutefois des principes généraux du droit de l’Union, en particulier du droit d’être entendu (29).

70.      En effet, le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit communautaire qui trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief. En vertu de ce principe, les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision. À cet effet, ils doivent bénéficier d’un délai suffisant (30).

71.      Cette obligation pèse sur les administrations des États membres lorsqu’elles prennent des décisions entrant dans le champ d’application du droit de l’Union, alors même que la législation de l’Union applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité. S’agissant de la mise en œuvre de ce principe, il y a lieu de préciser que, lorsque celle-ci n’est pas, comme dans l’affaire au principal, fixée par le droit de l’Union, elle relève du droit national pour autant que, d’une part, les dispositions de celui-ci soient du même ordre que celles dont bénéficient les particuliers ou les entreprises dans des situations de droit national comparables (principe d’équivalence) et, d’autre part, elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits de la défense conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (31).

72.      Décider s’il convient de proposer à la Commission de réviser des SIC contribue à la mise en œuvre de la directive «habitats» et relève dès lors du champ d’application du droit de l’Union. Il est vrai que les propriétaires des sites concernés ne seraient pas destinataires d’une décision de proposer un déclassement à la Commission ou de s’abstenir d’une telle proposition. Cette décision peut toutefois affecter sensiblement leurs intérêts. Si les autorités compétentes ne proposent pas à la Commission de déclasser un SIC, les terrains concernés restent soumis à la protection environnementale, qui peut fortement restreindre leur usage. La proposition de déclassement, en revanche, peut porter atteinte à l’intérêt à être soutenu financièrement pour une exploitation conforme aux objectifs de conservation.

73.      Il convient dès lors de répondre à la deuxième partie de la deuxième question que, lorsque les États membres statuent sur la nécessité de présenter à la Commission une proposition d’adaptation de la liste des SIC, ils doivent mettre les propriétaires des sites concernés en mesure de faire valoir leurs observations.

4.      La troisième question

74.      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande s’il est compatible avec les articles 9 et 11 de la directive «habitats» d’attribuer aux régions et aux provinces autonomes le pouvoir de proposer la révision des SIC, sans attribuer ce même pouvoir à l’État, à tout le moins à titre subsidiaire, en cas de carence des régions ou des provinces autonomes.

75.      À cet égard aussi, toutefois, l’article 4, paragraphe 1, quatrième phrase, de la directive «habitats» est plus pertinent que l’article 9 de celle-ci. Il convient donc également d’avoir égard à cette première disposition.

76.      Il est vrai que certains actes législatifs de l’Union imposent des règles aux autorités administratives qui sont chargées de leur mise en œuvre (32). Toutefois, dès lors qu’une directive ne contient pas de dispositions à cet égard, il y a lieu de respecter la règle prévue à l’article 288, paragraphe 3, TFUE, selon laquelle la directive, en liant tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, laisse aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens (33). Cela concerne en particulier la désignation des autorités compétentes. Le droit de l’Union exige seulement que la transposition, y compris pour ce qui concerne la désignation des autorités compétentes, assure effectivement la pleine application de la directive d’une façon suffisamment claire et précise (34).

77.      La compétence des autorités régionales pour appliquer la directive «habitats», et notamment son article 4, paragraphe 1, quatrième phrase, paraît absolument pertinente. En effet, la protection et la gestion des SIC exigent une connaissance concrète de la situation locale.

78.      Le droit de l’Union n’exige pas non plus que la compétence des autorités régionales soit complétée par une compétence subsidiaire des autorités de l’État central. En outre, il n’est pas certain qu’une telle compétence soit nécessaire pour assurer une mise en œuvre appropriée de ces dispositions. Si l’État central ne dispose pas de services compétents sur place, il est peu probable que ses services établis dans la capitale puissent juger des mesures qui sont nécessaires.

79.      Il ne saurait, certes, être exclu que les autorités compétentes de la Regione Lombardia aient enfreint la directive «habitats» pour ce qui concerne la demande de Cascina Tre Pini. Cependant, même si une telle violation était démontrée, cela n’établirait pas encore que lesdites autorités ne seraient pas capables d’assurer pleinement l’application de la directive.

80.      Il convient donc de répondre à la troisième question qu’une disposition nationale qui attribue aux régions et aux provinces autonomes le pouvoir de proposer la révision des SIC, sans attribuer ce même pouvoir à l’État, à tout le moins à titre subsidiaire, en cas de carence des régions ou des provinces autonomes, ne fait pas obstacle à l’application correcte des articles 4, paragraphe 1, quatrième phrase, 9 et 11 de la directive «habitats».

V –    Conclusion

81.      En conséquence, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante à la demande de décision préjudicielle:

1)      En vertu de l’article 4, paragraphe 1, quatrième phrase, de la directive 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, les autorités nationales compétentes, saisies d’une demande présentée par des propriétaires de sites inclus dans les sites d’importance communautaire, doivent évaluer s’il convient de proposer à la Commission européenne le déclassement desdits sites, dans le cas où la demande est fondée sur la circonstance que, malgré le respect des dispositions de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de ladite directive, ces sites ne peuvent plus contribuer à la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ou à la constitution du réseau Natura 2000.

2)      Les États membres doivent organiser la surveillance des sites d’importance communautaire visée aux articles 11 et 17 de la directive 92/43 de manière à assurer à ces sites une protection et une gestion adéquates et à être en mesure de transmettre à la Commission européenne, tous les six ans au moins, des informations actualisées relatives à l’état desdits sites. Ces informations incluent la question de savoir si les mêmes sites apportent une contribution à la conservation des habitats naturels et de la faune et de la flore sauvages ou à la réalisation du réseau Natura 2000.

3)      Lorsque les États membres examinent la nécessité de présenter à la Commission européenne une proposition d’adaptation de la liste des sites d’importance communautaire en vertu de l’article 4, paragraphe 1, quatrième phrase, de la directive 92/43, ils doivent mettre les propriétaires des terrains concernés en mesure de faire valoir leurs observations.

4)      Une disposition nationale qui attribue aux régions et aux provinces autonomes le pouvoir de proposer la révision des sites d’importance communautaire, sans attribuer ce même pouvoir à l’État, à tout le moins à titre subsidiaire, en cas de carence des régions ou des provinces autonomes, ne fait pas obstacle à l’application correcte des articles 4, paragraphe 1, quatrième phrase, 9 et 11 de la directive 92/43.


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – Directive du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7), telle que modifiée par la directive 2006/105/CE du Conseil, du 20 novembre 2006 (JO L 363, p. 368, ci-après la «directive ‘habitats’»).


3 –      Dans la demande de décision préjudicielle, le numéro présente une inversion de chiffres.


4 –      Décision 2004/798/CE de la Commission, du 7 décembre 2004, arrêtant, en application de la directive 92/43, la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique continentale (JO L 382, p. 1).


5 –      http://natura2000.eea.europa.eu.


6 –      Sur cet aspect, voir point 27 des présentes conclusions.


7 –      Point 18 des présentes conclusions.


8 –      Arrêts du 9 décembre 1965, Singer (44/65, Rec. p. 1191); du 6 juillet 2000, ATB e.a. (C‑402/98, Rec. p. I‑5501, point 29), ainsi que du 15 octobre 2009, Hochtief et Linde-Kca-Dresden (C‑138/08, Rec. p. I‑9889, points 20 et suiv.).


9 –      Arrêt du 21 juillet 2011, Kelly (C‑104/10, Rec. p. I‑6813, point 65).


10 –      Arrêts du 15 décembre 1995, Bosman (C‑415/93, Rec. p. I‑4921, point 59), et du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, point 39).


11 –      Arrêts du 7 septembre 1999, Beck et Bergdorf (C‑355/97, Rec. p. I‑4977, point 22); du 15 mai 2003, Salzmann (C‑300/01, Rec. p. I‑4899, point 31), ainsi que Åkerberg Fransson (précité à la note 10, point 40).


12 –      Arrêts Beck et Bergdorf (précité à la note 11, point 22), ainsi que Åkerberg Fransson (précité à la note 10, point 40).


13 –      Arrêt Åkerberg Fransson (précité à la note 10, point 41).


14 –      Arrêts du 11 septembre 2001, Commission/Irlande (C‑67/99, Rec. p. I‑5757, point 33); Commission/Allemagne (C‑71/99, Rec. p. I‑5811, point 26), et Commission/France (C‑220/99, Rec. p. I‑5831, point 30).


15 –      Arrêt du 15 mars 2012, Commission/Chypre (C‑340/10, points 24 et 27).


16 –      Arrêt du 15 janvier 2013, Križan e.a. (C‑416/10, points 113 à 115).


17 –      Arrêts du 18 juin 1991, ERT (C‑260/89, Rec. p. I‑2925, point 41); du 12 juin 2003, Schmidberger (C‑112/00, Rec. p. I‑5659, point 73), ainsi que du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, point 284).


18 – Arrêts du 7 novembre 2000, First Corporate Shipping (C‑371/98, Rec. p. I‑9235, point 16), et du 14 janvier 2010, Stadt Papenburg (C‑226/08, Rec. p. I‑131, point 30).


19 – Arrêts First Corporate Shipping (précité à la note 18, point 19), et Stadt Papenburg (précité à la note 18, point 31).


20 – Arrêt Stadt Papenburg (précité à la note 18, points 31 et 32).


21 – Voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2006, Commission/Portugal (C‑191/05, Rec. p. I‑6853, point 13).


22 – Voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2007, Commission/Irlande (C‑418/04, Rec. p. I‑10947, points 83 à 86).


23 –      Arrêts du 13 décembre 2007, Commission Irlande (précité à la note 22, points 250 et suiv.), ainsi que du 24 novembre 2011, Commission/Espagne (C‑404/09, Rec. p. I‑11853, point 122).


24 – Voir arrêts du 13 janvier 2005, Dragaggi e.a. (C‑117/03, Rec. p. I‑167, point 25), ainsi que du 11 septembre 2012, Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias e.a. (C‑43/10, point 101).


25 – Arrêts Stadt Papenburg (précité à la note 18, point 30), et Commission/Espagne (précité à la note 23, point 125).


26 – Arrêt Commission/Espagne (précité à la note 23, points 156 et 157).


27 – Arrêt du 20 octobre 2005, Commission/Royaume-Uni (C‑6/04, Rec. p. I‑9017, point 34).


28 – Voir note 18.


29 –      Sur le rapport entre ce principe et l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, voir mes conclusions du 6 juin 2013 dans l’affaire Sabou (C‑276/12).


30 – Arrêts du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a. (C‑32/95 P, Rec. p. I‑5373, point 21); du 18 décembre 2008, Sopropé (C‑349/07, Rec. p. I‑10369, points 36 et 37); du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil (C‑141/08 P, Rec. p. I‑9147, point 83), ainsi que du 22 novembre 2012, M. (C‑277/11, points 81 à 87).


31 – Arrêt Sopropé (précité à la note 30, point 38).


32 –      Voir notamment, concernant l’article 6, paragraphe 3, de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (JO L 197, p. 30), arrêt du 20 octobre 2011, Seaport (NI) e.a. (C‑474/10, Rec. p. I‑10227, points 42 et suiv.).


33 – Arrêts du 13 décembre 2007, Commission/Irlande (précité à la note 22, point 157), et du 14 octobre 2010, Commission/Autriche (C‑535/07, Rec. p. I‑9483, point 60).


34 – Arrêts du 27 avril 1988, Commission/France (252/85, Rec. p. 2243, point 5); du 12 juillet 2007, Commission/Autriche (C‑507/04, Rec. p. I‑5939, point 89), et du 27 octobre 2011, Commission/Pologne (C‑311/10, point 40).