Language of document : ECLI:EU:T:2021:929

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

21 décembre 2021 (*)

  « Clause compromissoire – Contrat Ask‑it conclu dans le cadre du sixième programme-cadre – Coûts éligibles – Note de débit émise par la Commission pour le recouvrement des montants avancés – Fiabilité des relevés de temps – Conflit d’intérêts – Sous-traitance »

Dans l’affaire T‑177/17,

Ethniko Kentro Erevnas kai Technologikis Anaptyxis (EKETA), établi à Thessalonique (Grèce), représenté par Me V. Christianos, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme A. Katsimerou, MM. T. Adamopoulos et J. Estrada de Solà, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 272 TFUE et tendant à faire constater, d’une part, que la créance figurant sur la note de débit no 3241615292 de la Commission, du 29 novembre 2016, aux termes de laquelle le requérant devait lui rembourser la somme de 211 185,95 euros provenant de la subvention qu’il avait reçue au titre d’une étude sur un projet de recherche dénommé Ask-it est, à concurrence de 89 126,11 euros, dépourvue de fondement et, d’autre part, que ladite somme correspond à des coûts éligibles que le requérant n’est pas tenu de rembourser,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos, président, L. Truchot et M. Sampol Pucurull (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        L’article 166, paragraphe 1, CE prévoyait l’adoption de programmes‑cadres pluriannuels comprenant l’ensemble des actions de l’Union européenne dans les domaines de la recherche et du développement technologique. En exécution de cette disposition, la décision no 1513/2002/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2002, relative au sixième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et à l’innovation (2002-2006) (JO 2002, L 232, p. 1), a adopté un sixième programme-cadre. Ce programme était régi par le règlement (CE) no 2321/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif aux règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités et aux règles de diffusion des résultats de la recherche pour la mise en œuvre du sixième programme-cadre (JO 2002, L 355, p. 23).

2        C’est dans ce contexte qu’a été mis en place le projet « Ambient Intelligence System of Agents for Knowledge-based and Integrated Services for Mobility Impaired users » (ci-après le « projet Ask‑it »). Ce projet avait pour objet d’instaurer un système d’intelligence par le biais de services sémantiques fondés sur Internet, afin de soutenir et de promouvoir la mobilité des personnes à mobilité réduite.

3        Le 18 novembre 2004, le requérant, Ethniko Kentro Erevnas kai Technologikis Anaptyxis (EKETA) (Centre national de recherche et de développement technologique) a signé la convention de subvention no 511298, relative au financement du projet Ask‑it. La durée du projet était de 51 mois, à savoir du 1er octobre 2004 au 31 décembre 2008.

4        La convention de subvention no 511298 comprend la convention principale de financement ainsi que six annexes. La première annexe décrit le projet et la deuxième comporte les conditions générales applicables (ci‑après les « conditions générales »).

5        Le point II.3, paragraphe 2, sous l), des conditions générales, intitulé « Obligations d’exécution », dispose ce qui suit :

« Chaque contractant a l’obligation :

[...]

l)      de prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour éviter tout risque de conflit d’intérêts, sur le plan des intérêts économiques, des affinités politiques ou nationales, des liens familiaux ou affectifs ou de tout autre type d’intérêt, susceptible de compromettre l’exécution impartiale et objective du projet et d’informer sans délai la Commission de toute situation pouvant conduire à un tel conflit d’intérêts. »

6        Le point II.6 des conditions générales, intitulé « Sous-traitance », prévoit ce qui suit :

« 1. Les contractants doivent s’assurer qu’ils sont en mesure d’effectuer les travaux prévus comme indiqué dans l’annexe I. Cependant, lorsqu’il est nécessaire de sous-traiter certains éléments des travaux à effectuer, cela doit être clairement indiqué dans l’annexe I. Au cours de l’exécution du projet, les contractants peuvent sous-traiter des tâches de service secondaires pour des aspects qui ne relèvent pas des travaux essentiels du projet, lorsque ces tâches ne peuvent pas être exécutées directement par eux-mêmes et que le recours à la sous-traitance pour ces tâches s’avère nécessaire à l’exécution de leur part de travail dans le projet.

2. Tout contrat de sous-traitance, dont les coûts doivent être exposés comme un coût éligible, doit être attribué par appel d’offres au sous-traitant ayant soumis l’offre la plus avantageuse (meilleur rapport qualité/prix) dans des conditions de transparence et d’égalité de traitement. Les aspects suivants doivent être pris en compte dans l’attribution des contrats de sous-traitance :

a) ils ne doivent porter que sur l’exécution d’une partie restreinte du projet ;

b) le recours à la sous-traitance doit être justifié eu égard à la nature de l’action et à ce qui est nécessaire à son exécution ;

c) les tâches concernées doivent être mentionnées à l’annexe I ;

[…] .»

7        Le point II.19 des conditions générales prévoit ce qui suit :

« Les coûts [...] encourus pour la réalisation du projet [Ask-it], [pour être éligibles], doivent remplir toutes les conditions suivantes :

a)      ils doivent être réels, économiques et nécessaires à la réalisation du projet, et

b)      ils doivent être déterminés conformément aux principes comptables usuels du contractant, et

c)       ils doivent être encourus pendant la durée du projet […], et

d)      ils doivent être enregistrés dans la comptabilité du contractant qui les a encourus […] Les procédures comptables employées pour enregistrer les coûts et les recettes doivent respecter les règles comptables de l’État d’établissement du contractant ainsi que permettre le rapprochement direct entre les coûts et les recettes encourues pour la mise en œuvre du projet et les déclarations d’ensemble relatives à l’ensemble de l’activité du contractant […]. »

8        Le point II.20 des conditions générales, relatif aux coûts directs, stipule ce qui suit :

« 1. Les coûts directs sont tous les coûts qui satisfont aux critères établis [au point] II.19 ci-dessus, qui peuvent être identifiés par chaque contractant conformément à son système comptable et qui peuvent être attribués directement au projet.

2. […] Les coûts directs de personnel doivent être limités aux coûts réels du personnel affecté au projet […]. »

9        Le point II.21 des conditions générales, relatif aux coûts indirects, dispose que :

« Les coûts indirects sont tous les coûts, qui répondent aux critères établis [au point] II.19, qui ne peuvent pas être identifiés par le contractant comme étant directement imputables au projet mais qui peuvent être identifiés et justifiés par son système comptable comme étant encourus en relation directe avec les coûts directs éligibles attribués au projet.

Les coûts indirects peuvent être imputés au projet selon le modèle des coûts complets, dans la mesure où ils représentent une juste répartition des frais généraux globaux de l’organisation. »

10      Suspectant des membres des consortiums attributaires de divers projets subventionnés d’octroyer de manière non transparente des contrats de sous‑traitance à des sociétés appartenant au personnel d’autres membres desdits consortiums, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a ouvert en 2010 une enquête concernant, notamment, quatre chercheurs appartenant au requérant. L’enquête a été close en 2012 sans recommandation.

11      Par lettre du 21 décembre 2010, la Commission européenne a informé le requérant de son intention de procéder à un audit financier  (audit financier no 10-SA-015), de cinq projets financés dans le cadre du sixième programme‑cadre, et notamment, du projet Ask‑it.

12      L’audit financier a été effectué du 14 au 18 mars 2011 et les 30 et 31 mars suivants dans les locaux du requérant à Thessalonique (Grèce) ainsi que le 29 mars 2011 dans les locaux de celui-ci à Athènes (Grèce).

13      Le 5 juillet 2012, la Commission a envoyé au requérant un rapport d’audit provisoire et l’a invité à présenter ses observations sur celui-ci.

14      Le 25 septembre 2012, le requérant a adressé à la Commission ses observations sur le rapport d’audit provisoire ainsi que des pièces complémentaires.

15      Par lettre du 12 mai 2015, la Commission a communiqué au requérant, d’une part, le rapport d’audit final (ci-après le « rapport d’audit »), en soulignant qu’elle approuvait ses conclusions et, d’autre part, un addendum concernant les taux des coûts indirects pris en compte pour l’année 2006.

16      Dans le rapport d’audit, les auditeurs ont relevé des irrégularités relatives aux coûts de personnel et au recours à des sous-traitants.

17      En ce qui concerne les coûts de personnel, les auditeurs ont observé que des chercheurs affectés au projet Ask-it travaillaient parallèlement sur d’autres projets ou avaient d’autres occupations professionnelles. Selon les auditeurs, l’importance de ces activités professionnelles parallèles nuisait à la plausibilité des relevés de temps des chercheurs. De plus, les auditeurs ont également signalé l’existence d’un conflit d’intérêts et de relations très étroites entre certains des chercheurs et le chef du projet Ask‑it, A, faisant douter, non seulement de la nécessité de l’implication desdits chercheurs dans le projet, mais aussi de la réalité de leur participation.

18      Les auditeurs ont également estimé que le système d’enregistrement des relevés de temps présentait certaines faiblesses. Ils ont par ailleurs déploré le fait qu’ils n’avaient pas pu rencontrer certains chercheurs ni s’entretenir téléphoniquement avec eux pour vérifier les heures de travail déclarées. Les auditeurs ont, en outre, fait valoir que, si certains chercheurs avaient pu travailler sur le projet Ask‑it, les preuves de leurs prestations n’étaient pas conformes aux exigences de la convention Ask‑it et qu’ils n’étaient pas en mesure d’évaluer ce travail, non seulement en raison du caractère non fiable des relevés de temps, mais aussi en raison du caractère technique du projet.

19      Enfin, le rapport d’audit détaillait les problèmes spécifiques posés par les prestations attribuées à cinq chercheurs (ci-après les « chercheurs en cause »), dont les coûts ont été déclarés comme inéligibles.

20      En ce qui concerne les contrats de sous-traitance, les auditeurs ont estimé que la nécessité de recourir à la société B n’était pas prouvée. Ils ont en outre relevé l’existence d’un risque de conflit d’intérêts. S’agissant des sociétés C et D, les auditeurs ont estimé que l’objet de ces sous-traitances ne pouvait pas être qualifié de secondaire, qu’elles avaient été attribuées sans un appel d’offres et que le recours auxdites sociétés ne satisfaisait pas au critère du meilleur rapport qualité‑prix.

21      Le 29 novembre 2016, la Commission a adressé au requérant la note de débit no 3241615292, réclamant le remboursement d’un montant de 211 185,95 euros (ci-après la « note de débit »).

 Faits postérieurs à l’introduction du recours

22      Le 8 mai 2017, la Commission a informé le requérant qu’elle avait recouvré une partie de la somme mentionnée au point 21 ci-dessus, à hauteur de 181 192,18 euros, par voie de compensation avec des créances dont le requérant était titulaire en vertu d’autres projets subventionnés par l’Union.

23      Le 10 mai 2017, la Commission a informé le requérant qu’elle avait recouvré le montant restant dû de la note de débit, augmenté d’intérêts de retard d’un montant de 2 146,57 euros, par voie de compensation avec des créances dont le requérant était titulaire en vertu d’autres projets subventionnés par l’Union.

 Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 mars 2017, le requérant a introduit le présent recours. Ce dernier fait partie d’une série de quatre recours introduits par le requérant dans le cadre de l’audit financier no 10-SA-015, lequel concerne, notamment, quatre projets financés dans le cadre du sixième programme-cadre et a donné lieu au rapport d’audit (voir point 15 ci-dessus).

25      Par décision du 3 avril 2018, prise en application de l’article 69, sous d), de son règlement de procédure, et après avoir permis aux parties de présenter leurs observations, le Tribunal a suspendu la procédure dans la présente affaire jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑166/17, EKETA/Commission.

26      Le 22 janvier 2019, le Tribunal a rendu l’arrêt EKETA/Commission (T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26).

27      Le 31 mars 2019, le requérant a formé un pourvoi contre l’arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission (T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26). Le pourvoi a été enregistré au greffe de la Cour sous le numéro C‑273/19 P.

28      Par décision du 1er juillet 2019, prise en application de l’article 69, sous d), du règlement de procédure, le Tribunal a suspendu une nouvelle fois la procédure dans la présente affaire jusqu’à la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑273/19 P, EKETA/Commission.

29      La composition du Tribunal ayant été modifiée, par décision du 16 octobre 2019, le président du Tribunal, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure, a réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, affecté à la septième chambre.

30      Par arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission (C‑273/19 P, non publié, EU:C:2020:852), la Cour a rejeté le pourvoi introduit par le requérant contre l’arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission (T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26). Après le prononcé dudit arrêt, la présente procédure a repris.

31      Par lettres du 30 octobre 2020, le Tribunal a invité les parties à présenter leurs observations sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission (C‑273/19 P, non publié, EU:C:2020:852), pour la présente affaire. Le requérant et la Commission ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

32      Le 14 avril 2021, le Tribunal a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, posé plusieurs questions écrites aux parties pour réponse écrite et a demandé à la Commission la production du document de l’OLAF, du 8 novembre 2012, par lequel l’enquête de l’OLAF mentionnée au point 10 ci-dessus a été close sans recommandation. Le requérant et la Commission ont répondu dans le délai imparti. En réponse à l’une des questions posées par le Tribunal, le requérant a notamment indiqué ne plus maintenir la demande d’audience qu’il avait formulée le 8 novembre 2017.

33      Dans ses observations relatives aux conséquences à tirer de l’arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission (C‑273/19 P, non publié, EU:C:2020:852) (voir point 31 ci-dessus), le requérant a limité ses conclusions initiales et conclut désormais à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que, sur la somme de 211 185,95 euros augmentée d’intérêts qui a été recouvrée par la Commission au titre du projet Ask-it, la Commission est tenue de lui rembourser la somme de 89 126,11 euros correspondant à des frais éligibles, y compris les intérêts qu’elle a perçus, majorée des intérêts de retard calculés au taux de 3,5 % à compter du 2 juin 2017 et jusqu’au versement complet de ladite somme ;

–        condamner la Commission aux dépens.

34      Dans ses observations relatives à l’incidence sur le présent litige de l’arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission (C‑273/19 P, non publié, EU:C:2020:852), la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le présent recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

35      À titre liminaire, s’agissant de la charge de la preuve, le requérant considère qu’il a produit des éléments de preuve pertinents démontrant l’éligibilité des coûts réclamés. Le requérant estime dès lors qu’il incombe à la Commission de prouver qu’elle n’est pas tenue de lui rembourser les dépenses litigieuses et qu’elle ne peut se limiter à dénier sans justification toute valeur probante à l’ensemble des preuves qu’il a produites.

36      Toutefois, il convient de rappeler, à l’instar de ce que la Cour a relevé, aux points 74 à 77 de l’arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission (C‑273/19 P, non publié, EU:C:2020:852), que, lorsque la Commission présente des indices concrets de l’existence d’un risque que les conditions d’éligibilité des dépenses ne soient pas remplies, la charge de la preuve repose alors sur le bénéficiaire du contrat auquel il appartient de démontrer, par le biais d’éléments probants, que les conditions d’éligibilité ont, au contraire, bien été respectées.

37      Or, il convient de relever que les auditeurs ont présenté des indices concrets dont il résulte que le temps de travail déclaré par les chercheurs en cause ne remplissait pas les conditions d’éligibilité posées par le point II.19 des conditions générales. En effet, les auditeurs ont observé que, parallèlement à leur participation au projet Ask-it, les chercheurs en cause travaillaient sur d’autres projets financés par l’Union, par l’administration publique grecque et par le secteur privé, en qualité d’indépendants ou comme associés dans des sociétés personnelles dont l’activité dépendait presque exclusivement de leurs prestations. Ils ont également relevé que les chercheurs en cause tiraient de leurs activités professionnelles parallèles des revenus importants. Enfin, ils ont observé qu’il existait un risque de conflit d’intérêts résultant de relations extrêmement étroites entretenues entre certains des chercheurs en cause et le chef de projet, A, qui visait leurs relevés de temps.

38      Dans ce contexte, il appartenait au requérant de démontrer, par le biais d’éléments probants, que les conditions d’éligibilité avaient été respectées.

39      Le requérant conteste la créance d’un montant de 89 126,11 euros dont la Commission s’estime titulaire. À cet égard, il fait valoir, premièrement, un manque d’objectivité et d’impartialité de l’audit. Deuxièmement, il conteste l’inéligibilité des coûts directs de personnel relatifs à deux des chercheurs en cause, à savoir A et E, troisièmement, le requérant conteste l’inéligibilité des coûts exposés dans le cadre de contrats de sous‑traitance confiés aux sociétés B, C et D et, quatrièmement, il conteste l’inéligibilité des coûts indirects correspondant au coût salarial direct de A et de E.

 Sur le manque d’objectivité et d’impartialité de l’audit

40      Le requérant soutient que les auditeurs et la Commission ont violé leur devoir d’impartialité. Plus précisément, il prétend que le fonctionnaire responsable de l’audit a déclaré, durant celui-ci, qu’il voulait le « détruire ». Une telle déclaration mettrait en cause l’objectivité et l’impartialité de l’audit, de même que celles de la note de débit qui a entériné les conclusions de l’audit.

41      Il convient de constater, à l’instar de ce que le Tribunal a jugé au point 68 de l’arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission (T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26), que l’allégation relative aux propos imputés au fonctionnaire concerné, à la supposer établie, ne peut pas aboutir à constater un manque d’objectivité et d’impartialité de l’audit, ces conclusions étant le résultat d’un travail collégial et reposant sur une série de constatations plutôt que sur l’appréciation subjective d’un seul fonctionnaire. Par ailleurs, le requérant n’a pas fourni d’éléments de nature à établir que le fonctionnaire en question, même s’il était le responsable de l’audit au sein de l’administration, était en mesure d’exercer une influence déterminante sur les appréciations de l’ensemble des auditeurs et sur la Commission.

42      Le grief tiré du manque d’objectivité et d’impartialité de l’audit doit, par conséquent, être rejeté.

 Sur l’inéligibilité des coûts directs de personnel

43      Le requérant conteste, tout d’abord, de manière générale, la validité des motifs mentionnés dans le rapport d’audit pour rejeter les coûts des chercheurs en cause. Il soulève à cet égard des arguments d’ordre général relatifs aux chercheurs en cause, mettant en cause les constatations des auditeurs qui ont justifié la créance figurant sur la note de débit. Le requérant conteste ensuite les motifs spécifiques que la Commission a invoqués pour rejeter l’éligibilité des coûts liés au travail de A et de E.

44      Il convient d’examiner successivement ces deux catégories d’arguments.

 Sur les arguments de portée générale du requérant

45      Le requérant soutient que les auditeurs ont fait valoir à tort, premièrement, que le système d’enregistrement des relevés de temps utilisé n’était pas fiable, deuxièmement, que le travail fourni par les chercheurs en cause n’était pas plausible en raison de leurs activités parallèles, troisièmement, que les auditeurs n’avaient pas été en mesure d’évaluer les preuves fournies en raison de leur caractère technique, quatrièmement, que certains chercheurs en cause s’étaient trouvés dans une situation de conflit d’intérêts et enfin, cinquièmement, que certains d’entre eux ne s’étaient pas rendus disponibles pour rencontrer les auditeurs.

46      À cet égard, la Commission soutient, à juste titre, que la créance figurant sur la note de débit, pour autant que cette créance concerne les coûts de personnel, repose principalement sur deux motifs, à savoir, premièrement, la circonstance que les chercheurs en cause exerçaient des activités professionnelles parallèles telles que leur participation au projet Ask-it dans la mesure déclarée n’était pas plausible et, deuxièmement, la mauvaise exécution, par le requérant, de ses obligations découlant du point II.3, paragraphe 2, sous l), des conditions générales en matière de prévention des risques de conflit d’intérêts. Dans le rapport d’audit, ces motifs apparaissent dans la recension des irrégularités relevées systématiquement ainsi que dans le résumé des ajustements requis à la suite de l’audit et sont explicités dans les parties consacrées à l’examen de la situation de chaque intéressé.

47      Il convient de relever que les deux motifs mentionnés au point 46 ci-dessus sont suffisants pour justifier l’existence de la créance figurant sur la note de débit pour autant que cette créance concerne les coûts de personnel. Il y a lieu, en effet, de rappeler que le non-respect de l’obligation de produire, lors de l’audit financier, des relevés de temps fiables pour justifier les coûts de personnel est un motif suffisant pour rejeter l’ensemble de ces coûts. De plus, l’existence d’un conflit d’intérêts est constitutive d’une violation grave et manifeste de l’exigence d’impartialité et d’objectivité qui pèse notamment sur le responsable chargé de certifier les relevés de temps des chercheurs travaillant sur un projet subventionné par l’Union (voir arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26, point 74 et jurisprudence citée).

48      Au vu de ce qui précède, il convient d’examiner la validité des motifs tirés du manque de fiabilité des relevés de temps et d’un risque de conflit d’intérêts.

–       Sur le manque de fiabilité des relevés de temps des chercheurs en cause

49      Les auditeurs ont détecté une série de défauts concernant la fiabilité des relevés de temps de travail des chercheurs en cause. À ce titre, ils ont relevé que, au vu de leurs activités parallèles, il n’était pas plausible que les chercheurs en cause aient travaillé sur le projet Ask‑it pendant les heures déclarées dans leur temps de travail.

50      Le requérant fait tout d’abord valoir que les contrats conclus par les chercheurs en cause ne leur interdisaient pas de travailler sur plusieurs projets simultanément. Le requérant soutient également que le point II.19 des conditions générales n’impliquait nullement que les coûts d’un chercheur seraient totalement inéligibles s’il exerçait une activité parallèle pour laquelle il percevait une rémunération élevée ou était un associé d’une société ayant réalisé un chiffre d’affaires important, ou encore s’il travaillait dans une structure distincte du requérant.

51      Par ailleurs, le requérant prétend avoir fourni des éléments de preuve, autres que les relevés de temps dont la Commission affirme qu’ils ne sont pas fiables, tels que les contrats de travail des chercheurs en cause, des publications scientifiques liées au projet Ask‑it, des courriers électroniques relatifs au projet en cause, des éléments de preuve de participation des chercheurs en cause à des réunions et à des conférences, des procès-verbaux de réunions auxquelles les chercheurs en cause ont participé, des rapports, des documents établissant leur participation à des éléments livrables de ce projet et des curriculum vitae, soit un ensemble d’éléments de preuve établissant la réalité des prestations de chaque chercheur en cause.

52      Il convient de rappeler que, même si les conditions générales sont muettes quant à l’exercice d’activités parallèles, sauf en ce qui concerne les conflits d’intérêts, et même si les contrats liant le requérant à ses chercheurs n’interdisaient pas un cumul de fonctions, l’Union ne peut subventionner que des dépenses effectivement engagées. Aussi, pour qu’un projet puisse donner lieu au remboursement de ses coûts par la Commission, il faut notamment que le cocontractant ait bien exécuté ses obligations financières, dont celle de présenter des relevés de temps fiables, car seuls sont éligibles les coûts des heures effectivement ouvrées au titre du projet (voir arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26, point 82 et jurisprudence citée).

53      En l’espèce, il convient de souligner, alors qu’il revient au requérant de démontrer que les relevés de temps qui n’ont pas été considérés comme fiables par la Commission reflétaient bien les heures effectivement consacrées au projet Ask-it, que les preuves complémentaires présentées par le requérant et mentionnées au point 51 ci-dessus ne permettent pas d’opérer, conformément aux points II.19 et II.20 des conditions générales, un rapprochement direct avec les heures déclarées par les chercheurs travaillant sur le projet Ask-it selon une méthode raisonnable et fiable. En effet, il n’est pas possible d’effectuer un tel rapprochement direct dès lors que ces documents nécessitent une évaluation non seulement laborieuse, mais aussi hasardeuse, afin de les faire correspondre à des heures de travail. À cet égard, le requérant ne fournit aucune indication quant au temps de travail dont chaque document complémentaire auquel il se réfère serait le reflet. Il ne fournit pas davantage d’indications quant à la méthode à utiliser pour déterminer de manière fiable, à partir desdits documents, le temps de travail dédié au projet Ask-it par chaque chercheur en cause.

54      De surcroît, il convient de relever que, comme le rapport d’audit l’a constaté, le rapprochement des relevés de temps de travail avec les preuves complémentaires fournies par le requérant est d’autant plus aléatoire et difficile que lesdits relevés de temps ne mentionnent pas les modules de travail sur lesquels les chercheurs en cause ont travaillé à un moment précis. Or, la mention du projet et des modules de travail est nécessaire à l’identification des coûts directs, au sens du point II.20, paragraphe 1, des conditions générales, et aurait permis de vérifier le caractère réel des dépenses déclarées par le requérant, comme cela est requis par le point II.19, paragraphe 1, sous a), desdites conditions (voir arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26, point 87 et jurisprudence citée). Par conséquent, cette lacune a accentué le caractère aléatoire du rapprochement des documents complémentaires fournis par le requérant avec les heures déclarées dans les relevés de temps. Par ailleurs, même si les éléments complémentaires présentés par le requérant contenaient une référence à ces modules de travail, l’absence de mention desdits modules dans les relevés de temps ne permettait pas d’établir aisément et avec certitude une correspondance entre les uns et les autres.

55      Au surplus, il convient de relever que les auditeurs ont indiqué dans le rapport d’audit avoir tenté de vérifier la fiabilité des relevés de temps des chercheurs en cause, d’une part, en demandant des entretiens avec ces derniers et en analysant leur travail réel et, d’autre part, en examinant des éléments des preuves tels que des courriers électroniques et d’autres moyens de correspondance. Toutefois, les auditeurs ont fait état de leur incapacité à évaluer la quantité de travail réellement accomplie par les chercheurs en cause dans la mesure où ils n’ont pas pu s’entretenir téléphoniquement avec certains d’entre eux pour vérifier les heures de travail. En outre, les auditeurs ont indiqué ne pas avoir été en mesure d’obtenir de ceux-ci d’autres éléments de preuve à l’appui de leur travail et ont ajouté que les preuves fournies n’étayaient pas adéquatement la réalité des prestations des chercheurs en cause.

56      Dès lors, il découle de tout ce qui précède que la simple production de documents, tels que des contrats de travail, des publications scientifiques, des courriers électroniques, des rapports, des procès-verbaux de réunion et des documents concernant des éléments livrables du projet qui sont destinés à remédier au caractère non fiable des relevés de temps, mais qui nécessitent, pour la Commission, un investissement considérable en temps et en moyens pour tenter de les convertir en temps de travail, méconnaît, pour les raisons exposées aux points 53 à 55 ci-dessus, l’obligation de collaborer de bonne foi avec celle-ci et qu’une telle méconnaissance n’aurait pas été commise par un cocontractant normalement prudent et diligent. Quant aux curriculum vitae des chercheurs en cause, ils attestent certes de leurs compétences, mais pas du fait qu’ils ont travaillé sur le projet Ask-it pendant les heures déclarées.

57      Le requérant fait encore grief à la Commission de ne pas avoir comparé les relevés de temps des chercheurs en cause concernant le projet Ask‑it avec les relevés concernant les autres projets subventionnés par elle et dont elle disposait, cela afin de vérifier l’existence d’éventuelles contradictions. Le requérant estime également qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir produit des relevés de temps ou d’autres éléments attestant du temps consacré par les intéressés à leurs activités professionnelles parallèles, dans la mesure où il ne disposait d’aucun moyen pour exiger que de tels documents lui soient remis.

58      Ce grief ne saurait être accueilli. En effet, ainsi qu’il ressort du point 36 ci-dessus, dans la mesure où les auditeurs avaient contesté la fiabilité des relevés de temps sur la base d’indices concrets, il appartenait au requérant de démontrer que ces relevés reflétaient les heures effectivement consacrées au projet en cause en dépit des activités cumulées par les chercheurs travaillant sur ledit projet.

59      En outre, même si les relevés de temps indiquaient les programmes subventionnés par l’Union sur lesquels les chercheurs travaillaient, exiger, comme le fait le requérant, que la Commission procède à un contrôle croisé des relevés respectifs des chercheurs travaillant sur le projet en cause pour rechercher d’éventuelles incohérences excède, pour les raisons exposées aux points 53 à 55 ci-dessus, ce que le requérant pouvait attendre de la Commission.

60      Ainsi, dès lors que les relevés de temps concernant le projet Ask-it n’ont pas été jugés fiables sur la base d’éléments concrets, il incombait au requérant d’établir lui-même, et sous une forme raisonnablement accessible à la Commission, l’absence de chevauchement des heures de travail déclarées par les chercheurs en cause dans le projet Ask-it avec les prestations fournies dans le cadre d’activités parallèles. À cet égard, le seul fait que les auditeurs ont reçu une liste des autres prestations des chercheurs en cause est insuffisant et il appartenait au requérant, en tant qu’employeur des intéressés, d’obtenir de ceux-ci des précisions quant au cumul de leurs activités et quant à la façon dont ils répartissaient leur temps de travail entre leurs différentes activités (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26, point 93).

61      Par conséquent, sous réserve de l’examen plus détaillé auquel il sera procédé ci-après au vu des arguments du requérant relatifs aux coûts salariaux de A et de E, il découle de ce qui précède que les arguments de portée générale du requérant ne sauraient remettre en question le constat des auditeurs selon lequel, au vu de leurs activités parallèles, il n’était pas plausible que les chercheurs en cause aient travaillé sur le projet Ask-it pendant les heures déclarées dans les relevés de leur temps de travail.

–       Sur l’existence d’un risque de conflit d’intérêts

62      Dans le rapport d’audit, les auditeurs ont fondé l’exclusion des coûts salariaux de certains des chercheurs en cause, non seulement sur le caractère non plausible des prestations déclarées dans leurs relevés de temps, mais aussi sur un risque de conflit d’intérêts.

63      Le requérant soutient cependant que le risque de conflit d’intérêts n’est pas un motif d’inéligibilité. Ce risque ne figurerait pas au point II.19 des conditions générales, qui énumère les conditions d’éligibilité des coûts et qui constituerait une disposition spéciale primant sur le point II.3 desdites conditions générales, relatif au conflit d’intérêts.

64      De plus, un conflit d’intérêts supposerait, d’une part, l’existence de liens ou d’intérêts communs et, d’autre part, que ces liens aient une influence sur l’exécution impartiale et objective du projet en question. Une telle influence ne devrait pas être simplement éventuelle ou hypothétique. Le risque engendré par ces liens ou ces intérêts communs devrait être précis et avéré. Par conséquent, selon le requérant, la Commission ne pouvait se limiter à invoquer l’existence de tels liens ou de tels intérêts sans apporter la preuve que ceux-ci affectaient l’exécution impartiale et objective du projet Ask-it, la présomption d’inéligibilité des coûts pour conflit d’intérêts n’étant pas irréfragable.

65      À cet égard, il convient de souligner qu’un risque de conflit d’intérêts constitue toutefois une situation anormale dans laquelle les coûts encourus sont susceptibles de n’être ni réels, ni économiques, ni même, le cas échéant, nécessaires à la réalisation du projet au sens du point II.19, paragraphe 1, sous a), des conditions générales. Par conséquent, la non‑exécution par le cocontractant de l’obligation contractuelle, imposée par le point II.3, paragraphe 2, sous l) des conditions générales, de prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour éviter tout risque de conflit d’intérêts constitue une mauvaise exécution des obligations contractuelles qui lui incombent. Elle justifie ainsi le recouvrement des coûts en vertu, d’une part, de l’article 183 du règlement (CE, Euratom) no 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement no 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 357, p. 1), dans sa version en vigueur à l’époque des faits et, d’autre part, de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 2321/2002 (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑198/17, non publié, EU:T:2019:27, point 91).

66      Le requérant conteste également que la Commission ait pu invoquer l’existence d’un risque de conflit d’intérêts dès lors que l’OLAF a enquêté à ce propos et a classé son enquête sans émettre de recommandation.

67      D’une part, il convient de relever qu’il ressort du document de l’OLAF du 8 novembre 2012, produit par la Commission en réponse à une question du Tribunal au titre d’une mesure d’organisation de la procédure, que l’OLAF n’a toutefois classé son enquête sans émettre de recommandation qu’en l’absence de preuves susceptibles de soutenir une accusation en matière pénale, notamment concernant l’existence éventuelle de fraude.

68      En effet, l’OLAF a conclu que les faits en cause ne relevaient pas d’une qualification pénale. Cependant, contrairement à ce que soutient le requérant, et ainsi que le relève à juste titre la Commission, il ne s’ensuit pas que les constatations opérées durant l’enquête ne peuvent plus avoir de suite. En effet, il ressort du considérant 13 du règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) (JO 1999, L 136, p. 1), qu’il incombe aux autorités nationales compétentes ou, le cas échéant, aux institutions, organes ou organismes de l’Union de décider des suites à donner aux enquêtes terminées. Partant, le classement de l’enquête par l’OLAF ne préjuge pas pour autant du respect par le requérant de ses obligations contractuelles en matière de conflit d’intérêts.

69      D’autre part, il convient de relever que la Commission ne fonde pas l’existence de la créance sur le rapport de l’OLAF, mais sur le rapport d’audit.

70      Il s’ensuit que les arguments du requérant, de portée générale, à l’encontre des constats de risque de conflits d’intérêts opérés par les auditeurs ne sauraient prospérer.

71      Par conséquent, sous réserve de l’examen de la situation particulière de A et de E, la créance figurant sur la note de débit, pour autant que cette créance concerne les coûts de personnel, apparaît globalement justifiée par le constat du caractère non fiable des relevés de temps des chercheurs en cause et de l’existence d’un conflit d’intérêts, ceux-ci étant suffisants, ainsi qu’il ressort du point 47 ci-dessus, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la validité des autres motifs relevés par les auditeurs dans le rapport d’audit, rappelés par le requérant et mentionnés au point 45 ci-dessus.

 Sur les arguments spécifiques relatifs à la situation de A et de E

–       Sur le défaut de motivation

72      Le requérant fait valoir, en substance, que la Commission n’a pas expliqué à suffisance de droit les raisons pour lesquelles les coûts directs de personnel de A et de E avaient été considérés comme inéligibles.

73      À cet égard, le requérant soutient que la Commission a rejeté l’ensemble des coûts relatifs à A et à E sans motiver ce rejet et en affirmant simplement que ces coûts avaient été jugés inéligibles pour les mêmes motifs que ceux indiqués en relation avec le projet « Advanced Sensor Development for Attention, Stress, Vigilance and Sleep/Wakefulness Monitoring » (ci-après le « projet Sensation »). En réponse à une question posée par le Tribunal au titre des mesures d’organisation de la procédure mentionnées au point 32 ci-dessus, le requérant a précisé que la Commission, aux fins de motiver légalement sa position, aurait dû expliquer de manière concrète et circonstanciée quels étaient les motifs pour lesquels les coûts concernant A et E avaient été rejetés, sans renvoyer aux motifs concernant le projet Sensation. Le requérant fait valoir, à ce titre, que le projet Ask‑it n’a aucun rapport avec le projet Sensation et que, dès lors, le rejet de l’ensemble des coûts de A et de E, en se fondant de manière vague sur les allégations formulées par les auditeurs dans le cadre d’un autre projet, constitue une généralisation inacceptable et une absence de justification contraire aux normes internationales d’audit.

74      Il convient de rappeler qu’il ressort des points 27 à 32 de l’arrêt du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau/EACEA (T‑606/18, non publié, EU:T:2021:105), que l’obligation de motivation s’impose dans un litige de nature contractuelle.

75      L’étendue de l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications, et il importe, pour apprécier le caractère suffisant de la motivation, de la replacer dans le contexte factuel et juridique dans lequel s’inscrit l’adoption de l’acte en cause. Ainsi, un acte est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu du destinataire concerné qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 24 février 2021, Universität Koblenz-Landau/EACEA, T‑606/18, non publié, EU:T:2021:105, point 35 et jurisprudence citée).

76      En l’espèce, force est de constater que la Commission a exposé, de manière suffisamment claire et précise, les raisons pour lesquelles elle a considéré que les coûts relatifs à A et à E dans le cadre du projet Ask-it étaient inéligibles. Premièrement, il ressort du rapport d’audit que ces coûts avaient été jugés inéligibles pour les mêmes motifs que ceux indiqués en ce qui concerne le projet Sensation. Il convient de relever que les projets Ask-it et Sensation ont fait l’objet du même rapport d’audit et que le renvoi à la partie du rapport concernant le projet Ask-it a pour but d’éviter l’inutile répétition intégrale des motifs du rejet des coûts de A et de E, à savoir qu’ils travaillaient également sur d’autres projets durant la même période, l’importance de ces activités professionnelles parallèles nuisant à la plausibilité de leurs relevés de temps, ces motifs étant suffisants pour comprendre les raisons pour lesquelles les auditeurs ont conclu au rejet des coûts déclarés par le requérant pour leur travail dans le cadre du projet Ask-it.

77      Deuxièmement, il ressort également du rapport d’audit que les auditeurs ont répondu le 25 septembre 2012 aux observations présentées par le requérant sur le rapport d’audit provisoire. En outre, le rapport d’audit tient compte des observations soumises par le requérant qui, par ailleurs, sont globalement les mêmes que celles soumises pour le projet Sensation.

78      Troisièmement, par lettre du 12 mai 2015, la Commission a fait savoir au requérant qu’elle avait approuvé les conclusions contenues dans le rapport d’audit.

79      Quatrièmement, dans sa lettre du 28 octobre 2016, la Commission a analysé les observations du requérant sur le rapport d’audit et a conclu qu’elles n’apportaient aucune autre information que celles qui avaient déjà été prises en compte. La Commission a notamment indiqué que les coûts des chercheurs en cause, dont ceux de A et de E, ne pouvaient pas être déclarés éligibles en raison du fait que leurs relevés de temps de travail n’étaient pas fiables et que les preuves complémentaires présentées par le requérant ne permettaient pas d’identifier, ni de qualifier, la réalité desdits coûts.

80      Dès lors, quand la Commission a transmis au requérant la note de débit, par lettre du 29 novembre 2016, en se référant aux documents susmentionnés, le requérant était informé du contexte et des raisons précises pour lesquelles les coûts de A et de E avait été déclarés inéligibles.

81      En effet, les explications fournies au requérant concernant l’inéligibilité des coûts de A et de E permettent, d’une part, au requérant de comprendre utilement les raisons pour lesquelles la Commission a rejeté ces coûts et, d’autre part, au Tribunal d’exercer son contrôle.

82      Il s’ensuit que la Commission a respecté à suffisance de droit l’obligation de motiver son refus de considérer comme éligibles les coûts de A et de E.

83      Dans de telles circonstances, il convient de rejeter les arguments du requérant portant sur un manque de motivation.

–       Quant à l’inéligibilité des coûts liés au travail de A

84      Le requérant fait valoir que A a travaillé 495 heures sur le projet Ask‑it, mais que la Commission a rejeté l’ensemble des coûts le concernant. Il ressort des observations du requérant relatives aux conséquences à tirer de l’arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission (C‑273/19 P, non publié, EU:C:2020:852), que celui-ci a limité ses conclusions et conteste uniquement l’inéligibilité du coût de 472,5 heures de travail de A sur le projet Ask-it.

85      Sur la base des données collectées lors de l’audit et portant sur la période comprise entre les années 2004 et 2010, les auditeurs ont considéré que, au vu des engagements professionnels de A en dehors du requérant et des multiples fonctions exercées au sein de celui-ci, il n’était pas plausible qu’il ait travaillé sur le projet Ask‑it pendant la durée qu’il avait déclarée entre les années 2004 et 2008. Plus précisément, les auditeurs ont constaté que A avait reçu un montant total de 127 638 euros de la part d’autres entités pour lesquelles il travaillait également pendant les années 2004, 2006, 2007 et 2008. Ils ont par ailleurs constaté que A était aussi un actionnaire de la société F, à hauteur de 72 %, que celle-ci comptait comme autre actionnaire G, son ex‑épouse, et que cette société n’employait pas de personnel, de sorte qu’elle devait compter sur ses détenteurs pour exécuter le travail qui lui était confié. Or, de 2004 à 2008, la société F aurait réalisé un important chiffre d’affaires, oscillant entre 111 153 euros en 2006 et 204 186 euros en 2008.

86      Il convient de relever, ainsi qu’il ressort du point 85 ci-dessus, que, au vu de ses activités parallèles, les auditeurs ont indiqué à juste titre qu’il n’était pas plausible que A ait travaillé sur le projet Ask-it pendant les heures déclarées. Or, il convient de rappeler que le respect, par le requérant, de cette obligation de produire des relevés de temps de travail fiables est essentiel pour que la Commission puisse vérifier que les relevés de temps déclarés correspondaient à un travail effectif de A au titre du projet Ask-it. Le non-respect de ladite obligation constitue un motif suffisant pour rejeter l’ensemble des coûts ainsi que cela ressort du point 47 ci-dessus.

87      Par ailleurs, ainsi qu’exposé aux points 53 à 56 ci-dessus, les éléments complémentaires fournis par le requérant ne peuvent suppléer l’absence de caractère fiable des relevés de temps, dans la mesure où il n’est pas possible de définir clairement ni d’identifier les heures précisément consacrées par A en exécution du projet Ask‑it de celles effectuées en exécution d’autres projets ou dans le cadre de ses activités parallèles, tout au moins sans exiger de la Commission une évaluation aussi laborieuse que hasardeuse pour tenter de les convertir en temps de travail excédant manifestement les limites de ce qu’un cocontractant de bonne foi était normalement en droit d’attendre de celle-ci.

88      De surcroît, il convient de relever que les auditeurs ont fait état, dans le rapport d’audit, de leur incapacité à évaluer la quantité de travail réellement accomplie par A, non seulement en raison du caractère non fiable de ses relevés de temps, mais aussi en raison du caractère technique du projet. Le requérant soutient, certes, qu’il incombait à la Commission de procéder en ce cas à un audit technique complémentaire. Toutefois, outre qu’il résulte du point II.29 des conditions générales qu’un tel audit n’est qu’une faculté, cet argument du requérant confirme la difficulté et l’ampleur de la tâche que celui-ci entendait imputer à la Commission.

89      Le requérant fait cependant valoir dans ses observations relatives aux conséquences à tirer de l’arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission (C‑273/19 P, non publié, EU:C:2020:852), que l’éligibilité des coûts de A ne saurait être déterminée sur la seule base des réserves émises par les auditeurs concernant la fiabilité de ses relevés de temps, dès lors que sont produites des preuves attestant que l’intéressé a effectivement été affecté au projet litigieux à hauteur de 95,5 % des heures de travail déclarées et correspondant à vingt-deux déplacements dudit chercheur pour les besoins du projet. À cet égard, le requérant se réfère à des éléments de preuve tels que des demandes de déplacement approuvées, des cartes d’embarquement, des notes d’hôtel et d’autres justificatifs, des notes de frais de déplacement et des procès-verbaux de réunions auxquelles A aurait assisté lors de ses déplacements. Le requérant fait valoir que ces documents ne sont nullement techniques et ne nécessitent pas une évaluation laborieuse.

90      Toutefois, il convient de relever, d’une part, que lesdits éléments de preuve, prouvant de façon générale les déplacements de A dans le cadre du projet Ask-it, ne permettent pas de déterminer le volume précis de travail de A sur le projet Ask-it, ni d’établir la concordance des heures effectuées avec les coûts déclarés. En effet, ils portent sur la participation de A à des activités du projet Ask-it sans toutefois répondre avec certitude à la question de savoir si, au vu des nombreuses activités parallèles de ce dernier, les heures déclarées dans les relevés de temps correspondent à la réalité et concernent exclusivement le travail de A sur le projet Ask-it.

91      D’autre part, il y a lieu de rappeler que les coûts de déplacements constituent en vue de leur éligibilité des coûts purement accessoires, en ce sens que seuls les coûts de déplacement des membres du personnel dont les coûts ont été reconnus éligibles et remboursables en exécution des conventions de subvention ou de concours financier en cause peuvent, eux-mêmes, être qualifiés d’éligibles et de remboursables (voir arrêt du 25 janvier 2017, ANKO/Commission, T‑768/14, non publié, EU:T:2017:28, point 104 et jurisprudence citée).

92      De plus, la Commission a pu mettre en cause le caractère réel et nécessaire du coût salarial de A, non seulement en raison de ses activités parallèles, mais aussi parce qu’il avait signé lui-même ses propres relevés de temps, faisant douter de la véracité de leur contenu.

93      Il ressort de l’article 27 du règlement intérieur du requérant que chaque chercheur imprime les feuilles de temps et les signe. Chaque feuille de temps est ensuite signée par le responsable du projet concerné ainsi que par le directeur de l’institut des transports du requérant.

94      Dès lors, la signature par A de ses relevés de temps, en sa double qualité de chercheur et de responsable du projet, ne constitue pas une garantie de leur fiabilité. Par ailleurs, le contreseing du directeur de l’institut des transports du requérant n’est pas davantage une garantie, car, selon l’article 27, paragraphe 5, du règlement intérieur du requérant, le directeur de l’institut des transports de ce dernier signait uniquement les relevés de temps « à des fins de contrôle final et de confirmation du partage du temps contractuel de travail entre les programmes de recherche ». Ainsi que le fait valoir la Commission en réponse à l’une des questions posées par le Tribunal, le directeur de l’institut des transports du requérant travaillait dans les bureaux du requérant à Thessalonique, tandis que A travaillait à Athènes. Par conséquent, dans une entité aussi importante que le requérant, le fait que A ait signé ses propres relevés de temps et que ceux-ci n’aient pas été certifiés par une personne objective et impartiale agissant en connaissance de cause suffit à faire naître des doutes sérieux quant à la réalité des coûts et à la fiabilité de ces relevés.

95      De surcroît, la Commission pouvait, à juste titre, mettre également en cause le caractère réel et nécessaire du coût salarial de A correspondant à ses relevés de temps au motif que celui-ci était impliqué dans une situation ayant fait naître un risque de conflit d’intérêts et que le requérant n’avait pas respecté l’obligation qui lui incombait de prévenir tout risque de conflit d’intérêts conformément au point II.3, paragraphe 2, sous l), des conditions générales.

96       Ainsi, H, l’un des chercheurs en cause, était associée à G, l’ex-épouse de A, au sein de la société I. L’existence de liens entre A et H est ainsi établie. Par ailleurs, il a été constaté que, entre 2004 et 2008, le chiffre d’affaires de cette société résultait pour l’essentiel de contrats de sous-traitance obtenus dans le cadre de projets cofinancés par l’Union et pour lesquels le requérant était soit coordinateur soit membre du consortium en charge desdits projets. Enfin, il a été relevé que A supervisait les travaux de H, en tant que chef de projet, et visait ses relevés de temps. Dès lors, il ressort de ce qui précède que les liens existant entre A et H sont susceptibles d’avoir eu une incidence sur l’exécution impartiale et objective du projet.

97      Le requérant prétend cependant que ces constatations sont dépourvues de pertinence, dans la mesure où le rejet des coûts de H n’est pas contesté.

98      Toutefois, les éléments de preuve doivent être appréciés, non pas isolément, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. Partant, sous peine de fragmenter l’image de la situation apparue lors de l’audit, l’appréciation, par le Tribunal, de l’existence d’un risque de conflit d’intérêts ne saurait dépendre du point de savoir si le requérant a contesté dans son recours le rejet des coûts salariaux de l’ensemble des personnes susceptibles d’être impliquées dans ce conflit d’intérêts comme inéligibles ou s’il n’a contesté que le rejet des coûts d’un seul des protagonistes (arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑198/17, non publié, EU:T:2019:27, point 107).

99      Il s’ensuit, en l’espèce, que le risque d’un conflit d’intérêts ne met pas seulement en cause la fiabilité des relevés de temps de H, mais aussi le caractère réel et économique des coûts déclarés pour A en raison du manque de diligence dont celui-ci a fait preuve.

100    Il découle de ce qui précède que, à la suite de l’audit, qui a porté sur la période comprise entre les années 2004 et 2010, la Commission a pu considérer que l’engagement de A dans des activités parallèles était substantiel, sauf en 2009 et 2010, et qu’elle a pu estimer que les relevés de temps de l’intéressé n’étaient pas fiables, en raison du fait que A avait signé ses propres relevés de temps et que ceux-ci n’avaient pas été certifiés par une personne objective, ainsi qu’au vu de la situation de conflit d’intérêts dans laquelle il était impliqué.

–       Quant à l’inéligibilité des coûts liés au travail de E

101    Le requérant fait valoir que E a travaillé 2 142,5 heures sur le projet Ask‑it, mais que la Commission a rejeté l’ensemble des coûts la concernant. Il ressort des observations du requérant relatives aux conséquences à tirer de l’arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission (C‑273/19 P, non publié, EU:C:2020:852), que le requérant a limité ses conclusions et conteste uniquement l’inéligibilité du coût de 446 heures de travail de E sur le projet Ask-it.

102    Les auditeurs ont notamment souligné que les relevés de temps de E étaient signés par A. À cet égard, le requérant soutient que les relevés de temps de E étaient également signés par son directeur de l’institut des transports et que la Commission n’explique pas pourquoi le fait que ces relevés étaient signés par A nuisait à leur fiabilité.

103    En l’occurrence, en l’absence d’une situation suscitant un risque de conflits d’intérêts, le fait que A a signé les relevés de temps de E ne peut justifier l’inéligibilité des coûts de cette dernière.

104    Les auditeurs ont toutefois également justifié le rejet de ces coûts au motif que E, parallèlement à son travail à temps plein au sein du requérant, exerçait également des activités au sein d’autres entités publiques ou privées et qu’elle avait perçu, du fait de ses activités parallèles, au cours des années allant de 2004 à 2010, un montant de 166 882 euros. Les auditeurs ont aussi observé que les horaires de travail de l’une de ces entités, à savoir l’Institute of Communication and Computer Systems, se chevauchaient avec ceux du requérant.

105    Le requérant expose que la Commission n’a nullement étayé son affirmation selon laquelle les travaux de E dans le cadre de différents projets se chevauchaient effectivement, alors même qu’elle finançait ces projets et qu’elle disposait de l’ensemble des relevés de temps pour prouver son grief.

106    Cet argument ne saurait cependant prospérer. Le volume des activités parallèles de E est attesté par les propres déclarations du requérant et de l’intéressée. De plus, comme les auditeurs l’ont constaté, 40 % des honoraires que E a tirés de ses activités parallèles concernaient des projets de l’Union. Quant au chevauchement des horaires de travail, il résulte non seulement du caractère substantiel du cumul de fonctions de l’intéressée, mais aussi des constats des auditeurs en ce qui concerne l’Institute of Communication and Computer Systems.

107    La Commission a pu déduire des activités parallèles de E que ses relevés de temps n’étaient pas fiables, et cela d’autant plus que les déclarations de l’intéressée révélaient un manque de rigueur dans leur établissement, puisqu’elle a déclaré qu’elle ne les signait que lorsque cela lui était demandé.

108    Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 104 ci-dessus, au vu de ses activités parallèles, il n’était pas plausible que E ait travaillé sur le projet Ask-it pendant les heures déclarées. Par ailleurs, ainsi qu’exposé aux points 53 à 56 ci-dessus, même si les documents complémentaires produits par le requérant prouvent la participation de E au projet Ask-it, ils ne sont pas de nature à établir la fiabilité de ses relevés de temps et ne permettent pas d’opérer un rapprochement direct avec les heures que celle-ci a déclarées, tout au moins sans exiger de la Commission une évaluation aussi laborieuse que hasardeuse pour tenter de les convertir en temps de travail excédant manifestement des limites de ce qu’un cocontractant de bonne foi était normalement en droit d’attendre de celle-ci.

109    Dans ses observations relatives aux conséquences à tirer de l’arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission (C‑273/19 P, non publié, EU:C:2020:852), le requérant soutient, cependant, que la participation de E au projet Ask-it est évidente. Il fait valoir à cet égard que l’éligibilité de ses coûts ne saurait être déterminée sur la seule base des réserves émises, dès lors que sont produits plusieurs éléments de preuve démontrant que l’intéressée a effectivement été affectée au projet litigieux à hauteur de 21 % des heures de travail déclarées et effectuées dans le cadre des déplacements de cette chercheuse pour les besoins du projet.

110    Toutefois, il convient de relever, d’une part, que les éléments prouvant de façon générale la participation de E au projet en cause et ses déplacements en dehors du requérant ne permettent pas de déterminer le volume précis de son travail sur le projet Ask-it, ni d’établir la concordance des heures déclarées avec les coûts déclarés, au vu des nombreuses activités parallèles de la chercheuse en cause.

111    D’autre part, ainsi qu’exposé au point 91 ci-dessus, seuls les coûts de déplacement des membres du personnel dont les coûts ont été reconnus éligibles et remboursables en exécution des conventions de subvention ou de concours financier en cause peuvent, eux-mêmes, être qualifiés d’éligibles et de remboursables.

112    Il découle de ce qui précède que les arguments du requérant ne permettent pas de remettre en cause l’inéligibilité des coûts déclarés en ce qui concerne E.

 Sur la violation du principe de proportionnalité

113    Le requérant fait valoir que, à supposer que la Commission ait pu conclure au caractère inéligible du coût salarial de l’un des chercheurs en cause, elle a violé le principe de proportionnalité en rejetant l’ensemble des coûts en question.

114    Cependant, il y a lieu d’observer que le requérant ne conteste que le rejet d’une partie des coûts de deux chercheurs sur trente-neuf, que ce coût ne représente qu’un montant de 23 964,13 euros sur un total de 551 000,13 euros, et qu’il a été rejeté en raison, d’une part, de la violation de l’obligation de produire des relevés de temps fiables et, d’autre part, au vu d’une situation constitutive d’un risque de conflit d’intérêts.

115    De surcroît, il convient de constater que le requérant ne développe aucun argument spécifique à l’appui de son grief tiré de la violation du principe de proportionnalité, alors qu’il ne suffit pas que les projets aient été bien exécutés pour que le cocontractant acquière un droit définitif au paiement de la contribution financière de l’Union si les conditions financières n’ont pas été correctement respectées comme c’est le cas en l’espèce.

116    Dès lors, l’argument tiré de la violation du principe de proportionnalité doit être rejeté.

117    Par conséquent, la Commission était fondée à rejeter comme inéligible le coût salarial de A et de E correspondant à leurs relevés de temps. Partant, les arguments du requérant concernant les coûts directs de personnel doivent être rejetés.

 Sur les coûts de sous-traitance

118    Dans sa requête, le requérant a contesté l’inéligibilité des coûts exposés dans le cadre de contrats de sous-traitance confiés aux sociétés B, C et D.

 Sur l’inéligibilité des coûts liés à la sous-traitance confiée à la société B

119    Dans le rapport d’audit, les auditeurs ont considéré que le coût de la sous-traitance confiée à la société B, d’un montant de 70 000 euros, n’était pas éligible. Ils ont estimé, premièrement, que le recours à la sous-traitance n’était pas nécessaire dans la mesure où les offres de deux des trois soumissionnaires, dont la société B, avaient été déposées par des membres du personnel du requérant, démontrant que le travail aurait pu être effectué par le consortium. Deuxièmement, ils ont fait valoir qu’ils n’avaient pas reçu d’informations quant aux critères sur la base desquels l’offre de la société B avait été retenue, en violation de l’obligation relative à l’attribution dans des conditions de transparence, conformément au point II.6 des conditions générales, et que, troisièmement, aucun élément ne leur avait été présenté quant à la manière selon laquelle les soumissionnaires avaient pu prendre connaissance des spécifications techniques du contrat. Quatrièmement, les auditeurs ont relevé qu’aucune correspondance n’avait été échangée avec l’attributaire durant l’exécution de la sous-traitance.

120    Le requérant conteste tout d’abord le fait que le coût de la sous-traitance confiée à la société B ait été inéligible au motif que, dans le cadre de la procédure d’appel d’offres, une offre a été soumise par la société J, à laquelle participait un chercheur du requérant, K. Le requérant fait valoir à cet égard que cette offre a été rejetée et que, en tout état de cause, K n’avait nullement travaillé sur le projet Ask‑it. En outre, le requérant fait valoir que L, chercheuse au sein du requérant et participant à l’équipe de la société B, n’a jamais travaillé sur le projet Ask‑it, ni sur aucun des projets audités. Le requérant souligne que L n’était pas membre de l’équipe du projet qui devait exécuter la sous-traitance, mais qu’il résultait de l’offre soumise par la société B que les chefs d’équipe devaient être M et N, maîtres de conférences en informatique médicale. Dès lors, l’objet de la sous-traitance n’aurait pas pu être exécuté simplement par une seule chercheuse, ayant la qualité d’ingénieur en électricité, puisque manifestement des connaissances et une expérience accrue dont disposaient les maîtres de conférences étaient nécessaires pour mener ce projet.

121    La Commission fait valoir que le recours à la sous-traitance n’était pas nécessaire dans la mesure où deux des trois offres avaient été déposées par des sociétés dans lesquelles travaillaient des membres du personnel du requérant.

122    Il y a lieu de rappeler que les points II.1.26, II.1.27 et II.6 des conditions générales stipulent que des travaux sont confiés en sous-traitance à des tiers lorsque ces travaux, qui se révèlent nécessaires, ne représentent pas les éléments principaux du projet et que les contractants eux-mêmes ne sont pas en mesure de les exécuter. Par ailleurs, il ressort du point II.6, paragraphe 1, des conditions générales que, s’il est nécessaire de sous-traiter certains éléments de travaux à effectuer, il convient de les mentionner à l’annexe I de la convention principale. Au cours de la mise en œuvre du projet, les cocontractants peuvent sous-traiter des tâches secondaires qui ne constituent pas des éléments essentiels du projet, qui ne peuvent pas être directement prises en charge et qui se révèlent néanmoins nécessaires pour l’exécution du projet.

123    En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que le requérant était lui-même en mesure d’exécuter les éléments essentiels du projet. En effet, des chercheurs du requérant faisaient partie des membres des équipes de réalisation du projet dans les offres de deux des trois candidats, dont celle de la société B à qui la sous-traitance avait été attribuée. Dès lors, le fait que deux des trois offres avaient été déposées par des sociétés dans lesquelles travaillaient des membres du personnel du requérant suscite des doutes fondés quant à la nécessité de cette sous-traitance, conformément au point II.6 des conditions générales.

124    Il convient, en outre, de signaler que, d’une part, le fait que K et L ne travaillaient pas sur le projet Ask‑it n’a aucune incidence à cet égard, dans la mesure où les deux chercheurs étaient à la disposition du requérant et que les travaux en question auraient pu leurs être confiés personnellement et, d’autre part, le fait qu’ils travaillaient pour les sociétés qui ont soumis une offre pour l’exécution de l’objet à sous-traiter prouve qu’ils avaient effectivement le temps, l’expertise et l’expérience nécessaire pour exécuter lesdits travaux.

125    Au surplus, la Commission s’est également fondée sur les conditions dans lesquelles la société B avait été choisie comme sous-traitante, en méconnaissance des principes de transparence et d’égalité de traitement.

126    Il y a lieu de rappeler que, conformément au point II.6, paragraphe 2, des conditions générales, tout contrat de sous-traitance doit être attribué, après un appel d’offres, au sous-traitant ayant soumis l’offre la plus avantageuse dans des conditions de transparence et d’égalité de traitement. Or, le requérant a produit, au cours de l’audit, seulement les trois soumissions déposées en vue de l’obtention de la sous-traitance litigieuse, sans donner d’explication sur les spécifications techniques fournies aux soumissionnaires ni sur les critères retenus pour choisir l’offre la plus avantageuse.

127    De surcroît, le dépôt d’offres par deux sociétés qui comptaient dans leur équipe d’exécution des chercheurs du requérant et l’attribution du marché de sous-traitance à une société dont l’équipe de projet comptait une chercheuse du requérant soulèvent des questions quant à l’existence d’un risque de conflit d’intérêts au sens du point II.3 des conditions générales et quant à la violation de l’impartialité de la procédure, énoncée au point II.6 des conditions générales.

128    Dans ces conditions, ainsi qu’il ressort du point 36 ci-dessus, dans la mesure où il existait un risque que les conditions d’éligibilité des dépenses ne soient pas remplies, il doit être considéré que le requérant n’a pas rapporté la preuve que la sous‑traitance à la société B était nécessaire et qu’elle avait été attribuée dans des conditions de transparence et d’égalité de traitement.

129    Il s’ensuit que le grief relatif à l’inéligibilité du coût de la sous-traitance octroyée à la société B doit être rejeté.

 Sur l’inéligibilité des coûts liés aux soustraitances confiées aux sociétés C et D

130    Dans le rapport d’audit, les auditeurs ont considéré que les coûts des sous‑traitances confiées aux sociétés C et D, d’un montant de 10 000 euros et 7 000 euros respectivement, n’étaient pas éligibles. Ils ont estimé que l’objet de ces sous-traitances ne pouvait pas être qualifié de secondaire et que la nécessité d’y recourir n’avait pas été mentionnée à l’annexe I de la convention principale conformément au point II.6 des conditions générales. En outre, ils ont fait valoir que les contrats de sous‑traitance avaient été conclus sans appel d’offres.

131    Le requérant conteste le fait que le coût des sous-traitances confiées aux sociétés C et D ait été jugé inéligible au motif que ces sous-traitances ne portaient pas sur des tâches mineures et que, par conséquent, il aurait été tenu d’obtenir l’approbation préalable de la Commission pour y recourir.

132    Il convient de relever que le point II.6, paragraphe 1, des conditions générales stipule que les cocontractants veillent à ce qu’ils puissent exécuter eux-mêmes les prestations à fournir, telles qu’identifiées à l’annexe I de la convention Ask‑it. La même disposition énonce également que, s’il est nécessaire de sous-traiter certains éléments des travaux à effectuer, il convient de le mentionner clairement dans ladite annexe I et que, pendant la mise en œuvre du projet, les cocontractants peuvent sous-traiter d’autres services secondaires, qui ne constituent cependant pas l’essentiel des prestations du projet, qui ne peuvent pas être directement pris en charge et qui se révèlent néanmoins nécessaires.

133    En l’occurrence, le requérant fait valoir que la sous-traitance de la société C portait en substance sur l’élaboration de vidéos relatives aux essais pilotes du projet dans le cadre des lots de travail WP 5.2, 5.3 et 2.6 et que son coût n’a pas excédé 0,75 % du budget.

134    Par ailleurs, en ce qui concerne la sous-traitance de la société D, le requérant soutient qu’elle avait pour objet le développement d’un logiciel assurant la compatibilité de deux logiciels pour des dispositifs portables faisant l’objet d’essais dans le cadre du projet et que son coût n’a pas excédé 0,05 % du budget.

135    Dans ces conditions, à défaut d’autres indications, les montants réduits et la nature des prestations qui faisaient l’objet des sous‑traitances litigieuses conduisent à considérer que les objets desdites sous‑traitances entraient bien dans la catégorie des tâches secondaires susceptibles d’être exécutées de cette manière, sans qu’il ait été nécessaire de les prévoir d’emblée à l’annexe I de la convention principale.

136    Toutefois, il ressort du rapport d’audit que les contrats de sous‑traitance avaient été conclus sans appel d’offres et sans respecter, par conséquent, la condition d’attribution au sous-traitant ayant soumis l’offre la plus avantageuse.

137    Le requérant prétend, à cet égard, que, du fait que les contrats de sous‑traitance portaient sur un montant peu élevé, il n’était nullement tenu, en vertu de son règlement relatif aux approvisionnements et du droit grec, d’organiser un appel d’offres international ou ouvert pour attribuer ces sous-traitances. Le requérant précise que, en application du guide du sixième programme-cadre, les sous-traitances sont attribuées conformément au droit national applicable et que cette procédure peut même inclure une procédure négociée ou une attribution directe. Le requérant soutient à cet égard que les contrats de sous-traitance ont été attribués conformément à la législation nationale qui comprend, notamment, l’attribution de contrats à la suite de négociations de manière directe.

138    Il y a lieu de rappeler que, conformément au point II.6, paragraphe 2, des conditions générales, tout contrat de sous-traitance, qu’il soit mentionné ou non à l’annexe I, doit être attribué, après un appel d’offres, au sous-traitant ayant soumis l’offre la plus avantageuse dans des conditions de transparence et d’égalité de traitement. Or, le requérant a attribué les sous-traitances litigieuses sans appel d’offres. Dès lors, l’attribution directe et non transparente des prestations à des sous-traitants sans la moindre formalité est manifestement contraire aux exigences que pose le libellé du deuxième paragraphe du point II.6 des conditions générales.

139    Par ailleurs, il convient de relever que le requérant n’indique pas pourquoi son règlement intérieur le dispenserait des obligations qu’imposent, d’une part, les conditions générales, notamment leur article II.6, et, d’autre part, l’article 184 du règlement no 2342/2002, qui établit que, lorsque la mise en œuvre des actions subventionnées nécessite la passation d’un marché, les bénéficiaires des subventions attribuent le marché à l’offre économiquement la plus avantageuse. En outre, il y a lieu de constater que le guide du sixième programme-cadre n’est qu’un instrument d’orientation pour des projets sélectionnés en vue d’un financement, qui en aucun cas ne saurait déroger aux conditions établies dans les conditions générales et plus particulièrement aux exigences découlant du libellé du deuxième paragraphe de leur article II.6.

140    Dans ces conditions, il doit être considéré que le requérant n’a pas rapporté la preuve que les sous-traitances avaient été attribuées dans des conditions de transparence et d’égalité de traitement.

141    Dès lors, le requérant ayant eu recours à une attribution directe, c’est à bon droit que la Commission a rejeté comme étant inéligibles les coûts des sous‑traitances confiées aux sociétés C et D.

142    Il s’ensuit que les griefs dirigés par le requérant contre le rejet comme étant inéligibles des coûts de sous-traitances octroyées aux sociétés B, C et D doivent être rejetés.

 Sur les coûts indirects

143    Le requérant fait grief à la Commission d’avoir considéré que les coûts indirects correspondants au coût salarial direct de A et de E jugé inéligible n’étaient pas éligibles à concurrence d’un montant de 21 661,98 euros. Dans la mesure où il aurait démontré que lesdits coûts salariaux directs étaient au contraire éligibles, le requérant soutient qu’il en va de même pour ce montant.

144    Il ressort, toutefois, de tout ce qui précède que la Commission a, à bon droit, jugé inéligible le coût salarial direct de A et de E. Dans la mesure où les coûts indirects sont calculés en pourcentage des coûts directs, comme l’a indiqué la Commission dans le mémoire en défense, sans être contredite par le requérant, et devraient être identifiés et justifiés comme étant encourus en corrélation avec les coûts directs déclarés éligibles, le grief soulevé à l’encontre de l’inéligibilité des coûts indirects doit être rejeté.

145    Par conséquent, au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

146    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ethniko Kentro Erevnas kai Technologikis Anaptyxis est condamné aux dépens.

da Silva Passos

Truchot

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 décembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le grec.