Language of document : ECLI:EU:T:2000:303

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

13 décembre 2000 (1)

« Fonctionnaires - Absences - Production de certificats médicaux - Défaut de présentation de l'intéressé aux visites de contrôle - Imputation des congés de maladie sur la durée du congé annuel - Recours en annulation - Demandes d'indemnité »

Dans les affaires jointes T-110/99 et T-260/99,

F, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bertrange (Luxembourg), représentée par Mes L. Mosar, S. Kersch et P. Goergen, avocats au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Mosar, 8, rue Notre-Dame,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. M. Moore, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet ayant pour objet une demande tendant, d'une part, à l'annulation de trois décisions du Parlement imputant sur la durée du congé annuel de la requérante des absences pour cause de maladie considérées comme irrégulières et, d'autre part, à l'indemnisation des préjudices moraux censés résulter de ces décisions et du comportement des services du Parlement,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. Potocki et A. W. H. Meij, juges,

greffier: M. G. Herzig, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 21 septembre 2000,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique des litiges

1.
    L'article 59 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après: le «statut») dispose:

«1. Le fonctionnaire qui justifie être empêché d'exercer ses fonctions par suite de maladie ou d'accident bénéficie de plein droit d'un congé de maladie.

    L'intéressé doit aviser, dans les délais les plus brefs, son institution de son indisponibilité en précisant le lieu où il se trouve. Il est tenu de produire, à partir du quatrième jour de son absence, un certificat médical. Il peut être soumis à tout contrôle médical organisé par l'institution.

[...]»

2.
    Aux termes de l'article 60, premier alinéa, du statut:

«Sauf en cas de maladie ou d'accident, le fonctionnaire ne peut s'absenter sans y avoir été préalablement autorisé par son supérieur hiérarchique. Sans préjudice de l'application éventuelle des dispositions prévues en matière disciplinaire, toute absence irrégulière dûment constatée est imputée sur la durée du congé annuel de l'intéressé. En cas d'épuisement de ce congé, le fonctionnaire perd le bénéfice de sa rémunération pour la période correspondante.»

Antécédents des litiges

3.
    Les présents litiges portent sur trois décisions imputant des périodes d'absence de la requérante, jugées irrégulières, sur la durée de son congé annuel.

Décision du 16 septembre 1998 (affaire T-110/99)

4.
    Le 25 août 1998, le Dr D. a délivré à la requérante un certificat d'incapacité de travail pour la période du 25 août au 7 septembre 1998.

5.
    Le Dr B., médecin de contrôle attaché au service médical du Parlement, s'est présenté le 26 août 1998, à 17 heures, au domicile de la requérante, pour contrôler la réalité de son incapacité de travail. Celle-ci étant absente, le Dr B. a invité la requérante, par note déposée à son domicile, à se présenter à un examen de contrôle au service médical, le 4 septembre 1998, à 11 heures.

6.
    Le 31 août 1998, le Dr D. a délivré à la requérante un nouveau certificat d'incapacité de travail pour la période du 8 au 15 septembre 1998.

7.
    L'intéressée a transmis au service médical les deux certificats précités, ainsi qu'une attestation établie le 31 août 1998 par le Dr D. selon laquelle elle «n'[était] pas en état de santé [...] pour pouvoir se présenter à [ce service] avant le 15 septembre prochain».

8.
    Un deuxième contrôle au domicile de la requérante a été effectué par le Dr B. le 3 septembre 1998, à 17 h 30. L'intéressée, absente, a été invitée, par avis déposé à son domicile, à se présenter à un examen de contrôle, le 4 septembre 1998, à 9 h 45.

9.
    La requérante ne s'est rendue à aucune des deux convocations fixées par le service médical.

10.
    Par note du 7 septembre 1998 rédigée à l'attention du directeur général de la direction générale «Personnel/budget/finances» (DG V) du Parlement et dont copie a été transmise à la requérante, le Dr C., du service médical, a considéré ne pouvoir accepter ni le certificat couvrant la période du 25 août au 7 septembre 1998, ni sa prolongation du 8 au 15 septembre 1998.

11.
    Le 16 septembre 1998, sur la base de la note du 7 septembre 1998 du Dr C., l'absence de la requérante du 25 août au 15 septembre 1998 a été déduite de la durée de son congé annuel.

Décision du 28 janvier 1999 (affaire T-110/99)

12.
    Le 30 octobre 1998, le Dr L. a certifié une incapacité de travail de la requérante du 30 octobre au 30 novembre 1998, tout en précisant que les sorties étaient autorisées et même recommandées.

13.
    Par lettre du 9 novembre 1998, le Dr B. a invité la requérante à se présenter à un examen médical de contrôle le 13 novembre 1998. La requérante s'est excusée de ne pas pouvoir s'y présenter, en invoquant un état dépressif mixte anxieux, attesté par un certificat établi le 16 novembre 1998 par le Dr L.

14.
    Arguant de son état de santé, la requérante n'a pas ouvert la porte de son domicile au Dr B. lorsque celui-ci s'y est présenté, le 13 novembre 1998, pour procéder à un examen médical de contrôle. À cet égard, l'intéressée soutient qu'elle ne pouvait pas deviner qu'il s'agissait du Dr B.

15.
    Ayant été à nouveau convoquée au service médical le 17 novembre 1998, la requérante a fait savoir qu'elle refusait de rencontrer le Dr B., qui lui faisait peur et par le comportement duquel elle se sentait menacée.

16.
    Le 18 novembre 1998, le Dr W. a convoqué la requérante pour un examen médical à effectuer en présence du Dr B., le 27 novembre suivant. La requérante s'est rendue à cette convocation.

17.
    À la suite de ce contrôle, l'absence de la requérante du 13 au 27 novembre 1998 a été jugée non justifiée, mais un mi-temps médical lui a été accordé du 14 décembre 1998 au 6 janvier 1999.

18.
    La requérante a constaté que son absence du 13 au 27 novembre 1998 avait été déduite de la durée de son congé annuel, lorsqu'elle en a reçu, le 1er février 1999, le relevé, daté du 28 janvier 1999.

Décision du 22 avril 1999 (affaire T-260/99)

19.
    Au cours de la matinée du 8 mars 1999, la requérante a informé par téléphone son service de son incapacité de travail pour cause de maladie. Elle a consulté le même jour dans la soirée le Dr N., qui lui a délivré un certificat d'incapacité de travail pour la période du 8 au 12 mars 1999.

20.
    Le médecin-contrôleur du Parlement s'est rendu au domicile de la requérante, le 8 mars 1999, à 11 h 30. L'intéressée étant absente, il a déposé dans la boîte aux lettres de celle-ci une convocation pour le lendemain 9 mars 1999, à 12 h 30, au service médical.

21.
    La requérante ne s'est pas présentée à ce contrôle. Par lettre du 16 mars 1999, son conseil a, d'une part, soutenu qu'elle n'avait pris connaissance de la convocation que le 9 mars 1999 dans la soirée et, d'autre part, exigé, que sa cliente soit convoquée dans des délais raisonnables.

22.
    Le 18 mars 1999, le Dr W. a transmis la lettre du 16 mars précitée au directeur général de la DG V. Le Dr W. a rappelé que l'institution ne pouvait pas être tenue pour responsable de l'heure à laquelle la requérante relève son courrier et estimé anormal qu'elle n'ait pas jugé utile de contacter un des médecins du Parlement pour expliquer les motifs de son absence à la visite de contrôle et convenir d'un autre rendez-vous.

23.
    L'absence de la requérante durant la période du 8 au 12 mars 1999 a donc été jugée irrégulière.

24.
    La requérante a constaté que cette période avait été déduite de la durée de son congé annuel, lorsqu'elle en a reçu le relevé daté du 22 avril 1999.

Procédures administratives précontentieuses

25.
    À la suite de la décision du 16 septembre 1998, la requérante a adressé au secrétaire général du Parlement une lettre intitulée «Recours au titre de l'article 90 du statut», du 21 septembre 1998, demandant, notamment, que les certificats qui lui avaient été délivrés soient soumis à une commission médicale pour que celle-ci se prononce sur leur bien-fondé.

26.
    La requérante a ensuite exigé le rétablissement intégral de ses droits à congé, dans une lettre du 16 octobre 1998, intitulée «Addendum à ma réclamation en date du 21 septembre 1998».

27.
    Par lettre du 1er février 1999, portant la mention «Recours au titre de l'article 90 du statut», enregistrée le 2 février 1998 par le service du courrier du Parlement, la requérante a, d'une part, demandé au défendeur sur la base de quelle décision administrative la déduction en date du 28 janvier 1999 de la durée de son congé annuel avait été effectuée et, d'autre part, fait observer qu'elle n'avait jusque-là reçu aucune information, ni à plus forte raison de décision émanant de l'autorité compétente.

28.
    Par décision du 3 février 1999, le secrétaire général du Parlement, se référant aux lettres de la requérante des 21 septembre et 16 octobre 1998, a retenu que les conclusions d'un contrôle médical ne produisent leurs effets administratifs qu'à partirde la date du contrôle. Aussi a-t-il fait droit à la demande de la requérante en ce qui concerne la période correspondant à son absence du 25 août au 2 septembre 1998 inclus.

29.
    En revanche, le secrétaire général ne s'est pas estimé en mesure de donner satisfaction à la requérante pour la période du 3 au 15 septembre 1998. Il a indiqué: «[L]'article 59, paragraphe 3, du statut prévoit qu'en cas de contestation entre le médecin de l'institution et le médecin du fonctionnaire sur un certificat médical la commission d'invalidité est saisie pour avis. En l'espèce, s'il y a contestation, c'est parce que vous ne vous êtes pas soumise au contrôle médical organisé par l'institution, refusant de vous déplacer et ne donnant aucune information au médecin-conseil, alors qu'il aurait été conforme à votre devoir de loyauté envers l'institution de le contacter et de lui expliquer les raisons pour lesquelles vous ne pouviez vous présenter au contrôle. Si vous aviez fait preuve d'une attitude coopérative, un nouveau contrôle aurait pu être organisé à votre domicile et, le cas échéant, une contestation du certificat médical aurait été évitée.»

30.
    Le secrétaire général du Parlement a, en outre, relevé que, à la suite du contrôle du 27 novembre 1998, l'absence de la requérante pendant la «période du 13 au 25 novembre 1998» avait été jugée irrégulière mais qu'un mi-temps médical de courte durée lui avait été accordé.

31.
    Le secrétaire général s'est, enfin, estimé tenu d'adresser à la requérante une mise en garde formelle, devant son attitude hostile aux contrôles médicaux organisés par l'institution conformément à l'article 59 du statut, nécessités par la fréquence de ses absences. Il a invité l'intéressée à adopter à l'avenir un comportement loyal envers l'institution et ses médecins-conseils, faute de quoi une procédure disciplinaire pourrait être engagée contre elle.

32.
    La requérante a contesté, dans une réclamation du 3 juin 1999, l'irrégularité de son absence du 8 au 12 mars 1999 et demandé le retrait immédiat de la décision du 22 avril 1999.

33.
    Par décision du 26 juillet 1999 du secrétaire général du Parlement, il a été rappelé à la requérante que son devoir de loyauté lui imposait de prendre sans délai contact avec le médecin-conseil de l'institution pour s'excuser et convenir d'un autre rendez-vous. De l'avis du secrétaire général, la requérante avait fait obstacle au contrôle prévu par l'article 59 du statut.

34.
    Le secrétaire général a considéré comme régulière l'absence du 8 mars 1999, au cours de laquelle l'intéressée avait consulté un médecin, et a rapporté la décision du 22 avril 1999 en ce qui concerne cette journée. En revanche, ladite décision a été confirmée pour la période du 9 au 12 mars 1999.

Procédure devant le Tribunal

35.
    Par requêtes déposées le 3 mai 1999 (affaire T-110/99) et le 26 octobre 1999 (affaire T-260/99), la requérante a introduit les présents recours.

36.
    Par ordonnance du 13 mars 2000, les deux affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.

37.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, il a invité les parties à lui fournir par écrit certaines précisions avant l'audience.

38.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal, au cours de l'audience qui s'est déroulée le 21 septembre 2000.

Conclusions des parties

39.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer les recours recevables;

-    annuler les décisions des 16 septembre 1998, 28 janvier et 22 avril 1999 imputant, respectivement, sur la durée de son congé annuel ses absences du 3 au 15 septembre 1998, du 13 au 27 novembre 1998 et du 9 au 12 mars 1999;

-    condamner le Parlement à payer à la requérante 200 000 francs luxembourgeois (LUF) en réparation des préjudices moraux subis;

-    condamner le Parlement aux dépens.

40.
    Le Parlement conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter les recours dans leur ensemble;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur les demandes en annulation

Sur la recevabilité de la demande d'annulation dans l'affaire T-110/99, en ce qu'elle est dirigée contre la décision du 28 janvier 1999

41.
    Dans sa requête, F allègue que, à la suite de la communication du relevé du 28 janvier 1999, imputant sur ses congés annuels son absence du 13 au 27 novembre 1998, elle a «réclamé une copie de cette décision par lettre recommandée du 1er février 1999, introduite par la voie hiérarchique, [et qu'une] décision explicite de rejet de la réclamation est intervenue le 3 février 1999».

42.
    La requérante en déduit que la demande en annulation, déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 1999, a été introduite dans le délai de recours contentieux de trois mois à compter de la notification de cette décision explicite de rejet.

43.
    Le Tribunal rappelle qu'une réclamation au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut doit viser clairement à obtenir la satisfaction à l'amiable des demandes du fonctionnaire ou manifester clairement sa volonté de contester la décision lui faisant grief (ordonnance du Tribunal du 7 décembre 1999, Reggimenti/Parlement, T-108/99, RecFP p. I-A-243 et II-1205, point 27).

44.
    Par ailleurs, la qualification juridique exacte d'une lettre relève de la seule appréciation du Tribunal et non de la volonté des parties (ordonnance Reggimenti/Parlement, précitée, point 26).

45.
    Même si elle a qualifié sa lettre du 1er février 1999 de «Recours au titre de l'article 90 du statut», exprimant ainsi un dessein contentieux, la requérante s'y est toutefois limitée à demander au défendeur «sur la base de quelle décision administrative le retrait [des congés avait] été opéré» et à faire observer qu'elle n'avait jusque-là «reçu aucune information ni, à plus forte raison, de décision émanant de l'autorité compétente».

46.
    Dans ces conditions, le Tribunal ne saurait regarder cette lettre comme une réclamation au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut.

47.
    À supposer même que cette lettre constitue une réclamation, elle n'a, en tout état de cause, pas fait l'objet, contrairement aux prescriptions de l'article 91, paragraphe 2, deuxième tiret, du statut, d'une décision explicite ou implicite de rejet, avant l'introduction du recours contentieux.

48.
    En effet, la décision du secrétaire général du Parlement étant intervenue le 3 février 1999, elle n'a pu, à l'évidence, avoir pour objet de répondre à une lettre datée de l'avant-veille et enregistrée par les services du Parlement seulement la veille.

49.
    Son premier paragraphe évoquant uniquement la réclamation contenue dans les lettres de la requérante des 21 septembre et 16 octobre 1998, cette décision n'a, effectivement, statué que sur cette réclamation. Quant au passage de ladite décision auquel il est fait référence au point 30 du présent arrêt, il ne peut être interprété que comme un simple rappel des circonstances ayant conduit à l'imputation sur la durée du congé annuel de la période du 13 au 27 novembre 1998, à seule fin de caractériser l'hostilité que le défendeur reproche à la requérante d'avoir manifesté à l'égard de ses contrôles médicaux.

50.
    En vertu de l'article 90, paragraphe 2, second alinéa, seconde phrase, du statut, ce défaut de réponse à une hypothétique réclamation du 1er février 1999 n'aurait pu valoir décision implicite de rejet qu'à l'expiration d'un délai de quatre mois.

51.
    La demande en annulation, déposée dès le 3 mai 1999 au greffe du Tribunal, serait alors, en tout état de cause, prématurée.

52.
    La décision du 28 janvier 1999 n'ayant pas fait l'objet d'une procédure administrative précontentieuse conforme à l'article 91, paragraphe 2, premier et second tirets, du statut, la demande en annulation dans l'affaire T-110/99, en ce qu'elle est dirigée contre cette décision, est irrecevable.

Sur le fond (affaires T-110/99 et T-260/99)

53.
    La requérante invoque plusieurs moyens, dont celui tiré de la violation de l'article 60 du statut, qu'il convient d'examiner en premier lieu.

Arguments des parties

54.
    La requérante soutient que ses certificats médicaux créent une présomption de régularité de ses absences. L'administration ne pourrait nier la validité de ces certificats et conclure à l'irrégularité de ses absences qu'après l'avoir soumise à une visite de contrôle et à la suite d'un rapport médical contestant la validité desdits certificats.

55.
    Or, les décisions du 3 février et du 26 juillet 1999, statuant, la première, sur sa réclamation des 21 septembre et 16 octobre 1998, et, la seconde, sur celle du 3 juin 1999, fonderaient les imputations sur la durée de son congé annuel, non pas sur une contestation de sa pathologie, mais sur la volonté de sanctionner son comportement envers le médecin-contrôleur et la violation alléguée de son obligation de loyauté à l'égard du défendeur.

56.
    L'institution aurait ainsi détourné de son but l'article 60 du statut, qui consiste à réprimer la production de certificats médicaux de complaisance, alors que la réalité de la maladie de la requérante aurait été établie et admise.

57.
    La requérante relève, enfin, que l'article 86 du statut prévoit une énumération limitative des sanctions à infliger en cas de violation d'une obligation par le fonctionnaire, au nombre desquelles ne figure pas le retrait de jours de congés.

58.
    Le défendeur reproche à la requérante d'avoir empêché tout contrôle médical effectif à diverses dates. Par ce comportement, la requérante aurait manqué à son devoir de loyauté, lequel s'étendrait à toute la sphère des relations existant entre le fonctionnaire et l'institution dont il relève (arrêt du Tribunal du 26 novembre 1991, Williams/Cour des comptes, T-146/89, Rec. p. II-1293, point 72).

59.
    Le mécanisme instauré par les articles 59 et 60 du statut prévoirait l'octroi des congés de maladie de plein droit, sous réserve d'un droit de contrôle permettant à l'institutionde protéger les deniers publics, conformément au principe général de bonne administration.

60.
    Il s'ensuivrait que, si un fonctionnaire pouvait, dans des circonstances telles que celles de l'espèce, obtenir des congés de maladie sans subir des contrôles de la part de l'institution, les dispositions de l'article 59, paragraphe 1, du statut seraient privées de tout effet utile.

61.
    Il se déduirait de la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 8 juillet 1999, Gaspari/Parlement, T-36/96, RecFP p. I-A-135 et II-729, point 54) que l'institution doit toujours disposer du droit de renverser la présomption de régularité d'une absence qui s'attache à un certificat médical. Or le Parlement aurait été privé de ce droit par le comportement fautif de la requérante.

62.
    Dans l'affaire T-260/99, le Parlement ajoute que, si la responsabilité disciplinaire du fonctionnaire peut être engagée, il n'en demeure pas moins que le régime des congés de maladie doit être appliqué conformément à sa finalité, telle qu'interprétée par le Tribunal.

63.
    En l'occurrence, l'absence de la requérante du 9 au 12 mars 1999 n'aurait pas été considérée comme irrégulière et imputée sur ses congés annuels pour lui infliger une sanction disciplinaire. Au contraire, le Parlement aurait simplement fait une application correcte des articles 59 et 60 du statut.

Appréciation du Tribunal

64.
    Le fonctionnaire doit être à tout moment à la disposition de l'institution. Toute absence non justifiée est dès lors, par principe, présumée irrégulière (arrêt Gaspari/Commission, précité, point 52).

65.
    Si, en application de l'article 59, paragraphe 1, du statut, il incombe au fonctionnaire d'apporter la preuve de l'empêchement d'exercer ses fonctions par suite de maladie, la présentation d'un certificat médical fait naître une présomption de régularité de l'absence (arrêt du Tribunal du 6 mai 1997, Quijano/Commission, T-169/95, RecFP p. I-A-91 et II-273, point 38).

66.
    L'imputation d'une absence sur la durée du congé annuel suppose donc que l'irrégularité de cette absence ait été dûment constatée (arrêt du Tribunal du 8 juillet 1998, Aquilino/Conseil, T-130/96, RecFP p. I-A-351 et II-1017, point 71).

67.
    À cet égard, l'administration ne peut nier la validité d'un certificat médical et conclure à l'irrégularité de l'absence du fonctionnaire concerné que si elle l'a auparavant soumis à un contrôle médical, conformément à l'article 59, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut (arrêt Aquilino/Conseil, précité, point 73).

68.
    Il s'en déduit que, en imputant sur la durée du congé annuel de la requérante les absences de celle-ci du 3 au 15 septembre 1998 et du 9 au 12 mars 1999, sans quel'intéressée ait été soumise au préalable à un contrôle médical aux fins de vérifier le bien-fondé des certificats médicaux délivrés et produits au titre de ces deux absences, le Parlement a fait une application erronée des articles 59 et 60 du statut.

69.
    Il est exact que l'obligation des institutions communautaires d'organiser des contrôles médicaux a nécessairement comme corollaire le devoir du fonctionnaire concerné de se soumettre à ces contrôles, ou bien de fournir des certificats dont il ressort, avec une précision suffisante et de façon concluante, son impossibilité de se déplacer à cette fin, sous peine de rendre sans effet les articles 59 et 60 du statut (arrêt Aquilino/Conseil, précité, point 83).

70.
    Toutefois, le manquement éventuel du fonctionnaire à un tel devoir ne saurait à lui seul autoriser le défendeur à renverser la présomption de régularité des absences pour cause de maladie qui s'attache à des certificats médicaux régulièrement produits.

71.
    En revanche, un tel manquement peut, le cas échéant, relever d'une procédure disciplinaire engagée sur le fondement des dispositions du titre VI du statut et que l'article 60 du statut réserve expressément.

72.
    D'ailleurs, dans sa décision du 3 février 1999, rejetant la réclamation de la requérante des 21 septembre et 16 octobre 1998, le secrétaire général a lui-même formellement averti la requérante que son attitude jugée hostile aux contrôles médicaux l'exposait à une procédure disciplinaire.

73.
    Cette conclusion est confirmée par le fait que le règlement interne relatif aux contrôles médicaux exercés en application de l'article 59 du statut, adopté par le Parlement depuis la survenance des absences litigieuses, prévoit expressément, en son article 11, que, si le fonctionnaire «refuse au médecin-contrôleur la possibilité d'effectuer le contrôle médical [...] ou le retarde, sans raison impérieuse dûment justifiée, le fonctionnaire lèse à ses obligations et engage sa responsabilité disciplinaire».

74.
    Il s'ensuit que les décisions du 16 septembre 1998 et du 22 avril 1999 sont dépourvues de base légale et doivent, de ce fait, être annulées, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par la requérante.

Sur les demandes en indemnité

Arguments des parties

75.
    La requérante considère que les retraits de jours de congé opérés au mépris des dispositions statutaires constituent des fautes de service lourdes engageant la responsabilité du défendeur.

    

76.
    En outre, l'institution aurait omis, en violation flagrante de l'obligation lui incombant en vertu de l'article 24 du statut, d'assister la requérante dans sa poursuite contre le Dr B. dont elle a ressenti le comportement comme une menace.

77.
    Vu les tracas et inconvénients qui lui ont été causés par les démarches à entreprendre pour que ses droits soient sauvegardés, la requérante évalue l'ensemble de ses préjudices moraux à 200 000 LUF.

78.
    Le Parlement objecte qu'il n'a commis aucune faute de service susceptible d'engager sa responsabilité. La raison des imputations des congés de maladie en cause sur la durée du congé annuel de la requérante résiderait au contraire dans le manquement de celle-ci à ses obligations statutaires.

79.
    L'argument tiré de l'article 24 du statut serait manifestement dépourvu de fondement et ne serait d'ailleurs étayé d'aucun élément de preuve. L'obligation incombant aux institutions de protéger les fonctionnaires contre les menaces dont ils peuvent faire l'objet n'existerait que pour autant que les faits en question soient établis (arrêt de la Cour du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, Rec. p. 99, point 14).

80.
    Dans l'affaire T-260/99, le Parlement ajoute que l'article 24 du statut vise la défense des fonctionnaires par l'institution contre les agissements de tiers et non pas contre ceux émanant de l'institution elle-même, dont le contrôle relève des procédures prévues par les articles 90 et 91 du statut (arrêt du Tribunal du 22 septembre 1994, Carrer e.a./Cour de justice, T-495/93, RecFP p. I-A-201 et II-651, point 21).

81.
    Le Dr B. ayant agi en tant que médecin-contrôleur du Parlement, conformément à l'article 59, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, il ne saurait être reproché au défendeur d'avoir violé l'article 24 du statut.

Appréciation du Tribunal

Sur la demande en indemnisation du préjudice moral censé découler de la décision du 28 janvier 1999

82.
    Selon une jurisprudence bien établie, lorsque, comme en l'espèce, un fonctionnaire introduit un recours tendant, d'une part, à l'annulation d'un acte de l'administration et, d'autre part, à l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de cet acte et que les demandes sont étroitement liées l'une à l'autre, l'irrecevabilité de la demande en annulation entraîne l'irrecevabilité de la demande en indemnité (ordonnance du Tribunal du 24 mars 1993, Benzler/Commission, T-72/92, Rec. p. II-347, points 21 et 22).

83.
    L'irrecevabilité de la demande en annulation dirigée contre la décision du 28 janvier 1999 emporte, par conséquent, celle de la demande en réparation du préjudice que cette décision a pu engendrer.

84.
    Cette demande indemnitaire doit donc être rejetée comme irrecevable.

Sur les demandes en réparation du préjudice moral ayant pu procéder des décisions du 16 septembre 1998 et du 22 avril 1999

    

85.
    L'annulation des décisions du 16 septembre 1998 et du 22 avril 1999 constitue en elle-même une réparation adéquate et suffisante du préjudice moral susceptible d'avoir été causé par ces décisions (arrêt de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec. p. I-225, point 26; arrêt du Tribunal du 16 décembre 1993, Moat/Commission,T-58/92, Rec. p. II-1443, point 71).

86.
    Les demandes en dommages-intérêts au titre de ce préjudice doivent donc être rejetées (arrêt du Tribunal 15 juin 2000, F/Commission, T-211/98, RecFP. p. II-471, points 41 et 43).

Sur les demandes en réparation du préjudice moral censé découler de la violation

du devoir d'assistance reprochée au Parlement

87.
    Ces demandes tendent à l'indemnisation d'un dommage moral réputé engendré, non pas par des actes dont l'annulation est poursuivie, mais par le comportement reproché au médecin-contrôleur, lequel est exclusif de tout caractère décisionnel.

88.
    Ces demandes indemnitaires devaient donc, sous peine d'irrecevabilité, être précédées d'une demande au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut, invitant l'autorité investie du pouvoir de nomination à réparer le préjudice allégué et se poursuivre, le cas échéant, par l'introduction d'une réclamation au sens de l'article 90, paragraphe 2, dirigée contre la décision rejetant la demande (arrêt du Tribunal du 15 juillet 1993, Camara Alloisio e.a./Commission, T-17/90, T-28/91 et T-17/92, Rec. p. II-841, point 47).

89.
    Or, dans l'affaire T-110/99, la requérante a bien adressé au directeur général de la DG V une lettre datée du 4 février 1999, se référant à l'article 24 du statut. Mais, même à supposer qu'une telle lettre puisse être qualifiée de demande au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut, il ne ressort pas du dossier que cette procédure précontentieuse ait été achevée à la date d'introduction du recours. En outre, dans l'affaire T-260/99, il n'apparaît pas que la requérante ait adressé au Parlement une lettre de ce type, ni, par conséquent, qu'une procédure précontentieuse ait été engagée avant le dépôt du recours.

90.
    Dans ces conditions, les demandes en indemnisation sont irrecevables.

91.
    En toute hypothèse, l'obligation incombant aux institutions, en vertu de l'article 24 du statut, de protéger leurs agents contre les menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats dont ils peuvent être l'objet, n'existe que pour autant que les faits en question soient établis. En revanche, l'administration n'est pas tenue de prendre des mesures deprotection sur la base des simples allégations d'un agent (arrêt Koutchoumoff/Commission, précité, points 14 et 15).

92.
    Or, il ne ressort du dossier aucun élément objectif susceptible d'établir le bien-fondé des affirmations de la requérante.

93.
    En tout état de cause, l'article 24 invoqué est, en l'occurrence, inapplicable.

94.
    Certes, l'obligation des institutions communautaires de protéger leurs fonctionnaires recouvre également le cas où ceux-ci sont victimes d'attaques émanant d'autres fonctionnaires (arrêt Koutchoumoff/Commission, précité, point 14). Toutefois, cette obligation d'assistance ne vise pas les actes de l'administration même, dont le contrôle relève d'autres dispositions du statut (arrêt du Tribunal du 13 juillet 1995, Saby/Commission, T-44/93, RecFP p. I-A-175 et II-541, point 54).

95.
    Les agissements reprochés au médecin-conseil n'étant pas détachables de l'exercice de ses fonctions, ils ne relèvent pas du champ d'application de l'article 24 du statut.

96.
    Aucune faute de service ne peut donc être retenue à l'encontre du Parlement sur le fondement de la disposition invoquée par la requérante.

97.
    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les demandes indemnitaires sous examen.

Sur les dépens

98.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Par ailleurs, selon l'article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du même règlement, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement, comme en l'espèce, sur un ou plusieurs chefs.

99.
    Dans les circonstances de l'espèce, le Tribunal estime qu'il sera fait une juste appréciation de la cause en condamnant le Parlement à supporter, outre ses propres dépens, la moitié des dépens exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)    La demande d'annulation dans l'affaire T-110/99, en tant que dirigée contre la décision du 28 janvier 1999, est rejetée comme irrecevable.

2)    Les décisions du 16 septembre 1998 et du 22 avril 1999 sont annulées.

3)    Les demandes en indemnité sont rejetées.

4)    Le Parlement est condamné à supporter, outre ses propres dépens, la moitié des dépens exposés par la requérante.

5)    La requérante supportera la moitié de ses propres dépens.

Pirrung
Potocki
Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. W. H. Meij


1: Langue de procédure: le français.