Language of document : ECLI:EU:T:2020:228

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

28 mai 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale LIBERTADOR – Usage sérieux de la marque – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Droit d’être entendu – Article 94 du règlement 2017/1001 – Notification régulière – Article 60 du règlement délégué (UE) 2017/1430 [devenu article 60 du règlement délégué (UE) 2018/625] – Défaut de production de preuves de l’usage sérieux de la marque dans le délai imparti – Article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2017/1430 (devenu article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625) »

Dans l’affaire T‑564/19,

Antonio Lozano Arana, demeurant à Cali (Colombie),

Daniel Simon Benmaor, demeurant à Marseille (France),

Marion Esther Benmaor, demeurant à Marseille,

Valérie Brigitte Danielle Servant, demeurant à Marrakech (Maroc),

représentés par Me M. Angelier, avocate,

parties requérantes,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Coltejer SA, établie à Itagüí (Colombie),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 20 juin 2019 (affaire R 2482/2018-4), relative à une procédure de déchéance entre Coltejer et MM. Albert Benmaor et Lozano Arana,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme O. Spineanu-Matei (rapporteure) et M. R. Mastroianni, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 14 août 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 29 octobre 2019,

vu la désignation d’un autre juge pour compléter la chambre à la suite de l’empêchement d’un de ses membres,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 14 avril 2010, MM. Albert Benmaor et Antonio Lozano Arana (ci-après les « titulaires »), représentés par l’ancienne mandataire, ont présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal LIBERTADOR.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 14, 18, 19 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        Le 15 novembre 2010, la demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2010/214. Le 28 février 2011, le signe mentionné au point 2 ci-dessus a été enregistré en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 9067414 et l’ancienne mandataire a été enregistrée comme la représentante de ses titulaires.

5        Le 13 décembre 2017, Coltejer SA a déposé une demande en déchéance de la marque enregistrée, sur le fondement de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, au motif que ladite marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

6        Le 19 décembre 2017, la division d’annulation de l’EUIPO a notifié à l’ancienne mandataire la demande en déchéance, accompagnée d’une invitation à produire la preuve de l’usage sérieux de la marque enregistrée, ainsi que, le cas échéant, des observations en réponse, et ce jusqu’au 19 février 2018 (ci-après la « communication du 19 décembre 2017 »).

7        Les titulaires de la marque enregistrée n’ont présenté ni preuves de l’usage sérieux de la marque enregistrée ni observations en réponse dans le délai imparti.

8        Par lettre du 1er mars 2018, la division d’annulation a informé l’ancienne mandataire que, dans la mesure où aucune preuve de l’usage sérieux de la marque enregistrée n’avait été déposée dans le délai imparti, l’EUIPO devrait statuer sur la demande en déchéance sur la base des preuves dont il disposait.

9        Par lettre du 27 avril 2018, la nouvelle mandataire a, d’une part, informé l’EUIPO avoir introduit, pour le compte des titulaires de la marque enregistrée, deux oppositions fondées sur cette dernière et que, dans ce contexte, elle avait appris l’existence de la demande en déchéance présentée à l’encontre de ladite marque. D’autre part, elle a soutenu que l’ancienne mandataire n’avait informé les titulaires de la marque enregistrée ni de la présentation d’une telle demande ni du délai qui leur avait été imparti par la division d’annulation. Elle a ainsi demandé la réouverture de la procédure de déchéance.

10      Le 29 juin 2018, la nouvelle mandataire a été enregistrée comme la représentante des titulaires de la marque enregistrée, sur la base de sa demande, reçue par l’EUIPO le 26 juin 2018.

11      Par lettre du 5 juillet 2018, la nouvelle mandataire a réitéré sa demande de réouverture de la procédure de déchéance, afin d’être admise à présenter des observations et des preuves de l’usage sérieux de la marque enregistrée.

12      Le 24 juillet 2018, la division d’annulation a informé la nouvelle mandataire que, d’une part, la communication du 19 décembre 2017 et celle du 1er mars 2018, mentionnées aux points 6 et 8 ci-dessus, avaient été correctement notifiées à l’ancienne mandataire, l’information de la désignation de la nouvelle mandataire ayant été reçue par l’EUIPO le 26 juin 2018, et que, d’autre part, étant expiré le délai pour soumettre des preuves de l’usage sérieux de la marque enregistrée sans que celles-ci aient été déposées, l’EUIPO devrait statuer sur la demande en déchéance sur cette base.

13      Par décision du 31 octobre 2018, la division d’annulation a prononcé la déchéance de la marque enregistrée à compter du 13 décembre 2017 pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus et condamné les titulaires de la marque enregistrée aux dépens.

14      Le 10 décembre 2018, les héritiers de feu M. Albert Benmaor, à savoir M. Daniel Simon Benmaor, Mmes Marion Esther Benmaor et Valérie Brigitte Danielle Servant, sont devenus titulaires de la marque enregistrée, conjointement avec M. Lozano Arana, sur la base d’une demande déposée en ce sens par la nouvelle mandataire.

15      Le 17 décembre 2018, les requérants, MM. Benmaor, Lozano Arana, Mmes Benmaor et Servant, ont formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation, complété par un mémoire exposant les motifs de recours déposé le 28 février 2019.

16      Par décision du 20 juin 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En substance, tout d’abord, elle a relevé que l’ancienne mandataire avait été désignée comme représentant des titulaires lors du dépôt de la demande d’enregistrement et avait dûment été enregistrée comme telle lors de l’enregistrement de la marque. Par conséquent, selon la chambre de recours, l’ancienne mandataire avait conservé son pouvoir de représentation jusqu’à ce que l’EUIPO ait été informé du fait qu’un tel pouvoir s’était éteint, ce qui aurait eu lieu, au plus tôt, le 27 avril 2018, date à laquelle la nouvelle mandataire avait demandé la réouverture de la procédure de déchéance. La chambre de recours a ainsi conclu que les communications antécédentes à cette date avaient été valablement notifiées à l’ancienne mandataire et que les titulaires de la marque enregistrée avaient eu la possibilité d’être entendus dans le cadre de la demande en déchéance. Ensuite, la chambre de recours a relevé que, d’une part, aucune preuve de l’usage sérieux de la marque enregistrée n’avait été produite dans le délai imparti devant la division d’annulation, de sorte que celles présentées pour la première fois dans le cadre de la procédure de recours ne pouvaient pas être prises en considération, et que, d’autre part, ni la nomination de la nouvelle mandataire ni le dépôt d’un acte de recours n’auraient comporté la réouverture de la procédure. Enfin, à titre surabondant, la chambre de recours a conclu que les documents déposés devant elle ne prouveraient en aucun cas l’usage sérieux de la marque enregistrée. En effet, les documents portant une date antérieure à celle de la présentation de la demande en déchéance démontreraient des préparatifs à un tel usage, alors qu’un usage sérieux impliquerait la vente effective ou à tout le moins la mise à disposition effective sur le marché des produits concernés par la marque enregistrée antérieurement au dépôt de la demande en déchéance.

 Conclusions des parties

17      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision attaquée.

18      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

19      Les requérants invoquent deux moyens, tirés, le premier, de la violation des formes substantielles et, le second, de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des formes substantielles

20      Les requérants soutiennent que la décision attaquée doit être annulée pour violation des formes substantielles, en ce qu’elle constitue l’aboutissement d’une violation commise par la division d’annulation, erronément entérinée par la chambre de recours, de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).

21      En particulier, les requérants soutiennent, d’une part, que les titulaires de la marque enregistrée n’ont pas eu l’opportunité de produire des preuves de l’usage sérieux de celle-ci devant la division d’annulation. En effet, l’ancienne mandataire ne les aurait pas alertés de la demande en déchéance déposée par Coltejer et du délai qui leur avait été imparti par la division d’annulation pour le dépôt d’observations et de preuves de l’usage sérieux de la marque enregistrée. Pourtant informé d’une telle circonstance après l’expiration dudit délai, l’EUIPO n’aurait pas autorisé les titulaires de la marque enregistrée à déposer des observations et des preuves ultérieurement. L’EUIPO aurait ainsi violé les droits de la défense des titulaires de la marque enregistrée et, notamment, leur droit d’être entendus avant l’adoption de la décision de la division d’annulation prononçant la déchéance de la marque enregistrée.

22      D’autre part, de l’avis des requérants, leur droit d’être entendus a été violé dans la mesure où les procédures prévues aux articles 104 et 105 du règlement 2017/1001 ne pouvaient pas être ouvertes en raison de la défaillance de l’ancienne mandataire, ce dont l’EUIPO avait connaissance.

23      L’EUIPO conteste les arguments des requérants.

24      Il convient d’emblée de rappeler que, en ce qui concerne la violation de l’article 6 de la CEDH expressément invoquée par les requérants, le Tribunal a exclu l’application aux chambres de recours de l’EUIPO du droit à un « procès » équitable, consacré par l’article 6 de la CEDH, la procédure devant les chambres de recours ne revêtant pas une nature juridictionnelle, mais une nature administrative [voir arrêt du 11 juillet 2013, Metropolis Inmobiliarias y Restauraciones/OHMI – MIP Metro (METRO), T‑197/12, non publié, EU:T:2013:375, point 54 et jurisprudence citée].

25      Dans la mesure où les requérants reprochent à l’EUIPO d’avoir violé leurs droits de la défense et, notamment, leur droit d’être entendus avant l’adoption de la décision de la division d’annulation prononçant la déchéance de la marque enregistrée, force est toutefois de constater qu’ils doivent être regardés comme se fondant, en réalité, sur une violation de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001.

26      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO ne peuvent être fondées que sur des motifs ou des preuves au sujet desquels les parties ont pu prendre position. Cette disposition consacre, dans le cadre du droit des marques, le principe général de protection des droits de la défense. Ce principe inclut le droit d’être entendu qui est énoncé dans l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En vertu de ce principe, toute personne à qui une décision d’une autorité publique fait grief doit avoir été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue avant l’adoption de cette décision [voir arrêt du 11 avril 2019, Adapta Color/EUIPO – Coatings Foreign IP (Bio proof ADAPTA), T‑224/17, non publié, EU:T:2019:242, point 28 et jurisprudence citée].

27      En matière de déchéance, les parties ont la possibilité d’être entendues avant l’adoption d’une décision de la part de l’EUIPO, en respectant le cadre procédural défini, notamment, par le règlement 2017/1001 et par le règlement délégué (UE) 2017/1430 de la Commission, du 18 mai 2017, complétant le règlement no 207/2009 et abrogeant les règlements (CE) no 2868/95 et (CE) no 216/96 (JO 2017, L 205, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)].

28      En particulier, l’article 64, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 prévoit que, au cours de l’examen de la demande en déchéance, l’EUIPO invite les parties, aussi souvent qu’il est nécessaire, à présenter, dans un délai qu’il leur impartit, leurs observations sur les notifications qu’il leur a adressées ou sur les communications qui émanent des autres parties. L’article 14 du règlement délégué 2017/1430 (devenu article 14 du règlement délégué 2018/625) précise que la demande en déchéance et tout document produit par le demandeur sont transmis par l’EUIPO à l’autre partie afin de l’informer de l’introduction d’une demande en déchéance. Aux termes de l’article 17, paragraphe 1, du règlement délégué 2017/1430 (devenu article 17, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625), lorsque la demande est déclarée recevable, l’EUIPO invite le titulaire de la marque de l’Union européenne à présenter ses observations dans un délai déterminé.

29      Conformément à l’article 19, paragraphe 1, première phrase, du règlement délégué 2017/1430 (devenu article 19, paragraphe 1, première phrase, du règlement délégué 2018/625), dans le cas d’une demande en déchéance au titre de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, l’EUIPO invite le titulaire de la marque de l’Union européenne à apporter la preuve de l’usage sérieux de ladite marque ou de l’existence de justes motifs pour le non-usage, dans un délai qu’il fixe.

30      En ce qui concerne les notifications adressées par l’EUIPO aux parties, conformément à l’article 60, paragraphes 1 et 3, du règlement délégué 2017/1430 (devenu article 60, paragraphes 1 et 3, du règlement délégué 2018/625), lorsqu’un représentant a été désigné, les notifications sont faites au représentant désigné. Une notification ou autre communication adressée par l’EUIPO à un représentant dûment agréé produit les mêmes effets que si elle était adressée à la personne représentée.

31      S’agissant de la régularité de la notification des actes, la jurisprudence distingue, d’une part, la communication d’un acte à son destinataire, requise aux fins d’une notification régulière, et, d’autre part, la connaissance effective dudit acte, non nécessaire pour considérer que la notification a été régulière [voir arrêt du 4 mai 2017, Kasztantowicz/EUIPO – Gbb Group (GEOTEK), T‑97/16, non publié, EU:T:2017:298, point 39 et jurisprudence citée]. Dans ce cadre, celui qui notifie doit établir qu’il a créé les conditions pour que l’acte à notifier arrive dans la sphère d’influence du destinataire, de manière à ce que celui-ci soit en mesure d’en prendre connaissance. En revanche, celui qui notifie n’est pas tenu d’établir que le destinataire en a réellement pris connaissance. Celui qui notifie n’a, ainsi, ni l’obligation ni, d’ailleurs, en règle générale, la possibilité de s’immiscer dans le fonctionnement interne du destinataire afin de garantir une telle prise de connaissance. En particulier, celui qui notifie ne saurait être tenu pour responsable du fait que, en vertu d’un éventuel manque de diligence de la part du destinataire, ce dernier n’a pas pris connaissance d’un acte dûment parvenu au sein de sa sphère d’influence (voir arrêt du 4 mai 2017, GEOTEK, T‑97/16, non publié, EU:T:2017:298, point 41 et jurisprudence citée).

32      C’est à la lumière de ces précisions qu’il convient d’examiner si c’est à bon droit que la division d’annulation a notifié la communication du 19 décembre 2017 à l’ancienne mandataire et si le droit des titulaires de la marque enregistrée d’être entendus avant l’adoption de la décision de la division d’annulation prononçant la déchéance de la marque enregistrée a été respecté.

33      En l’espèce, en premier lieu, il convient de constater que les requérants ne contestent pas le fait que l’ancienne mandataire avait été désignée comme représentant des titulaires lors du dépôt de la demande d’enregistrement et avait correctement été enregistrée comme telle lors de l’enregistrement de la marque. Ils ne contestent pas davantage le fait que l’EUIPO a effectivement envoyé la communication du 19 décembre 2017 à l’ancienne mandataire et que l’ancienne mandataire l’a bien reçue. Les requérants prétendent, en revanche, que les titulaires de la marque enregistrée n’ont pas été informés de l’existence d’une demande en déchéance et n’ont pas été en mesure de déposer des preuves de l’usage sérieux de celle-ci dans le délai imparti, en raison d’un manque de diligence de l’ancienne mandataire.

34      À cet égard, à l’instar de l’EUIPO, il convient de relever que c’est à bon droit que la communication du 19 décembre 2017 a été notifiée par la division d’annulation à l’ancienne mandataire, laquelle avait été désignée comme représentant des titulaires lors du dépôt de la demande d’enregistrement et avait dûment été enregistrée comme telle lors de l’enregistrement de la marque. En effet, il n’appartenait pas à l’EUIPO de se renseigner sur l’actualité d’une telle désignation au moment de la notification de la demande en déchéance.

35      Par ailleurs, à l’instar de ce que la chambre de recours a relevé aux points 29 à 31 de la décision attaquée, au sens de la jurisprudence rappelée au point 31 ci-dessus, l’EUIPO ne saurait être tenu pour responsable du fait que, à cause d’un prétendu manque de diligence de la part de l’ancienne mandataire, les titulaires de la marque enregistrée n’ont pas eu connaissance du dépôt de la demande en déchéance et du délai qui leur avait été imparti.

36      Il s’ensuit que, dans la mesure où il a créé les conditions pour que la communication du 19 décembre 2017 arrive dans la sphère d’influence des titulaires de la marque enregistrée, l’EUIPO a dûment informé ces derniers de la présentation d’une demande en déchéance et du délai qui leur avait été imparti pour la production de preuves de l’usage sérieux de la marque enregistrée, aux fins de l’article 64, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et de l’article 14, de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 19, paragraphe 1, première phrase, du règlement délégué 2017/1430, lus en combinaison avec l’article 60, paragraphes 1 et 3, de ce dernier, et les a mis en mesure d’exercer leur droit d’être entendus avant l’adoption de la décision de la division d’annulation prononçant la déchéance de la marque enregistrée, conformément à l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001.

37      Partant, le droit des titulaires de la marque enregistrée d’être entendus avant l’adoption de la décision de la division d’annulation prononçant la déchéance de la marque enregistrée a été respecté.

38      En second lieu, il convient de relever que, s’agissant de la production de preuves de l’usage sérieux d’une marque dans le cadre d’une procédure de déchéance introduite sur le fondement de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, ce règlement ne comporte pas de disposition à l’effet de préciser le délai dans lequel de telles preuves doivent être apportées. À cette fin, l’article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2017/1430 prévoit que l’EUIPO invite le titulaire de la marque de l’Union européenne à apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque dans un délai qu’il fixe. Ladite disposition prévoit également, à sa deuxième phrase, que, si la preuve de l’usage sérieux de la marque n’est pas apportée dans le délai ainsi imparti par l’EUIPO, la déchéance de celle-ci est prononcée.

39      En l’espèce, les requérants ne contestent pas que les titulaires de la marque enregistrée n’ont pas produit de preuves de l’usage sérieux de la marque enregistrée dans le délai imparti par la division d’annulation, mais prétendent que, en raison d’un manque de diligence de l’ancienne mandataire dont l’EUIPO avait été informé, ce dernier aurait dû leur permettre de déposer des preuves au-delà de celui-ci.

40      Cet argument ne saurait prospérer. En effet, il ressort du libellé même de cette disposition que le délai imparti par l’EUIPO aux termes de l’article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2017/1430 présente un caractère péremptoire, qui exclut la prise en compte par l’EUIPO de toute preuve produite tardivement [voir arrêt du 15 mars 2011, Ifemy’s/OHMI – Dada & Co Kids (Dada & Co. kids), T‑50/09, EU:T:2011:90, point 63 et jurisprudence citée].

41      De même que les délais de réclamation et de recours, le délai imparti par l’EUIPO aux termes de l’article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2017/1430 est d’ordre public et ne saurait être laissé à la disposition des parties. Ce délai répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir arrêt du 15 mars 2011, Dada & Co. kids, T‑50/09, EU:T:2011:90, point 64 et jurisprudence citée).

42      Dès lors, en considérant que, en l’absence de preuves de l’usage sérieux de la marque enregistrée produites par les titulaires de celle-ci dans le délai imparti à cette fin par l’EUIPO, la déchéance de la marque contestée devait être prononcée, la division d’annulation a fondé sa décision sur une interprétation correcte de l’article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2017/1430 [voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2018, Skyleader/EUIPO – Sky International (SKYLEADER), T‑34/17, non publié, EU:T:2018:256, point 32], que la chambre de recours a, partant, à bon droit, entérinée.

43      Ainsi que l’EUIPO le fait valoir, les conséquences de l’application d’un délai présentant un caractère péremptoire en vertu de l’article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2017/1430 sont contrebalancées par la possibilité de déposer une demande de restitutio in integrum conformément à l’article 104 du règlement 2017/1001, dans un délai de de deux mois à compter de la cessation de l’empêchement, ou une demande de poursuite de la procédure, conformément à l’article 105 dudit règlement, dans un délai de deux mois à compter de la date d’expiration du délai non observé.

44      À supposer que le manque de diligence allégué de l’ancienne mandataire constitue, ainsi que le prétendent les requérants, une raison justifiant l’introduction d’une demande de restitutio in integrum, conformément à l’article 104 du règlement 2017/1001, ou d’une demande de poursuite de la procédure, conformément à l’article 105 dudit règlement, force est de constater qu’aucune demande en ce sens n’a été déposée par les titulaires de la marque enregistrée, bien que, ainsi que le souligne l’EUIPO, lorsque les titulaires ont pris connaissance de la demande en déchéance, à savoir au plus tard le 27 avril 2018 (voir point 9 ci-dessus), il fût encore possible de déposer, à tout le moins, une demande de restitutio in integrum.

45      Pour les motifs qui précèdent, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001

46      Les requérants font valoir, d’une part, que, devant la chambre de recours, ils ont expliqué les raisons pour lesquelles les titulaires de la marque enregistrée n’avaient pas été en mesure de produire des preuves devant la division d’annulation. Ainsi, la chambre de recours aurait dû prendre en considération les preuves déposées devant elle. D’autre part, selon les requérants, la chambre de recours a refusé, à tort, de reconnaître la valeur des documents produits devant elle démontrant les préparatifs en vue du lancement de la marque enregistrée en tant que preuve de l’usage sérieux de celle-ci dans la période pertinente. Partant, la décision attaquée devrait être annulée, dans la mesure où elle a été adoptée en violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001.

47      L’EUIPO fait valoir que le moyen tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 est manifestement irrecevable. En effet, d’une part, les considérations de la chambre de recours selon lesquelles les documents déposés devant elle ne prouveraient en aucun cas l’usage sérieux de la marque enregistrée ne feraient pas partie du dispositif de la décision attaquée, de sorte que les requérants ne pourraient pas les contester. D’autre part, les requérants demanderaient au Tribunal de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas pris position, dans la mesure où cette dernière n’a pas été en mesure, dans le délai fixé à l’article 19, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, de procéder à une appréciation des preuves de l’usage de la marque enregistrée déposées tardivement.

48      Il convient de relever, en premier lieu, que, pour les raisons exposées aux points 38 à 42 ci-dessus et contrairement à ce que les requérants prétendent, la chambre de recours n’était pas tenue de prendre en considération les documents présentés pour la première fois devant elle, ainsi qu’elle l’a constaté au point 38 de la décision attaquée, et ne pouvait que confirmer les conclusions de la division d’annulation ayant prononcé la déchéance de la marque enregistrée, faute pour les titulaires de celle-ci d’avoir déposé des preuves de son usage sérieux dans le délai imparti.

49      En effet, il ne saurait être considéré que les requérants avaient déjà apporté, au cours de la procédure devant la division d’annulation, des preuves de l’usage sérieux de la marque enregistrée. Dès lors, celles produites pour la première fois devant la chambre de recours ne constituent pas des éléments additionnels ou complémentaires par rapport à ceux qui avaient été présentés devant la division d’annulation. Partant, c’est sans commettre d’erreur que, au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré en substance que, aucune preuve de l’usage sérieux de la marque enregistrée n’ayant été produite devant la division d’annulation dans le délai imparti, elle n’avait pas de pouvoir d’appréciation à l’effet d’accepter les preuves produites pour la première fois devant elle [voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, 6Minutes Media/EUIPO – ad pepper media International (ADPepper), T‑668/18, non publié, EU:T:2019:719, point 21].

50      En second lieu, à la différence de ce que l’EUIPO soutient, il convient de constater que la chambre de recours s’est exprimée sur les preuves de l’usage sérieux de la marque enregistrée produites devant elle. En effet, au point 36 de la décision attaquée, elle a constaté que les titulaires de la marque enregistrée devaient démontrer l’usage sérieux de celle-ci au cours des cinq années précédant le dépôt de la demande en déchéance, soit du 13 décembre 2012 au 12 décembre 2017 compris. Au point 41 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que tous les documents déposés devant elle portant une date antérieure à la date de dépôt de la demande de déchéance prouvaient des préparatifs à l’usage, que la première facture était de deux mois postérieure à cette dernière date et qu’un autre document produit devant elle présentait la « collection Printemps-Été 2018 » comme la « première collection » des produits concernés par la marque enregistrée, alors que l’usage sérieux impliquerait également la vente effective ou à tout le moins la mise à disposition effective sur le marché desdits produits.

51      Dès lors, contrairement à ce que l’EUIPO soutient, le second moyen de recours des requérants n’est pas manifestement irrecevable.

52      Il y a toutefois lieu de relever que, après avoir conclu, à bon droit, aux points 35 à 40 de la décision attaquée, que les titulaires de la marque enregistrée n’avaient pas apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque enregistrée dans le délai imparti, de sorte que la division d’annulation avait correctement prononcé la déchéance de celle-ci, la chambre de recours a ajouté, en « obiter dictum », au point 41 de la décision attaquée, que les documents déposés dans le cadre du recours ne prouvaient de toute façon pas un usage sérieux de la marque enregistrée, mais constituaient, en substance, seulement des preuves des préparatifs à l’usage de cette dernière.

53      Par conséquent, même si les requérants, par leur second moyen, avancent une argumentation spécifique et détaillée tendant à remettre en cause les considérations de la chambre de recours en ce qu’elles violeraient l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, ainsi que l’EUIPO le fait valoir à juste titre, il ressort des termes mêmes utilisés par la chambre de recours, au point 41 de la décision attaquée, que ces considérations ont été avancées à titre surabondant et ne constituent pas le support nécessaire du dispositif de la décision attaquée. Celui-ci est fondé, à suffisance de droit, sur les autres considérations de ladite décision qui ont été analysées ci‑dessus et dont il a été constaté qu’elles étaient correctes. Partant, le second moyen des requérants, alléguant une prétendue violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, est inopérant [voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2013, Welte-Wenu/OHMI – Commission (EUROPEAN DRIVESHAFT SERVICES), T‑413/11, non publié, EU:T:2013:12, point 70 et jurisprudence citée].

54      À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second moyen du recours et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

56      Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      MM. Antonio Lozano Arana, Daniel Simon Benmaor, Mmes Marion Esther Benmaor et Valérie Brigitte Danielle Servant sont condamnés aux dépens.

Spielmann

Spineanu-Matei

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mai 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.