Language of document : ECLI:EU:T:2024:268

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

24 avril 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative Pherla – Marque de l’Union européenne verbale antérieure VERLA – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑357/23,

Verla-Pharm Arzneimittel GmbH & Co. KG, établie à Tutzing (Allemagne), représentée par Me M.-C. Seiler, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Frydendahl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Valeria Converso, demeurant à San Giorgio a Cremano (Italie), représentée par Me F. Musella, avocat,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes A. Marcoulli, présidente, V. Tomljenović (rapporteure) et L. Spangsberg Grønfeldt, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Verla-Pharm Arzneimittel GmbH & Co. KG, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 7 février 2023 (affaire R 268/2022-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 8 octobre 2020, l’intervenante, Mme Valeria Converso, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits relevant des classes 3, 5 et 10 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        La demande a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 199/2020 le 19 octobre 2020.

5        Le 18 janvier 2021, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour une partie des produits visés, à savoir les produits relevant de la classe 5, correspondant à la description contenue au point 3 de la décision attaquée.

6        L’opposition était fondée notamment sur la marque de l’Union européenne verbale VERLA désignant les produits relevant des classes 5, 29 et 30 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description figurant au point 5 de la décision attaquée.

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b) du règlement (UE) 2017/1001, du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

8        Par une décision du 20 mai 2021, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité, en retenant qu’il n’existait pas de risque de confusion.

9        Le 10 février 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours de la requérante sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b) du règlement 2017/1001, en considérant qu’il n’existait pas de risque de confusion.

11      En substance, compte tenu du caractère identique supposé des produits en cause, du faible degré de similitude des signes en conflit sur les plans visuel et phonétique, du fait qu’une comparaison conceptuelle n’était pas possible pour une partie du public pertinent ou faisait apparaître des différences entre lesdits signes sur ce plan pour une autre partie dudit public et du caractère distinctif normal de la marque antérieure, la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion pour le public pertinent faisant preuve d’un niveau d’attention variant de moyen à élevé, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusion des parties

12      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        confirmer dans son intégralité l’opposition et rejeter la demande d’enregistrement de la marque contestée pour l’intégralité des produits visés par l’opposition relevant de la classe 5 ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours.

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des preuves présentées pour la première fois devant le Tribunal

15      La requérante a produit, notamment, à l’appui de son recours deux annexes, à savoir les annexes 5 et 6 à la requête, qui se rapportent à des références explicatives relatives aux règles de prononciation allemandes et néerlandaises de la consonne « v » et des consonnes « ph ».

16      Il ressort du dossier de l’EUIPO que ces preuves n’avaient pas été produites durant la procédure administrative devant l’EUIPO. Or, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Dès lors, les documents produits par la requérante pour la première fois devant le Tribunal doivent être écartés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probatoire [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée].

17      Il résulte de ce qui précède que les preuves nouvellement présentées, à savoir les annexes 5 et 6 à la requête, sont irrecevables.

 Sur le premier chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision attaquée

18      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens.

19      Le premier moyen est tiré d’un défaut de motivation pris sur le fondement de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001 ainsi que de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

20      Le deuxième moyen est tiré de la violation du droit d’être entendu pris sur le fondement de l’article 94, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement 2017/1001 ainsi que de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux.

21      Le troisième moyen, qu’il convient tout d’abord d’examiner, est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Ce moyen s’articule en deux branches. Dans le cadre de la première branche, la requérante soutient que la chambre de recours n’a pas apprécié l’identité phonétique des signes en conflit au regard des règles de prononciation allemande. Dans le cadre de la seconde branche, elle fait valoir que la chambre de recours n’a pas correctement apprécié la similitude desdits signes sur les plans visuel et phonétique entachant ainsi son appréciation sur la comparaison des signes.

22      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments.

23      Il convient d’examiner, tout d’abord, les arguments de la requérante dans le cadre de la seconde branche du troisième moyen contestant la comparaison des signes en conflit, effectuée par la chambre de recours, et son appréciation globale du risque de confusion.

24      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

25      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

26      Enfin, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

27      La chambre de recours a considéré que les produits concernés par les marques en conflit s’adressaient au grand public et au public spécialisé dans le domaine de la médecine. Elle a relevé, également, que le niveau d’attention de ce public, pris dans son ensemble, pouvait varier de moyen à élevé notamment en fonction de la nature spécialisée des produits. Enfin, elle a retenu le territoire de l’Union européenne comme territoire pertinent aux fins de l’analyse du risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

28      Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause ces appréciations de la chambre de recours qui, au demeurant, ne sont pas contestées par la requérante.

 Sur la comparaison des produits

29      La division d’opposition a constaté que certains des produits concernés par les marques en conflit étaient soit identiques soit similaires. Toutefois, pour des raisons d’économie de la procédure, elle s’est fondée sur l’hypothèse selon laquelle lesdits produits étaient identiques. La chambre de recours a suivi la même approche, laquelle n’est pas contestée par la requérante.

 Sur la comparaison des signes

30      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

31      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

32      En l’espèce, les signes à comparer sont, d’une part, la marque figurative demandée composée de l’élément verbal « pherla », représenté en lettres grises stylisées, au-dessus duquel apparaît une représentation d’une courbe également de couleur grise et, d’autre part, la marque verbale antérieure, composée de l’élément verbal « verla ».

–       Sur les éléments distinctifs et dominants

33      S’agissant de la marque antérieure, la chambre de recours a considéré, à l’instar de la division d’opposition, que l’élément verbal « verla » était distinctif.

34      S’agissant de la marque demandée, la chambre de recours a constaté que l’élément verbal « pherla » était dépourvu de signification pour le public pertinent et possédait donc un caractère distinctif moyen. En revanche, la chambre de recours a également constaté que la représentation de la courbe de couleur grise était un élément purement décoratif.

35      Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause ces appréciations de la chambre de recours qui, au demeurant, ne sont pas contestées par la requérante.

–       Sur la comparaison visuelle

36      La chambre de recours a considéré, au point 53 de la décision attaquée, que les signes en conflit étaient similaires à un faible degré sur le plan visuel.

37      La requérante conteste les appréciations de la chambre de recours en soutenant que le degré de similitude visuelle des signes en conflit est moyen.

38      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

39      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [voir arrêt du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, EU:T:2005:156, point 43 et jurisprudence citée].

40      En outre, il y a également lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’une marque figurative comportant des éléments verbaux est comparée, sur le plan visuel, à une marque verbale, les marques sont jugées similaires sur ce plan si elles ont en commun un nombre significatif de lettres dans la même position et si l’élément verbal du signe figuratif n’est pas hautement stylisé, nonobstant la représentation graphique des lettres dans des polices de caractères différentes, en italiques ou en caractères gras, en minuscules ou en majuscules, ou encore en couleur [voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2019, SLL Service/EUIPO – Elfa International (LUMIN8), T‑680/18, non publié, EU:T:2019:565, point 32 et jurisprudence citée].

41      Premièrement, il est constant que les signes en conflit comportent quatre lettres identiques placées dans le même ordre, à savoir les lettres « e », « r », « l » et « a ». Ainsi, la majorité des lettres qui composent ces marques (quatre lettres sur six pour la marque demandée et quatre lettres sur cinq pour la marque antérieure) sont identiques dans les deux marques, et ce même si, comme la chambre de recours l’a constaté au point 49 de la décision attaquée, elles diffèrent d’une lettre dans le nombre total de lettres les composant.

42      Deuxièmement, la chambre de recours a correctement constaté au point 48 de la décision attaquée que la lettre « v » et les lettres « ph » étaient différentes sur le plan visuel. En outre, si la chambre de recours a souligné cette différence en faisant valoir qu’elle s’appuyait sur le principe selon lequel le consommateur prête une plus grande attention au début du signe, il y a lieu de relever que, conformément à la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus, l’examen de la similitude des marques en conflit doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par ces marques, dès lors que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à l’examen de ses différents détails [voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Advance Magazine Publishers/OHMI – Nanso Group (TEEN VOGUE), T‑509/12, EU:T:2014:89, point 40]. À cet égard, il y a lieu de considérer que la différence portant sur les lettres initiales des signes en conflit n’est pas suffisante pour neutraliser la similitude visuelle produite par le groupe de lettres « erla », commun auxdits signes, et n’empêchera pas le public pertinent de percevoir la succession des quatre lettres « e », « r », « l » et « a », qui est clairement identifiable au sein desdites marques.

43      Troisièmement, les éléments figuratifs de la marque demandée, ainsi qu’il résulte du point 34 ci-dessus, sont d’une importance secondaire dans la perception de ladite marque sur le plan visuel, compte tenu de leur fonction purement décorative. En effet, l’élément figuratif, consistant en une ligne grise courbée, est susceptible d’être perçu comme étant uniquement un élément décoratif, de sorte que le public pertinent ne percevra vraisemblablement pas cet élément comme étant dominant sur le plan visuel [voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2019, Audimas/EUIPO – Audi (AUDIMAS), T‑467/18, non publié, EU:T:2019:513, point 52 et jurisprudence citée]. Ce sera également le cas de la stylisation relativement simple de l’élément verbal « pherla ». Ainsi, l’existence d’un certain degré de similitude visuelle entre les signes en conflit du fait de leurs éléments communs ne saurait, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours au point 51 de la décision attaquée, être neutralisée par la présence, dans la marque demandée, des éléments figuratifs qui sont peu distinctifs.

44      Partant, il convient de considérer que les signes en conflit présentent un degré moyen de similitude sur le plan visuel. Ainsi, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation lorsqu’elle a conclu dans la décision attaquée que lesdits signes ne présentaient qu’un faible degré de similitude sur le plan visuel.

–       Sur la comparaison phonétique

45      La chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient faiblement similaires sur le plan phonétique. En substance, elle a relevé que la différence résultant de la prononciation de la lettre « v » et des lettres « ph », placées au début desdits signes, était susceptible d’être perçue comme ayant une incidence importante sur la perception phonétique de ces signes par le public pertinent.

46      La requérante soutient que, indépendamment de l’absence de prise en considération de la prononciation en allemand des signes en conflit, la chambre de recours n’a pas correctement apprécié leur similitude sur le plan phonétique. Elle fait valoir que ceux-ci sont au moins similaires à un degré supérieur à la moyenne sur ce plan.

47      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante. L’EUIPO fait valoir, en substance, que, dans la mesure où la chambre de recours a repris à son compte les conclusions de la division d’opposition, elle a implicitement, mais nécessairement, estimé que, même en tenant compte du public germanophone, le degré de similitude phonétique des signes en conflit était faible. Il fait également valoir que, en tout état de cause, si ce grief tiré de l’omission d’examen de la similitude phonétique desdites marques au regard du public germanophone devait être accueilli, il ne conduirait pas à une annulation de la décision attaquée. L’intervenante reconnaît que les signes en conflit coïncident par la prononciation des lettres « e », « r », « l » et « a », mais se distinguent par leurs lettres initiales et par le nombre de lettres composant lesdits signes. Elle en conclut que ces signes se distinguent par la longueur et le rythme de leur prononciation et, partant, qu’ils ne sont que très faiblement similaires sur le plan phonétique.

48      À cet égard, il importe de relever que, même en faisant abstraction de la prononciation de la lettre « v » et des lettres « ph » en allemand et à supposer même qu’il puisse être considéré, à l’instar de la chambre de recours, que la prononciation du début des signes en conflit différerait du fait desdites lettres, les signes en question partagent la suite de lettres « e », « r », « l » et « a ».

49      Partant, les signes en conflit coïncident dans la prononciation de la séquence de lettres « e », « r », « l » et « a », constitutive de quatre lettres sur les cinq composant la marque antérieure et de quatre lettres sur les six composant la marque demandée. En effet, indépendamment des différentes règles de prononciation dans différentes parties du territoire pertinent de l’Union, la prononciation desdits signes coïnciderait pour le groupe de lettres « erla ».

50      Ainsi, même si, à tout le moins pour une partie du public pertinent, la prononciation des lettres initiales « v » et « ph » excluent l’identité phonétique des signes en conflit, la prononciation du groupe de lettres « erla », commun à ces signes, est par elle-même de nature à créer une forte ressemblance phonétique entre lesdits signes.

51      Par ailleurs, les éléments verbaux des signes en conflit comportent deux syllabes et, par conséquent, ont le même rythme et se prononcent avec la même intonation.

52      Il résulte de ce qui précède que les signes en conflit doivent être considérés comme présentant au moins un degré moyen de similitude sur le plan phonétique.

53      Dans ces circonstances, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation lorsqu’elle a conclu, au point 53 de la décision attaquée, que les signes en conflit ne présentaient qu’un faible degré de similitude sur le plan phonétique.

–       Sur la comparaison conceptuelle

54      La chambre de recours a estimé, aux points 54 et 55 de la décision attaquée, que les signes en conflit étant dépourvus de signification pour une partie du public pertinent, la comparaison desdits signes sur le plan conceptuel n’est pas possible pour cette partie du public pertinent, conformément à la jurisprudence.

55      La chambre de recours a ajouté, au point 57 de la décision attaquée, que pour la partie du public pertinent pour laquelle la marque antérieure VERLA avait une signification, les signes en conflit n’étaient pas similaires sur le plan conceptuel.

56      Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause ces appréciations de la chambre de recours qui, au demeurant, ne sont pas contestées par la requérante.

–       Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

57      En l’espèce, la chambre de recours a relevé, au point 61 de la décision attaquée, que le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure était normal.

58      Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause cette appréciation, au demeurant, non contestées par la requérante.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

59      La requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il n’y avait pas en l’espèce de risque de confusion. Elle soutient que la différence visuelle résultant de la lettre « v » et des lettres « ph », présentes au début des signes en conflit, ne permet pas de remettre en cause leur similitude sur le plan visuel et leur identité sur le plan phonétique et, partant, qu’il existerait un risque de confusion.

60      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

61      Il y a lieu de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

62      En l’espèce, aux points 63 et 64 de la décision attaquée, aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a pris en compte le fait que, premièrement, le public pertinent, composé du grand public et des professionnels, faisait preuve d’un niveau d’attention variant de moyen à élevé, deuxièmement, les produits concernés étaient supposés être identiques, troisièmement, les signes en conflit présentaient un faible degré de similitude sur les plans visuel et phonétique et n’étaient pas similaires sur le plan conceptuel pour une partie du public pertinent, alors que la comparaison conceptuelle n’était pas possible pour l’autre partie dudit public, et, quatrièmement, la marque antérieure avait un caractère distinctif normal. Elle en a conclu qu’il n’y avait pas de risque de confusion.

63      Or, ainsi qu’il a été conclu aux points 44 et 52 ci-dessus, et contrairement à ce qu’a erronément conclu la chambre de recours, les signes en conflit présentent un degré de similitude moyen sur le plan visuel et, à tout le moins, moyen sur le plan phonétique.

64      Partant, en vertu du principe d’interdépendance des facteurs pris en compte, rappelé au point 61 ci‑dessus, au vu du degré de similitude moyen sur le plan visuel et à tout le moins moyen sur le plan phonétique que présentent les signes en conflit, la chambre de recours ne pouvait pas en l’espèce, en se fondant sur l’hypothèse selon laquelle les produits concernés étaient identiques (voir point 29 ci-dessus), exclure l’existence d’un risque de confusion.

65      Il s’ensuit que c’est à tort que la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, à tout le moins dans l’hypothèse où les produits étaient identiques.

66      Il y a donc lieu d’accueillir la seconde branche du troisième moyen, de considérer ce dernier comme étant fondé et, par conséquent, d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens et griefs invoqués par la requérante.

 Sur le deuxième chef de conclusions, soulevé à titre principal et tendant à ce que l’opposition soit accueillie et que la demande d’enregistrement soit rejetée pour les produits relevant de la classe 5

67      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de confirmer dans son intégralité l’opposition et de rejeter la demande d’enregistrement de la marque mentionnée au point 2 ci-dessus pour l’intégralité des produits visés, quant à eux, au point 5 ci-dessus.

68      Il y a lieu de relever que, par ce chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal, en substance, d’adopter la décision que, selon elle, l’EUIPO aurait dû prendre, à savoir une décision constatant que sont remplies les conditions pour faire droit à l’opposition qu’elle a formée à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée, pour les produits relevant de la classe 5. Par conséquent, la requérante demande au Tribunal d’exercer son pouvoir de réformation, tel qu’il est prévu à l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

69      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

70      En l’espèce, les conditions de l’exercice du pouvoir de réformation du Tribunal ne sont pas réunies dans la mesure où le Tribunal n’est pas en mesure de déterminer la décision que la chambre de recours était tenue de prendre.

71      En effet, au point 63 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion en considérant que les produits concernés étaient supposés être identiques, ainsi qu’il avait été relevé au point 35 de ladite décision, pour des raisons d’économie de la procédure.

72      Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 64 ci-dessus, l’erreur d’appréciation portant sur l’absence de risque de confusion a été constatée pour autant que les produits concernés devaient être considérés comme étant identiques. Or, la chambre de recours n’ayant pas procédé à une appréciation in concreto de l’ensemble des produits concernés pour déterminer s’ils étaient ou non tous effectivement identiques, le Tribunal, à qui il n’appartient pas d’apprécier pour la première fois des questions qui n’ont pas été examinées par la chambre de recours, n’est pas en mesure de déterminer les produits pour lesquels l’opposition, fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être accueillie et, par conséquent, n’est pas en mesure d’exercer son pouvoir de réformation.

73      Il s’ensuit que la demande en réformation, contenue, en substance, dans le deuxième chef de conclusions, doit être rejetée.

 Sur les dépens

74      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

75      En l’espèce, l’EUIPO et l’intervenante ont succombé pour l’essentiel de leurs conclusions et la requérante a conclu uniquement à la condamnation aux dépens de l’EUIPO. Par suite, il y a lieu de condamner l’EUIPO à supporter, outre ses propres dépens, l’intégralité des dépens exposés par la requérante. L’intervenante supportera, quant à elle, ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 7 février 2023 (affaire R 268/2022-2) est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Verla-Pharm Arzneimittel GmbH & Co. KG.

4)      Mme Valeria Converso supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Tomljenović

Spangsberg Grønfeldt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 avril 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.