Language of document : ECLI:EU:T:1997:186

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

27 novembre 1997(1)

«Concurrence — Règlement n° 4064/89 — Décision déclarant une concentration compatible avec le marché commun — Engagements — Produits d'hygiène féminine — Recours en annulation — Recevabilité — Violation des formes substantielles — Consultation des tiers — Position dominante»

Dans l'affaire T-290/94,

Kaysersberg SA, société de droit français, établie à Kaysersberg (France), représentée par Mes Dominique Voillemot et Jacques-Philippe Gunther, avocats au barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Jacques Loesch, 11, rue Goethe,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. Francisco González Díaz, membre du service juridique, et M. Géraud de Bergues, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par M. Giuliano Marenco, conseiller juridique principal, et M. Guy Charrier, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Goméz de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Procter & Gamble GmbH,société de droit allemand, établie à Schwalbach (Allemagne), représentée par Mes Mario Siragusa, avocat au barreau de Rome, Giuseppe Scasselati-Sforzolini, avocat au barreau de Bologne, et M. Nicholas Levy, barrister, du barreau d'Angleterre et du pays de Galles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Elvinger et Hoss, 2, place Winston Chruchill,

partie intervenante,

ayant pour objet l'annulation de la décision 94/893/CE de la Commission, du 21 juin 1994, relative à une procédure d'application du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, déclarant une concentration compatible avec le marché commun et l'accord sur l'Espace économique européen [IV/M.430 — Procter & Gamble/VP Schickedanz (II)] (JO L 354, p. 32).

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre élargie),



composé de MM. C. W. Bellamy, président, C. P. Briët, A. Kalogeropoulos, A. Potocki et M. Jaeger, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 23 avril 1997,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

Contexte général de la concentration

  1. L'opération de concentration qui fait l'objet de la décision 94/893/CE de la Commission, du 21 juin 1994, déclarant une concentration compatible avec le marché commun et l'accord sur l'Espace économique européen [IV/M.430 — Protec & Gamble/VP Schickedanz (II)] (JO L 354, p. 32) (ci-après «décision attaquée» ou «décision») (voir ci-dessous points 41 et suivants) concerne l'acquisition par Procter & Gamble GmbH (ci-après «P & G») de la société Vereinigte Papierwerke Schickedanz AG (ci-après «VPS»).

  2. P & G est une filiale à 100 % de la société américaine Procter & Gamble Company. Le chiffre d'affaires consolidé du groupe, en 1992/1993, était de 23 626 millions d'écus, dont 7 814 millions obtenus à l'intérieur de la Communauté. Outre les produits d'hygiène et de beauté, les lessives, les produits alimentaires et les boissons, P & G exerce ses activités dans le domaine des produits en papier-tissu et dans celui des articles de protection féminine.

  3. Au moment des faits, P & G était le premier opérateur sur le marché des serviettes hygiéniques en Europe occidentale, avec des parts de marché pour l'année 1993 évaluées à 42 % en valeur et 33,5 % en volume, dans l'ensemble de la Communauté et des pays de l'Association européenne de libre-échange. S'agissant en particulier du marché allemand, les parts de P & G considérées en valeur, qui, selon la décision attaquée (point 119), étaient comprises entre 35 et 40 %, plaçaient celle-ci, à travers sa marque Always, au premier rang des fabricants de serviettes hygiéniques. En Espagne, grâce aux marques Ausonia et Evax, P & G détenait, en 1993, des parts de marché comprises entre 75 et 80 % en valeur, et entre 65 et 70 % en volume (point 119 de la décision).

  4. Sur le marché des couches pour bébés, P & G détenait également une position forte, notamment à travers sa marque Pampers, avec une part de marché dans la Communauté pour 1993 comprise entre 45 et 50 % en volume (point 25 de la décision). En revanche, jusqu'en 1994, bien que le groupe fût le premier opérateur sur le marché américain, P & G n'exerçait pas d'activité en Europe dans le secteur du papier-tissu à usage ménager et hygiénique, qui comprend notamment les mouchoirs en papier, le papier hygiénique, les essuie-tout, et les cotons pour démaquillage.

  5. Avant l'opération de concentration avec P & G, VPS était une filiale à 100 % de Gustav und Grete Schickedanz (ci-après «GGS»), société de personnes de droit allemand. Son chiffre d'affaires consolidé, en 1992/1993, était de 681 millions d'écus dont 645 millions obtenus à l'intérieur de la Communauté. Les activités de VPS portaient sur les produits d'hygiène féminine, les produits en papier-tissu à usage ménager et hygiénique, les couches pour bébés ainsi que sur les produits pour incontinents adultes, les articles en coton et certains produits de soin corporel.

  6. En ce qui concerne en particulier les produits d'hygiène féminine, VPS était présente, principalement en Allemagne, sur le marché des serviettes périodiques, d'une part, à travers sa marque de produit haut de gamme Camelia et ses marques de second ordre Blümia et Femina, et, d'autre part, en tant que fabricant pour marques de distributeur. En 1993, les parts de marché des produits Camelia de VPS, sur le marché allemand des serviettes hygiéniques, étaient comprises entre 20 et 25 % (en valeur et en volume), les parts détenues ensemble par les marques Blümia et Femina étant, quant à elles, de 5 à 10 % en valeur, et de 10 à 15 % en volume (décision, point 119). VPS commercialisait également ses produits Camelia en Espagne, où ses parts de marché étaient toutefois inférieures à 5 % en 1993, ainsi qu'en Autriche, en Italie et en Suisse. Enfin, VPS fabriquait des tampons, qu'elle commercialisait sous la marque Tampona.

  7. Outre les produits d'hygiène féminine, VPS était présente sur le marché des couches pour bébés, à travers les marques Moltex et Born, avec une part de marché dans la Communauté comprise entre 1 et 5 % en 1993 (point 25 de la décision).

  8. Dans le secteur du papier-tissu à usage ménager et hygiénique, les parts de marché d'ensemble de VPS dans la Communauté étaient faibles, mais comprises entre 15 et 20 % (en volume) sur le marché allemand pour 1993 (point 13 de la décision).

    Procédure devant la Commission

  9. Le 9 décembre 1993, P & G a notifié à la Commission, conformément à l'article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (version rectifée JO 1990, L 257, p. 13, ci-après «règlement n° 4064/89»), un projet de rachat de l'intégralité du capital de VPS.

  10. Le 21 décembre 1993, dans le cadre de cette première notification, la société Kaysersberg a répondu à un questionnaire de la Commission du 17 décembre 1993, en communiquant certaines informations relatives aux secteurs de l'hygiène féminine et de l'incontinence adulte en France, ainsi que ses observations sur l'impact du projet de concentration.

  11. Kaysersberg est une société anonyme de droit français, filiale du groupe néerlandais Jamont NV contrôlé conjointement par James River Corporation et Cragnotti & Partners, dont le chiffre d'affaires consolidé en 1993 s'élevait à 4 milliards 818 millions de FF. Kaysersberg est présente dans le secteur de l'hygiène féminine, principalement en France et en Belgique. Avec sa filiale Vania Expansion, qui commercialise des serviettes hygiéniques et des tampons, Kaysersberg était, en 1993, le premier opérateur en France, avec une part de marché globale de plus de 30 % en valeur. Kaysersberg opère également dans le secteur du papier ménager et hygiénique, notamment au travers de la marque Lotus, dans celui des produits pour incontinents adultes, ainsi que dans le domaine de l'hygiène infantile (couches pour bébés).

  12. Le 17 janvier 1994, à la suite du retrait de la notification initiale, P & G a notifié à la Commission, conformément à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89, un nouveau projet de concentration par lequel P & G se proposait d'acquérir la totalité du capital de VPS et d'autres filiales de GGS opérant dans des secteurs connexes.

  13. Dans le cadre de ce nouveau projet, l'accord d'acquisition conclu par P & G et GGS, ainsi que l'accord annexe conclu entre P & G, GGS et VPS prévoyaient que VPS dissocierait son activité «couches pour bébés» de ses autres activités, pour la transférer à une société distincte jusqu'à l'achèvement de l'opération, et que, immédiatement après la clôture de l'opération d'achat de VPS, P & G céderait les actions de cette société distincte à un trustee, désigné par P & G le 22 décembre 1993, ayant pour mandat de trouver un acquéreur final de ces actions (points 5 et 6 de la décision).

  14. La notification contenait, par ailleurs, une offre d'engagement de P & G de ne pas acquérir le contrôle des activités «protection hygiénique féminine» du secteur «non-Camelia» de VPS, c'est-à-dire les actifs corporels et incorporels se rapportant aux trois marques Blümia, Femina et Tampona, et aux activités de VPS en tant que fabricant pour marques de distributeur (ci-après «activité non-Camelia») (point 8 de la décision).

  15. Le 22 janvier 1994, la Commission a publié au Journal officiel des Communautés européennes l'avis prévu par l'article 4, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89 (JO C 19, p. 15). Aux termes du point 4 de cette communication, la Commission invitait «les tiers concernés à lui transmettre leurs observations éventuelles sur le projet de concentration».

  16. Le 24 janvier 1994, Kaysersberg a répondu à un questionnaire que lui avait adressé la Commission le 19 janvier, en communiquant les renseignements demandés relatifs au marché géographique et à la situation concurrentielle dans le domaine des produits d'hygiène féminine, ainsi qu'en faisant part à la Commission de ses observations quant à l'impact du projet de concentration.

  17. La correspondance avec la Commission s'est poursuivie par lettres de Kaysersberg des 14 mars, 29 avril, 18 et 31 mai 1994.

  18. Après avoir procédé à l'examen de la notification, la Commission a décidé, le 17 février 1994, en application de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064/89, d'engager la procédure en ce qui concerne les serviettes hygiéniques, au motif que la concentration notifiée soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun.

  19. Le 30 mars 1994, la Commission a adressé sa communication des griefs à P & G.

  20. Par lettre du 12 avril 1994, la Commission a adressé à Kaysersberg une copie de la communication des griefs, au titre de l'article 15 du règlement CCE n° 2367/90 de la Commission, du 25 juillet 1990, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions conformément au règlement n° 4064/89 (JO L 219, p. 5, ci-après «règlement n° 2367/90»), pour l'informer de la nature et de l'objet de la procédure et l'inviter à faire valoir son point de vue.

  21. La teneur de la communication des griefs était notamment la suivante.

  22. A titre préliminaire, la Commission rappelait qu'aux termes des accords d'acquisition l'activité «couches pour bébés» de VPS devait être confiée à une société distincte, qu'un trustee, désigné par P & G le 22 décembre 1993, aurait pour mission de céder à un nouvel acquéreur. Elle en déduisait que cet engagement faisait partie intégrante de la notification et que, malgré les griefs que la Commission formulerait en cas d'acquisition, cette activité n'était pas visée (point 7 de la communication des griefs). Elle rappelait, par ailleurs, que P & G avait offert unilatéralement un engagement de ne pas acquérir le contrôle de l'activité non-Camelia de VPS et précisait que, à la suite de l'engagement de la procédure en application de l'article 6, paragraphe 1, sous c) du règlement n° 4064/89, P & G avait confirmé que ces engagements seraient maintenus à condition que laCommission adopte une décision de compatibilité, au titre de l'article 8 du règlement n° 4064/89, en faveur de l'ensemble de la transaction notifiée (points 8 à 10 de la communication des griefs).

  23. Après avoir relevé que l'opération notifiée est une concentration de dimension communautaire, la Commission indiquait que la procédure était engagée pour les serviettes hygiéniques. Les éléments retenus par la Commission, dans sa communication des griefs, peuvent être résumés comme suit.

  24. En ce qui concerne le marché du produit pertinent, la Commission considérait qu'il existait un marché distinct pour chacun des produits d'hygiène féminine, à savoir les protège-slips, les tampons et les serviettes hygiéniques. En ce qui concerne la définition du marché géographique, la Commission considérait que le marché des serviettes hygiéniques avait une dimension nationale. A cet égard, la Commission tenait compte, notamment, du degré élevé de concentration en Allemagne et en Espagne, de la fidélité des consommatrices à la marque, des difficultés d'accès à la distribution, de la nécessité de lourds investissements publicitaires pour s'implanter, ainsi que de l'échec de plusieurs tentatives d'entrée sur le marché au cours des dernières années.

  25. Dans son appréciation de l'opération, la Commission soulignait l'essor en valeur du marché des serviettes en Europe occidentale depuis l'introduction, au début des années 90, de nouveaux produits élaborés tels Always, comportant une valeur ajoutée importante par rapport aux produits classiques. Pour apprécier les parts de marché des parties, la Commission estimait que la mesure la plus appropriée était la part de marché en valeur, en raison, notamment, des différences de prix évaluées entre 50 et 100 % entre les marques haut de gamme et les marques secondaires ou les marques de distributeur, de la prédominance des articles de marque faisant l'objet d'une promotion intense et de la nécessité de tenir compte de la puissance financière des sociétés, eu égard au caractère porteur du segment des produits haut de gamme.

  26. Selon la Commission, sur les marchés nationaux des serviettes hygiéniques principalement concernés par l'opération, les parts de marché, pour l'année 1993, s'établissaient comme suit (point 93 de la communication des griefs):

    Allemagne Espagne Autriche
    Valeur 1993 Volume 1993 Valeur 1993 Volume 1993 Valeur 1993 Volume 1993
    P & G
    VP Camelia
    P & G + Camelia
    VP autres marques
    Johnson & Johnson
    Mölnlycke
    Kimberly-Clark
    Rauscher
    Marques privées
    Autres
    36,3 %24,5 %
    60,8 %
    6,9 %13,4 %

    0,9 %
    —12,5 %
    5,1 %
    20,4 %21,6 %
    42 %12 %
    9,2 %

    0,8 %
    —23,7 %
    12,3 %
    79,8 % 1,4 %
    81,2 %

    1,1 %


    —10,6 %
    7,1 %
    65,9 %
    1,1 %67 %
    0,1 %
    0,8 %


    —18,6 %
    13,5 %
    24,6 %13,9 %
    38,5 %
    2,9 %30,1 %

    —17,8 %
    9,2 %
    1,5 %
    17,6%12,6 %
    30,2 %
    2,4 %24,8 %

    —27,6 %
    2,2 %12,81 %


  27. La Commission rappelait que le marché des serviettes hygiéniques était caractérisé, en particulier en Allemagne, par des barrières à l'entrée élevées, résultant, notamment, de la grande fidélité à la marque, de la nécessité de développer des produits innovants et d'engager des actions promotionnelles d'envergure, ainsi que de la difficulté d'accès au commerce de détail. En outre, le degré de concentration déjà élevé en Allemagne et en Espagne avant l'opération se serait encore accru.

  28. La Commission tenait compte également de la position de P & G sur le marché des serviettes hygiéniques, particulièrement forte sur le segment le plus porteur des serviettes ultra minces, de sa puissance commerciale à l'égard des distributeurs, en tant que grand fournisseur de produits de consommation courante, ainsi que de sa puissance financière par rapport à ses concurrents dans le domaine des serviettes hygiéniques. Or, selon la Commission, l'entrée de concurrents potentiels pouvant contester la domination de P & G en Allemagne et en Espagne paraissait peu probable compte tenu des diverses tentatives infructueuses de pénétrer le marché allemand, engagées par Mölnlycke et Kimberly Clark au cours des dix à quinze dernières années, ainsi que par Kaysersberg entre 1970 et 1985.

  29. Au vu de ces éléments, et en particulier de l'analyse des parts de marché que détiendrait P & G à l'issue de l'opération, des barrières à l'entrée et de la concurrence potentielle, la Commission considérait que, compte tenu des facteurs inhérents aux marchés allemand, espagnol et autrichien des serviettes hygiéniques, l'acquisition de VPS par P & G, même après la cession des activités «couches pour bébés» de VPS, et en tenant compte de l'engagement de P & G de ne pas acquérir le contrôle de l'activité non-Camelia, permettrait à P & G d'agir indépendamment de ses clients et de ses concurrents sur ces marchés (point 145 de la communication des griefs). S'agissant en particulier du marché allemand, la Commission estimait que l'acquisition de VPS et de sa grande marque allemande Camelia, laquelle est aussi la dernière grande marque nationale indépendante, rendrait plus difficile l'accès au marché allemand pour d'autres entrants, en les obligeant à s'implanter directement sur le marché plutôt que par le biais de l'acquisition d'une entreprise déjà en place (point 146 de la communication des griefs).

  30. La Commission concluait ainsi que l'opération de concentration notifiée pourrait être incompatible avec le marché commun dès lors qu'elle était susceptible d'aboutir à la création d'une position dominante sur les marchés allemand et autrichien des serviettes hygiéniques et au renforcement d'une position dominante en Espagne, avec pour conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans une partie substantielle du marché commun au sens de l'article 2, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89 (point 151 de la communication des griefs).

  31. Les 25 et 26 avril, la Commission a, conformément aux articles 13 à 15 du règlement n° 2367/90, organisé une première audition des parties à la concentration et des tiers, dont Kaysersberg, suivie, le 6 mai 1994, d'une seconde audition des parties à la concentration et des tiers. Le 9 mai 1994, Kaysersberg a adressé à la Commission une copie du texte de l'intervention de son président directeur général lors de la première audition.

  32. Le 27 mai 1994, le comité consultatif en matière de concentrations s'est réuni une première fois et a rendu un avis défavorable à l'opération de concentration notifiée (avis du comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises rendu lors de ses 20e et 22e réunions tenues le 27 mai et le 20 juin 1994 sur un avant-projet de décision révisé relatif à l'affaire IV/M.430 — Procter & Gamble/VP Schickedanz (II), JO 1994, C 379, p. 34, points 1 à 8).

  33. Le 10 juin 1994, P & G a proposé à la Commission de nouveaux engagements portant sur la cession de l'activité de produits d'hygiène féminine de marque Camelia de VPS (ci-après «activité Camelia»), afin de lever les objections de la Commission sur la compatibilité de l'opération projetée avec le marché commun.

  34. Par lettre du 13 juin, la Commission a demandé à P & G d'intégrer certains changements à ses propositions. A cet effet, la Commission a adressé à P & G un projet modifié d'engagements tenant compte des changements demandés et lui a demandé également de préparer une version non confidentielle de ce texte pour procéder à la consultation des tiers. Par lettre du 14 juin 1994, P & G acceptait les modifications ainsi proposées.

  35. Le mercredi 15 juin 1994, la Commission a communiqué à Kaysersberg une lettre de P & G, datée du 15 juin, contenant la version non confidentielle du projet d'engagements ainsi accepté, en l'informant qu'elle lui donnait la possibilité, en vertu de l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89 et de l'article 15 du règlement n° 2367/90, de faire connaître ses observations écrites, celles-ci devant lui parvenir au plus tard le lundi 20 juin 1994, au matin, afin de pouvoir être communiquées au comité consultatif.

  36. Aux termes de la version non confidentielle communiquée à Kaysersberg, P & G proposait des engagements concernant l'activité Camelia, en ce compris a) le site industriel de Forschheim et les lignes de production consacrées aux produits d'hygiène féminine, b) la marque Camelia et c) tous les autres actifs et passifs faisant partie de, ou nécessaires au, fonctionnement de l'activité Camelia. Ces propositions d'engagements étaient les suivantes:

    «1) P & G s'engage, aussi rapidement que possible après l'adoption par la Commission d'une décision favorable en application du règlement n° 4064/89 et en toute hypothèse au plus tard le 1er juillet 1994, à nommer Goldman Sachs International Limited (Goldman Sachs) pour agir pour son compte pour mener en toute bonne foi des négociations avec des tierces parties intéressées, en vue de la vente de l'activité Camelia. P & G se mettra d'accord avec Goldman Sachs quant à la rémunération de cette dernière, étant entendu qu'une partie de cette rémunération consistera en une commission liée à ladite vente.

    2) P & G s'engage à donner à Goldman Sachs un mandat irrévocable pour trouver un acquéreur pour l'activité Camelia, dans un délai de [...], étant entendu que ledit acquéreur devra être un concurrent viable, actuel ou potentiel, indépendant de et non lié à P & G, capable de maintenir et de développer l'activité Camelia en une force concurrentielle sur le marché concerné. P & G prendra toutes les mesures raisonnables pour encourager le personnel actuellement employé au sein de l'activité Camelia, y compris le personnel des ventes et le personnel administratif, à travailler pour le compte de telle tierce partie indépendante. P & G sera considérée comme ayant respecté cet engagement si, dans un délai [...], elle a conclu une lettre d'intention contraignante en vue de la vente de l'activité Camelia, sous réserve que cette vente soit achevée dans une limite de temps de [...]. P & G s'engage à fournir toute assistance demandée par Goldman Sachs avant la vente de l'activité Camelia à une tierce partie, aux conditions normales du marché.

    3) P & G seule sera libre d'accepter toute offre ou de sélectionner l'offre qu'elle considère la meilleure en cas de pluralité d'offres. La valeur de telles offres sera déterminée en fonction du prix offert plus les autres obligations affectant la valeur de telles offres.

    4) P & G s'engage, dans le délai [...] à rendre le site industriel de Forschheim capable d'être transféré à une tierce partie et, tout particulièrement, à rendre le site industriel de Forschheim capable d'être géré séparément de P & G.

    5) Avant l'achèvement de la vente de l'activité Camelia à une tierce partie, P & G s'assurera que l'activité Camelia est gérée comme une entité distincte et vendable avec ses propres comptes de gestion, avec un effort de vente et de distribution pour l'activité Camelia qui soient distincts de l'activité de produits d'hygiène féminine de P & G. P & G s'engage par ailleurs à ce que l'activité Camelia ait sa propre direction, qui sera sous instruction de gérer ladite activité sur une base indépendante afin d'assurer sa rentabilité continue et sa valeur sur le marché, et que P & G fournira des ressources financières suffisantes à cette fin dans le cours ordinaire des affaires. Avant l'achèvement de la vente de l'activité Camelia à une tierce partie, P & G ne devra intégrer l'activité Camelia dans aucune unité d'affaires de P & G. P & G s'engage également à n'effectuer aucun changement structurel dans l'activité Camelia sans l'accord préalable de la Commission.

    6) P & G n'obtiendra de la direction de l'activité Camelia aucun secret d'affaires, savoir-faire, information commerciale, ni aucune autre information industrielle ni droit de propriété intellectuelle, de nature confidentielle ou à titre de propriétaire,relatifs à l'activité Camelia.

    7) P & G s'engage à obtenir de Goldman Sachs la fourniture d'un rapport écrit sur une base [...] sur tous les développements pertinents dans les négociations avec des tierces parties intéressées par l'acquisition de l'activité Camelia et s'engage à ce que de tels rapports, avec une documentation à l'appui, soient fournis à la Commission. Ladite documentation comprendra un rapport préparé par la direction de l'activité Camelia sur ses opérations commerciales en cours.

    8) Tout contentieux entre P & G et la tierce partie acquérant l'activité Camelia survenant par rapport à ou lié à l'exécution de ces engagements sera soumis à un arbitrage indépendant qui devra être accepté mutuellement par P & G et ladite tierce partie.»

    [«P & G hereby gives the following undertakings to the Commission with respect to VP's Camelia-branded feminine hygiene products business, which comprises: (i) the Forschheim plant and the production lines dedicated to the manufacture of feminine hygiene products; (ii) the Camelia brand name; and (iii) all other assets and liabilities that form part of or are necessary for the operation of VP's Camelia-branded feminine hygiene products business (hereafter referred to as the 'Business‘).

    1. P & G undertakes that, as soon as practicable after the Commission has adopted a favourable decision under the Regulation 4064/89 and in any event no later than July 1, 1994, it shall appoint Goldman Sachs International Limited ('Goldman Sachs‘) to act on its behalf in conducting good faith negotiations with interested third parties with a view to selling the Business. P & G and Goldman Sachs shall agree on the latter's remuneration, it being understood that part of such remuneration shall consist of a fee related to the consideration of the sale.

    2. P & G undertakes that it shall give Goldman Sachs an irrevocable mandate to find a purchaser for the Business within [confidential] of its appointment, it being understood that such purchaser shall be a viable existing or prospective competitor independent of and unconnected to P & G and capable of maintaining and developing the Business as an active competitive force on the market concerned. P & G shall take all reasonable steps to encourage the relevant personnel currently employed in the Business, including sales and administrative personnel, to take up employment with such independent third party. P & G shall be deemed to have complied with this undertaking if, within [confidential], it has entered into a binding letter of intent for the sale of the Business, provided that such sale is completed within [confidential]. P & G undertakes to give, on an arm's length basis, all assistance requested by Goldman Sachs prior to the sale to the third party.

    3. P & G alone shall be free to accept any offer or to select the offer it considers best in case of a plurality of offers. The value of any such offers shall be determined by the price offered plus other obligations affecting the value of such offers.

    4. P & G undertakes that, within [confidential], the Forcheim plant shall be rendered capable of being transferred to an independent third party and, most particularly, that the Forcheim plant is capable of being managed separately from P & G.

    5. Prior to the completion of the sale of the Business to a third party, P & G shall ensure that the Business is managed as a distinct and saleable entity with its own management, accounts and a sales distribution effort for the Business that is separate from P & G's catamenials business. P & G further undertakes that the Business shall have its own management that shall be under instructions to manage it on an independent basis in order to ensure its continued viability and market value, and that P & G shall provide sufficient financial resources to this end in the ordinary course of business. Prior to the completion of the sale of the Business to a third party, P & G shall not integrate the Business into any P & G business unit. P & G further undertakes that it shall make no structural changes to the Business without prior Commission approval.

    6. P & G shall not obtain from the Business management any business secrets, know-how, commercial information, or any other industrial information of a confidential or proprietary nature relating to the Business.

    7. P & G undertakes that it shall cause Goldman Sachs to provide a written report on a [confidential] basis on any relevant developments in its negotiations with third parties interested in purchasing the Business, and that such reports, together with supporting documentation, shall be furnished to the Commission. Such supporting documentation shall include a report prepared by the management of the Business on its on-going commercial operations.

    8. Any dispute between P & G and the third party purchasing the Business arising out of or in the connection with the implementation of these undertakings shall be submitted to independent arbitration to be mutually agreed between P & G and such third party.»]

  37. Le 16 juin 1994, P & G a adressé à la Commission une lettre aux termes de laquelle elle indiquait qu'elle confirmait que les engagements donnés le 14 juin 1994 modifiaient et remplaçaient ceux offerts le 17 janvier 1994 concernant les produits d'hygiène féminine de VPS et que, en conséquence, dans l'hypothèse d'une décision favorable de la Commission, elle serait en droit d'acquérir et de conserver le contrôle de l'activité non-Camelia de VPS.

  38. Le vendredi 17 juin 1994, Kaysersberg a adressé ses observations à la Commission. Dans sa lettre, Kaysersberg faisait valoir, tout d'abord, que les engagements proposés par P & G devaient être considérés comme irrecevables, en raison de leur caractère tardif et de la brièveté du délai laissé aux tiers pour réagir, et exposait, ensuite, les raisons pour lesquelles elle estimait que les engagements proposés n'étaient pas satisfaisants, ainsi que les modifications qu'elle sollicitait.

  39. Le 20 juin 1994, le comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises s'est réuni pour la seconde fois. Dans son avis, le comité indique que:

    «9. [...] après avoir examiné les informations communiquées par la Commission concernant les remèdes présentés par Procter & Gamble par lettre du 15 juin 1994 afin de résoudre les problèmes de concurrence posés par la concentration proposée, il est d'accord pour dire que la concentration proposée est compatible avec le marché commun et l'Espace économique européen à la condition du désinvestissement de l'activité protection hygiénique féminine de la marque Camelia.

    10. [...] lesdits engagements sont suffisants [...] à la condition que les aspects suivants soient clarifiés et effectivement appliqués:

    1. la nomination d'un mandataire fiduciaire trustee, indépendant de Procter & Gamble, qui conduira le désinvestissement de l'activité relative aux produits de marque Camelia et qui la gérera indépendamment de Procter & Gamble jusqu'à la réalisation du désinvestissement;

    2. la mise en place de délais réduits pour l'accomplissement du désinvestissement;

    3. l'acquéreur potentiel doit posséder les ressources financières suffisantes et une expérience éprouvée dans le domaine des produits de consommation qui lui permettra de maintenir et de développer activement la commercialisation des produits Camelia face à la concurrence de Procter & Gamble;

    4. l'indépendance de la direction de Camelia vis-à-vis de Procter & Gamble jusqu'à l'accomplissement du désinvestissement;

    5. la Commission doit pouvoir examiner par avance les caractéristiques des acquéreurs potentiels tout en respectant l'indépendance de Procter & Gamble dans son choix d'un acquéreur final;

    6. la Commission doit détenir des pouvoirs de contrôle et de décision suffisants pour assurer l'entière application des engagements.

    11. En outre, une minorité considère que Procter & Gamble devrait être également contrainte de désinvestir les activités de protection hygiénique féminine sous les 'marques de distributeur et secondaires‘ de VPS Schickedanz.»

  40. A la suite de la réunion du comité consultatif, la version définitive des engagements de P & G a été préparée par la Commission, et acceptée par P & G.

    Décision litigieuse du 21 juin 1994

  41. Le 21 juin 1994, la Commission a, au vu des engagements pris par P & G à son égard, adopté la décision litigieuse, déclarant la concentration compatible avec le marché commun et l'accord EEE.

  42. L'article 1er du dispositif se lit comme suit:

    «Article premier
    Sous réserve de l'entière exécution de toutes les conditions et obligations contenues dans les engagements de Procter & Gamble GmbH envers la Commission eu égard à l'activité des produits d'hygiène féminine de marque Camelia de VP Schickedanz, tels que prévus dans le considérant 186 de la présente décision, la concentration notifiée par Procter & Gamble GmbH le 17 janvier 1994 relative à l'acquisition de VP Schickedanz AG est déclarée compatible avec le marché commun et avec le bon fonctionnement de l'accord sur l'Espace économique européen.»

  43. Cette décision a été communiquée à Kaysersberg, pour information, le 27 juin 1994.

  44. La décision peut être résumée comme suit.

  45. A titre préalable, la Commission observe que l'engagement de ne pas acquérir le contrôle du secteur «couches pour bébés» de VPS fait partie intégrante de la notification et que, dès lors, malgré les griefs qu'elle formulerait à l'égard d'une telle acquisition, ce marché n'est pas visé par la décision (point 7 de la décision). En ce qui concerne l'engagement initial offert par P & G, inclus dans la notification, de ne pas acquérir le contrôle de l'activité non-Camelia de VPS, la Commission indique qu'au vu des objections qu'elle a formulées P & G a substantiellement modifié tant les marques devant être cédées que les conditions d'une telle cession, et a ainsi substitué les produits d'hygiène féminine de marque Camelia aux produits non-Camelia de VPS (point 8 de la décision).

  46. Après avoir relevé que l'opération notifiée est une concentration de dimension communautaire, la Commission rappelle ensuite que la concentration concerne les produits suivants fabriqués par VPS, à savoir les produits en papier-tissu pour le ménage, les produits d'hygiène féminine, les produits pour incontinents adultes, les articles en coton ainsi que certains produits de soin corporel, et que la procédure a été engagée pour les serviettes hygiéniques.

  47. S'agissant des produits de papier-tissu à usage hygiénique et ménager, la Commission relève que P & G, tout en étant «leader» aux États-Unis et au Canada, n'exerce pas d'activités dans ce secteur en Europe, et que, selon P & G, le but stratégique de l'opération est de pénétrer le marché européen desdits produits. Elle constate, par ailleurs, que les parts de marché de VPS dans l'ensemble de ce secteur sont faibles dans la Communauté et comprises entre 15 et 20 % en Allemagne, et que, pour chaque marché de produits considéré séparément, VPS détiendra en Allemagne entre 35 et 40 % du marché des mouchoirs, et entre 15 et 20 % de celui du papier hygiénique.

  48. La Commission conclut:

    «Compte tenu du fait que les activités de P & G et de VPS ne se chevauchent pas dans ce secteur et de la faible importance des parts de marché de VPS, l'opération de concentration ne soulève pas de doutes au regard des règles de concurrence pour ces produits» (point 13 de la décision).

    49.     En ce qui concerne les produits pour adultes incontinents, les produits en coton et les produits cosmétiques, la Commission conclut également, après avoir analysé notamment les positions de P & G et VPS sur ces marchés, que l'opération ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun (points 14 à 23 de la décision).

    50.     S'agissant des couches pour bébés, la Commission estime que, en l'absence de l'engagement contenu dans la notification et malgré un gain faible en parts de marché, l'opération créerait une position dominante au profit de P & G, étant donné ses parts de marché dans la Communauté, comprises entre 45 et 50 %, ses ressources financières, les technologies de pointe en jeu et sa forte position à l'égard des détaillants (points 24 à 26 de la décision).

    51.     En ce qui concerne les produits d'hygiène féminine, la décision conclut tout d'abord, après un exposé fondé essentiellement sur l'ensemble des éléments contenus dans la communication des griefs (points 27 à 182 de la décision), que l'opération, telle que notifiée, comportant l'offre initiale de P & G de céder l'activité de produits d'hygiène féminine non-Camelia de VPS, permettrait à la nouvelle entité P & G d'agir indépendamment de ses clients et de ses concurrents sur les marchés allemand et espagnol des serviettes hygiéniques (point 183 de la décision). Elle constate, en particulier, qu'en Allemagne, après l'opération de concentration, P & G détiendrait des parts de marché comprises entre 60 et 65 % en valeur, et entre 40 et 45 % en volume, son concurrent le plus proche ne détenant qu'entre 10 et 15 % du marché en valeur et entre 5 et 10 % du marché en volume, et ajoute que l'acquisition par P & G de la marque Camelia de VPS rendrait plus difficile l'accès au marché allemand pour d'autres entrants, en les obligeant à s'implanter directement plutôt que par le biais de l'acquisition d'uneentreprise déjà existante (point 184 de la décision).

    52.     La Commission indique, ensuite, que P & G a offert de modifier le projet de concentration notifié, en contractant des engagements en ce qui concerne l'activité Camelia de VPS (point 186 de la décision).

    53.     Aux termes des engagements de P & G reproduits dans la décision, il est prévu notamment:

    «P & G offre les engagements suivants envers la Commission en rapport avec l'activité de produits d'hygiène féminine de marque Camelia de VPS, laquelle comprend: i) le site industriel de Forschheim et les lignes de production consacrées à la production de produits d'hygiène féminine; ii) la marque Camelia et iii) tous les autres actifs et passifs qui font partie de ou qui sont nécessaires au fonctionnement de l'activité de produits d'hygiène féminine de marque Camelia de VPS (ci-après dénommée 'l'activité Camelia‘).

    1) P & G s'engage, aussi rapidement que possible après l'adoption par la Commission d'une décision favorable en application du règlement n° 4064/89 et en toute hypothèse au plus tard à la date échue de l'acquisition des titres de VPS, à nommer un fiduciaire indépendant (ci-après dénommé 'le fiduciaire‘), qui devra être approuvé par la Commission, pour agir pour son compte dans la supervision de la direction quotidienne de l'activité Camelia afin d'assurer sa rentabilité continue et sa valeur sur le marché, ainsi que sa cession rapide et effective du reste des activités de P & G. Le curateur nommera simultanément Goldman Sachs International Limited (Goldman Sachs) pour agir pour son compte pour mener en toute bonne foi des négociations avec des tierces parties intéressées, en vue de la vente de l'activité Camelia [...].

    2) P & G s'engage à donner au fiduciaire un mandat irrévocable pour trouver un acquéreur valable pour l'activité Camelia, dans un délai de [...], étant entendu que ledit acquéreur devra être un concurrent viable, actuel ou potentiel, indépendant de et non lié à P & G, ayant les ressources financières et l'expertise démontrée dans les marchés de biens de consommation lui permettant de maintenir et de développer l'activité Camelia en une force concurrentielle active qui fera concurrence aux produits d'hygiène féminine de P & G sur les divers marchés concernés [...].

    [...]

    8) P & G n'intégrera pas l'activité de VPS en matière de marques de second ordre et de marques de distributeur dans ses propres structures commerciales et de production pour produits d'hygiène féminine jusqu'à l'achèvement de la vente de l'activité Camelia.

    [...]» (point 186 de la décision).

    54.     La Commission expose ensuite:

    «La Commission est satisfaite que l'offre de P & G de céder l'activité comprenant la marque de serviette Camelia empêchera P & G d'acquérir une position dominante en Allemagne et l'empêchera de renforcer sa position dominante en Espagne. Après la concentration et après la cession de Camelia, la structure du marché en Allemagne et en Espagne sera la suivante, en tenant compte du fait que P & G ne va dorénavant plus céder l'activité non-Camelia de VPS (parts de marché exactes occultées pour cause de secret d'affaires):

    Allemagne Espagne
    Valeur1993 Volume1993 Valeur1993 Volume1993
    P & G
    VP autres marques
    Total P & G
    VP Camelia
    J & J
    Kimberly-Clark
    Marques de distributeur
    Autres
    35-40 %
    5-10 %40-45 %
    20-25 %10-15 %
    < 1 %10-15 %
    5-10 %
    20-25 %10-15 %
    30-35 %20-25 %
    5-10 %
    < 1 %20-25 %
    10-15 %
    75-80 %0 %
    75-80 %
    1-5 %
    1-5 %
    —10-15 %
    5-10 %
    65-70 %
    < 1 %65-70 %
    1-5 %
    < 1 %
    —15-20 %
    10-15 %
    Comme démontré dans ce tableau, P & G va augmenter sa part du marché allemand de 6,9 % pour atteindre une part totale de 43,2 % (en valeur) avec Camelia qui détient une part de 24,5 % et J & J une part de 13,4 %. L'augmentation de la part de marché de P & G sera attribuable uniquement à son acquisition de l'activité de VPS concernant les marques de second ordre et les marques de distributeur (à savoir les marques autres que haut de gamme), alors que l'activité existante Always de P & G sera soumise à une concurrence de la part de deux fournisseurs importants de serviettes de marques de haut de gamme. En Espagne, la part de marché de P & G augmentera de moins que 0,1 %. La Commission a dès lors conclu que les engagements offerts par P & G eu égard à l'activité de produits d'hygiène féminine de marque Camelia de VPS sont suffisants pour empêcher la création ou le renforcement d'une position dominante sur les marchés allemand et espagnol, voire même ailleurs dans l'Espace économique européen.» (point 187 de la décision).

    Suites données à la décision

  49. Par lettre du 5 juillet 1994, P & G a informé la Commission que des négociations, portant sur la cession de l'activité Camelia de VPS, avaient lieu avec la société Kimberly Clark et que la cession pourrait intervenir au moment de, ou peu après, la clôture définitive de la vente des actifs de VPS à P & G.

  50. Le 20 juillet 1994, la Commission a annoncé, par voie d'un communiqué de presse, que la clôture de la vente de VPS à P & G était intervenue le 16 juillet 1994 et que, simultanément, l'ensemble des activités de VPS dans le domaine des produits d'hygiène féminine (notamment l'activité Camelia) avait été cédé à la société Kimberly Clark, et que l'activité de VPS dans le secteur des couches pour bébés avait été vendue au groupe Wirths.

  51. Selon les dires de la partie intervenante P & G, les marques Camelia, Tampona et les marques privées auraient été vendues à Kimberly Clark, et la marque Blümia donnée en licence à cette entreprise, le 16 juillet 1994. S'agissant de la marque Femina de VPS, la Commission et la partie intervenante indiquent qu'elle a été acquise par la chaîne de distribution allemande Rewe.

    Procédure et conclusions des parties



  52. C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 septembre 1994, Kaysersberg a introduit le présent recours.

  53. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 1995, P & G a demandé à intervenir à l'appui des conclusions de la Commission et a demandé, en application de l'article 35, paragraphe 2, sous b), du règlement de procédure du Tribunal, à être autorisée à utiliser la langue anglaise, tant au cours de la procédure écrite que de la procédure orale.

  54. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 1er février 1995, la requérante a demandé qu'un traitement confidentiel soit réservé à certaines pièces de son dossier, au cas où la demande en intervention serait admise.

  55. Par ordonnance du président de la première chambre élargie du Tribunal du 19 mai 1995, la demande en intervention de P & G a été admise et la confidentialité accordée à la requérante pour plusieurs pièces du dossier.

  56. Par ordonnance du 16 août 1995, Kaysersberg/Commission (T-290/94, Rec. p. II-2249), le Tribunal a rejeté la demande de dérogation au régime linguistique présentée par P & G, en tant que cette demande concernait la procédure écrite, et admis P & G à s'exprimer en anglais à l'occasion de la procédure orale.

  57. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure, la Commission a été invitée, le 24 janvier 1997, à répondre à certaines questions écrites et à produire des versions non confidentielles de certains documents. La Commission a répondu aux questions écrites posées par le Tribunal et versé les documents demandés, le 19 février 1997.

  58. Les parties principales et la partie intervenante ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l'audience du 23 avril 1997.

  59. La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    • annuler la décision de la Commission du 21 juin 1994;

    • condamner la Commission aux dépens.



  60. La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    • rejeter le recours;

    • condamner la requérante aux dépens.



  61. La partie intervenante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    • déclarer, sans examiner le fond de l'affaire, le recours irrecevable à défaut pour la requérante d'avoir démontré un intérêt à agir; ou,

    • rejeter le recours comme non fondé;

    • condamner la requérante aux dépens, en ce compris les dépens encourus par la partie intervenante.



  62. Dans ses observations en réponse au mémoire en intervention, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    • rejeter l'ensemble des moyens soulevés par la partie défenderesse;

    • condamner la partie intervenante aux dépens.

    Sur la recevabilité

    Exposé sommaire de l'argumentation des parties

  63. Dans sa requête, la partie requérante expose qu'elle est recevable, au titre de l'article 173, quatrième alinéa, du traité CE, à demander l'annulation de la décision. Elle fait valoir, tout d'abord, qu'elle a participé activement à la procédure précédant l'adoption de la décision. Par ailleurs, elle serait directement et individuellement concernée, en tant qu'opérateur de premier rang en France et en Belgique dans les secteurs de l'hygiène féminine, du papier-tissu et de l'hygiène pour bébés, en ce que l'opération serait de nature à restreindre davantage l'accès au marché allemand, en particulier celui des serviettes hygiéniques. Or, il s'agirait déjà d'un marché fermé, sur lequel elle aurait tenté de s'implanter, sans succès, malgré des investissements commerciaux ininterrompus et la proximité de son site de production. Enfin, la décision l'aurait privée de l'opportunité de se porter acquéreuse de l'activité Camelia, en laissant la possibilité à P & G de céder cette activité dans des conditions non transparentes à Kimberly Clark.

  64. La Commission n'a pas présenté d'observations quant à la recevabilité du recours.

  65. La partie intervenante P & G considère que le recours en annulation doit être déclaré irrecevable. Tout en admettant que la Commission n'a pas contesté la recevabilité du présent recours et que, en tant que partie intervenante, elle n'a pas qualité pour soulever une exception d'irrecevabilité, elle fait observer que, dans un tel cas, la Cour a déjà procédé à un examen d'office de la recevabilité (arrêt du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225/91, Rec. p. I-3203, point 13).

  66. En l'espèce, la décision n'aurait eu aucune influence significative sur la position concurrentielle de la requérante, de sorte qu'elle ne pourrait être considérée comme directement et individuellement concernée, au sens de l'article 173 du traité (arrêt de la Cour du 10 décembre 1969, Eridania e.a./Commission, 10/68 et 18/68, Rec. p. 459). A cet égard, la partie intervenante fait valoir qu'elle n'a gagné aucune part de marché dans le secteur de l'hygiène féminine puisque, simultanément à l'acquisition de VPS, elle s'est défait non seulement de l'activité Camelia conformément à la décision, mais également de l'activité non-Camelia. De même, la partie intervenante relève qu'elle n'a acquis aucune des activités de VPS sur le marché des couches pour bébés. Quant au secteur du papier sanitaire et domestique, les parts de marché acquises seraient négligeables.

  67. Par ailleurs, la décision n'aurait pas privé la requérante de la possibilité d'acquérir l'activité Camelia, celle-ci n'ayant d'ailleurs jamais manifesté une telle intention, malgré l'engagement de cession pris par P & G.

  68. Enfin, la requérante n'aurait aucun intérêt à agir, dès lors qu'une éventuelle annulation de la décision ne lui apporterait aucune compensation et, en particulier, ne lui permettrait pas d'acquérir l'activité Camelia. En outre, la Commission aurait tenu le plus grand compte des objections formulées par la requérante pendant laprocédure administrative.

    Appréciation du Tribunal

  69. Le Tribunal relève que la partie défenderesse n'a pas conclu à l'irrecevabilité du recours et s'est limitée à demander que le recours soit rejeté sur le fond. Or, il y a lieu de rappeler que, selon l'article 37, quatrième alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l'article 46, premier alinéa, dudit statut, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties. En outre, aux termes de l'article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, la partie intervenante accepte le litige dans l'état où il se trouve lors de son intervention.

  70. Il en résulte que la partie intervenante n'a pas qualité pour soulever une exception d'irrecevabilité et que le Tribunal n'est dès lors pas tenu d'examiner les moyens d'irrecevabilité qu'elle invoque (arrêts de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313/90, Rec. p. I-1125, points 20 à 22, et Matra/Commission, précité, point 12, et arrêts du Tribunal du 22 octobre 1996, Skibsvearftsforeningen e.a./Commission, T-266/94, Rec. p. II-1399, point 39, et du 12 décembre 1996, Leclerc/Commission, T-19/92, Rec. p. II-1851, point 50).

  71. Dans les circonstances de l'espèce, le Tribunal considère qu'il n'y a pas lieu d'examiner d'office la recevabilité du présent recours.

    Sur le fond

  72. A l'appui de son recours, la requérante soulève cinq moyens tirés de diverses violations des formes substantielles, et un sixième moyen tiré d'erreurs manifestes d'appréciation.

  73. Le premier moyen est pris d'un défaut de consultation réelle et sérieuse du comité consultatif en matière de concentrations, en violation de l'article 19, paragraphes 5 et 6, du règlement n° 4064/89. Le deuxième moyen est tiré d'une violation de l'article 18 du règlement n° 4064/89, en ce que la requérante n'aurait pas été mise en mesure de présenter ses observations sur le contenu des engagements de P & G. Par son troisième moyen, la requérante reproche à la Commission d'avoir accepté une modification substantielle de la notification, en violation des articles 6 et 8 du règlement n° 4064/89 et de la section I du règlement n° 2367/90. Le quatrième moyen est tiré d'une violation des principes généraux du droit communautaire, des dispositions du règlement n° 4064/89 et du règlement n° 2367/90, en ce que la Commission n'aurait pas observé des délais suffisants et raisonnables avant d'adopter la décision. Le cinquième moyen est tiré d'un défaut de motivation, en violation de l'article 190 du traité CE. Enfin, le sixième moyen est tiré d'une violation des articles 2 et 8 du règlement n° 4064/89, en ce que la Commission aurait commis des erreurs manifestes d'appréciation quant aux effets de l'opération sur plusieurs marchés.

    Sur le premier moyen, tiré d'un défaut de consultation réelle et sérieuse du comité consultatif

    Exposé sommaire de l'argumentation des parties

  74. La requérante soutient que la consultation du comité consultatif n'a pas été effectuée dans les conditions requises par l'article 19, paragraphes 5 et 6, du règlement n° 4064/89. Le comité consultatif n'aurait pas disposé du temps nécessaire pour examiner les propositions d'engagements de P & G relatifs à la cession de Camelia et émettre un avis réel et sérieux sur le projet de concentration. Convoqué par la Commission le 15 juin 1994, le comité consultatif se serait, en effet, réuni le 20 juin suivant, soit moins de quatorze jours après l'envoi de la convocation, contrairement aux prescriptions de l'article 19, paragraphe 5, susvisé. Or, la Commission n'aurait pas démontré, en l'espèce, qu'elle avait abrégé le délai de convocation, à titre exceptionnel, en vue d'éviter un risque de préjudice grave dans le chef de P & G.

  75. En outre, les éléments transmis au comité consultatif, en vue de sa réunion, ne lui auraient pas permis d'avoir une connaissance exacte et fidèle du projet de concentration. Ainsi, d'une part, le comité aurait rendu son avis sans avoir connaissance de l'importance réelle de l'activité non-Camelia de VPS, dès lors que l'engagement initial de céder cette activité figurait toujours dans les propositions d'engagements de P & G du 15 juin, soumises à l'analyse du comité. D'autre part, les modalités de cession de l'activité Camelia, prévues dans les propositions du 15 juin, auraient été substantiellement amendées à la suite de la réunion du comité dans la mesure où, alors qu'il était initialement prévu que P & G céderait cette activité à un tiers de son choix, les engagements définitifs se sont avérés plus contraignants.

  76. La Commission fait valoir que, selon la jurisprudence, la méconnaissance de la règle des quatorze jours n'est pas susceptible, à elle seule, d'entacher d'illégalité une décision adoptée sur le fondement du règlement n° 4064/89, lorsque la convocation a été adressée dans des conditions ayant permis au comité de rendre son avis en pleine connaissance de cause (arrêt du Tribunal du 10 juillet 1991, RTE/Commission, T-69/89, Rec. p. II-485). En outre, dans le domaine des concentrations, il conviendrait de tenir compte de la brièveté des délais qui caractérisent l'économie générale du règlement n° 4064/89 (arrêt du Tribunal du 28 octobre 1993, Zunis Holding e.a/Commission, T-83/92, Rec. p. II-1169, point 38). La Commission souligne, à cet égard, que, en vertu de l'article 19, paragraphe 5, dernière phrase, du règlement n° 4064/89, elle peut exceptionnellement abréger le délai de quatorze jours en vue d'éviter un préjudice grave à une ou plusieurs des entreprises intéressées par une opération de concentration. Sans invoquer l'hypothèse d'un risque de préjudice grave dans le chef de P & G, la Commission fait valoir, toutefois, qu'elle pouvait craindre une détérioration de la situation de VPS en l'absence de décision rapide.

  77. La Commission considère en tout état de cause que, eu égard aux circonstances de l'espèce, le délai laissé au comité consultatif pour examiner les propositions d'engagements de P & G du 15 juin, consistant finalement à céder l'activité Camelia, était suffisant pour lui permettre de rendre son avis en pleine connaissance de cause. Elle fait observer que les autorités nationales ont été étroitement et constamment associées à la procédure, notamment par l'envoi des pièces principales du dossier et la tenue de deux auditions formelles, et que le comité s'était déjà réuni une première fois le 27 mai 1994.

  78. Par ailleurs, le contenu de l'engagement définitif de P & G, consistant à ne pas acquérir l'activité Camelia, ne serait pas substantiellement différent des propositions du 15 juin communiquées au comité consultatif. Seules les modalités d'exécution auraient été renforcées à la suite de son avis. Quant à l'engagement initial de P & G de ne pas acquérir l'activité non-Camelia, la Commission fait valoir qu'il était encore d'actualité lors de la réunion du comité consultatif et que, seule une minorité du comité ayant considéré que P & G devait également se désinvestir de cette activité, elle a décidé, en ligne avec l'avis majoritaire, de ne pas demander à P & G de le mettre en oeuvre.

  79. La partie intervenante souligne que les derniers amendements à ses propositions du 15 juin 1994, acceptés par elle à la suite de la réunion du comité, sont de nature essentiellement procédurale et ont été effectués par la Commission afin de tenir compte des observations des autorités nationales et des tiers. La Commission aurait donc repris intégralement l'opinion exprimée par le comité consultatif alors, pourtant, qu'elle n'est pas liée par ses avis. Elle fait valoir, en outre, qu'aucune contestation n'a été élevée par le comité consultatif en ce qui concerne le délai de convocation.

    Appréciation du Tribunal

  80. Il convient de rappeler, à titre liminaire, qu'en vertu de l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89 le comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises est consulté préalablement à l'adoption de toute décision prise, notamment, en application de l'article 8, paragraphe 2, dudit règlement. Selon l'article 19, paragraphe 5, du même règlement, la réunion du comité a lieu au plus tôt quatorze jours après l'envoi de la convocation, la Commission pouvant exceptionnellement abréger ce délai, de manière appropriée, en vue d'éviter un préjudice grave à une ou plusieurs entreprises concernées par une opération de concentration. L'article 19, paragraphe 6, du règlement dispose, par ailleurs, que la Commission «tient le plus grand compte de l'avis émis par le comité».

  81. Il est constant, en l'espèce, que la convocation du comité consultatif, en vue de sa seconde réunion du 20 juin 1994, n'a pas été effectuée dans le délai de quatorze jours visé à l'article 19, paragraphe 5, du règlement n° 4064/89. Le Tribunal relève, par ailleurs, que la Commission, tout en évoquant sa préoccupation devant une détérioration éventuelle de la situation de VPS à défaut de l'adoption rapide d'une décision, ne prétend pas avoir abrégé le délai de convocation du comité consultatif en vue d'éviter, à cette entreprise ou à P & G, un préjudice grave. A cet égard, il ressort en outre des observations non contestées de la requérante qu'aucune de ces deux entreprises n'a demandé à la Commission, lors de la procédure administrative, le bénéfice de l'article 7, paragraphe 4 du règlement, en vertu duquel la Commission peut autoriser, par voie d'exception, la réalisation d'une concentration en cours de procédure, en vue, précisément, d'éviter un préjudice grave à une ou plusieurs entreprises concernées par une opération de concentration.

  82. Toutefois, le Tribunal estime que la méconnaissance du délai de convocation du comité consultatif, même en l'absence de circonstances exceptionnelles ayant trait à un risque de préjudice grave au sens de l'article 19, paragraphe 5, du règlement n° 4064/89, n'est pas, à elle seule, susceptible d'entacher d'illégalité la décision finale de la Commission. En effet, il y a lieu de relever que le délai de quatorze jours susvisé constitue une règle de procédure purement interne, à l'instar du délai de convocation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, fixé à l'article 10, paragraphe 5, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après «règlement n° 17»), aux termes duquel il est également prévu que la consultation du comité «a lieu au plus tôt quatorze jours après l'envoi de la convocation». Or, selon une jurisprudence constante, la méconnaissance d'une telle règle n'est susceptible d'entacher d'illégalité la décision finale de la Commission que si elle présente un caractère suffisamment substantiel et si elle a affecté, de façon préjudiciable, la situation juridique et matérielle de la partie qui invoque un vice de procédure (arrêt RTE/Commission, précité, point 27). Tel ne saurait être le cas lorsque le comité consultatif a, en fait, disposé d'un délai suffisant pour lui permettre de prendre connaissance des éléments importants de l'affaire et a pu rendre son avis en pleine connaissance de cause, c'est-à-dire sans être induit en erreur sur un point essentiel par des inexactitudes ou des omissions. Dans une telle hypothèse, la méconnaissance du délai de convocation ne peut, en effet, exercer aucune incidence sur l'issue de la procédure de consultation et, le cas échéant, sur le contenu de la décision finale.

  83. En l'espèce, il y a lieu de relever, tout d'abord, que le comité consultatif lui-même ne s'est pas opposé à ce que sa réunion ait lieu à la date fixée par la Commission, soit moins de quatorze jours après sa convocation.

  84. Le Tribunal estime, ensuite, qu'il ressort de l'avis même du comité consultatif que celui-ci a pu, en dépit de la brièveté du délai qui lui était accordé, se prononcer en pleine connaissance de cause sur les engagements proposés par P & G et, partant, sur le projet de décision de la Commission. Il convient, en effet, de souligner que le comité, tout en se déclarant d'accord avec la Commission pour considérer que les engagements concernant le cession de l'activité Camelia étaient suffisants pour assurer la compatibilité de l'opération avec le marché commun et l'Espace économique européen, a également émis l'avis que devaient être clarifiés et effectivement appliqués certains aspects concernant, respectivement, la nomination d'un trustee, la mise en place d'un délai de cession réduit, les qualités de l'acquéreur potentiel, l'indépendance de la direction de Camelia jusqu'à l'accomplissement de la cession et, enfin, la possibilité pour la Commission d'examiner les caractéristiques des acquéreurs potentiels et de contrôler l'application des engagements (voir ci-dessus point 39). Il apparaît ainsi que, endépit de la méconnaissance du délai de convocation, le comité consultatif a néanmoins disposé du temps nécessaire pour formuler des recommandations précises quant aux conditions dans lesquelles la cession proposée de l'activité Camelia de VPS devait, selon lui, être effectuée.

  85. Le Tribunal constate, par ailleurs, que lesdites recommandations du comité concernant les modalités de cession de l'activité Camelia ont, pour l'essentiel, été intégralement reprises dans la version définitive des engagements élaborée à la suite de sa réunion. En particulier, l'état définitif des engagements, tel qu'il figure au point 186 des considérants de la décision, prévoit qu'un trustee sera nommé par P & G, et approuvé par la Commission, à la date échue de l'acquisition de VPS, afin d'assurer la cession de l'activité Camelia à un acquéreur viable, ou encore que l'acquéreur devra pouvoir développer l'activité Camelia de manière à faire concurrence «aux produits d'hygiène féminine de P & G sur les divers marchés concernés» (voir ci-dessus point 53). A cet égard, l'argument de la requérante tiré de ce que les modalités de la cession de l'activité Camelia ont, par conséquent, été substantiellement modifiées à la suite de la réunion du comité, en étant rendues plus contraignantes, ne saurait être de nature à démontrer que ce dernier a été induit en erreur sur un point essentiel. En effet, dans la mesure où ces modifications ont précisément été effectuées sur la base des recommandations du comité consultatif, en vue de renforcer les modalités d'exécution de l'engagement de P & G de céder cette activité, les modifications ainsi apportées, loin d'établir que le comité n'a pu statuer en pleine connaissance de cause, démontrent, au contraire, que la Commission a tenu le plus grand compte de l'avis de ce dernier, conformément aux prescriptions de l'article 19, paragaraphe 6, du règlement n° 4064/89.

  86. Quant à l'argumentation de la requérante, selon laquelle le comité consultatif n'aurait pas pu évaluer l'importance réelle de l'activité non-Camelia, au motif que les propositions d'engagements de P & G du 15 juin 1994, qui lui ont été transmises lors de sa convocation, ne prévoyaient pas expressément l'abandon de l'engagement initial de céder cette activité, le Tribunal estime qu'elle ne saurait davantage être accueillie.

  87. Certes, le Tribunal relève que les propositions d'engagements de P & G, communiquées au comité consultatif, ne contenaient pas de stipulation expresse en ce qui concerne le sort de l'activité non-Camelia de VPS, et que ce n'est que par lettre du 16 juin, c'est-à-dire postérieurement à la convocation du comité consultatif, que P & G a indiqué à la Commission qu'elle confirmait son intention de conserver cette activité.

  88. Toutefois, le Tribunal constate, en premier lieu, que ni l'absence de clause relative à l'activité non-Camelia dans les propositions d'engagements de P & G communiquées au comité consultatif le 15 juin 1994, ni le fait que P & G ait expressément informé la Commission de son intention de conserver cette activité postérieurement à la convocation du comité consultatif, n'ont été de nature à empêcher ce dernier de statuer sur la question de savoir si P & G devait être également contrainte de céder l'activité non-Camelia. Cette interprétation est confirmée par le fait que, aux termes de l'avis du comité consultatif, seule une minorité de ses membres a considéré, à l'issue de la réunion, que «Procter & Gamble devrait être également contrainte de désinvestir les activités de protection hygiénique féminine sous les 'marques de distributeur et secondaires‘ de VPS Schickedanz» (voir, ci-dessus, point 39, le paragraphe 11 de l'avis du comité consultatif). Il en résulte que, ainsi qu'il ressort des observations non contestées de la Commission, le comité consultatif a, en tout état de cause, été informé des intentions de P & G concernant l'activité non-Camelia lors de l'ouverture de sa réunion.

  89. En second lieu, l'examen du dossier ne révèle aucun indice susceptible de mettre en doute le fait que le comité consultatif disposait de tous les éléments d'appréciation nécessaires en vue d'évaluer l'importance de l'activité non-Camelia de VPS. Il apparaît, au contraire, que les autorités des États membres ont fait l'objet d'une association étroite et constante à la procédure d'examen du projet de concentration et que leurs représentants au sein du comité consultatif pouvaient ainsi connaître, au moment de cette seconde réunion, l'ensemble des éléments importants du dossier concernant, notamment, la part de marché de cette activité. En effet, outre qu'une telle association implique, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89, l'envoi de la notification et des pièces les plus importantes de la procédure, il ressort du dossier que les représentants des États membres ont, en l'espèce, assisté aux auditions formelles organisées par la Commission les 25, 26 avril et 6 mai 1994, au cours desquelles ont été entendues les parties notifiantes et les tiers, et se sont réunis une première fois, au sein du comité consultatif, le 27 mai 1994, en vue de se prononcer sur le premier projet de décision de la Commission. Or, bien que le comité ait alors rendu son avis sur la base d'un projet d'interdiction de la concentration, il n'en demeure pas moins que l'appréciation de l'opération, telle qu'initialement notifiée, impliquait nécessairement l'analyse de la portée de l'engagement, alors proposé par P & G, de céder l'activité non-Camelia de VPS, et l'évaluation, à cet effet, de l'importance de cette activité sur le marché concerné.

  90. Dans ces conditions, et eu égard au fait qu'il n'a pas été allégué qu'un élément important et nouveau concernant l'importance de l'activité non-Camelia n'aurait pas été communiqué au comité consultatif, le Tribunal estime que celui-ci a pu rendre son avis en pleine connaissance de cause quant à la nécessité pour P & G de se désinvestir de cette activité.

  91. Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

    Sur le deuxième moyen, tiré d'un défaut de consultation des tiers sur les engagements de P & G

    Exposé sommaire de l'argumentation des parties

  92. La requérante soutient que la procédure de consultation des «concurrents intéressés» a été méconnue, en violation de l'article 18, paragraphes 1, 3 et 4, du règlement n° 4064/89. Se référant à l'arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, Rec. p. 461), elle fait valoir qu'elle n'a pas été mise en mesure de faire utilement connaître son point de vue sur les engagements de P & G, dès lors que la Commission, d'une part, ne lui aurait laissé qu'un délai de deux jours ouvrables pour faire valoir ses observations sur les propositions de P & G, et, d'autre part, se serait abstenue de lui communiquer, pour avis préalable, la version finale des engagements de P & G, en dépit des modifications apportées par la suite à ces propositions. Par conséquent, elle n'aurait pas pu formuler de remarques sur la situation créée par l'acquisition de l'activité non-Camelia de VPS par P & G, car les propositions d'engagements de P & G communiquées aux tiers, le 15 juin 1994, ne permettaient pas de considérer que l'engagement initial de céder l'activité non-Camelia serait retiré.

  93. La requérante conteste l'argumentation de la Commission selon laquelle les entreprises tierces ne pourraient se prévaloir que de l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89. Selon elle, la jurisprudence invoquée par la Commission, relative aux droits procéduraux des tiers dans le cadre de l'application du règlement n° 17, ne serait pas pertinente en l'espèce, dans la mesure où les raisonnements suivis ne sont pas transposables à la mise en oeuvre du règlement n° 4064/89 et où les faits, dans les affaires citées, étaient différents.

  94. En tout état de cause, à supposer qu'il existe une différence de traitement par rapport aux entreprises visées à l'article 18, paragraphes 1, 2 et 3, du règlement n° 4064/89, la requérante estime que l'article 18, paragraphe 4, dudit règlement exigeait qu'elle soit entendue en temps utile par la Commission, et sur la base d'une information complète. Les tiers disposeraient en effet du droit d'être associés à la procédure administrative, afin de sauvegarder leurs intérêts légitimes (arrêt du Tribunal du 15 juillet 1994, Matra Hachette/Commission, T-17/93, Rec. p. II-595). Le droit, pour les concurrents, d'intervenir lors de la procédure devrait être d'autant plus respecté dans le cadre du contrôle des concentrations, en raison de la difficulté de rétablir a posteriori la situation antérieure à la concentration. Par ailleurs, la réduction des droits des tiers résultant de l'absence d'une procédure de plainte devrait être compensée par la possibilité pour ceux-ci d'avoir connaissance de tous les engagements pris par les parties lors de la procédure. En outre, dans le cadre du règlement n° 17, les plaignants seraient informés du résultat des engagements pris par les entreprises visées dans la plainte, et la Commission n'adopterait de décision définitive qu'après avoir reçu leurs observations à cet égard (arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 4487).

  95. La Commission fait valoir que l'article 18, paragraphes 1, 2 et 3 du règlement n° 4064/89 ne vise que les entreprises intéressées par une opération de concentration, en l'espèce P & G, GGS et VPS, et non les entreprises tierces telles que la requérante, laquelle ne saurait, dès lors, se prévaloir que du seul paragraphe 4 de cet article (arrêt du Tribunal du 24 mars 1994, Air France/Commission, dit «Dan Air», T-3/93, Rec. p. II-121, point 81). En outre, la Cour et le Tribunal auraient, à plusieurs reprises, rappelé la distinction entre le droit des entreprises intéressées à être entendues et les droits des tiers dans les divers règlements procéduraux en matière de concurrence (arrêts de la Cour du 9 juillet 1987, Ancides/Commission, 43/85, Rec. p. 3131, et BAT et Reynolds/Commission, précité; arrêt Matra Hachette/Commission, précité). S'agissant de l'argument selon lequel aucune comparaison ne peut être effectuée entre la procédure de contrôle des concentrations et la mise en oeuvre des articles 85 et 86, la Commission fait observer que les contrôles qu'elle exerce au titre des articles 85, 86, et 92 à 94 du traité, et du règlement n° 4064/89 visent, de façon complémentaire, à assurer un régime de concurrence non faussée dans le marché commun. Quant à l'absence d'une procédure de plainte dans le cadre du contrôle des concentrations, la Commission rétorque qu'il s'agit d'un choix du législateur communautaire et que, de toute façon, l'article 4, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 4064/89 oblige les entreprises parties à une concentration de dimension communautaire à la notifier, et la Commission à publier au Journal officiel des Communautés européennes le fait de la notification.

  96. En l'espèce, la Commission considère, en premier lieu, qu'elle n'a pas violé l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89 en ne concédant à Kaysersberg qu'un délai de deux jours ouvrables pour examiner les engagements proposés par P & G. Elle soutient que, compte tenu de sa participation à toute la procédure, la requérante savait que la question de la revente de Camelia constituait le principal obstacle à l'autorisation de l'opération et qu'elle ne pouvait être surprise par les propositions d'engagements de P & G. En outre, le fait que la requérante lui ait adressé ses observations dès le 17 juin, au lieu du 20, démontrerait qu'elle a pu utilement faire valoir son point de vue.

  97. La Commission estime, en second lieu, qu'elle n'a pas violé les droits procéduraux de la requérante en ne lui communiquant pas la version finale des engagements de P & G afin de solliciter ses observations à leur égard. Tout d'abord, les tiers, à l'inverse des entreprises visées par l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 4064/89, ne disposeraient pas d'un droit d'être entendus à tous les stades de la procédure d'examen d'une concentration. En outre, les engagements définitifs de P & G tiendraient largement compte des observations des tiers, et notamment de celles de la requérante, puisque, d'une part, les modalités procédurales de la cession de Camelia auraient été renforcées et que, d'autre part, ils auraient toujours insisté, pendant la procédure, sur la portée insignifiante de l'engagement initial de P & G de céder l'activité non-Camelia de VPS. La Commission en déduit qu'elle n'était pas tenue de consulter les tiers sur la version finale des engagements dès lors que, notamment à la lumière de leurs observations antérieures, elle estimait que ces engagements évitaient tout risque de création d'une position dominante. Une solution contraire risquerait de la mettre dans l'impossibilité de respecter les délais prévus par le règlement n° 4064/89.

  98. La partie intervenante considère que, en vertu de l'article 18, paragraphe 4, duditrèglement, les tiers n'ont que le droit de recevoir des renseignements sommaires sur l'opération notifiée, et que la Commission n'est nullement tenue de leur communiquer les propositions d'engagements formulées en cours de procédure, afin de solliciter leurs observations. La Commission aurait ainsi permis aux tiers de faire valoir leur point de vue au-delà des obligations que lui impose le règlement n° 4064/89. En outre, la requérante n'aurait pas démontré que, si la procédure de consultation avait été conduite différemment, la teneur de la décision aurait été différente, de sorte que l'existence d'un vice de procédure ne serait pas établie.

    Appréciation du Tribunal

  99. Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, qu'il résulte clairement des dispositions de l'article 18 du règlement n° 4064/89, relatif à l'«audition des intéressés et des tiers», que la position procédurale des tiers, tels que la requérante, ne saurait être assimilée à celle des personnes, entreprises et associations d'entreprises intéressées, visées par les trois premiers paragraphes de cet article. En effet, si les personnes intéressées par l'opération de concentration en cause, qui sont les parties au projet de concentration soumis à l'examen de la Commission, bénéficient des garanties spécifiques prévues par ces dispositions en vue d'assurer le respect de leurs droits de la défense dans le déroulement de la procédure administrative, en revanche, les tiers, en ce qu'ils sont seulement susceptibles, le cas échéant, de subir les effets incidents de la décision, se voient uniquement reconnaître, par l'article 18, paragraphe 4, le droit d'être entendus par la Commission, à condition d'en avoir exprimé la demande, et après avoir justifié qu'ils bénéficient d'un intérêt suffisant à cette fin (arrêt du Tribunal du 27 avril 1995, CCE de la Société générale des grandes sources e.a/Commission, T-96/92, Rec. p. II-1213, point 56, et arrêt Dan Air, précité, point 81).

  100. Cette interprétation, contrairement à ce que soutient la requérante, est confirmée par l'arrêt Ancides/Commission, précité, dans lequel il a été jugé que les tiers qualifiés ne sauraient être assimilés aux personnes intéressées dans le cadre du règlement n° 17, dont l'article 19, paragraphe 2, prévoit expressément, en des termes identiques à ceux de l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89, que les tiers justifiant d'un intérêt suffisant doivent uniquement être entendus à leur demande (voir également l'arrêt CCE de la Société Générale des grandes sources e.a/Commission, précité, point 56). Le fait que, dans cette affaire, l'entreprise tierce n'avait pas demandé à être entendue lors de la procédure devant la Commission est dépourvu de pertinence quant à la question de savoir quelles sont les dispositions applicables aux tiers dans le cadre du règlement n° 4064/89. De même, l'argument de la requérante tiré de ce que les arrêts BAT et Reynolds/Commission et Matra Hachette/Commission, précités, concernaient l'accès des tiers au dossier n'est aucunement de nature à mettre en cause le fait que les tiers, dans le cadre du règlement n° 4064/89, sont visés par le seul article 18, paragraphe 4.

  101. Il s'ensuit que la requérante, en sa qualité de tiers à la procédure, ne saurait se prévaloir de garanties identiques à celles qui sont accordées aux personnes intéressées et, en particulier, des droits qui leur sont conférés par l'article 18, paragraphes 1 et 3, qui prévoit, notamment, que ces dernières doivent être mises en mesure, avant l'adoption d'une décision prise au titre de l'article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, «de faire connaître, à tous les stades de la procédure jusqu'à la consultation du comité consultatif, leur point de vue au sujet des objections retenues à leur encontre» et que «la Commission ne fonde ses décisions que sur les objections au sujet desquelles les intéressés ont pu faire valoir leurs observations».

  102. Toutefois, si les droits procéduraux des tiers ne sont pas aussi étendus que les droits accordés aux personnes intéressées en vue d'assurer leurs droits de la défense, il n'en demeure pas moins que les tiers qualifiés, en ce qu'ils justifient d'un intérêt suffisant, disposent, en vertu de l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89, du droit d'être entendus s'ils en ont exprimé la demande. A cet effet, l'article 15, paragraphe 1, du règlement n° 2367/90 précise que si des tiers, justifiant d'un intérêt suffisant, demandent à être entendus, conformément à l'article 18, paragraphe 4 du règlement n° 4064/89, «la Commission les informe par écrit de la nature et de l'objet de l'affaire et leur fixe un délai pour lui faire connaître leur point de vue». Aux termes du paragraphe 2 dudit article, «les tiers désignés au paragraphe 1 expriment leur point de vue, dans le délai fixé, par écrit ou oralement. Ils peuvent confirmer leurs observations orales par écrit». A l'inverse, dans le cas où les tiers justifiant d'un intérêt suffisant ne demandent pas à être entendus, la Commission «peut [leur] donner l'occasion d'exprimer leur point de vue», en application du paragraphe 3 de cet article, qui ne lui impose alors aucune obligation d'information.

  103. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les entreprises tierces, concurrentes des parties à la concentration, disposent du droit d'être entendues par la Commission, à leur demande, afin de faire connaître leur point de vue sur les effets préjudiciables du projet de concentration notifié à leur égard, un tel droit devant néanmoins être concilié avec le respect des droits de la défense ainsi qu'avec le but principal du règlement, qui est d'assurer l'efficacité du contrôle et la sécurité juridique des entreprises soumises à son application (voir, par exemple, l'ordonnance du président du Tribunal du 2 décembre 1994, Union Carbide/Commission, T-322/94 R, Rec. p. II-1159, point 36).

  104. C'est dans le cadre de ce système de protection des droits respectifs des intéressés et des tiers qu'il convient, par conséquent, de déterminer si, en l'espèce, les droits procéduraux de la requérante ont été méconnus du fait qu'elle n'aurait pas été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les engagements pris par P & G. A cet égard, la requérante fait valoir, d'une part, qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour commenter les propositions soumises par P & G le 15 juin 1994, et, d'autre part, qu'elle n'a pas été consultée sur la version définitive des engagements dont il résultait que P & G était autorisée à conserver l'activité non-Camelia.

  105. Ainsi qu'il ressort du dossier, le Tribunal constate, tout d'abord, que la requérante, avant d'être informée par la Commission, le 15 juin 1994, des propositions d'engagements présentées par P & G, a, en sa qualité de tiers qualifié, été étroitement associée à la procédure et s'est vu notamment transmettre, à la suite de sa demande d'être entendue conformément à l'article 15, paragraphe 1, du règlement n° 2367/90, une copie de la communication des griefs adressée à P & G, dont il résultait que l'acquisition par cette dernière de VPS et de sa marque Camelia était susceptible d'aboutir à la création d'une position dominante sur le marché allemand des serviettes hygiéniques. Outre la correspondance adressée à la Commission, la requérante a également participé aux auditions formelles qui ont eu lieu les 25, 26 avril et 6 mai 1994, et a notamment insisté, lors de la première de ces auditions, sur les dangers de l'acquisition par P & G de Camelia.

  106. Le Tribunal relève, ensuite, que c'est dans ce contexte, faisant apparaître que l'acquisition de l'activité Camelia de VPS par P & G constituait, aussi bien selon la Commission que selon la requérante, l'obstacle essentiel à l'autorisation du projet de concentration, que la Commission a, par télécopie du 15 juin 1994, communiqué à la requérante, sur le fondement de l'article 15 du règlement n° 2367/90, une version non confidentielle de la proposition d'engagement de P & G de ne pas acquérir l'activité Camelia de VPS, en lui demandant de lui faire connaître son point de vue avant le 20 juin suivant. Or, il ressort du dossier que, par sa lettre du 17 juin suivant, la requérante a pu présenter des observations substantielles sur l'engagement offert par P & G, en sollicitant, notamment, des modifications des modalités de cession, dont certaines, relatives aux capacités de l'acquéreur potentiel, ainsi qu'à la nécessité de subordonner le choix de l'acquéreur à l'autorisation préalable de la Commission et de garantir l'indépendance des moyens de l'activité Camelia, ont été adoptées, en substance, dans la version définitive des engagements.

  107. Dans ces conditions, et compte tenu de ce que l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 2367/90 ne prévoit aucune obligation spécifique quant à la durée du délai fixée par la Commission, le Tribunal estime que la seule circonstance que la requérante n'ait disposé que d'un délai de deux jours ouvrables pour faire valoir ses observations sur les modifications proposées par P & G au projet de concentration n'est pas, en l'espèce, de nature à démontrer que son droit d'être entendue, conféré par l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89, a été méconnu par la Commission. Cette interprétation s'impose d'autant plus que, si l'intérêt légitime des tiers qualifiés à être entendus peut exiger qu'ils disposent d'un délai suffisant à cet effet, une telle exigence doit, néanmoins, être adaptée à l'impératif de célérité qui caractérise l'économie générale du règlement n° 4064/89 et qui impose à la Commission de respecter des délais stricts pour l'adoption de la décision finale, faute de quoi l'opération est réputée compatible avec le marché commun (voir l'arrêt Dan Air, précité, point 67, et l'ordonnance du président du Tribunal du 15 décembre 1992, CCE de la Société générale des grandes sources e.a./Commission, T-96/92 R, Rec. p. II-2579, point 30).

  108. Il s'ensuit que le grief tiré de l'insuffisance du délai accordé à la requérante pour faire valoir son point de vue sur les propositions d'engagements de P & G n'est pas fondé.

  109. En ce qui concerne l'absence de communication à la requérante, pour avis préalable, de la version définitive des engagements pris par P & G en vue de modifier le projet de concentration initial, le Tribunal souligne que, par ce grief, la requérante fait valoir, en substance, qu'elle n'a pas été mise en mesure d'être entendue sur l'acquisition par P & G de l'activité non-Camelia. A cet égard, il y a lieu de constater que les propositions d'engagements de P & G communiquées à la requérante le 15 juin 1994 ne contenaient aucune stipulation concernant l'activité non-Camelia de VPS, et que ce n'est que par lettre du 16 juin suivant que P & G a confirmé à la Commission le retrait de son offre initiale de ne pas acquérir cette activité, sans que la requérante en soit expressément informée par la Commission.

  110. Toutefois, le Tribunal relève, en premier lieu, que, malgré l'absence de stipulation concernant le sort de l'activité non-Camelia, dans les propositions d'engagements de P & G communiquées à la requérante le 15 juin 1994, celle-ci ne pouvait légitimement s'attendre, à cette date, au maintien, par P & G, de son engagement initial de ne pas acquérir cette activité de VPS, ni à ce que la Commission subordonne l'autorisation du projet de concentration à la condition que cet engagement soit maintenu.

  111. En effet, d'une part, ainsi qu'il ressort du point 10 de la communication des griefs adressée à P & G, sur laquelle la requérante avait été invitée à faire connaître son point de vue, il était expressément spécifié par P & G que cette offre d'engagement ne serait maintenue que pour autant que l'opération serait déclarée compatible dans sa forme notifiée, de sorte que toute modification subséquente du projet initial de concentration avait vocation à se substituer à cet engagement proposé par P & G lors de la notification. D'autre part, le Tribunal considère que la requérante n'apporte aucun élément de preuve de nature à démontrer que la Commission aurait indiqué, lors de la procédure, qu'elle envisageait de n'autoriser l'opération qu'à la condition que soit cédé l'ensemble de l'activité hygiène féminine de VPS. Au contraire, il apparaît que la requérante avait elle-même signalé à la Commission le caractère inadéquat de cette proposition initiale, en indiquant dans ses observations du 31 janvier 1994 que «les adaptations proposées par P & G ne sont pas de nature à diminuer sa position dominante sur le marché allemand des serviettes périodiques, notamment en raison de la part décroissante et presque marginale des produits de marques Blümia et Femina». Il résulte de ces éléments que, lors de la communication des engagements proposés par P & G le 15 juin 1994, la requérante disposait de l'ensemble des informations pertinentes afin defaire valoir son point de vue, et qu'il lui appartenait, en conséquence, de faire connaître sa position quant au caractère suffisant ou non des engagements proposés.

  112. Le Tribunal constate, en second lieu, que, dans sa lettre du 17 juin 1994 susmentionnée, la requérante a effectivement exprimé son souhait que P & G s'engage à céder l'ensemble des activités hygiène féminine de VPS à un seul acquéreur, afin que ce dernier dispose d'un poids suffisant pour exercer une concurrence efficace sur le marché, ce qui, dans les circonstances de l'espèce, impliquait nécessairement qu'elle s'opposait à ce que P & G puisse être autorisée à conserver l'activité non-Camelia de VPS. Cette interprétation est confirmée par les observations mêmes de la requérante, lors de l'audience, qui a indiqué qu'elle avait ainsi pu faire valoir son point de vue sur la nécessité pour P & G de céder les activités Camelia et non-Camelia de VPS.

  113. Il apparaît ainsi que, en l'espèce, la requérante a été en mesure de faire connaître sa position quant à la portée et à la nature des engagements qui, selon elle, devaient être pris par cette entreprise, et imposés à titre de conditions ou charges par la Commission, afin que l'opération soit considérée comme compatible avec le marché commun. Or, le Tribunal estime, au regard des principes susmentionnés, que l'intérêt légitime des tiers qualifiés, tels que la requérante, de faire valoir leur point de vue sur les effets préjudiciables de la concentration sur la concurrence est pleinement sauvegardé lorsque, comme en l'espèce, ceux-ci sont mis en mesure, sur la base de l'ensemble des informations qui leur ont été communiquées par la Commission pendant la procédure engagée au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c) du règlement n° 4064/89 et, notamment, des offres d'engagements présentées par les entreprises concernées, de faire valoir leur point de vue sur les modifications qu'il est envisagé d'apporter au projet de concentration en vue de lever les doutes sérieux existant quant à sa compatibilité avec le marché commun. En effet, dans un tel cas, il est suffisamment garanti que les considérations exposées par les entreprises tierces concurrentes seront susceptibles, le cas échéant, d'être prises en compte par la Commission pour apprécier la régularité de l'opération de concentration au regard du droit communautaire, et déterminer, en particulier, si les engagements proposés par les entreprises concernées lui apparaissent suffisants à cette fin.

  114. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Commission ne saurait, au surplus, être tenue, en vertu de l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89, de communiquer aux tiers qualifiés, pour avis préalable, l'état définitif des engagements qui sont pris par les entreprises concernées sur la base des objections émises par la Commission, à la suite, notamment, des observations recueillies auprès des tiers sur les propositions d'engagements formulées par les entreprises en cause. En effet, ainsi qu'il vient d'être exposé (voir ci-dessus point 107), les tiers qualifiés ne bénéficient pas de garanties identiques à celles qui sont accordées aux personnes intéressées en vue d'assurer le respect de leurs droits de la défense dans le déroulement de la procédure devant la Commission. En particulier, l'article 18, paragraphe 1, ne donne qu'aux personnes intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue à tous les stades de la procédure, jusqu'à la consultation du comité consultatif, au sujet des objections retenues à leur encontre, en particulier lorsque la Commission envisage, comme en l'espèce, d'assortir sa décision de conditions ou de charges en vue d'assurer le respect des engagements pris par les entreprises concernées, conformément à l'article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 4064/89. Il en résulte que seules les entreprises concernées et les autres personnes intéressées, doivent, en ce qu'ils sont, en principe, les seuls destinataires de la condition imposée, être mises en mesure de faire valoir utilement leur point de vue sur les objections émises à l'encontre des engagements proposés, afin de leur permettre, le cas échéant, d'y apporter les amendements nécessaires et d'assurer le respect de leurs droits de la défense.

  115. Quant à l'argument de la requérante tiré de ce que les tiers qualifiés devraient, à l'instar des auteurs de plaintes au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17, être informés du résultat des négociations entamées par la Commission avec les entreprises concernées, il ne saurait davantage être accueilli. A cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans l'arrêt BAT et Reynolds/Commission, précité, invoqué par la requérante, la Cour a estimé que les droits des plaignants avaient été pleinement sauvegardés dès lors qu'ils avaient été informés, à l'occasion des lettres leur ayant été adressées en vertu de l'article 6 du règlement n° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO L 127, p. 2268, ci-après «règlement n° 99/63»), du résultat des négociations au vu duquel elle envisageait le classement de leurs plaintes, afin de leur permettre de présenter des observations complémentaires éventuelles. Or, le Tribunal relève qu'en l'espèce la version des engagements adressée à la requérante, afin de lui permettre de faire valoir son point de vue, correspondait également à ce qui était suffisant, selon la Commission, pour envisager une déclaration de compatibilité, et que les amendements apportés, par la suite, visaient précisément à tenir compte des observations complémentaires des tiers et du comité consultatif. Dès lors, l'argument de la requérante, fondé sur l'arrêt BAT et Reynolds/Commission, précité, n'est pas de nature à démontrer que ses droits procéduraux ont été méconnus par la Commission. En outre, et en tout état de cause, dans la mesure où le règlement n° 4064/89 n'institue aucune procédure de plainte en vue de faire constater une infraction aux règles du traité, le Tribunal considère qu'aucune analogie ne peut être effectuée, en l'espèce, entre les droits des tiers et les droits des plaignants, dans le cadre du règlement n° 17, ni, à plus forte raison, entre les dispositions de l'article 15 du règlement n° 2367/90 et l'article 6 du règlement n° 99/63.

  116. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la requérante ne saurait se prévaloir d'une violation de son droit d'être entendue, au sens de l'article 18, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89.

  117. Il s'ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

    Sur le troisième moyen, tiré de modifications substantielles de la notification

    Exposé sommaire de l'argumentation des parties

  118. La requérante soutient que la Commission a violé les articles 6 et 8 du règlement n° 4064/89, ainsi que la section I du règlement n° 2367/90, relative aux notifications, en acceptant que P & G remplace son engagement initial concernant l'activité non-Camelia par celui de ne pas acquérir le contrôle de l'activité Camelia de VPS. Il s'agirait d'une modification substantielle de la notification dans la mesure où, selon la requérante, l'engagement initial de P & G, relatif à l'activité non-Camelia de VPS, faisait partie intégrante de la notification, au même titre que celui de ne pas acquérir le contrôle de son activité «couches pour bébés». En outre, cette modification correspondrait à un changement radical de stratégie de P & G, lui permettant d'orienter la concentration vers le secteur du papier-tissu, tout en conservant une part de marché non négligeable dans le secteur de l'hygiène féminine. La requérante en déduit qu'il appartenait à la Commission de rejeter les modifications à la notification présentées par P & G, et de solliciter une nouvelle notification comportant la seule cession de l'activité Camelia, conformément à l'article 6 du règlement, qui l'obligerait à examiner une opération de concentration telle que notifiée.

  119. La Commission soutient qu'elle a elle-même décidé de ne pas imposer à P & G la revente de l'activité non-Camelia, et que P & G n'a donc pas modifié les modalités de son opération, en renonçant à ses premiers engagements. Elle fait valoir que, en vertu de l'article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 4064/89, elle ne peut imposer que des conditions et des charges strictement nécessaires à l'autorisation d'une opération de concentration, et qu'elle est en droit de ne pas reprendre, à titre de condition, un engagement initial d'une entreprise si, au vu d'engagements ultérieurs plus substantiels, celui-ci ne s'avère pas nécessaire. Cette solution serait d'autant plus justifiée, en l'espèce, qu'elle aurait toujours affirmé, pendant la procédure, que l'engagement initial de P & G relatif à l'activité non-Camelia n'était pas de nature à répondre au problème de concurrence sur le marché concerné et que les concurrents, dont la requérante, avaient eux-même souligné la portée très faible de cet engagement.

  120. La partie intervenante fait valoir que la notification portait sur l'acquisition par P & G de l'ensemble des activités de VPS dans le secteur de l'hygiène féminine et contenait toutes les informations nécessaires, tant en ce qui concerne l'activité Camelia que l'activité non-Camelia. Il existerait, en outre, une distinction nette, dans le cadre de l'opération, entre l'activité «hygiène féminine» et l'activité «hygiène bébé», puisque seule cette dernière aurait été confiée à une entité juridique distincte avant que la vente ne soit définitive. Par ailleurs, l'offre, contenue dans la notification, de ne pas acquérir le contrôle de l'activité non-Camelia aurait été soumise à la condition suspensive expresse de l'adoption d'une décision autorisant l'opération au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 4064/89, de sorte qu'elle serait devenue caduque à la suite de l'engagement de la procédure, en vertu de l'article 6, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, comme le confirmerait la lettre qu'elle a adressée à la Commission le 16 juin 1994.

    Appréciation du Tribunal

  121. Il convient de souligner que, dans le cadre du règlement n° 4064/89, l'engagement de la procédure, sur le fondement de l'article 6, paragraphe 1, sous c), constitue, entre autres, l'occasion pour les entreprises concernées de modifier le projet initial de concentration, afin de dissiper les doutes sérieux de la Commission quant à la compatibilité de l'opération avec le marché commun. Le Tribunal rappelle, à cet égard, que la possibilité ainsi conférée aux entreprises concernées d'apporter des modifications au projet notifié est expressément prévue par l'article 8, paragraphe 2, du règlement, qui dispose, d'une part, que la Commission prend une décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun «lorsqu'[elle] constate qu'une opération de concentration notifiée, le cas échéant après modifications apportées par les entreprises concernées, répond au critère défini à l'article 2, paragraphe 2» et, d'autre part, qu'elle «peut assortir sa décision de conditions et charges destinées à assurer que les entreprises concernées respectent les engagements qu'elles ont pris à l'égard de la Commission en vue de modifier le projet initial de concentration».

  122. Il s'ensuit que l'article 6 du règlement n° 4064/89, en vertu duquel la Commission «procède à l'examen de la notification» afin de déterminer, notamment, si l'opération notifiée soulève des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun, ne saurait être interprété, ainsi que la requérante le fait valoir en substance, comme obligeant la Commission à refuser les modifications apportées par les entreprises concernées au projet de concentration notifié et à solliciter une nouvelle notification.

  123. A cet égard, l'argument de la requérante tiré de ce que le retrait par P & G de l'engagement, proposé lors de la notification de l'opération, de ne pas acquérir le contrôle de l'activité non-Camelia constituerait une modification substantielle de la notification n'est aucunement de nature à démontrer que la Commission a méconnu les dispositions des articles 6 et 8 du règlement n° 4064/89, ainsi que celles de la section I du règlement n° 2367/90.

  124. En effet, il y a lieu de relever, tout d'abord, que le critère du caractère prétendument substantiel des modifications apportées à une notification est, en soi, dénué de pertinence dès lors qu'une telle éventualité est expressément envisagée par les dispositions de la section I du règlement n° 2367/90, dont l'article 3, paragraphe 2, dispose que les «modifications essentielles des éléments indiqués dans la notification dont les parties ont connaissance ou devraient avoir connaissance doivent être communiquées à la Commission volontairement et sansdélai».

  125. Par ailleurs, en l'espèce, le Tribunal estime que l'engagement proposé par P & G, dans sa notification, en ce qui concerne l'activité non-Camelia de VPS, ne constituait pas une modalité inhérente au projet de concentration notifié, à l'inverse de celui relatif au secteur «couches pour bébés» de VPS. En effet, ainsi qu'il ressort tant de la décision que de la communication des griefs adressée à P & G, cette proposition d'engagement ne faisait ni partie des accords d'acquisition conclus entre les parties à la concentration, ni l'objet d'un commencement d'exécution, à l'inverse de l'engagement de ne pas acquérir le secteur «couches pour bébés» de VPS, mais constituait, au contraire, une offre unilatérale de P & G, complétée par un accord additionnel entre les parties concernant la seule définition de cette activité et les modalités éventuelles de sa cession. Le Tribunal rappelle, de surcroît, qu'il avait été expressément spécifié, lors de l'ouverture de la procédure au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064/89, que cette proposition d'engagement serait maintenue pour autant, seulement, que l'opération soit autorisée dans sa forme notifiée.

  126. Enfin, le Tribunal relève que la requérante n'a fourni aucun élément probant de nature à mettre en cause le fait que la Commission disposait, dans le cadre de l'examen du projet tel que notifié, de l'ensemble des renseignements nécessaires concernant l'activité non-Camelia, afin, notamment, d'évaluer l'importance des parts de marché de cette activité et de déterminer si l'engagement initial ainsi proposé était adéquat pour éviter toute création d'une position dominante, au profit de P & G, sur les marchés concernés. A cet égard, il y a lieu de souligner que P & G a fourni à la Commission, par lettre du 14 février 1994, des données précises concernant les parts de marché de cette activité, et que, dans le cadre de la communication de ses griefs à P & G à l'égard du projet notifié, la Commission a tenu compte de l'importance de cette activité sur le marché. Il en résulte que la seule substitution des activités à céder et la modification des engagements ainsi proposés n'avaient pas pour effet d'altérer les données objectives concernant l'importance de ces activités, recueillies par la Commission dans le cadre de la notification et durant la procédure d'examen du projet de concentration.

  127. Quant à l'argument tiré de ce que la substitution des engagements de P & G correspondrait à une modification substantielle du point de vue industriel, le Tribunal estime qu'il est sans pertinence, dans le cadre du présent moyen, dès lors que l'objet de toute modification apportée au projet de concentration par les entreprises concernées, en vertu de l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, vise précisément à permettre que soient effectués des changements quant à l'incidence économique de l'opération, afin de la rendre compatible avec le marché commun. La question de savoir si la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation en acceptant les modifications ainsi apportées au projet initial de concentration, du fait d'une prétendue sous-évaluation des parts de marché de l'activité non-Camelia, relève de la seule appréciation au fond de la légalité de la décision.

  128. Il résulte de l'ensemble de ces considérations que le troisième moyen doit être rejeté.

    Sur le quatrième moyen, tiré de la méconnaissance de délais suffisants et raisonnables

    Exposé sommaire de l'argumentation des parties

  129. La requérante soutient que la Commission n'a pas observé des délais suffisants et raisonnables avant l'adoption de la décision, et qu'elle a, ce faisant, méconnu les principes généraux du droit communautaire ainsi que l'article 10, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89, lu en combinaison avec l'article 9 du règlement n° 2367/90.

  130. En premier lieu, la requérante reproche à la Commission d'avoir accepté les engagements proposés par P & G, malgré leur dépôt tardif. Se référant aux conclusions de l'avocat général M. Warner, sous l'arrêt de la Cour du 6 mars 1974, Istituto chemioterapico italiano et Commercial Solvents/Commission (6/73 et 7/73, Rec. p. 223), elle fait valoir que l'octroi des délais par la Commission, dans le cadre de la procédure de contrôle des concentrations, doit être effectué conformément aux principes de proportionnalité, de l'effet utile et du contradictoire. Or, en l'espèce, les délais accordés à P & G pour présenter de nouveaux engagements auraient été disproportionnés par rapport à ceux dont ont disposé les tiers et le comité consultatif pour présenter leurs observations. La Commission aurait, en effet, accepté que P & G dépose de nouveaux engagements pratiquement au terme du délai de quatre mois prévu par le règlement n° 4064/89, le 15 puis le 20 juin 1994, alors que les tiers n'auraient disposé que d'un délai de deux jours pour commenter les propositions de P & G. La Commission elle-même aurait d'ailleurs reconnu, en adoptant le règlement (CE) n° 3384/94, du 21 décembre 1994, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions prévus par le règlement n° 4064/89 (JO L 377 p. 1, ci-après «règlement n° 3384/94»), que le délai imposé par P & G, pour procéder à l'examen des propositions d'engagements, était abusif.

  131. En second lieu, la requérante soutient que, à défaut de rejet des engagements tardifs de P & G, la Commission devait, à tout le moins, ne pas avancer la date d'adoption de la décision finale du 27 juin au 21 juin 1994. La procédure suivie par la Commission serait d'autant plus déraisonnable que l'article 10, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89 lui aurait imposé, compte tenu des circonstances dont était responsable P & G, de suspendre le délai de quatre mois, fixé par le paragraphe 3 dudit article, pour recueillir des renseignements complémentaires ou ordonner des vérifications sur les engagements pris.

  132. La Commission fait valoir que P & G lui a offert les engagements litigieux le 10 juin 1994, soit dix-sept jours avant l'expiration du délai légal pour l'adoption de la décision. Selon la Commission, il n'y avait, dès lors, aucune raison majeure de refuser d'office ces propositions, d'autant plus que ni le règlement n° 4064/89 ni le règlement d'application n° 2367/90, en vigueur à l'époque des faits, ne prévoient de délai pour les offres d'engagements. En outre, elle ne pouvait appliquer un tel délai par anticipation, sans violer la confiance légitime de P & G. La Commission considère, par ailleurs, que les dispositions de l'article 10, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89 n'étaient pas applicables en l'espèce, dans la mesure où elle estimait posséder tous les éléments lui permettant d'adopter sa décision, et qu'elle était donc tenue de se prononcer, dès lors qu'il apparaissait que les doutes sérieux, visés à l'article 6, paragraphe 1, sous c), étaient levés.

  133. La partie intervenante se rallie pour l'essentiel à l'argumentation de la Commission.

    Appréciation du Tribunal

  134. En ce qui concerne, en premier lieu, le grief tiré du dépôt tardif des engagements de P & G, le Tribunal relève que ni le règlement n° 4064/89 ni le règlement d'application n° 2367/90, alors en vigueur, ne subordonnent la faculté, pour les entreprises concernées, de proposer des engagements, en vue de modifier le projet de concentration notifié, à la condition que soit respecté un délai préfix. Or, selon une jurisprudence constante, la légalité de l'acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de droit et de fait existant à la date où l'acte a été adopté (voir arrêt de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 7, et arrêts du Tribunal du 22 octobre 1996, SNCF et British Railways/Commission, T-79/95 et T-80/95, Rec. p. II-1491, point 48, et du 22 janvier 1997, Opel Austria/Conseil, T-115/94, Rec. p. II-39, point 87). Il s'ensuit que l'argument selon lequel les dispositions du règlement postérieur n° 3384/94 conduiraient à reconnaître le caractère tardif des engagements proposés par P & G est inopérant pour faire valoir que la Commission était tenue de refuser les modifications apportées par les entreprises concernées au projet de concentration initial.

  135. Quant à l'argument selon lequel les délais accordés aux différents intervenants à la procédure auraient été disproportionnés, il convient de souligner, tout d'abord, que P & G a fait part à la Commission de ses propositions d'engagements, le 10 juin 1994, soit dix-sept jours avant l'expiration du délai légal, fixé à l'article 10, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89, dont les modalités de calcul sont précisées à la section II du règlement n° 2367/90. Eu égard au fait que les engagements en cause, visant à céder à un tiers l'activité Camelia, correspondaient à l'exigence essentielle posée par la Commission, pendant la procédure, pour autoriser l'opération de concentration envisagée, le Tribunal estime que la Commission n'était pas en mesure de refuser de procéder à leur examen, en l'absence de disposition spécifique dans les règlements nos 4064/89 et 2367/90, concernant les délais dans lesquels les entreprises concernées peuvent présenter des engagements en vue de modifier le projet de concentration initial.

  136. En outre, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu'il a été constaté dans le cadre de l'examen des deux premiers moyens du présent recours, le comité consultatif a pu émettre son avis en toute connaissance de cause sur le projet de concentration modifié, et la requérante a été mise en mesure de faire valoir son point de vue sur les engagements proposés par P & G, de sorte que les délais qui leur étaient accordés, en l'espèce, ne sauraient être considérés comme insuffisants.

  137. Il résulte de ces éléments qu'il n'est pas démontré que, dans les circonstances de l'espèce, la Commission a dépassé les limites de ce qui était approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, qui, dans l'économie du règlement n° 4064/89, est d'assurer l'efficacité du contrôle et la sécurité juridique des entreprises concernées, et, à cet effet, de respecter des délais stricts (voir l'ordonnance CCE de la Société Générale des grandes sources e.a./Commission, précitée, point 30).

  138. En ce qui concerne, en second lieu, le grief tiré des délais dans lesquels la Commission a adopté la décision litigieuse, le Tribunal rappelle qu'en vertu de l'article 10, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89 «les décisions prises en application de l'article 8, paragraphe 2, concernant des opérations de concentration notifiées doivent intervenir dès qu'il apparaît que les doutes sérieux visés à l'article 6, paragraphe 1, point c) sont levés, notamment en raison de modifications apportées par les entreprises concernées et au plus tard dans le délai fixé au paragraphe 3», à savoir un délai maximal de quatre mois à compter de l'engagement de la procédure. Par ailleurs, selon l'article 10, paragraphe 4, du règlement, «le délai fixé au paragraphe 3 est exceptionnellement suspendu lorsque la Commission, en raison de circonstances dont une des entreprises participant à la concentration est responsable, a été contrainte de demander un renseignement par voie de décision en application de l'article 11 ou d'ordonner une vérification par voie de décision en application de l'article 13». L'article 9 du règlement n° 2367/90 précise les cas spécifiques visés à l'article 10, paragraphe 4, et les modalités de suspension du délai.

  139. Il ressort de ces dispositions que la suspension du délai ne peut être ordonnée que dans la seule mesure où la Commission estime ne pas disposer de toutes les informations nécessaires pour adopter sa décision. La Commission ayant considéré, en l'espèce, dans le cadre du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré à cet effet, qu'elle disposait de tous les éléments d'information en vue de prendre une décision, le Tribunal estime qu'elle ne pouvait, sans violer l'article 10, paragraphe 4, du règlement n° 4064/89, suspendre le délai de quatre mois auquel elle est soumise, au seul motif que P & G aurait présenté ses propositions d'engagements dans un délai prétendument tardif, mais qu'elle était tenue, au contraire, d'adopter sa décision dès qu'il lui apparaissait que les doutes sérieux à l'égard de l'opération étaient levés. Dans ces conditions, l'argument de la requérante selon lequel la Commission était tenue de suspendre le délai, fixé à l'article 10, paragraphe 3, du règlement n° 4064/89, ou, à tout le moins, de ne pas adopter sa décision six jours avant le terme de ce délai, ne saurait être accueilli.

  140. De l'ensemble de ce qui précède, il résulte que le quatrième moyen doit êtrerejeté.

    Sur le cinquième moyen, tiré d'un défaut de motivation

    Exposé sommaire de l'argumentation des parties

  141. La requérante estime que la Commission a violé l'article 190 du traité CE en ce qu'elle n'aurait pas exposé, dans sa décision, les raisons l'ayant conduite à accepter le remplacement des premiers engagements de P & G, relatifs à la cession de l'activité non-Camelia de VPS, par ceux portant sur la cession de l'activité Camelia. En outre, la décision ne contiendrait aucune analyse économique des effets de l'acquisition, par P & G, de l'activité non-Camelia, ce qui serait dû, selon la requérante, à une méconnaissance, par la Commission, des données relatives au marché allemand en ce qui concerne les marques de distributeur.

  142. La Commission rappelle que, selon une jurisprudence constante (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661; arrêt du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission T-44/90, Rec. p. II-1), elle n'est pas tenue de discuter tous les points de fait et de droit qui auraient été traités par chaque intéressé et, à plus forte raison, par les tiers, au cours de la procédure administrative, mais qu'il suffit d'exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision. En l'espèce, elle aurait, d'une part, insisté, tout au long de la procédure, sur la portée limitée et le caractère inopérant des premiers engagements de P & G, et, d'autre part, exposé, dans sa décision, les raisons pour lesquelles les engagements portant sur la cession de Camelia lui paraissaient nécessaires et suffisants, pour que l'opération ne soit pas incompatible avec le marché commun.

  143. La partie intervenante considère que la Commission expose de manière adéquate, au point 187 de sa décision, les raisons pour lesquelles elle n'a pas cru nécessaire d'exiger de P & G qu'elle se défasse de l'activité non-Camelia en plus de Camelia.

    Appréciation du Tribunal

  144. S'agissant du grief tiré d'un défaut de motivation en ce qui concerne la substitution des engagements proposés par P & G, il convient de rappeler, à titre liminaire, qu'il est de jurisprudence constante que, si, en vertu de l'article 190 du traité, la Commission est tenue de motiver ses décisions en mentionnant les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l'ont amenée à prendre sa décision, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par chaque intéressé au cours de la procédure administrative (voir l'arrêt du Tribunal du 19 mai 1994, Air France/Commission, dit «TAT», T-2/93, Rec. p. II-323, point 92). En outre, la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir l'arrêt de la Cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C-56/93, Rec. p. I-723, point 86 et l'arrêt Skibsveaftsforeningen e.a/Commission, précité, point 230).

  145. En l'espèce, le Tribunal considère que la motivation de la décision fait apparaître clairement les raisons pour lesquelles la Commission a estimé que l'acquisition par P & G de l'activité non-Camelia de VPS n'était pas susceptible d'aboutir à la création d'une position dominante au profit de P & G en Allemagne, ou au renforcement d'une telle position en Espagne, de sorte que l'engagement proposé par P & G de céder l'activité Camelia lui apparaissait suffisant pour que l'opération soit déclarée compatible avec le marché commun.

  146. En effet, il y a lieu de souligner qu'au point 187 de sa décision (voir ci-dessus point 54) la Commission, après avoir pris acte de la substitution des marques devant être cédées par P & G, a exposé, tout d'abord, au moyen d'un tableau, la structure du marché des serviettes hygiéniques, en Allemagne et en Espagne, après la concentration, en tenant compte de l'acquisition par P & G de l'activité non-Camelia de VPS et de la cession de Camelia à un tiers. Sur cette base, elle a constaté que, sur le marché allemand, même si P & G augmentait sa part de marché de 6,9 % pour atteindre une part totale de 43,2 % (en valeur), cette augmentation serait attribuable uniquement à son acquisition de l'activité non-Camelia de VPS (à savoir les marques autres que haut de gamme), alors que sa marque Always serait soumise à la concurrence de deux fabricants importants de serviettes de marques haut de gamme, Camelia et Johnson & Johnson, chacun détenant respectivement des parts de marché de 24,5 % et de 13,4 %. Dans ces conditions, ayant, par ailleurs, relevé qu'en Espagne la part de marché de P & G n'augmenterait que de 0,1 %, la Commission en a conclu que «les engagements offerts par P & G eu égard à l'activité de produits d'hygiène féminine de marque Camelia de VPS sont suffisants pour empêcher la création ou le renforcement d'une position dominante sur les marchés allemand et espagnol, voire même ailleurs dans l'Espace économique européen» (point 187 de la décision), ce qui constitue une motivation suffisante de sa décision.

  147. En outre, chacune des parties de la décision devant être lue à la lumière des autres (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150/89, Rec. p. II-1165, point 66), le raisonnement de la Commission selon lequel, du fait de la cession de Camelia et donc de la substitution des engagements, P&G sera empêchée d'acquérir une position dominante en Allemagne est la conclusion logique de l'appréciation effectuée, notamment, aux points 43, 44, 92, 114 et 125 de sa décision, d'où il ressort que la puissance des opérateurs sur le marché est déterminée par le fait qu'ils détiennent et développent une marque notoire sur le segment des produits haut de gamme, la concurrence des marques secondaires et de distributeur étant, à l'inverse, limitée.

  148. Enfin, ainsi qu'il ressort du dossier, la requérante elle-même a insisté, pendant la procédure devant la Commission, sur la faible importance des marques de l'activité non-Camelia de VPS, à savoir les marques de second ordre Blümia et Femina, en indiquant que «la marque Femina n'est distribuée par Schickedanz en Allemagne qu'auprès d'une clientèle extrêmement limitée» ou encore que «compte tenu du positionnement de Blümia sur le marché, le déclin de cette marque nous paraît inévitable» (lettre de la requérante à la Commission du 24 janvier 1994).

  149. Dans ce contexte, le Tribunal estime que la motivation de la décision expose, de manière claire et non équivoque, les raisons pour lesquelles la Commission a considéré que la cession de la seule activité Camelia de VPS était suffisante pour que l'opération soit déclarée compatible avec le marché commun, sans qu'il soit nécessaire que P & G procède également à la cession de l'activité non-Camelia.

  150. S'agissant du grief tiré de ce que la décision ne contiendrait aucune analyse des effets de l'acquisition par P & G de l'activité non-Camelia de VPS, le Tribunal rappelle qu'il ressort des dispositions de l'article 2, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, que la Commission est tenue de déclarer une opération de concentration compatible avec le marché commun dès lors que deux conditions sont remplies, la première étant que l'opération ne crée ni ne renforce une position dominante, et la seconde que la concurrence sur le marché ne soit pas entravée de manière significative par la création ou le renforcement d'une telle position. En l'absence de création ou de renforcement d'une position dominante, l'opération doit donc être autorisée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les effets de l'opération sur la concurrence effective (arrêt TAT, précité, point 79). Dans ces conditions, dès lors qu'en l'espèce la Commission a motivé à suffisance de droit les raisons pour lesquelles elle estimait que l'acquisition de l'activité non-Camelia par P & G n'avait pas pour effet d'aboutir à la création d'une position dominante en Allemagne, ou au renforcement de cette position en Espagne, le Tribunal considère qu'aucun défaut de motivation ne saurait lui être reproché en ce qui concerne l'examen des autres effets de cette acquisition sur les marchés concernés.

  151. Quant à l'argument selon lequel la Commission aurait méconnu les données relatives au marché allemand en ce qui concerne les marques de distributeur, il convient de souligner que, par ce grief, la requérante reproche, en substance, à la Commission d'avoir sous-évalué la part de marché des produits fabriqués par VPS pour le compte de marques de distributeur, et, dès lors, de ne pas avoir motivé l'absence de leur prise en compte dans l'évaluation globale des parts de marché acquises par P & G à l'issue de l'opération.

  152. A cet égard, il y a lieu de préciser qu'il ressort du tableau, figurant au point 187 de la décision, que le chiffre de 6,9 %, correspondant, selon la Commission, à l'augmentation de la part de marché de P & G sur le marché allemand à l'issue de l'opération, se rapporte aux seules parts de marché des marques secondaires de serviettes de VPS, Blümia et Femina et ne comprend pas la part de marché spécifique des produits fabriqués en sous-traitance par VPS pour le compte de distributeurs, les parts de marché des marques de distributeur étant examinées globalement pour évaluer la concurrence exercée par les distributeurs face aux fabricants tels que P & G.

  153. Toutefois, le Tribunal considère qu'en l'espèce l'absence de prise en compte de la part de marché spécifique des produits fabriqués en sous-traitance par VPS, et vendus sous des marques de distributeur, dans la part de marché totale de VPS ne constitue pas un défaut de motivation. En effet, les parts de marché de ces produits doivent, en principe, être attribuées aux seuls distributeurs, dès lors que ces derniers les vendent sur le marché sous leurs propres marques, et, ce faisant, concurrencent les ventes des produits vendus sous des marques de fabricants. Dans ces conditions, ce n'est que dans l'hypothèse où la Commission aurait estimé, au regard des informations recueillies lors de la procédure, que VPS fabriquait une proportion élevée de ces produits sur le marché allemand que l'absence de prise en compte de cette part de marché pour évaluer la position acquise par P & G aurait dû être explicitée par la Commission, compte tenu de l'incidence probable d'un tel élément sur l'appréciation de la puissance effective conférée par la concentration (voir ci-dessous points 174 et 175). Celle-ci ayant considéré, en l'espèce, que cette part de marché spécifique de VPS était faible, la décision ne saurait être considérée comme étant entachée d'un défaut de motivation. La question de savoir si, comme le soutient la requérante, la Commission a, cependant, sous-évalué la part de marché des produits de VPS vendus sous des marques de distributeur relève de l'appréciation au fond de la décision attaquée, et non pas de sa motivation.

  154. En tout état de cause, le Tribunal constate que, ainsi qu'il ressort du présent recours, la requérante a été parfaitement à même de discuter la validité de l'appréciation au fond portée par la Commission quant à l'évaluation des parts de marché détenues par les produits de VPS vendus sous des marques de distributeur, et, par suite, de la position acquise par P & G à l'issue de l'opération.

  155. Il s'ensuit que le moyen tiré d'un défaut de motivation de la décision doit être rejeté.

    Sur le sixième moyen, tiré d'erreurs manifestes d'appréciation

  156. Ce moyen s'articule en trois branches. Dans la première branche, la requérante soutient que la Commission a apprécié, de manière erronée, les conséquences de l'acquisition par P & G de l'activité non-Camelia de VPS sur le marché allemand des serviettes hygiéniques. Dans les deuxième et troisième branches, elle fait valoir que la Commission n'a pas correctement mesuré l'impact de la transaction autorisée sur le marché du papier sanitaire et domestique, et sur celui des couches pour bébés, respectivement. Elle en conclut que la décision doit être annulée pour violation du traité, et du règlement n° 4064/89, notamment de ses articles 2 et 8.

    Première branche: sur l'appréciation erronée des conséquences de l'acquisition de l'activité non-Camelia de VPS sur le marché des serviettes hygiéniques

    • Exposé sommaire de l'argumentation des parties



  157. La requérante soutient que l'opération conduit au renforcement de la position dominante de P & G sur le marché allemand des serviettes hygiéniques, de sorte que la décision devrait être annulée pour violation de l'article 2, paragraphes 1 et 3, et de l'article 8 du règlement n° 4064/89.

  158. En premier lieu, la Commission aurait sous-évalué l'importance de l'activité non-Camelia de VPS et, partant, la position acquise par P & G, sur le marché allemand des serviettes hygiéniques, à l'issue de l'opération, dans la mesure où elle n'aurait pas pris en compte la part de marché spécifique des produits fabriqués par VPSet vendus sous des marques de distributeur. Or, selon la requérante, la part de VPS dans le segment des produits vendus sous des marques de distributeur serait de 60 %. Cette évaluation serait confirmée par les indications fournies par la Commission dans le cadre du présent recours, d'où il ressortirait que la part de marché des produits de VPS vendus sous marques de distributeur représenterait 8,2 % en valeur et 13 % en volume de l'ensemble du marché allemand des serviettes de protection féminine, en 1993, qu'il conviendrait donc d'ajouter à la part de marché de 43,2 % (en valeur) attribuée à P & G à la suite de l'opération. Par ailleurs, à l'argument selon lequel la marque Femina aurait été cédée par VPS et ne devrait pas être prise en compte, la requérante oppose qu'une telle cession n'a pu intervenir que postérieurement à la décision attaquée, dès lors que P & G était autorisée à la conserver. Or, l'appréciation de la légalité de la décision attaquée ne devrait tenir compte que de la situation économique et des engagements existant à la date d'adoption de la décision, et non d'événements postérieurs à celle-ci.

  159. La requérante estime, en second lieu, qu'en limitant l'obligation de cession à la marque Camelia et à l'usine correspondante la décision permet à P & G, grâce notamment à l'importante force de vente maintenue dans VPS, de proposer à la grande distribution la substitution des produits vendus sous la marque Camelia par ceux de l'activité non-Camelia, ainsi que par les produits de la marque Always. En outre, l'acquisition de l'activité non-Camelia de VPS permettrait à P & G de constituer une gamme complète de produits d'hygiène féminine et réduirait parallèlement la possibilité pour un nouvel entrant de voir ses produits acceptés par la grande distribution. Enfin, en autorisant la partition des activités de VPS dans le domaine de l'hygiène féminine, la Commission aurait favorisé l'affaiblissement de Camelia, et donc de la concurrence à l'égard de P & G.

  160. La Commission estime que le grief de la requérante est dépourvu de tout fondement, dès lors qu'elle conclut au renforcement d'une position dominante sans démontrer en quoi l'appréciation de la Commission, selon laquelle l'acquisition de VPS par P & G ne donne pas lieu à la création d'une position dominante sur le marché allemand, est erronée (arrêt TAT, précité).

  161. En tout état de cause, l'acquisition de l'activité non-Camelia de VPS par P & G ne conduirait pas à la création d'une position dominante. En effet, la marque Femina aurait, finalement, été cédée à un tiers, de sorte que l'activité non-Camelia effectivement acquise, à savoir Blümia et les produits vendus sous marques de distributeur fabriqués par VPS, ne représenterait qu'une part de marché de l'ordre de 2 à 3 % et concernerait des produits de moindre qualité ne concurrençant pas directement les produits vendus sous des marques notoires, telles qu'Always ou Camelia. A l'argument selon lequel la part de VPS sur le segment des marques de distributeur en Allemagne serait de 60 %, la Commission rétorque que, selon des statistiques communiquées par P & G le 14 février 1994, les produits non-Camelia de VPS représentaient 13 % du marché allemand en volume, et 8,2 % en valeur, en 1993. En réponse aux questions écrites posées par le Tribunal, la Commission a précisé, sur la base des statistiques susmentionnées, que ce chiffre ne se rapportait pas uniquement à la part de marché des produits de VPS vendus sous marques de distributeurs, cette dernière étant évaluée à environ 1,3 % du marché allemand.

  162. Par ailleurs, selon la Commission, une substitution des produits vendus sous des marques haut de gamme aux produits vendus sous marques de distributeur ou sous marques de second ordre serait très improbable compte tenu de la volonté de la grande distribution de mettre en concurrence les fabricants pour pouvoir maintenir une politique de marge très faible. Dès lors, la grande distribution s'approvisionnerait vers d'autres producteurs, si P & G cherchait à tirer avantage du bon positionnement de sa marque Always en augmentant les prix.

  163. La partie intervenante fait valoir que, pendant la procédure administrative, la requérante a insisté sur le fait que l'engagement de céder l'activité non-Camelia aurait un effet insignifiant sur la concurrence. Elle ajoute que, en tout état de cause, P & G n'a conservé aucune des marques non-Camelia.

    • Appréciation du Tribunal



  164. Le Tribunal souligne, à titre liminaire, que, bien que la requérante fasse valoir que l'opération en cause est de nature à renforcer une position dominante de P & G sur le marché allemand des serviettes hygiéniques, alors que, dans sa décision, la Commission a conclu à l'absence de création d'une position dominante sur ce marché, il y a lieu de considérer que, ce faisant, la requérante soutient, à tout le moins implicitement, que la Commission a commis une erreur d'appréciation en parvenant à cette conclusion, de sorte qu'elle ne saurait être empêchée de contester la légalité de la décision de la Commission à cet égard (voir l'arrêt TAT, précité, point 86).

  165. Il convient de rappeler que, selon l'article 2, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, «les opérations de concentration qui ne créent pas ou ne renforcent pas une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci doivent être déclarées compatibles avec le marché commun». Au contraire, selon le paragraphe 3 du même article, les opérations de concentration qui créent ou renforcent une telle position doivent être déclarées incompatibles avec le marché commun. Dans son appréciation, la Commission doit, en vertu de l'article 2, paragraphe 1, du règlement, tenir compte, notamment, de la position sur le marché des entreprises concernées et de leur accès aux débouchés.

  166. En l'espèce, la requérante fait valoir que la Commission aurait, dans sa décision, commis une erreur d'appréciation, tant en ce qui concerne l'évaluation, en termes de parts de marché, de la position de l'activité non-Camelia de VPS sur le marché allemand des serviettes hygiéniques qu'en ce qui concerne l'accès privilégié à la grande distribution conféré à P & G grâce à l'acquisition de cette activité, et l'effet, prétendument préjudiciable, de la partition des activités Camelia et non-Camelia de VPS.

  167. S'agissant, en premier lieu, du grief tiré d'une sous-évaluation des parts de marché de l'activité non-Camelia, il convient tout d'abord de souligner que la circonstance que l'une ou l'ensemble des marques de l'activité non-Camelia aient finalement été cédées à des tiers, postérieurement à l'adoption de la décision, laquelle autorisait P & G à acquérir l'ensemble de cette activité, ne saurait être prise en compte par le Tribunal, dès lors que, en vertu d'une jurisprudence constante, la légalité d'une décision doit être appréciée en fonction des éléments existant au moment de son adoption (voir, notamment, l'arrêt SNCF et British Railways/Commission, précité, point 48). Il y a donc lieu de vérifier si, ainsi que le fait valoir la requérante, la Commission a commis une erreur d'appréciation en estimant, dans sa décision, que P & G augmenterait sa part de marché de 6,9 % en valeur, chiffre correspondant aux seules parts de marché des marques secondaires de VPS, Blümia et Femina, sans tenir compte de la part de marché spécifique des produits fabriqués par VPS pour le compte de distributeurs.

  168. Le Tribunal considère que la simple absence de prise en compte d'une telle part de marché n'est pas, à elle seule, de nature à démontrer que la Commission a commis une erreur d'appréciation quant à l'évaluation de la position de VPS sur le marché. En effet, dans le cadre de l'appréciation de la puissance sur le marché d'une entreprise partie à une opération de concentration, les parts de marchés des produits qu'elle fabrique, en sous-traitance, pour le compte de distributeurs qui revendent ces produits sous leurs propres marques, ne sauraient, en principe, être imputées, en totalité ou pour partie, à la part de marché que détient cette entreprise en ce qui concerne les produits similaires qu'elle vend sous sa propre marque. Dès lors que les distributeurs vendent ces produits sous leurs propres marques, dans le but de concurrencer les produits vendus sous des marques de fabricants, la part de marché qu'ils détiennent du fait de ces ventes doit donc, en règle générale, leur être attribuée afin d'évaluer la concurrence à laquelle sont soumis les fabricants de marques haut de gamme ou secondaires.

  169. Certes, dans l'hypothèse alléguée par la requérante, selon laquelle, au moment de l'adoption de la décision, VPS aurait fabriqué environ 60 % des produits vendus en Allemagne sous des marques de distributeur, l'absence de toute prise en compte de cette part de production conduirait, en l'espèce, à sous-estimer la puissance effective de cette entreprise sur le marché, et donc la position acquise par P & G à l'issue de la concentration. En effet, dans un tel cas, le fait que VPS soit la principale source d'approvisionnement des distributeurs pour les produits que ces derniers vendent sous leurs propres marques aurait été susceptible de conférer à P & G, grâce à l'acquisition de l'activité non-Camelia, un accès privilégié à la grande distribution et de lui permettre de pratiquer, à l'égard des distributeurs, une politique commerciale conditionnelle subordonnant la livraison de ces produits à l'achat prioritaire des serviettes de sa marque haut de gamme.

  170. Toutefois, il importe de constater que, lors de la procédure devant le Tribunal, la Commission a prouvé à suffisance de droit, sur la base de statistiques lui ayant été communiquées par P & G, le 14 février 1994, dans le cadre de l'examen du projet de concentration notifié, la faible part de marché des produits fabriqués par VPS et vendus sous des marques de distributeurs. En effet, il ressort de ces données que la part de marché de l'ensemble de l'activité non-Camelia de VPS, en ce compris les produits vendus sous des marques de distributeurs, s'élevait à 8,2 % (en valeur) du marché allemand des serviettes en 1993, soit une part de marché, pour les seuls produits de VPS vendus sous des marques de distributeurs, de seulement 1,3 % (en valeur) (8,2 % moins 6,9 %). Par ailleurs, eu égard au fait que, selon la décision et les observations non contestées de la Commission, la part de marché de l'ensemble des marques de distributeurs était de l'ordre de 12,5 % (en valeur), il en résulte que la part de VPS dans la production de serviettes vendues sous des marques de distributeurs n'était que d'environ 10 %.

  171. Étant donné que, à l'inverse, les allégations de la requérante quant à la part de marché spécifique des produits de VPS vendus sous des marques de distributeurs ne sont corroborées par aucun élément de preuve, ni par aucun chiffre de nature à mettre en cause le bien-fondé de l'évaluation effectuée par la Commission, l'argument tiré d'une sous-évaluation des parts de marché de l'activité non-Camelia doit donc être écarté (voir, par exemple, l'arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30/89, Rec. p. II-1439, point 89).

  172. S'agissant, en second lieu, du grief tiré d'une erreur d'appréciation en ce qui concerne l'accès privilégié à la grande distribution qui serait accordé à P & G du fait de l'opération, le Tribunal considère que, dans les circonstances de l'espèce, une telle argumentation n'est pas de nature à démontrer que la concentration aurait pour effet la création d'une position dominante sur le marché en cause. Ainsi, au regard de la faible importance des parts de marché des marques secondaires de VPS — Blümia et Femina — et de celle des produits fabriqués par VPS pour le compte de distributeurs, la simple allégation que P & G disposerait, grâce à leur acquisition, du pouvoir d'empêcher l'accès de concurrents à la grande distribution n'apparaît pas fondé. Par ailleurs, la requérante ne fournit aucun élément permettant d'étayer l'argument selon lequel P&G pourrait proposer aux distributeurs la substitution des produits non-Camelia aux produits Camelia, alors surtout que, dans sa décision, la Commission a démontré que le marché des serviettes était caractérisé par la fidélité des consommatrices à la marque, en particulier sur le segment des produits haut de gamme (points 97 et 125 de la décision). Il s'ensuit que ce grief de la requérante doit être rejeté, tout comme l'argument tiré de ce que la Commission aurait favorisé l'affaiblissement futur de la marque Camelia en autorisant une partition des activités de VPS, lequel relève de la simple hypothèse.

  173. En l'absence de production par la requérante d'éléments probants à l'appui de son argumentation, le Tribunal estime que, compte tenu des caractéristiques du marché en cause et de la part de marché des deux principaux concurrents de P & G sur le segment des marques haut de gamme, la Commission était, dès lors, fondée à considérer qu'une part de marché de 43,2 % ne permettait pas de conclure à la création d'une position dominante (voir, par analogie, l'arrêt de la Cour du 14février 1978, United Brands/Commission, 27/76, Rec. p. 207, points 108 et 109), sans qu'il y ait eu lieu, par ailleurs, d'examiner plus avant les effets annexes de l'opération sur la concurrence (voir l'arrêt TAT, précité, point 79).

  174. Dans ces conditions, la première branche du moyen doit être rejetée.

    Deuxième branche: sur l'appréciation erronée des conséquences de l'opération sur le marché du papier-tissu à usage sanitaire et domestique

    • Exposé sommaire de l'argumentation des parties



  175. La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte, dans le cadre de l'analyse des conséquences de l'opération sur le marché du papier-tissu, de la position de P & G aux États-Unis, et du développement de ses capacités financières à la suite de la cession de Camelia. Or, selon la requérante, l'acquisition de VPS, dont les parts de marché en Allemagne seraient de l'ordre de 15 à 20 %, donnerait à P & G la possibilité de pénétrer le marché européen et d'accroître ses parts de marché grâce à ses ressources financières et à sa position de leader sur le marché nord-américain. En outre, l'abandon du projet de rachat de Camelia permettrait à P & G de mobiliser les ressources financières qui y étaient initialement consacrées. En l'absence d'une telle analyse, la Commission aurait violé l'article 2, paragraphes 1 et 3, ainsi que l'article 8 du règlement n° 4064/89.

  176. La Commission considère que la requérante se limite à critiquer la prétendue absence de prise en compte de certains éléments, sans démontrer que leur prise en compte aurait abouti à un résultat contraire ni prouver que l'analyse de la Commission est erronée. Au demeurant, elle aurait examiné, dans sa décision, l'impact de l'entrée de P & G sur le marché européen, mais considéré qu'il n'y avait pas de doutes sérieux compte tenu de la part de marché de VPS, de l'absence de P & G sur ce marché en Europe et des caractéristiques du marché, telles la présence de concurrents forts, la croissance du marché et l'importance des marques de distributeur. Quant à l'argument tiré de l'abandon du rachat de Camelia, la Commission considère que, compte tenu des ressources financières de P & G en général, la vente de Camelia n'est pas de nature à affecter directement les dépenses sur le marché du papier sanitaire et ménager.

  177. La partie intervenante fait valoir que la Commission, au paragraphe 13 de sa décision, a tenu compte de l'impact potentiel sur le marché européen de la position de P & G sur le marché du papier sanitaire et domestique aux États-Unis et au Canada et qu'elle a constaté l'absence de chevauchement entre les activités de VPS et de P & G. Elle souligne que, en tout état de cause, les parts de marché acquises par P & G à l'issue de l'opération sont de l'ordre de 4 %, et ne peuvent donc soulever de doutes quant à la compatibilité de l'opération avec le marché commun.

    • Appréciation du Tribunal



  178. Le Tribunal relève qu'en l'espèce la partie requérante se prévaut de l'absence de prise en compte, par la Commission, de prétendus effets de l'opération dans le secteur du papier-tissu, sans démontrer en quoi l'opération de concentration en cause conduirait à la création d'une position dominante sur l'un des marchés pertinents de ce secteur. Il y a lieu de souligner, en effet, que la requérante ne conteste pas le fait, constaté dans la décision (voir ci-dessus point 47), que P & G n'exerçait aucune activité en Europe dans ce secteur, au moment de la notification de l'opération, de sorte que la concentration en cause ne donnait lieu à aucune addition des parts de marché des entreprises concernées. En outre, il n'est pas allégué que la Commission aurait commis une erreur d'appréciation en constatant le rôle important des concurrents et des marques de distributeurs dans ce secteur et en considérant que, compte tenu de ces facteurs, même en retenant la définition du marché la plus étroite possible, à savoir le marché allemand des mouchoirs en papier, sur lequel VPS détenait une part de marché comprise entre 35 et 40 %, l'opération ne soulevait pas de doute sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun. Or, en l'absence de création ou de renforcement d'une position dominante, une opération de concentration doit être autorisée sans qu'il soit nécessaire d'examiner ses prétendus effets sur la concurrence effective (voir l'arrêt TAT, précité, point 79). Dans ces circonstances, le Tribunal estime que la requérante ne saurait contester la légalité de l'analyse de la Commission quant aux conséquences de l'opération en ce qui concerne les produits de papier-tissu.

  179. En tout état de cause, la conclusion de la Commission, selon laquelle l'opération ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun, en ce qui concerne ces produits, n'est en rien infirmée par les arguments de la requérante. En effet, à supposer que les ressources financières de P & G et sa position sur le marché nord-américain lui permettent d'augmenter les parts de marché de VPS, ce qui constitue la finalité même d'une telle opération, il n'en demeure pas moins que la requérante ne démontre pas en quoi de telles circonstances auraient dû amener la Commission à interdire l'opération de concentration en cause, en l'absence de création ou de renforcement d'une position dominante sur les marchés considérés comme pertinents par cette dernière (voir l'arrêt TAT, précité, point 87).

  180. Il s'ensuit que la deuxième branche du moyen doit être rejetée.

    Troisième branche: sur l'appréciation erronée des conséquences de l'opération sur le marché des couches pour bébés

    • Exposé sommaire de l'argumentation des parties



  181. La requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir analysé les conséquences de la cession à des tiers des activités «couches pour bébés» de VPS, en Allemagne et en Espagne, et, partant, de ne pas avoir pris des mesures de nature à maintenir la concurrence face à P & G, déjà dominante sur ces marchés. S'agissant, en particulier, du marché allemand, la Commission n'aurait exercé aucun contrôle quant aux qualités de l'acquéreur de l'activité de VPS, de sorte que, en choisissant un opérateur qui ne disposerait pas des moyens financiers et commerciaux pour demeurer durablement sur le marché des marques de fabricant, P & G serait en mesure d'éliminer les produits de VPS, lesquels concurrencent ses produits Pampers. Elle en déduit que, en cas de disparition des produits de VPS, P & G, qui détient 51 % de parts de marché, disposera d'une position dominante face à des concurrents de faible importance détenant des parts de marché de l'ordre de 9 et 5 %. Au regard de ces éléments, la Commission aurait dû s'opposer à cette cession ou, à tout le moins, imposer à P & G des obligations en ce qui concerne la qualité de l'acheteur de ces activités, afin de permettre le maintien de la concurrence entre les produits de VPS et les produits vendus par P & G. A défaut de telles mesures, la décision serait contraire à l'article 2, paragraphes 1 et 3, et à l'article 8 du règlement n° 4064/89.

  182. La Commission souligne que les critiques et les hypothèses formulées par la requérante ne démontrent pas que l'acquisition de VPS par P & G aurait conduit à la création ou au renforcement d'une position dominante, de sorte que ce grief serait inopérant (arrêt TAT, précité). En tout état de cause, P & G n'ayant pas acquis le contrôle de l'activité «couches pour bébés» de VPS, cette activité n'aurait pas été visée par l'opération de sorte qu'elle n'était pas compétente pour imposer des contraintes quant au tiers choisi pour acquérir cette activité.

  183. La partie intervenante souscrit aux arguments de la Commission et considère que celle-ci aurait commis un excès de pouvoir si elle avait étendu son pouvoir de contrôle à la vente par P & G des activités «couches pour bébés» de VPS, dès lors que P & G n'en avait jamais acquis le contrôle.

    • Appréciation du Tribunal



  184. Le Tribunal rappelle que, ainsi qu'il ressort de la décision et des observations non contestées de la Commission, les parties à la concentration en cause ont clairement entendu exclure de l'objet de l'opération le secteur d'activité de VPS portant sur l'hygiène infantile, à savoir les couches pour bébés, cette activité étant destinée à être cédée à un tiers concomitamment à l'autorisation de l'opération. A cet égard, il y a lieu de souligner que, en vertu des accords d'acquisition notifiés à la Commission, ce secteur d'activité devait être dissocié de la société VPS et confié à un administrateur, déjà désigné lors de la notification, ayant pour mandat d'en assurer la cession à un tiers, dans de brefs délais à compter de la clôture de l'acquisition de VPS par P & G (points 5 et 6 de la décision). Il résulte de ces éléments que, en l'absence de transfert effectif et durable du contrôle de cette activité à P & G, l'activité en cause n'était pas visée par le projet de concentration soumis à l'examen de la Commission. Il s'ensuit que, à défaut de réalisation d'une opération de concentration susceptible d'aboutir à la création d'une position dominante, ou au renforcement d'une telle position, sur les marchés allemand et espagnol des couches pour bébés, la requérante ne saurait faire grief à la Commission de ne pas avoir pris position à l'égard du choix, prétendument préjudiciable pour le maintien d'une concurrence effective, de l'opérateur tiers désigné en l'espèce pour acquérir cette activité de VPS, la Commission n'étant pas compétente à cet effet dans le cadre du règlement n° 4064/89.

  185. Pour les mêmes raisons, l'argument selon lequel la Commission aurait dû, à tout le moins, imposer des obligations en ce qui concerne les qualités du cessionnaire de cette activité, au titre de l'article 8, paragraphe 2, du règlement n° 4064/89, est inopérant. A cet égard, il convient, en outre, de rappeler qu'il n'appartient pas au juge, dans le cadre du contentieux de l'annulation, de substituer sa propre appréciation à celle de la Commission et de statuer sur la question de savoir si celle-ci devait assortir sa décision de conditions ou charges, en vertu dudit article, alors surtout que cette disposition concerne l'examen au fond de la compatibilité de la concentration projetée avec le marché commun, une fois engagée la procédure en vertu de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064/89 (voir l'arrêt Dan Air, précité, point 113).

  186. Par suite, la troisième branche du moyen, tirée d'une absence d'analyse par la Commission des conséquences de l'opération, en ce qui concerne les marchés des couches pour bébés, doit être rejetée.

  187. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

    Sur les dépens

  188. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens et la Commission ainsi que la partie intervenante P & G ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner la requérante aux dépens.

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)



    déclare et arrête:

    1. Le recours est rejeté.

    2. La partie requérante est condamnée aux dépens de l'instance, y compris aux dépens exposés par la partie intervenante P & G.



BellamyBriët
Kalogeropoulos

            Potocki                    Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 novembre 1997.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. Kalogeropoulos


1: Langue de procédure: le français.