Language of document : ECLI:EU:T:2020:616

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

16 décembre 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative ALKEMIE – Marque de l’Union européenne verbale antérieure Alkmene – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑860/19,

Alkemie Group sp. z o.o., établie à Gdynia (Pologne), représentée par Me A. Korbela, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Walicka, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Mann & Schröder GmbH, établie à Siegelsbach (Allemagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 16 septembre 2019 (affaire R 2231/2018‑2), relative à une procédure d’opposition entre Mann & Schröder et Alkemie Group,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli (rapporteure), présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 9 décembre 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 26 mars 2020,

vu la mesure d’organisation de la procédure du 17 septembre 2020 et les réponses de la requérante et de l’EUIPO déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 1er et le 2 octobre 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 mars 2017, la requérante, Alkemie Group sp. z o.o., a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 5 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Cosmétiques, préparations cosmétiques pour soins de peau, crèmes à usage cosmétique, laits cosmétiques, huiles essentielles, lotions, baumes, liquides, gels, produits de lavage, shampooings » ;

–        classe 5 : « Produits cosmétiques à action thérapeutique : baumes curatifs, crèmes curatives, huiles essentielles curatives, pommades curatives, baumes curatifs, toniques curatifs, lotions curatives pour soins de peau, aérosols curatifs, lotions capillaires curatives, poudres curatives pour bébés, huiles médicinales pour nourrissons, crèmes curatives pour enfants, lingettes médicinales imprégnées pour l’hygiène ; produits d’hygiène à usage médical, préparations curatives antibactériennes pour laver la peau, lotions médicinales pour la peau ; gels curatifs pour l’hygiène de la cavité buccale et liquides pour rincer la bouche, préparations médicinales pour traitements cutanés ; accessoires alimentaires ; produits hygiéniques » ;

–        classe 35 : « Services de vente au détail, services de vente en gros, services de vente sur l’internet et services de vente par correspondance des produits suivants : cosmétiques, préparations cosmétiques pour soins de peau, crèmes cosmétiques, laits de toilette, huiles essentielles, lotions, baumes, liquides, gels, produits pour lavage, shampooings, produits cosmétiques à usage thérapeutique, compléments alimentaires, produits d’hygiène, vêtements, literie [linge], jouets, meubles pour enfants ; publicité et marketing ; services liés à la présentation de produits ; organisation de la participation à des foires et des expositions ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 96/2017, du 24 mai 2017.

5        Le 12 juillet 2017, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, Mann & Schröder GmbH, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés par la demande d’enregistrement.

6        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure Alkmene, enregistrée le 10 mai 2011 sous le numéro 9540832, désignant les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Cosmétiques, en particulier produits démaquillants, huiles essentielles et essences, produits contre la transpiration, préparations cosmétiques pour le bain, crème pour blanchir la peau, produits de soins pour la peau en particulier crèmes pour la peau, déodorants, eaux de senteurs, bains-douches, produits dépilatoires, produits de soins pour les cheveux, en particulier lotions pour les cheveux, crèmes pour la peau, produits pour le soin de la peau, produits protecteurs pour la peau, eau de Cologne, produits cosmétiques, lotions à usage cosmétique, maquillage, produits de soin des ongles, huiles pour le corps et de beauté à usage cosmétique, parfumerie, parfums, eaux traitantes, produits de rasage, après-rasage, laits nettoyants et huiles nettoyantes pour soins corporels et esthétiques, bains moussants, fards, shampooings, masques de beauté, produits de protection solaire, sprays, eaux toniques, eaux de toilette, lingettes imprégnées de lotions cosmétiques, vaseline à usage cosmétique, produits pour blanchir (compris dans la classe 3), en particulier produits pour blanchir à usage cosmétique, savons, en particulier savons désinfectants, savons désodorisants, savons médicaux, savon à barbe, savons anti transpirants, savons médicinaux et lotions lavantes sans savon, produits de soin des lèvres ; produits de soins dentaires, en particulier dentifrice, produits de blanchissage des dents, bains de bouche ; boules de coton à usage cosmétique et pour le nettoyage du visage ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        Le 18 septembre 2018, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition, en ce qui concerne les produits et services suivants (ci-après les « produits et services en cause ») :

–        classe 3 : « Cosmétiques, préparations cosmétiques pour soins de peau, crèmes à usage cosmétique, laits cosmétiques, huiles essentielles, lotions, baumes, liquides, gels, produits de lavage, shampooings » ;

–        classe 5 : « Produits cosmétiques à action thérapeutique : baumes curatifs, crèmes curatives, huiles essentielles curatives, pommades curatives, baumes curatifs, toniques curatifs, lotions curatives pour soins de peau, aérosols curatifs, lotions capillaires curatives, poudres curatives pour bébés, huiles médicinales pour nourrissons, crèmes curatives pour enfants, lingettes médicinales imprégnées pour l’hygiène ; produits d’hygiène à usage médical, préparations curatives antibactériennes pour laver la peau, lotions médicinales pour la peau ; gels curatifs pour l’hygiène de la cavité buccale et liquides pour rincer la bouche, préparations médicinales pour traitements cutanés ; accessoires alimentaires ; produits hygiéniques » ;

–        classe 35 : « Services de vente au détail, services de vente en gros, services de vente sur l’internet et services de vente par correspondance des produits suivants : cosmétiques, préparations cosmétiques pour soins de peau, crèmes cosmétiques, laits de toilette, huiles essentielles, lotions, baumes, liquides, gels, produits pour lavage, shampooings ».

9        Le 15 novembre 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition en ce qui concerne les produits et services en cause.

10      Par décision du 16 septembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, la chambre de recours a considéré qu’il existait un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure en ce qui concernait les produits et services en cause.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’autre partie à la procédure aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui du recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

14      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 30 mars 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).

15      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée, par la requérante dans la requête et par l’EUIPO dans le mémoire en réponse à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), d’une teneur identique, du règlement no 207/2009.

16      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

17      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

18      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

19      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

20      Dans la décision attaquée, tout d’abord, la chambre de recours a indiqué que, la marque antérieure étant une marque de l’Union européenne, il y avait lieu de prendre en compte les consommateurs sur ce territoire, sachant toutefois qu’il était suffisant que le motif relatif de refus existe dans une partie de l’Union européenne (point 20 de la décision attaquée). Ensuite, la chambre de recours a considéré que les produits et services visés par les marques en cause s’adressaient essentiellement au grand public, exception faite des services de vente en gros, lesquels s’adressaient à des clients professionnels (point 21 de la décision attaquée). Enfin, la chambre de recours a indiqué, en substance, que le niveau d’attention du public en ce qui concernait lesdits produits et services était moyen, exception faite, d’une part, des services de vente en gros, pour lesquels le niveau d’attention pouvait varier de moyen à élevé, et, d’autre part, des produits relevant de la classe 5, pour lesquels le niveau d’attention était plus élevé, dès lors qu’ils étaient liés à la santé des consommateurs (point 22 de la décision attaquée).

21      Or, en l’espèce, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause ces appréciations relatives à la définition du public pertinent, au demeurant non contestées par la requérante.

 Sur la comparaison des produits et services

22      Dans la décision attaquée, en faisant sienne l’appréciation de la division d’opposition, la chambre de recours a considéré que les produits et services visés par la marque demandée étaient identiques ou similaires à différents degrés aux produits visés par la marque antérieure (point 23 de la décision attaquée). En particulier, il a été considéré que les produits relevant de classe 3 visés par la marque demandée étaient tous identiques aux produits visés par la marque antérieure, que les produits relevant de classe 5 visés par la marque demandée étaient similaires ou peu similaires aux produits visés par la marque antérieure, exception faite des « accessoires alimentaires » qui n’étaient pas similaires aux produits visés par la marque antérieure, et que certains des services relevant de classe 35 visés par la marque demandée étaient faiblement similaires aux produits visés par la marque antérieure (point 8 de la décision attaquée).

23      Or, en l’espèce, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause ces appréciations relatives à la comparaison des produits et services désignés par les deux marques, au demeurant non contestées par la requérante.

 Sur la comparaison des signes

24      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

 Sur les éléments distinctifs et dominants

25      Il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré, en substance, que les marques en cause devaient être appréciées chacune prise dans son ensemble. En particulier, d’une part, la chambre de recours a considéré que la marque antérieure était constituée par le mot « alkmene » (point 30 de la décision attaquée). D’autre part, la chambre de recours a considéré que la marque demandée était un signe figuratif constitué par le mot « alkemie », dans lequel, même si la lettre centrale « e » était plus stylisée que les autres, elle était perçue comme la lettre « e », et par un élément figuratif, constitué par des figures géométriques rappelant un origami, lequel était perçu comme un dessin fantaisiste. Selon la chambre de recours, dès lors que l’élément figuratif occupait une partie significative de la marque demandée et était plutôt accrocheur sur le plan visuel, il n’était pas négligeable dans l’impression d’ensemble de la marque, mais était co-dominant avec l’élément verbal, lequel occupait une position centrale et avait une taille considérable. Ce mot était cependant susceptible d’attirer davantage l’attention du public et son impact était plus important eu égard à sa force distinctive (point 31 de la décision attaquée).

26      La requérante fait valoir que l’élément distinctif et dominant des marques en cause n’est pas la suite de lettres « alk », laquelle est utilisée dans différentes marques enregistrées et présente donc un caractère distinctif faible. Cette circonstance devrait être prise en compte dans la comparaison des signes, ce que la chambre de recours aurait omis de faire. La requérante ajoute que l’élément très distinctif de la marque demandée est le logo constitué par le contour stylisé d’un insecte (libellule), ce qui aurait été confirmé par la chambre de recours, sans toutefois en tirer les conclusions appropriées. L’attention du public se repartirait en parties égales entre l’élément verbal et l’élément figuratif.

27      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

28      Premièrement, en ce qui concerne la marque antérieure, il doit être relevé que celle-ci est constituée par un élément verbal composé de sept lettres formant le mot « alkmene », sans aucun espace ou autre élément de séparation. En d’autres termes, les lettres composant ledit élément verbal sont juxtaposées de façon à composer un seul mot. Ainsi, rien dans l’écriture de ce mot ne permet de considérer que le public pertinent séparerait la suite de lettres « alk » des autres lettres composant ledit élément verbal. Par ailleurs, la requérante ne fait pas valoir que la suite de lettres « alk » aurait une signification précise, notamment en tant que préfixe habituellement utilisé dans une certaine langue de l’Union, de sorte que le public pertinent le dissocierait des autres lettres et lui attribuerait moins d’importance.

29      Deuxièmement, en ce qui concerne la marque demandée, il doit être relevé que celle-ci est une marque complexe constituée par un élément verbal et par un élément figuratif, tous de couleur noire sur un fond blanc.

30      À titre liminaire, il convient de rappeler que, si, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence aux produits en cause en citant le nom de la marque qu’en décrivant l’élément figuratif de celle-ci, il ne s’ensuit pas que les éléments verbaux d’une marque doivent toujours être considérés comme plus distinctifs que les éléments figuratifs. En effet, dans le cas d’une marque complexe, l’élément figuratif peut détenir une place équivalente à celle de l’élément verbal. Il convient alors d’examiner les qualités intrinsèques de l’élément figuratif et celles de l’élément verbal de la marque demandée ainsi que leurs positions respectives, afin d’identifier le composant dominant [arrêt du 20 septembre 2017, Jordi Nogues/EUIPO – Grupo Osborne (BADTORO), T‑350/13, EU:T:2017:633, point 29].

31      En l’espèce, s’agissant de l’élément verbal, celui-ci est composé de sept lettres écrites en caractères majuscules formant le mot « alkemie ». Si certaines lettres composant ce mot sont plus stylisées que d’autres, telles que la lettre initiale « a », laquelle est dépourvue de son trait horizontal, et la lettre centrale « e », laquelle est dépourvue de son trait vertical, lesdites lettres demeurent aisément lisibles en tant que telles, tout comme, par conséquent, le mot « alkemie » dans son ensemble. Au demeurant, malgré le fait que la lettre centrale « e » soit représentée avec ses seuls traits horizontaux et que les lettres initiales des suites de lettres « alk » et « mie », à savoir les lettres « a » et « m », soient légèrement plus hautes que les autres, dans l’ensemble, contrairement à ce qui est suggéré par la requérante, le public pertinent ne percevra pas, dans la marque demandée, deux éléments verbaux constitués par les suites de lettres « alk » et « mie » séparées par un symbole purement graphique, mais le seul mot « alkemie ». En effet, en dépit de la légère stylisation de certaines lettres composant l’élément verbal, il apparaît comme constituant un seul mot, dès lors qu’il est écrit de manière uniforme dans une même couleur et dans une même police de caractères en termes de taille, d’alignement horizontal et de distanciation entre les lettres et que, ainsi que la requérante elle-même l’indique, celui-ci évoque un mot existant dans différentes langues de l’Union.

32      Certes, d’une part, la requérante suggère que la présence, dans la marque demandée, de la suite de lettres « alk » découlerait de la proximité de la marque demandée avec le mot allemand « alchemie » ou des mots équivalents à ce dernier dans d’autres langues de l’Union. Toutefois, un tel rapprochement avec le mot allemand « alchemie », à le supposer même possible, ne concernerait pas, en tant que tel, la suite de lettres « alk », mais l’élément verbal dans son ensemble. Ainsi, l’argument de la requérante ne démontre nullement que la suite de lettres « alk » devrait être séparée et considérée comme étant moins distinctive que les autres lettres composant les marques en cause. En outre, ainsi que le fait valoir à juste titre l’EUIPO, rien ne démontre que la suite de lettres « alk » serait perçue par le public pertinent comme étant une abréviation du mot allemand « alchemie » ou des mots équivalents dans d’autres langues de l’Union.

33      D’autre part, la requérante soutient que la suite de lettres « alk » serait utilisée dans d’autres marques enregistrées, ce qui démontrerait son faible caractère distinctif. Or, tout d’abord, force est de constater que, dans la requête, la requérante ne précise pas les marques auxquelles elle se réfère. Ensuite, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le seul fait que plusieurs marques désignant les produits et services en cause contiennent cette suite de lettres ne suffit pas à établir que ladite suite soit devenue faiblement distinctive en raison de son usage fréquent dans le domaine concerné [voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 2005, GfK/OHMI – BUS (Online Bus), T‑135/04, EU:T:2005:419, point 68 ; du 16 septembre 2009, Zero Industry/OHMI – zero Germany (zerorh+), T‑400/06, non publié, EU:T:2009:331, point 73, et du 14 juillet 2017, Massive Bionics/EUIPO – Apple (DriCloud), T‑223/16, non publié, EU:T:2017:500, point 79]. Enfin, en tout état de cause, à supposer même que ladite suite de lettres soit à considérer comme étant faiblement distinctive, cela ne signifie pas qu’elle doive être regardée comme étant négligeable, dans la mesure où, en raison de sa position, elle sera prise en considération par le public pertinent, ou que les autres lettres composant les marques en cause doivent être regardées comme étant dominantes [voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2018, Foodterapia/EUIPO – Sperlari (DIETOX), T‑486/17, non publié, EU:T:2018:778, point 57].

34      S’agissant de l’élément figuratif, celui-ci est constitué, d’une part, par quatre formes géométriques placées en haut de l’élément verbal « alkemie » et résultant de la juxtaposition de plusieurs triangles de différentes formes et dimensions, pouvant rappeler, dans l’ensemble, l’image des quatre ailes d’un insecte, tel qu’une libellule, et, d’autre part, par quatre points alignés verticalement au centre du signe, deux en haut et deux en bas de la lettre centrale « e » de l’élément verbal, lesquels, d’ailleurs, étant placés au centre desdites ailes, peuvent évoquer, avec ladite lettre « e », l’image très stylisée du corps d’un tel insecte. Ainsi que le souligne la chambre de recours, ces éléments peuvent être également perçus comme étant des dessins fantaisistes.

35      Si l’élément figuratif constitué par les quatre ailes est légèrement plus large et plus haut que l’élément verbal, force est de constater que les traits noirs de ce dernier sont plus épais et son positionnement est plus central dans le signe, de sorte que l’attention du public peut converger davantage sur cet élément verbal, lequel, d’ailleurs, semble être mis en exergue par l’élément figuratif l’encadrant verticalement.

36      Dans l’ensemble, ainsi que l’a relevé, en substance, la chambre de recours, ni l’élément verbal ni l’élément figuratif ne dominent exclusivement l’image de la marque demandée, étant tous les deux d’une taille importante analogue et clairement visibles. En d’autres termes, aucune partie de la marque demandée ne saurait être considérée comme étant négligeable. En effet, si la chambre de recours a relevé, à juste titre, que l’impact de l’élément verbal était plus important, conformément au fait qu’il était susceptible d’attirer davantage l’attention du public, cela ne signifie pas qu’un tel élément verbal soit le seul élément dominant ou que l’élément figuratif ne doive pas être pris en compte.

37      Il s’ensuit que, lors de la comparaison des marques en cause, l’attention du public ne sera pas attirée par certaines suites de lettres, telles que les suites de lettres « emie » et « mene », ou, en ce qui concerne la marque demandée, par l’élément figuratif. Au contraire, ainsi que, en substance, l’a correctement retenu la chambre de recours, les marques en cause doivent être comparées chacune prise dans son ensemble.

 Sur la comparaison visuelle

38      La chambre de recours a considéré que les marques étaient constituées par des éléments verbaux de sept lettres, leur structure et leur longueur étant donc identiques. Elle a indiqué que les deux signes coïncidaient par leurs trois premières lettres (« « a », « l » et « k ») ainsi que par leur dernière lettre (« e ») et que, au centre, ils avaient en commun les lettres « e » et « m » en ordre inversé (point 32 de la décision attaquée). Elle a relevé que les signes différaient par leur avant-dernière lettre, à savoir la lettre « i » dans la marque demandée et la lettre « n » dans la marque antérieure, ainsi que par l’élément figuratif non négligeable de la marque demandée qui ne figurait pas dans la marque antérieure. Sur la base de ces éléments, la chambre de recours a considéré que les marques en cause présentaient une similitude visuelle inférieure à la moyenne (point 33 de la décision attaquée).

39      La requérante fait valoir que les éléments verbaux des marques en cause diffèrent sensiblement par leurs parties finales placées après le préfixe « alk ». Il serait difficile de voir une similitude entre les suites de lettres « emie » et « mene », car elles comportent une séquence différente de trois lettres sur quatre, seule la dernière lettre étant identique, et, prises dans leur intégralité, elles sont fondamentalement différentes. En outre, l’aspect graphique de la marque demandée serait un argument supplémentaire en faveur de l’absence de similitude visuelle. D’une part, l’élément verbal serait très stylisé dans une police de caractères spécifique, dans laquelle la lettre initiale « a » serait atypique, tout comme la lettre centrale « e », laquelle ne serait pas reconnue par le public pertinent, qui la considérera comme un symbole purement graphique. Par ailleurs, la marque demandée serait écrite en majuscules, tandis que la marque antérieure serait écrite en minuscules sauf pour la première lettre. D’autre part, la marque demandée comporterait un élément figuratif.

40      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

41      À titre liminaire, il convient de rappeler que la marque antérieure est une marque verbale, tandis que la marque demandée est une marque complexe composée par un élément verbal et par un élément figuratif.

42      Premièrement, en ce qui concerne les éléments verbaux contenus dans les marques en cause, il convient de rappeler qu’il s’agit du mot « alkmene » dans la marque antérieure et du mot « alkemie » dans la marque demandée. En effet, contrairement à ce qui est suggéré par la requérante, la stylisation du mot « alkemie », et en particulier de la lettre initiale « a » et de la lettre centrale « e », n’est pas telle que le public pertinent ne le reconnaîtrait pas. Au contraire, ainsi qu’il a été relevé au point 31 ci-dessus, le public pertinent sera en mesure de percevoir le mot « alkemie ».

43      Dans ces circonstances, tout d’abord, il convient de rappeler que les éléments verbaux des marques en cause sont composés chacun d’un mot de sept lettres. Ensuite, ainsi que le reconnaît la requérante, les trois premières lettres (« a », « l » et « k ») et la dernière lettre (« e ») desdits éléments verbaux sont identiques et placées dans le même ordre. Enfin, si ces éléments présentent des différences dans les quatrième à sixième lettres, force est de constater, d’une part, que les quatrième et cinquième lettres sont les mêmes en ordre inversé (« e » et « m » dans la marque demandée et « m » et « e » dans la marque antérieure) et, d’autre part, que la sixième lettre est différente (« i » dans la marque demandée et « n » dans la marque antérieure).

44      Il s’ensuit que, contrairement à ce qui est suggéré par la requérante, non seulement la partie initiale (« alk ») des deux éléments verbaux est identique, mais également les parties finales desdits éléments (« emie » et « mene ») présentent des similitudes tenant à l’identité en ordre inversé des quatrième et cinquième lettres et à l’identité de la septième lettre. Par ailleurs, si une lettre est différente, il s’agit, dans les deux éléments verbaux, de la seule sixième lettre. Par conséquent, l’argument de la requérante selon lequel les parties finales des éléments verbaux seraient fondamentalement différentes ne saurait être retenu. Par ailleurs, la circonstance que l’élément verbal composant la marque demandée soit écrit en caractères fantaisistes majuscules tandis que la marque verbale antérieure soit écrite en caractères minuscules ne saurait éliminer les similitudes visuelles entre lesdits éléments verbaux.

45      Deuxièmement, en ce qui concerne l’élément figuratif contenu dans la marque demandée, force est de constater que la marque antérieure, étant une marque verbale, ne contient aucun élément figuratif. Toutefois, une telle différence ne permet pas d’exclure, en soi, une similitude visuelle entre les marques en cause, compte tenu des similitudes portant sur les éléments verbaux desdites marques.

46      C’est donc à juste titre que, en l’espèce, malgré les similitudes des éléments verbaux composant les signes en conflit, eu égard à l’identité de quatre lettres sur sept et à la présence de deux mêmes lettres en ordre inversé, la chambre de recours, compte tenu de la présence d’un élément figuratif non négligeable dans la marque demandée, lequel ne figure pas dans la marque antérieure, a pu retenir que la similitude visuelle entre les signes en conflit était d’un degré inférieur à la moyenne.

 Sur la comparaison phonétique

47      La chambre de recours a considéré que les marques coïncidaient dans la prononciation de la suite de lettres « alk » et de leur dernière lettre « e » et avaient un son similaire en ce qui concernait la combinaison des lettres centrales « e » et « m ». Elle a indiqué que la légère différence phonétique découlant de l’inversion des lettres « e » et « m », lesquelles avaient toutefois une sonorité proche, et de la prononciation des avant-dernières lettres ne neutralisait pas la similitude découlant des parties initiales et finales des signes. La chambre de recours a conclu que les marques présentaient un degré moyen de similitude phonétique (point 34 de la décision attaquée).

48      La requérante fait valoir que la comparaison phonétique doit être réalisée au regard des sons et des syllabes, et non des lettres ou des préfixes ou suffixes. La marque demandée et la marque antérieure comprendraient chacune trois syllabes dont aucune ne coïnciderait : « al », « ke » et « mie » pour la marque demandée et « alk », « me » et « ne » pour la marque antérieure. En particulier, les deux dernières syllabes seraient radicalement différentes, tandis qu’il y aurait une certaine similitude entre les premières syllabes.

49      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

50      À titre liminaire, il convient de relever que la comparaison phonétique concerne les éléments verbaux composant les marques en cause, l’élément figuratif composant la marque demandée n’étant pas susceptible de prononciation.

51      Il convient de commencer par relever que les éléments verbaux se composent chacun de trois syllabes. Il est certes exact que, ainsi que le souligne la requérante, prises individuellement, ces syllabes ne coïncident pas. Toutefois, une telle comparaison individuelle desdites syllabes ne prendrait pas en compte leur combinaison dans la prononciation d’ensemble des mots constituant les marques en cause. En effet, la prononciation des deux mots coïncide, au début, par la prononciation de la suite de lettres « alk ». Ensuite, comme l’a relevé la chambre de recours, la sonorité de la suite de lettres « alkem » contenue dans la marque demandée est proche de la sonorité de la suite de lettres « alkme » contenue dans la marque antérieure, compte tenu de la présence des mêmes lettres, et ce malgré la légère différence découlant de l’inversion de l’ordre des lettres « e » et « m ». Enfin, la prononciation des deux marques coïncide, à la fin, par la prononciation de la lettre « e ». Par conséquent, la prononciation des deux mots se différencie uniquement par la sonorité différente, respectivement, des lettres « i » et « n », laquelle, ainsi que l’a observé la chambre de recours, n’est pas susceptible d’atténuer la similitude découlant de la prononciation des autres lettres.

52      C’est donc à juste titre que, en l’espèce, la chambre de recours a pu retenir que la similitude phonétique entre ces signes était d’un degré moyen.

 Sur la comparaison conceptuelle

53      À titre liminaire, la chambre de recours a précisé que, suivant la même approche que celle retenue par la division d’opposition et non contestée par la requérante, son examen des marques en cause était axé sur la partie non négligeable du public pertinent pour laquelle aucune des marques n’avait de sens (point 29 de la décision attaquée). Sur cette base, la chambre de recours a considéré que la comparaison conceptuelle entre les marques en cause était neutre pour le public pertinent qu’elle avait pris en considération, dès lors que, pour ce public, aucun des signes n’avait de signification (point 35 de la décision attaquée).

54      La requérante fait valoir qu’il n’y a pas de similitude conceptuelle entre les signes en conflit. Toutefois, des liens étymologiques entre les signes en conflit ne pourraient être exclus et cela pourrait concerner la partie initiale des mots. La marque demandée serait liée au mot allemand « alchemie », lequel signifie alchimie. La neutralité sémantique de la marque demandée serait donc contestable et la question de la similitude conceptuelle aurait dû être examinée de manière plus approfondie par la chambre de recours.

55      L’EUIPO indique que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré qu’il y avait des différences sur le plan sémantique entre les signes comparés. Il ajoute, en substance, que la requérante approuve le contenu de la décision attaquée quant à l’absence de similitude du point de vue sémantique.

56      À titre liminaire, il convient de relever que, contrairement à ce qui est suggéré par l’EUIPO, dans la décision attaquée, la chambre de recours n’a fait état d’aucune différence conceptuelle entre les marques en cause, mais elle a expressément considéré qu’aucune desdites marques n’avait de signification pour le public pertinent pris en considération, de sorte que la comparaison conceptuelle était neutre.

57      Quant au bien-fondé d’une telle appréciation, s’agissant, d’une part, de la marque demandée, la chambre de recours s’est appuyée sur le fait que pour une partie non négligeable du public pertinent la marque demandée n’aurait pas de signification. Toutefois, à cet égard, il y a lieu de relever que la chambre de recours n’a pas précisé à quelle éventuelle partie non négligeable du public pertinent elle faisait référence.

58      Au contraire, ainsi qu’il ressort de la synthèse de la décision de la division d’opposition rappelée par la chambre de recours dans la décision attaquée, « le mot “alkemie” peut faire allusion aux mots “alchemy” (anglais), “alchemia” (polonais), “alchimie” (français), “alquimia” (espagnol), “alhimiya” (bulgare) » (point 8 de la décision attaquée). Dans la requête, la requérante elle-même se réfère au mot allemand “alchemie”, auquel la marque demandée serait « liée de manière significative » par un « lien étymologique » et par une « proximité structurelle incontestable ». Par ailleurs, force est de constater que le mot « alkemie » peut également faire allusion aux mots correspondant à ce terme dans d’autres langues officielles de l’Union, tels que les mots « alkymi » (danois), « alchýmia » (slovaque) ou « alchimia » (italien).

59      Dans ces circonstances, bien que le mot « alkemie » n’existe, en tant que tel, dans aucune langue officielle de l’Union, il s’agit d’un mot doté d’une certaine force évocatrice, dès lors qu’il peut faire allusion aux mots signifiant alchimie dans de nombreuses langues officielles de l’Union. Au demeurant, ni la division d’opposition ni la chambre de recours n’ont mentionné précisément une partie du public pertinent dans la langue duquel le mot « alkemie » ne serait pas susceptible de faire allusion au mot signifiant alchimie. Il est ainsi probable que la marque demandée évoque, dans l’esprit du public pertinent, des idées associées à la notion d’alchimie, sans que les légères différences d’écriture par rapport aux mots existant dans lesdites langues officielles de l’Union puissent empêcher une telle association et permettre de considérer qu’il s’agirait d’un mot inventé n’évoquant aucune idée.

60      En outre, il est également possible que l’élément figuratif contenu dans la marque demandée évoque, dans l’esprit du public pertinent, l’image très stylisée des ailes d’une libellule, perception qui, d’ailleurs, pourrait être renforcée par la combinaison des quatre points et de la lettre centrale « e », tous alignés verticalement, lesquels, dans l’ensemble, pourraient évoquer l’image très stylisée du corps d’un tel insecte. Ainsi, il ne saurait être exclu que la marque demandée puisse également évoquer des idées associées à l’image d’une libellule. Toutefois, il est également possible qu’une partie du public pertinent ne voie la représentation d’aucun insecte dans la marque demandée, mais perçoive plutôt les éléments figuratifs comme étant un dessin fantaisiste dépourvu de signification.

61      S’agissant, d’autre part, de la marque antérieure, ainsi qu’il ressort de la synthèse de la décision de la division d’opposition rappelée par la chambre de recours dans la décision attaquée, « le mot “alkmene” peut être compris par une partie du public, par exemple la partie allemande du public, comme désignant la mère d’Héraclès, dont le père était le dieu Zeus » (point 8 de la décision attaquée). Il s’agirait donc du nom d’un personnage de la mythologie grecque. S’il ne saurait être exclu qu’une partie du public pertinent puisse connaître une telle signification du mot « alkmene », néanmoins, ainsi que l’a rappelé la chambre de recours dans la synthèse de la décision de la division d’opposition, il est plutôt probable que la majorité du public pertinent n’associera à ce mot aucune signification. En effet, il est probable que ladite signification tirée de la mythologie grecque sera connue uniquement par une partie restreinte du public pertinent et aucun élément au dossier ne permet de considérer que le public pertinent attribuerait à ce mot une autre signification.

62      Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qui a été retenu par la chambre de recours dans la décision attaquée, la comparaison conceptuelle des marques en cause n’est pas neutre. Au contraire, dans la mesure où, pour le public pertinent, la marque demandée peut évoquer des idées associées à la notion d’alchimie, voire même des idées associées à l’image d’une libellule, et la marque antérieure n’a pas de signification, il y a lieu de considérer que les marques en cause ne sont pas similaires sur le plan conceptuel [voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, EU:T:2004:189, point 55].

 Sur le risque de confusion

63      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

64      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, eu égard au caractère distinctif intrinsèque moyen de la marque antérieure, à l’identité ou à la similitude des produits et services en cause, aux similitudes visuelle et phonétique des signes en conflit non neutralisées par des différences conceptuelles, il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent (points 36 et 37 de la décision attaquée). La chambre de recours a ajouté que ce risque existerait même si le public pertinent était plus attentif lors de l’achat de certains produits et services en cause, dès lors que ce public n’examinera pas dans le moindre détail ou ne comparera pas minutieusement à une autre marque la marque à laquelle il est confronté (points 37 et 39 de la décision attaquée). La chambre de recours a ainsi conclu que le public pertinent était susceptible de croire que les produits et services en cause provenaient de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement, identifiées par les éléments verbaux distinctifs, similaires au point d’être confondus, « alkmene » et « alkemie » (point 38 de la décision attaquée).

65      La requérante fait valoir que les conclusions sur le risque de confusion sont erronées dans la mesure où la comparaison des signes en conflit n’a pas été pleinement réalisée et où la chambre de recours a suivi une méthode erronée d’appréciation de la similitude des signes. En effet, dès lors que le préfixe « alk » possèderait un faible caractère distinctif, qu’il existerait des différences entre les parties finales des mots « alkemie » et « alkmene » et que la marque demandée contiendrait un élément figuratif, les signes en conflit ne seraient pas similaires, de sorte qu’il n’y aurait pas de risque de confusion. La requérante vise également le fait que la chambre de recours aurait constaté l’existence d’une similitude visuelle et phonétique des signes, qui n’est pas atténuée par leurs différences conceptuelles.

66      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

67      D’une part, dans la mesure où les arguments de la requérante visent la comparaison des signes en conflit, il y a lieu de rappeler que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que lesdits signes présentaient une similitude inférieure à la moyenne sur le plan visuel et une similitude moyenne sur le plan phonétique. Certes, la chambre de recours a considéré que la comparaison conceptuelle de ces signes était neutre, alors que ces signes ne sont pas similaires sur le plan conceptuel. Toutefois, une telle circonstance n’est pas susceptible de démontrer, en soi, que la conclusion de la chambre de recours quant à l’existence d’un risque de confusion serait erronée. Il convient en revanche de prendre en compte une telle circonstance dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion.

68      Par ailleurs, dans la mesure où les arguments de la requérante visent la présence, dans la marque demandée, d’un élément figuratif très stylisé, dont la marque antérieure est dépourvue, il convient de rappeler que, en dépit d’une telle circonstance, les marques en cause sont visuellement similaires, bien qu’à un degré inférieur à la moyenne, et phonétiquement similaires, à un degré moyen.

69      D’autre part, dans la mesure où les arguments de la requérante doivent être compris comme critiquant le fait que la chambre de recours n’aurait pas considéré que les différences conceptuelles entre les signes en conflit neutraliseraient leurs similitudes visuelle et phonétique, il y a lieu de rappeler que, effectivement, selon la jurisprudence, des différences conceptuelles peuvent neutraliser, dans certaines circonstances, les similitudes visuelle et phonétique entre les signes concernés. Une telle neutralisation requiert qu’au moins l’un des signes en cause ait, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir immédiatement (arrêt du 22 juin 2004, PICARO, T‑185/02, EU:T:2004:189, point 56) et que l’autre marque n’ait pas une telle signification ou qu’elle ait une signification entièrement différente [arrêt du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, EU:T:2004:79, point 93].

70      Or, force est de constater que, en l’espèce, l’absence de similitude conceptuelle entre les signes en conflit n’est pas en mesure de neutraliser leurs similitudes visuelle et phonétique. D’une part, si la marque demandée peut évoquer des idées associées à la notion d’alchimie, une telle association n’est pas à ce point claire et déterminée pour être saisie immédiatement par le public pertinent. En effet, une telle association n’est qu’éventuelle, dès lors que le mot « alkemie » n’existe, en tant que tel, dans aucune langue officielle de l’Union. En outre, si ce mot peut avoir une certaine force évocatrice en ce qu’il peut faire allusion aux mots correspondant à la notion d’alchimie, la portée d’une telle association pourrait demeurer assez vague dans l’esprit du public pertinent, dès lors que la notion d’alchimie peut notamment évoquer les idées d’une connaissance ancienne, d’une pratique ésotérique, d’une forme de chimie, de pharmacie ou de médecine ou, encore, d’un processus de transformation. De surcroît, dès lors que la marque demandée, compte tenu de son élément figuratif, peut aussi évoquer des idées associées à l’image d’une libellule, sa portée conceptuelle est loin d’être claire et déterminée, mais demeure relativement incertaine et multiple. D’autre part, ainsi que l’indique la requérante elle-même dans la requête, « certains liens étymologiques entre les signes examinés ne peuvent être exclus et, en tout état de cause, cela peut concerner la partie initiale des termes “alkmene” et “alkemie” ». Par conséquent, il ne saurait être exclu que le public pertinent, tout en pouvant associer le mot « alkemie » à des idées liées à la notion d’alchimie et ne donner aucune signification au mot « alkmene », puisse opérer un rapprochement étymologique entre les deux mots, compte tenu de leur début commun et, ainsi, entre les deux marques.

71      Dans ces conditions, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant qu’il existait un risque de confusion entre les marques en cause, compte tenu du caractère distinctif intrinsèque moyen de la marque antérieure, du niveau d’attention moyen du public pertinent, de l’identité ou de la similitude (normale ou faible) des produits et services en cause et des similitudes visuelle et phonétique entre les marques en cause, d’autant plus qu’un rapprochement étymologique entre les éléments verbaux des deux marques ne pouvait être exclu.

72      Ainsi que l’a indiqué la chambre de recours, une telle conclusion demeure également valable pour les produits et services en cause pour lesquels le public pertinent fait preuve d’un niveau d’attention plus élevé, conclusion au demeurant non contestée par la requérante.

73      En effet, même pour un public faisant preuve d’un niveau d’attention élevé, il n’en demeure pas moins que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il en a gardée en mémoire [arrêt du 21 novembre 2013, Equinix (Germany)/OHMI – Acotel (ancotel.), T‑443/12, non publié, EU:T:2013:605, point 54]. Ainsi, en l’espèce, confronté à la marque demandée, un tel public ne percevra pas nécessairement, par rapport à l’image imparfaite de la marque antérieure qu’il a gardée en mémoire, les différences découlant de l’ordre inversé de deux lettres et d’une lettre différente ainsi que de la présence d’un élément figuratif très stylisé et, à supposer même qu’il les perçoive, il ne les considérera pas comme étant les indications d’une origine commerciale différente. Au contraire, ce public, tout comme le public faisant preuve d’un niveau d’attention moins élevé, pourra croire que les produits et services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement, eu égard à la même longueur, à la même structure, au même préfixe (trois premières lettres) et à la même fin (dernière lettre) des éléments verbaux susceptibles d’indiquer leur origine commerciale.

74      Dans ces circonstances, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu qu’un risque de confusion entre les marques en cause existait dans l’esprit du public pertinent.

75      Cependant, il y a lieu de relever que la chambre de recours, tout en ayant rappelé que les « accessoires alimentaires » relevant de la classe 5 visés par la marque demandée n’étaient pas similaires aux produits visés par la marque antérieure (voir le point 22 ci-dessus), a confirmé l’existence d’un risque de confusion en ce qui concerne lesdits produits, lesquels figurent dans la liste des produits et services pour lesquels l’opposition a été accueillie par la division d’opposition, liste que la chambre de recours a faite sienne dans la décision attaquée (points 8 et 14 de la décision attaquée).

76      Les parties ont été interrogées à cet égard par le biais d’une mesure d’organisation de la procédure. D’une part, la requérante a indiqué que, selon elle, les « accessoires alimentaires » relevant de la classe 5 avaient été inclus dans cette liste par erreur, car il avait été clairement reconnu qu’ils n’étaient pas similaires aux produits visés par la marque antérieure. D’autre part, l’EUIPO s’est limité à indiquer que, selon lui, la décision attaquée contenait un résumé correct de la décision de la division d’opposition.

77      Or, dès lors que l’une des conditions cumulatives rappelées au point 18 ci-dessus préalables à la constatation de l’existence d’un risque de confusion n’est pas remplie en ce qui concerne les « accessoires alimentaires », ces produits n’étant pas identiques ou similaires aux produits visés par la marque antérieure, il y a lieu de relever que c’est à tort que la chambre de recours a constaté l’existence d’un risque de confusion s’agissant desdits produits.

78      Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’annuler la décision attaquée en tant qu’elle a rejeté le recours de la requérante s’agissant des « accessoires alimentaires » relevant de la classe 5 et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

79      Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

80      En l’espèce, le recours n’étant accueilli que pour une partie des produits et services en cause, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 16 septembre 2019 (affaire R 2231/20182) est annulée en tant qu’elle a rejeté le recours d’Alkemie Group sp. z o.o. s’agissant des « accessoires alimentaires » relevant de la classe 5.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.