Language of document : ECLI:EU:T:2021:6

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

13 janvier 2021 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Résiliation d’un contrat à durée indéterminée en application de l’article 47, sous c), i), du RAA – Exécution d’un arrêt du Tribunal – Article 266 TFUE – Droit d’être entendu – Nouvelle décision de résiliation »

Dans l’affaire T‑824/19,

RY, représenté par Me J.-N. Louis, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Schima et B. Mongin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 10 avril 2019 résiliant le contrat à durée indéterminée du requérant,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et Mme R. Frendo, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 octobre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, RY, est entré au service de la Commission européenne le 1er novembre 2014, en tant qu’agent temporaire recruté au titre de l’article 2, sous c), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.

2        Conformément aux articles 2 et 3 du contrat d’engagement signé par le directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité de la Commission le 11 décembre 2014, le requérant a exercé, à compter du 1er novembre 2014, la fonction de chef de cabinet adjoint d’un membre de la Commission (ci-après le « membre de la Commission »), en étant classé au grade AD 12, échelon 2.

3        En application d’un avenant au contrat d’engagement signé le 2 octobre 2015 avec effet au 1er octobre précédent, les fonctions du requérant ont été modifiées, celui-ci occupant désormais le poste d’expert au sein du cabinet du membre de la Commission, en étant classé au grade AD 13, échelon 2.

4        Le 18 avril 2016, le chef de cabinet du membre de la Commission a demandé au directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité que le contrat du requérant soit résilié.

5        Par décision du directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité du 27 avril 2016, la Commission a mis fin au contrat d’agent temporaire du requérant en vertu de l’article 47, sous c), i), du RAA avec effet au 1er août 2016.

6        Par arrêt du 10 janvier 2019, RY/Commission (T‑160/17, ci-après l’« arrêt d’annulation », EU:T:2019:1), le Tribunal a annulé la décision du directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité du 27 avril 2016, résiliant le contrat à durée indéterminée du requérant. Le Tribunal a jugé qu’il ne pouvait être exclu que la procédure de licenciement ait pu aboutir à un résultat différent si le requérant avait été dûment entendu et que, partant, le moyen tiré de la violation du droit d’être entendu, garanti par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), devait être accueilli.

7        Par courrier du 19 février 2019, dont le requérant a accusé réception le même jour, le directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité a notifié au requérant le projet de décision de résilier son contrat, en application de l’article 47 sous c), i), du RAA. Il a indiqué que, à la suite de l’engagement du requérant comme chef de cabinet adjoint le 1er novembre 2014, il s’était révélé que celui-ci avait des difficultés à s’adapter au contexte institutionnel et à conseiller le membre de la Commission sur les dossiers qui lui étaient confiés et, notamment, le dossier sécurité. Or, ces difficultés auraient affecté la qualité du travail effectué par le requérant tout en ayant également eu un impact sur les résultats du cabinet dans son ensemble. Le directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité poursuivait en indiquant que, à la suite de plusieurs réunions avec le membre de la Commission et son chef de cabinet, le requérant avait eu l’occasion de discuter de cette situation. Le membre de la Commission, à la suite de ces échanges, aurait décidé de le réaffecter au poste d’expert le 1er octobre 2015, avec des responsabilités pour les dossiers « citoyenneté » et « politique antidrogue ». Cette réaffectation aurait été envisagée comme une dernière chance donnée au requérant de regagner la confiance du membre de la Commission en traitant des dossiers de priorité moindre. En dépit de cette nouvelle opportunité, le requérant n’aurait pas été capable de conseiller le membre de la Commission sur les nouveaux dossiers tombant sous sa responsabilité. En particulier, il n’aurait pas développé une stratégie pour la citoyenneté comme cela avait été demandé par le membre de la Commission et ses résultats ne se seraient pas améliorés. Le directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité a invité le requérant à lui faire part de ses commentaires sur la décision envisagée.

8        Par courrier du 5 mars 2019, le requérant a pris acte de ce projet de décision et de l’intention du directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité de le placer à la disposition de la direction générale « Migration et affaires intérieures » pendant son préavis de quatre mois. Il s’est « interrogé sur la conformité de cette intention avec les motifs de l’arrêt du Tribunal ».

9        Par courrier du 22 mars 2019, le requérant a indiqué à la Commission qu’il n’avait toujours pas été informé des mesures que la Commission entendait prendre en exécution de l’arrêt d’annulation. Le requérant a affirmé que la Commission ne lui avait toujours pas indiqué les mesures qu’elle entendait prendre d’un point de vue financier pour le réintégrer dans ses droits depuis l’arrêt d’annulation et qu’elle ne pouvait envisager légalement de mettre fin à son contrat en se limitant à la notification d’un préavis de quatre mois, une telle décision ne respectant pas les motifs de l’arrêt d’annulation.

10      Par note du 27 mars 2019, le directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité a demandé au chef de cabinet du membre de la Commission si, au vu, notamment, des courriers du requérant des 5 et 22 mars 2019, le membre de la Commission considérait toujours que le contrat de travail du requérant devait être résilié pour perte de confiance.

11      Par note du 28 mars 2019, le membre de la Commission a indiqué au directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité, par l’intermédiaire de son chef de cabinet, qu’il confirmait la perte de confiance envers le requérant.

12      Par décision du directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité du 10 avril 2019, notifiée par courriel du même jour (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a mis fin au contrat d’agent temporaire du requérant en vertu de l’article 47, sous c), i), du RAA, moyennant un préavis de quatre mois durant lequel le requérant serait mis à la disposition d’une direction générale. Le directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité, en se référant aux éléments mentionnés dans la lettre du 19 février 2019, a indiqué que le membre de la Commission avait confirmé la perte d’un lien de confiance après avoir été mis en possession de tous les documents transmis par le requérant ou auxquels se référait celui-ci, qu’il ne voyait aucune raison de douter de la perte de confiance du membre de la Commission et de l’exactitude des éléments avancés pour la justifier et que, dans la mesure où la décision de résiliation avait été annulée par le Tribunal pour un motif d’ordre procédural (la violation du droit d’être entendu), rien n’empêchait la Commission de procéder une nouvelle fois à la résiliation du contrat de travail pour rupture du lien de confiance, tout en respectant le droit d’être entendu.

13      Par lettre du 24 avril suivant, le représentant du requérant a pris acte de ce que, le 28 mars précédent, le membre de la Commission avait adressé une note au directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité confirmant la rupture du lien de confiance. Il a pris acte de la décision de la Commission de mettre fin au contrat de son client et a demandé une copie de ladite note.

14      Le 25 avril 2019, le requérant a saisi l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement de la Commission d’une réclamation dirigée contre la décision attaquée. À l’appui de sa réclamation, le requérant a invoqué une violation de l’article 266 TFUE, du droit d’être entendu, de l’obligation de motivation ainsi qu’une erreur d’appréciation. En substance, le requérant a fait valoir que la décision attaquée n’avait pas été exécutée conformément à l’article 266 TFUE, car, dans la mesure où son droit d’être entendu n’avait pas été respecté, il n’avait toujours pas été mis en mesure, conformément à la jurisprudence, d’influencer le processus décisionnel en cause. Le requérant a, ainsi, affirmé que, alors que, comme cela ressort de l’arrêt d’annulation, son licenciement se fondait sur des éléments objectifs et des jugements de valeur procédant d’appréciations quant à sa manière de servir susceptibles, aux termes de cet arrêt, d’être modifiés « dans le cadre d’un échange avec l’intéressé », il n’avait toujours pas été entendu par le membre de la Commission, pas plus qu’il n’avait eu accès aux éléments objectifs à l’origine de son licenciement, éléments dont il a demandé la communication dans leur intégralité.

15      Par décision du 14 août 2019, notifiée le 21 août suivant, la Commission a rejeté la réclamation. La Commission a considéré, d’une part, que le droit d’être entendu du requérant avait été respecté, dans la mesure où le membre de la Commission n’était nullement tenu de l’entendre oralement et que les éléments factuels à l’origine de son licenciement lui avaient été communiqués dans la lettre du 19 février 2019. La Commission a noté, à cet égard, que le requérant avait contesté ces éléments par courriers des 5 et 22 mars 2019, contestations qui avaient été transmises au membre de la Commission par note du 27 mars 2019 et auxquelles celui-ci avait répondu par l’intermédiaire de son chef de cabinet le 28 mars 2019. La Commission a considéré, d’autre part, que les données factuelles qui fondaient la rupture du lien de confiance telles qu’elles sont exposées au point 7 ci-dessus avaient été portées à la connaissance du requérant dès le 19 février 2019. La Commission a conclu de ce qui précède qu’il convenait de rejeter la réclamation du requérant.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 décembre 2019, le requérant a introduit le présent recours.

17      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

19      Dans ses écritures, le requérant soulève trois moyens, tirés, le premier, d’une violation combinée de l’article 266 TFUE et du droit d’être entendu, le deuxième, d’une violation de l’article 266 TFUE en l’absence de réintégration dans les services de la Commission et, le troisième, d’un détournement de pouvoir.

20      Lors de l’audience, le requérant a déclaré renoncer à ses deuxième et troisième moyens, ce dont le Tribunal a pris acte au procès-verbal de l’audience.

21      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le requérant soulève un moyen unique tiré d’une violation combinée de l’article 266 TFUE et du droit d’être entendu.

22      Le requérant soutient, comme cela ressort, en substance, de la requête, que la Commission a violé l’article 266 TFUE en ne respectant pas le motif de l’arrêt d’annulation, à savoir une violation du droit d’être entendu garanti par l’article 41 de la Charte.

23      Le requérant affirme, à cet égard, qu’il n’a pas pu exercer son droit d’être entendu, en violation de l’arrêt d’annulation, dans la mesure où, tout d’abord, son droit d’accéder au dossier a été violé, ensuite, la Commission ne lui a pas communiqué les éléments objectifs et subjectifs étayant la décision de résiliation de son contrat de travail et, enfin, par conséquent, il n’a pas été mis en mesure de faire valoir ses observations sur la décision de licenciement envisagée et d’influencer le processus décisionnel en cause.

 Sur la violation du droit d’être entendu en l’absence d’accès du requérant au dossier

24      Le requérant fait valoir qu’il n’a pas pu exercer son droit d’être entendu, son droit d’accès au dossier ayant été violé. Cette violation résiderait dans le fait qu’il a été invité, le 19 février 2019, à faire valoir ses observations sur un projet de décision de licenciement se fondant sur les motifs d’une lettre du chef de cabinet du membre de la Commission du 18 avril 2016, datant de près de trois ans alors qu’il n’a eu accès, à la suite de l’arrêt d’annulation, malgré ses demandes répétées, ni à l’échange de documents intervenus entre le cabinet du membre de la Commission et la direction générale des ressources humaines et de la sécurité (en particulier les notes des 27 et 28 mars 2019), y compris la lettre du 18 avril 2016, ni aux dossiers qu’il aurait, d’après le membre de la Commission, eu des difficultés à traiter dans le cadre de ses fonctions dans le cabinet de celui-ci. Au reste, cette absence d’accès au dossier n’aurait pas pu être compensée par la circonstance invoquée, à tort, par la Commission, au quatrième alinéa de la lettre du 19 février 2019, c’est-à-dire qu’il y aurait eu différentes réunions entre le requérant et, d’une part, le membre de la Commission et, d’autre part, le chef de cabinet, car, ainsi qu’il ressort de l’arrêt d’annulation, le requérant n’aurait jamais été informé lors de ces réunions de l’intention du membre de la Commission de résilier son contrat au motif de la rupture du lien de confiance. Dès lors, le requérant n’aurait jamais été mis en mesure de présenter ses observations sur la rupture envisagée. À la suite de l’arrêt d’annulation, la Commission n’aurait produit aucun élément démontrant le contraire.

25      La Commission conteste ces arguments.

26      En vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE, l’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé, ou dont l’abstention a été déclarée contraire aux traités, est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne.

27      Pour se conformer à l’obligation prévue par l’article 266, premier alinéa, TFUE, il appartient à l’institution concernée de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt d’annulation en exerçant, sous le contrôle du juge de l’Union, le pouvoir d’appréciation dont elle dispose à cet effet, dans le respect aussi bien du dispositif et des motifs de l’arrêt qu’elle est tenue d’exécuter que des dispositions du droit de l’Union (arrêt du 6 octobre 2004, Vicente-Nuñez/Commission, T‑294/02, EU:T:2004:291, point 46).

28      L’administration a le devoir d’éviter que tout acte destiné à remplacer l’acte annulé ne soit entaché des mêmes irrégularités que celles identifiées dans les motifs de l’arrêt d’annulation (arrêt du 2 février 1995, Frederiksen/Parlement, T‑106/92, EU:T:1995:18, point 32).

29      Lorsqu’une décision ne peut être prise que dans le respect du droit d’être entendu, l’intéressé doit être mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet de la mesure envisagée, dans le cadre d’un échange écrit ou oral entamé par l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement de la Commission et dont la preuve incombe à celle-ci (voir arrêt d’annulation, point 45 et jurisprudence citée).

30      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que l’arrêt d’annulation ne s’est pas fondé, pour conclure à une violation du droit d’être entendu, sur l’absence de communication au requérant de la note du 18 avril 2016, de telle sorte que la Commission n’était pas tenue, pour exécuter cet arrêt, de communiquer ladite note au requérant. Il convient de relever, en outre, que la lettre du 19 février 2019 du directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité citée dans la note du chef de cabinet du membre de la Commission du 28 mars 2019 reprend les éléments de la note du 18 avril 2016 de telle sorte que le requérant était en mesure d’en connaître le contenu et de présenter ses observations sur celle-ci avant l’adoption de la décision attaquée. Il s’ensuit que, en ne communiquant pas au requérant la note du 18 avril 2016, la Commission n’a pas violé son droit d’être entendu.

31      En deuxième lieu, s’agissant de l’échange de documents intervenus entre le cabinet du membre de la Commission et la direction générale des ressources humaines et de la sécurité, à savoir, d’une part, la lettre du directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité du 27 mars 2019 et, d’autre part, la note du chef de cabinet du membre de la Commission du 28 mars 2019 dont le requérant met en cause l’absence de communication, il y a lieu de constater également qu’il ne découle pas de l’arrêt d’annulation que ces documents devaient être communiqués au requérant aux fins de l’exercice de son droit d’être entendu. En tout état de cause, en ce qui concerne le droit d’être entendu avant l’adoption de la décision attaquée, ces documents ne font pas mention d’éléments à charge non connus du requérant sur lesquels celui-ci n’aurait pas été en mesure de présenter ses observations. En effet, dans sa note du 27 mars 2019, le directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité demande au chef de cabinet du membre de la Commission la position de celui-ci sur l’existence d’une rupture du lien de confiance, en se bornant à joindre à sa demande le courriel du requérant du 19 février 2019, ses deux lettres des 5 et 22 mars 2019, son rapport de stage ainsi que sa requête dans l’affaire T‑160/17, documents déjà en la possession du requérant. La note du chef de cabinet du membre de la Commission du 28 mars 2019 se limite, quant à elle, à confirmer de façon très brève, sans référence à de quelconques éléments qui n’auraient pas été portés à la connaissance du requérant, la perte de confiance du membre de la Commission envers l’intéressé.

32      En troisième lieu, d’une part, il convient d’observer que, comme pour les correspondances mentionnées aux points 30 et 31 ci-dessus, la constatation de la violation du droit d’être entendu dans l’arrêt d’annulation n’est pas fondée sur l’absence d’accès du requérant à ses dossiers au cours de la procédure administrative, de telle sorte que l’obligation de donner accès auxdits dossiers ne ressort pas de cet arrêt.

33      D’autre part, si le requérant se réfère à l’absence de communication desdits dossiers pour contester son licenciement, il ne peut pas être établi que la critique exprimée par le membre de la Commission pour justifier son licenciement se matérialise par des éléments concrets figurant dans ces dossiers, éléments dont du reste le requérant n’allègue pas l’existence. Au contraire, au vu des critiques formulées par le membre de la Commission selon lesquelles, en particulier, il n’« aurait pas développé une stratégie pour la citoyenneté », il est permis de présumer que les griefs à l’origine de la décision de licenciement concernent des éléments qui ne figurent pas dans ces dossiers. Enfin, dans la mesure où il s’agit de dossiers dont le requérant était responsable du traitement, il peut également être présumé qu’il était en mesure de s’en remémorer le contenu pour l’essentiel au moment de la décision attaquée. Dans ces circonstances, il convient de conclure, en l’espèce, que, pour faire valoir utilement, dans la présente affaire, l’absence d’accès aux dossiers en cause, le requérant aurait dû présenter une demande en ce sens au cours de la procédure administrative. Or, il ne ressort pas du dossier que le requérant ait effectué une telle demande, celui-ci l’ayant du reste admis lors de l’audience. Par conséquent, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir adopté la décision attaquée sans avoir préalablement donné accès aux dossiers en cause.

 Sur la violation du droit d’être entendu en l’absence de communication par la Commission des éléments objectifs et subjectifs étayant la décision de résiliation

34      Le requérant fait valoir que, comme l’aurait constaté le Tribunal au point 54 de l’arrêt d’annulation, les affirmations de la Commission étaient formulées dans des termes très généraux et procédaient d’appréciations quant à sa manière de servir en s’appuyant tant sur des éléments objectifs que sur des jugements de valeur. Or, à la suite de l’arrêt d’annulation, la Commission ne lui aurait toujours pas fourni les éléments objectifs, sur lesquels se fondent les appréciations du membre de la Commission et de son chef de cabinet, quant à sa manière de servir et n’aurait pas précisé les éléments sur lesquels les jugements de valeur du membre de la Commission et de son chef de cabinet se fondent. Cela l’aurait empêché d’avoir pu faire utilement valoir ses observations et d’influer sur le processus décisionnel en cause, et ce d’autant plus que, en raison du temps écoulé depuis les faits litigieux, la nouvelle décision de mettre fin à son contrat se fonde exclusivement sur des éléments objectifs et subjectifs intervenus entre le 1er novembre 2014 et le 27 avril 2016.

35      La Commission conteste ces arguments.

36      En premier lieu, il convient de constater que le Tribunal, dans l’arrêt d’annulation, n’a pas reproché à la Commission d’avoir violé le droit d’être entendu du requérant au motif que des éléments insuffisamment précis auraient été portés à sa connaissance lors de la procédure administrative. Au point 54 dudit arrêt invoqué par le requérant (voir point 34 ci-dessus), le Tribunal a considéré que, dans la mesure où les motifs de licenciement procédaient d’affirmations formulées en termes généraux quant à la manière de servir du requérant, s’appuyant tant sur des éléments objectifs que sur des jugements de valeur, la Commission, en n’offrant aucune possibilité au requérant de faire valoir son point de vue, avait privé ce dernier d’une chance de convaincre qu’une autre appréciation de sa manière de servir était possible et, ainsi, de chercher à rétablir le lien de confiance entre le membre de la Commission et lui-même. Le Tribunal a, ainsi, estimé que, si le requérant avait été entendu, il aurait pu faire part d’observations relatives à sa manière de servir ou à sa situation personnelle ou professionnelle, susceptibles d’apporter une autre lecture aux reproches dont il faisait l’objet. Le Tribunal n’a donc pas mis en cause l’insuffisance de précision des éléments apportés par la Commission à l’appui de la décision de licenciement, mais a souligné que, compte tenu de la nature desdits éléments, la nécessité de permettre au requérant d’être entendu s’imposait d’autant plus.

37      De surcroît, le requérant a été entendu de manière effective avant l’adoption de la décision attaquée. Le requérant a été expressément mis en mesure de faire valoir son point de vue par écrit dans le cadre de la nouvelle procédure de licenciement ouverte à son égard par le courrier du 19 février 2019 (voir point 7 ci-après), possibilité qu’il a saisie en faisant valoir des observations, notamment, par des correspondances des 5 et 22 mars 2019. Le fait que le requérant ait été mis en mesure de faire connaître son point de vue dans le cadre d’un échange écrit suffit, comme cela ressort des points 45 et 46 de l’arrêt d’annulation. En effet, l’intéressé devait, conformément à la jurisprudence exposée au point 45 de l’arrêt d’annulation, être mis en mesure de faire connaître son point de vue au sujet de la mesure envisagée, dans le cadre d’un échange « écrit ou oral ».

38      En deuxième lieu, ainsi qu’il a été dit au point 7 ci-dessus, il ressort de la lettre du 19 février 2019 à laquelle renvoie la décision attaquée que le directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité a exposé de façon circonstanciée les raisons à l’origine du licenciement du requérant, en indiquant au requérant que le membre de la Commission lui avait demandé d’entamer la procédure de résiliation du contrat de travail du requérant en raison d’une perte de confiance dans la capacité de celui-ci à assumer ses responsabilités au sein du cabinet du membre de la Commission. Le directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité a également indiqué que le requérant avait éprouvé des difficultés à s’adapter au contexte institutionnel de la Commission et à conseiller le membre de la Commission, en particulier sur le dossier afférant à la sécurité, et que ces difficultés avaient persisté même à la suite de sa réaffectation à un poste d’expert chargé des questions de « citoyenneté » et de « politique antidrogue », le requérant n’ayant été en mesure ni de conseiller le membre de la Commission sur ces questions ni de développer une stratégie en matière de citoyenneté.

39      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le requérant était en possession de suffisamment d’éléments pour faire valoir son droit d’être entendu. Il convient de préciser, à cet égard, que le fait que le requérant avait quitté le cabinet du membre de la Commission depuis près de trois ans quand il a été invité à faire valoir ses observations est insuffisant pour considérer qu’il n’était pas en mesure de faire valoir des arguments à l’encontre des éléments portés à son égard, dans la mesure où la procédure de licenciement conduite en 2016 et rouverte en 2019 a donné lieu à un litige s’étendant sur toute cette période, de telle sorte que le requérant a nécessairement gardé en mémoire les éléments utiles à sa défense.

 Sur la violation du droit d’être entendu en l’absence d’un examen effectué avec soin et impartialité de tous les éléments pertinents du cas d’espèce

40      Le requérant fait valoir que le droit d’être entendu doit permettre à l’intéressé d’influencer le processus décisionnel et d’assurer que l’autorité compétente puisse examiner utilement, avec soin et impartialité, l’ensemble des éléments pertinents du cas d’espèce. Or, le droit fondamental du requérant d’être entendu avant l’adoption de la nouvelle décision de résiliation de son contrat aurait été vidé de sa substance, le requérant n’ayant pas été mis en mesure de faire valoir utilement ses observations et d’influer sur le processus décisionnel en cause. L’arrêt d’annulation aurait ainsi été mal exécuté. La note du 28 mars 2019 du chef de cabinet du membre de la Commission établirait que le membre de la Commission a confirmé la rupture du lien de confiance sur la base des seuls éléments mentionnés dans la lettre du chef de cabinet du 18 avril 2016, lesquels ont été simplement repris dans la lettre du 19 février 2019 du directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité informant le requérant de l’intention de la Commission de prendre une nouvelle décision de licenciement, à la suite de l’arrêt d’annulation. Or, il n’aurait pas été fourni au requérant d’éléments qui établissaient que le membre de la Commission avait effectivement examiné, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce qui fondaient sa décision confirmative de rupture du lien de confiance.

41      Toutefois, comme cela ressort du point 7 ci-dessus, le requérant a bien été mis en mesure de faire valoir des observations. Le fait que le chef de cabinet du membre de la Commission, dans la note du 28 mars 2019, ne se soit fondé, pour confirmer le licenciement, que sur les éléments de sa lettre du 18 avril 2016 repris dans la lettre du 19 février 2019 du directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité n’est pas de nature à établir que les éléments avancés par le requérant n’ont pas été examinés avec le soin et l’impartialité requis et que, partant, l’arrêt d’annulation a été mal exécuté.

42      Au contraire, il convient de constater que, malgré le droit d’être entendu qui lui a été accordé, le requérant n’a invoqué, dans ses courriers des 5 et 22 mars 2019, en dépit de l’invitation en ce sens dans la lettre du 19 février 2019 du directeur général de la direction générale des ressources humaines et de la sécurité, aucun argument spécifique ou concret de nature à être repris par le membre de la Commission dans la note de son chef de cabinet du 28 mars 2019. En effet, le requérant, dans les courriers susmentionnés, s’est limité à s’interroger de manière très générale sur la conformité aux motifs de l’arrêt d’annulation de l’intention de la Commission de procéder à son licenciement en lui notifiant un préavis de quatre mois, tout en insistant sur les conséquences pratiques de son licenciement, à savoir la réintégration dans ses droits d’un point de vue financier et sa participation aux concours internes.

43      Il s’ensuit qu’aucune violation du droit d’être entendu, que ce soit en combinaison avec l’article 266 TFUE ou même isolément, ne saurait être constatée en l’espèce.

44      Il y a, dès lors, lieu de rejeter le moyen unique et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

45      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      RY est condamné aux dépens.

Gervasoni

Madise

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 janvier 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.