Language of document : ECLI:EU:T:2005:311

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

13 septembre 2005 (*)

« Droit douanier − Opération de transit communautaire externe concernant des cigarettes − Fraude − Demande de remise de droits à l’importation − Règlement (CEE) nº 2913/92 − Règlement (CEE) nº 2454/93 − Clause d’équité – Respect des délais – Droits de la défense – Principe de proportionnalité – Notion de négligence manifeste »

Dans l’affaire T-53/02,

Ricosmos BV, établie à Delfzijl (Pays-Bas), représentée initialement par Mes M. Chatelin, M. Fleers et P. Metzler, puis par Me J. Hertoghs, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. M. van Beek et R. Tricot, puis par MM. van Beek et B. Stromsky, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission REM 09/00, du 16 novembre 2001, déclarant que la remise de droits à l’importation au profit de la requérante faisant l’objet de la demande présentée par le Royaume des Pays-Bas n’est pas justifiée,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme V. Trstenjak, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er mars 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Règles relatives au transit communautaire

1       Conformément à l’article 91, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes »), le régime du transit externe permet la circulation d’un point à un autre du territoire douanier de la Communauté de marchandises non communautaires en vue d’être réexportées dans un pays tiers, sans que ces marchandises soient soumises aux droits à l’importation et aux autres impositions ni aux mesures de politique commerciale.

2       Aux termes de l’article 96, paragraphe 1, sous a) et b), du code des douanes, le principal obligé du régime de transit communautaire externe est le titulaire de ce régime et est tenu de présenter les marchandises intactes au bureau de douane de destination, dans le délai prescrit et en ayant respecté les mesures d’identification prises par les autorités douanières, ainsi que de respecter les dispositions relatives au régime du transit communautaire.

3       En vertu de l’article 341 du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du code des douanes (JO L 253, p. 1, ci-après le « règlement d’application »), toute marchandise doit, pour circuler sous le régime du transit communautaire externe, faire l’objet d’une déclaration T 1, à savoir, une déclaration faite sur un formulaire correspondant aux modèles figurant aux annexes 31 à 34 dudit règlement et utilisé conformément aux notices visées aux annexes 37 et 38 de celui-ci. Il ressort de l’annexe 37 que, dans le régime du transit communautaire externe, il y a lieu d’utiliser les exemplaires suivants :

–       l’exemplaire n° 1, qui est conservé par les autorités de l’État membre où sont accomplies les formalités de transit communautaire ;

–       l’exemplaire n° 4, qui est conservé par le bureau de destination à la suite de l’opération de transit communautaire ;

–       l’exemplaire n° 5, qui constitue l’exemplaire de retour pour le régime de transit communautaire ;

–       l’exemplaire n° 7, qui est utilisé pour la statistique de l’État membre de destination.

4       L’annexe 37 du règlement d’application contient en outre des précisions concernant les indications relatives aux différentes cases des formulaires correspondant au transit communautaire. Ainsi, les indications suivantes sont fournies concernant la case n° 18 :

« 18. Identité et nationalité du moyen de transport au départ

Case à usage […] obligatoire en cas d’application du régime de transit communautaire.

Indiquer l’identité, par exemple le (les) numéro(s) d’immatriculation ou le nom du (des) moyen(s) de transport (camion, navire, wagon, avion) sur lequel (lesquels) les marchandises sont directement chargées lors des formalités d’exportation ou de transit, puis la nationalité de ce moyen de transport (ou celle du moyen assurant la propulsion de l’ensemble s’il y a plusieurs moyens de transport) selon le code communautaire prévu à cet effet. Par exemple, pour l’utilisation d’un véhicule tracteur et d’une remorque ayant une immatriculation différente, indiquer le numéro d’immatriculation du véhicule tracteur et celui de la remorque, ainsi que la nationalité du véhicule tracteur.

[…] »

5       Aux termes de l’article 350, paragraphes 1 et 2, du règlement d’application, le transport des marchandises s’effectue sous le couvert des exemplaires du document T 1, lesquels doivent être présentés lors de toute réquisition des autorités douanières. L’article 356 du règlement d’application précise à cet égard ce qui suit :

«1. Les marchandises et le document T 1 doivent être présentés au bureau de destination.

2. Le bureau de destination annote les exemplaires du document T 1 en fonction du contrôle effectué, renvoie sans tarder un exemplaire au bureau de départ et conserve l’autre exemplaire.

3. L’opération de transit communautaire peut être terminée dans un bureau autre que celui prévu dans le document T 1. Ce bureau devient alors le bureau de destination.

[...] »

6       Conformément à l’article 358 du règlement d’application, chaque État membre a la faculté de désigner un ou plusieurs organismes centraux auxquels les documents doivent être renvoyés par les bureaux compétents de l’État membre de destination.

7       L’article 398 du règlement d’application prévoit que les autorités douanières de chaque État membre peuvent autoriser toute personne, dénommée « expéditeur agréé », répondant aux conditions prévues à l’article 399 dudit règlement et qui entend effectuer des opérations de transit communautaire, à ne présenter au bureau de départ ni les marchandises ni la déclaration de transit communautaire dont ces marchandises font l’objet.

8       Conformément à l’article 402, paragraphe 1, du règlement d’application, l’expéditeur agréé, au plus tard au moment de l’expédition des marchandises, complète la déclaration de transit communautaire, dûment remplie. Aux termes du paragraphe 2 de cette disposition, après l’expédition, l’exemplaire nº 1 du document T 1 est envoyé sans tarder au bureau de départ ; les autres exemplaires accompagnent les marchandises.

9       L’article 349, paragraphe 1, du règlement d’application établit que, en règle générale, l’identification des marchandises est assurée par scellement. Le paragraphe 4 de cette disposition prévoit cependant que le bureau de départ peut dispenser du scellement lorsque, compte tenu d’autres mesures éventuelles d’identification, la description des marchandises dans le document T 1 ou dans les documents complémentaires permet leur identification.

10     L’article 203, paragraphe 1, du code des douanes prévoit que fait naître une dette douanière à l’importation la soustraction d’une marchandise passible de droits à l’importation à la surveillance douanière. En vertu du paragraphe 3 de cette disposition, parmi les débiteurs figure notamment, le cas échéant, la personne qui doit exécuter les obligations qu’entraîne l’utilisation du régime douanier sous lequel cette marchandise a été placée.

 Règles relatives au remboursement ou à la remise des droits à l’importation ou à l’exportation

11     L’article 239 du code des douanes prévoit la possibilité d’un remboursement ou d’une remise des droits à l’importation ou à l’exportation dans des situations qui résultent de circonstances n’impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé.

12     L’article 239 a été précisé et développé par le règlement d’application, en particulier par ses articles 899 à 909. L’article 905, paragraphe 1, dudit règlement établit que, lorsque l’autorité douanière nationale n’est pas en mesure de prendre une décision sur la base de l’article 899 et que la demande est assortie de justifications susceptibles de constituer une situation particulière qui résulte de circonstances n’impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé, l’État membre dont relève cette autorité transmet le cas à la Commission.

13     Aux termes du paragraphe 2 de l’article 905 du règlement d’application, tel que modifié par le règlement (CE) n° 12/97 de la Commission, du 18 décembre 1996 (JO L 1997, L 9, p. 1), le dossier adressé à la Commission doit comporter tous les éléments nécessaires à un examen complet du cas présenté et doit en outre comprendre une déclaration, signée par le demandeur du remboursement ou de la remise, attestant du fait qu’il a pu prendre connaissance du dossier et indiquant soit qu’il n’a rien à y ajouter, soit tout élément additionnel qu’il lui semble important d’y faire figurer. La Commission peut demander la communication d’éléments d’information complémentaires s’il s’avère que les informations communiquées par l’État membre sont insuffisantes pour lui permettre de statuer en toute connaissance de cause.

14     L’article 906 bis du règlement d’application, disposition introduite par le règlement (CE) n° 1677/98 de la Commission, du 29 juillet 1998 (JO L 212, p. 18), établit que, à tout moment de la procédure, lorsque la Commission a l’intention de prendre une décision défavorable au demandeur du remboursement ou de la remise, elle doit lui communiquer ses objections par écrit, ainsi que tous les documents sur la base desquels elle fonde lesdites objections. Le demandeur dispose alors d’un délai d’un mois pour exprimer par écrit son point de vue.

15     L’article 907 du règlement d’application, dans sa rédaction résultant du règlement nº 1677/98, se lit comme suit :

« Après consultation d’un groupe d’experts composé de représentants de tous les États membres réunis dans le cadre du comité afin d’examiner le cas d’espèce, la Commission prend une décision établissant soit que la situation particulière examinée justifie l’octroi du remboursement ou de la remise, soit qu’elle ne le justifie pas.

Cette décision doit intervenir dans un délai de neuf mois à compter de la date de réception par la Commission du dossier visé à l’article 905, paragraphe 2. Lorsque la Commission a été amenée à demander à l’État membre des éléments d’information complémentaires pour pouvoir statuer, le délai de neuf mois est prolongé du temps qui s’est écoulé entre la date de l’envoi par la Commission de la demande d’éléments d’information complémentaires et la date de réception de ceux-ci par la Commission.

Lorsque la Commission a communiqué ses objections au demandeur du remboursement ou de la remise, conformément à l’article 906 bis, le délai de neuf mois est prolongé du temps qui s’est écoulé entre la date de l’envoi par la Commission desdites objections et la date de réception de la réponse de l’intéressé ou, à défaut de réponse, la date d’échéance du délai qui lui était imparti pour faire connaître son point de vue. »

16     Aux termes de l’article 908, paragraphe 2, du règlement d’application, l’autorité compétente de l’État membre statue sur la demande qui lui a été présentée sur la base de la décision de la Commission. Enfin, en vertu de l’article 909 dudit règlement, si la Commission n’a pas arrêté sa décision dans le délai visé à l’article 907, l’autorité douanière nationale donne une suite favorable à la demande de remboursement ou de remise.

 Faits à l’origine du litige

 Opérations de transit communautaire externe en cause

17     À l’époque des faits, la requérante faisait partie du groupe Kamstra Shipstores, établi à Delfzijl (Pays-Bas), dont les activités portent sur le commerce en gros de divers produits, en particulier des cigarettes. La requérante, qui est titulaire d’une autorisation d’expéditeur agréé, y assumait essentiellement des fonctions logistiques.

18     Au cours de la période comprise entre le 16 février et le 5 juillet 1994, la requérante a établi onze documents T 1 aux fins du transport de chargements de cigarettes à destination de la Slovaquie, sous le régime du transit communautaire externe, dont elle était le principal obligé.

19     Les onze opérations de transit communautaire externe en cause étaient accompagnées des documents douaniers respectifs suivants :

–        le document T 1 nº 120228, du 16 février 1994 ;

–        le document T 1 nº 120274, du 25 février 1994 ;

–        le document T 1 nº 120372, du 11 mars 1994 ;

–        le document T 1 nº 120404, du 19 mars 1994 ;

–        le document T 1 nº 120410, du 23 mars 1994 ;

–        le document T 1 nº 120674, du 9 mai 1994 ;

–        le document T 1 nº 120697, du 16 mai 1994¸

–        le document T 1 nº 120733, du 24 mai 1994 ;

–        le document T 1 nº 120754, du 25 mai 1994 ;

–        le document T 1 nº 120936, du 28 juin 1994 ;

–        le document T 1 nº 120986, du 5 juillet 1994.

20     Dans ces documents douaniers, figuraient, comme acheteurs finaux des cigarettes, Intertrade et Ikoma, prétendument des entreprises établies en Slovaquie. La requérante, toutefois, n’a pas eu de contacts directs avec les acheteurs, lesquels utilisaient les services d’un commissionnaire à l’achat, M. C. La requérante entretenait des relations d’affaires avec ce dernier depuis plusieurs années. Le commissionnaire accompagnait les transports des marchandises jusqu’au bureau de destination.

21     S’agissant des neuf premières opérations douanières en cause, à savoir celles effectuées entre le 16 février et le 25 mai 1994, le bureau de douane de destination mentionné dans les documents T l respectifs était celui de Schirnding (Allemagne). Le bureau de destination indiqué pour les deux dernières opérations, soit celles des 28 juin et 5 juillet 1994 était celui de Philippsreut (Allemagne). Tous les envois ont cependant été présentés au bureau de douane de Philippsreut.

22     La requérante a averti par télécopie le bureau de départ, à savoir le poste douanier de Delfzijl, du chargement de chaque transport, ce bureau procédant généralement à la vérification des documents et au contrôle des camions au lieu de chargement. Le système d’« avis anticipés de départ » ayant été introduit aux Pays-Bas le 1er avril 1994, les six derniers documents, à savoir ceux correspondant aux opérations qui ont eu lieu entre le 9 mai et le 5 juillet 1994, ont été notifiés par les autorités douanières de Delfzijl, par le biais de la Douane Informatie Centrum (centrale d’information des douanes), au bureau de destination indiqué. Ce système d’avis anticipés, cependant, n’a été instauré en Allemagne qu’en août 1994, en raison de problèmes techniques.

23     Le numéro d’immatriculation des moyens de transport utilisés n’a été mentionné que sur l’exemplaire nº 4 du document T 1, destiné au bureau de destination. Ces numéros d’immatriculation n’étaient donc pas indiqués sur l’exemplaire nº 1 (exemplaire qui est conservé par les autorités de l’État membre de départ) et sur l’exemplaire nº 5 (exemplaire à renvoyer au bureau de départ).

24     Après le départ de chaque cargaison, la requérante a envoyé l’exemplaire n° 1 du document T 1 au bureau de départ, les autres exemplaires accompagnant le transport. La requérante remettait au chauffeur du camion des enveloppes affranchies portant l’adresse du bureau de douane d’apurement de Coevorden (Pays-Bas). Ces enveloppes devaient être fournies aux autorités du bureau de destination, afin d’être utilisées par celles-ci pour la transmission des exemplaires n° 5 des documents T 1 au bureau d’apurement. Cependant, le douanier du bureau de Philippsreut auquel les documents de transit ont été présentés, M. Mauritz, ne s’est pas servi de ces enveloppes et n’a donc pas envoyé directement par la poste les exemplaires n° 5 des documents T 1 au bureau d’apurement. Ces documents de transit n’ont pas non plus été envoyés par la voie officielle, c’est-à-dire via l’organisme central d’envoi de l’administration allemande et l’adresse centrale de retour aux Pays-Bas. En effet, les exemplaires n° 5 des documents de transit ont été rendus par M. Mauritz à M. C., le commissionnaire, ou au chauffeur du camion, qui les ont ensuite ramenés aux Pays-Bas et les ont rendus à la requérante. Cette dernière les a transmis au bureau d’apurement par télécopie et par la poste.

25     Les onze documents de transit communautaire en cause ont été estampillés par M. Mauritz au moyen d’un cachet original de la douane allemande. Les numéros de ces documents n’ont toutefois pas été retrouvés dans les registres de la douane allemande. En effet, les cachets apposés sur les documents douaniers et les numéros de la douane allemande qui y sont mentionnés n’ont pas été enregistrés pour l’exportation de cigarettes et pour les documents douaniers T 1 y afférents, mais pour d’autres marchandises et d’autres documents douaniers. L’absence d’inscription des chargements de cigarettes dans le registre du bureau de douane de Philippsreut a eu notamment comme conséquence que les autorités allemandes n’ont pas informé les autorités douanières tchèques, en application du système d’information mutuelle mis en place depuis le mois de janvier 1994, que ces chargements devaient être en route vers la République tchèque.

26     Une enquête menée par les autorités néerlandaises, notamment le Fiscale Inlichtingen en Opsporingsdienst (service d’information et de recherches fiscales, ci-après le « FIOD ») a ensuite révélé que les titres de transport susmentionnés n’avaient pas été correctement apurés. Le rapport de cette enquête est daté du 30 décembre 1996 (ci-après le « rapport du FIOD »).

27     Le douanier allemand, M. Mauritz, et un ancien douanier tchèque, M. Sykora, ont fait l’objet de condamnations pénales en Allemagne en raison de leur participation notamment à des délits de faux en écriture. Deux autres personnes, MM. Chovan etSanda, ont été condamnées en République tchèque en raison de leur participation à des activités de contrebande de cigarettes [arrêt du Vrchní soud (Cour supérieure) de Prague du 30 novembre 2004]. Les autorités néerlandaises ont ouvert à l’encontre de MM. B. et FB., deux employés de la requérante, une information visant à établir leur implication éventuelle dans cette contrebande de cigarettes. Cette procédure a cependant été classée sans suite. Enfin, les enquêtes menées ont révélé que Intertrade et Ikoma, lesquelles figuraient comme acheteurs dans les documents correspondant aux opérations en cause, n’étaient pas immatriculées au registre du commerce local en Slovaquie.

 Procédure administrative

28     Le 15 mars 1995, les autorités néerlandaises ont réclamé à la requérante un montant de 4 006 168,20 florins néerlandais (NLG) à titre de droits à l’importation. Elles ont notamment considéré que les marchandises en cause n’avaient pas été présentées au bureau de destination et n’avaient pas été correctement apurées. D’après les autorités néerlandaises, cette soustraction à la vigilance douanière a fait naître une dette douanière à l’importation, conformément à l’article 203 du code des douanes. La requérante a attaqué la décision de recouvrement devant les juridictions nationales. Au cours de la procédure devant celles-ci, les autorités néerlandaises ont réduit à 2 293 042,50 NLG le montant exigé à titre de droits à l’importation.

29     Le 15 décembre 1997, la requérante a introduit une demande de remise de droits à l’importation auprès des autorités douanières néerlandaises. Le 8 février 1999, celles-ci ont soumis une demande de remise des droits en cause à la Commission, sans pour autant avoir donné au préalable à la requérante accès à l’ensemble du dossier. Le 10 mai 1999, la Commission a informé la requérante que, celle-ci n’ayant pas pu prendre connaissance de l’intégralité du dossier, elle s’apprêtait à déclarer irrecevable cette demande de remise. Au mois de février 2000, la requérante a finalement eu accès à l’ensemble du dossier préparé par les autorités néerlandaises. Le 2 mai 2000, la requérante a communiqué à celles-ci ses observations concernant le dossier.

30     Par courrier du 22 mai 2000, reçu le 29 mai 2000, les autorités néerlandaises ont de nouveau saisi la Commission d’une demande de remise de droits à l’importation. Cette demande a fait l’objet de la procédure référencée REM 09/00, objet du présent recours.

31     Par lettre du 27 octobre 2000, la Commission a demandé la communication d’éléments d’information complémentaires aux autorités néerlandaises. Les réponses de ces autorités aux cinq questions posées par la Commission ont été envoyées à celle-ci par lettre du 23 avril 2001, enregistrée le 4 mai 2001.

32     Par lettre du 3 avril 2001, la requérante a demandé à la Commission confirmation de l’expiration du délai de neuf mois prévu pour l’examen de sa demande de remise, ainsi que du fait que les autorités néerlandaises allaient donner une suite favorable à celle-ci. Le 4 avril 2001, la Commission a informé la requérante que le délai avait été suspendu en raison de la demande d’éléments d’information complémentaires qu’elle avait adressée aux autorités néerlandaises le 27 octobre 2000.

33     Par lettre du 23 avril 2001, les autorités douanières néerlandaises ont informé la requérante de la suspension du délai et lui ont indiqué que, à ce stade, elle ne pouvait pas prendre connaissance des questions posées par la Commission, mais qu’elle pourrait le faire au cas où cette dernière envisagerait de rejeter la demande.

34     Par lettre du 13 juin 2001, la Commission a demandé aux autorités néerlandaises de lui faire parvenir le rapport du FIOD. Le 5 juillet 2001, les autorités néerlandaises ont informé la requérante de cette deuxième demande d’éléments d’information complémentaires et de la nouvelle prorogation du délai. Par lettre du 23 juillet 2001, enregistrée le 2 août 2001, les autorités néerlandaises ont transmis le rapport du FIOD à la Commission.

35     Par lettre du 21 septembre 2001, la Commission a informé la requérante qu’elle envisageait de prendre une décision défavorable à sa demande de remise, en précisant ses objections à l’encontre de celle-ci. La Commission lui a indiqué qu’elle avait, pendant une période d’un mois, la possibilité de consulter les pièces non confidentielles du dossier, à savoir la demande de remise du 22 mai 2000 et ses annexes, telles qu’elles avaient été soumises par les autorités néerlandaises, ainsi qu’une copie du rapport du FIOD.

36     Le 3 octobre 2001, la requérante a contacté par téléphone la Commission, en lui demandant d’avoir accès à toutes les pièces du dossier. La requérante a ensuite présenté également cette demande aux autorités néerlandaises, lesquelles, par courrier du 11 octobre 2001, lui ont envoyé le rapport du FIOD, leur réponse à la première demande d’informations de la Commission du 27 octobre 2000 ainsi que la deuxième demande de renseignements de la Commission du 13 juin 2001 et leur réponse à cette dernière. Le 12 octobre 2001, la Commission, en réponse à une nouvelle demande de la requérante de la même date, lui a fait parvenir la liste complète des documents tenus à sa disposition.

37     Par lettre du 17 octobre 2001, reçue par la Commission le même jour, l’intéressée a pris position sur les objections formulées par cette dernière.

38     Le 9 novembre 2001, la Commission a consulté le groupe d’experts, composé de représentants de tous les États membres réunis dans le cadre du comité du code des douanes, sur la demande des autorités néerlandaises.

39     Le 16 novembre 2001, la Commission a adopté la décision REM 09/00, déclarant que la remise des droits à l’importation n’était pas justifiée (ci‑après la « décision attaquée »). Le 14 décembre 2001, les autorités néerlandaises ont informé la requérante que la demande de remise avait été rejetée.

 Procédure et conclusion des parties

40     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 février 2002, la requérante a introduit le présent recours.

41     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité la Commission à produire certains documents et a invité les parties à répondre par écrit à certaines questions. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

42     Dans ses écritures, la requérante a proposé d’apporter des preuves détaillées à l’appui de toutes ses affirmations. En particulier, elle a proposé au Tribunal d’entendre des fonctionnaires des douanes néerlandaises comme témoins.

43     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience publique du 1er mars 2005.

44     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       condamner la Commission aux dépens.

45     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours comme non fondé ;

–       condamner la requérante aux dépens.

 En droit

46     La requérante invoque à l’appui de son recours, en premier lieu, un moyen tiré de violations de la procédure de remise des droits à l’importation et du principe de sécurité juridique ; en deuxième lieu, un moyen tiré de l’absence de négligence manifeste, au sens de l’article 239 du code des douanes et de l’article 905 du règlement d’application, et, en troisième lieu, un moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité. Lors de l’audience, la requérante a invoqué un quatrième moyen, tiré de l’inexistence de la dette douanière dont la demande de remise a été rejetée par la décision attaquée.

 Sur le premier moyen, tiré deviolations de la procédure de remise des droits à l’importation et du principe de sécurité juridique

47     La requérante fait observer que, en vertu de l’article 907 du règlement d’application, la décision de la Commission doit intervenir dans un délai de neuf mois à partir de la date de transmission du dossier par les autorités nationales, ce délai ne pouvant être prorogé qu’en raison d’une demande de renseignements complémentaires aux autorités nationales et de la transmission au demandeur des objections de la Commission.

48     La requérante soutient que ce délai n’a pas été respecté en l’espèce. Elle conteste, en effet, la validité des prolongations dudit délai intervenues en l’occurrence. Ainsi, la requérante relève, premièrement, que la Commission a négligé de l’avertir de la prolongation du délai et, ce faisant, a violé le principe de sécurité juridique ; deuxièmement, qu’elle ne lui a pas donné la possibilité de prendre connaissance en temps opportun des demandes d’information complémentaires et des réponses correspondantes ; troisièmement, que la Commission lui a donné un accès tardif à l’ensemble du dossier ; quatrièmement, que les délais écoulés entre l’envoi des réponses des autorités néerlandaises et la réception de celles-ci par la Commission ont été excessifs et, cinquièmement, que le temps pris par ces autorités pour procéder à la transmission du rapport du FIOD n’est pas justifié. La requérante avance, sixièmement, un grief tiré du retard dans le traitement de la demande de remise.

49     La Commission soutient qu’elle a respecté le délai de neuf mois prévu à l’article 907 du règlement d’application et que la procédure administrative n’est entachée d’aucune irrégularité.

 1. En ce qui concerne le grief relatif à l’absence d’avertissement du prolongement du délai et à la violation du principe de sécurité juridique

–       Arguments de parties

50     La requérante soutient que la Commission a négligé de l’avertir en temps utile de la formulation des deux demandes d’informations complémentaires adressées aux autorités néerlandaises et donc de la prolongation du délai imposé pour l’adoption de la décision.

51     La requérante fait valoir que, le délai imposé pour l’adoption de la décision servant principalement les intérêts et les droits du demandeur de la remise, aucune suspension dudit délai ne peut avoir lieu sans information immédiate de celui-ci de la suspension et de la circonstance la justifiant. Elle relève que, en effet, le délai de neuf mois prévu de manière claire et précise par l’article 907, deuxième alinéa, du règlement d’application vise à garantir la position juridique du demandeur de la remise et soutient que, à moins d’être informée d’une prolongation valable, elle pouvait avoir, après l’expiration dudit délai, une certitude quant à l’acceptation de la remise. Elle ajoute que, n’ayant reçu aucun avertissement de la part de la Commission pendant ce délai, elle a pensé que la Commission avait renoncé à prendre une décision. L’adoption postérieure de la décision attaquée aurait donc méconnu le principe de sécurité juridique, lequel viserait à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire (arrêt de la Cour du 15 février 1996, Duff e.a., C‑63/93, Rec. p. I‑569, point 20).

52     La Commission fait remarquer que les articles 905 et suivants du règlement d’application prévoient en termes clairs que la procédure de remise pour des motifs d’équité peut être prolongée et soutient qu’aucune disposition dudit règlement ne lui impose d’informer le demandeur de la remise des demandes d’informations complémentaires le concernant et donc de la prolongation du délai. L’article 907 du règlement d’application ne donnerait, partant, à l’intéressé aucune assurance de pouvoir obtenir une décision dans les neuf mois suivant la réception de son dossier. Par conséquent, la requérante ne pourrait se prévaloir de l’absence d’information, pendant neuf mois, des autorités néerlandaises ou de la Commission, pour considérer que le délai était arrivé à expiration et donc escompter, en vertu de l’article 909 du règlement d’application, une suite favorable à sa demande de remise.

–       Appréciation du Tribunal

53     Selon une jurisprudence constante, le principe de sécurité juridique exige que les règles de droit soient claires et précises et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire (arrêt Duff e.a., précité, point 20, et arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T‑229/94, Rec. p. II‑1689, point 113).

54     L’article 907, deuxième alinéa, du règlement d’application établit que la décision de la Commission doit intervenir dans un délai de neuf mois à compter de la date de réception par celle-ci du dossier de la demande de remise. Cependant, cette disposition prévoit également que, lorsque la Commission a été amenée à demander à l’État membre des éléments d’information complémentaires pour pouvoir statuer, le délai de neuf mois est prolongé du temps qui s’est écoulé entre la date de l’envoi par la Commission de cette demande et la date de réception par celle-ci de la réponse des autorités nationales.

55     Il ressort sans ambiguïté de l’article 907, précité, que le délai dont dispose la Commission pour adopter sa décision peut être prorogé. La requérante, donc, ne pouvait pas ignorer que la procédure pouvait être suspendue. En outre, ni le code des douanes ni le règlement d’application ne prévoient que l’intéressé doive être informé sans délai de la formulation par la Commission de demandes d’éléments d’information complémentaires adressées aux autorités nationales. Une telle obligation, en particulier, ne ressort pas de l’article 905, paragraphe 2, et de l’article 906 bis du règlement d’application (voir points 61 et 62 ci-après). Il s’ensuit que la requérante ne pouvait avoir l’assurance que, du simple fait de l’écoulement du délai de neuf mois, la demande de remise avait été acceptée, quand bien même elle n’aurait pas été informée du prolongement dudit délai. Enfin, il convient de rappeler que, en tout état de cause, à la suite de la lettre de la requérante du 3 avril 2001, la Commission a immédiatement informé cette dernière, le 4 avril 2001, de la suspension du délai.

56     Partant, ce grief doit être rejeté.

 2. En ce qui concerne le grief relatif à la non-transmission en temps opportun des demandes d’informations complémentaires

–       Arguments des parties

57     La requérante soutient que la Commission a négligé de lui donner la possibilité de prendre connaissance des demandes d’éléments d’information complémentaires adressées aux autorités nationales et des réponses correspondantes. Ainsi, la requérante n’aurait été informée de la demande du 27 octobre 2000 que le 4 avril 2001, à la suite de la lettre qu’elle a adressée à la Commission le 3 avril 2001. De même, ce ne serait que le 5 juillet 2001 qu’elle aurait été informée, par les autorités néerlandaises, que la Commission avait demandé, le 13 juin 2001, de nouveaux renseignements. En outre, la Commission ne lui aurait accordé accès au contenu de ces demandes d’informations, ainsi qu’aux réponses des autorités néerlandaises, que le 11 octobre 2001.

58     La requérante fait valoir qu’il ressort de l’article 905, paragraphe 2, et de l’article 906 bis du règlement d’application, ainsi que du principe du contradictoire, que le demandeur doit être informé de l’état de la procédure de remise à tout moment et qu’il doit avoir accès au contenu des pièces échangées entre la Commission et les autorités nationales au moment même de la formulation des demandes de renseignements ou de la transmission des réponses.

59     L’accès en temps utile aux pièces du dossier, donc, ne saurait être limité aux stades de la préparation du dossier par les autorités nationales et de la transmission par la Commission de sa position préliminaire défavorable à la remise. En effet, en premier lieu, si le demandeur ne pouvait faire connaître son opinion que sur les pièces du dossier transmis initialement à la Commission, ses droits dépendraient du caractère complet du dossier envoyé par les autorités nationales, ce qui risquerait de donner lieu à des abus de la part de celles-ci, éventuellement de concert avec la Commission. La requérante précise à cet égard que le dossier communiqué par les autorités néerlandaises à la Commission était incomplet, puisque celle-ci a dû demander à deux reprises des compléments d’information. En deuxième lieu, la requérante relève qu’il ne suffit pas qu’elle ait pu présenter ses observations sur le dossier quand la Commission avait déjà pris une décision provisoire sur la demande de remise, ses droits n’ayant été respectés que si elle avait pu faire valoir son point de vue en temps utile.

60     La Commission soutient que, si elle est tenue d’assurer que l’intéressé peut exercer les droits de la défense avant qu’elle ne prenne sa décision, elle n’est nullement obligée de le tenir constamment informé de toutes les étapes antérieures à l’adoption de sa décision. Elle indique cependant que, lorsque, comme en l’occurrence, un demandeur la sollicite, elle l’informe de l’état d’avancement de l’examen de la demande introduite en son nom.

–       Appréciation du Tribunal

61     L’article 905, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement d’application prévoit que le dossier adressé à la Commission par les autorités nationales doit comporter tous les éléments nécessaires à un examen complet du cas présenté et doit en outre comprendre une déclaration, signée par le demandeur du remboursement ou de la remise, attestant du fait qu’il a pu prendre connaissance du dossier et indiquant soit qu’il n’a rien à y ajouter, soit tout élément additionnel qu’il lui semble important d’y faire figurer. Ce mécanisme permet à l’opérateur économique qui sollicite une remise, et qui n’a pas nécessairement été associé à la préparation du dossier par les autorités nationales compétentes, d’exercer efficacement son droit d’être entendu lors de la première étape de la procédure administrative, celle qui se déroule au niveau national (arrêt du Tribunal du 18 janvier 2000, Mehibas Dordtselaan/Commission, T‑290/97, Rec. p. II‑15, point 44). Cette disposition ne saurait fonder une obligation d’information de l’intéressé et de communication immédiate à celui-ci des demandes de renseignements que la Commission adresse aux autorités nationales pendant la seconde étape de la procédure, qui se déroule auprès de la Commission. À cet égard, il importe de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que la Commission estime utile de demander des renseignements ne signifie pas que le dossier est incomplet, mais simplement qu’elle considère appropriée la production d’éléments complémentaires pour, ainsi que l’énonce l’article 905, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement d’application, statuer en toute connaissance de cause sur le cas qui lui a été soumis.

62     L’article 906 bis du règlement d’application établit, quant à lui, qu’à tout moment de la procédure, lorsque la Commission a l’intention de prendre une décision défavorable au demandeur de la remise, elle doit lui communiquer ses objections par écrit, ainsi que tous les documents sur la base desquels elle fonde lesdites objections. Ainsi qu’il ressort de la teneur de ladite disposition, cette obligation d’information et de communication naît seulement au moment où la Commission, après son examen de la demande de remise, est parvenue à une conclusion préliminaire défavorable à celle-ci. Il ne résulte pas de cette disposition, par conséquent, que la Commission est tenue de maintenir constamment informé l’intéressé du déroulement de la procédure.

63     Il y a donc lieu de conclure que la réglementation douanière ne prévoit pas que l’intéressé doive être informé sans délai de la formulation par la Commission de demandes d’éléments d’information complémentaires adressées aux autorités nationales, ainsi que des réponses de celles-ci, ni qu’il doive recevoir communication immédiatement du contenu de ces échanges.

64     À titre surabondant, il convient de relever que, en l’espèce, la requérante a eu une information suffisante pendant la procédure de ces demandes d’éléments d’information complémentaires et a disposé de la possibilité de faire connaître utilement son point de vue. Ainsi, s’agissant de la première demande d’informations, datée du 27 octobre 2000, la requérante en a eu connaissance le 4 avril 2001 ; la réponse des autorités néerlandaises a été envoyée à la Commission le 23 avril 2001. Quant à la deuxième demande, datée du 13 juin 2001, la requérante en a été informée le 5 juillet 2001 ; les autorités néerlandaises y ont répondu le 23 juillet 2001. La requérante a eu connaissance du contenu de ces demandes et des réponses qui y ont été apportées le 11 octobre 2001 et a pris position sur les objections de la Commission le 17 octobre 2001, avant l’adoption de la décision attaquée, le 16 novembre 2001.

65     Partant, ce grief doit être rejeté.

 3. En ce qui concerne les griefs relatifs à l’accès tardif et incomplet au dossier

–       Arguments des parties

66     La requérante fait remarquer que la Commission, en lui communiquant, par lettre du 21 septembre 2001, ses objections à la remise, ne lui a pas transmis matériellement tous les documents sur lesquels ces objections reposaient. Cette omission de transmission des documents en cause emporterait la violation de l’article 906 bis du règlement d’application. La requérante fait valoir que le délai pour adopter une décision n’a donc pas été suspendu, puisqu’elle n’a pas été en mesure de bénéficier pleinement du principe du contradictoire. Elle relève, enfin, que le fait que les autorités néerlandaises lui ont communiqué, le 11 octobre 2001, une partie de leur correspondance avec la Commission ne suffit pas à assurer en l’espèce le respect du principe du contradictoire. Elle précise que, à cette occasion, les autorités néerlandaises ne lui ont pas transmis la première demande d’informations complémentaires de la Commission, du 27 octobre 2000.

67     À titre subsidiaire, la requérante soutient que, même si la Commission n’était pas obligée de lui transmettre matériellement les documents du dossier, elle avait, quant à elle et en tout état de cause, droit à avoir accès à toutes les pièces y figurant, y compris les documents que la Commission ne considérait pas pertinents. Or, la Commission ne lui aurait accordé un accès complet au dossier que le 12 octobre 2001, date à laquelle la requérante a pu prendre connaissance de la liste énumérant tous les documents auxquels elle pouvait prétendre accéder.

68     La requérante relève également que, ainsi qu’il ressort de la lettre que les autorités néerlandaises lui ont adressée le 23 d’avril 2001, la Commission a posé oralement à celles-ci des questions concernant la demande en cause, lors d’une réunion du comité du code des douanes le 20 septembre 2000. Or, certaines de ces questions et des réponses qui y ont été apportées n’auraient pas été transcrites, de sorte que la requérante n’aurait pas pu en prendre connaissance ni formuler des observations à leur égard. Lors de l’audience, la requérante a soutenu que la Commission avait également violé les droits de la défense en ne lui ayant pas donné la possibilité de présenter des observations lors de la réunion du groupe d’experts composé de représentants de tous les États membres réunis le 9 novembre 2001 dans le cadre du comité du code des douanes pour traiter de la demande de remise en cause, en ne l’ayant pas informée du contenu de la discussion et en ne lui ayant pas communiqué l’avis adopté par le comité ou le procès-verbal de la réunion.

69     Enfin, la requérante objecte que les autorités néerlandaises ne pouvaient pas produire, sans son autorisation, des procès-verbaux dressés dans le cadre d’une enquête à caractère pénal, car cela serait contraire au principe du bon déroulement de la procédure.

70     La Commission fait remarquer que tous les faits qui ont été à la base de sa décision de rejet figuraient déjà dans le dossier dont elle a été saisie par l’administration néerlandaise le 22 mai 2000, auquel la requérante a eu accès. Celle-ci, en outre, aurait eu la possibilité de prendre connaissance de l’ensemble du dossier à partir du 21 septembre 2001, mais son avocat n’aurait cependant pas voulu prendre cette possibilité en considération avant d’être en possession de la liste exhaustive des documents y figurant. Une telle demande, affirme la Commission, est inhabituelle et ne repose sur aucune disposition de la réglementation douanière communautaire, l’article 906 bis du règlement d’application l’obligeant uniquement à permettre au demandeur d’accéder aux documents sur lesquels elle fonde ses objections. En effet, le principe du respect des droits de la défense impliquerait seulement que l’intéressé puisse faire connaître utilement son point de vue sur les éléments que la Commission a retenus à sa charge afin de fonder sa décision sur la demande de remise, mais n’exigerait dès lors pas que la Commission donne, de sa propre initiative, accès à l’ensemble des documents qui ont un lien éventuel avec le cas d’espèce. Il incomberait donc à l’intéressé de demander l’accès aux documents qu’il estime nécessaires, les institutions n’étant pas tenues de donner spontanément accès à l’ensemble des documents ayant trait au contexte dans lequel s’insère une affaire (arrêt du Tribunal du 11 juillet 2002, Hyper/Commission, T‑205/99, Rec. p. II‑3141, points 63 et 64).

–       Appréciation du Tribunal

71     S’agissant du grief de la requérante tiré de ce que la Commission, en lui envoyant ses objections sur la demande de remise, ne lui a pas transmis matériellement les documents sur lesquels celles-ci se fondaient, se limitant à l’informer de l’existence des documents auxquels elle pouvait avoir accès, le Tribunal relève que l’article 906 bis du règlement d’application prévoit seulement l’obligation de la Commission de communiquer au demandeur de la remise tous les documents sur lesquels elle fonde ses objections. Or, le Tribunal considère que la Commission a rempli à suffisance cette obligation en mettant à disposition de la requérante les documents du dossier (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, ICI/Commission, T‑36/91, Rec. p. II‑1847, point 99).

72     En ce qui concerne la question de savoir quels sont les documents faisant partie du dossier auxquels le demandeur doit pouvoir avoir accès, le Tribunal ne peut pas accueillir la thèse de la Commission selon laquelle elle doit seulement communiquer de sa propre initiative les documents dont elle s’est servie pour fonder ses objections. S’il est vrai que l’article 906 bis du règlement d’application exige uniquement que la Commission communique les documents sur la base desquels elle fonde ses objections, il n’en reste pas moins que le principe du respect des droits de la défense a élargi la portée des obligations que cette disposition impose à la Commission. En effet, en vertu de ce principe, il ne saurait appartenir à la seule Commission de décider quels sont les documents utiles à la partie intéressée aux fins de la procédure de remise. Le dossier administratif peut inclure des documents qui contiennent des éléments favorables à la remise, susceptibles d’être utilisés par l’intéressé à l’appui de sa demande, même si la Commission ne s’en est pas servie. Le demandeur doit donc pouvoir avoir accès à tous les documents non confidentiels figurant au dossier, y compris ceux qui n’ont pas été utilisés pour fonder les objections de la Commission (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, Rec. p. II‑401, point 81, et du 17 septembre 1998, Primex Produkte Import-Export e.a./Commission, T‑50/96, Rec. p. II‑3773, point 64).

73     Le Tribunal rappelle que, dans le domaine du droit de la concurrence, il ressort d’une jurisprudence constante que la Commission doit donner accès à l’intégralité du dossier d’instruction, incluant tant les éléments à charge qu’à décharge (arrêt du Tribunal du 19 mai 1999, BASF/Commission, T‑175/95, Rec. p. II‑1581, point 45), même en l’absence de demande expresse de l’intéressé (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, points 335 à 340). Cette jurisprudence est transposable en l’espèce (arrêts Eyckeler & Malt/Commission, précité, point 80, et Primex Produkte Import-Export e.a./Commission, précité, point 63). Cette obligation est cohérente également avec l’évolution de la jurisprudence concernant la clause d’équité douanière, laquelle vise a garantir pleinement le caractère contradictoire de la procédure de remise ou de remboursement de droits à l’importation ou à l’exportation, en assurant davantage le respect des droits de la défense. Enfin, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 906 bis du règlement d’application, le demandeur ne dispose que d’un mois pour exprimer par écrit son point de vue sur les objections de la Commission. Or, exiger de celui-ci une demande expresse d’accès à tous les documents du dossier risquerait nécessairement de raccourcir considérablement le délai dont le demandeur dispose pour préparer et faire valoir ses observations.

74     Par conséquent, il y a lieu de conclure que la Commission doit donner au demandeur, au moment de la transmission de ses objections, la possibilité de procéder à un examen de tous les documents susceptibles d’être pertinents à l’appui de la demande de remise ou de remboursement et que, pour ce faire, la Commission doit lui fournir, à tout le moins, une liste exhaustive des documents non confidentiels du dossier contenant des informations suffisamment précises pour permettre au demandeur de déterminer, en connaissance de cause, si les documents décrits sont susceptibles de lui être utiles.

75     S’agissant du grief de la requérante relatif à l’accès tardif et incomplet au dossier, il y a lieu de relever que, par lettre du 21 septembre 2001, la Commission a informé la requérante, lors de la communication de ses objections, qu’elle pouvait prendre connaissance de la demande de remise et de ses annexes, telles qu’elles avaient été soumises par les autorités néerlandaises, ainsi que d’une copie du rapport du FIOD. Le 3 octobre 2001, la requérante a demandé à avoir accès à toutes les pièces du dossier. Le 12 octobre 2001, la Commission lui a fait parvenir une liste complète des documents tenus à sa disposition.

76     Or, si la Commission n’a pas communiqué d’emblée à la requérante, lors de la transmission de la communication de ses objections, tous les documents du dossier, il y a lieu de conclure, eu égard aux circonstances de l’espèce, que cette omission n’a pas affecté négativement les droits de la défense. En effet, il ressort du dossier, et la requérante l’a reconnu lors de l’audience, que, le 21 septembre 2001, elle avait déjà connaissance de l’existence de tous les documents qui faisaient partie du dossier administratif de la Commission et qu’elle avait aussi connaissance du contenu de toutes ces pièces sauf quatre, à savoir les deux demandes de renseignements de la Commission adressées aux autorités néerlandaises et les réponses de celles-ci. Or, la requérante a pu demander à consulter ces derniers documents à partir du 21 septembre 2001. De plus, par lettre du 11 octobre 2001 des autorités néerlandaises, la requérante a reçu la deuxième demande d’informations de la Commission, datée du 13 juin 2001, la réponse des autorités néerlandaises du 23 avril 2001 à la première demande d’informations, laquelle reproduisait intégralement les questions posées par la Commission le 27 octobre 2000, et la réponse de ces mêmes autorités du 23 juillet 2001 à la deuxième demande d’informations, qui incluait le rapport du FIOD.

77     Lors de l’audience, la requérante a toutefois soutenu qu’elle n’avait pas eu connaissance du contenu de deux documents qui seraient aussi afférents à cette procédure : une lettre de la Commission adressée aux autorités néerlandaises les informant que la demande de remise introduite par celles-ci le 8 février 1999 n’était pas recevable et l’avis ou le procès-verbal du groupe d’experts composé de représentants de tous les États membres réunis dans le cadre du comité du code des douanes, consulté le 9 novembre 2001 par la Commission sur la demande des autorités néerlandaises du 22 mai 2000.

78     S’agissant, premièrement, de la lettre de la Commission adressée aux autorités néerlandaises, il convient de rappeler que ce courrier avait pour objet d’informer ces dernières que la demande de remise qu’elles avaient introduite le 8 février 1999 n’était pas recevable parce que la requérante n’avait pas eu l’opportunité d’avoir accès au préalable à l’ensemble du dossier préparé par ces autorités. Or, il importe de constater que, le 10 mai 1999, la Commission elle-même avait informé la requérante qu’elle s’apprêtait à déclarer irrecevable cette demande de remise pour cette raison.

79     En ce qui concerne, deuxièmement, les travaux du groupe d’experts composé de représentants de tous les États membres réunis dans le cadre du comité du code des douanes, consulté par la Commission le 9 novembre 2001, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait violé les droits de la défense en ne lui ayant pas donné la possibilité de présenter des observations lors de cette réunion et en ne l’ayant pas informée du contenu et du résultat de celle-ci. En effet, le règlement d’application ne prévoit pas la participation du demandeur de la remise aux travaux du comité du code des douanes ni l’obligation de l’informer de l’avis de ce dernier. Il importe de relever également que la consultation de ce groupe constitue la dernière étape de la procédure de remise avant l’adoption par la Commission de sa décision définitive. Cette consultation doit intervenir après que le demandeur de la remise a eu l’opportunité d’accéder au dossier et de faire valoir ses observations, le comité rendant son avis sur la base des griefs et des pièces du dossier déjà connus du demandeur. De même, s’agissant du grief de la requérante selon lequel elle n’aurait pas pu prendre connaissance de certains échanges oraux ayant eu lieu entre la Commission et les autorités néerlandaises lors d’une réunion antérieure du comité du code des douanes, celle du 20 septembre 2000, cet argument ne saurait non plus être retenu. En effet, rien dans la décision attaquée ne permet de conclure que la Commission a fondé sa décision de rejet sur des éléments qui ne figuraient pas dans les pièces du dossier administratif.

80     Il s’ensuit que la Commission n’a pas violé le droit d’accès au dossier de la requérante.

81     Enfin, quant au grief concernant la transmission du rapport du FIOD à la Commission sans l’autorisation préalable de la requérante, il suffit de constater que c’est la requérante elle-même qui, à l’occasion de la vérification du dossier préparé par les autorités néerlandaises, s’est plainte, dans sa lettre de 2 mai 2000 à ces autorités, que celui-ci contenait des citations très sélectives du rapport en cause, alors que dans ce rapport figureraient un bon nombre d’éléments en sa faveur, et a estimé indispensable de compléter le dossier avec des documents faisant partie du rapport du FIOD. Au surplus, il y a lieu de relever que les autorités nationales doivent transmettre à la Commission tous les documents qui sont pertinents pour statuer sur la demande de remise sans être obligées de demander au préalable l’autorisation de la partie intéressée.

82     Partant, ces griefs doivent être rejetés.

 4. En ce qui concerne le grief relatif au retard intervenu dans la réception des réponses des autorités néerlandaises

–       Arguments des parties

83     La requérante fait observer que, d’après la décision attaquée, les réponses des autorités néerlandaises aux demandes d’informations de la Commission, envoyées le 23 avril et le 23 juillet 2001, ne sont parvenues à celle-ci que le 4 mai et le 2 août 2001, respectivement, à savoir un peu plus d’une semaine et demie plus tard. La requérante estime que ce délai est déraisonnable et peu crédible, eu égard aux délais d’acheminement du courrier vers la Belgique indiqués par les postes néerlandaises, qui sont de quatre à six jours ouvrables pour le courrier ordinaire et de deux à trois jours ouvrables pour les envois prioritaires. De plus, la date à retenir serait celle de la réception du courrier par la Commission et non celle de son enregistrement. Or, la requérante n’ayant aucun moyen de contrôler la date effective de réception, la Commission serait chargée de l’établir. À défaut de production de cette preuve, il conviendrait de se tenir au délai le plus long prévu par les postes néerlandaises, c’est-à-dire, six jours ouvrables. En définitive, ce serait à tort que le délai de neuf mois a été prolongé jusqu’au 4 mai et jusqu’au 2 août 2001.

84     La Commission soutient que la prolongation du délai prend fin le jour de la réception effective des éléments d’information et non pas à une date théorique à laquelle elle aurait dû recevoir la correspondance.

–       Appréciation du Tribunal

85     L’article 907 du règlement d’application établit que, lorsque la Commission demande des éléments d’information complémentaires aux autorités nationales, le délai dont elle dispose pour prendre position sur la demande de remise est prolongé jusqu’à la date de réception desdits renseignements. Comme la Commission le fait valoir à juste titre, la date à retenir est donc celle de la réception effective des documents. Or, il ressort de l’examen des deux pièces en cause qu’elles ont été reçues par les services compétents de la Commission le 4 mai et le 2 août 2001, respectivement. En revanche, les dates proposées par la requérante, calculées à partir des délais de distribution de courrier indiqués à titre purement informatif par les postes néerlandaises, sont dépourvues de toute pertinence.

86     Partant, ce grief doit être rejeté

 5. En ce qui concerne le grief relatif au retard des autorités néerlandaises dans la transmission du rapport du FIOD

–       Arguments des parties

87     La requérante fait observer que les autorités néerlandaises ont pris plus de cinq semaines, à savoir du 13 juin au 23 juillet 2001, pour envoyer le rapport du FIOD demandé par la Commission. Or, une simple demande d’envoi d’une pièce bien identifiée ne pourrait nécessiter plus de deux semaines pour son exécution. Le délai de neuf mois ne pourrait être prolongé que dans des circonstances exceptionnelles, lesquelles devraient être interprétées strictement. Ainsi, la période des vacances estivales ne saurait justifier un tel retard. De même, eu égard au fait que la procédure de remise est entièrement régie par le droit communautaire ainsi qu’au rôle de la Commission dans celle-ci, cette dernière devrait répondre entièrement des retards des autorités nationales et le Tribunal serait compétent pour connaître des griefs concernant l’action de celles-ci. La requérante considère, par conséquent, que le délai de neuf mois ne peut avoir été prolongé que de quinze jours.

88     La Commission fait remarquer que le délai de cinq semaines a été un peu long mais non déraisonnable. Elle soutient également que le règlement d’application ne contient aucune disposition spécifiant le délai dont les autorités nationales disposent pour fournir les éléments d’information complémentaires à la Commission.

–       Appréciation du Tribunal

89     Il convient de relever que, si les articles 906 bis et 907 du règlement d’application prévoient un délai pour que l’intéressé formule ses observations sur les objections de la Commission, aucune disposition ne prévoit un délai similaire pour la transmission par les autorités nationales des renseignements sollicités par la Commission. De même, des prétendus retards qui dériveraient exclusivement de l’action ou de l’omission des autorités nationales ne sauraient être imputés à la Commission, sauf dans des circonstances exceptionnelles, notamment si celle-ci ne réagit pas avec une certaine diligence devant l’inaction des autorités nationales pendant une longue période. En tout état de cause, le Tribunal estime que, en l’espèce, le délai de transmission de cinq semaines n’était pas excessif, compte tenu notamment du fait que la demande de la Commission est intervenue pendant la période des vacances estivales.

90     Partant, ce grief doit être rejeté.

 6. En ce qui concerne le grief relatif au retard excessif dans le traitement de la demande de remise

–       Arguments des parties

91     La requérante estime que la durée du traitement de la demande de remise a été beaucoup trop longue, à savoir près de quatre ans, et que cette durée considérable est entièrement imputable aux autorités compétentes. La requérante rappelle que, le 15 décembre 1997, elle a introduit sa demande auprès des autorités néerlandaises. Le 15 mai 1998, elle aurait été informée que celles-ci allaient soumettre la demande à la Commission et aurait été priée de signer une déclaration de conformité. Cependant, n’ayant pas eu connaissance du contenu intégral du dossier, elle aurait refusé de signer cette déclaration. Le 8 février 1999, la demande aurait néanmoins été transmise à la Commission. Par courrier du 10 mai 1999, la Commission lui aurait fait savoir que le dossier ne pouvait pas être traité en l’absence de cette déclaration. Le 24 février 2000, elle se serait vu accorder enfin l’accès à l’ensemble du dossier des autorités néerlandaises. Le 22 mai 2000, la demande de remise aurait été envoyée, pour la deuxième fois, à la Commission. Par la suite, le traitement de cette demande aurait duré un an et demi, la Commission n’ayant pas fait preuve de diligence, notamment en ce qui concerne les retards des autorités nationales.

92     La Commission relève que la requérante ne pouvait tirer aucune certitude du délai de neuf mois prévu à l’article 907 du règlement d’application. Elle fait valoir aussi que la durée du traitement du dossier par les autorités néerlandaises ne saurait en aucun cas lui être reprochée.

–       Appréciation du Tribunal

93     Il convient de relever d’emblée que le délai écoulé entre l’introduction de la demande de remise de la requérante auprès des autorités néerlandaises, le 15 décembre 1997, et la réception par la Commission, le 29 mai 2000, de la deuxième demande de remise de ces autorités en faveur de la requérante ne peut pas être imputé à la Commission. Cette période, en effet, est antérieure au début de la procédure administrative devant la Commission. Or, la Commission n’est pas responsable des prétendus retards des autorités nationales dans la gestion d’une demande de remise. À cet égard, il importe de constater que la requérante ne conteste pas la décision de la Commission qui a déclaré irrecevable la première demande des autorités néerlandaises, présentée le 8 février 1999. Ce rejet était en fait motivé par le souci d’assurer le droit de la requérante d’accéder au dossier préparé par les autorités néerlandaises, comme la requérante le reconnaît elle-même dans la réplique (voir point 29).

94     En ce qui concerne le délai de traitement de l’affaire par la Commission elle-même, l’argumentation de la requérante ne saurait non plus être accueillie. En effet, les articles 907 et 909 du règlement d’application fixant un délai péremptoire pour l’adoption par la Commission de sa décision sur la demande de remise, le Tribunal doit se limiter à vérifier si ce délai a été effectivement respecté. Or, cette question a été examinée dans le cadre des griefs précédents, visant la régularité des prorogations successives du délai, et le Tribunal s’est déjà prononcé à cet égard sur la régularité de la procédure.

95     Partant, ce grief doit être rejeté.

 7. Conclusion sur le premier moyen

96     Il ressort de tout ce qui précède que les suspensions intervenues dans la procédure de remise des droits à l’importation suivie par la Commission étaient conformes aux dispositions pertinentes de la réglementation douanière. Par conséquent, il y a lieu de considérer que la Commission a adopté la décision attaquée dans le délai prévu à cet effet. Il y a lieu de considérer également que la Commission n’a pas violé la procédure de remise des droits à l’importation ni les droits de la défense.

97     Par conséquent, ce moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’absence de négligence manifeste au sens de l’article 239 du code des douanes et de l’article 905 du règlement d’application

 1. En ce qui concerne la notion de négligence manifeste et les critères pertinents pour apprécier son existence en l’espèce

–       Arguments des parties

98     La requérante relève que la Commission a apprécié dans la décision attaquée l’existence en l’espèce d’une situation particulière, à savoir la fraude commise par un douanier. Elle fait observer que la Commission a reconnu qu’aucun comportement frauduleux ne pouvait lui être reproché. La Commission, cependant, aurait estimé qu’elle avait été manifestement négligente, dès lors que, en dépit du type de marchandises concernées, elle n’avait pas rédigé les documents destinés au transit douanier avec un soin particulier et n’avait pas contrôlé tous les éléments des envois.

99     La requérante conteste l’argument de la Commission selon lequel la nature des marchandises serait déterminante dans l’appréciation de l’existence ou non d’une négligence manifeste. La règle générale, relève-t-elle, est que toutes les marchandises doivent être traitées avec le même soin, sauf si le législateur a prévu des règles précises pour des marchandises déterminées. De plus, elle fait observer que les opérations douanières concernant des cigarettes n’ont pas plus de problèmes d’apurement que celles concernant d’autres types de marchandises. Elle soutient également que sa diligence doit être appréciée dans le contexte prévalant au moment des transports en cause, en faisant observer qu’à cette époque il était impensable pour les opérateurs que des fonctionnaires des douanes puissent être corrompus et que la fraude concernant les cigarettes était un phénomène alors inconnu.

100   La requérante fait remarquer que la Cour, en interprétant la notion de négligence manifeste au sens de l’article 239 du code des douanes, a établi que les critères à prendre en considération sont la complexité de la réglementation dont l’inexécution a fait naître la dette douanière et la diligence et l’expérience professionnelle de l’opérateur (arrêt de la Cour du 11 novembre 1999, Söhl & Söhlke, C‑48/98, Rec. p. I‑7877, point 56). Or, la Commission aurait tenu compte seulement du critère de la diligence.

101   La requérante fait observer que la Commission a fondé son appréciation de l’existence d’une négligence manifeste, en particulier, sur les quatre circonstances suivantes : en premier lieu, l’absence de mention des numéros d’immatriculation sur les exemplaires nº 5 des documents de transit ; en deuxième lieu, le fait que les marchandises n’avaient pas été présentées au bureau de destination indiqué sur le document de transit ; en troisième lieu, le mode de transmission de l’exemplaire nº 5 du document de transit et, en quatrième lieu, l’omission de recueillir une information suffisante sur les acheteurs des marchandises. Elle soutient que ces circonstances, prises isolément ou dans leur ensemble, ne peuvent établir l’existence d’une négligence manifeste de sa part. La requérante fait valoir, enfin, que la Commission n’a pas démontré l’existence d’un lien de causalité entre cette prétendue négligence et la situation particulière appréciée.

102   La Commission relève que l’action frauduleuse du douanier allemand est effectivement constitutive d’une situation particulière au sens de l’article 905 du règlement d’application, mais soutient que la requérante a fait preuve en l’espèce d’une négligence manifeste. Elle estime que l’appréciation de l’existence d’une telle négligence exige d’examiner si l’intéressé a mis tout en œuvre pour respecter l’ensemble des règles douanières, en agissant avec une diligence appropriée par rapport à son expérience professionnelle. Elle fait valoir en outre que le type de marchandises transportées doit être pris en considération dans l’appréciation de la diligence dont doit faire preuve un opérateur participant au transit communautaire.

–       Appréciation du Tribunal

103   L’article 905 du règlement d’application, disposition qui précise et développe la règle contenue à l’article 239 du code des douanes, constitue une clause générale d’équité, destinée, notamment, à couvrir des situations exceptionnelles qui, en soi, ne relèvent pas de l’un des cas de figure prévus aux articles 900 à 904 du règlement d’application (arrêt de la Cour du 25 février 1999, Trans‑Ex‑Import, C‑86/97, Rec. p. I‑1041, point 18). Il ressort dudit article 905 que le remboursement des droits à l’importation est subordonné à la réunion de deux conditions cumulatives, à savoir, premièrement, l’existence d’une situation particulière et, deuxièmement, l’absence de négligence manifeste et de manoeuvre de la part de l’intéressé (arrêt du Tribunal du 12 février 2004, Aslantrans/Commission, T‑282/01, non encore publié au Recueil, point 53). En conséquence, il suffit que l’une des deux conditions fasse défaut pour que le remboursement des droits doive être refusé (arrêts du Tribunal du 5 juin 1996, Günzler Aluminium/Commission, T‑75/95, Rec. p. II‑497, point 54, et Aslantrans/Commission, précité, point 53).

104   Or, il ressort de la décision attaquée que la condition de l’existence d’une situation particulière est remplie en l’occurrence, du fait notamment de la réalisation d’une fraude à laquelle a participé activement un fonctionnaire des douanes, ladite fraude ayant été à l’origine de la dette douanière en cause. De même, la Commission n’a pas retenu l’existence de manoeuvres de la part de la requérante. Elle a estimé, cependant, que celle-ci avait agi de manière manifestement négligente. En conséquence, l’examen du Tribunal doit porter exclusivement sur la question de savoir si la Commission a fait ou non une appréciation erronée de la prétendue existence d’une négligence manifeste de la part de la requérante.

105   À cet égard, il convient de préciser d’emblée que l’arrêt Söhl & Söhlke, précité, invoqué par la requérante, ne dresse pas une liste limitative des critères susceptibles d’être pris en considération pour caractériser l’existence d’une négligence manifeste. En effet, le point 56 de cet arrêt indique uniquement qu’il faut « notamment », et donc pas exclusivement, tenir compte de la complexité des dispositions dont l’inexécution a fait naître la dette douanière, de l’expérience professionnelle de l’opérateur et de la diligence de celui-ci. D’autres critères, partant, peuvent être de nature à déterminer l’appréciation de l’existence ou de l’inexistence d’une négligence manifeste (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 avril 2004, British American Tobacco, C‑222/01, non encore publié au Recueil, point 71). En outre, il convient de relever que, contrairement à ce que la requérante fait valoir, la Commission ne s’est pas limitée en l’occurrence à apprécier la diligence de la requérante, mais a pris en compte aussi dans la décision attaquée l’expérience professionnelle de celle-ci ainsi que sa connaissance de la réglementation applicable.

106   La thèse de la requérante selon laquelle la nature des marchandises ayant fait l’objet des opérations en cause n’aurait pas dû être prise en compte par la Commission ne saurait être accueillie. En effet, la Cour a jugé que, dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’une négligence manifeste, une attention spéciale doit être accordée à la nature des marchandises transportées (arrêt British American Tobacco, précité, point 72). En particulier, les opérations douanières portant sur des marchandises fortement taxées, telles que les cigarettes, impliquent des risques particuliers de fraude ou de vol, notamment pendant leur transport.

107   À cet égard, il importe de relever que la fraude concernant des cigarettes était un phénomène commun à l’époque. En effet, le marché des cigarettes était déjà avant 1994, au moment des faits dans la présente affaire, particulièrement propice au développement d’un commerce illégal (voir, en ce sens, arrêt British American Tobacco, précité, point 72). S’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle, à cette époque, il était impensable pour les opérateurs économiques que des fonctionnaires des douanes puissent être mêlés à des affaires de corruption, il convient de relever que, même à la considérer établie, elle n’est pas pertinente en l’occurrence. En effet, la Commission a pris en considération, dans son appréciation de l’existence d’une situation particulière, la circonstance que les opérateurs peuvent légitimement placer leur confiance dans le fait que l’exercice de la fonction administrative n’est pas vicié par des agents des douanes corrompus.

108   À la lumière des considérations qui précèdent, il convient d’analyser les circonstances retenues par la Commission dans la décision attaquée pour apprécier l’existence d’une négligence manifeste de la part de la requérante, ainsi que le grief invoqué par cette dernière relatif à la prétendue absence en l’espèce d’un lien de causalité entre la situation particulière et la négligence manifeste que la Commission lui a reprochée.

 2. En ce qui concerne l’absence de mention des numéros d’immatriculation sur les exemplaires nº 5 des documents T 1

–       Arguments des parties

109   La requérante admet qu’aucun des exemplaires nº 1 et nº 5 des documents T 1 en cause ne mentionnait l’identité des véhicules de transport, mais fait observer que leurs numéros d’immatriculation étaient inscrits à la main sur les exemplaires nº 4. Elle relève que l’identité des camions n’était pas encore connue au moment de la rédaction des documents T 1. L’exemplaire nº 1, précise-t-elle, était détaché des autres et un bordereau de chargement était fixé au dos de chaque exemplaire. Selon elle, lorsque le camion arrivait, son numéro d’immatriculation était inscrit sur l’exemplaire nº 4, mais cette inscription ne pouvait pas être reproduite sur les autres exemplaires à cause de la présence des bordereaux de chargement. Le fait de détacher l’exemplaire nº 1 ainsi que l’omission d’indication du numéro d’immatriculation sur l’exemplaire nº 5 seraient des pratiques courantes aux Pays-Bas, généralement acceptées par les autorités douanières, ainsi que cela ressortirait de la déclaration écrite de M. FB. du 6 août 2002.

110   La requérante fait remarquer également que la plupart des envois en cause ont été contrôlés sur place par les autorités néerlandaises, lesquelles n’auraient pas émis d’objections à l’égard des documents T 1 correspondants. Elle relève que, à partir du 1er avril 1994, le numéro d’immatriculation était indiqué aussi sur les avis anticipés, lesquels étaient transmis par le bureau de départ au bureau de destination. L’identité des transports aurait donc été connue tant du bureau de départ que du bureau de destination. En outre, la requérante se serait montrée particulièrement diligente en procédant à chaque transport à un scellement, bien qu’elle n’y ait pas été obligée. Ces scellements établiraient un lien entre le document de transit et le transport, car le numéro d’agrément de la requérante figurerait sur le document de transit, le bordereau de chargement et le scellement.

111   De plus, la requérante fait valoir que la mention des numéros d’immatriculation sur les exemplaires nº 5 et nº 7 des documents T 1 n’apporte aucune valeur supplémentaire au contrôle, puisque, au bureau de destination, le contrôle s’effectue à l’aide de l’exemplaire nº 4. De même, ce ne serait pas le véhicule qui ferait l’objet du contrôle, mais le conteneur ou la semi-remorque qui en l’occurrence étaient scellés, les numéros de scellement figurant sur les exemplaires nº 4, nº 5 et nº 7 des documents T 1.

112   La Commission rétorque qu’il ressort de l’article 341 et de l’annexe 37 du règlement d’application qu’il existe une obligation légale d’identifier le moyen de transport au moment du départ. Or, la requérante n’aurait sciemment pas mentionné le numéro d’immatriculation sur l’exemplaire nº 5 des documents T 1 en cause, ce qui aurait compliqué singulièrement le contrôle par les autorités douanières du bon déroulement du transport des marchandises. L’apposition de scellés portant le numéro d’expéditeur agréé de la requérante ne serait pas suffisante aux effets du contrôle.

–       Appréciation du Tribunal

113   L’annexe 37, titre II, point A 18, du règlement d’application établit que l’identité et la nationalité du moyen de transport doivent être indiquées dans la case nº 18 du document T 1. Il ressort sans ambiguïté de ladite annexe que la déclaration douanière doit notamment préciser le numéro d’immatriculation du véhicule, ainsi que celui de la remorque, si cette dernière a une immatriculation différente de celle du véhicule tracteur. Cette case nº 18 est d’usage obligatoire en cas d’application du régime de transit communautaire et figure sur tous les exemplaires du document T 1. Il s’ensuit que les numéros d’immatriculation doivent être indiqués sur tous les exemplaires du document T 1 à utiliser dans le cadre du régime de transit communautaire.

114   En l’occurrence, il n’est pas contesté que les numéros d’immatriculation des moyens de transport ne figuraient que sur l’exemplaire nº 4 des documents T 1, celui destiné au bureau de destination. Ils ne figuraient donc pas sur l’exemplaire nº 1, celui que conserve le bureau de départ, ni sur le formulaire nº 5, celui à renvoyer par le bureau de destination au bureau de départ. Il importe de noter en premier lieu que la requérante n’a pas réussi à expliquer de manière satisfaisante la raison pour laquelle le numéro d’immatriculation n’était pas indiqué sur les formulaires nº 1 et nº 5. En effet, même si, comme elle le relève, l’exemplaire nº 1 était détaché des autres et si, à cause de la présence des bordereaux de chargement, les inscriptions sur les formulaires nº 4 ne pouvaient être reproduites automatiquement sur l’ensemble des exemplaires, rien n’empêchait la requérante d’inscrire à la main le numéro d’immatriculation sur les exemplaires nº 1 et nº 5, ainsi qu’elle l’a fait sur les exemplaires nº 4 (voir, en ce sens, l’annexe 37 du règlement d’application, titre I, point C, deuxième alinéa). Cette inscription aurait dû être faite au moment où l’identité du moyen de transport était connue, ou, au plus tard, au moment de l’expédition de la marchandise.

115   En outre, il ressort du rapport du FIOD (point 9.7, p. 45) que la référence aux numéros d’immatriculation des véhicules a été omise à dessein par la requérante, celle-ci connaissant, au moment de l’établissement des documents douaniers, le numéro d’immatriculation exact du camion devant transporter les marchandises. Il ressort également de ce rapport (point 9.7, p. 46) que M. FB., responsable des formalités douanières au service de la requérante, d’après ses propres déclarations, avait reçu l’instruction expresse de M. C., le commissionnaire, de ne pas mentionner les numéros d’immatriculation sur les documents T 1. Or, M. FB. étant un employé de la requérante, ses agissements doivent être attribués en l’occurrence à cette dernière.

116   La requérante fait valoir que, à partir du 1er avril 1994, le numéro d’immatriculation était indiqué aussi sur les avis anticipés, lesquels étaient transmis par le bureau de départ au bureau de destination. Il convient de relever toutefois que le système des avis anticipés n’a pas été utilisé lors des cinq premières opérations, celles qui ont eu lieu entre le 16 février et le 23 mars 1994, et que les autorités allemandes n’ont instauré ce système qu’en août 1994, c’est-à-dire, après le déroulement de la dernière des opérations en cause, en date du 5 juillet 1994.

117   La requérante relève aussi que les conteneurs ou la semi‑remorque étaient munis d’un scellement, dont le numéro figurerait sur le document de transit. Elle soutient à cet égard que ce n’est pas le véhicule qui fait l’objet du contrôle, mais les conteneurs ou la semi‑remorque. Or, il importe de noter que l’apposition de scellements était en l’espèce une mesure facultative, alors que l’indication des numéros d’immatriculation était obligatoire. En outre, les numéros des scellés n’établissent un lien qu’entre les marchandises ayant fait l’objet de la déclaration en cause et les conteneurs ou la semi-remorque utilisés pour le transport et non avec le véhicule lui-même. À cet égard, il convient de rappeler que l’annexe 37 du règlement d’application établit expressément que la déclaration doit préciser tant le numéro d’immatriculation du véhicule que celui de la remorque. Il y a donc lieu de conclure que, en l’espèce, l’utilisation de scellements ne justifie pas l’absence de mention des numéros d’immatriculation des moyens de transport.

118   La requérante soutient également que la mention des numéros d’immatriculation sur les exemplaires autres que l’exemplaire nº 4 n’apporte aucune valeur supplémentaire au contrôle, puisque, au bureau de destination, le contrôle s’effectue à l’aide dudit exemplaire. Cependant, si ainsi que la réglementation douanière l’exige, le bureau de départ avait eu connaissance des numéros d’immatriculation des véhicules effectuant le transport des marchandises soumises au régime de transit, ce bureau aurait éventuellement été en mesure soit de demander à d’autres bureaux de douane, notamment le bureau de destination indiqué dans les documents T 1, d’inspecter les véhicules en cause lors de l’arrivée des marchandises, soit de solliciter des autorités compétentes l’inspection des transports en cours de route. Or, le bureau de départ ne disposant pas de la référence des véhicules ni sur l’exemplaire nº 1 ni sur l’exemplaire nº 5, la possibilité d’un contrôle a posteriori du déroulement de ces opérations était très limitée.

119   Enfin, la requérante fait remarquer que l’omission de l’indication du numéro d’immatriculation sur l’exemplaire nº 5 est une pratique courante aux Pays-Bas, acceptée par les autorités douanières. En outre, elle affirme que, au moment de l’expédition des marchandises, les autorités néerlandaises ont contrôlé, dans la plupart des cas, les documents T 1 et n’ont pas émis d’objections. Or, même à considérer établies ces allégations, il convient de relever que la requérante, en tant que déclarant très expérimenté, ne peut se prévaloir de l’existence d’une certaine pratique dans le secteur ni de l’absence initiale de réaction des autorités douanières néerlandaises pour ne pas respecter les obligations formelles du régime douanier qui lui incombent.

120   Partant, force est de constater que la requérante a manqué à ses obligations en tant que déclarant. Or, la violation d’une obligation formelle du régime du transit communautaire telle que l’absence de mention des numéros d’immatriculation des moyens de transport utilisés peut constituer une circonstance de nature à caractériser l’existence d’une négligence manifeste de la part de l’opérateur économique (voir, en ce sens, arrêt British American Tobacco, précité, point 70). En outre, il y a lieu de conclure que cette violation était susceptible de compliquer en l’espèce le contrôle des opérations douanières. En effet, en l’occurrence le numéro d’immatriculation ne figurait que sur l’exemplaire nº 4 des documents T 1, à savoir celui qui était visé par le douanier corrompu. Les autorités du bureau de départ, en revanche, ne disposaient pas, sur les exemplaires nº 1 et n° 5, desdits numéros d’immatriculation. Comme il a été dit, cette circonstance a préjudicié aux possibilités de contrôle des opérations litigieuses par les autorités du bureau de départ.

121   Par conséquent, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant l’omission de la requérante d’indiquer les numéros d’immatriculation des véhicules sur les exemplaires nº 5 des documents T 1 comme un élément constitutif de négligence manifeste dans le chef de celle-ci.

 3. En ce qui concerne le changement du bureau douanier de destination indiqué sur les documents douaniers

–       Arguments des parties

122   La requérante admet que tous les envois en cause sont parvenus au bureau de Philippsreut, même ceux dont les documents de transit mentionnaient Schirnding comme bureau de destination. Elle fait valoir toutefois que l’article 356, paragraphe 3, du règlement d’application autorise expressément le changement de bureau de destination. Elle précise qu’il ressort des articles 204 et 96, paragraphe 1, du code des douanes que le déclarant est responsable de la présentation des marchandises à un bureau de douane, peu importerait lequel, le déclarant n’ayant en pratique aucune influence sur le choix du bureau et de l’itinéraire par le transporteur. De plus, dans le cadre du système d’avis anticipés, le bureau où les marchandises sont présentées serait tenu de signaler ce fait, de manière à ce que le bureau de départ et celui de destination indiqué dans le document douanier puissent être mis au courant du changement.

123   La requérante relève que, à chaque cas, elle a inscrit le bureau de destination suivant les indications de M. C., le commissionnaire, puisqu’elle n’entretenait pas de contacts directs avec les acheteurs finaux, et souligne que les transporteurs n’agissaient pas sur ses instructions mais sur celles des acheteurs. Elle fait observer également que, les deux prétendus acheteurs étant établis en Slovaquie, le choix du bureau de Schirnding était le plus logique. Toutefois, ainsi qu’il ressortirait d’une enquête de 1993 de l’organisation des transporteurs routiers des Pays-Bas, ce poste douanier avait fréquemment des retards très importants, ce qui aurait expliqué, aux yeux de la requérante, la modification en cours de route par les transporteurs de leurs itinéraires.

124   De plus, la requérante fait remarquer que, lorsqu’elle a constaté que tous les documents T 1 correspondant aux opérations en cause étaient visés par le bureau de Philippsreut, elle a indiqué ce dernier comme bureau de destination, ce qu’elle aurait fait pour les deux dernières opérations (documents T 1 nº 120936, du 28 juin 1994, et nº 120986, du 5 juillet 1994).

125   La Commission précise que le reproche qu’elle adresse à la requérante ne concerne pas le changement de bureau de destination en cours de transport, mais le fait que, dans au moins neuf des onze documents T 1 en cause, elle a mentionné un bureau de destination alors qu’elle savait ou pouvait raisonnablement savoir que cette mention était inexacte. Ce ne serait que le 28 juin 1994 au plus tôt, donc après quatre mois et neuf envois, que la requérante aurait mentionné le bureau de Philippsreut sur les documents T 1. Partant, elle n’aurait pas agi avec la diligence nécessaire pour ce qui est de l’exactitude des informations portées sur les formulaires T 1.

–       Appréciation du Tribunal

126   Il y a lieu de constater que toutes les cargaisons ayant fait l’objet des opérations douanières en cause ont été présentées au bureau de douane de Philippsreut. Ce bureau constitue donc le bureau de destination pour ces opérations aux effets de l’application du régime de transit communautaire externe. Il est constant que, sur les onze déclarations en cause, au moins les neuf premières indiquaient cependant un bureau de destination différent, à savoir celui de Schirnding.

127   La requérante fait valoir que l’article 356, paragraphe 3, du règlement d’application permet qu’une opération de transit communautaire soit terminée dans un bureau autre que celui prévu dans le document T 1 afférent. Toutefois, il convient de constater que, comme la Commission le relève à juste titre, le reproche qui est adressé à la requérante n’est pas le fait d’avoir changé de bureau de destination en cours de route, mais le fait d’avoir fourni, sciemment ou par négligence, des indications incorrectes aux autorités douanières lors de la présentation des déclarations.

128   Or, ainsi qu’il ressort de l’article 199 du règlement d’application ainsi que de l’annexe 37 dudit règlement, le dépôt dans un bureau de douane d’une déclaration signée par le déclarant vaut engagement en ce qui concerne l’exactitude des indications figurant dans la déclaration et l’authenticité des documents joints. Il s’ensuit que le fait de fournir sciemment ou par négligence des indications inexactes dans une déclaration douanière constitue une violation des obligations du déclarant.

129   Or, certaines pièces du dossier permettent de considérer que la requérante, contrairement à ce qu’elle soutient, savait déjà, au moment de la rédaction des documents douaniers, que le bureau de destination qu’elle indiquait n’était pas celui où les marchandises allaient être présentées. En effet, dans le rapport du FIOD, les autorités néerlandaises ont conclu que la requérante avait sciemment indiqué un faux bureau de destination. Le rapport (point 5.1, p. 24) indique notamment que « [s]ur les documents T 1 (à l’exception des deux derniers transports), ainsi que sur les informations de départ, qui ont été établis par le prévenu [FB.] mi-mars 1994, et introduits à la douane de Delfzijl, c’est à chaque fois, à dessein et sur l’ordre de [C., le commissionnaire,] Schirnding qui est mentionné comme bureau de destination, alors que le bureau de destination était en réalité Philippsreut, ce que savaient également les prévenus [B.] et [FB.] ». Le rapport (point 5.3.1, p. 25) contient également les déclarations suivantes de M. FB. : « Je savais que les cigarettes partaient via Philippsreut. […] Je devais toujours sur ordre de [C., le commissionnaire,] mentionner Schirnding comme bureau de destination ». Il convient de noter à cet égard que, dans le contexte de la présente affaire, M. FB. a contredit ses affirmations antérieures en affirmant, dans une déclaration du 30 septembre 2002, qu’il ne savait pas, au moment du départ des chargements, que ceux-ci allaient être présentés au poste de Philippsreut. Le Tribunal considère, toutefois, que cette déclaration, qui a été faite exclusivement aux fins de la présente affaire, ne saurait priver de valeur probante les déclarations faites par M. FB. aux autorités néerlandaises lors de l’enquête menée par celles-ci.

130   Par conséquent, il y a lieu de conclure que, pour la plupart des opérations litigieuses, la requérante a sciemment indiqué un bureau de destination incorrecte dans les déclarations douanières qu’elle a établies. Or, ce comportement non seulement constitue une violation des obligations formelles de la requérante en tant que déclarant et principal obligé des opérations en cause, mais il était également de nature à préjudicier aux possibilités de contrôle de ces opérations par les autorités douanières. En effet, le bureau de départ n’étant pas informé que les chargements de cigarettes allaient être présentés au bureau de Philippsreut, il ne pouvait donc prévenir au préalable les autorités dudit bureau de ce fait. Cette circonstance a pu faciliter les activités frauduleuses du douanier corrompu, M. Mauritz, dans la mesure où ses collègues du bureau de Philippsreut n’étaient pas informés de l’arrivée attendue d’importants chargements de cigarettes.

131   Cette appréciation ne saurait être infirmée par l’argument de la requérante selon lequel, dans le cadre du système des avis anticipés, le bureau où les marchandises sont effectivement présentées est tenu de signaler ce fait au bureau de départ et à celui de destination indiqué dans le document douanier. En effet, même à considérer établi que ce système ait été efficacement utilisé en l’espèce, force est de constater que le fait de fournir une indication inexacte du bureau de destination porte atteinte au but même du système d’avis anticipés, qui est de permettre au bureau de destination d’être informé à l’avance qu’un chargement de marchandises à risque est en route.

132   Partant, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que la requérante avait inscrit sciemment un bureau de destination dont elle savait d’avance qu’il était inexact et en prenant en compte ce fait dans son appréciation de l’existence d’une négligence manifeste de la part de la requérante.

 4. En ce qui concerne le mode de renvoi de l’exemplaire nº 5 des documents T 1

–       Arguments des parties

133   La requérante expose que la transmission des documents douaniers du bureau de destination au bureau d’apurement par la voie officielle accusait un retard considérable et qu’elle avait été informée par les autorités néerlandaises que le renvoi des exemplaires nº 5 des documents T 1 directement par le bureau de destination était permis. C’est pour cela, affirme-t-elle, qu’elle a remis au chauffeur et à M. C., le commissionnaire, des enveloppes affranchies portant l’adresse du bureau de Coevorden, pour être remises aux autorités allemandes. Cependant, le douanier allemand n’aurait pas utilisé ces enveloppes, confiant les exemplaires nº 5 au chauffeur ou à M. C., le commissionnaire, qui les auraient remis à la requérante, laquelle, à son tour, les aurait transmis aux autorités douanières néerlandaises. Or, d’après la requérante, ce système d’envoi, qui n’était pas habituel, n’était toutefois pas contraire à l’article 356, paragraphe 2, du règlement d’application, lequel ne précise rien quant aux modalités de l’envoi du document T 1 par le bureau de destination.

134   De plus, lorsqu’il s’est avéré que l’exemplaire nº 5 du document T 1 du 16 février 1994 (document T 1 nº 120228), correspondant à la première des opérations en cause, n’avait pas été envoyé au bureau de Coevorden, la requérante aurait contacté la division d’apurement de celui-ci, d’abord par téléphone puis par télécopie du 25 février 1994, en envoyant d’abord une copie puis l’original dudit exemplaire. Par télécopies des 15 et 28 mars 1994, elle aurait envoyé également des copies des formulaires nº 5 correspondant aux opérations des 25 février et 23 mars 1994 (documents T 1 nº 120274 et n° 120410). La requérante aurait utilisé cette procédure aussi pour les transports suivants. Partant, les douanes néerlandaises auraient été parfaitement tenues au courant de la procédure de transmission utilisée et auraient accepté expressément les documents douaniers en cause.

135   Enfin, la requérante soutient, pour le cas où le Tribunal considérerait que la procédure utilisée était contraire à la réglementation douanière, que la complexité de cette réglementation devrait être prise en compte dans l’appréciation en l’espèce de la notion de négligence manifeste, conformément à l’arrêt Söhl & Söhlke, précité.

136   La Commission soutient que l’article 356, paragraphe 2, du règlement d’application ne laisse subsister aucun doute quant à la procédure à suivre pour le renvoi de l’exemplaire nº 5 du document T 1, rien ne permettant de déduire de cette disposition que l’intervention d’un tiers est autorisée. Il s’agirait en effet d’une procédure purement administrative permettant aux autorités douanières de contrôler le bon déroulement du transit. Or, en sa qualité d’opérateur expérimenté dans le secteur des transports, la requérante n’aurait jamais dû accepter d’intervenir activement dans le renvoi de l’exemplaire n° 5.

–       Appréciation du Tribunal

137   L’article 356, paragraphe 2, du règlement d’application établit que, lorsque les marchandises lui sont présentées, le bureau de destination annote les exemplaires du document T 1 en fonction du contrôle effectué et renvoie sans tarder un exemplaire au bureau de départ. L’article 358 dudit règlement prévoit, quant à lui, que les États membres ont la faculté de désigner un ou plusieurs organismes centraux auxquels les documents doivent être renvoyés par les bureaux compétents de l’État membre de destination. Il s’ensuit que le renvoi de l’exemplaire nº 5 du document T 1 doit se faire par le circuit administratif, directement du bureau de destination au bureau de départ, avec l’intervention éventuelle des bureaux centralisateurs désignés à cet effet par les États membres. Ainsi que la Commission l’a expliqué en réponse aux mesures d’organisation de la procédure ordonnées par le Tribunal, l’envoi s’effectue notamment au moyen d’enveloppes dûment identifiées par les autorités douanières du pays de destination, cette identification étant assurée par l’utilisation de cachets spécifiques, d’empreintes de machines à affranchir ou de moyens d’affranchissement spécifiques, communiqués à la Commission et connus des autres administrations nationales compétentes.

138   La réglementation douanière communautaire ne permet donc pas que le bureau de destination puisse confier à des tiers, notamment à des opérateurs privés participant à l’opération de transit, la tâche de transmettre l’exemplaire nº 5 du document T 1 au bureau de départ. En effet, eu égard au rôle incontestablement essentiel que le document de transit T 1 joue dans le bon fonctionnement du régime du transit communautaire externe (arrêt British American Tobacco, précité, point 52), ainsi qu’à l’importance de l’exemplaire nº 5 de celui-ci en ce qui concerne la détermination de la naissance éventuelle d’une dette douanière ou la communication aux autorités du bureau de départ des éventuelles irrégularités commises lors du transport des marchandises, la transmission de cet exemplaire doit se faire obligatoirement entre autorités douanières sans intervention des opérateurs économiques. La participation de ceux-ci au renvoi ne permet pas d’assurer l’authenticité des documents en cause et des informations qui y sont contenues et augmente les risques de fraude.

139   En réponse aux questions du Tribunal, la requérante a admis que la procédure suivie ne correspondait pas à sa pratique antérieure. Ce mode de renvoi n’était pas non plus celui qui avait été décidé entre la requérante et M. C., le commissionnaire, consistant en l’utilisation d’enveloppes affranchies portant l’adresse du bureau de douane d’apurement de Coevorden, lesquelles devaient être transmises par le chauffeur du camion aux autorités du bureau de destination afin d’être utilisées par celles-ci pour la transmission par la poste des exemplaires n° 5 au bureau d’apurement. Les déclarations suivantes de M. FB. reprises dans le rapport du FIOD (point 8.3, p. 40 et 41) illustrent particulièrement bien le caractère irrégulier de la procédure utilisée :

« [L’exemplaire nº 5] m’a été remis par [C., le commissionnaire] ou indirectement par [B.] [supérieur de FB.] […] Ma première réaction a été à chaque fois d’avoir peur […] J’ai fait part de mon étonnement sur le plan interne et je me suis plaint auprès de [B] […] Je n’ai plus rien convenu avec [B.] au sujet du renvoi ultérieur au service apurement […] Lorsque [C., le commissionnaire,] est revenu un jour avec un [exemplaire nº 5] estampillé, j’ai senti mes cheveux se dresser sur la tête, du moins j’ai été à la fois stupéfait et furieux qu’il ne s’en soit pas tenu à ce qui avait été convenu. Je l’ai fait savoir à [B.] et [C., le commissionnaire, ] […] »

140   Il importe de relever en outre que la requérante a eu connaissance du mode de renvoi utilisé dès avant le départ du deuxième transport de cigarettes, celui correspondant à l’opération du 25 février 1994. Or, bien que cette méthode de renvoi ait été contraire non seulement à la réglementation douanière, mais aussi à ce qui avait été décidé avec M. C., le commissionnaire, la requérante a accepté l’utilisation de ladite méthode pour les dix opérations postérieures, en participant à sa mise en œuvre.

141   La requérante soutient toutefois que cette procédure de renvoi avait été expressément acceptée par les autorités néerlandaises. Elle fait notamment valoir que, lorsqu’elle a commencé à recevoir de M. C., le commissionnaire, les exemplaires nº 5, elle a contacté par téléphone les douanes à plusieurs reprises et a obtenu leur accord. Elle expose aussi qu’elle leur a envoyé les exemplaires nº 5 et que ceux-ci ont été acceptés. Or, bien qu’il y ait eu effectivement certains contacts entre la requérante et les autorités néerlandaises, il ne ressort toutefois pas du dossier que les autorités néerlandaises aient expressément accepté la méthode de renvoi utilisée. En revanche, il est constant que les autorités néerlandaises considéraient inadmissible l’intervention d’opérateurs privés dans le renvoi. Ainsi, le rapport du FIOD (point 3.2.3, p. 18) contient les déclarations suivantes d’un douanier du district de Groningue : « Je n’ai jamais été informé du fait que les cinquièmes exemplaires étaient renvoyés au service apurement de la douane à Coevorden par le truchement de la [requérante]. Jamais nous n’aurions donné notre accord à ce dernier mode d’apurement […] Je n’ai pas interdit l’autre mode de renvoi du cinquième exemplaire (envoi direct par la douane allemande au service apurement de Coevorden). En revanche, j’aurais interdit ou j’interdirais un autre mode de renvoi du cinquième exemplaire au service apurement de la douane à Coevorden par le truchement de [la requérante]. » Il y a lieu de considérer, partant, que, dans les circonstances de l’espèce, la requérante ne pouvait se prévaloir simplement de l’absence de réaction des autorités néerlandaises pendant une certaine période sur le mode de renvoi du formulaire nº 5 pour fonder sa confiance en la légalité de cette méthode.

142   Enfin, l’argument subsidiaire de la requérante relatif à la complexité de la réglementation applicable ne saurait être accueilli. Comme il a déjà été relevé, il ressort sans ambiguïté de l’article 356 du règlement d’application que c’est le bureau de destination qui doit procéder au renvoi de l’exemplaire nº 5 du document T 1 au bureau de départ, sans l’intervention de tiers.

143   Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante, en tant qu’opérateur expérimenté dans le transit communautaire, n’aurait pas dû accepter d’intervenir activement dans le renvoi de l’exemplaire nº 5 des documents en cause. Il convient de relever également que le mode de renvoi du formulaire nº 5 utilisé en l’espèce non seulement supposait une violation des règles formelles du régime de transit communautaire, mais a contribué à la réalisation de la fraude. En effet, la non-utilisation du circuit administratif, et notamment l’absence de transmission au bureau centralisateur allemand, a éliminé la possibilité pour les autorités allemandes de vérifier les numéros d’enregistrement apposés par le douanier corrompu sur les documents T 1 en cause, lesquels, il convient de le rappeler, correspondaient en réalité à des numéros utilisés pour enregistrer d’autres marchandises et d’autres documents douaniers. Cette duplicité, vraisemblablement, aurait pu être découverte par les autorités allemandes, mais ne pouvait pas être constatée par les autorités néerlandaises d’apurement.

144   Partant, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur en prenant en compte la participation de la requérante au renvoi irrégulier des exemplaires nº 5 des documents T 1 dans son appréciation de l’existence d’une négligence manifeste dans le chef de celle-ci.

 5. En ce qui concerne l’insuffisance d’information sur les acheteurs

–       Arguments des parties

145   La requérante fait observer qu’elle avait eu des relations d’affaires satisfaisantes pendant huit ans avec M. C., le commissionnaire, et que rien ne l’avait amenée à se méfier des acheteurs pour le compte desquels il agissait. L’exigence de la Commission de recueillir auprès du commissionnaire des renseignements sur les acheteurs ignorerait les réalités du commerce international, le commissionnaire n’ayant pas intérêt à ce que les deux parties à la transaction aient des relations directes. Ce contrôle, en outre, ne serait effectué que très rarement dans le cadre du transit communautaire externe, en particulier dans des cas où le déclarant agit sur instructions du destinataire. En outre, il n’y aurait pas eu lieu en l’occurrence de vérifier la solvabilité des acheteurs, étant donné que le paiement était fait au comptant.

146   La Commission soutient que la requérante aurait dû, notamment en sa double qualité de vendeur des marchandises et de déclarant, chercher à vérifier si les acheteurs, dont elle connaissait l’identité, existaient réellement et qu’elle aurait dû prendre un minimum de précautions pour éviter de servir de couverture à une vente fictive susceptible de donner lieu à une fraude dans le cadre du transit communautaire.

–       Appréciation du Tribunal

147   La requérante n’a pas essayé d’obtenir des informations précises sur les prétendus acheteurs des marchandises ayant fait l’objet des opérations douanières en cause. Cependant, eu égard aux circonstances de l’espèce, notamment à l’existence préalable d’une longue relation commerciale entre la requérante et M. C., le commissionnaire, qui affirmait représenter ces acheteurs, ainsi qu’aux spécificités du trafic commercial international, particulièrement la difficulté d’obtenir rapidement des informations détaillées sur des entreprises situées dans des pays différents, le Tribunal considère que cette circonstance ne peut fonder, à elle seule, l’appréciation de l’existence d’une négligence manifeste dans le chef de la requérante.

 6. En ce qui concerne l’absence de lien de causalité entre les circonstances particulières et la négligence reprochée à la requérante

–       Arguments des parties

148   La requérante soutient qu’il ressort de l’article 239, paragraphe 1, deuxième tiret, du code des douanes que la remise des droits ne peut être rejetée que si la situation particulière en cause est la conséquence de la négligence du demandeur. Or, en l’espèce, il n’y aurait aucun rapport de cause à effet entre cette situation, à savoir, la fraude du douanier allemand, et les quatre circonstances sur lesquelles la Commission a fondé son appréciation de la prétendue négligence manifeste. En effet, cette fraude n’aurait pas été la conséquence de l’absence de mention des numéros d’immatriculation ni de l’omission de vérifier l’identité des acheteurs. En outre, le changement du bureau de destination et le mode inhabituel de renvoi de l’exemplaire nº 5 des documents T 1 n’auraient fait que provoquer des soupçons au sein des autorités douanières et auraient accru le risque de découverte de la fraude.

149   La Commission fait valoir qu’une demande de remise peut être rejetée lorsque le demandeur s’est rendu coupable de négligence manifeste, indépendamment de l’existence d’un lien avec la circonstance particulière qu’il invoque. La Commission estime, en tout état de cause, qu’il existe en l’espèce un lien de causalité entre la circonstance particulière et la négligence manifeste de la requérante, en ce que cette négligence a contribué à la réalisation de la fraude et a rendu plus difficile la découverte de celle-ci.

–       Appréciation du Tribunal

150   Aux termes de l’article 239 du code des douanes, il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l’importation dans des situations qui résultent de circonstances n’impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé. En outre, l’article 905 du règlement d’application prévoit que la demande de remise doit être assortie de justifications susceptibles de constituer une situation particulière qui résulte de circonstances n’impliquant ni manoeuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé. Contrairement à la thèse de la Commission, il ressort de la teneur même de ces dispositions qu’il doit exister un lien entre la négligence reprochée à l’opérateur et la situation particulière constatée. En l’absence d’un tel lien, il serait inéquitable de rejeter la demande de remise ou de remboursement. Cependant, et contrairement à ce que la requérante soutient, il n’est pas nécessaire que la situation particulière soit la conséquence directe et immédiate de la négligence de l’intéressé. Il suffit, à cet égard, que la négligence ait contribué ou facilité la soustraction d’une marchandise à la surveillance douanière.

151   En l’occurrence, la situation particulière est constituée par le fait que la requérante a été la victime d’une fraude rendue possible par la participation d’un agent des services douaniers nationaux. Dès lors, il est nécessaire que les différents comportements reprochés à la requérante comme étant constitutifs d’une négligence manifeste aient contribué ou facilité la réalisation de cette fraude.

152   Or, il a déjà été jugé (voir points 118, 120, 130 et 143) que trois des comportements reprochés à la requérante comme étant constitutifs d’une négligence manifeste, à savoir l’omission de l’indication des numéros d’immatriculation sur les exemplaires nº 5 des documents T 1, la fausse indication de Schirnding comme bureau de destination et le mode irrégulier de renvoi du formulaire nº 5 des documents T 1, ont facilité la réalisation de la fraude et, partant, la soustraction des marchandises à la surveillance douanière, notamment en compliquant le contrôle par les autorités douanières nationales du bon déroulement des opérations en cause.

153   Partant, le grief relatif à l’absence d’un lien de causalité doit être rejeté.

 7. Conclusion sur le deuxième moyen

154   Il est de jurisprudence constante que la Commission jouit d’un pouvoir d’appréciation lorsqu’elle adopte une décision en application de la clause générale d’équité prévue par la réglementation douanière communautaire (arrêts du Tribunal du 9 novembre 1995, France-aviation/Commission, T‑346/94, Rec. p. II‑2841, point 34 ; Primex Produkte Import-Export e.a./Commission, précité, point 60 ; Mehibas Dordtselaan/Commission, précité, points 46 et 78, et Aslantrans/Commission, précité, point 55). Il y a lieu de relever également que le remboursement ou la remise des droits à l’importation, qui ne peuvent être accordés que sous certaines conditions et dans des cas spécifiquement prévus, constituent une exception au régime normal des importations et des exportations et, par conséquent, que les dispositions prévoyant un tel remboursement ou une telle remise sont d’interprétation stricte (arrêts Söhl & Söhlke, précité, point 52, et Aslantrans/Commission, précité, point 55). En particulier, l’absence de négligence manifeste étant une condition sine qua non pour pouvoir prétendre à un remboursement ou à une remise des droits à l’importation, il s’ensuit que cette notion doit être interprétée de telle sorte que le nombre des cas de remboursement ou de remise reste limité (arrêt Söhl & Söhlke, précité, point 52).

155   En l’occurrence, la requérante était le principal obligé du régime de transit communautaire externe pour les opérations douanières en cause. Par conséquent, en tant que principal obligé, la requérante avait accepté une responsabilité particulière par rapport à ces opérations.

156   Cependant, la requérante a sciemment violé à plusieurs reprises des obligations du régime de transit communautaire externe lui incombant. En effet, premièrement, en n’indiquant pas les numéros d’immatriculation des véhicules de transport, elle n’a pas respecté l’obligation prévue à l’annexe 37 du règlement d’application. Deuxièmement, en fournissant des indications fausses concernant le bureau de destination dans les déclarations douanières, elle a violé les devoirs que lui imposent l’article 199 du règlement d’application et l’annexe 37 dudit règlement. Enfin, troisièmement, en participant à un mode irrégulier de renvoi des exemplaires nº 5 des documents T 1, elle a contribué au non-respect de la disposition contenue dans l’article 356 du règlement d’application. Les dispositions violées, en outre, n’étaient pas particulièrement complexes et ne nécessitaient pas une interprétation difficile. De plus, la requérante était un opérateur économique très expérimenté dans ce secteur. Ces violations non seulement constituent des manquements aux obligations formelles du régime du transit communautaire, mais elles ont en outre contribué à la réalisation de la fraude et à la soustraction de la marchandise à la surveillance douanière, notamment en compliquant le contrôle par les autorités douanières nationales du bon déroulement des opérations. Enfin, il importe de souligner que, s’agissant d’opérations douanières portant sur des cigarettes, qui sont des marchandises à risque, la requérante était tenue de faire preuve d’une diligence particulière.

157   Il ressort de tout ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce, la requérante avait fait preuve d’une négligence manifeste, au sens de l’article 239 du code des douanes et de l’article 905 du règlement d’application.

158   Par conséquent, il y a lieu de rejeter ce moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

 Arguments des parties

159   La requérante soutient que l’article 239 du code des douanes doit être interprété et appliqué en conformité avec le principe de proportionnalité. Or, compte tenu du montant des droits réclamés et de la dimension de ses activités commerciales, le rejet de la demande de remise se traduirait par un préjudice très important et aurait exigé, pour ne pas méconnaître le principe de proportionnalité, que la prétendue négligence constatée par la Commission ait été particulièrement grave. La Commission, en définitive, aurait traité de manière démesurément sévère la requérante, dont la négligence qui lui est reprochée serait étroitement « subordonnée » au comportement frauduleux d’un douanier allemand.

160   La Commission fait remarquer que le principe de proportionnalité doit s’appliquer en l’espèce à l’interprétation des dispositions régissant la remise de la dette douanière et non à la question de la validité de la dette elle-même. Elle fait observer que la Cour a établi qu’il n’est pas disproportionné qu’un opérateur soit mis en faillite par le fait qu’il doive acquitter une dette douanière (arrêt de la Cour du 14 mai 1996, Faroe Seafood e.a., C‑153/94 et C‑204/94, Rec. p. I‑2465, point 116). Enfin, la Commission aurait tenu compte du principe de proportionnalité dans la décision attaquée, mais les reproches sérieux pouvant être adressés à la requérante n’auraient permis aucune remise.

 Appréciation du Tribunal

161   Il importe de relever que le montant de la dette douanière imposée à la requérante est lié à l’importance économique des marchandises ayant fait l’objet des opérations de transit communautaire en cause, en particulier au montant des droits et taxes qui grèvent ces marchandises, à savoir les cigarettes. Le fait que le montant réclamé au titre des droits à l’importation soit important entre dans la catégorie des risques professionnels auxquels s’expose l’opérateur économique (voir, en ce sens, arrêt Faroe Seafood e.a., précité, point 115). Partant, l’importance de la dette dont la remise est demandée n’est pas, en elle-même, un élément de nature à moduler l’appréciation des conditions auxquelles est subordonnée cette remise. Il y a donc lieu de conclure que la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité en ne prenant pas en considération en l’espèce, lors de son examen de la demande en cause, l’importance du préjudice économique que la décision de rejet causerait à la requérante.

162   S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la négligence manifeste que la Commission lui reproche est étroitement « subordonnée » à la fraude du douanier allemand, il suffit de constater que ladite fraude a été prise en compte par la Commission, cette circonstance ayant fondé l’appréciation de l’existence en l’espèce d’une situation particulière. Or, dans le cadre de l’appréciation de la seconde condition de l’ouverture du droit à la remise, à savoir l’absence de négligence manifeste, la Commission a pris en considération à juste titre les comportements et omissions imputables à la requérante, lesquels, comme il a été jugé, ont contribué à la réalisation de la fraude et ont compliqué la découverte de celle-ci. Il s’ensuit que la Commission n’a pas non plus violé le principe de proportionnalité lors de son examen du comportement de la requérante.

163   Partant, il y a lieu de rejeter ce moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’inexistence de la dette douanière

 Arguments des parties

164   Lors de l’audience, la requérante a invoqué un nouveau moyen, en alléguant la survenance d’un fait nouveau. Elle a fait valoir que, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du Vrchní soud de Prague du 30 novembre 2004, précité, les marchandises ayant fait l’objet des opérations douanières litigieuses ont quitté le territoire douanier de la Communauté. Partant, ces marchandises n’auraient pas été soustraites à la surveillance douanière et ne seraient donc pas soumises aux droits à l’importation. Dès lors, la dette douanière qui lui a été imposée par les autorités néerlandaises, dont la demande de remise a fait l’objet de la décision attaquée, n’existerait pas. Cette circonstance serait de nature à justifier la remise de la dette douanière. L’application de la procédure prévue dans l’article 239 du code des douanes présupposerait l’existence préalable d’une dette douanière.

 Appréciation du Tribunal

165   Il ressort d’une jurisprudence constante que les dispositions de l’article 239 du code des douanes et de l’article 905 du règlement d’application ont pour seul objet de permettre, lorsque certaines circonstances particulières sont réunies et en l’absence de négligence manifeste ou de manœuvre, d’exonérer les opérateurs économiques du paiement des droits dont ils sont redevables et non de permettre de contester le principe même de l’exigibilité de la dette douanière [arrêts de la Cour du 12 mars 1987, Cerealmangimi et Italgrani/Commission, 244/85 et 245/85, Rec. p. 1303, point 11, et du 6 juillet 1993, CT Control (Rotterdam) et JCT Benelux/Commission, C‑121/91 et C‑122/91, Rec. p. I‑3873, point 43 ; arrêt Hyper/Commission, précité, point 98]. En effet, la détermination de l’existence et du montant exact de la dette relève de la compétence des autorités nationales. Or, les demandes adressées à la Commission en vertu des dispositions précitées ne concernent pas la question de savoir si les dispositions de droit matériel douanier ont été correctement appliquées par les autorités douanières nationales. Le Tribunal rappelle que les décisions adoptées par ces autorités peuvent être attaquées devant les juridictions nationales, ces dernières pouvant saisir la Cour en vertu de l’article 234 CE (arrêts du Tribunal du 16 juillet 1998, Kia Motors et Broekman Motorships/Commission, T‑195/97, Rec. p. II‑2907, point 36, et Hyper/Commission, précité, point 98).

166   Au vu de ce qui précède, il y a lieu de déclarer ce moyen irrecevable.

167   Le Tribunal considère que l’instruction de l’affaire ainsi que les documents et les réponses apportés par les parties dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure l’ont suffisamment éclairé et qu’il n’est pas nécessaire d’ordonner d’autres mesures d’instruction, en particulier l’audition de témoins proposée par la requérante.

168   Au vu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

169   Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens et ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante supportera ses propres dépens et les dépens exposés par la Commission.

Cooke

García-Valdecasas

Trstenjak


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2005.


Le greffier

 

       Le président



H. Jung

 

       J. D. Cooke


Table des matières




Cadre juridique

Règles relatives au transit communautaire

Règles relatives au remboursement ou à la remise des droits à l’importation ou à l’exportation

Faits à l’origine du litige

Opérations de transit communautaire externe en cause

Procédure administrative

Procédure et conclusion des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de violations de la procédure de remise des droits à l’importation et du principe de sécurité juridique

1. En ce qui concerne le grief relatif à l’absence d’avertissement du prolongement du délai et à la violation du principe de sécurité juridique

– Arguments de parties

– Appréciation du Tribunal

2. En ce qui concerne le grief relatif à la non-transmission en temps opportun des demandes d’informations complémentaires

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

3. En ce qui concerne les griefs relatifs à l’accès tardif et incomplet au dossier

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

4. En ce qui concerne le grief relatif au retard intervenu dans la réception des réponses des autorités néerlandaises

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

5. En ce qui concerne le grief relatif au retard des autorités néerlandaises dans la transmission du rapport du FIOD

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

6. En ce qui concerne le grief relatif au retard excessif dans le traitement de la demande de remise

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

7. Conclusion sur le premier moyen

Sur le deuxième moyen, tiré de l’absence de négligence manifeste au sens de l’article 239 du code des douanes et de l’article 905 du règlement d’application

1. En ce qui concerne la notion de négligence manifeste et les critères pertinents pour apprécier son existence en l’espèce

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

2. En ce qui concerne l’absence de mention des numéros d’immatriculation sur les exemplaires nº 5 des documents T 1

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

3. En ce qui concerne le changement du bureau douanier de destination indiqué sur les documents douaniers

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

4. En ce qui concerne le mode de renvoi de l’exemplaire nº 5 des documents T 1

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

5. En ce qui concerne l’insuffisance d’information sur les acheteurs

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

6. En ce qui concerne l’absence de lien de causalité entre les circonstances particulières et la négligence reprochée à la requérante

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

7. Conclusion sur le deuxième moyen

Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré de l’inexistence de la dette douanière

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : le néerlandais.