Language of document : ECLI:EU:T:2011:76



DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

8 mars 2011 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché espagnol de l’achat et de la première transformation de tabac brut – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Fixation des prix et répartition du marché – Amendes – Effet dissuasif – Égalité de traitement – Circonstances atténuantes – Limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires – Coopération »

Dans l’affaire T‑37/05,

World Wide Tobacco España, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée initialement par Mes M. Odriozola Alén, M. Marañon Hermoso et A. Emch, puis par Mes Odriozola Alén, M. Barrantes Diaz et A. João Vide, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et É. Gippini Fournier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante dans la décision C (2004) 4030 final de la Commission, du 20 octobre 2004, relative à une procédure d’application de l’article 81, paragraphe 1, [CE] (affaire COMP/C.38.238/B.2 − Tabac brut – Espagne),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. K. O’Higgins (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 septembre 2009,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Requérante et procédure administrative

1        World Wide Tobacco España, SA (ci-après « WWTE » ou la « requérante ») est l’une des quatre entreprises de première transformation de tabac brut en Espagne (ci-après les « transformateurs »).

2        Les trois autres transformateurs sont les suivants : Compañia española de tabaco en rama, SA (ci-après « Cetarsa »), Agroexpansión, SA, et Tabacos Españoles, SL (ci-après « Taes »).

3        Entre 1995 et le 5 mai 1998, deux tiers du capital de la requérante étaient détenus par Trans-Continental Leaf Tobacco Corp. Ltd (ci-après « TCLT »), une filiale à 100 % de Standard Commercial Tobacco Co., Inc. (ci-après « SCTC »), elle-même filiale à 100 % de la multinationale américaine Standard Commercial Corp. (ci-après « SCC »). Le tiers restant était détenu par le président de la requérante et deux membres de sa famille.

4        Le 5 mai 1998, TCLT a porté sa participation dans le capital de la requérante à 86,94 %, le reste des actions étant détenu en propre par cette dernière et par une personne physique. En octobre 1998, la requérante a acquis les actions de cette dernière personne et SCC a acquis une participation directe dans le capital de la requérante. En mai 1999, TCLT et SCC ont augmenté leur participation dans ledit capital.

5        Il sera fait référence ci-après au groupe de sociétés auxquelles appartiennent la requérante, SCC, SCTC et TCLT par les termes « groupe Standard ».

6        Les 3 et 4 octobre 2001, la Commission des Communautés européennes, disposant d’informations selon lesquelles les transformateurs et les producteurs espagnols de tabac brut auraient commis des infractions à l’article 81 CE, a effectué des vérifications, au titre de l’article 14 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), dans les locaux de trois des transformateurs, à savoir Cetarsa, Agroexpansión et la requérante, ainsi que de l’Asociación Nacional de Empresas Transformadoras de Tabaco (ci-après l’« Anetab »).

7        La Commission a également procédé à des vérifications dans les locaux de la Maison des métiers du tabac et de la Fédération européenne des transformateurs de tabac, le 3 octobre 2001, ainsi que de la Federación nacional de cultivadores de tabaco (ci-après la « FNCT »), le 5 octobre 2001.

8        Par lettre du 16 janvier 2002, les transformateurs et l’Anetab, invoquant la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération »), ont fait connaître à cette dernière leur volonté de coopérer.

9        Par lettre du 21 janvier 2002, ils ont fourni certaines informations à la Commission.

10      La requérante, Agroexpansión et Cetarsa, par lettres du 15 février 2002, et Taes, par lettre du 18 février 2002, ont fourni certaines informations supplémentaires à la Commission.

11      Par la suite, la Commission a adressé plusieurs demandes de renseignements aux transformateurs, à l’Anetab et à la FNCT sur le fondement de l’article 11 du règlement n° 17. Elle a également demandé des renseignements au ministère de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation espagnol à propos de la réglementation espagnole en matière de produits agricoles.

12      Le 11 décembre 2003, la Commission a engagé la procédure à l’origine de la présente affaire et a adopté une communication des griefs qu’elle a adressée à 20 entreprises ou associations, dont les transformateurs, SCC, SCTC, TCLT, l’Anetab et Deltafina SpA. Deltafina est une société italienne qui a pour activités principales la première transformation de tabac brut en Italie et la commercialisation de tabac transformé. Elle appartient au même groupe de sociétés que Taes, à savoir celui à la tête duquel se trouve la société américaine Universal Corp.

13      Les entreprises et associations en cause ont eu accès au dossier d’instruction de la Commission sous la forme d’une copie sur CD-ROM, qui leur a été envoyée, et ont transmis des observations écrites en réponse aux griefs soulevés par cette dernière.

14      Une audition s’est tenue le 29 mars 2004.

15      Après avoir consulté le comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes, et au vu du rapport final du conseiller-auditeur, la Commission a adopté, le 20 octobre 2004, la décision C (2004) 4030 final, relative à une procédure d’application de l’article 81, paragraphe 1, [CE] (affaire COMP/C.38.238/B.2 − Tabac brut – Espagne) (ci-après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 19 avril 2007 (JO L 102, p. 14).

 Décision attaquée

16      La décision attaquée concerne deux ententes horizontales conclues et mises en œuvre sur le marché espagnol du tabac brut.

17      La première entente, qui impliquait les transformateurs et Deltafina, avait pour objet de fixer, chaque année, pendant la période 1996/2001, le prix moyen de livraison (maximal) de chaque variété de tabac brut, toutes qualités confondues, ainsi que de répartir les quantités de chaque variété de tabac brut que chacun des transformateurs pouvait acheter auprès des producteurs (voir, notamment, considérants 74 à 76 et 276 de la décision attaquée). De 1999 à 2001, les transformateurs et Deltafina étaient également convenus des fourchettes de prix par grade qualitatif de chaque variété de tabac brut figurant dans les tableaux annexés aux « contrats de culture » ainsi que des « conditions complémentaires », à savoir le prix minimal moyen par producteur et le prix minimal moyen par groupement de producteurs (voir, notamment, considérants 77 à 83 et 276 de la décision attaquée).

18      Il sera fait référence ci-après à l’entente décrite au point 17 ci-dessus par les termes « entente des transformateurs ».

19      La seconde entente identifiée dans la décision attaquée impliquait les trois syndicats agricoles espagnols, à savoir l’Asociación agraria de jóvenes agricultores (ci-après l’« ASAJA »), l’Unión de pequeños agricultores (ci-après l’« UPA ») et la Coordinadora de organizaciones de agricultores y ganaderos (ci-après la « COAG »), ainsi que la Confederación de cooperativas agrarias de España (ci-après la « CCAE »). Cette entente avait pour objet de fixer chaque année, pendant la période 1996/2001, les fourchettes de prix par grade qualitatif de chaque variété de tabac brut figurant dans les tableaux annexés aux « contrats de culture » ainsi que les « conditions complémentaires » (voir, notamment, considérants 77 à 83 et 277 de la décision attaquée).

20      Il sera fait référence ci-après à l’entente décrite au point 19 ci-dessus par les termes « entente des représentants des producteurs ».

21      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que chacune de ces ententes constituait une infraction unique et continue à l’article 81, paragraphe 1, CE (voir, notamment, considérants 275 à 277 de la décision attaquée).

22      À l’article 1er de cette décision, elle a imputé la responsabilité de l’entente des transformateurs aux transformateurs, à Deltafina, à Dimon Inc. – la société mère du groupe auquel appartient Agroexpansión –, à SCC, à SCTC et à TCLT, et celle de l’entente des représentants des producteurs à l’ASAJA, à l’UPA, à la COAG et à la CCAE (ci-après, prises ensemble, les « représentants des producteurs »).

23      À l’article 2 de la décision attaquée, la Commission a ordonné à ces entreprises et aux représentants des producteurs de mettre immédiatement fin, s’ils ne l’avaient pas déjà fait, aux infractions visées à l’article 1er et de s’abstenir désormais de toute pratique restrictive ayant un objet ou un effet identique ou équivalent.

24      À l’article 3 de la décision attaquée, la Commission a infligé des amendes aux entreprises visées aux points 22 et 23 ci-dessus ainsi qu’aux représentants des producteurs, en tenant SCC, SCTC et TCLT pour solidairement responsables du paiement de l’amende infligée à la requérante et Dimon du paiement de celle infligée à Agroexpansión (voir points 73 et 74 ci-après).

 Destinataires de la décision attaquée

25      Le point 2.4 de la décision attaquée est consacré à la question des destinataires (considérants 357 à 400 de la décision attaquée).

26      Tout d’abord, la Commission y a exposé qu’il était établi que les transformateurs et Deltafina avaient participé directement à l’entente des transformateurs et les représentants des producteurs à l’entente des représentants des producteurs, de sorte que chacune de ces entreprises et associations « [était] appelée à assumer la responsabilité de l’infraction et [était] par conséquent destinataire de la [décision attaquée] » (considérants 357 et 358 de la décision attaquée). Aux considérants 359 à 369 de cette décision, elle a apprécié, plus particulièrement, le rôle de Deltafina dans l’entente des transformateurs.

27      Ensuite, la Commission a examiné la question de l’imputabilité du comportement infractionnel d’une filiale à sa société mère, relevant que, en l’espèce, celle-ci se posait dans trois cas, en l’occurrence ceux d’Agroexpansión, de la requérante et de Taes (considérants 370 à 400 de la décision attaquée).

28      À cet égard, en premier lieu, la Commission a rappelé les principes applicables, selon elle, en la matière (considérants 371 à 374 de la décision attaquée).

29      Plus particulièrement, elle a exposé ce qui suit :

–        pour déterminer si une société mère doit être considérée comme responsable du comportement illicite de sa filiale, il est nécessaire d’établir que cette dernière « ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société mère » (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, Rec. p. 619, points 132 et 133) ;

–        selon une jurisprudence constante, lorsque la société mère détient la totalité du capital de sa filiale, il peut légitimement être supposé qu’elle exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de celle-ci (arrêts de la Cour du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 50, et du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, Rec. p. I‑9925, point 29 ; arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, dit « PVC II », T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, points 961 et 984) ;

–        cette supposition peut être confirmée par des « facteurs particuliers propres à certaines affaires » ;

–        dans le cas des filiales qui ne sont pas contrôlées à 100 %, une société mère peut, selon la Cour, influencer la politique de sa filiale lorsqu’elle détient, au moment où l’infraction est commise, la majorité du capital de celle-ci (arrêt Imperial Chemical Industries/Commission, précité, point 136) ou lorsqu’elle est « constamment » informée des pratiques de ladite filiale et qu’elle détermine directement son comportement (arrêt AEG-Telefunken/Commission, précité, point 52) ;

–        selon une jurisprudence constante, la notion d’entreprise, placée dans le contexte du droit de la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique du point de vue de l’objet de l’accord en cause, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes, physiques ou morales (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 66, renvoyant à l’arrêt de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm Gerätebau, 170/83, Rec. p. 2999, point 11).

30      En second lieu, avant d’examiner plus en détail le cas d’Agroexpansión ainsi que celui de la requérante, la Commission a indiqué, au considérant 375 de la décision attaquée, ce qui suit :

« En l’espèce, trois des quatre transformateurs espagnols de tabac brut sont contrôlés (à 100 % ou à 90 %) par des multinationales américaines. Il existe par ailleurs d’autres éléments factuels qui confirment la présomption selon laquelle le comportement d’Agroexpansión et de [la requérante] doit être imputé à leur[s] société[s] mère[s] respective[s]. Dans ce cas, les deux sociétés – la société mère et sa filiale – doivent être considérées comme solidairement responsables des infractions constatées dans la […] décision [attaquée]. »

31      Au considérant 376 de la décision attaquée, la Commission a ajouté ce qui suit :

« [En revanche], après l’envoi de la communication des griefs et l’audition des parties, il est apparu que les preuves du dossier ne pouvaient pas justifier une conclusion similaire au sujet des participations d’Universal […] et d’Universal Leaf [Tobacco Co. Inc.] dans Taes et Deltafina. En fait, [à part] le lien soci[al] entre les sociétés mères et leurs filiales, le dossier ne contient aucune indication de participation matérielle d’Universal […] et d’Universal Leaf dans les faits examinés dans la [décision attaquée]. Il ne conviendrait donc pas d’en faire les destinataires d’une décision dans cette affaire. La même conclusion s’appliquerait a fortiori à Intabex [Netherlands BV] puisque sa participation de 100 % dans Agroexpansión était purement financière. »

32      Aux considérants 377 à 386 de la décision attaquée, la Commission a examiné le cas d’Agroexpansión. Elle a notamment relevé que, depuis le second semestre de l’année 1997, cette société était entièrement contrôlée par Dimon, et ce par l’intermédiaire de la filiale à 100 % de cette dernière, Intabex Netherlands BV (ci-après « Intabex »). Elle en a déduit qu’il était légitime de présumer que, à tout le moins à partir de ce moment, Dimon a exercé une influence déterminante sur le comportement d’Agroexpansión. La Commission a ajouté que d’autres éléments de son dossier confirmaient cette présomption. Par ailleurs, elle a rejeté certaines allégations formulées par Dimon dans sa réponse à la communication des griefs et notamment celle selon laquelle elle aurait violé le principe de non-discrimination en la tenant pour responsable du comportement infractionnel de sa filiale alors qu’elle n’avait notamment pas tenu la société mère de Cetarsa, à savoir Sociedad estatal de participaciones industriales, pour responsable du comportement infractionnel de sa filiale (considérant 384 de la décision attaquée). La Commission a conclu de ces différents éléments que Dimon « [devait] être tenue conjointement responsable, avec Agroexpansión, du comportement de cette dernière établi par la [décision attaquée] pour la période allant du second semestre de 1997 au 10 août 2001 » (considérant 386 de la décision attaquée).

33      Aux considérants 387 à 400 de la décision attaquée, la Commission a examiné le cas de la requérante.

34      Elle a considéré qu’il convenait de distinguer deux périodes, la première s’étendant de 1995 jusqu’à mai 1998 et la seconde s’étendant de cette dernière date jusqu’à celle de la décision attaquée.

35      S’agissant de la première période, la Commission, tout d’abord, a déduit de différents éléments exposés aux considérants 388 à 390 de la décision attaquée, que, pendant celle-ci, la requérante était conjointement contrôlée par SCC (à travers SCTC et TCLT) et par le président de la requérante et sa famille (considérant 391 de la décision attaquée).

36      Ensuite, la Commission a énoncé une série d’éléments qui établiraient que, pendant cette même période, SCC « et/ou ses filiales » ont exercé une influence effective sur le comportement de la requérante en Espagne (considérant 391 de la décision attaquée). Elle a exposé que, eu égard à ces éléments, « il y [avait] lieu de conclure qu’entre 1996 et mai 1998, alors que SCC ne contrôlait, via ses filiales TCLT et SCTC, que deux tiers du capital de [la requérante], elle avait toutefois mis en place certains mécanismes qui, ensemble, lui permettaient d’être au courant des activités de sa filiale en Espagne et donc de contrôler effectivement la politique commerciale de celle-ci » (considérant 392 de la décision attaquée).

37      S’agissant de la seconde période, aux considérants 393 à 398 de la décision attaquée, la Commission a énoncé une série d’éléments qui démontreraient que, à partir de mai 1998, SCC, soit directement soit à travers SCTC et TCLT, a eu le contrôle exclusif de la requérante et a exercé une influence déterminante sur la politique commerciale de cette dernière. Au considérant 399 de la décision attaquée, elle a ajouté que « [l]es arguments avancés par SCC dans sa réponse à la communication des griefs ne [justifiaient] pas de conclusion différente à ce propos ».

38      Eu égard à ces différents éléments, la Commission a conclu, au considérant 400 de la décision attaquée, que, depuis 1996 au moins, « SCC et/ou ses filiales SCTC et TCLT » ont exercé une influence déterminante sur la politique commerciale de la requérante et qu’elles doivent donc être tenues pour solidairement responsables des pratiques reprochées à cette dernière et figurer parmi les destinataires de la décision attaquée.

  Détermination du montant des amendes

39      Aux considérants 404 à 458 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question des amendes à infliger aux destinataires de celle-ci.

40      Les montants des amendes ont été déterminés par la Commission en fonction de la gravité et de la durée des infractions en cause, soit les deux critères explicitement mentionnés à l’article 23, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), et à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, qui était, aux termes de la décision attaquée, applicable au moment de ces infractions (considérants 404 et 405 de la décision attaquée).

41      Aux fins de fixer le montant de l’amende infligée à chacun des destinataires, la Commission a fait application de la méthode définie dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5 [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices »), même si elle ne s’y est pas explicitement référée. Dans la décision attaquée, la Commission a également apprécié si, et dans quelle mesure, les destinataires satisfaisaient aux exigences fixées par la communication sur la coopération.

 Montant de départ des amendes

–       Gravité

42      S’agissant de l’évaluation de la gravité des infractions en cause, la Commission a tenu compte, aux considérants 407 à 414 de la décision attaquée, de la nature propre de celles-ci, de leur impact concret sur le marché, de l’étendue du marché géographique en cause et de la taille du marché.

43      Ainsi, tout d’abord, au considérant 408 de la décision attaquée, la Commission a constaté que « [l]a production de tabac brut en Espagne représent[ait] 12 % de la production communautaire », que « [l]a superficie de culture dans ce pays [était] de 14 571 hectares et se concentr[ait] dans les Communautés autonomes d’Estrémadure (84 %), d’Andalousie (11,5 %) et de Castille-Léon (3 %) » et que « [l]a taille du marché [était] assez réduite et plutôt concentrée dans une seule région d’Espagne ».

44      Ensuite, au considérant 409 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que « [l]’infraction [était] toutefois considérée comme très grave parce qu’elle consist[ait] dans la fixation des prix des variétés de tabac brut en Espagne et la répartition des quantités ».

45      S’agissant, plus particulièrement, des représentants des producteurs, elle a relevé, au considérant 410 de la décision attaquée, que ceux-ci avaient participé à des accords et/ou des pratiques concertées ayant essentiellement pour objet la fixation de fourchettes de prix par grade qualitatif de chaque variété de tabac brut – à l’intérieur desquelles ils négociaient ensuite le prix final du tabac brut à la livraison – et du prix minimal moyen par producteur et par groupement de producteurs. Elle a ajouté que, si les marges à l’intérieur de ces fourchettes de prix étaient très larges et pouvaient varier de 100 à 380 % entre le minimum et le maximum de chaque grade qualitatif pour une même variété de tabac brut, toutefois, en convenant du niveau minimal du prix moyen – par producteur et par groupement de producteurs –, les représentants des producteurs visaient à relever le prix de vente final de leur tabac brut au-dessus du niveau qui aurait résulté du libre jeu de la concurrence.

46      En ce qui concerne les transformateurs et Deltafina, la Commission a souligné, au considérant 411 de la décision attaquée, que ceux-ci, outre le fait qu’ils s’étaient également entendus sur les fourchettes de prix par grade qualitatif et les conditions complémentaires, « [s’étaient] mis d’accord en secret sur plusieurs autres aspects des prix et des quantités à vendre, et notamment le prix de livraison moyen (maximal) de chaque variété de tabac brut (toutes qualités confondues) et les volumes de tabac brut à acheter par chaque transformateur ». Elle a ajouté que, à partir de 1998, ils avaient également adopté des mécanismes complexes de compensation et de transfert afin d’assurer le respect de leur entente secrète sur les prix et les quantités.

47      Enfin, au considérant 412 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle « ne [possédait] pas de preuves concluantes des effets réels des infractions commises par les producteurs et les transformateurs sur le marché » dès lors qu’« il serait impossible de déterminer a posteriori le niveau des prix qui aurait été appliqué sur le marché du tabac brut en Espagne en l’absence des pratiques en cause ». Au considérant suivant, elle a exposé qu’« [o]n [pouvait] néanmoins considérer que, depuis 1998 au moins, sous l’effet de leur coordination secrète sur les prix et les quantités avant et après la conclusion des contrats de culture et jusqu’à la conclusion des transactions finales, l’entente des transformateurs [avait] été pleinement mise en œuvre et respectée […] et devait avoir un effet réel sur le marché ».

48      Au considérant 414 de la décision attaquée, la Commission a conclu des considérations qui précèdent que les deux infractions devaient être qualifiées de « très graves ». Elle a précisé, toutefois, qu’elle « tiendra[it] compte de la dimension relativement réduite du marché de produit ».

–       Traitement différencié

49      Au considérant 415 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’il convenait de « tenir compte du poids spécifique de chaque entreprise et donc de l’incidence réelle de son comportement illicite sur la concurrence afin que l’effet dissuasif de l’amende infligée à chaque entreprise soit proportionné à sa contribution au comportement illégal à sanctionner ».

50      La Commission a distingué l’entente des transformateurs (considérants 416 à 424 de la décision attaquée) de celle des représentants des producteurs (considérants 425 à 431 de la décision attaquée).

51      S’agissant de l’entente des transformateurs, en premier lieu, la Commission a estimé que « les amendes [devaient] être échelonnées eu égard à la contribution au comportement illégal et à la position sur le marché occupée par chaque partie en cause » (considérant 416 de la décision attaquée).

52      À cet égard, la Commission a déclaré que « c’est Deltafina qui [devait] recevoir le montant de départ de l’amende le plus élevé en raison de sa position de premier plan sur le marché en tant qu’acheteur principal du tabac transformé espagnol [….] » (considérant 417 de la décision attaquée).

53      En ce qui concerne les transformateurs, la Commission a jugé que la « contribution » de ceux-ci aux pratiques illégales « [pouvait] être considérée en gros comme similaire » (considérant 418 de la décision attaquée). Elle a estimé qu’il convenait, toutefois, de tenir compte de leurs tailles différentes et de leurs parts de marché respectives et, sur cette base, les a répartis en trois catégories.

54      Ainsi, la Commission a placé Cetarsa dans une première catégorie, qualifiée de « particulière », au motif qu’elle était « de loin le premier transformateur espagnol » et devait, de ce fait, se voir imposer le montant de départ le plus élevé (considérant 419 de la décision attaquée). Elle a placé Agroexpansión et la requérante dans une deuxième catégorie en indiquant qu’elles avaient chacune une part de marché de 15 % environ et devaient se voir imposer le même montant de départ (considérant 420 de la décision attaquée). Enfin, Taes a été placée dans une troisième catégorie au motif qu’elle n’avait qu’une part de marché de 1,6 % et devait, dès lors, se voir imposer le montant de départ le plus bas (considérant 421 de la décision attaquée).

55      En second lieu, afin d’assurer à l’amende un effet suffisamment dissuasif, la Commission a considéré qu’il y avait lieu d’appliquer un coefficient multiplicateur de 1,5 – soit une majoration de 50 % – au montant de départ déterminé pour la requérante et un coefficient multiplicateur de 2 – soit une majoration de 100 % – au montant de départ déterminé pour Agroexpansión (considérant 423 de la décision attaquée). Elle estimait, en effet, qu’il y avait lieu de tenir compte du fait que, malgré leur part de marché relativement limitée sur le marché de l’achat de tabac brut espagnol, ces deux transformateurs appartenaient à des multinationales disposant d’une force économique et financière considérable et que, « en outre », ils avaient agi « sous l’influence décisive de leurs maisons mères respectives » (considérant 422 de la décision attaquée).

56      Eu égard à ces différents éléments, la Commission a fixé comme suit le montant de départ des amendes pour les transformateurs et Deltafina au considérant 424 de la décision attaquée :

–        Deltafina : 8 000 000 euros ;

–        Cetarsa : 8 000 000 euros ;

–        Agroexpansión : 1 800 000 euros x 2 = 3 600 000 euros ;

–        WWTE : 1 800 000 euros x 1,5 = 2 700 000 euros ;

–        Taes : 200 000 euros.

57      S’agissant de l’entente des représentants des producteurs, la Commission a considéré qu’il n’y avait lieu d’infliger à chacun de ceux-ci qu’une amende symbolique de 1 000 euros (considérants 425 et 430 de la décision attaquée). Elle a justifié sa position par le fait que « le cadre réglementaire entourant la négociation collective des contrats types pouvait entraîner un degré considérable d’incertitude quant à la légalité du comportement des représentants des producteurs et des transformateurs dans le contexte bien précis de la négociation collective des accords types » (considérant 428 de la décision attaquée), et ce en se fondant sur certains éléments mentionnés au considérant 427 de la décision attaquée. Elle a également relevé que « l’existence et les résultats des négociations sur les contrats types étaient généralement dans le domaine public et […] aucune autorité n’a[vait] jamais mis en cause leur compatibilité avec soit le droit communautaire, soit le droit espagnol avant l’ouverture de la présente procédure » (considérant 429 de la décision attaquée).

 Montant de base des amendes

58      Aux considérants 432 et 433 de la décision attaquée, la Commission a examiné la question de la durée de l’infraction reprochée aux transformateurs et à Deltafina. Elle a fixé cette durée à cinq ans et quatre mois, ce qui correspondait à une infraction de longue durée. Par conséquent, elle a majoré de 50 % le montant de départ de l’amende infligée à chacun des transformateurs et à Deltafina.

59      Partant, les montants de base des amendes infligées aux destinataires de la décision attaquée se sont établis comme suit :

–        Deltafina : 12 000 000 euros ;

–        Cetarsa : 12 000 000 euros ;

–        Agroexpansión : 5 400 000 euros ;

–        WWTE : 4 050 000 euros ;

–        Taes : 300 000 euros ;

–        l’ASAJA : 1 000 euros ;

–        l’UPA : 1 000 euros ;

–        la COAG : 1 000 euros ;

–        la CCAE : 1 000 euros (considérant 434 de la décision attaquée).

 Circonstances aggravantes et atténuantes

60      Le montant de base de l’amende infligée à Deltafina a été majoré de 50 % au titre des circonstances aggravantes au motif que cette entreprise avait joué un rôle de meneur dans le cadre de l’entente des transformateurs (considérants 435 et 436 de la décision attaquée).

61      Au titre des circonstances atténuantes, la Commission a relevé, au considérant 437 de la décision attaquée, que « [l]es mêmes facteurs exposés aux considérants 427 à 429 [de la décision attaquée pouvaient] s’appliquer au comportement des transformateurs en ce qui concerne uniquement leurs négociations publiques et la conclusion de contrats types (notamment les négociations sur les fourchettes de prix et les conditions complémentaires) avec les représentants des producteurs ».

62      Au considérant 438 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que, s’agissant des accords « secrets » relatifs au prix moyen de livraison (maximal) et à la répartition des quantités de chaque variété de tabac brut conclus par les transformateurs, les pratiques de ces derniers étaient « allées nettement au-delà de ce que prévoyait le cadre juridique applicable, les négociations publiques et les accords avec les représentants des producteurs ». Elle a toutefois reconnu que « les négociations publiques entre les représentants des producteurs et les transformateurs [avaient] déterminé, tout au moins dans une certaine mesure, le cadre matériel (en particulier en ce qui concerne les occasions de se concerter et d’adopter une position commune) dans lequel les transformateurs [avaient] pu développer, outre la position commune qu’ils adopteraient dans le contexte des négociations publiques, leur stratégie secrète sur les prix moyens de livraison (maximaux) et les quantités ».

63      Eu égard aux éléments mentionnés aux points 61 et 62 ci-dessus, la Commission a décidé de réduire à concurrence de 40 % les montants de base des amendes infligées aux transformateurs et à Deltafina (considérant 438 de la décision attaquée). Le montant de base de l’amende infligée à la requérante a, ainsi, été porté à 2 430 000 euros (considérant 439 de la décision attaquée).

 Limite maximale de l’amende prévue à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

64      Aux considérants 440 à 447 de la décision attaquée, la Commission a examiné s’il y avait lieu d’adapter les montants de base ainsi calculés pour les différents destinataires afin qu’ils n’excèdent pas la limite de 10 % du chiffre d’affaires prévue par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

65      Au considérant 441 de la décision attaquée, la Commission a exposé que, lorsque les entreprises en cause appartiennent à un groupe, qu’il est établi que les sociétés mères de ces entreprises ont exercé une influence déterminante sur ces dernières et que, par conséquent, ces sociétés mères sont solidairement responsables du paiement des amendes infligées à leur filiale, c’est le chiffre d’affaires mondial du groupe qui doit être pris en considération pour déterminer la limite maximale susvisée.

66      Après avoir rappelé, au considérant 442 de la décision attaquée, que SCC, SCTC et TCLT étaient solidairement responsables du paiement de l’amende imposée à la requérante, la Commission a estimé, au considérant 446 de cette décision, que le montant de ladite amende ne devait pas être adapté, le chiffre d’affaires consolidé de SCC s’élevant à 993 716 000 dollars des États-Unis (USD) en 2003. Le montant de l’amende de la requérante, avant application de la communication sur la coopération, est, ainsi, resté fixé à 2 430 000 euros (considérant 447 de la décision attaquée).

 Application de la communication sur la coopération

67      Aux considérants 448 à 456 de la décision attaquée, la Commission s’est prononcée sur l’application de la communication sur la coopération dans le cas des transformateurs et de Deltafina.

68      En premier lieu, elle a notamment indiqué que ces derniers avaient demandé à bénéficier de l’application de cette communication avant que la communication des griefs leur soit notifiée (considérant 449 de la décision attaquée).

69      En deuxième lieu, elle a constaté que le point D de la communication sur la coopération était applicable aux transformateurs. Elle a relevé que, même si elle avait déjà en sa possession la plupart des éléments essentiels prouvant l’existence de l’infraction, les renseignements que ces derniers lui avaient fournis l’avaient aidée à clarifier et à établir celle-ci (considérants 450 et 451 de la décision attaquée).

70      En troisième lieu, la Commission a considéré que Taes, eu égard à sa coopération « particulièrement utile » pendant la procédure, notamment en ce qui concerne la participation de Deltafina à l’infraction, et au fait qu’elle n’avait jamais contesté les faits tels qu’établis dans la communication des griefs, devait bénéficier d’une réduction de 40 % de l’amende en application du point D 2, premier et second tirets, de la communication sur la coopération (considérant 452 de la décision attaquée).

71      En quatrième lieu, la Commission a estimé que les renseignements fournis par la requérante et Cetarsa, bien qu’étant significatifs, ne s’étaient pas révélés aussi utiles pour ses investigations que ceux fournis par Taes (considérant 453 de la décision attaquée). Elle a ajouté que, dans leur réponse à la communication des griefs, la requérante et Cetarsa avaient affirmé que « l’entente des transformateurs sur les prix de livraison moyens (maximaux), d’une part, et les différents accords passés par les producteurs et les transformateurs sur un prix moyen par groupement de producteurs, d’autre part, étaient identiques et que, par conséquent, les effets anticoncurrentiels potentiels du comportement des transformateurs et des producteurs se [neutralisaient] », avant de relever que cette affirmation ne correspondait pas à la réalité des faits. Eu égard à ces éléments, la Commission a décidé d’accorder à ces deux transformateurs une réduction d’amende de 25 % conformément au point D 2, premier tiret, de la communication sur la coopération.

72      En cinquième lieu, la Commission a accordé une réduction d’amende de 20 % à Agroexpansión (considérant 454 de la décision attaquée) et de 10 % à Deltafina (considérants 455 et 456 de la décision attaquée).

 Montant final des amendes

73      Conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la Commission a fixé les montants des amendes à infliger aux entreprises et aux associations d’entreprises destinataires de la décision attaquée comme suit :

–        Deltafina : 11 880 000 euros ;

–        Cetarsa : 3 631 500 euros ;

–        Agroexpansión : 2 592 000 euros ;

–        WWTE : 1 822 500 euros ;

–        Taes : 108 000 euros ;

–        l’ASAJA : 1 000 euros ;

–        l’UPA : 1 000 euros ;

–        la COAG : 1 000 euros ;

–        la CCAE : 1 000 euros (considérant 458 de la décision attaquée).

74      SCC, SCTC et TCLT ont été déclarées solidairement responsables du paiement de l’amende infligée à la requérante et Dimon du paiement de celle infligée à Agroexpansión (considérant 458 et article 3 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

75      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 2005, la requérante a introduit le présent recours.

76      Le même jour, SCC, SCTC et TCLT ont introduit un recours visant à l’annulation de la décision attaquée (affaire T‑24/05).

77      Le 22 janvier 2005, Agroexpansión a introduit un recours visant à la réduction de l’amende qui lui a été infligée par la décision attaquée (affaire T‑38/05).

78      Le 28 janvier 2005, Dimon a introduit un recours tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée ou, à titre subsidiaire, à la réduction de l’amende qui lui a été infligée par cette décision (affaire T‑41/05).

79      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 17 août 2005, la requérante a demandé la jonction de la présente affaire avec les affaires T‑24/05, T‑38/05 et T‑41/05.

80      La Commission a indiqué au Tribunal, par lettre déposée au greffe du Tribunal le 7 septembre 2005, qu’elle considérait que la jonction des quatre affaires ne permettrait pas d’améliorer sensiblement l’efficacité de la procédure et qu’elle lui laissait le soin de décider s’il convenait ou non de faire droit à la demande de jonction.

81      Le Tribunal n’a pas donné suite à cette demande de jonction.

82      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a invité les parties à répondre à certaines questions. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

83      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est tenue le 9 septembre 2009.

84      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réduire le montant de l’amende que la Commission lui a infligée à l’article 3 de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

85      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

86      La requérante invoque plusieurs moyens à l’appui de son recours. Ces moyens sont regroupés autour de quatre problématiques relatives, premièrement, au coefficient multiplicateur appliqué à des fins dissuasives, deuxièmement, à l’absence de prise en compte de certaines circonstances atténuantes, troisièmement, à l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et, quatrièmement, à l’application de la communication sur la coopération.

 Sur le coefficient multiplicateur appliqué à des fins dissuasives

 Arguments des parties

87      En premier lieu, la requérante prétend que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en appliquant un coefficient multiplicateur aux fins de dissuasion au montant de départ de son amende, et non à celui déterminé pour Cetarsa, Taes et Deltafina.

88      La requérante soutient que la Commission s’est fondée sur le fait qu’elle appartient à un grand groupe multinational ayant une force économique considérable pour appliquer un tel coefficient dans son cas. L’emploi de la locution adverbiale « [e]n outre » dans la dernière phrase du considérant 422 de la décision attaquée (voir point 55 ci-dessus) démontrerait que la circonstance qu’elle a prétendument agi sous l’influence décisive de sa société mère est une justification qui n’a été formulée qu’à titre surabondant. En d’autres termes, selon la requérante, la Commission, même si elle avait conclu qu’elle s’était comportée de manière autonome par rapport à ses sociétés mères, aurait appliqué un coefficient multiplicateur de 1,5 au montant de départ de son amende.

89      La requérante relève que Cetarsa, Taes et Deltafina font partie de groupes de sociétés plus importants que le groupe Standard et disposant d’une capacité financière supérieure à celle de SCC. Le montant de départ de l’amende des trois premières sociétés aurait donc également dû être majoré à des fins dissuasives.

90      Selon la requérante, il est indifférent qu’Universal et la Sociedad estatal de participaciones industriales n’aient pas été tenues pour responsables du comportement de leurs filiales respectives, puisque, pour justifier l’application de coefficients multiplicateurs à des fins dissuasives, les lignes directrices ne font pas référence à la participation des sociétés mères à l’entente, mais seulement à la taille et aux ressources des entreprises concernées. Au soutien de ses allégations, la requérante invoque l’arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission (T‑31/99, Rec. p. II‑1881, point 169), ainsi que la pratique décisionnelle de la Commission, d’où il ressortirait que celle-ci « applique régulièrement [un tel coefficient] lorsque l’entreprise appartient à un groupe dont la société mère n’a pas été mise en cause dans la procédure ».

91      Dans la réplique, la requérante souligne que ce qu’elle conteste, c’est qu’il soit légal de n’appliquer un coefficient multiplicateur à des fins dissuasives au montant de départ retenu pour une société appartenant à un groupe que dans l’hypothèse où la société se trouvant à la tête de ce groupe est tenue pour responsable de l’infraction commise par la première société, « et non dans le cas contraire ».

92      La requérante considère, par conséquent, que le montant de départ de son amende doit être ramené à 1 800 000 euros et le montant final de son amende à 1 215 000 euros au minimum.

93      En second lieu, et à titre subsidiaire, la requérante prétend que la Commission a erronément fixé à 50 % la majoration à appliquer à des fins dissuasives au montant de départ de son amende. Elle prétend que cette majoration doit être réduite dès lors qu’elle a toujours agi de manière autonome par rapport à ses sociétés mères, SCC, SCTC et TCLT, et que celles-ci ne pouvaient donc être tenues pour responsables de son comportement. Ainsi, si le Tribunal devait juger que la responsabilité de l’infraction ne pouvait être imputée à SCC, le coefficient multiplicateur appliqué à des fins dissuasives devrait être ramené à 1,13. La requérante ajoute que, en tout état de cause, aucune de ses sociétés mères ne pouvait être tenue pour responsable de son comportement pour la période antérieure à mai 1998. Partant, ledit coefficient devrait à tout le moins être réduit à 1,25.

94      Dans la réplique, la requérante rejette l’allégation de la Commission selon laquelle le présent grief doit être rejeté comme irrecevable. Elle prétend que, dans la requête, elle a suffisamment exposé les motifs pour lesquels le coefficient multiplicateur appliqué au montant de départ de son amende devait être revu à la baisse. Elle renvoie à la requête présentée par SCC, SCTC et TCLT dans l’affaire T‑24/05, qu’elle joint à la réplique, en soulignant que ce sont ces dernières qui « sont les mieux placées pour démontrer qu’elles ont été erronément déclarées responsables ».

95      Dans la réplique également, la requérante « expose plus en détail » son argumentation. Elle indique que, s’agissant de la période antérieure à mai 1998, ses sociétés mères n’étaient pas en mesure d’influencer de manière déterminante sa politique commerciale dans la mesure où elles n’exerçaient qu’un contrôle conjoint sur elle. S’agissant de la période postérieure à mai 1998, la Commission n’aurait pas rapporté de preuves suffisantes démontrant que lesdites sociétés mères avaient donné des instructions à la requérante ou avaient « matériellement participé » aux pratiques litigieuses. La requérante ajoute qu’elle a démontré à suffisance de droit qu’elle agissait de manière autonome sur le marché.

96      En premier lieu, la Commission conteste avoir violé le principe d’égalité de traitement en appliquant un coefficient multiplicateur de 1,5 au montant de départ déterminé pour la requérante.

97      À cet égard, premièrement, la Commission rappelle qu’elle a constaté, dans la décision attaquée, que les sociétés mères de la requérante exerçaient une influence déterminante sur le comportement commercial de cette dernière, de sorte que la responsabilité de l’infraction incombait au groupe Standard. Elle expose que l’application du coefficient multiplicateur de 1,5 se justifie par la taille et la force économique et financière considérables de ce groupe et vise, conformément aux lignes directrices, à assurer à l’amende un caractère suffisamment dissuasif.

98      Deuxièmement, la Commission fait valoir que la requérante ne saurait tirer argument de ce que Cetarsa, Taes et Deltafina appartenaient, elles aussi, à d’importants groupes d’entreprises. Elle rappelle notamment que nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui.

99      Troisièmement, la Commission fait valoir que l’argumentation formulée par la requérante repose sur une prémisse erronée. Elle souligne que, selon la jurisprudence, le droit communautaire de la concurrence vise les activités des entreprises et reconnaît que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituent une entité économique, et donc une entreprise au sens des articles 81 CE et 82 CE, si les sociétés concernées ne déterminent pas de façon autonome leur comportement sur le marché. Elle précise que, dans une telle hypothèse, elle tient compte de la taille et des ressources économiques de cette entité économique pour établir s’il y a lieu d’appliquer un coefficient multiplicateur à des fins dissuasives. La Commission avance que c’est en application de ces principes qu’elle a conclu que le groupe Standard devait être tenu pour responsable de l’infraction commise par la requérante et a majoré le montant de départ de l’amende de cette dernière. À cet égard, elle se réfère aux éléments exposés aux considérants 388 à 400 de la décision attaquée (voir points 33 à 38 ci-dessus). Renvoyant aux considérants 18, 375, 376, 384 et 385 de la décision attaquée, la Commission indique que, en revanche, elle ne disposait d’aucun élément indiquant que le comportement de Cetarsa, celui de Taes ou celui de Deltafina avait été influencé par leurs sociétés mères.

100    Dans ce contexte, la Commission soutient que, contrairement à ce que prétend la requérante, elle n’applique pas de coefficient multiplicateur à titre de dissuasion lorsqu’une entreprise appartient à un groupe dont la société mère n’a pas été mise en cause dans la procédure (voir point 90 ci-dessus). Elle ajoute que sa pratique décisionnelle antérieure ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence.

101    En second lieu, la Commission conteste avoir erronément imputé la responsabilité de l’infraction commise par la requérante à SCC, SCTC et TCLT.

102    À titre principal, la Commission considère que ce second grief doit être rejeté comme irrecevable au motif que la requérante ne présente aucun argument de fait ou de droit à son soutien, mais se borne à formuler des affirmations générales. Elle estime que la requérante ne saurait expliciter ladite branche en renvoyant, d’une manière globale, à la requête dans l’affaire T‑24/05, telle qu’annexée à la réplique.

103    À titre subsidiaire, la Commission affirme que le paramètre à prendre en compte pour déterminer s’il convient d’appliquer un coefficient multiplicateur à des fins dissuasives est la « capacité financière » de l’entreprise telle qu’elle se présente au moment de l’adoption de la décision. Elle ajoute qu’elle  a démontré, aux considérants 387 à 400 de la décision attaquée, que la requérante agissait sous le contrôle effectif du groupe Standard pendant toute la période infractionnelle. En ce qui concerne, plus particulièrement, la période postérieure à mai 1998, la Commission souligne que, dès lors que le capital de la requérante était détenu à 100 % par ses sociétés mères, elle pouvait légitimement considérer que la première et les secondes formaient une entité économique.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur le premier grief, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

104    S’agissant de la notion de dissuasion, il y a lieu de rappeler qu’elle constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le calcul du montant de l’amende. Il est en effet de jurisprudence constante que les amendes infligées en raison de violations de l’article 81 CE, telles que prévues à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, ont pour objet de réprimer les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d’autres opérateurs économiques de violer, à l’avenir, les règles du droit de la concurrence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C‑289/04 P, Rec. p. I‑5859, point 16).

105    La finalité de dissuasion est évoquée notamment au point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices, selon lequel il « sera […] nécessaire […] de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif ».

106    Il convient de rappeler également que la taille et la puissance économique de l’entreprise concernée constituent des facteurs susceptibles d’être pris en compte aux fins du calcul de l’amende et, partant, de la fixation du coefficient multiplicateur visant à assurer à celle-ci un effet dissuasif (voir, en ce sens, arrêt Showa Denko/Commission, point 104 supra, points 16 et 29, et la jurisprudence citée).

107    La prise en considération de la taille et des ressources globales de l’entreprise concernée afin d’assurer un effet dissuasif à l’amende s’explique par l’impact recherché sur ladite entreprise, la sanction ne devant pas être négligeable au regard, notamment, de la capacité financière de celle-ci.

108    La Cour a ainsi jugé que le Tribunal était fondé à estimer qu’une entreprise, en raison de son chiffre d’affaires global « énorme » par rapport à celui des autres membres de l’entente, mobiliserait plus facilement les fonds nécessaires pour le paiement de son amende, ce qui justifiait, en vue d’un effet dissuasif suffisant de cette dernière, l’application d’un coefficient multiplicateur (arrêt Showa Denko/Commission, point 104 supra, point 18). La Cour est parvenue à cette conclusion après avoir rappelé qu’elle avait déjà souligné la pertinence de la prise en compte du chiffre d’affaires global de chaque entreprise faisant partie d’une entente pour fixer le montant de l’amende (voir arrêt Showa Denko/Commission, point 104 supra, point 17, et la jurisprudence citée).

109    En l’espèce, la Commission a appliqué un coefficient multiplicateur de 1,5 (soit une majoration de 50 %) au montant de départ de l’amende déterminé pour la requérante et de 2 (soit une majoration de 100 %) à celui déterminé pour Agroexpansión en se fondant sur la taille des groupes auxquels appartiennent ces deux transformateurs ainsi que sur leur « taille comparée par rapport aux autres transformateurs » (considérant 423 de la décision attaquée). Pour apprécier la taille de ces groupes, la Commission a pris en considération le chiffre d’affaires consolidé réalisé, en 2003, par la société se trouvant à la tête desdits groupes (même considérant).

110    Ces majorations visaient, selon le considérant 422 de la décision attaquée, à assurer à l’amende un effet dissuasif suffisant. La Commission a, en effet, estimé qu’un montant de départ de l’amende qui ne reflète que la position sur le marché ne serait pas suffisamment dissuasif dans le cas de la requérante et d’Agroexpansión. À cet égard, elle a relevé que, si ces dernières ne détenaient que des parts de marché relativement peu élevées sur le marché espagnol de l’achat de tabac brut, toutefois, elles appartenaient à des multinationales possédant une « force économique et financière considérable » et, « [e]n outre, [avaient] agi sous l’influence décisive de leurs sociétés mères respectives » (même considérant, deuxième et troisième phrases).

111    La requérante ne conteste pas que la Commission était, par principe, en droit de majorer aux fins de dissuasion le montant de départ de son amende en considération de la taille du groupe dont elle fait partie, à savoir le groupe Standard, et d’apprécier cette taille à l’aide du chiffre d’affaires consolidé réalisé par la société mère faîtière de ce groupe, à savoir SCC, en 2003.

112    Bien au contraire, la requérante défend la thèse selon laquelle une telle majoration est justifiée dès lors que la société concernée appartient à un groupe de sociétés disposant d’une « force économique et financière considérable », et ce que ladite société agisse ou non de manière autonome par rapport à ses sociétés mères. Elle prétend que, dans la décision attaquée, la Commission a fait usage de ce critère dans son cas et dans celui d’Agroexpansión pour majorer aux fins de dissuasion le montant de départ de leurs amendes et critique le fait que celui des amendes infligées à Cetarsa, à Taes et à Deltafina n’ait pas été majoré alors qu’elles faisaient partie de groupes de sociétés d’une taille supérieure à celle du groupe Standard. Elle considère qu’il est illégal de n’appliquer un coefficient multiplicateur à des fins dissuasives au montant de départ retenu pour une société appartenant à un groupe que dans l’hypothèse où la société se trouvant à la tête de ce groupe est tenue pour responsable de l’infraction commise par la première société. Invoquant le principe d’égalité de traitement, la requérante estime qu’il y a lieu de ramener le montant de départ de son amende, déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, à 1 800 000 euros, en s’abstenant, dans son cas également, d’appliquer un coefficient multiplicateur aux fins de dissuasion.

113    Cette argumentation ne saurait être accueillie.

114    En premier lieu, à supposer que la thèse de la requérante soit exacte et que la Commission ait été tenue de majorer aux fins de dissuasion le montant de départ de l’amende déterminé pour Cetarsa, Taes et Deltafina en raison de leur appartenance à d’importants groupes de sociétés, cela ne saurait en aucun cas entraîner l’annulation de la majoration de 50 % du montant de départ de son amende. En effet, selon une jurisprudence constante, le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect du principe de légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêt de la Cour du 4 juillet 1985, Williams/Cour des comptes, 134/84, Rec. p. 2225, point 14 ; arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T‑327/94, Rec. p. II‑1373, point 160, et du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 367).

115    En deuxième lieu, l’argumentation avancée par la requérante manque tant en fait qu’en droit.

116    Premièrement, contrairement à ce qu’avance la requérante, ce n’est pas le simple fait qu’elle appartient à un groupe de sociétés ayant une force économique et financière considérable qui a conduit la Commission à majorer le montant de départ de son amende afin d’assurer à celle-ci un effet dissuasif suffisant. Si, certes, cette majoration visait à tenir compte de la taille et des ressources globales du groupe Standard, il n’en demeure pas moins que la Commission n’y a procédé que parce que la requérante, en plus d’appartenir à ce groupe, formait avec celui-ci une entité économique unique ou, en d’autres termes, une seule et même entreprise au sens de l’article 81 CE. Force est de constater, en effet, que, eu égard à la jurisprudence rappelée aux points 117 à 123 ci-après et aux considérants 387 à 400 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission a entendu établir que le groupe Standard constituait une seule et même entreprise, les deux dernières phrases du considérant 422 de cette décision (voir point 110 ci-dessus) doivent être lues conjointement et ne peuvent être comprises qu’en ce sens.

117    Deuxièmement, lorsque, comme en l’espèce, la Commission utilise, en tant qu’éléments d’appréciation pour décider de l’application d’un coefficient multiplicateur aux fins de dissuasion, la taille et les ressources globales de l’entreprise concernée, cette dernière entreprise ne saurait, en effet, englober les sociétés mères de la société ayant commis l’infraction aux règles communautaires de la concurrence que dans l’hypothèse où elles exercent effectivement une influence déterminante sur le comportement de ladite société.

118    À cet égard, il convient de rappeler que le droit communautaire de la concurrence vise les activités des entreprises (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 59), et que la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 112).

119    La jurisprudence a également précisé que la notion d’entreprise, placée dans ce contexte, doit être comprise comme désignant une unité économique, même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (arrêts de la Cour du 14 décembre 2006, Confederación Española de Empresarios de Estaciones de Servicio, C‑217/05, Rec. p. I‑11987, point 40, et du Tribunal du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler/Commission, T‑325/01, Rec. p. II‑3319, point 85).

120    Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 145 ; du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C‑279/98 P, Rec. p. I‑9693, point 78, et du 11 décembre 2007, ETI e.a., C‑280/06, Rec. p. I‑10893, point 39).

121    L’infraction au droit communautaire de la concurrence doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes. Aux fins de l’application et de l’exécution des décisions de la Commission en matière de droit de la concurrence, il est, en effet, nécessaire d’identifier, en tant que destinataire, une entité dotée de la personnalité juridique (voir, en ce sens, arrêt PVC II, point 29 supra, point 978).

122    Par ailleurs, il résulte d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère (arrêts de la Cour Imperial Chemical Industries/Commission, point 29 supra, points 132 et 133 ; du 14 juillet 1972, Geigy/Commission, 52/69, Rec. p. 787, point 44, et du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72, Rec. p. 215, point 15), eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir, par analogie, arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 118 supra, point 117, et ETI e.a., point 120 supra, point 49). En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise, au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 118 et 119 ci-dessus.

123    En d’autres termes, ce n’est que lorsque la filiale ayant commis l’infraction aux règles communautaires de la concurrence ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais est soumise à l’influence déterminante de ses sociétés mères, que ces dernières forment avec elle une seule et même entreprise au sens de l’article 81 CE et peuvent être tenues pour solidairement responsables de cette infraction. Inversement, lorsqu’une société appartenant à un groupe de sociétés se comporte de façon autonome sur le marché, elle constitue, à elle seule, une telle entreprise et, partant, est la seule, au sein de ce groupe, à pouvoir se voir imputer la responsabilité de l’infraction qu’elle aurait commise.

124    L’entreprise dont la taille et les ressources globales sont utilisées en tant qu’éléments d’appréciation pour décider de l’application d’un coefficient multiplicateur aux fins de dissuasion se confond nécessairement avec l’entreprise telle qu’ainsi définie par la jurisprudence. Comme il a déjà été indiqué au point 107 ci-dessus, la prise en considération de ces éléments afin d’assurer un effet dissuasif suffisant à l’amende s’explique par l’impact recherché sur l’entreprise à laquelle cette amende est infligée. L’objectif poursuivi est de garantir l’effectivité de l’amende en adaptant le montant de celle-ci en considération des ressources globales de ladite entreprise et de sa capacité à mobiliser les fonds nécessaires pour son paiement. Or, dans l’hypothèse où la société ayant commis l’infraction se comporte de manière autonome sur le marché et constitue donc, à elle seule, une entreprise, cet objectif ne peut, eu égard à cette autonomie, logiquement viser que ladite société, et non, en outre, d’autres sociétés du groupe auquel elle appartiendrait. Si, dans une telle hypothèse, la Commission devait tenir compte de la taille et de la puissance économique dudit groupe pour décider de l’application d’un coefficient multiplicateur aux fins de dissuasion, non seulement l’effet dissuasif recherché s’exercerait en fait sur une entité autre que l’entreprise responsable de l’infraction, mais en plus l’amende pourrait être rendue excessive, notamment au regard de la capacité financière de cette entreprise, et ce en violation du principe de proportionnalité.

125    Enfin, s’agissant de la référence faite par la requérante à certaines décisions antérieures de la Commission (voir point 90 ci-dessus), sans qu’il soit nécessaire d’examiner si celles-ci sont pertinentes en l’espèce, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 118 supra, points 169 à 171, et arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T‑203/01, Rec. p. II‑4071, point 292, et la jurisprudence citée).

126    En troisième lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28, et du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 309).

127    En l’espèce, la requérante, d’une part, et Cetarsa, Taes et Deltafina, d’autre part, ne se trouvaient pas dans des situations comparables dans la mesure où les sociétés mères de la première, à la différence de celles des secondes, ont été tenues pour solidairement responsables de l’infraction commise par leur filiale dès lors que, selon la Commission, elles exerçaient effectivement une influence déterminante sur la politique commerciale de celle-ci (voir considérants 18, 375, 376 et 387 à 400 ainsi que points 33 à 38 ci-dessus). En application des principes rappelés aux points 118 à 123 ci-dessus, la requérante, SCC, SCTC et TCLT ont donc été considérées comme formant ensemble une seule et même entreprise au sens de l’article 81 CE, dont la taille et les ressources globales ont déterminé l’application d’un coefficient multiplicateur aux fins de dissuasion. L’annulation, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 27 octobre 2010, Alliance One International e.a./Commission (T‑24/05, non encore publié au Recueil), de la décision attaquée en ce qu’elle vise TCLT n’est pas de nature à altérer cette conclusion, dès lors que le coefficient multiplicateur appliqué à l’amende infligée à la requérante a été fixé en tenant compte du chiffre d’affaires global de SCC, laquelle se trouve à la tête de l’unité économique dont fait partie la requérante.

128    Il résulte des considérations qui précèdent que le premier grief doit être rejeté comme non fondé.

–       Sur le second grief, tiré d’une imputation erronée de l’infraction

129    La requérante fait valoir, à titre subsidiaire, que SCC, SCTC et TCLT ne pouvaient être tenues pour responsables de l’infraction qu’elle a commise, de sorte que la Commission a erronément fixé à 1,5 le coefficient multiplicateur à appliquer au montant de départ de son amende aux fins de dissuasion.

130    Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués.

131    Selon une jurisprudence constante, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête même. Si ce texte peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans la requête. Il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir ordonnance du Tribunal du 19 mai 2008, TF1/Commission, T‑144/04, Rec. p. II‑761, points 28 et 29, et la jurisprudence citée). Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mo Och Domsjö/Commission, T‑352/94, Rec. p. II‑1989, point 333).

132    Le présent grief fait l’objet des points 30 à 32 de la requête. Au point 30, la requérante commence par indiquer qu’elle « estime que ni TCLT, ni SCTC, ni SCC n’auraient dû être mises en cause dans la présente procédure, car [elle] a toujours agi de manière autonome ». Dans la suite de ce point, ainsi qu’au point 31, elle fait valoir que, dans l’hypothèse où SCC serait « exclue de la procédure », le coefficient multiplicateur qui a été appliqué au montant de départ de son amende devrait être ramené à 1,13. Au point 32, elle ajoute que, « étant donné que ni SCC, ni SCTC, ni TCLT ne peuvent être tenues pour responsables du comportement de leur filiale avant mai 1998 », ledit coefficient multiplicateur devrait être fixé à 1,25.

133    Force est de constater que la requérante se borne ainsi à affirmer, de manière tout à fait générale, que ses sociétés mères ne pouvaient être tenues pour responsables de l’infraction, sans faire valoir le moindre développement au soutien de cette affirmation ni étayer celle-ci d’une quelconque façon. En particulier, elle n’explicite nullement en quoi les appréciations, pourtant circonstanciées, exprimées par la Commission, aux considérants 18, 371 à 376 et 387 à 400 de la décision attaquée, au sujet des conditions dans lesquelles la responsabilité de l’infraction commise par une filiale peut être imputée à sa société mère et de l’application de ces conditions dans le cas du groupe Standard seraient erronées.

134    Ce grief, tel que présenté dans la requête, est dépourvu du minimum de clarté et de précision requis, au titre de l’article 21 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, aux fins d’assurer la sécurité juridique et la bonne administration de la justice. Partant, il doit être déclaré irrecevable.

135    Certes, dans la réplique, la requérante explicite quelque peu le présent grief en indiquant, en substance, que, pour ce qui est de la période antérieure à mai 1998, TCLT n’exerçait qu’un contrôle conjoint sur la requérante avec le président de celle-ci et deux membres de sa famille et n’était donc pas en mesure d’exercer une influence déterminante sur son comportement et, pour ce qui est de la période postérieure à mai 1998, il n’est pas suffisamment démontré que ses sociétés mères lui avaient donné instruction de commettre l’infraction ou étaient directement impliquées dans celle-ci.

136    Toutefois, cette manière de procéder ne saurait être admise. En effet, il découle des considérations exposées aux points 130 et 131 ci-dessus que, dans l’examen de la conformité de la requête avec les exigences de l’article 21 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, le contenu de la réplique est, par hypothèse, dépourvu de pertinence. En particulier, la recevabilité, admise par la jurisprudence (arrêts du Tribunal du 27 février 1997, FFSA e.a./Commission, T‑106/95, Rec. p. II‑229, point 125, et du 28 janvier 1999, BAI/Commission, T‑14/96, Rec. p. II‑139, point 66), des moyens et des arguments avancés dans la réplique à titre d’ampliation de moyens contenus dans la requête ne saurait être invoquée dans le but de pallier un manquement, intervenu lors de l’introduction du recours, aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, sauf à vider cette dernière disposition de toute portée (ordonnance TF1/Commission, point 131 supra, point 30).

137    Pour ce qui est, en particulier, du renvoi effectué par la requérante, également au stade de la réplique, à la requête déposée par d’autres requérantes, à savoir ses sociétés mères, dans l’affaire T‑24/05, et jointe en annexe à ladite réplique, celui-ci ne saurait davantage, pour les motifs exposés au point 131 ci-dessus, pallier l’absence des éléments essentiels dans la requête. À cet égard, il convient de relever notamment que ce renvoi ne vise la pièce annexée que de manière générale et ne permet donc pas au Tribunal d’identifier les griefs ou arguments auxquels la requérante entend faire référence.

138    Partant, le second grief doit être déclaré irrecevable.

139    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les différents griefs et arguments que la requérante formule en vue de contester le bien-fondé de l’application d’un coefficient multiplicateur aux fins de dissuasion au montant de départ de son amende doivent être rejetés.

 Sur l’absence de prise en compte de certaines circonstances atténuantes

 Arguments des parties

140    La requérante prétend que la Commission a méconnu les lignes directrices et a porté atteinte à sa confiance légitime en omettant de tenir compte de certaines circonstances atténuantes. Dans la réplique, elle indique qu’elle ne prétend pas que les circonstances atténuantes prévues par les lignes directrices doivent être automatiquement retenues par la Commission et précise que ce qu’elle reproche à cette dernière, c’est d’avoir écarté « par principe », à savoir sans même les examiner, certaines de ces circonstances.

141    Ainsi, en premier lieu, la requérante relève que c’est la première fois que la Commission a engagé une procédure d’infraction dans le secteur du tabac brut en Europe. Elle estime que la Commission aurait d’autant plus dû tenir compte de cette circonstance atténuante que ce secteur est appelé à disparaître dans les prochaines années.

142    En deuxième lieu, la requérante invoque le fait qu’elle a mis fin à l’infraction dès les premières interventions de la Commission, à savoir le 3 octobre 2001, date à laquelle cette dernière a effectué des vérifications dans ses locaux (voir point 6 ci-dessus). Elle prétend avoir démontré l’existence d’un lien de causalité entre ces interventions et la cessation de l’infraction. Par ailleurs, elle considère comme dénué de pertinence l’argument de la Commission selon lequel le fait qu’il a été mis fin à l’infraction dès ses premières interventions a déjà eu un effet positif sur la durée de celle-ci et, partant, sur le montant de l’amende.

143    En troisième lieu, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les accords illicites en cause n’avaient pas été appliqués pendant les récoltes de 1996 et de 1997. Renvoyant au considérant 140 de la décision attaquée, elle relève qu’il lui a même été reproché par ses concurrents de ne pas avoir respecté ces accords. Par ailleurs, elle conteste que le fait susvisé ait été pris en compte lors de l’examen de la gravité de l’infraction et de la fixation du montant de départ des amendes. En réalité, il ressortirait du considérant 414 de la décision attaquée que le seul élément dont la Commission ait tenu compte dans ce contexte est la dimension relativement réduite du marché.

144    Tout d’abord, la Commission rétorque qu’elle dispose d’une certaine marge d’appréciation pour apprécier d’une manière globale l’importance d’une éventuelle réduction du montant des amendes au titre des circonstances atténuantes. Elle rappelle qu’elle a reconnu l’existence de certaines circonstances atténuantes dans la décision attaquée et a accordé à ce titre à la requérante une réduction d’amende de 40 %.

145    Dans la duplique, la Commission affirme que, dans la réplique, la requérante modifie l’objet du litige. En effet, cette dernière lui ferait grief, non plus de s’être abstenue d’appliquer certaines circonstances atténuantes et de lui accorder une réduction supplémentaire d’amende à ce titre, mais d’avoir omis d’examiner la possibilité d’appliquer lesdites circonstances. La Commission estime que, si la requérante vise, de la sorte, à soulever un moyen tiré d’un défaut de motivation, celui-ci doit être rejeté comme irrecevable, puisqu’il n’a pas été invoqué dans la requête.

146    Ensuite, la Commission fait valoir que, en tout état de cause, les circonstances invoquées par la requérante soit n’existaient pas, soit ne pouvaient être qualifiées d’« atténuantes » et ne justifiaient donc pas une réduction de son amende.

147    À cet égard, en premier lieu, la Commission considère que la requérante ne saurait tirer argument du fait que c’est la première fois qu’elle a engagé une procédure d’infraction dans le secteur du tabac brut en Europe. Elle ajoute que les lignes directrices ne prévoient pas que le fait qu’un secteur économique fasse, pour la première fois, l’objet d’une enquête de sa part constitue une circonstance atténuante et souligne que l’entente à laquelle la requérante a participé constituait une infraction très grave aux règles de concurrence. Enfin, la Commission indique qu’elle a accordé à la requérante une « généreuse » réduction d’amende de 40 % en tenant compte des circonstances factuelles particulières mentionnées aux considérants 428, 437 et 438 de la décision attaquée.

148    En deuxième lieu, la Commission estime qu’elle n’a commis aucune erreur en ne retenant pas comme circonstance atténuante le fait que les transformateurs avaient mis fin à l’infraction dès ses premières interventions. Elle fait valoir qu’elle ne peut être tenue, en règle générale, ni de considérer la cessation d’une infraction comme circonstance atténuante, ni de retenir une poursuite de l’infraction en tant que circonstance aggravante. Elle ajoute que le fait que la requérante a mis fin à l’infraction dès ses premières interventions a déjà eu un effet positif sur la durée de l’infraction et, partant, sur le montant de son amende.

149    En troisième lieu, la Commission considère que la requérante ne saurait lui reprocher de ne pas avoir tenu compte du fait que les accords illicites en cause n’avaient pas été appliqués pendant les récoltes de 1996 et de 1997. À cet égard, d’une part, elle relève qu’elle a déjà tenu compte de ce fait lorsqu’elle a évalué la gravité de l’infraction et a fixé le montant de départ des amendes. D’autre part, elle expose que le point 3, deuxième tiret, des lignes directrices, relatif à la « non-application effective d’un accord », ne vise pas l’hypothèse dans laquelle une entente, dans son ensemble, n’est pas mise en oeuvre, abstraction faite du comportement propre à chaque entreprise.

 Appréciation du Tribunal

150    Tout d’abord, il convient d’observer que l’argumentation de la requérante semble avoir quelque peu évolué au cours de la procédure devant le Tribunal.

151    En effet, dans la requête, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte de trois prétendues circonstances atténuantes invoquées dans sa réponse à la communication des griefs – dont deux seraient expressément prévues par les lignes directrices – et demande, en conséquence, au Tribunal de réduire le montant de son amende. En d’autres termes, elle semble ainsi faire valoir que lesdites circonstances auraient dû être retenues dans son cas.

152    À cet égard, il y a lieu de rappeler d’emblée que la Commission doit, en principe, se conformer aux termes de ses propres lignes directrices en fixant le montant des amendes. Toutefois, il n’est pas indiqué dans les lignes directrices que la Commission doit toujours prendre en compte séparément chacune des circonstances atténuantes énumérées au point 3 de ces lignes directrices et elle n’est pas obligée d’accorder une réduction supplémentaire à ce titre de manière automatique, le caractère adéquat d’une éventuelle réduction de l’amende au titre des circonstances atténuantes devant être apprécié d’un point de vue global en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes. En effet, l’adoption des lignes directrices n’a pas privé de pertinence la jurisprudence antérieure selon laquelle la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de prendre ou de ne pas prendre en considération certains éléments lorsqu’elle fixe le montant des amendes qu’elle entend infliger, en fonction notamment des circonstances de l’espèce. Ainsi, en l’absence d’indication de nature impérative dans les lignes directrices en ce qui concerne les circonstances atténuantes qui peuvent être prises en compte, il convient de considérer que la Commission a conservé une certaine marge pour apprécier de manière globale l’importance d’une éventuelle réduction du montant des amendes au titre des circonstances atténuantes (voir arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 473, et la jurisprudence citée).

153    Dans la réplique, en revanche, la requérante reconnaît que, conformément aux principes rappelés au point 152 ci-dessus, les circonstances atténuantes prévues par les lignes directrices ne doivent pas être automatiquement appliquées. Elle fait grief à la Commission d’avoir écarté par principe – à savoir sans même les avoir examinées – les trois prétendues circonstances atténuantes en cause.

154    Le Tribunal a donc invité la requérante, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, à préciser la portée de son argumentation. En réponse à cette invitation, cette dernière a indiqué qu’elle faisait grief à la Commission d’avoir écarté d’emblée les trois circonstances visées au point 151 ci-dessus. Elle a ajouté qu’elle invoquait également un défaut de motivation en ce qui concerne le fait, allégué par la Commission dans le mémoire en défense, que le non respect des accords pendant les récoltes de 1996 et de 1997 est un élément qui a été pris en compte dans le cadre de la détermination du montant de départ de l’amende.

155    Ensuite, il convient de constater, d’une part, que, parmi la série d’éléments que la requérante a fait valoir en tant que circonstances atténuantes dans sa réponse à la communication des griefs, figurent les trois circonstances faisant l’objet de la présente problématique et, d’autre part, que la Commission n’a effectivement pas retenu celles-ci, au titre des circonstances atténuantes, dans la décision attaquée. Toutefois, contrairement à ce que prétend la requérante, rien ne permet de croire que la Commission a écarté par principe – à savoir sans même se soucier de les examiner – ces trois circonstances.

156    À cet égard, d’une part, il doit être rappelé que les actes des institutions de l’Union jouissent d’une présomption de légalité (arrêt de la Cour du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, Rec. p. I‑2555, point 48), ce qui implique qu’il appartient à celui qui se prévaut de l’illégalité d’un tel acte d’en rapporter la preuve (arrêt du Tribunal du 8 mars 2007, France Télécom/Commission, T‑340/04, Rec. p. II‑573, point 131). Or, en l’espèce, la requérante n’apporte aucun élément un tant soit peu concret de nature à démontrer que la Commission n’aurait pas examiné avec soin tous les éléments qu’elle avait fait valoir dans sa réponse à la communication des griefs, dont ceux qu’elle avait invoqués en tant que circonstances atténuantes. La thèse de la requérante est d’autant moins crédible que la Commission a expressément retenu certains de ces derniers éléments pour réduire à concurrence de 40 %, au titre des circonstances atténuantes, le montant de base de son amende (voir considérants 437 et 438 de la décision attaquée et points 61 à 63 ci-dessus) et qu’il est difficile d’imaginer qu’elle aurait limité son examen desdits éléments à quelques uns d’entre eux arbitrairement sélectionnés.

157    D’autre part, il ne saurait être tiré argument du fait que, dans la partie de la décision attaquée consacrée aux circonstances atténuantes, la Commission n’a pas fourni d’explication sur les raisons pour lesquelles elle avait estimé ne pas devoir retenir certains éléments invoqués à ce titre par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs.

158    À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence que, si la Commission est tenue, en vertu de l’article 253 CE, de motiver ses décisions en mentionnant les éléments de fait dont dépend la justification de la décision et les considérations qui l’ont amenée à prendre celle-ci, cette disposition n’exige pas que la Commission discute tous les points de fait et de droit qui auraient été traités au cours de la procédure administrative (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, points 14 et 15, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Fiskeby Board/Commission, T‑319/94, Rec. p. II‑1331, point 127).

159    Il en va d’autant plus ainsi lorsque, comme en l’espèce, lesdites raisons peuvent être aisément comprises.

160    Ainsi, en ce qui concerne le premier élément allégué par la requérante (voir point 141 ci-dessus), il convient de relever que la circonstance qu’une décision de la Commission représente le premier cas d’application des règles de la concurrence dans un secteur donné de l’économie ne saurait être qualifiée d’atténuante si l’auteur de l’infraction savait ou ne pouvait ignorer que son comportement était susceptible d’entraîner une restriction de la concurrence sur le marché et de poser des problèmes sous l’angle du droit communautaire de la concurrence. Or, en l’espèce, il est exclu que la requérante ait pu ignorer que le comportement qui lui était reproché enfreignait l’article 81 CE. En effet, l’entente des transformateurs, ayant pour objet la fixation des prix et la répartition du marché (voir considérants 278 à 317 de la décision attaquée), correspond à un type d’infraction classique et particulièrement grave (voir considérants 409 à 411 de la décision attaquée) au droit de la concurrence et à un comportement dont l’illégalité a été affirmée par la Commission à maintes reprises depuis ses premières interventions en la matière. Le fait que cette entente comportait un volet secret confirme d’ailleurs que la requérante avait pleinement conscience du caractère illicite de son comportement. Au surplus, il convient de relever que, aux considérants 337 à 347 de la décision attaquée, la Commission a analysé en détail la question de l’application, en l’espèce, du règlement n° 26 du Conseil, du 4 avril 1962, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles (JO 1962, 30, p. 993).

161    S’agissant du deuxième élément invoqué par la requérante (voir point 142 ci-dessus), il y a lieu de constater que, au considérant 432 de la décision attaquée, qui se situe dans la partie consacrée à l’examen de la durée de l’infraction, la Commission a expressément relevé que les transformateurs avaient déclaré que leur entente avait cessé d’exister le 3 octobre 2001, à savoir à la date à laquelle elle avait effectué des vérifications au titre de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17. Toutefois, au même considérant, constatant que la « dernière preuve » dont elle disposait était une réunion du 10 août 2001, mentionnée au considérant 260 de la décision attaquée, elle a retenu cette dernière date comme date de fin de l’infraction. La Commission n’a donc pas ignoré l’élément en cause lorsqu’elle s’est prononcée sur l’amende à infliger, notamment, à la requérante.

162    Il convient de constater également que la cessation de l’infraction dès les premières interventions de la Commission figure parmi les circonstances atténuantes mentionnées au point 3 des lignes directrices (voir le troisième tiret de ce point 3). Toutefois, selon une jurisprudence bien établie, cette cessation ne peut logiquement être une circonstance atténuante que s’il existe des raisons de supposer que les entreprises en cause ont été incitées à arrêter leurs comportements anticoncurrentiels par les interventions en question, le cas où l’infraction a déjà pris fin avant la date des premières interventions de la Commission n’étant pas couvert par cette disposition des lignes directrices (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, points 328 et 329, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, Rec. p. I‑829, point 158). Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été indiqué au point 161 ci-dessus, la Commission a considéré que l’infraction avait cessé avant ses premières vérifications. Le motif pour lequel ladite cessation ne pouvait constituer une circonstance atténuante aux fins de la fixation du montant de l’amende était, dès lors, facile à appréhender.

163    Il y a lieu d’ajouter que, même si la Commission avait considéré que l’infraction avait cessé le jour même où elle avait effectué ses premières vérifications, elle aurait été pleinement fondée à ne pas retenir la circonstance alléguée par la requérante. En effet, une réduction de l’amende en raison de la cessation d’une infraction dès les premières interventions de la Commission ne saurait être automatique, mais dépend d’une évaluation des circonstances du cas d’espèce par cette dernière, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation. À cet égard, l’application du point 3, troisième tiret, des lignes directrices en faveur d’une entreprise sera particulièrement adéquate dans une situation où le caractère anticoncurrentiel du comportement en cause n’est pas manifeste. Inversement, son application sera moins adaptée, en principe, dans une situation où celui-ci est clairement anticoncurrentiel, à le supposer établi (arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Aristrain/Commission, T‑156/94, Rec. p. II‑645, point 138, et du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, point 281). Or, en l’espèce, pour les motifs déjà exposés au point 160 ci-dessus, le caractère anticoncurrentiel du comportement de la requérante ne faisait pas de doute.

164    En ce qui concerne le troisième élément invoqué par la requérante (voir point 143 ci-dessus), force est de constater que la « non-application effective des accords ou pratiques infractionnelles » compte effectivement parmi les circonstances atténuantes visées au point 3 des lignes directrices. Toutefois, il ressort d’une jurisprudence bien établie que, d’une part, ces dernières circonstances atténuantes sont toutes fondées sur le comportement propre à chaque entreprise et, d’autre part, la Commission n’est tenue de reconnaître l’existence d’une circonstance atténuante du fait de l’absence de mise en œuvre d’une entente que si l’entreprise qui invoque cette circonstance peut démontrer qu’elle s’est clairement et de manière considérable opposée à la mise en œuvre de cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci, et qu’elle n’a pas adhéré à l’accord en apparence et, de ce fait, incité d’autres entreprises à mettre en œuvre l’entente en cause. Il serait effectivement trop aisé pour les entreprises de minimiser le risque de devoir payer une lourde amende si elles pouvaient profiter d’une entente illicite et bénéficier ensuite d’une réduction de l’amende au motif qu’elles n’avaient joué qu’un rôle limité dans la mise en œuvre de l’infraction, alors que leur attitude a incité d’autres entreprises à se comporter de manière plus nuisible à la concurrence (arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, points 184 à 1992, et Mannesmannröhren-Werke/Commission, point 163 supra, points 277 et 278).

165    Or, il ressort clairement de la décision attaquée, s’agissant des années 1996 et 1997, que c’est de manière générale, par ses différents membres et non individuellement par la requérante, que l’entente des transformateurs n’a pas été pleinement mise en œuvre et respectée (voir, notamment, considérants 85, 88, 111, 112, 122, 133, 144, 284 et 307 de la décision attaquée) et que cette dernière, loin de s’être écartée clairement et d’une manière considérable de cette entente au point d’en avoir perturbé le fonctionnement, s’est efforcée de faire respecter les accords illicites (voir, notamment, considérants 134, 136, 141 et 143 de la décision attaquée).

166    À titre surabondant, il convient de noter que, ainsi que le relève à juste titre la Commission dans ses écritures, le fait que l’entente des transformateurs n’a été pleinement mise en œuvre qu’à partir de 1998 a été pris en considération par cette dernière lorsqu’elle a évalué la gravité de l’infraction reprochée aux transformateurs et à Deltafina et a fixé le montant de départ de l’amende.

167    Ainsi, il résulte des considérants 406 à 414 de la décision attaquée que la Commission a tenu compte, lors de l’évaluation de la gravité de l’infraction, de la nature propre de celle-ci, de son impact concret sur le marché et de la taille tant du marché géographique en cause que du marché de produit en cause. Elle a estimé que l’infraction devait être qualifiée de très grave eu égard à sa nature propre (considérants 409 et 411 de la décision attaquée) et que cette qualification ne saurait être remise en cause par le fait que la taille de l’un et de l’autre de ces derniers marchés était limitée (considérant 408 de la décision attaquée). Bien qu’ayant ainsi déjà constaté le caractère très grave de l’infraction sur la base de sa nature propre et qu’estimant que l’impact concret de cette infraction sur le marché ne pouvait être quantifié avec précision (considérant 412 de la décision attaquée), la Commission a également pris en considération, dans son évaluation, ce dernier facteur. Plus précisément, elle a conclu à l’existence d’effets réels de l’entente des transformateurs sur le marché à partir de 1998 en se référant au fait que, à compter de cette année-là, cette entente avait été pleinement mise en œuvre et respectée, reconnaissant ainsi implicitement que tel n’avait pas été le cas en 1996 et en 1997 (considérant 413 de la décision attaquée).

168    L’ensemble des facteurs qui sont pris en compte pour classer une infraction dans l’une des trois catégories visées au point 1 A, deuxième alinéa, des lignes directrices sont également nécessairement pris en considération pour déterminer le montant de départ de l’amende, eu égard au lien direct et obligatoire qui existe entre ces deux opérations. Ainsi, en l’espèce, contrairement à ce que soutient la requérante, il est clair que le montant de départ de l’amende retenu au titre de la gravité de l’infraction a été établi en tenant compte de tous les éléments rappelés au point 167 ci-dessus, en ce compris le fait que l’entente des transformateurs n’avait été pleinement mise en œuvre et respectée qu’à partir de 1998. Cela est d’autant plus évident que, dans la décision attaquée, le montant de départ le plus élevé a été fixé à 8 000 000 euros seulement alors que, selon les lignes directrices, la Commission pouvait, s’agissant d’une infraction très grave, envisager d’adopter un montant de départ d’au moins 20 000 000 euros. Certes, dans la seconde phrase du considérant 414 de la décision attaquée, la Commission ne se réfère expressément qu’à la taille limitée du marché de produit (voir point 48 ci-dessus). Toutefois, cela s’explique simplement par le fait que la taille du marché de produit n’est en principe pas un élément devant obligatoirement être pris en compte, mais seulement un élément pertinent parmi d’autres pour apprécier la gravité de l’infraction et fixer le montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, point 162 supra, point 132).

169    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les différents griefs et arguments que la requérante formule dans le cadre de la deuxième problématique doivent être rejetés comme non fondés. Partant, il n’y a pas lieu d’accorder une réduction supplémentaire à la requérante au titre des circonstances atténuantes.

 Sur l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

 Arguments des parties

170    La requérante prétend que la Commission a violé l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 en lui infligeant une amende dont le montant est supérieur à 10 % de son chiffre d’affaires annuel, lequel s’élevait à 8 141 244 euros en 2003.

171    Elle répète que la Commission a erronément imputé à ses sociétés mères la responsabilité de son comportement infractionnel. Elle fait valoir que, avant mai 1998, TCLT et, par extension, SCTC et SCC ne pouvaient influencer de manière déterminante sa politique commerciale et que, s’agissant de la période postérieure à mai 1998, la Commission n’a pas rapporté de preuves suffisantes établissant que lesdites sociétés mères avaient « effectivement exercé ce pouvoir ».

172    Tout d’abord, la Commission fait valoir que le présent moyen doit être rejeté comme irrecevable, la requérante n’avançant aucun élément de fait ou de droit de nature à infirmer l’appréciation qu’elle a portée dans la décision attaquée sur la responsabilité de ses sociétés mères pour son comportement infractionnel.

173    Ensuite, la Commission conteste avoir violé l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Elle renvoie aux considérants 387 à 400 de la décision attaquée, dans lesquels seraient exposés en détail les éléments de fait et de droit établissant que la requérante a agi sous l’influence du groupe Standard, avec lequel elle formerait une seule entreprise au sens de l’article 81 CE. Elle fait valoir que, l’entreprise responsable de l’infraction étant le groupe Standard dans son ensemble, c’est le chiffre d’affaires de ce groupe qui devait être pris en considération pour vérifier si le plafond de 10 % a été respecté.

 Appréciation du Tribunal

174    Selon l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises ayant commis une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE des amendes qui ne peuvent dépasser 10 % du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction. La même indication figurait à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, qui était applicable au moment de l’infraction en cause.

175    Le chiffre d’affaires mentionné dans ces dispositions se rapporte, selon une jurisprudence constante, relative à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, au chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 119 ; arrêts du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 367, et du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 533), à savoir l’entreprise qui s’est vu imputer l’infraction et qui, de ce fait, a été déclarée responsable (arrêts du Tribunal ABB Asea Brown Boveri/Commission, point 90 supra, point 181, et du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T‑304/02, Rec. p. II‑1887, point 116).

176    En l’espèce, la Commission a considéré que l’entreprise concernée était constituée par la requérante et ses sociétés mères, SCC, SCTC et TCLT, ces différentes sociétés formant ensemble une seule et même entité économique (voir considérants 18, 371 à 376 et 387 à 400 de la décision attaquée). En conséquence, conformément aux principes rappelés au point 175 ci-dessus, elle s’est fondée sur le chiffre d’affaires consolidé réalisé en 2003 par la société mère ultime de la requérante, à savoir SCC, pour l’application de la limite susvisée de 10 % du chiffre d’affaires (considérant 442 de la décision attaquée). Ce chiffre d’affaires s’élevant à 993 716 000 USD, la Commission a conclu – à bon droit – que l’amende de 2 430 000 euros infligée à la requérante, avant application de la communication sur la coopération, n’excédait pas cette limite (considérant 446 de la décision attaquée).

177    Force est de constater que la requérante ne fait valoir aucun élément concret susceptible de remettre en cause le bien-fondé de la conclusion exposée au point 176 ci-dessus, mais se limite à formuler quelques allégations tout à fait générales. Comme dans le cadre du second grief invoqué au soutien de la deuxième problématique, la requérante exprime sa position en des termes imprécis et lacunaires. Elle n’explicite en particulier nullement en quoi les appréciations de la Commission relatives aux conditions dans lesquelles la responsabilité de l’infraction commise par une filiale peut être imputée à sa société mère et à l’application de ces conditions dans le cas du groupe Standard seraient erronées. Ce faisant, la requérante oblige, en définitive, tant la Commission que le Tribunal à procéder par voie de conjectures quant aux raisonnements et aux considérations précises, tant factuelles que juridiques, qui pourraient être de nature à avoir sous-tendu ses contestations. Partant, le présent moyen doit être rejeté comme irrecevable pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 130 à 137 ci-dessus.

 Sur l’application de la communication sur la coopération

 Arguments des parties

178    La requérante soutient que la Commission a violé la communication sur la coopération, le principe de protection de la confiance légitime et le principe d’égalité de traitement en lui accordant, en application du point D de la communication sur la coopération, une réduction d’amende inférieure à celle accordée à Taes.

179    En premier lieu, la requérante expose que la Commission a erronément omis d’appliquer, dans son cas, le point D 2, second tiret, de la communication sur la coopération en prétendant, au considérant 453 de la décision attaquée, qu’elle avait avancé un argument factuel qui ne correspondait pas à la réalité et en refusant, pour ce motif, de lui accorder une réduction d’amende sur la base de cette disposition.

180    À cet égard, premièrement, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur en considérant qu’avancer un argument relatif à un fait revenait à contester la matérialité des faits de manière générale. Elle relève que, dans sa réponse à la communication des griefs, elle a indiqué qu’elle « [souscrivait] à la communication des griefs » et s’est, pour le surplus, contentée d’apporter des nuances à certaines affirmations contenues dans celle-ci.

181    Deuxièmement, la requérante prétend que la Commission a partiellement admis la validité de l’argument factuel qu’elle lui reproche d’avoir contesté. Au soutien de cette affirmation, elle cite un passage du rapport final du conseiller-auditeur.

182    Troisièmement, la requérante affirme que, aux pages 13 à 18 de sa réponse à la communication des griefs, auxquelles la Commission renvoie au considérant 453 de la décision attaquée, elle se borne à « décrire les circonstances qui entouraient son comportement et à apprécier, en particulier, le comportement des producteurs ». Elle prétend qu’elle y conteste la description faite dans la communication des griefs du comportement, non des transformateurs, mais des producteurs. Dans ce contexte, elle rappelle que le Tribunal, dans son arrêt du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission (T‑224/00, Rec. p. II‑2597, point 366), a relevé que « le fait de contester l’appréciation de l’effet de l’entente sur les prix n’[équivalait] pas à contester la matérialité des faits ».

183    En second lieu, la requérante fait valoir que, s’agissant du point D 2, second tiret, de la communication sur la coopération, la Commission aurait dû lui accorder le même pourcentage de réduction de l’amende que celui dont a bénéficié Taes.

184    La Commission conteste avoir appliqué de manière erronée la communication sur la coopération.

185    La Commission rejette l’allégation de la requérante selon laquelle, dans sa réponse à la communication des griefs, elle s’est contentée d’apporter quelques nuances quant aux faits présentés dans cette communication. En réalité, dans ladite réponse, la requérante aurait remis en question certains aspects importants des faits décrits dans la communication des griefs. À cet égard, la Commission indique que les accords entre les transformateurs relatifs au prix d’achat moyen du tabac brut « [avaient] trait au prix final, au prix de livraison, au prix qui sera payé en fin de ‘ligne d’achat’», alors que les accords entre les représentants des producteurs relatifs aux fourchettes de prix et au prix moyen minimal « avaient trait aux prix ‘contractuels’ (des contrats de culture) qui peuvent encore varier, et notamment augmenter, tout au long de la ligne d’achat ». Elle considère que la requérante ne pouvait donc prétendre que les premiers accords et les seconds étaient identiques et se neutralisaient.

186    La Commission rejette également l’allégation de la requérante selon laquelle le fait que cette dernière ait contesté certains faits relatifs à l’entente des producteurs ne devrait pas avoir de répercussions sur l’appréciation de la valeur de sa coopération. Elle fait valoir, d’une part, qu’il n’est pas exact que lesdits faits se rapportent exclusivement au comportement des producteurs et, d’autre part, que la coopération d’une entreprise peut permettre de faire la lumière sur son propre comportement, mais aussi sur celui d’autres entreprises.

187    Eu égard à ces différents éléments, la Commission estime que la réduction d’amende de 25 % qu’elle a accordée à la requérante est adéquate et raisonnable, notamment en comparaison avec celle accordée à Taes (40 %), dont la coopération se serait révélée particulièrement utile et qui n’aurait contesté aucun des faits mentionnés dans la communication des griefs.

 Appréciation du Tribunal

188    Il convient de rappeler que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes et qu’elle peut, à cet égard, tenir compte de multiples éléments, au nombre desquels figure la coopération des entreprises concernées lors de l’enquête conduite par les services de cette institution. La Commission jouit, à cet égard, d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d’autres entreprises (arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec. p. I‑3921, points 81 et 88).

189    Pour justifier la réduction du montant d’une amende au titre de la coopération, le comportement d’une entreprise doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et la répression des infractions aux règles communautaires de la concurrence (voir arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 175 supra, point 499, et la jurisprudence citée) et témoigner d’un véritable esprit de coopération (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 118 supra, points 395 et 396).

190    Dans la communication sur la coopération, la Commission a précisé les conditions auxquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pourront être exemptées de l’amende ou bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qu’elles auraient sinon dû acquitter (voir point A 3 de la communication sur la coopération).

191    Le point D de la communication sur la coopération, intitulé « Réduction significative du montant de l’amende », prévoit :

« 1.      Lorsqu’une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux [points] B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d’une réduction de 10 à 50 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération.

2.      Tel peut notamment être le cas si :

–        avant l’envoi d’une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l’existence de l’infraction commise,

–        après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu’elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations. »

192    En l’espèce, il y a lieu de relever qu’il est constant entre les parties que, conformément à ce qui a été constaté au considérant 450 de la décision attaquée, la requérante ne remplissait pas les conditions d’application des points B et C de la communication sur la coopération, de sorte que son comportement devait être apprécié au regard du point D de ladite communication.

193    Au considérant 453 de la décision attaquée, la Commission a accordé à la requérante une réduction d’amende de 25 % au seul titre du premier tiret du point D 2 de la communication sur la coopération. Elle a refusé de faire bénéficier la requérante du second tiret du même point, et ce en dépit du fait que celle-ci avait déclaré de manière générale qu’elle ne contestait pas la matérialité des faits sur lesquels se fondaient les accusations retenues contre elle, au motif qu’elle avait affirmé que les accords des transformateurs sur les prix moyens de livraison (maximaux), d’une part, et les accords passés à la fois par les producteurs et les transformateurs sur les prix moyens minimaux par groupement de producteurs, d’autre part, étaient identiques et que, par conséquent, les effets anticoncurrentiels potentiels du comportement des transformateurs et des producteurs se neutralisaient. La Commission a renvoyé, à cet égard, aux pages 13 à 18 de la réponse de la requérante à la communication des griefs.

194    Force est de constater que les pages susmentionnées de la réponse de la requérante à la communication des griefs ne contiennent pas d’affirmation du type de celle invoquée par la Commission. Aucune des indications figurant dans ces pages ne saurait davantage être interprétée comme signifiant que la requérante mettait en doute le fait que les accords des transformateurs sur les prix moyens de livraison (maximaux) concernaient les prix payés « en fin de ligne d’achat », tandis que les accords sur les prix moyens minimaux par groupement de producteurs portaient sur des prix susceptibles d’être modifiés, notamment à la hausse, jusqu’à la livraison, ainsi que le laisse entendre la Commission dans ses écritures.

195    En réalité, aux pages 13 à 18 de sa réponse à la communication des griefs, la requérante s’est, pour l’essentiel, bornée à indiquer que les producteurs avaient pour objectif principal la fixation de prix moyens par variété de tabac et à donner quelques précisions sur les deux catégories de prix moyens visées au point 194 ci-dessus, dont certaines se situaient dans la droite ligne de ce qui était déjà indiqué dans la communication des griefs et d’autres ont été expressément prises en compte dans la décision attaquée (voir, notamment, considérants 75, 82 et 201 de la décision attaquée).

196    Certes, ainsi que la Commission l’a mentionné lors de l’audience, à la page 54 de sa réponse à la communication des griefs, la requérante, faisant valoir une série de considérations à propos de l’imposition éventuelle d’une amende et se prononçant, dans ce contexte, sur la question des effets sur le marché des pratiques reprochées aux transformateurs, a allégué que « les effets des accords des transformateurs relatifs à la fixation de prix moyens d’achat de tabac brut étaient, si ce n’est neutralisés, à tout le moins minimisés par la fixation, par les producteurs, de prix moyens de vente de ce tabac ». Toutefois, une telle allégation relative aux effets d’une entente sur le marché, en outre formulée dans un passage isolé de la réponse à la communication des griefs, ne saurait raisonnablement être assimilée à une contestation de la « matérialité des faits » au sens du point D 2, second tiret, de la communication sur la coopération (voir, en ce sens, arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 182 supra, point 366). Il doit notamment être considéré que, par son appréciation des effets des accords litigieux, la requérante ne remet nullement en cause l’existence même desdits accords.

197    Il s’ensuit que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que la requérante avait contesté la matérialité des faits au sens du point D 2, second tiret, de la communication sur la coopération.

198    Dans ces conditions, il appartient au Tribunal de fixer un taux de réduction approprié. Dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal considère qu’il convient d’accorder à la requérante, au titre de sa coopération, une réduction supplémentaire de 10 % – ce pourcentage correspondant à celui que la Commission a retenu dans le cas de Taes au titre du second tiret du point D 2 de la communication sur la coopération – s’ajoutant à celle de 25 % déjà octroyée. Ainsi, il y a lieu d’appliquer une réduction de 35 % au montant de l’amende après l’application de la règle du plafond des 10 % du chiffre d’affaires, soit 2 430 000 euros, ce qui conduit à fixer le montant final de l’amende infligée à 1 579 500 euros.

199    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté, sauf en ce qui concerne la quatrième problématique, relative à l’application erronée de la communication sur la coopération.

 Sur les dépens

200    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En application du paragraphe 3, premier alinéa, de la même disposition, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

201    En l’espèce, le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supportera trois quarts de ses propres dépens et trois quarts des dépens exposés par la Commission, cette dernière supportant un quart de ses propres dépens et un quart des dépens exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le montant de l’amende infligée à World Wide Tobacco España, SA à l’article 3 de la décision C (2004) 4030 final de la Commission, du 20 octobre 2004, relative à une procédure d’application de l’article 81, paragraphe 1, [CE] (affaire COMP/C.38.238/B.2 − Tabac brut – Espagne), est fixé à 1 579 500 euros.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      World Wide Tobacco España supportera trois quarts de ses propres dépens et trois quarts des dépens exposés par la Commission européenne, cette dernière supportant un quart de ses propres dépens et un quart des dépens exposés par World Wide Tobacco España.

Czúcz

Labucka

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mars 2011.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Requérante et procédure administrative

Décision attaquée

Destinataires de la décision attaquée

Détermination du montant des amendes

Montant de départ des amendes

– Gravité

– Traitement différencié

Montant de base des amendes

Circonstances aggravantes et atténuantes

Limite maximale de l’amende prévue à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

Application de la communication sur la coopération

Montant final des amendes

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le coefficient multiplicateur appliqué à des fins dissuasives

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Sur le premier grief, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

– Sur le second grief, tiré d’une imputation erronée de l’infraction

Sur l’absence de prise en compte de certaines circonstances atténuantes

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires prévu par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur l’application de la communication sur la coopération

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’espagnol.