Language of document : ECLI:EU:T:2022:100

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

2 mars 2022 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents relatifs à une enquête en matière d’aides d’État – Décisions fiscales anticipatives – Refus d’accès – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers – Exception relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit – Présomption générale de confidentialité – Absence de caractère irréfragable – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑134/20,

Huhtamaki Sàrl, établie à Senningerberg (Luxembourg), représentée par Mes M. Struys et F. Pili, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme K. Herrmann et M. A. Spina, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2019) 9417 final de la Commission, du 18 décembre 2019, rejetant la demande confirmative d’accès à des documents relatifs à une enquête en matière d’aides d’État présentée par la requérante au titre du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak et O. Porchia (rapporteure), juges,

greffier : M. I. Pollalis, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 12 juillet 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        En 2009, la requérante, Huhtamaki Sàrl, exerçait des activités de refinancement, en octroyant des prêts portant intérêts aux entités du groupe Huhtamäki dont elle fait partie. Ses activités étaient financées par un prêt sans intérêts accordé en 2009 par une société sœur, basée en Irlande, Huhtamäki Ireland Limited.

2        Le 11 novembre 2009, les autorités fiscales luxembourgeoises ont accordé à la requérante une décision fiscale anticipative (ci‑après la « DFA 2009 »), confirmant qu’elle serait considérée comme réalisant une marge bénéficiaire acceptable sur ses activités de refinancement, qui respecterait sa politique en matière de prix de transfert ainsi que les dispositions de la loi luxembourgeoise sur l’impôt sur le revenu.

3        En 2012 et 2013, deux nouvelles décisions fiscales anticipatives (ci‑après, respectivement, la « DFA 2012 » et la « DFA 2013 ») ont été accordées par les autorités fiscales luxembourgeoises à la requérante.

4        En 2013, la Commission européenne a ouvert une enquête sur la pratique du Grand-Duché de Luxembourg en matière de décisions fiscales anticipatives (ci-après les « DFA »), conformément à l’article 10 du règlement (CE) no°659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO 1999, L 83, p. 1) [devenu article 12 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9)].

5        Dans le cadre de cette enquête, et notamment des procédures d’examen en matière d’aides d’État concernant des DFA accordées à des entreprises par les autorités fiscales luxembourgeoises (procédures SA.37267, DFA Luxembourg, et SA.41303, aide présumée dans Luxleaks), ces dernières ont fourni des informations concernant différents bénéficiaires de DFA les 22 décembre 2014 et 19 janvier 2018. En ce qui concerne la requérante, lesdites autorités ont communiqué la DFA 2009, la DFA 2012 et la DFA 2013.

6        En 2018, la Commission a décidé de procéder à un examen des informations concernant les DFA émises par les autorités fiscales luxembourgeoises en faveur de la requérante et, par décision du 7 mars 2019, elle a ouvert une procédure formelle d’examen en matière d’aides d’État au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE dans l’affaire SA.50400, concernant lesdites DFA (ci-après la « décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen »). Le 10 juin 2019, la requérante, en sa qualité de partie intéressée, a présenté des observations conformément à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

7        Les procédures de contrôle des aides d’État concernées, portant sur la pratique du Luxembourg en matière de DFA, sont toujours en cours.

8        Le 3 octobre 2019, au titre du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), la requérante a demandé un droit d’accès à la version non confidentielle du document, visé au point 4 de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, contenant la liste des bénéficiaires de DFA communiquée par le Grand-Duché de Luxembourg le 22 décembre 2014 (ci-après la « liste des bénéficiaires des DFA »), ainsi qu’à la version non confidentielle des DFA émises par l’administration fiscale luxembourgeoise et auxquelles la Commission s’est référée aux points 4 et 7 de ladite décision d’ouverture (ci-après, ensemble, les « documents demandés »).

9        Par lettre du 24 octobre 2019, la Commission a refusé l’accès aux documents demandés, en application de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1049/2001 (ci-après le « refus initial »).

10      Dans une demande confirmative présentée le 13 novembre 2019, conformément à l’article 7 du règlement no 1049/2001, la requérante a demandé à la Commission de réexaminer son refus initial (ci‑après la « demande confirmative »).

11      Le 18 décembre 2019, la Commission a adopté la décision C(2019) 9417 final, par laquelle elle a rejeté la demande confirmative (ci-après la « décision attaquée »). La Commission a indiqué que les documents demandés relevaient de la présomption générale de confidentialité fondée sur les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001 et que, selon une jurisprudence constante, l’intérêt que peut faire valoir un demandeur à obtenir l’accès à des documents afin de préparer sa défense n’est pas un intérêt public, de sorte qu’il ne saurait être pris en compte dans l’appréciation de l’existence d’un intérêt public supérieur.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 février 2020, la requérante a introduit le présent recours.

13      Par ordonnance du 16 juillet 2021, prise en application de l’article 91, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier a ordonné à la Commission de produire, dans un délai fixé par le greffe, les documents auxquels elle avait refusé de donner accès dans la décision attaquée. Dans cette ordonnance, le Tribunal a précisé que, conformément à l’article 104 du règlement de procédure, les documents à produire par la Commission ne seraient pas communiqués à la requérante. Le 27 juillet 2021, la Commission a produit devant le Tribunal des documents en réponse à la mesure d’instruction.

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner à la Commission de lui accorder l’accès aux versions non confidentielles des documents demandés ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter comme irrecevable la demande visant à ce qu’il lui soit ordonné d’accorder à la requérante l’accès aux versions non confidentielles des documents demandés ;

–        rejeter le recours en annulation comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requête

16      La Commission soulève l’irrecevabilité du deuxième chef de conclusions de la requête, aux termes duquel la requérante demande au Tribunal d’ordonner à la Commission de lui donner accès aux versions non confidentielles des documents demandés. La Commission soutient que, dans le cadre d’un recours en annulation, le Tribunal est incompétent pour adresser des injonctions aux institutions de l’Union européenne.

17      Lors de l’audience, en réponse à une question posée par le Tribunal, la requérante a indiqué maintenir le deuxième chef de conclusions, tout en s’en remettant au Tribunal pour juger de la recevabilité de celui-ci.

18      Il y a lieu de relever que le deuxième chef de conclusions de la requête tend à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de donner à la requérante accès aux versions non confidentielles des documents demandés. À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, C‑199/94 P et C‑200/96 P, EU:C:1995:360, point 24 et jurisprudence citée, et arrêt du 25 septembre 2018, Suède/Commission, T‑260/16, EU:T:2018:597, point 104 et jurisprudence citée). Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le deuxième chef de conclusions de la requête pour cause d’incompétence.

 Sur le fond

19      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens, le premier, à titre principal, tiré d’une erreur de droit en ce que la présomption générale de confidentialité ne serait pas applicable, le deuxième, à titre subsidiaire, tiré d’une erreur de droit en ce que cette présomption générale serait renversée du fait de l’absence de risque d’atteinte aux intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement n° 1049/2001, et, en tout état de cause, en ce qu’une telle atteinte serait justifiée par un intérêt public supérieur et, le troisième, également à titre subsidiaire, tiré de la violation de l’obligation de motivation et du droit à une bonne administration.

 Sur le premier moyen

20      La requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit en invoquant une présomption générale de confidentialité s’appliquant aux documents demandés.

21      Premièrement, elle considère que, dans le contexte d’enquêtes en matière d’aides d’État, le règlement no 1049/2001 permet aux parties intéressées de bénéficier d’un accès aux documents « rédigés ou transmis » à la Commission. La jurisprudence relative à l’article 4, paragraphe 2, dudit règlement ainsi que la présomption générale de confidentialité ne seraient pas applicables en l’espèce, compte tenu de la nature et de la portée de sa demande d’accès aux documents.

22      La divulgation des documents demandés ne porterait atteinte ni aux objectifs des activités d’inspection et d’enquête ni aux intérêts commerciaux de tiers. La Commission ne démontrerait pas que les circonstances de l’espèce sont comparables à celles des affaires ayant donné lieu aux arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob (C‑404/10 P, EU:C:2012:393), et du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission (C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557). Les documents demandés auraient été établis par les autorités luxembourgeoises avant l’ouverture de la procédure de contrôle des aides d’État et, à la différence d’une plainte en matière d’aides d’État, ils ne contiendraient aucune appréciation d’éléments de fait ni d’autres informations permettant de présumer l’orientation de l’examen de la Commission, les actes de procédure que celle-ci pourrait adopter, ainsi que sa stratégie d’examen. En outre, compte tenu de leur nature, lesdits documents se rapporteraient uniquement à l’interprétation par les autorités luxembourgeoises de certaines dispositions et à l’application de celles‑ci à la requérante.

23      Concernant les enquêtes dans les affaires SA.37267 et SA.41303, la Commission ne pourrait les invoquer pour justifier rétroactivement la légalité de la décision attaquée, sauf à pouvoir être autorisée à soulever de nouveaux arguments dans le cadre de la présente procédure.

24      Deuxièmement, la Commission aurait dû démontrer, sur la base d’un premier examen, qu’il existait des raisons solides et convaincantes de présumer que la divulgation des documents demandés porterait atteinte à la bonne conduite de la procédure de contrôle des aides d’État et/ou aux intérêts commerciaux de tiers. Elle aurait dû examiner en particulier s’il ressortait de la fonction et de la pertinence des documents demandés qu’il existait des raisons solides et convaincantes de penser que leur divulgation porterait atteinte aux intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001.

25      La requérante ajoute que la présomption générale de confidentialité doit être interprétée et appliquée strictement, ce qui aurait pour corollaire que la Commission ne pourrait l’invoquer sans examiner si son application est raisonnable. L’approche suivie en l’espèce serait contraire à la raison d’être du régime d’exceptions prévu à l’article 4 du règlement no 1049/2001 et violerait les conditions fixées à l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La Commission ne démontrerait pas que le refus automatique et complet de divulguer les documents demandés est compatible avec le principe de proportionnalité.

26      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

27      Il importe de rappeler que le règlement no 1049/2001, dont les dispositions sont applicables en l’espèce, vise, comme il ressort de son considérant 4 et de son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible. Il ressort également dudit règlement, notamment de son considérant 11 et de son article 4, qui prévoit un régime d’exceptions à cet égard, que ce droit d’accès n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé (arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 51 ; du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 61, et du 12 février 2019, Hércules Club de Fútbol/Commission, T‑134/17, non publié, EU:T:2019:80, point 32).

28      Pour justifier le refus d’accès à un document dont la divulgation a été demandée, il ne suffit pas, en principe, que ce document relève d’une activité mentionnée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. L’institution concernée doit également expliquer comment l’accès audit document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à cet article (voir arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 53 et jurisprudence citée ; arrêts du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 64, et du 12 février 2019, Hércules Club de Fútbol/Commission, T‑134/17, non publié, EU:T:2019:80, point 33).

29      Toutefois, il a été déjà reconnu qu’il est loisible à l’institution concernée de se fonder, à cet égard, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (voir arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 54 et jurisprudence citée ; arrêts du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 65, et du 12 février 2019, Hércules Club de Fútbol/Commission, T‑134/17, non publié, EU:T:2019:80, point 34).

30      Il importe de rappeler que, en ce qui concerne les procédures de contrôle des aides d’État, les intéressés, à l’exception de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide, ne disposent pas, dans le cadre de ces procédures, du droit de consulter les documents du dossier administratif de la Commission. Il y a lieu de tenir compte de cette circonstance aux fins de l’interprétation de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001. En effet, si ces intéressés étaient en mesure d’obtenir l’accès, sur le fondement du règlement no 1049/2001, aux documents du dossier administratif de la Commission, le régime de contrôle des aides d’État serait mis en cause (arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 58, et du 12 février 2019, Hércules Club de Fútbol/Commission, T‑134/17, non publié, EU:T:2019:80, point 35).

31      Le droit de consulter le dossier administratif dans le cadre d’une procédure de contrôle ouverte conformément à l’article 108 TFUE et le droit d’accès aux documents, en vertu du règlement no 1049/2001, se distinguent juridiquement, mais il n’en demeure pas moins qu’ils conduisent à une situation comparable d’un point de vue fonctionnel. En effet, indépendamment de la base juridique sur laquelle il est accordé, l’accès au dossier permet aux intéressés d’obtenir l’ensemble des observations et des documents présentés à la Commission et, le cas échéant, de prendre position sur ces éléments dans leurs propres observations, ce qui est susceptible de modifier la nature d’une telle procédure (arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 59, et du 12 février 2019, Hércules Club de Fútbol/Commission, T‑134/17, non publié, EU:T:2019:80, point 36).

32      Il a déjà été jugé qu’il convient de reconnaître l’existence d’une présomption générale selon laquelle la divulgation des documents du dossier administratif de la Commission dans les procédures de contrôle des aides d’État porterait, en principe, atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête (arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 61 ; du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, point 37, et du 12 février 2019, Hércules Club de Fútbol/Commission, T‑134/17, non publié, EU:T:2019:80, point 38).

33      Or, en l’espèce, il est constant que les documents demandés ont été communiqués par les autorités luxembourgeoises à la Commission dans le cadre de procédures de contrôle des aides d’État et qu’ils sont visés par la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, qui porte sur les DFA dont la requérante a bénéficié. Selon la demande présentée par cette dernière, il s’agit des documents visés aux points 4 et 7 de ladite décision, qui ont été communiqués à la Commission par les autorités luxembourgeoises les 22 décembre 2014 et 19 janvier 2018.

34      C’est donc à bon droit que, concernant l’atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, visée à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, la Commission a invoqué la jurisprudence selon laquelle une présomption générale de confidentialité s’applique aux documents faisant partie du dossier administratif d’une procédure de contrôle des aides d’État pour refuser l’accès aux documents demandés.

35      Les arguments avancés par la requérante dans le cadre du premier moyen ne permettent pas d’infirmer cette conclusion.

36      En premier lieu, s’agissant du fait que la demande tend à la communication de documents particuliers et facilement identifiables, il convient de relever que, selon la jurisprudence, si les documents demandés relèvent du dossier administratif de la Commission relatif à une procédure de contrôle d’une aide d’État, cette appartenance au dossier administratif suffit pour leur conférer le bénéfice de la présomption générale exposée au point 32 ci-dessus (arrêt du 7 septembre 2017, AlzChem/Commission, T‑451/15, non publié, EU:T:2017:588, point 60). La Cour a précisé que cette présomption s’applique indépendamment du fait que la demande d’accès a identifié précisément ou non le ou les documents concernés (voir arrêt du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, point 51 et jurisprudence citée ; arrêt du 13 mars 2019, AlzChem/Commission, C‑666/17 P, non publié, EU:C:2019:196, point 31). Ladite présomption générale de confidentialité n’a pas vocation à s’appliquer uniquement lorsque la demande d’accès porte sur l’ensemble du dossier (arrêt du 12 février 2019, Hércules Club de Fútbol/Commission, T‑134/17, non publié, EU:T:2019:80, point 45).

37      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument relatif au fait que les documents demandés ont été établis par les autorités luxembourgeoises avant l’ouverture de la procédure de contrôle des aides d’État relative aux DFA concernant la requérante, il convient de rappeler qu’il résulte de la nature même d’une enquête en matière d’aides d’État que des informations sur ce qui a pu se produire antérieurement à l’ouverture de l’enquête soient recueillies et il ne ressort pas de la jurisprudence que de tels documents devraient être distingués du reste du dossier administratif de la Commission (arrêt du 13 mars 2019, AlzChem/Commission, C‑666/17 P, non publié, EU:C:2019:196, point 33).

38      Le caractère préexistant des documents demandés ne s’oppose donc pas à ce qu’ils soient couverts par la présomption générale de confidentialité, dès lors qu’ils font partie du dossier administratif de la Commission dans une procédure d’enquête en matière d’aides d’État (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2019, AlzChem/Commission, C‑666/17 P, non publié, EU:C:2019:196, point 34).

39      Il convient d’ajouter que, dans la mesure où les réponses des autorités luxembourgeoises ont été réunies par la Commission dans le cadre des activités d’enquête qu’elle a menées et où il n’est pas contesté que ces réponses ont contribué à l’adoption de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, les documents demandés font partie du dossier administratif de la Commission afférent à la procédure de contrôle des aides d’État en question [voir, par analogie, arrêt du 19 septembre 2018, Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest)/Commission, T‑39/17, non publié, EU:T:2018:560, point 86].

40      En troisième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission aurait dû démontrer, sur la base d’un premier examen, qu’il existait des raisons de présumer que la divulgation des documents demandés porterait atteinte à la bonne conduite de la procédure de contrôle des aides d’État et/ou aux intérêts commerciaux de tiers, il convient de relever que l’exigence de fonder le recours à une présomption générale sur des raisons solides et convaincantes, telle qu’elle résulte de la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑306/12, EU:T:2014:816, point 52), ne signifie pas que la Commission devait examiner individuellement tous les documents demandés. En effet, une telle exigence priverait cette présomption générale de son effet utile (voir arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 101 et jurisprudence citée).

41      En outre et en tout état de cause, selon la jurisprudence rappelée au point 36 ci-dessus, l’appartenance des documents demandés au dossier administratif suffit pour leur conférer le bénéfice de la présomption générale exposée au point 32 ci‑dessus.

42      En quatrième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission ne pourrait pas se limiter à invoquer ladite présomption générale de confidentialité avec une motivation standardisée, sans examiner le caractère raisonnable de l’application de ladite présomption, sauf à violer la raison d’être du régime des exceptions prévu à l’article 4 du règlement no 1049/2001, ainsi que les exigences du principe de proportionnalité, il y a lieu de constater que, pour l’application de la présomption générale de confidentialité, l’examen prima facie des documents concernés ne saurait obliger la Commission ni à procéder à l’examen concret et individuel de ces documents (voir, par analogie, arrêt du 26 mars 2020, Bonnafous/Commission, T‑646/18, EU:T:2020:120, point 95), ni à vérifier s’il y aurait d’autres raisons valables pour ne divulguer aucune partie de ceux-ci (voir, par analogie, arrêt du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, point 63).

43      Il convient en effet de rappeler que les documents demandés, dès lors qu’ils sont couverts par la présomption générale de confidentialité visée au point 32 ci‑dessus, échappent a priori à l’obligation d’une divulgation, intégrale ou partielle, de leur contenu. En conséquence, la décision attaquée ne saurait être regardée comme ayant été prise en violation du droit fondamental d’accès aux documents et du principe de proportionnalité (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 février 2018, Edeka-Handelsgesellschaft Hessenring/Commission, T‑611/15, EU:T:2018:63, points 110 et 111).

44      En dernier lieu, la requérante a reconnu à l’audience que les documents demandés étaient pertinents aux fins de la procédure de contrôle des aides d’État dans l’affaire SA.50400. Par ailleurs, le fait qu’elle soit déjà en possession de la DFA 2012 et de la DFA 2013 ne saurait suffire à démontrer que la Commission a appliqué de manière erronée la présomption générale de confidentialité.

45      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur les deuxième et troisième moyens

46      Par ses deuxième et troisième moyens, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la requérante soutient en substance que, en rejetant ses arguments tendant à démontrer que la présomption générale de confidentialité peut être renversée en ce qui concerne les documents demandés, la Commission a non seulement insuffisamment motivé la décision attaquée, mais a aussi commis une erreur de droit.

47      S’agissant du défaut de motivation, la requérante considère notamment que la Commission a fourni une motivation brève et vague, standardisée, pour réfuter les arguments avancés par elle pour avoir accès aux documents demandés, lesquels comprennent non seulement la liste des bénéficiaires des DFA, mais aussi toutes les DFA, dont la DFA 2012 et la DFA 2013, visées au point 7 de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen et qui ont été communiquées par les autorités luxembourgeoises le 19 janvier 2018. La requérante ne serait pas en mesure de comprendre pourquoi, en l’absence de tout risque d’atteinte portée aux intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001, la présomption générale de confidentialité ne peut pas être renversée. La Commission n’expliquerait pas non plus quelle serait l’atteinte portée aux intérêts commerciaux de tiers du fait de l’accès à la version non confidentielle des documents demandés.

48      S’agissant du renversement de la présomption générale de confidentialité, la requérante invoque, en premier lieu, l’absence de risque d’atteinte portée aux intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001.

49      D’une part, et notamment, l’accès aux documents demandés ne devrait avoir aucune incidence sur les objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, ces documents ne contenant aucune appréciation préliminaire des éléments de fait ni d’autres informations permettant de présumer l’orientation de l’examen de la Commission, les actes de procédure que cette institution pourrait adopter et sa stratégie d’examen. La requérante ajoute que la communication des DFA la concernant ne peut manifestement pas nuire à l’objectif de l’enquête.

50      La requérante indique que l’argument tiré de ce que les autorités luxembourgeoises ont qualifié les documents demandés de strictement confidentiels n’a jamais été avancé dans le cadre de la procédure administrative et qu’il ne peut être invoqué devant le Tribunal pour justifier a posteriori la légalité de la décision attaquée. La Commission ne pourrait non plus invoquer pour la première fois devant le Tribunal l’argument selon lequel l’accès à la liste des bénéficiaires des DFA donnerait un aperçu de la pratique du Grand-Duché de Luxembourg en matière de DFA.

51      D’autre part, la requérante soutient que l’accès aux documents demandés ne devrait pas avoir d’incidence sur les intérêts commerciaux de tiers. La requérante aurait demandé à avoir accès à la liste des bénéficiaires des DFA et aux DFA elles-mêmes visées aux points 4 et 7 de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, qui seraient soit des documents abstraits, soit des informations dont les éléments sensibles pourraient être facilement occultés. Ladite liste serait une simple liste de sociétés, ne donnant aucune information concernant le bénéfice imposable et le chiffre d’affaires des sociétés concernées, ni aucune autre information sensible sur le plan commercial. En outre, le nom des personnes morales ne serait en général pas protégé. Quant aux DFA, à supposer qu’elles comportent des informations sur les structures d’imposition et sur les activités des sociétés bénéficiaires, la Commission pourrait occulter les données commerciales sensibles qu’elles contiendraient. Toute crainte alléguée relative au nom des sociétés ainsi qu’à la date et à l’objet des DFA pourrait être levée en occultant lesdites données des documents demandés, de sorte que l’accès à une version expurgée de la liste des bénéficiaires des DFA aurait permis de protéger les intérêts commerciaux allégués de ces sociétés. Quant aux structures d’imposition desdits bénéficiaires, elles ne pourraient être confidentielles en l’absence de référence au nom des sociétés concernées.

52      En second lieu, et en tout état de cause, la requérante fait valoir que la présomption générale de confidentialité est renversée pour des raisons impérieuses d’intérêt public justifiant la divulgation des documents demandés.

53      En réponse, la Commission soutient, s’agissant de la motivation de la décision attaquée, qu’elle a exposé les éléments de fait et de droit ainsi que toutes les considérations qui l’ont amenée à adopter cette décision. Elle ajoute que les arguments avancés par elle au stade du mémoire en défense pour expliquer le rôle des documents demandés dans le cadre des procédures de contrôle des aides d’État actuellement en cours ne sont pas de nouveaux arguments visant à combler les lacunes de la décision attaquée, mais tendent à réfuter les allégations avancées dans la requête. Il n’y aurait pas davantage d’insuffisance de motivation en ce qui concerne le refus d’accès partiel auxdits documents.

54      S’agissant du renversement de la présomption générale de confidentialité, la Commission considère, en premier lieu, que la requérante n’a pas suffisamment démontré que la divulgation des documents demandés ne porterait pas atteinte aux intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001 et que ces documents ne seraient donc pas couverts par la présomption générale de confidentialité fondée sur ces dispositions. Le premier document demandé, qui a été fourni par les autorités luxembourgeoises, consisterait en une liste des bénéficiaires des DFA émises pour les années 2010 à 2012, comportant le nom de chaque société concernée ainsi que la date et l’objet de la DFA. Lesdites autorités auraient qualifié ce document de strictement confidentiel et auraient aussi indiqué que sa divulgation reviendrait à violer le secret fiscal des entreprises individuelles.

55      La Commission précise que, si elle a fait référence, dans son mémoire en défense, au fait que les autorités luxembourgeoises avaient sollicité le traitement confidentiel des documents demandés, c’est pour réfuter l’allégation de la requérante selon laquelle la divulgation de ces documents ne porterait pas atteinte à l’intérêt protégé par le troisième tiret de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

56      En second lieu, la Commission soutient que, si la requérante peut avoir un intérêt personnel à obtenir l’accès aux documents demandés, cela ne saurait constituer un intérêt public supérieur au sens du règlement no 1049/2001.

57      En l’espèce, c’est déjà au stade de la phase précontentieuse que la requérante a invoqué des arguments tendant à démontrer que la présomption générale de confidentialité devrait être renversée en ce qui concerne les documents demandés, arguant, entre autres, premièrement, que la divulgation des documents demandés ne compromettrait ni l’objectif de la procédure de contrôle des aides d’État, ni le processus décisionnel de la Commission, deuxièmement, que la décision de refuser tout accès aux documents demandés était disproportionnée par rapport à la réalisation des objectifs poursuivis par le règlement no 1049/2001 et, troisièmement, qu’il était possible d’établir une version non confidentielle de ces documents pour protéger les informations sensibles des entreprises tierces ainsi que les intérêts de l’enquête. Pour l’examen des deuxième et troisième moyens, qui portent sur le renversement de la présomption générale de confidentialité, il convient donc d’apprécier si la motivation de la décision attaquée a été suffisante à cet égard et, le cas échéant, si c’est à juste titre que la Commission a rejeté les arguments invoqués par la requérante.

58      Dans ce cadre, il convient de relever que, dans le domaine des aides d’État, la Cour a jugé que la présomption générale de confidentialité n’exclut nullement le droit, pour la partie requérante, de démontrer qu’un ou plusieurs documents donnés, dont elle demande la communication, ne sont pas couverts par cette présomption ou qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant leur divulgation en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 (voir arrêt du 13 mars 2019, AlzChem/Commission, C‑666/17 P, non publié, EU:C:2019:196, point 37 et jurisprudence citée).

59      Ainsi, la présomption générale selon laquelle la divulgation des documents du dossier administratif porterait, en principe, atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête n’est pas irréfragable et n’exclut pas que certains des documents précis contenus dans le dossier de la Commission relatifs à une procédure de contrôle des aides d’État puissent être divulgués (voir arrêt du 13 mars 2019, AlzChem/Commission, C‑666/17 P, non publié, EU:C:2019:196, point 38 et jurisprudence citée ; arrêt du 28 mai 2020, Campbell/Commission, T‑701/18, EU:T:2020:224, point 43).

60      À cet égard, il incombe à celui qui demande la divulgation d’un document d’apporter les éléments susceptibles d’établir soit que la présomption générale de confidentialité des documents afférents aux procédures de contrôle des aides d’État ne couvre pas ledit document, soit qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant pareille divulgation (voir arrêt du 11 décembre 2018, Arca Capital Bohemia/Commission, T‑440/17, EU:T:2018:898, point 61 et jurisprudence citée).

61      En l’absence, dans une demande confirmative d’accès à certains documents, d’arguments portant spécifiquement sur le fait que les documents en cause ne seraient pas couverts par la présomption générale de confidentialité, la Commission n’est pas tenue de procéder à leur examen individuel et concret et peut leur appliquer la présomption générale de confidentialité (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2018, Arca Capital Bohemia/Commission, T‑440/17, EU:T:2018:898, point 62 et jurisprudence citée).

62      A contrario, dès lors que le demandeur soulève dans sa demande confirmative d’accès des arguments portant sur le fait que les documents en cause ne sont pas couverts par la présomption générale de confidentialité, la Commission doit, d’une part, procéder à l’examen de ces documents et, d’autre part, motiver le rejet desdits arguments.

63      Il importe d’ajouter que, selon une jurisprudence constante, la motivation doit en principe être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant pas être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union européenne [arrêts du 26 novembre 1 981, Michel/Parlement, 195/80, EU:C:1981:284, point 22 ; du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 463, et du 26 avril 2016, Strack/Commission, T‑221/08, EU:T:2016:242, point 101 (non publié)].

64      À défaut, l’obligation de motiver une décision individuelle risque de ne pas répondre à son but, qui, selon une jurisprudence constante, est de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité et de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 462 et jurisprudence citée ; voir, également, arrêt du 26 avril 2016, Strack/Commission, T‑221/08, EU:T:2016:242, point 102).

65      Il convient de relever que, dans la décision attaquée, au point 2.1 de celle-ci, consacré à la protection des objectifs des activités d’enquête et des intérêts commerciaux, la Commission a exposé les raisons qui, selon elle, justifiaient la non‑communication des documents demandés. Elle s’est référée à cet égard à la jurisprudence relative à l’application de la présomption générale de confidentialité dans le cas des procédures de contrôle des aides d’État (voir pages 2 à 4 de la décision attaquée) ainsi que dans le cas de procédures de contrôle des concentrations, qu’elle a considérée comme pouvant être appliquée par analogie aux procédures de contrôle des aides d’État. Elle en a conclu, au dernier alinéa de la page 5 de la décision attaquée, que les documents demandés sont couverts, dans leur entièreté, par la présomption générale de non-divulgation basée sur les exceptions prévues aux premier et troisième tirets de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 et que l’application de cette présomption impliquait qu’elle n’était pas obligée d’examiner spécifiquement et individuellement les documents demandés.

66      En outre, au deuxième alinéa du point 3 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que la Cour avait confirmé que la présomption générale de confidentialité excluait la possibilité d’octroyer un accès partiel au dossier et, au troisième alinéa de ce point, que les documents demandés tombaient manifestement et entièrement dans le champ d’application des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001.

67      Quant à l’existence éventuelle d’un intérêt public supérieur qui permettrait d’avoir accès aux documents demandés, la Commission a principalement souligné, au point 4 de la décision attaquée, que la protection des droits de la défense de la requérante, dans le cadre de la procédure SA.50400, ne pouvait pas être confondue avec un intérêt public supérieur et que de tels droits pouvaient être exercés dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, la requérante pouvant avoir accès, lorsqu’une décision définitive serait adoptée à cet égard, à la version non-confidentielle de cette décision, incluant l’information relative aux documents demandés, à condition que ces documents soient pertinents pour cette décision.

68      Or, en premier lieu, il importe de souligner que, s’il est constant que figure parmi les documents demandés la liste des bénéficiaires des DFA, il est ressorti de l’audience qu’un désaccord existe entre les parties en ce qui concerne l’identification des autres documents demandés. En réponse à une question du Tribunal, la Commission a précisé avoir refusé la demande d’accès à ces autres documents, en considérant que ceux-ci visaient seulement la DFA 2012 et la DFA 2013.

69      Toutefois, d’une part, dans le refus initial d’accès, la Commission avait fait expressément référence à des entreprises tierces, ce qui pouvait signifier que ce refus n’était pas limité aux DFA concernant la requérante. D’autre part, dans la décision attaquée, pour désigner les documents demandés, la Commission a repris les termes utilisés par la requérante dans la demande d’accès du 3 octobre 2019 ainsi que dans la demande confirmative. En plus et surtout, il convient de relever que, dans cette décision, il n’est pas mentionné expressément que l’accès est refusé à la liste des bénéficiaires des DFA ainsi qu’à la DFA 2012 et à la DFA 2013.

70      Ainsi, à la lecture de la décision attaquée, qui fait, par ailleurs, référence à des documents qui contiendraient des détails sur les structures d’imposition et les activités des entreprises bénéficiaires, sans préciser de quelles entreprises il s’agit, la requérante ne peut pas comprendre et le Tribunal ne peut pas contrôler si ladite décision vise uniquement, en plus de la liste des bénéficiaires des DFA, la DFA 2012 et la DFA 2013, lesquelles concernent la requérante elle‑même.

71      Dans ce contexte, il convient de constater une insuffisance de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne l’identification des documents demandés et, par conséquent, également le refus de l’accès à ces documents dans le cadre du renversement de la présomption générale de confidentialité.

72      En deuxième lieu, il convient de souligner que la requérante a demandé l’accès à deux catégories de documents, à savoir, d’une part, la liste des bénéficiaires des DFA et, d’autre part, des DFA en tant que telles. Ainsi que la Commission l’a expliqué dans le cadre de la présente procédure, la liste des bénéficiaires des DFA contient trois types d’informations, qui sont le nom des entreprises auxquelles les autorités fiscales luxembourgeoises ont octroyé des DFA, ainsi que la date et l’objet de ces DFA. S’agissant des DFA elles-mêmes, celles-ci contiennent en revanche beaucoup plus d’informations, comme la Commission l’a aussi indiqué dans la décision attaquée, puisqu’elles peuvent donner des détails sur les structures d’imposition et les activités des entreprises bénéficiaires des DFA.

73      Or, la décision attaquée ne fait pas de distinction entre ces deux catégories de documents. Elle contient une motivation unique pour en refuser l’accès, alors que ces documents n’ont ni le même contenu, ni la même nature.

74      En troisième lieu, il convient de rappeler que la requérante n’a demandé que l’accès à la version non confidentielle des documents demandés. S’agissant de la liste des bénéficiaires des DFA, elle a même soutenu que les trois types d’informations qu’elle contient auraient pu être occultés aisément.

75      Or, dans la décision attaquée, il n’a pas été expliqué les raisons pour lesquelles la communication à la requérante d’une version non confidentielle de ces différentes catégories de documents n’aurait pas été envisageable, y compris des documents qui concernent la requérante. À cet égard, alors que la requérante est en principe déjà en possession de la version confidentielle de la DFA 2012 et de la DFA 2013, puisqu’elle en est la bénéficiaire, la Commission a seulement indiqué que la Cour a confirmé que la présomption générale de confidentialité excluait la possibilité d’octroyer un accès partiel au dossier et elle a renvoyé aux motifs selon lesquels l’accès porterait atteinte aux intérêts de l’enquête ainsi qu’à la protection des intérêts commerciaux des entreprises bénéficiaires.

76      En quatrième lieu, il importe d’ajouter que la Commission, dans le cadre de ses écritures, a précisé que les autorités luxembourgeoises avaient qualifié la liste des bénéficiaires des DFA de strictement confidentielle, mais aussi que la divulgation de cette liste donnerait un aperçu de la pratique des DFA au Luxembourg ainsi qu’une vue d’ensemble de la pratique en matière de traitement des prêts sans intérêts, objet de l’enquête en cours en matière d’aides d’État. La Commission a aussi fait référence au fait que l’évaluation d’autres DFA figurant dans la liste des DFA pour la période allant de 2010 à 2012 ferait partie de sa stratégie d’enquête dans les procédures en cours dans les affaires SA.37267 et SA.41303. Elle a aussi motivé le refus d’accès en invoquant, à l’audience, ne pas disposer de la version non confidentielle des documents demandés.

77      Or ces motifs n’ont pas été invoqués dans la décision attaquée ni ne peuvent être déduits de ceux figurant dans cette décision.

78      Dans ces conditions, les motifs de la décision attaquée ne permettent ni à la requérante de comprendre les raisons qui ont conduit la Commission à rejeter les arguments qu’elle avait avancés pour renverser la présomption générale de confidentialité afin d’obtenir l’accès partiel aux documents demandés, sans faire de distinction entre les différentes catégories de documents ni tenir compte des documents qui concernent la requérante, ni au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité à cet égard.

79      Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation doit être accueilli. Il y a donc lieu d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments développés dans le cadre du deuxième moyen de la requérante.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

81      En l’espèce, le recours étant accueilli pour l’essentiel, il sera fait une juste appréciation de la cause en décidant que la Commission supportera ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C(2019) 9417 final de la Commission européenne, du 18 décembre 2019, rejetant la demande confirmative d’accès à des documents relatifs à une enquête en matière d’aides d’État présentée par Huhtamaki Sàrl au titre du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2011, L 145, p. 43), est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission est condamnée aux dépens.

Kanninen

Półtorak

Porchia

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 mars 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.