Language of document : ECLI:EU:T:2015:361

Affaire T‑376/13

Versorgungswerk der Zahnärztekammer Schleswig-Holstein

contre

Banque centrale européenne (BCE)

« Accès aux documents – Décision 2004/258/CE – Accord d’échange du 15 février 2012 entre la Grèce et la BCE et des banques centrales nationales de l’Eurosystème – Annexes A et B – Refus partiel d’accès – Intérêt public – Politique monétaire de l’Union et d’un État membre – Situation financière de la BCE et des banques centrales nationales de l’Eurosystème – Stabilité du système financier dans l’Union »

Sommaire – Arrêt du Tribunal (neuvième chambre) du 4 juin 2015

1.      Recours en annulation – Actes susceptibles de recours – Décision d’une institution refusant l’accès à des documents – Demande d’accès du requérant ayant été rejetée comme irrecevable – Absence d’incidence sur la recevabilité du recours

(Art. 263 TFUE ; décision de la Banque centrale européenne 2004/258, telle que modifiée par la décision 2011/342)

2.      Procédure juridictionnelle – Requête introductive d’instance – Exigences de forme – Identification de l’objet du litige – Exposé sommaire des moyens invoqués

[Statut de la Cour de justice, art. 21, al. 1, et 53, al. 1 ; règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 1, c)]

3.      Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Appréciation de l’obligation de motivation en fonction des circonstances de l’espèce

(Art. 296, § 2, TFUE)

4.      Institutions de l’Union européenne – Droit d’accès du public aux documents – Décision 2004/258 de la Banque centrale européenne – Exceptions au droit d’accès aux documents – Obligation de motivation – Portée

[Art. 296, § 2, TFUE ; décision de la Banque centrale européenne 2004/258, telle que modifiée par la décision 2011/342, art. 4, § 1, a), 2e, 3e et 7e tirets]

5.      Institutions de l’Union européenne – Droit d’accès du public aux documents – Décision 2004/258 de la Banque centrale européenne – Exceptions au droit d’accès aux documents – Protection de l’intérêt public concernant la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre ou la situation financière de la Banque ou des banques centrales nationales – Protection de l’intérêt public concernant la stabilité du système financier dans l’Union ou dans un État membre – Marge d’appréciation de la Banque centrale européenne – Contrôle juridictionnel – Limites – Motivation de caractère général afin de protéger des informations sensibles – Admissibilité

[Art. 296, § 2, TFUE ; décision de la Banque centrale européenne 2004/258, telle que modifiée par la décision 2011/342, art. 4, § 1, a), 2e, 3e et 7e tirets]

6.      Institutions de l’Union européenne – Droit d’accès du public aux documents – Décision 2004/258 de la Banque centrale européenne – Exceptions au droit d’accès aux documents – Protection de l’intérêt public concernant la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre ou la situation financière de la Banque ou des banques centrales nationales – Portée – Application à un accord d’échange d’obligations d’État entre l’État membre concerné et la Banque et les banques centrales nationales de l’Eurosystème – Inclusion

[Décision de la Banque centrale européenne 2004/258, telle que modifiée par la décision 2011/342, art. 4, § 1, a), 2e et 3e tirets]

7.      Institutions de l’Union européenne – Droit d’accès du public aux documents – Décision 2004/258 de la Banque centrale européenne – Exceptions au droit d’accès aux documents – Interprétation et application strictes – Obligation pour l’institution de procéder à un examen concret et individuel des documents – Portée

(Décision de la Banque centrale européenne 2004/258, telle que modifiée par la décision 2011/342, art. 2, § 1, et 4, § 1)

8.      Recours en annulation – Contrôle de légalité – Critères – Prise en compte des seuls éléments de fait et de droit existant à la date d’adoption de l’acte litigieux

(Art. 263 TFUE)

1.      En tant que destinataire d’une décision de refus d’accès à des documents au titre de la décision 2004/258, relative à l’accès du public aux documents de la Banque centrale européenne, telle que modifiée par la décision 2011/342, l’intéressé est en droit d’introduire un recours contre celle-ci. À cet égard, le droit de recours du requérant contre ladite décision n’est pas susceptible d’être affecté par une éventuelle irrecevabilité de sa demande devant la Banque centrale européenne.

(cf. point 20)

2.      Voir le texte de la décision.

(cf. point 23)

3.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 32, 33)

4.      Satisfait aux exigences de l’obligation de motivation, prévue à l’article 296, paragraphe 2, TFUE, une décision de la Banque centrale européenne portant refus d’accès à des documents au titre de la décision 2004/258, relative à l’accès du public aux documents de ladite Banque, telle que modifiée par la décision 2011/342, qui permet au demandeur de connaître la base légale sur laquelle la Banque a fondé le rejet de sa demande d’accès et les raisons pour lesquelles elle a estimé qu’une divulgation du contenu desdits documents aurait porté atteinte à la politique monétaire de l’Union et des États membres, à sa situation financière et à celle des banques centrales nationales de l’Eurosystème et à la stabilité du système financier, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième, troisième et septième tirets, de la décision 2004/258.

À cet égard, la Banque n’est pas obligée de fournir une explication concernant l’utilisation dans le cadre de la motivation des expressions telles que « dysfonctionnement de segments pertinents de marché » et « mécanisme de transmission ». En effet, il est publiquement connu que, depuis le début de l’année 2010, l’Union a subi la crise de la dette souveraine et que des tensions sont apparues sur certains marchés de la dette souveraine de la zone euro, notamment en raison des inquiétudes croissantes du marché quant à la viabilité des finances publiques au regard des déficits budgétaires très élevés, en particulier en Grèce. Il est également connu que ces tensions se sont propagées à d’autres segments des marchés financiers et que la Banque a annoncé le programme pour les marchés de titres afin d’améliorer l’efficacité du mécanisme de transmission de la politique monétaire. En outre, s’agissant d’une décision adressée à un demandeur ayant acquis des obligations d’État grecques dans sa fonction d’investisseur institutionnel, celui-ci doit être considéré comme connaissant la signification du terme « mécanisme de transmission » ou comme capable de la trouver facilement, par exemple en consultant le site Internet de la Banque.

(cf. points 39, 40, 50)

5.      En matière d’accès du public aux documents, la Banque centrale européenne dispose d’une large marge d’appréciation s’agissant de la question de savoir si l’intérêt public concernant la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre, la situation financière de la Banque ou des banques centrales nationales de l’Eurosystème et la stabilité du système financier dans l’Union ou dans un État membre, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième, troisième et septième tirets, de la décision 2004/258, relative à l’accès du public aux documents de ladite Banque, telle que modifiée par la décision 2011/342, peut être atteint par la divulgation d’informations contenues dans des documents dont l’accès a été demandé et, partant, le contrôle de légalité exercé par le juge de l’Union à cet égard doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir.

À cet égard, en raison du contrôle limité du juge de l’Union, le respect de l’obligation pour la Banque de motiver de façon suffisante ses décisions revêt une importance d’autant plus fondamentale. En effet, c’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis. Toutefois, s’agissant d’une demande d’accès à des annexes d’un accord d’échange entre la République hellénique et la Banque et les banques centrales nationales de l’Eurosystème aux termes duquel des obligations d’État grecques, dont ces dernières étaient titulaires, ont été échangées contre de nouvelles obligations d’État grecques, l’obligation de motivation ne s’oppose aucunement à ce que la Banque se fonde sur des considérations prenant en compte le comportement hypothétique que des acteurs du marché pourraient adopter à la suite de la divulgation d’informations contenues dans lesdites annexes et sur les effets qu’un tel comportement pourraient avoir pour de futures interventions. Dans ces conditions, le recours par la Banque à une motivation de caractère général est justifié par le souci de ne pas dévoiler des informations dont la protection est visée par les exceptions prévues dans la décision 2004/258.

(cf. points 53-55)

6.      Le droit d’accès aux documents de la Banque centrale européenne est soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. Plus spécifiquement, l’article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième et troisième tirets, de la décision 2004/258, relative à l’accès du public aux documents de ladite Banque, telle que modifiée par la décision 2011/342, prévoit des exceptions à l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection de l’intérêt public, en ce qui concerne la politique financière, monétaire ou économique de l’Union ou d’un État membre ou la situation financière de la Banque ou des banques centrales nationales (BCN) de l’Eurosystème.

Est justifié, en vertu dudit article 4, paragraphe 1, sous a), deuxième et troisième tirets, de la décision 2004/258, le refus d’accès de la Banque aux annexes d’un accord d’échange d’obligations d’État entre un État membre et la Banque et les BCN de l’Eurosystème, conclu dans le cadre d’un programme d’intervention sur le marché déjà expiré et fondé sur la considération selon laquelle la divulgation des données contenues dans lesdites annexes aurait pu inciter des acteurs du marché à prédire la stratégie, la tactique et la méthode pouvant être adoptées par elle et par les BCN de l’Eurosystème dans le cadre de futures interventions. En effet, lorsqu’une intervention implique l’acquisition d’obligations d’État par la Banque et par les BCN de l’Eurosystème, il existe un risque que les acteurs du marché se fondent sur les informations concernant de telles acquisitions dans le passé pour identifier, à tort ou à raison, des préférences de la Banque et des BCN de l’Eurosystème pour certains types d’obligations d’État dont ils estiment qu’elles s’appliquent indépendamment de l’objectif poursuivi par l’acquisition des obligations d’État.

Or, dans une telle hypothèse, la divulgation des informations contenues dans les annexes de l’accord d’échange pourrait affecter l’efficacité des mesures d’intervention de la Banque et sa situation financière ou celle des BCN de l’Eurosystème, dès lors que, d’une part, une telle divulgation risquerait d’avoir pour conséquence une augmentation des prix pour les types d’obligations identifiées par les acteurs du marché comme étant susceptibles d’être acquis par la Banque et les BCN de l’Eurosystème. Ces dernières pourraient être amenées soit à acheter ces types d’obligations à des prix plus élevés, soit à acheter des obligations différentes correspondant moins à leurs préférences. D’autre part, la Banque et les BCN de l’Eurosystème pourraient être amenées à acheter des obligations de différents types dans la catégorie visée, afin d’inciter les acteurs du marché à investir dans l’ensemble des obligations contenues dans ladite catégorie, au lieu de se concentrer sur certains types d’obligations.

Par ailleurs, dès lors que la Banque dispose d’une très large marge d’appréciation quant au choix et à la détermination des mesures qu’elle adopte dans le cadre de l’accomplissement de ses missions, lorsqu’elle examine si l’accès à des documents est susceptible d’affecter la politique monétaire de l’Union, sa situation financière ou celle des BCN de l’Eurosystème, elle est en droit de prendre en compte l’ensemble des mesures qu’elle pourrait être amenée à adopter dans le futur et n’est pas tenue de prendre en compte uniquement des mesures énonçant la condition prévue dans des communiqués de presse concernant son programme d’intervention sur le marché.

(cf. points 72, 78, 80, 87, 96, 97, 102)

7.      S’agissant des exceptions au droit d’accès du public aux documents de la Banque centrale européenne prévu à l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2004/258, relative à l’accès du public aux documents de ladite Banque, telle que modifiée par la décision 2011/342, eu égard au fait que ces exceptions dérogent audit droit, elles doivent être interprétées et appliquées strictement. Ainsi, lorsque la Banque décide de refuser l’accès à un document, dont la communication lui a été demandée, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de ladite décision, il lui incombe, en principe, de justifier la raison pour laquelle l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue par cette disposition qu’elle invoque.

À cet égard, en vertu des règles prévues par l’article 4 de la décision 2004/258, la Banque est tenue de comparer, d’une part, la situation existante, dans laquelle l’accès aux documents n’est pas (encore) accordé et, d’autre part, une situation hypothétique, dans laquelle l’accès aux documents serait accordé. Partant, la seule circonstance que, dans sa décision de refus partiel d’accès, la Banque prend en compte la situation hypothétique dans laquelle elle donnerait accès à des documents dont la divulgation lui a été demandée n’est, en elle-même, pas susceptible de remettre en cause le bien-fondé de la décision.

(cf. points 73, 75)

8.      Voir le texte de la décision.

(cf. point 84)