Language of document : ECLI:EU:T:2021:208

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

21 avril 2021 (*) (1)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant une bouteille pour boissons – Dessin ou modèle international antérieur – Motif de nullité – Conflit avec un dessin ou modèle antérieur – Caractère individuel – Utilisateur averti – Degré de liberté du créateur – Impression globale différente – Article 6 et article 25, paragraphe 1, sous d), iii), du règlement (CE) no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑326/20,

Bibita Group, établie à Tirana (Albanie), représentée par Me C. Seyfert, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme G. Sakalaitė-Orlovskienė et M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Benkomers OOD, établie à Sofia (Bulgarie),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 27 avril 2020 (affaire R 1070/2018‑3), relative à une procédure de nullité entre Bibita Group et Benkomers,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure) et M. R. Mastroianni, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 mai 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 27 juillet 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 13 mars 2017, Benkomers OOD a présenté une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), tel que modifié.

2        Le dessin ou modèle communautaire dont l’enregistrement a été demandé et qui est contesté en l’espèce est représenté dans les vues suivantes :

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3        Les produits auxquels le dessin ou modèle est destiné à être appliqué relèvent de la classe 09-01 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspondent à la description suivante : « Bouteilles pour boissons ».

4        Le dessin ou modèle contesté a été enregistré sous le numéro 3797091-0001 et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires no 56/2017, du 22 mars 2017.

5        Le 24 juillet 2017, la requérante, Bibita Group, a introduit, en vertu de l’article 52 du règlement no 6/2002, une demande de nullité du dessin ou modèle contesté.

6        Le motif invoqué à l’appui de la demande en nullité était celui visé à l’article 25, paragraphe 1, sous d), iii), du règlement no 6/2002.

7        La requérante a fait valoir dans sa demande en nullité que, dès lors qu’il convenait d’appliquer, dans le cadre de l’article 25, paragraphe 1, sous d), du règlement no 6/2002, les mêmes critères que pour l’appréciation du caractère individuel en vertu de l’article 25, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 6 de ce règlement, le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel par rapport au dessin ou modèle faisant l’objet de l’enregistrement international no 095336, dont elle était titulaire, qui était protégé depuis une date antérieure à la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté. Le dessin ou modèle international antérieur est représenté ci-après :

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8        Le 10 mai 2018, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité. En substance, elle a considéré que le dessin ou modèle contesté produisait une impression globale différente sur l’utilisateur averti, ce qui permettait d’exclure l’existence d’un conflit avec le dessin ou modèle antérieur.

9        Le 8 juin 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

10      Par décision du 14 janvier 2019, la troisième chambre de recours de l’EUIPO a estimé que les dessins ou modèles en cause produisaient une impression globale différente sur l’utilisateur averti et qu’ils n’étaient pas en conflit au sens de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002.

11      Le 26 mars 2019, la requérante a formé un recours devant le Tribunal contre la décision visée au point 10 ci-dessus, qui a été enregistré sous le numéro T‑180/19.

12      Le 17 mai 2019, le greffe des chambres de recours a envoyé une communication aux parties conformément à l’article 39 du règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28), et à l’article 68 du règlement no 6/2002. Dans celle-ci, le rapporteur de la chambre de recours ayant adopté la décision du 14 janvier 2019, visée au point 10 ci-dessus, relevait que la conclusion contenue dans ladite décision était que les dessins ou modèles en cause n’étaient pas en conflit au sens de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, alors que la demande de nullité du dessin ou modèle contesté et la décision de la division d’annulation étaient fondées sur l’article 25, paragraphe 1, sous d), dudit règlement. Il indiquait que la décision du 14 janvier 2019 était partant manifestement entachée d’une erreur substantielle de procédure et que la chambre de recours avait l’intention de la révoquer et d’examiner à nouveau le recours introduit à l’encontre de la décision de la division d’annulation.

13      Par décision du 30 septembre 2019, la troisième chambre de recours a révoqué la décision du 14 janvier 2019.

14      Par ordonnance du 4 mars 2020, Bibita Group/EUIPO – Benkomers (Bouteille pour boissons) (T‑180/19, non publiée, EU:T:2020:84), le Tribunal a déclaré qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours formé par la requérante et a condamné l’EUIPO à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par cette dernière.

15      Par décision du 27 avril 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours de la requérante contre la décision de la division d’annulation, après avoir considéré que les dessins ou modèles en cause produisaient chacun une impression globale différente sur l’utilisateur averti et qu’ils n’étaient, dès lors, pas en conflit au sens de l’article 25, paragraphe 1, sous d), iii), du règlement no 6/2002.

16      Le 10 juillet 2020, la chambre de recours a adopté un corrigendum à la décision attaquée, sur le fondement de l’article 39 du règlement no 2245/2002, afin de rectifier une erreur matérielle s’étant glissée à ses points 4, 21, 22 et 28 concernant le numéro d’enregistrement du dessin ou modèle antérieur. Ce corrigendum a été notifié aux parties par lettre du 13 juillet 2020 et a été versé au dossier par décision du président de la cinquième chambre du Tribunal du 7 août 2020.

 Conclusions des parties

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et, partant, déclarer la nullité du dessin ou modèle contesté ;

–        condamner l’EUIPO et l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO aux dépens relatifs à la procédure devant la chambre de recours, conformément à l’article 190 du règlement de procédure du Tribunal ;

–        condamner l’EUIPO à l’intégralité des dépens relatifs à la présente procédure.

18      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

19      En premier lieu, en ce qui concerne la seconde partie du premier chef de conclusion de la requérante, par laquelle elle demande au Tribunal de déclarer la nullité du dessin ou modèle contesté, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 61, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, le Tribunal est compétent aussi bien pour annuler que pour réformer la décision attaquée. Par ailleurs, aux termes de l’article 61, paragraphe 6, du même règlement, l’EUIPO est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal. Il découle de cette dernière disposition qu’il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’EUIPO, auquel il incombe, en effet, de tirer les conséquences du dispositif et des motifs de l’arrêt du Tribunal. Partant, un chef de conclusions par lequel il est demandé au Tribunal de déclarer la nullité d’un dessin ou modèle est irrecevable [voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2017, Chanel/EUIPO – Jing Zhou et Golden Rose 999 (Ornement), T‑57/16, EU:T:2017:517, points 16 à 18 et jurisprudence citée]. Dès lors, il y a lieu de rejeter la seconde partie du premier chef de conclusions de la requérante comme irrecevable.

20      En second lieu, aux points 17 à 19 du mémoire en réponse, l’EUIPO soutient que l’annexe A.15 de la requête doit être écartée comme étant irrecevable, dans la mesure où cet élément de preuve n’a été ni présenté ni apprécié par la division d’annulation, puis par la chambre de recours, ayant été présenté pour la première fois devant le Tribunal.

21      Il convient de constater que l’annexe A.15 de la requête consiste en une traduction en anglais de la lettre du 27 juin 2017 de l’autre partie à la procédure devant l’EUIPO, produite, dans sa version originale en bulgare, en tant qu’annexe A.13 de la requête et qui, selon la requérante, démontre que cette autre partie reconnaissait la similitude des dessins ou modèles en cause. La requérante a produit également une traduction en albanais de la même lettre, en tant qu’annexe A.14 de la requête. Cette lettre a été présentée dans sa version originale en bulgare au cours de la procédure administrative, en tant qu’annexe 4 de la demande en nullité. Dans cette demande, la requérante indiquait qu’elle fournirait une traduction en anglais de ladite lettre en temps utile.

22      Il y a lieu de rappeler que l’article 29, paragraphe 5, du règlement no 2245/2002 prévoit que, lorsque les preuves fournies à l’appui de la demande ne sont pas rédigées dans la langue de la procédure en nullité, le demandeur doit en produire une traduction dans cette langue dans un délai de deux mois à compter du dépôt des preuves.

23      Ainsi, pour que la lettre du 27 juin 2017 eût pu être prise en compte d’abord par les instances de l’EUIPO, puis par le Tribunal, elle aurait dû satisfaire aux exigences linguistiques posées à l’article 29, paragraphe 5, du règlement no 2245/2002. Dans la mesure où la requérante a présenté une traduction de la lettre du 27 juin 2017 en anglais, soit la langue de la procédure en nullité, pour la première fois devant le Tribunal, l’annexe A.13 de la requête ne satisfait pas auxdites exigences, de sorte que les annexes A.13 à A.15 ne sauraient être prises en considération par le Tribunal.

 Sur le fond

24      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 25, paragraphe 1, sous d), iii), du règlement no 6/2002.

25      L’EUIPO conteste l’ensemble des arguments de la requérante.

 Sur l’antériorité du dessin ou modèle invoqué à l’appui de la demande en nullité et la notion de conflit au sens de l’article 25, paragraphe 1, sous d), iii), du règlement no 6/2002

26      Conformément à l’article 25, paragraphe 1, sous d), iii), du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire peut être déclaré nul s’il est en conflit avec un dessin ou modèle antérieur qui a fait l’objet d’une divulgation au public après la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou après la date de priorité du dessin ou modèle communautaire, si une priorité est revendiquée, et qui est protégé depuis une date antérieure par un dessin ou modèle enregistré au titre de l’acte de Genève de l’arrangement de La Haye concernant l’enregistrement international des dessins et modèles industriels, adopté à Genève le 2 juillet 1999, qui a été approuvé par la décision 2006/954/CE du Conseil, du 18 décembre 2006 (JO 2006, L 386, p. 28), et qui produit ses effets dans l’Union européenne, ou par une demande d’obtention du droit afférent.

27      En premier lieu, il y a lieu de relever que la demande d’enregistrement du dessin ou modèle antérieur a été déposée le 28 septembre 2016, c’est-à-dire avant la date de dépôt du dessin ou modèle contesté, soit le 13 mars 2017, et a fait l’objet d’une divulgation au public le 31 mars 2017, c’est-à-dire après la date de dépôt du dessin ou modèle contesté. Les droits dont bénéficiait la requérante en vertu de l’enregistrement du dessin ou modèle antérieur sont reconnus dans l’Union depuis la date de son dépôt. Les parties ne contestent d’ailleurs pas les conclusions figurant aux points 20 à 22 de la décision attaquée, selon lesquelles les conditions énoncées à cet égard à l’article 25, paragraphe 1, sous d), iii), du règlement no 6/2002 sont remplies en l’espèce.

28      Les parties ne contestent pas non plus la constatation de la chambre de recours, contenue dans le point 27 de la décision attaquée, selon laquelle les dessins ou modèles en cause sont destinés à être appliqués à des « bouteilles pour boissons ».

29      En second lieu, la notion de conflit au sens de l’article 25, paragraphe 1, sous d), iii), du règlement no 6/2002 n’étant pas définie en tant que telle dans ce règlement, il y a lieu de tenir compte de l’interprétation que la jurisprudence en a fourni.

30      Aux fins de l’interprétation de l’article 25, paragraphe 1, sous d), du règlement no 6/2002, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 10 dudit règlement, la protection conférée par un dessin ou modèle s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression globale différente et que, pour apprécier l’étendue de cette protection, il y a lieu de tenir compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.

31      Par conséquent, il convient d’interpréter l’article 25, paragraphe 1, sous d), du règlement no 6/2002 en ce sens qu’un dessin ou modèle communautaire est en conflit avec un dessin ou modèle antérieur lorsque, compte tenu de la liberté du créateur dans l’élaboration dudit dessin ou modèle communautaire, ce dessin ou modèle ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression globale différente de celle produite par le dessin ou modèle antérieur invoqué [arrêt du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, EU:T:2010:96, point 52].

32      Cette interprétation de l’article 25, paragraphe 1, sous d), du règlement no 6/2002 est la seule susceptible d’assurer une protection des droits du titulaire d’un dessin ou modèle bénéficiant d’une antériorité telle que celle décrite dans cette disposition contre toute atteinte audit dessin ou modèle par la coexistence d’un dessin ou modèle communautaire ultérieur qui produirait la même impression globale sur l’utilisateur averti. En effet, à défaut d’une telle interprétation de l’article 25, paragraphe 1, sous d), du règlement no 6/2002, le titulaire d’un droit antérieur serait dépourvu de la possibilité de demander la nullité d’un tel dessin ou modèle communautaire ultérieur et privé de la protection effective conférée par son dessin ou modèle, conformément à l’article 10 du règlement no 6/2002 (arrêt du 18 mars 2010, Représentation d’un support promotionnel circulaire, T‑9/07, EU:T:2010:96, point 53).

33      C’est donc à juste titre que, au point 23 de la décision attaquée, la chambre de recours a retenu une telle interprétation en estimant, à l’instar de la division d’annulation, qu’un conflit survenait entre deux dessins ou modèles lorsqu’ils produisaient la même impression globale sur l’utilisateur averti et qu’il y avait lieu à cet égard de tenir compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle contesté.

 Sur la prétendue protection « particulièrement large » du dessin ou modèle antérieur

34      En premier lieu, la requérante fait valoir que le dessin ou modèle antérieur bénéficie d’une protection particulièrement large en vertu de l’article 6 du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec le considérant 14 du même règlement.

35      Aux termes du considérant 14 du règlement no 6/2002, l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle devrait consister à déterminer s’il existe une différence claire entre l’impression globale qu’il produit sur un utilisateur averti qui le regarde et celle produite sur lui par le patrimoine des dessins ou modèles, compte tenu de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève et du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.

36      L’article 6 du règlement no 6/2002 prévoit qu’un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public, dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois ou, dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.

37      Malgré la référence à l’existence d’une différence « claire » entre les impressions globales produites par les dessins ou modèles en cause qui figure au considérant 14 du règlement no 6/2002, il convient de relever que le libellé de l’article 6 de ce dernier est clair et dépourvu d’ambiguïté. Conformément à la jurisprudence relative à cette disposition, il y a lieu de retenir aux fins de l’application de l’article 25, paragraphe 1, sous d), dudit règlement et de l’appréciation de l’existence d’un conflit entre les dessins ou modèles en cause qu’un dessin ou modèle peut bénéficier de la protection offerte par le dessin ou modèle communautaire, en vertu de la réglementation pertinente, s’il produit sur l’utilisateur averti une impression globale différente de celle produite par un dessin ou modèle antérieur [voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2018, Buck-Chemie/EUIPO – Henkel (Bloc nettoyant pour toilettes), T‑296/17, non publié, EU:T:2018:823, point 29 et jurisprudence citée].

38      En second lieu, la requérante fait valoir que le dessin ou modèle antérieur était entièrement nouveau à la date de son dépôt. Elle soutient que le caractère unique de la forme ressemblant à la structure d’un haltère pour une bouteille pour boissons justifie la protection accrue qui serait accordée au dessin ou modèle antérieur.

39      À cet égard, il convient d’observer que, en invoquant la « protection particulièrement large » dont bénéficierait le dessin ou modèle antérieur, la requérante cherche en réalité à introduire un nouveau critère de protection d’un dessin ou modèle antérieur tenant à son prétendu caractère innovant et inédit dans le secteur de l’industrie dont relèvent les produits en cause.

40      Or, d’une part, à supposer établi le fait que, à la date de son enregistrement, la forme ressemblant à la structure d’un haltère appliquée à une bouteille pour boissons aurait été entièrement nouvelle dans le secteur industriel concerné, le caractère unique d’une telle forme ne confère pas au dessin ou modèle antérieur une protection plus large que celle dont il bénéficie en vertu du règlement no 6/2002. D’autre part, le caractère individuel d’un dessin ou modèle nécessaire à son enregistrement s’applique au dessin ou modèle contesté par rapport au dessin ou modèle antérieur, sans que le caractère prétendument inédit ou l’originalité de l’apparence de ce dernier n’ait une quelconque influence sur l’appréciation du caractère individuel du dessin ou modèle contesté. Les arguments de la requérante à cet égard doivent dès lors être écartés.

41      Ainsi, il convient d’examiner si le dessin ou modèle contesté est en conflit avec le dessin ou modèle antérieur, en ce sens qu’ils produisent la même impression globale sur l’utilisateur averti, eu égard au degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle contesté, et ce en procédant à un examen en quatre étapes. Cet examen consiste à déterminer, premièrement, le secteur des produits auxquels le dessin ou modèle est destiné à être incorporé ou auxquels il est destiné à être appliqué, deuxièmement, l’utilisateur averti desdits produits selon leur finalité et, en référence à cet utilisateur averti, le degré de connaissance de l’art antérieur ainsi que le niveau d’attention aux similitudes et aux différences dans la comparaison des dessins ou modèles, troisièmement, le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle, dont l’influence sur le caractère individuel est en proportion inverse, et, quatrièmement, en tenant compte de celui-ci, le résultat de la comparaison, directe si possible, des impressions globales produites sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle contesté et par le dessin ou modèle antérieur divulgué au public, pris individuellement [voir arrêt du 13 juin 2019, Visi/one/EUIPO – EasyFix (Porte-affichette pour véhicules), T‑74/18, EU:T:2019:417, point 66 et jurisprudence citée].

42      Le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence, ou d’absence de « déjà vu », du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport au dessin ou modèle antérieur invoqué, sans tenir compte des différences demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, bien qu’excédant des détails insignifiants, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2017, Antrax It/EUIPO – Vasco Group (Thermosiphons pour radiateurs), T‑828/14 et T‑829/14, EU:T:2017:87, point 53 et jurisprudence citée].

 Sur l’utilisateur averti

43      La chambre de recours a relevé, d’une part, que le secteur pertinent relativement auquel il convenait d’identifier l’utilisateur averti du dessin ou modèle contesté était celui des « bouteilles pour boissons ». D’autre part, elle a indiqué que l’utilisateur averti du dessin ou modèle contesté était aussi bien un professionnel du secteur de l’emballage qu’un consommateur ordinaire averti des boissons pour lesquelles les bouteilles sont utilisées.

44      La requérante ne conteste pas les considérations de la chambre de recours rappelées au point 43 ci-dessus. Elle fait toutefois valoir que l’impression globale produite par les dessins ou modèles en cause doit être déterminée par rapport au consommateur moyen de bouteilles pour boissons.

45      En ce qui concerne la notion d’« utilisateur averti », il y a lieu de relever que la qualité d’« utilisateur » implique que la personne concernée utilise le produit dans lequel est incorporé ou auquel est appliqué le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce même produit est destiné. Le qualificatif « averti » suggère en outre que, sans être un concepteur ou un expert technique, l’utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d’un certain degré de connaissances quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un niveau d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise [voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2015, Promarc Technics/OHMI – PIS (Pièce de porte), T‑251/14, non publié, EU:T:2015:780, point 42 et jurisprudence citée].

46      La notion d’utilisateur averti doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n’est demandé aucune connaissance spécifique et qui, en général, n’effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d’homme de l’art, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d’utilisateur averti peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (voir arrêt du 15 octobre 2015, Pièce de porte, T‑251/14, non publié, EU:T:2015:780, point 43 et jurisprudence citée).

47      En l’espèce, il convient ainsi de relever que l’utilisateur averti, représenté par le « consommateur final » des bouteilles pour boissons, ne correspond pas au « consommateur moyen », qui est le consommateur censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, relevant du public pertinent intéressé par les produits couverts par une marque [voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2020, Gamma-A/EUIPO – Zivju pārstrādes uzņēmumu serviss (Emballage pour aliments), T‑352/19, non publié, EU:T:2020:94, point 36].

48      Indépendamment du fait que l’utilisateur soit, comme en l’espèce, un professionnel ou bien le consommateur final des produits concernés, le qualificatif « averti » suggère qu’il s’agit d’une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen et celle d’homme de métier, telle que définie aux points 45 et 46 ci-dessus.

49      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a fondé son analyse du caractère individuel du dessin ou modèle contesté par rapport au professionnel du secteur de l’emballage des boissons et au consommateur ordinaire averti des boissons pour lesquelles les bouteilles sont utilisées, et non par rapport au « consommateur moyen ». Les arguments de la requérante visant à remettre en cause une telle conclusion doivent dès lors être écartés.

 Sur le degré de liberté du créateur

50      Aux points 24 et 25 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les facteurs qui limitaient le degré de liberté du créateur d’un dessin ou modèle de bouteille pour boissons étaient, d’une part, les dimensions de la bouteille, en ce que celle-ci doit correspondre aux quantités normalisées dans lesquelles la boisson concernée est commercialisée, et, d’autre part, la présence d’un bouchon bien ajusté et d’un fond plat. En revanche, elle a estimé que le degré de liberté du créateur était considérable en ce qui concerne l’élaboration de la forme du corps de la bouteille, du goulot, des proportions des dimensions entre le corps et le goulot ainsi que les matériaux utilisés pour fabriquer la bouteille, son étiquetage, sa décoration et ses embellissements. En outre, au point 30 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que la forme ressemblant à la structure d’un haltère répondait à une fonction technique, à savoir celle de permettre à l’utilisateur de saisir plus aisément la bouteille.

51      La requérante reconnaît que l’élaboration des dessins ou modèles de bouteilles pour boissons est soumise à certaines limitations, en ce que les dimensions de la bouteille doivent correspondre aux quantités normalisées dans lesquelles les boissons sont commercialisées, la bouteille doit disposer d’un bouchon bien ajusté pour préserver son contenu ainsi que d’un fond plat afin de tenir debout.

52      Cependant, elle fait valoir que la chambre de recours a commis des erreurs dans l’interprétation et l’application des principes visés à l’article 6 du règlement no 6/2002, dès lors que le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle antérieur aurait été illimité quant au recours à une forme ressemblant à la structure d’un haltère. En effet, selon elle, il n’existait pas de limitation résultant des fonctionnalités ou des normalisations de la quantité qui aurait rendu nécessaire une telle forme. À cet égard, elle souligne qu’un dessin ou modèle portant sur une bouteille revêtant une telle forme n’aurait pas existé avant le dessin ou modèle antérieur. Par ailleurs, ladite forme ne remplirait pas simplement une fonction technique, mais conférerait une impression et une image sportive au produit en se différenciant des autres bouteilles présentes sur le marché avec des parties centrales plus fines.

53      Le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle est défini à partir, notamment, des contraintes liées aux caractéristiques imposées par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ou encore des prescriptions légales applicables au produit. Ces contraintes conduisent à une normalisation de certaines caractéristiques, devenant alors communes aux dessins ou modèles appliqués au produit concerné (arrêt du 18 mars 2010, Représentation d’un support promotionnel circulaire, T‑9/07, EU:T:2010:96, point 67).

54      Partant, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est grande, moins des différences mineures entre les dessins ou modèles en cause suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. À l’inverse, plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle est restreinte, plus les différences mineures entre les dessins ou modèles en cause suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti. Ainsi, un degré élevé de liberté du créateur dans l’élaboration d’un dessin ou modèle renforce la conclusion selon laquelle les dessins ou modèles ne présentant pas de différences significatives produisent une même impression globale sur l’utilisateur averti (voir arrêt du 18 juillet 2017, Ornement, T‑57/16, EU:T:2017:517, point 30 et jurisprudence citée).

55      D’emblée, il convient de relever que la requérante se réfère à tort au degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle antérieur, et non au degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle contesté, alors que seul ce dernier doit être pris en considération afin d’établir si les différences entre les dessins ou modèles en cause suffisent à produire une impression globale différente sur l’utilisateur averti, ainsi que cela a été rappelé au point 54 ci-dessus.

56      En outre, la requérante se contredit lorsqu’elle reconnaît l’existence des contraintes dans l’élaboration d’un dessin ou modèle de bouteille pour boissons qui ont été relevées par la chambre de recours (voir point 52 ci-dessus), tout en affirmant que le créateur du dessin ou modèle antérieur jouissait d’une liberté totale pour créer la forme du dessin ou modèle antérieur et que le créateur du dessin ou modèle contesté disposait d’une liberté totale et d’options de dessin illimitées afin d’élaborer un dessin ou modèle de bouteille pour boissons n’adoptant pas une forme ressemblant à la structure d’un haltère.

57      Or, ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 25 de la décision attaquée, des caractéristiques communes se retrouvent dans les dessins ou modèles de bouteilles pour boissons, en ce qu’une bouteille doit correspondre aux quantités normalisées dans lesquelles la boisson concernée est commercialisée et doit disposer d’un bouchon bien ajusté et d’un fond plat, afin de répondre aux nécessités techniques pour lesquelles elle est conçue. Toutefois, ainsi qu’il ressort d’ailleurs des représentations de bouteilles produites par la requérante dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO, il existe des dessins ou modèles de bouteilles présentant de grandes différences quant à leurs formes, en particulier concernant le corps et le goulot, leurs proportions et dimensions, les matériaux utilisés pour leur fabrication, leur étiquetage et leur éventuelle décoration.

58      Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le degré de liberté du créateur était considérable, mais non illimité, contrairement aux affirmations de la requérante.

 Sur l’impression globale produite par les dessins ou modèles en cause sur l’utilisateur averti

59      Aux points 31 à 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé, premièrement, que la particularité la plus remarquable du dessin ou modèle contesté était non pas la structure de la bouteille, constituée de deux parties arrondies reliées par une partie centrale en forme de tube, mais plutôt ses motifs linéaires, qui ne remplissaient aucune fonction technique, mais donnaient au dessin ou modèle contesté des contours différents et même une forme globale visiblement différente de ceux du dessin ou modèle antérieur. Deuxièmement, elle a relevé une autre différence, consistant dans la forme octogonale des sections inférieure et supérieure du dessin ou modèle contesté, tandis que les parties correspondantes dans le dessin ou modèle antérieur semblaient être de forme circulaire. Troisièmement, elle a indiqué que le dessin ou modèle contesté présentait différentes empreintes sur les parties inférieure et supérieure de chacune de ses sections arrondies, qui dépassaient légèrement la verticale, tandis que le dessin ou modèle antérieur était composé de parties inférieure et supérieure lisses. Quatrièmement, selon la chambre de recours, l’utilisateur averti remarquerait ces différences, dès lors qu’elles portent sur les deux tiers de la surface des dessins ou modèles en cause et ne sauraient être contrebalancées par le fait que ceux-ci ont la même forme ressemblant à la structure d’un haltère. La chambre de recours en a conclu que ces différences aboutissaient à ce que les dessins ou modèles en cause produisaient chacun une impression globale différente du point de vue de l’utilisateur averti.

60      La requérante fait valoir, au contraire, que le dessin ou modèle contesté est dépourvu de caractère individuel, dès lors qu’il n’existerait pas de différence claire entre l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti et celle produite sur cet utilisateur par le dessin ou modèle antérieur. En effet, lors de la comparaison directe entre les dessins ou modèles en cause, la chambre de recours se serait concentrée sur des caractéristiques mineures du dessin ou modèle contesté. Par ailleurs, les lignes noires présentes dans ce dessin ou modèle qui ont été mentionnées par la chambre de recours ne seraient pas dessinées en noir sur les bouteilles faisant l’objet dudit modèle ou dessin, mais représenteraient un changement de forme à peine visible.

61      Selon la jurisprudence, la comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles en cause doit être synthétique et ne peut se borner à la comparaison analytique d’une énumération de similitudes et de différences. Cette comparaison doit prendre pour base les caractéristiques divulguées dans le dessin ou modèle contesté et doit porter uniquement sur les caractéristiques protégées, sans tenir compte des caractéristiques, notamment techniques, exclues de la protection (voir arrêt du 13 juin 2019, Porte-affichette pour véhicules, T‑74/18, EU:T:2019:417, point 84 et jurisprudence citée).

62      Lorsque les similitudes entre les dessins ou modèles en cause concernent des contraintes liées aux caractéristiques imposées notamment par la fonction technique du produit ou d’un élément du produit, ces similitudes n’auront que peu d’importance dans l’impression globale produite par lesdits dessins ou modèles sur l’utilisateur averti (voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2010, Représentation d’un support promotionnel circulaire, T‑9/07, EU:T:2010:96, point 72).

63      Par ailleurs, des différences seront insignifiantes dans l’impression d’ensemble produite par les dessins ou modèles en conflit lorsqu’elles ne sont pas suffisamment marquées pour distinguer les produits en cause dans la perception de l’utilisateur averti ou contrebalancer les similitudes constatées entre ces dessins ou modèles [voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2013, El Hogar Perfecto del Siglo XXI/OHMI – Wenf International Advisers (Tire-bouchon), T‑337/12, EU:T:2013:601, point 53].

64      En premier lieu, ainsi que cela a été relevé au point 31 ci-dessus, un dessin ou modèle est pourvu d’un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur le dessin ou modèle antérieur. Contrairement à ce que la requérante prétend, l’appréciation à opérer à cet égard implique la prise en compte de tous les éléments de différenciation entre les dessins ou modèles en cause autres que ceux demeurant insuffisamment marqués pour affecter ladite impression globale.

65      En deuxième lieu, comme la chambre de recours l’a relevé au point 30 de la décision attaquée, la forme des dessins ou modèles en cause qui ressemble à la structure d’un haltère, consistant en un corps plus fin dans sa partie centrale et plus large dans ses parties inférieure et supérieure, permet d’assurer également une fonction technique, à savoir assurer une meilleure prise de la bouteille en question. Partant, cette caractéristique commune aux dessins ou modèles en cause n’aura que peu d’importance dans l’impression globale produite par ceux-ci sur l’utilisateur averti, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 62 ci-dessus.

66      En troisième lieu, contrairement à ce que la requérante prétend, les différences entre les dessins ou modèles en cause que la chambre de recours a correctement relevées aux points 31 et 32 de la décision attaquée sont perceptibles par l’utilisateur averti, étant donné qu’elles portent sur les deux tiers de la surface des dessins ou modèles en cause et influencent significativement l’impression globale que ceux-ci produisent sur ledit utilisateur, et ce nonobstant le fait qu’ils partagent la même forme.

67      Ces différences, qui concernent les motifs linéaires, donnant lieu à la forme octogonale des sections inférieure et supérieure du dessin ou modèle contesté, et les empreintes sur les parties inférieure et supérieure de chacune de ses sections, confèrent un aspect anguleux au dessin ou modèle contesté qui distingue celui-ci du dessin ou modèle antérieur, caractérisé par la forme cylindrique de ses parties inférieure et supérieure et, partant, par la forme circulaire de leurs sections, qui donnent au dessin ou modèle antérieur une apparence plus ronde et lisse. Par ailleurs, les dimensions différentes des deux formes octogonales dans le dessin ou modèle contesté contribuent à donner une impression d’ensemble moins symétrique par rapport à un axe passant par le centre de la bouteille que le dessin ou modèle antérieur.

68      Les différences observées entre les dessins ou modèles en cause, telles que relevées par la chambre de recours et qui concernent les éléments pour lesquels la liberté du créateur peut se manifester, sont nombreuses et significatives. Alors que l’apparence du dessin ou modèle antérieur renvoie à la forme ressemblant à la structure d’un haltère, l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté est moins évocatrice d’une telle forme.

69      En quatrième lieu, contrairement à ce que prétend la requérante, les motifs linéaires représentés par de fines lignes noires dans le dessin ou modèle contesté ne représentent pas un changement de forme à peine visible sur une bouteille translucide ou transparente pour boisson. Lesdits motifs linéaires sont clairement visibles sur les vues du dessin ou modèle contesté et, comme l’EUIPO l’a relevé, n’ont pas fait l’objet d’une représentation correspondant à des caractéristiques du dessin ou modèle non revendiquées. En outre, lesdites lignes noires mettent en évidence les formes octogonales dans les sections inférieure et supérieure du dessin ou modèle contesté et donnent à celui-ci des contours différents de ceux du dessin ou modèle antérieur. Dès lors, elles sont clairement visibles indépendamment du matériau translucide ou transparent qui pourrait être utilisé pour réaliser les bouteilles représentées par le dessin ou modèle contesté.

70      Quant à l’étiquette figurant sur le dessin ou modèle antérieur, au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que celle-ci ne jouait pas de rôle significatif dans la comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles en cause. Devant le Tribunal, la requérante s’est limitée à reproduire le dessin ou modèle antérieur sans les éléments verbaux figurant sur ladite étiquette, sans pour autant remettre en cause ladite constatation. Or, même en l’absence d’étiquette, les dessins ou modèles en cause présentent des différences significatives, ainsi que cela a été constaté aux points 66 à 69 ci-dessus.

71      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant, aux points 36 et 37 de la décision attaquée, que le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur produisaient des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti et en concluant que le dessin ou modèle contesté ne pouvait pas être considéré comme étant en conflit avec le dessin ou modèle antérieur au sens de l’article 25, paragraphe 1, sous d), iii), du règlement no 6/2002.

72      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le moyen unique de la requérante et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

74      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO. Par ailleurs, s’agissant des dépens relatifs à la procédure devant la chambre de recours, il suffit de relever que, étant donné que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le dispositif de celle-ci qui continue à régler les dépens en cause [voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Lotte/EUIPO – Générale Biscuit-Glico France (PEPERO original), T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 194].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bibita Group est condamnée aux dépens.

Spielmann

Spineanu-Matei

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 avril 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.