Language of document : ECLI:EU:T:2018:1017

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT
DE LA CINQUIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

13 décembre 2018 (*)

« Confidentialité – Contestation par une partie intervenante »

Dans l’affaire T‑207/18,

PlasticsEurope, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes R. Cana, E. Mullier et F. Mattioli, avocats,

partie requérante,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mmes M. Heikkilä, C. Buchanan et M. W. Broere, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. D. Klebs, en qualité d’agent,

par

République française, représentée par Mme A.-L. Desjonquères et M. J. Traband, en qualité d’agents,

et par

ClientEarth, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Me P. Kirch, avocat,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de l’ECHA du 3 janvier 2018, publiée le 15 janvier 2018, du directeur exécutif de l’ECHA, par laquelle l’entrée existante relative à la substance 4,4’‑isopropylidenediphenol (bisphénol A ou BPA) sur la liste des substances identifiées en vue de leur inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3), a été complétée en ce sens que cette substance a été identifiée également en tant que substance pour laquelle il est scientifiquement prouvé qu’elle peut avoir des effets graves sur l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, points a) à e), dudit règlement, le tout au sens de l’article 57, sous f), de ce même règlement,


rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Le 12 janvier 2017, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a publié sur son site Internet une décision du 4 janvier 2017 (ED/01/2017) concernant l’inclusion du bisphénol A dans la « liste des substances candidates », à savoir la liste des substances identifiées en vue de leur inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3), tel que modifié, au motif que cette substance avait été identifiée comme une substance toxique pour la reproduction au sens de l’article 57, sous c), du règlement n° 1907/2006.

2        Le 21 mars 2017, PlasticsEurope (ci-après « la requérante ») a formé un recours en annulation contre cette décision. Ce recours est actuellement pendant devant le Tribunal sous le numéro T-185/17.

3        Le 7 juillet 2017, l’ECHA a publié sur son site Internet une décision datant du 6 juillet 2017 (ED/30/2017), mettant à jour et complétant l’entrée existante relative au bisphénol A sur la liste des substances candidates et identifiant cette substance en tant que substance possédant des propriétés perturbant le système endocrinien, pour laquelle il est scientifiquement prouvé qu’elle peut avoir des effets graves sur la santé humaine qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), du règlement n° 1907/2006, au sens de l’article 57, sous f), du même règlement.

4        Le 15 septembre 2017, la requérante, a formé un recours en annulation contre cette décision. Ce recours est actuellement pendant devant le Tribunal sous le numéro T-636/17.

5        Le 15 janvier 2018, l’ECHA a publié sur son site Internet une décision datant du 3 janvier 2018 (ED/01/2018), mettant à jour et complétant l’entrée existante relative à la substance bisphénol A sur la liste des substances candidates et identifiant cette substance en tant que substance possédant des propriétés perturbant le système endocrinien, pour laquelle il est scientifiquement prouvé qu’elle peut avoir des effets graves sur l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées à l’article 57, sous a) à e), du règlement n° 1907/2006, au sens de l’article 57, sous f), du même règlement (ci‑après la « décision attaquée »).

6        Le 23 mars 2018, la requérante a introduit un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE contre la décision attaquée. Il s’agit du présent recours.

7        Le 4 juin 2018, en vertu de l’article 79 du règlement de procédure du Tribunal, un avis a été publié au Journal officiel de l’Union européenne indiquant la date du dépôt de la requête introductive d’instance dans la présente affaire et le nom des parties principales (JO 2018, C 190, p. 35). Ont été communiquées au public également les conclusions de la requête, ainsi qu’un résumé des moyens de la requérante.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 juillet 2018, ClientEarth a demandé à intervenir au soutien des conclusions de l’ECHA. Par ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 2 octobre 2018, il a été fait droit à cette demande.

9        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 27 août 2018, la requérante a demandé le traitement confidentiel à l’égard de ClientEarth de certains éléments contenus dans la requête. Elle a produit, aux fins de cette communication, une version non confidentielle de cette pièce.

10      Les informations à l’égard desquelles la requérante a déposé sa demande de traitement confidentiel sont les dénominations (l’identité) de ses membres qui sont impliqués dans la mise sur le marché du bisphénol A et qui sont mentionnés aux points 17, 34 et 35 de la requête (pages 8, 11 et 12 de la requête).

11      Par acte déposé le 25 octobre 2018, ClientEarth a émis des objections quant à cette demande de traitement confidentiel.

 En droit

12      Conformément à l’article 144, paragraphes 5 et 7, du règlement de procédure, s’il est fait droit à la demande d’intervention, l’intervenant reçoit communication de tous les actes de procédure signifiés aux parties principales à l’exception, le cas échéant, des données confidentielles exclues de cette communication par ordonnance du président, sur demande d’une partie principale.

13      Ces dispositions posent le principe que tous les actes de procédure signifiés aux parties doivent être communiqués aux intervenants et ne permettent qu’à titre dérogatoire d’exclure certaines pièces ou informations confidentielles de cette communication (ordonnance du 30 janvier 2017, Syngenta Crop Protection e.a./Commission, T‑451/13, non publiée, EU:T:2017:112, point 6 et jurisprudence citée).

14      À cet égard, il convient, en premier lieu, de relever qu’il incombe à la partie qui présente une demande de confidentialité de préciser les pièces ou les informations visées et de dûment motiver leur caractère confidentiel. Les dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure du Tribunal (JO 2015, L 152, p. 1), telles que modifiées le 13 juillet 2016 (JO 2016, L 217, p. 78), reprennent ces exigences en leur point 221, selon lequel « [u]ne demande de traitement confidentiel doit indiquer précisément les éléments ou passages concernés et contenir une motivation du caractère confidentiel de chacun de ces éléments ou passages » (ordonnance du 30 janvier 2017, Syngenta Crop Protection e.a./Commission, T‑451/13, non publiée, EU:T:2017:112, point 7 et jurisprudence citée).

15      En deuxième lieu, dans la mesure où une demande de traitement confidentiel présentée au titre de l’article 144, paragraphe 5, du règlement de procédure, est contestée, il y a lieu d’examiner si chacune des pièces et informations dont la confidentialité est contestée et à propos de laquelle une demande de traitement confidentiel a été présentée revêt un caractère confidentiel (voir ordonnance du 30 janvier 2017, Syngenta Crop Protection e.a./Commission, T‑451/13, non publiée, EU:T:2017:112, point 8 et jurisprudence citée).

16      S’agissant du caractère confidentiel des pièces et informations visées par la partie dont émane la demande de confidentialité, il y a lieu de faire une distinction entre, d’une part, les informations qui sont par nature secrètes, telles que les secrets d’affaires d’ordre commercial, concurrentiel, financier ou comptable, ou confidentielles, telles que les informations purement internes, et, d’autre part, les pièces ou informations susceptibles de revêtir un caractère secret ou confidentiel pour un motif qu’il appartient au demandeur de rapporter. Ainsi, le caractère secret ou confidentiel des pièces ou informations, pour lesquelles n’est apportée aucune motivation autre que celle consistant en la description de leur contenu, ne sera admis que pour autant que ces informations puissent être considérées comme secrètes ou confidentielles de par leur nature (voir ordonnance du 21 septembre 2015, Deloitte Consulting/Commission, T‑688/13, non publiée, EU:T:2015:745, points 16 et 17 et jurisprudence citée).

17      En troisième lieu, lorsque l’examen du président le conduit à conclure que certaines des pièces et informations dont la confidentialité est contestée sont confidentielles, il lui appartient de procéder, dans un second temps, à l’appréciation et à la mise en balance des intérêts en présence, pour chacune de celles-ci (ordonnance du 30 janvier 2017, Syngenta Crop Protection e.a./Commission, T‑451/13, non publiée, EU:T:2017:112, point 10 et jurisprudence citée).

18      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsque le traitement confidentiel est demandé dans l’intérêt d’un tiers au litige ou dans l’intérêt de la partie demanderesse, cette appréciation conduit le président de la formation de jugement, pour chaque pièce ou information visée, à mettre en balance le souci légitime de cette partie d’éviter que ne soit portée une atteinte essentielle à ses intérêts et le souci tout aussi légitime des parties intervenantes de disposer des informations nécessaires afin d’être pleinement en mesure de faire valoir leurs droits et d’exposer leur thèse devant le Tribunal (voir ordonnance du 13 avril 2016, BSCA/Commission, T‑818/14, non publiée, EU:T:2016:712, point 64 et jurisprudence citée).

19      En toute hypothèse, la partie demanderesse doit envisager, eu égard au caractère contradictoire et public du débat judiciaire, la possibilité que certaines des pièces ou informations secrètes ou confidentielles qu’elle a entendu produire au dossier apparaissent nécessaires à l’exercice des droits procéduraux des parties intervenantes et, par suite, doivent être communiquées à ces dernières (ordonnance du 13 avril 2016, BSCA/Commission, T‑818/14, non publiée, EU:T:2016:712, point 64 et jurisprudence citée).

20      C’est au regard de ces principes qu’il convient d’examiner la demande de traitement confidentiel déposée dans la présente affaire.

21      En l’espèce, certes, la demande de traitement confidentiel répond à l’exigence de précision résultant de la jurisprudence mentionnée au point 14 ci‑dessus.

22      Néanmoins, les éléments pour lesquels un traitement confidentiel a été demandé, à savoir, l’identité (la dénomination) des sociétés membres de la requérante impliquées dans la mise sur le marché du bisphénol A qui sont mentionnées au point 10 ci‑dessus, ne peuvent pas être considérés comme étant secrets ou confidentiels.

23      À cet égard et en complément de ce qui a été relevé à titre général au point 16 ci‑dessus, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, les informations auxquelles, sinon le grand public, du moins certains milieux spécialisés, peuvent avoir accès, les informations dont les intervenants ont déjà pris ou peuvent déjà prendre licitement connaissance, ainsi que des informations qui ressortent largement ou se déduisent de celles dont ils ont connaissance ou dont ils auront communication ne peuvent pas être considérées comme secrètes ou confidentielles (voir ordonnance du 22 février 2005, Hynix Semiconductor/Conseil, T‑383/03, EU:T:2005:57, points 56 et 57).

24      En l’espèce, ClientEarth indique cinq noms de sociétés qui, à son avis, sont les membres de la requérante pour lesquels cette dernière a demandé un traitement confidentiel. Afin de démontrer l’exactitude de ses conclusions quant à l’identité desdites sociétés, ClientEarth signale, d’une part, que les dénominations des déclarants de substances sont diffusées sur le site Internet de l’ECHA. D’autre part, ClientEarth indique que sont également accessibles au public à travers Internet les dénominations des sociétés qui constituent le « groupe PC/BPA de PlasticsEurope ». Pour déduire le nom desdites sociétés, il suffirait de consulter les informations disponibles sur trois sites Internet.

25      Force est de constater que ClientEarth a correctement identifié les noms des cinq sociétés membres de la requérante pour lesquelles cette dernière demande un traitement confidentiel. À cet égard, il y a lieu de relever que ClientEarth a obtenu les informations liées aux noms des dites sociétés en consultant des sources d’informations disponibles dans le domaine public, à savoir trois sites Internet qu’elle mentionne dans le mémoire contenant ses observations sur la demande de traitement confidentiel. Les informations contenues sur ces sites permettent d’identifier ces sociétés.

26      La requérante se borne à faire valoir à cet égard qu’une communication de l’identité des cinq sociétés à ClientEarth présenterait un « risque substantiel » qui résiderait dans la probabilité élevée que ces entreprises soient ciblées par des campagnes publiques qui seraient susceptibles de porter atteinte à leur réputation auprès du public et de leurs clients.

27      À cet égard, il y a lieu de rappeler que ClientEarth a déduit elle-même de quelles entreprises il est question en l’occurrence. Que le Tribunal occulte ou non les dénominations desdites sociétés, l’intervenante pourrait donc se livrer aux prétendues campagnes publiques visées au point 26 ci‑dessus. De ce fait, l’argument de la requérante lié à la possibilité que ClientEarth lance des campagnes publiques à l’encontre de ces sociétés doit être rejeté comme étant inopérant.

28      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’accorder un traitement confidentiel à l’identité des cinq sociétés membres de la requérante mentionnées aux points 17, 34 et 35 de la requête (pages 8, 11 et 12 de la requête ; voir point 10 ci‑dessus).

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA CINQUIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande de traitement confidentiel est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 13 décembre 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

D. Gratsias


*      Langue de procédure : l’anglais.