Language of document : ECLI:EU:F:2010:10

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE

23 février 2010 (*)

«Fonction publique – Procédure de référé – Agents temporaires – Contrat à durée indéterminée assorti d’une clause de résiliation – Demande de sursis à l’exécution d’une décision portant résiliation d’un contrat d’agent temporaire – Urgence – Absence»

Dans l’affaire F‑99/09 R,

ayant pour objet une demande introduite au titre des articles 278 TFUE et 157 EA, ainsi que de l’article 279 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Elisavet Papathanasiou, agent temporaire de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles), demeurant à Alicante (Espagne), représentée par Me H. Tettenborn, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. I. de Medrano Caballero et Mme G. Faedo, en qualité d’agents, assistés de Me D. Waelbroeck, avocat,

partie défenderesse,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 8 décembre 2009 par courrier électronique (le dépôt de l’original étant intervenu le 10 décembre suivant), la requérante demande la suspension, d’une part, de la décision du 12 mars 2009 par laquelle l’Office d’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) a procédé à la résiliation de son contrat d’agent temporaire, avec effet au 15 novembre 2009, et, d’autre part, de la décision du 3 août 2009 prorogeant au 15 février 2010 le préavis de résiliation initialement fixé au 15 novembre 2009 par la décision du 12 mars 2009 (ci-après les «décisions attaquées»).

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 2 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le «RAA»):

«Est considéré comme agent temporaire, au sens du présent régime:

a)      l’agent engagé en vue d’occuper un emploi compris dans le tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à chaque institution et auquel les autorités budgétaires ont conféré un caractère temporaire;

[…]»

3        S’agissant de la durée du contrat, l’article 8, premier alinéa, du RAA prévoit:

«L’engagement d’un agent temporaire visé à l’article 2, [sous] a), peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Le contrat de cet agent engagé pour une durée déterminée ne peut être renouvelé qu’une fois pour une durée déterminée. Tout renouvellement ultérieur de cet engagement devient à durée indéterminée.»

4        L’article 47 du RAA dispose:

«Indépendamment du cas de décès de l’agent temporaire, l’engagement de ce dernier prend fin:

[…]

b)      pour les contrats à durée déterminée:

i)      à la date fixée dans le contrat;

ii)      à l’issue du préavis fixé dans le contrat et donnant à l’agent ou à l’institution la faculté de résilier celui-ci avant son échéance. Le préavis ne peut être inférieur à un mois par année de service, avec un minimum d’un mois et un maximum de trois mois. Pour l’agent temporaire dont l’engagement a été renouvelé, le maximum est de six mois. […]

c)      pour les contrats à durée indéterminée:

i)      à l’issue du préavis prévu dans le contrat, le préavis ne pouvant être inférieur à un mois par année de service accompli avec un minimum de trois mois et un maximum de dix mois. Toutefois, le préavis ne peut commencer à courir pendant la durée du congé de maternité ou d’un congé de maladie, pour autant que ce dernier ne dépasse pas une période de trois mois. Il est d’autre part suspendu dans la limite visée ci-dessus pendant la durée de ces congés;

[...]»

5        En vertu de l’article 1er, sixième alinéa, de l’annexe II du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut»), un membre du comité du personnel ne peut subir aucun préjudice du fait de l’exercice de ses fonctions au sein dudit comité.

 Faits à l’origine du litige

 Contexte: la politique de l’OHMI en matière de personnel

6        Dans une note du 1er octobre 2004, le président de l’OHMI a informé le personnel de la politique de l’emploi qui serait suivie afin de «créer, pour les années à venir, une situation stable et flexible au sein de l’[OHMI]». Il a indiqué que cette politique reposerait sur deux «principes majeurs»:

«–      la seule façon de rester à l’[OHMI] à titre permanent serait de participer avec succès à une procédure ouverte, transparente et objective soit par le biais d’un concours général soit par le biais d’une procédure de sélection externe, et

–        du fait de la nature même de l’[OHMI] et de ses fonctions, au moins 20 % des postes devraient être flexibles (contrats temporaires d’une durée n’excédant pas cinq ans).»

7        Il était ainsi prévu d’organiser en 2007 ou 2008 des concours généraux, sans porter atteinte au quota de 80 % de postes permanents ou quasi permanents prévus par le tableau des effectifs de l’OHMI. En accord avec le comité du personnel, le comité de direction se réservait cependant la possibilité de limiter, partiellement ou totalement, la participation à ces concours aux ressortissants des nouveaux États membres.

8        Dans l’attente de l’organisation de concours généraux par l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO), il était prévu d’engager des procédures de sélection interne afin, notamment, d’offrir à un nombre limité d’agents temporaires, selon l’ordre de mérite, soit un contrat à durée indéterminée, soit un contrat à durée indéterminée assorti d’une clause de résiliation notamment en cas d’échec à l’un des concours généraux annoncés.

9        Quinze procédures de sélection interne ont ainsi été organisées, et notamment la procédure ISP/04/B*/04, agent «Propriété industrielle», ouvrant la possibilité de conclure trois contrats d’agent temporaire à durée indéterminée et quatre contrats d’agent temporaire à durée indéterminée assortis d’une clause de résiliation, selon l’ordre de mérite.

10      Ces procédures de sélection interne ont permis d’offrir à 20 agents temporaires des contrats d’agent temporaire à durée indéterminée sans clause de résiliation, et de donner à 31 autres agents temporaires la possibilité de rester au sein de l’OHMI jusqu’en 2007 ou en 2008 pour participer alors à un ou plusieurs concours généraux organisés par l’EPSO, en leur consentant des contrats à durée indéterminée mais assortis d’une clause de résiliation notamment en cas d’échec auxdits concours.

11      Par note du 18 avril 2005, le directeur du département des ressources humaines de l’OHMI a communiqué au personnel l’information suivante:

«Selon les informations communiquées par l’unité ‘Pensions’ de l’Office ‘Gestion et liquidation des droits individuels’ (PMO.4), devraient perdre le droit de bénéficier de l’allocation de chômage (arrêt du Tribunal de première instance du 17 avril 2002, […] Sada/Commission, [T‑325/00, RecFP p. I‑A‑47 et II‑209]):

–        les agents temporaires qui refusent un avenant au contrat en vigueur ou un nouveau contrat aux conditions similaires mais à durée indéterminée;

–        les agents temporaires qui refusent un avenant au contrat en vigueur ou un nouveau contrat aux conditions similaires comportant néanmoins une clause de résiliation liée à la participation et à la réussite à un concours général.»

12      Le 12 décembre 2007 ont été publiés au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours OHIM/AD/02/07, visant à la constitution d’une réserve de recrutement pour un emploi d’administrateur de grade AD 6 dans le domaine de la propriété industrielle, ainsi que l’avis de concours OHIM/AST/02/07, visant à la constitution d’une réserve de recrutement pour quatre emplois d’assistant de grade AST 3 dans le même domaine. Les deux concours étaient ouverts, sans restriction de nationalité, à tous les citoyens de l’Union européenne. Deux autres avis de concours généraux visant à constituer une réserve pour le recrutement de quatre administrateurs de grade AD 6 et une seconde pour le recrutement de seize assistants de grade AST 3, accessibles cette fois aux seuls ressortissants des nouveaux États membres, ont également été publiés à cette date.

 Faits concernant la requérante

13      La requérante, de nationalité grecque, a été recrutée à l’OHMI en 2001. Elle a bénéficié d’un premier contrat d’agent temporaire pour la période du 1er mars 2001 au 28 février 2002, puis d’un deuxième pour la période du 1er mars 2002 au 30 novembre 2002.

14      Le 1er juin 2002, la requérante a signé un troisième contrat d’agent temporaire, qui a pris effet le 1er décembre 2002, et qui était conclu pour une durée de trois ans et trois mois, à savoir jusqu’au 28 février 2006.

15      La requérante figurant sur la liste des candidats ayant réussi la procédure de sélection interne ISP/04/B*/04, agent «Propriété industrielle», à laquelle elle avait participé, l’OHMI lui a proposé un avenant à son contrat d’agent temporaire, qui modifiait les articles 4 et 5 dudit contrat. Le 1er juin 2005, la requérante a accepté cet avenant, avec effet le même jour.

16      L’article 4 du contrat d’agent temporaire modifié stipule désormais que le contrat est conclu «pour une durée indéterminée avec une clause de résiliation». L’article 5 du contrat d’agent temporaire modifié stipule quant à lui:

«Le présent contrat sera résilié dans les conditions prévues à l’article 47 du [RAA] en cas de non-inscription de l’agent sur la liste de réserve du prochain concours général pour son groupe de fonctions avec une spécialisation en propriété industrielle organisé par l’EPSO. Le présent contrat sera également résilié au cas où l’agent n’accepterait pas une offre de recrutement en tant que fonctionnaire de son groupe de fonctions proposée par l’[OHMI] après la publication de la liste de réserve dudit concours.

L’[OHMI] conserve par ailleurs le droit de résilier le présent contrat pour tout autre motif prévu aux articles 47 à 50 du [RAA], conformément aux conditions mentionnées dans ces articles.

Si les conditions de résiliation sont remplies, le présent contrat prendra fin de plein droit à l’issue d’un préavis au sens de l’article 47, sous c), i), du [RAA].»

17      Après la publication, le 12 décembre 2007, des avis de concours généraux dans le domaine de spécialisation de la requérante, mentionnés au point 12 de la présente ordonnance, l’OHMI, par courrier du 19 décembre 2007, a indiqué à l’intéressée que ces quatre concours étaient susceptibles de déclencher l’application de la clause de résiliation contenue dans son contrat.

18      À la fin du mois de juin 2008, la requérante est devenue membre suppléant au sein du comité du personnel.

19      Par lettre du 12 mars 2009, parvenue à la requérante le 17 mars 2009, l’OHMI a informé celle-ci que, son nom ne figurant sur aucune des quatre listes de réserve en cause, la clause de résiliation figurant dans son contrat était mise en œuvre, et que la résiliation de son contrat prendrait effet le 15 novembre 2009, compte tenu du préavis de huit mois commençant à courir le 16 mars 2009.

20      Le 4 mai 2009, la requérante est devenue membre titulaire du comité du personnel, plusieurs membres titulaires ayant démissionné à cette date.

21      Du 12 mars 2009 au 11 juin 2009, la requérante a été en congé de maladie pour les besoins d’une intervention chirurgicale.

22      Le 12 juin 2009, la requérante a formé une réclamation, en application de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre de la lettre de l’OHMI du 12 mars 2009.

23      Par courrier du 3 août 2009, l’OHMI a informé la requérante que la résiliation de son contrat ne prendrait effet que le 15 février 2010, pour tenir compte de l’effet suspensif de son congé de maladie sur le préavis.

24      Par décision du 9 octobre 2009, l’OHMI a rejeté la réclamation de la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

25      Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 8 décembre 2009 par courrier électronique (le dépôt de l’original étant intervenu le 10 décembre suivant), la requérante demande, notamment, l’annulation des décisions attaquées.

26      Cette requête a été enregistrée au greffe du Tribunal sous le numéro F‑99/09.

27      Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 8 décembre 2009 par courrier électronique (le dépôt de l’original étant intervenu le 10 décembre suivant), la requérante a introduit la présente demande en référé.

28      Dans sa demande en référé, la requérante conclut à ce qu’il plaise au juge des référés:

–        ordonner le sursis à exécution de la décision de l’OHMI du 12 mars 2009, mettant fin à son contrat de travail le 15 novembre 2009;

–        ordonner le sursis à exécution de la décision de l’OHMI du 3 août 2009, mettant fin à son contrat de travail le 15 février 2010;

–        interdire à l’OHMI de prendre, en ce qui concerne la prétendue résiliation de son contrat, toute mesure (d’exécution) susceptible d’empêcher ou d’affecter la poursuite de son activité à l’OHMI dans des conditions inchangées, jusqu’à ce qu’il soit statué sur son recours au principal.

29      L’OHMI qui a fait parvenir ses observations écrites au greffe du Tribunal par télécopie le 8 janvier 2010 (le dépôt de l’original étant intervenu le 12 janvier suivant), conclut à ce qu’il plaise au juge des référés:

–        rejeter la demande en référé;

–        réserver les dépens.

30      Par courrier électronique parvenu au greffe du Tribunal le 20 janvier 2010 (le dépôt de l’original étant intervenu le 25 janvier suivant), la requérante a produit des observations sur le mémoire d’observations de l’OHMI.

31      En l’état du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments lui permettant de statuer sans qu’il soit besoin d’entendre les parties en leurs explications orales.

 En droit

32      En vertu, d’une part, des dispositions des articles 278 TFUE, 279 TFUE, 157 EA et 106 bis EA, et, d’autre part, de l’article 39 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I dudit statut, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou prescrire d’autres mesures provisoires.

33      En vertu de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, les demandes relatives à des mesures provisoires doivent spécifier, notamment, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi des mesures auxquelles elles concluent.

34      Selon une jurisprudence constante, les conditions relatives à l’urgence et au fumus boni juris sont cumulatives, de sorte qu’une demande de mesures provisoires doit être rejetée dès lors que l’une de ces conditions fait défaut (ordonnance du président du Tribunal de première instance du 9 août 2001, De Nicola/BEI, T‑120/01 R, RecFP p. I‑A‑171 et II‑783, point 12; ordonnance du président du Tribunal du 31 mai 2006, Bianchi/ETF, F‑38/06 R, RecFP p. I‑A‑1‑27 et II‑A‑1‑93, point 20). Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président du Tribunal de première instance du 10 septembre 1999, Elkaïm et Mazuel/Commission, T‑173/99 R, RecFP p. I‑A‑155 et II‑811, point 18).

35      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement (ordonnance De Nicola/BEI, précitée, point 13; ordonnance Bianchi/ETF, précitée, point 22).

36      Dans les circonstances de l’espèce, il y a tout d’abord lieu d’examiner si la condition relative à l’urgence est remplie.

 Arguments des parties

37      Pour établir l’urgence, la requérante fait valoir, en premier lieu, qu’après le 15 février 2010, date de la fin de son engagement, elle sera contrainte de chercher un nouvel emploi afin d’assurer sa subsistance et celle de sa famille. Or elle est de langue maternelle grecque et titulaire d’un diplôme acquis en Grèce. Dans ces conditions et compte tenu du taux de chômage très élevé qui existerait en Espagne, il serait extrêmement difficile pour elle de trouver un emploi à Alicante en dehors de l’OHMI. Retourner dans son pays d’origine, la Grèce, serait donc pour elle pratiquement la seule possibilité qui lui permettrait de retrouver du travail. Or, un tel retour risquerait de perturber très gravement sa vie familiale. En effet, d’une part, son mari, de nationalité espagnole, et qui ne parle pas le grec, devrait rester provisoirement en Espagne pour y travailler. D’autre part, sa fille, âgée de quatre ans, qui devrait la suivre en Grèce, serait arrachée à son environnement habituel, devrait subir la séparation temporaire de ses parents, serait confrontée à l’apprentissage d’une langue nouvelle, le grec, langue qui n’est pas utilisée au sein du foyer, toutes circonstances risquant de perturber son développement. Dans ces conditions, il serait impossible d’attendre l’issue de la procédure au principal sans que sa famille, et en particulier sa fille, ne subisse un dommage de nature psychique, qui ne saurait être compensé par de l’argent, et qui serait en outre constitutif, sur le plan juridique, d’une violation de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et des articles 7, 9, 15, 24, 27, 30, 33, 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000 telle que modifiée le 12 décembre 2007 à Strasbourg (JO C 303, p. 1).

38      En second lieu, la requérante fait valoir qu’elle a été élue membre du comité du personnel de l’OHMI, pour un mandat expirant normalement en juin 2011, mais auquel la fin de son engagement va mettre un terme dès le 15 février 2010. La requérante considère que, dans l’hypothèse où le Tribunal prononcerait un arrêt dont l’exécution impliquerait sa réintégration, son absence de participation au comité du personnel jusqu’à l’intervention d’un tel arrêt constituera un préjudice grave et qui ne pourra pas être réparé par l’allocation d’une somme d’argent. Selon ses termes, elle «risque d’être définitivement déchue de ses droits participatifs du fait de la cessation de son activité», et «[l]a manière de procéder de l’OHMI est constitutive d’une atteinte grave aux droits et devoirs qui sont les siens». La privation de l’exercice de son mandat qui sert la représentation des intérêts des fonctionnaires et des autres agents de l’Office constituerait un préjudice grave et irréparable qui justifierait l’octroi d’une mesure provisoire.

39      L’OHMI estime, en premier lieu, s’agissant de la vie privée, professionnelle et familiale de la requérante, que, bien que celle-ci affirme que ses arguments ne se rapportent pas à un éventuel préjudice financier, toutes les difficultés qu’elle allègue auraient trait à ce qu’elle estimerait que, pour assurer la subsistance de sa famille, elle devrait trouver du travail en dehors de l’Espagne. Par conséquent, le préjudice qu’elle allègue serait essentiellement de nature financière. Or, un tel préjudice ne serait pas irréparable, car il pourrait être compensé ultérieurement. L’OHMI relève que, si la requérante devait se trouver au chômage après la fin de son contrat, elle touchera des allocations de chômage, ce qui lui permettra d’assurer sa subsistance et celle de sa famille durant une période transitoire, avant qu’elle ne retrouve un autre emploi. L’OHMI fait valoir, en outre, que la requérante a été recrutée comme expatriée et qu’elle a bénéficié à ce titre de l’indemnité d’expatriation, qui serait destinée à compenser les incertitudes et les risques plus grands liés à une prise de poste dans un autre État membre que celui dont l’intéressé est ressortissant. Selon l’OHMI, il ne serait pas inacceptable de devoir rentrer dans son pays d’origine lorsqu’on a bénéficié de l’indemnité d’expatriation. L’OHMI relève, par ailleurs, que le comportement même de la requérante donnerait à penser que le fait qu’elle soit éventuellement dans l’obligation de vivre en Grèce pendant une période transitoire ne serait pas susceptible de lui infliger un préjudice grave et irréparable. En effet, en congé de maladie depuis le 25 juin 2009, elle séjournerait en Grèce à sa demande expresse pour la durée de ce congé. Le fait que la requérante réside en Grèce depuis plus de six mois serait contradictoire avec son affirmation selon laquelle un retour provisoire en Grèce, jusqu’à la fin de la procédure au fond, risquerait d’infliger à sa famille, et en particulier à sa fille, un préjudice grave et irréparable.

40      En second lieu, s’agissant de la poursuite du mandat d’élue du personnel, l’OHMI souligne que, lorsque la requérante s’est présentée aux élections au comité du personnel, elle savait que son contrat d’agent temporaire contenait une clause de résiliation, et avait déjà reçu la lettre du 19 décembre 2007 du directeur des ressources humaines lui indiquant que les concours qui avaient été publiés étaient ceux qui étaient susceptibles de déclencher l’application de ladite clause. Selon l’OHMI, elle était donc consciente de ce qu’elle ne pourrait éventuellement pas aller au terme de son mandat de représentante du personnel. Par ailleurs, l’OHMI fait valoir que la requérante n’aurait subi aucun préjudice «du fait de l’exercice de ses fonctions» de représentante du personnel. En effet, la fin du contrat d’agent temporaire de la requérante, en application de la clause contractuelle de résiliation, serait totalement étrangère à la participation de l’intéressée au comité du personnel.

 Appréciation du président du Tribunal

41      Selon une jurisprudence constante, la finalité de la procédure en référé n’est pas d’assurer la réparation d’un préjudice, mais de garantir la pleine efficacité de l’arrêt au fond. Pour atteindre ce dernier objectif, il faut que les mesures sollicitées soient urgentes en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’elles soient prononcées et produisent leurs effets dès avant la décision au principal [ordonnance du président de la Cour du 25 mars 1999, Willeme/Commission, C‑65/99 P(R), Rec. p. I‑1857, point 62; ordonnance Elkaïm et Mazuel/Commission, précitée, point 25]. En outre, c’est à la partie qui demande l’octroi de mesures provisoires qu’il appartient d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal, sans avoir à subir un préjudice de cette nature (ordonnance du président du Tribunal de première instance du 19 décembre 2002, Esch-Leonhardt e.a./BCE, T‑320/02 R, RecFP p. I‑A‑325 et II‑1555, point 27).

42      S’agissant du premier argument soulevé par la requérante, selon lequel, dans l’hypothèse où il ne serait pas fait droit à sa demande de mesures provisoires, elle se verrait dans l’obligation de retourner dans son pays d’origine pour trouver un travail, ce qui risquerait de perturber sa vie familiale, le Tribunal a récemment jugé que la simple nécessité de trouver un poste à l’étranger ne saurait, en principe, constituer en soi un préjudice grave et irréparable (ordonnance du président du Tribunal du 25 avril 2008, Bennett e.a./OHMI, F‑19/08 R, non encore publiée au Recueil, point 28).

43      Il en est ainsi à plus forte raison dans le cas où une personne, alors qu’elle a choisi délibérément de quitter son pays d’origine pour accepter un engagement, en tant qu’agent temporaire ou contractuel, au sein d’une institution ou d’une agence de l’Union européenne, estime nécessaire ou se voit dans l’obligation de retourner dans son pays d’origine pour y chercher du travail à la suite de l’expiration de son contrat ou d’une résiliation de celui-ci, ses qualifications professionnelles et linguistiques ne correspondant pas à celles qui sont recherchées habituellement par les employeurs du pays dans lequel l’institution ou l’agence a son siège.

44      En l’espèce, la requérante fait valoir que l’obligation qui sera la sienne de retourner en Grèce, son pays d’origine, risque de perturber sa vie familiale, dans la mesure où, d’une part, son mari, qui ne parle pas le grec, devra rester provisoirement en Espagne pour y travailler, et où, d’autre part, sa fille, qu’elle va devoir emmener avec elle, sera arrachée à son environnement habituel.

45      Il y a lieu de constater que l’obligation de quitter le territoire espagnol alléguée par la requérante ne lui est imposée par aucun texte légal ou réglementaire, ni par aucune décision, et qu’elle ne présente donc pas un caractère juridique, mais qu’elle résulte de circonstances purement matérielles, en ce qu’elle répondrait à la nécessité pour l’intéressée de trouver du travail afin de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.

46      Or, les circonstances matérielles qui fonderaient l’existence d’une telle obligation ne sont pas établies. En effet, d’une part, à la suite de la résiliation de son contrat d’agent temporaire, la requérante bénéficiera de l’allocation de chômage prévue à l’article 28 bis du RAA, dans l’hypothèse où elle ne retrouverait pas de travail en Espagne. D’autre part, la requérante n’apporte aucun élément concret permettant d’établir que le salaire de son mari, qui travaille en Espagne, ainsi que l’allocation de chômage dont elle bénéficiera ne permettront pas de subvenir aux besoins élémentaires d’une famille de trois personnes jusqu’au prononcé de l’arrêt au principal. Dans ces conditions, il ne peut pas être considéré que l’exécution des décisions attaquées va placer la requérante dans un état de nécessité tel qu’elle sera dans l’obligation matérielle de quitter l’Espagne.

47      Ainsi, sans sous-estimer les difficultés d’ordre familial engendrées par la résiliation du contrat de la requérante, il y a lieu de constater que les perturbations dans sa vie privée et familiale que celle-ci redoute en cas d’absence d’octroi du sursis à l’exécution des décisions attaquées n’ont rien d’exceptionnel, et sont essentiellement liées aux choix professionnels et familiaux qu’a faits l’intéressée.

48      Dans les circonstances de l’espèce, il n’est donc pas démontré par la requérante que les perturbations qu’elle allègue constitueraient une ingérence dans son droit au respect de sa vie privée et familiale, lui causant un préjudice grave et irréparable justifiant l’octroi du sursis à l’exécution des décisions attaquées.

49      En second lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel elle ne pourra plus exercer son mandat de représentante au sein du comité du personnel, il peut être considéré, d’une part, que, en écrivant qu’elle «risque d’être définitivement déchue de ses droits participatifs du fait de la cessation de son activité» et que «la manière de procéder de l’OHMI est constitutive d’une atteinte grave aux droits et devoirs qui sont les siens», la requérante soulève un moyen tiré de la violation de ses droits en tant que représentante du personnel.

50      Il importe de rappeler, à cet égard, que, en vertu de l’article 1er, sixième alinéa, de l’annexe II du statut, un membre du comité du personnel ne peut subir aucun préjudice du fait de l’exercice de ses fonctions au sein dudit comité.

51      Dans la mesure où l’exercice des fonctions au sein du comité du personnel est lié à la qualité de membre du personnel, et n’existe pas indépendamment du contrat qui lie l’agent à une institution ou une agence, quand le contrat d’un agent membre du comité du personnel prend fin, son mandat de représentant du personnel au sein du comité du personnel prend également fin de plein droit, par voie de conséquence.

52      Ce n’est que lorsqu’un agent subit un préjudice, par exemple un licenciement, «du fait» de l’exercice de ses fonctions au sein du comité du personnel que l’article 1er, sixième alinéa, de l’annexe II du statut est violé.

53      En l’espèce, l’OHMI, dans la décision du 12 mars 2009, motive la résiliation du contrat de la requérante par la mise en œuvre de la clause de résiliation contractuelle, elle-même motivée par l’absence d’inscription de l’intéressée sur l’une quelconque des listes de réserve des concours déclenchant l’application de cette clause. En outre, l’introduction de la clause de résiliation dans le contrat d’agent temporaire de la requérante, le 1er juin 2005, est antérieure à l’élection de celle-ci au comité du personnel en juin 2008, et à l’exercice par celle-ci de ses fonctions au sein du comité du personnel, à compter de mai 2009. Enfin, la requérante n’allègue à aucun moment que la fin de son contrat pourrait être liée à l’exercice de son mandat de représentante au sein du comité du personnel.

54      Ainsi, au vu des éléments avancés dans la demande en référé, la résiliation du contrat de la requérante apparaît dépourvue de lien avec l’exercice de son mandat de représentante du personnel, et par conséquent insusceptible de méconnaître l’article 1er, sixième alinéa, de l’annexe II du statut. Une telle résiliation ne peut donc infliger à l’intéressée un éventuel préjudice moral consistant en une atteinte à ses droits en tant que représentante du personnel.

55      D’autre part, l’argumentation de la requérante peut être interprétée en ce sens que l’impossibilité d’exercer ses fonctions au sein du comité du personnel lui infligerait un préjudice moral qui ne pourrait être réparé par une somme d’argent, et ce indépendamment même d’une ingérence dans l’exercice de ses droits en tant que représentante du personnel.

56      Or, une telle argumentation ne saurait prospérer. En effet, le fait que la requérante soit privée, en conséquence de la résiliation de son contrat, de l’éventuel épanouissement personnel que lui procure son mandat de représentante du personnel n’est pas de nature à lui infliger un préjudice grave et irréparable justifiant l’octroi du sursis à l’exécution des décisions attaquées.

57      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la condition relative à l’urgence n’est pas établie. Dès lors, la présente demande en référé doit être rejetée, sans qu’il y ait lieu d’examiner si la condition relative au fumus boni juris est remplie.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE

ordonne:

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 23 février 2010.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l’Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu


* Langue de procédure: l’allemand.