Language of document : ECLI:EU:T:2000:174

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

29 juin 2000 (1)

«CECA - Recours en annulation - Aides d'État - Notion d'aide - Critère de l'investisseur privé - Unité économique - Montant de l'aide - Détournement de pouvoir»

Dans l'affaire T-234/95,

DSG Dradenauer Stahlgesellschaft mbH, anciennement Hamburger Stahlwerke GmbH, établie à Hambourg (Allemagne), représentée initialement par Me A. Löhde, avocat à Hambourg, puis par Mes W. Hofer, U. Theune, M. Luther et K. von Gierke, avocats à Hambourg, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me L. Dupong, 4-6, rue de la Boucherie,

partie requérante,

soutenue par

République fédérale d'Allemagne, représentée initialement par M. E. Röder puis par M. W.-D. Plessing, Ministerialrat au ministère fédéral des Finances, en qualité d'agent, assisté de Mes M. Schütte, avocat à Berlin et à Bruxelles, W. Mueller-Stöfen, avocat à Hambourg, et W. Kirchhoff, avocat à Düsseldorf, Graurheindorferstraße 108, Bonn (Allemagne),

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. P. Nemitz, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de MM. M. Hilf, professeur à l'université de Hambourg, et P. Hommelhoff, professeur à l'université de Heidelberg, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté par Mme L. Nicoll, Treasury Solicitor, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade du Royaume-Uni, 14, boulevard Roosevelt,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 96/236/CECA de la Commission, du 31 octobre 1995, relative à une aide d'État accordée par la ville de Hambourg à l'entreprise sidérurgique CECA Hamburger Stahlwerke GmbH de Hambourg (JO 1996, L 78, p. 31),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas, Mme P. Lindh, MM. J. Pirrung et M. Vilaras, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 18 mars 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (ci-après le «traité CECA») prohibe, en principe, les aides d'État accordées à des entreprises sidérurgiques. Son article 4, sous c), dispose, ainsi, que sont incompatibles avec le marché commun du charbon et de l'acier et, en conséquence, interdites dans les conditions prévues audit traité «les subventions ou aides accordées par les États ou les charges spéciales imposées par eux, sous quelque forme que ce soit».

2.
    L'article 95, premier et deuxième alinéas, du traité CECA énonce:

«Dans tous les cas non prévus au présent traité, dans lesquels une décision ou une recommandation de la Haute Autorité apparaît nécessaire pour réaliser dans le fonctionnement du marché commun du charbon et de l'acier et conformément aux dispositions de l'article 5, l'un des objets de la Communauté, tels qu'ils sont définis aux articles 2, 3 et 4, cette décision ou cette recommandation peut être prise sur avis conforme du Conseil statuant à l'unanimité et après consultation du Comité consultatif.

La même décision ou recommandation, prise dans la même forme, détermine éventuellement les sanctions applicables.»

3.
    Afin de répondre aux exigences de la restructuration du secteur de la sidérurgie, la Commission s'est fondée sur les dispositions précitées de l'article 95 du traité pour mettre en place, à partir du début des années 80, un régime communautaire autorisant l'octroi d'aides d'État à la sidérurgie dans certains cas limitativement énumérés. Ce régime a fait l'objet d'adaptations successives, en vue de faire face aux difficultés conjoncturelles de l'industrie sidérurgique. Les décisions successives adoptées à cet égard sont communément appelées «code des aides à la sidérurgie».

4.
    Le code communautaire des aides à la sidérurgie en vigueur à la date d'ouverture de la procédure administrative dans la présente espèce est, ainsi, le cinquième de la série [décision n° 3855/91/CECA de la Commission, du 27 novembre 1991, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 362, p. 57, ci-après le «cinquième code des aides à la sidérurgie»)].

5.
    L'objectif poursuivi par le cinquième code des aides à la sidérurgie est de ne pas priver la sidérurgie du bénéfice des aides à la recherche et au développement, ainsi que de celles destinées à lui permettre d'adapter ses installations aux normes nouvelles de protection de l'environnement. Afin de réduire les surcapacités de production et de rééquilibrer le marché, il autorise également, sous certaines conditions, «les aides sociales susceptibles de favoriser une fermeture partielle d'installations et des aides au financement d'une cessation définitive de touteactivité CECA des entreprises les moins compétitives». Enfin, il n'autorise ni les aides au fonctionnement ni les aides à la restructuration, à l'exception des «aides régionales à l'investissement pour certains États membres».

6.
    L'article 1er, paragraphes 1 et 2, du cinquième code des aides à la sidérurgie prévoit:

«1.    Toutes les aides à la sidérurgie financées par un État membre, ainsi que par des collectivités territoriales ou au moyen de ressources d'État, sous quelque forme que ce soit et qu'elles soient ou non spécifiques, ne peuvent être considérées comme des aides communautaires et, partant, comme compatibles avec le bon fonctionnement du marché commun que si elles satisfont aux dispositions des articles 2 à 5.

2.     La notion d'aides couvre également les éléments d'aide contenus dans les transferts de ressources d'État tels que prises de participations, dotations en capital ou mesures similaires (comme les emprunts obligataires convertibles en actions ou les prêts pour lesquels le rendement financier est au moins partiellement fonction des résultats de l'entreprise) effectués par les États membres, les collectivités territoriales ou des organismes au bénéfice d'entreprises sidérurgiques qui ne peuvent être considérés comme un véritable apport de capital à risque selon la pratique normale des sociétés en économie de marché.»

7.
    L'article 6, paragraphe 2, du cinquième code des aides à la sidérurgie dispose:

«La Commission est informée en temps utile pour présenter ses observations et, au plus tard, le 30 juin 1996 de tout projet d'interventions financières (prises de participations, dotations en capital ou mesures similaires) des États membres, des collectivités territoriales ou des organismes utilisant à cette fin des ressources d'État au bénéfice d'entreprises sidérurgiques.

La Commission détermine si ces interventions contiennent des éléments d'aide aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, et apprécie, le cas échéant, leur compatibilité avec les dispositions des articles 2 à 5.»

Faits à l'origine du litige

1. Faits antérieurs aux mesures litigieuses

8.
    Hamburger Stahlwerke GmbH (ci-après l'«ancienne HSW»), aujourd'hui DSG Dradenauer Stahlgesellschaft mbH (ci-après «Dradenauer»), a été créée en 1961. Elle fabrique, depuis 1969, des produits répertoriés à l'annexe I du traité CECA et relève, à ce titre, de l'article 80 du traité CECA. Hamburgische Landesbank Girozentrale (ci-après «HLB») a acquis des parts du capital de l'ancienne HSW dès 1972. Elle a, à partir de 1974, détenu, de manière constante, 49 % des partsdu capital de HSW en fiducie, en tant que nantissement pour des crédits de trésorerie et d'investissement qu'elle lui avait accordés sans garantie ou sûreté de la ville de Hambourg.

9.
    Les pertes subies par l'ancienne HSW de 1969 à 1981, d'un montant de 204 millions de DEM, ont été couvertes par les associés statutaires. À la suite de l'enregistrement, en 1982, de pertes d'un montant de 172 millions de DEM non couvertes par ces associés, une procédure de concordat puis de liquidation de biens a été ouverte le 9 décembre 1983.

2. Prêt de capital social

10.
    Afin, selon le gouvernement allemand, de recouvrer une partie de leurs créances exigibles sur l'ancienne HSW, d'un montant total de 181 millions de DEM au jour de l'ouverture de la liquidation, la ville de Hambourg (garantissant 129 millions de ces créances) et HLB (assumant seule le risque financier pour les 52 millions restants) ont décidé, en 1984, de contribuer financièrement à la poursuite de l'exploitation de l'ancienne HSW. La ville de Hambourg a ainsi mis à la disposition de HLB 20 millions de DEM que cette dernière a prêtés au curateur et au gérant de l'ancienne HSW (ci-après les «commanditaires»). Ces derniers ont ainsi créé Protei Produktionsbeteiligungen GmbH & Co (ci-après «Protei») en apportant, en sus des 20 millions empruntés, 200 000 DEM au capital social.

11.
    Protei a ensuite fondé, en apportant les 20,2 millions de DEM de son capital, la Neue Hamburger Stahlwerke GmbH qui a repris, en 1984, les activités et les actifs de l'ancienne HSW. Neue Hamburger Stahlwerke a été rebaptisée, la même année, Hamburger Stahlwerke GmbH (ci-après «HSW»).

12.
    Il a été convenu, aux termes du contrat conclu entre HLB, Protei et les commanditaires, que le remboursement du prêt de 20 millions de DEM et les intérêts s'y rapportant (le taux applicable étant le taux d'escompte majoré de 7,5 % avec un seuil annuel de 15 %) n'interviendrait que dans l'hypothèse où cette dernière ferait des bénéfices. Il a également été convenu que Protei transférerait son droit à la participation aux bénéfices de HSW à HLB dans une proportion équivalente à celle de la somme prêtée par rapport au capital social de HSW.

13.
    Selon le gouvernement allemand, la poursuite de l'exploitation de l'ancienne HSW par HSW a permis de réduire les pertes résultant du financement de l'ancienne HSW de 52 à moins de 5 millions de DEM pour les pertes relevant de HLB et de 129 à 52 millions de DEM pour celles relevant de la ville de Hambourg.

14.
    Le 20 décembre 1984 et le 9 décembre 1985, la Commission a autorisé le versement à HSW d'aides directes d'un montant total de 46 millions de DEM, destinées à l'investissement, à la fermeture, à la recherche et développement et àla couverture de pertes d'exploitation ainsi que la constitution d'une garantie d'État de 40 millions de DEM. Cependant, seuls 23,5 millions de DEM d'aides ont été versés et des garanties pour un montant de 27 millions de DEM sont demeurées inutilisées.

15.
    Un arrêt du Bundesgerichtshof du 19 septembre 1988 a constaté que, HLB étant à la fois un associé de l'ancienne HSW et la société fiduciaire de la ville de Hambourg, les prêts en cause devaient être qualifiés de prêts participatifs. Il résultait de cette qualification que les créances correspondantes ne pouvaient être recouvrées que si la liquidation de l'ancienne HSW donnait lieu à un excédent après désintéressement de l'ensemble des créanciers privilégiés ou non.

3. Ligne de crédit de 1984

16.
    Lors du démarrage de son activité en 1984, HSW s'est vu attribuer par HLB une ligne de crédit à renouvellement automatique de 130 millions de DEM, sur la base de contrats annuels régulièrement prorogés, dont 52 millions aux risques et périls de HLB et 78 millions sur ordre de la ville de Hambourg. En contrepartie de cette ligne de crédit, HLB s'est vu octroyer des sûretés.

17.
    De 1984 à 1993, HSW a enregistré six années de pertes et quatre années de bénéfices. La ligne de crédit de 130 millions de DEM n'a pas été entièrement utilisée avant 1992.

4. Ligne de crédit de décembre 1992

18.
    HSW ayant enregistré des pertes d'environ 20 millions de DEM en 1992, sa situation a nécessité, outre le renouvellement de la ligne de crédit de 130 millions de DEM accordée par HLB, une augmentation de celle-ci de 20 millions. HLB a décidé de renouveler les 52 millions de DEM de ligne de crédit dont elle assume les risques et n'a pas participé à l'augmentation de cette dernière. La ville de Hambourg a, quant à elle, décidé de renouveler l'ordre d'ouverture de crédit de 78 millions de DEM et également d'ordonner à HLB d'augmenter la ligne de crédit de 20 millions. Toutefois, HLB et la ville de Hambourg ont exigé que l'octroi de ce crédit soit subordonné à l'adoption, par HSW, d'un plan de restructuration.

5. Ligne de crédit de décembre 1993

19.
    En 1993, HSW a enregistré des pertes d'un montant total de 24,4 millions de DEM requérant de nouveau un renouvellement de la ligne de crédit ainsi qu'une augmentation de celle-ci. HLB ayant décidé d'arrêter le financement de l'entreprise, la ville de Hambourg a ordonné à HLB d'accorder à HSW une ligne de crédit (avec effet au 1er janvier 1994) de 150 millions de DEM, augmentée de24 millions, ainsi que l'octroi d'un crédit de soudure de 10 millions. La ville de Hambourg assumait alors l'intégralité du risque économique résultant de ce prêt total de 184 millions de DEM.

6. Vente de HSW

20.
    Antérieurement à l'octroi de ce prêt, consenti en décembre 1993, des contacts avaient été pris en vue de la cession de HSW. Un rapport d'expertise demandé par la commission des crédits de la ville de Hambourg préconisait, quant à lui, la privatisation de HSW. Selon ce rapport, daté du 19 janvier 1994, (ci-après le «rapport Mac Kinsey»), la faillite de HSW aurait entraîné pour la ville de Hambourg une perte de 200 millions de DEM.

21.
    Protei a transféré sa participation dans le capital de HSW au gérant de l'ancienne HSW en février 1994 contre un montant de 275 000 DEM, financé par un prêt de HLB et contre l'endossement des 17,2 millions de DEM restant à rembourser sur le prêt de 20 millions consenti lors de la création de Protei.

22.
    Par contrat du 27 décembre 1994, la société néerlandaise Venuda Investments BV appartenant au groupe ISPAT (ci-après «ISPAT») a acquis HSW en versant, d'une part, 10 millions de DEM au gérant qui les a immédiatement transmis à HLB, éteignant ainsi les créances détenues par cette dernière, et, d'autre part, en concluant un contrat avec HLB portant sur la cession des créances de cette dernière afférentes à la ligne de crédit. Une clause du contrat définissait les modalités pour déterminer le prix d'achat des créances. Ce contrat obligeait ISPAT à poursuivre les activités de HSW, à maintenir 630 emplois dans l'entreprise, à réaliser des investissements à hauteur de 70 millions de DEM et à apporter des fonds propres de 30 millions.

Procédure administrative

23.
    Ayant appris par voie de presse que la ville de Hambourg soutenait financièrement HSW, la Commission a, par courriers des 24 janvier et 2 février 1994, invité le gouvernement allemand à lui fournir des informations à ce sujet.

24.
    Après examen des informations transmises, la Commission a considéré que les mesures financières dont a bénéficié HSW pouvaient constituer des aides d'État incompatibles avec le traité CECA et le cinquième code des aides à la sidérurgie.

25.
    Par lettre du 14 juillet 1994, la Commission a informé le gouvernement allemand de sa décision d'ouvrir la procédure de l'article 6, paragraphe 4, dudit code. Lors de la publication de cette décision (JO C 293, p. 3), la Commission a mis les autresÉtats membres et les tiers intéressés en demeure de présenter leurs observations sur les mesures en cause dans le délai d'un mois.

26.
    Par une communication à la Commission du 8 septembre 1994, le gouvernement allemand a présenté ses observations, par lesquelles il faisait valoir que les mesures financières en cause n'étaient pas des aides d'État. D'autres États membres ainsi que des tiers intéressés se sont manifestés en transmettant à la Commission leurs observations.

27.
    Par la suite, le gouvernement allemand a envoyé une série de lettres à la Commission et a participé à plusieurs réunions organisées par cette dernière. Il a également demandé, par lettre du 23 juin 1995, que soit reportée l'adoption de la décision de la Commission afin de lui permettre de démontrer que HSW était apte à assurer par elle-même son financement grâce à ses propres sûretés. La Commission a fait droit à cette demande.

28.
    Par communication du 18 août 1995, le gouvernement allemand a transmis de nouvelles informations à la Commission.

Décision attaquée

29.
    Le 31 octobre 1995, la Commission a adopté sa décision 96/236/CECA, relative à une aide d'État accordée par la ville de Hambourg à l'entreprise sidérurgique CECA Hamburger Stahlwerke GmbH de Hambourg (JO 1996, L 78, p. 31, ci-après la «décision attaquée»), qui énonce:

«Article premier

L'apport de 20 millions de [DEM] au capital social de [HSW], effectué sous la forme d'un prêt consenti par la ville de Hambourg par l'intermédiaire de [HLB] aux commanditaires de [Protei] et à cette entreprise elle-même constitue une aide d'État. Celle-ci avait déjà été autorisée par la Commission en 1984/1985.

Article 2

Les prêts consentis à [HSW] en décembre 1992 dans le cadre de l'extension de 20 millions de [DEM] de la ligne de crédit accordée à l'entreprise par [HLB] sur ordre de la ville de Hambourg et ceux accordés à la même entreprise par [HLB] sur ordre de la ville de Hambourg dans le cadre de la ligne de crédit totale de 174 millions de [DEM] et du crédit de soudure de 10 millions de [DEM] consentis en décembre 1993 constituent une aide d'État incompatible avec le traité CECA et le code des aides à la sidérurgie.

Article 3

L'Allemagne exige de l'entreprise bénéficiaire le remboursement des aides visées à l'article 2. Le remboursement s'effectue selon les procédures et les dispositions du droit allemand, intérêts pro rata temporis compris à compter du jour où les aides ont été versées et à concurrence du taux de référence utilisé pour l'examen des régimes d'aides à finalité régionale. Les intérêts déjà versés en vertu de l'accord conclu sur la ligne de crédit sont déduits. Le prix d'achat que Venuda Investments BV paiera pour la cession des créances de [HLB] est considéré comme une partie du remboursement de l'aide.»

30.
    L'appréciation de la Commission peut être résumée comme suit (point IV des considérants de la décision).

31.
    La Commission énonce liminairement que, depuis sa création en 1984, HSW a été, de fait, une entreprise publique, l'État ayant constitué l'intégralité du capital social et l'ayant apporté à l'entreprise par l'intermédiaire de HLB, du curateur, du gérant et de Protei. Elle considère également que c'est grâce au système de contrats signés en 1984 que la ville s'est assurée le contrôle de HSW par l'intermédiaire de HLB.

1. Prêt de capital social

32.
    La Commission constate que le prêt de capital social de 20 millions de DEM consenti par la ville de Hambourg à Protei par le biais de HLB afin de constituer le capital initial de HSW était équivalent à un apport de fonds propres.

33.
    Selon la Commission, contrairement à l'allégation du gouvernement fédéral allemand, un investisseur privé ne se trouvant pas dans un rapport particulier avec l'ancienne HSW n'aurait pas offert de capital à risque pour financer une société de continuation. À l'appui de cette affirmation, elle constate, d'une part, que le syndic du concordat a tenté en vain, durant une année, de trouver un investisseur privé disposé à reprendre les activités de HSW et que, d'autre part, lorsqu'elle a examiné en 1984 les aides liées au plan de restructuration présentées par le gouvernement fédéral, si elle a considéré que HSW était viable, c'était au regard de l'intention présumée de l'investisseur privé Protei d'apporter des fonds propres. Les aides, grâce auxquelles HSW a été jugé économiquement viable, étaient considérées par la Commission comme limitées au montant nécessaire à la restructuration. Ainsi, la Commission considère que le fait qu'il ait été impossible de trouver un investisseur privé disposé à reprendre les activités de l'ancienne HSW, malgré la perspective d'obtenir des aides considérables, établit qu'un investisseur privé n'aurait pas été prêt à engager du capital à risque.

34.
    La Commission considère que cette analyse n'est pas contredite par la participation de HLB au financement de HSW. La banque n'aurait pas consenti les prêts liés àla ligne de crédit à des conditions qui permettaient de les considérer, dès le départ, comme équivalents à des fonds propres. La Commission constate que HSW a dû payer des intérêts également les années où elle ne réalisait pas de bénéfices et que HLB a assuré la couverture de son prêt par des sûretés valables aussi longtemps qu'il n'était pas considéré comme un prêt participatif.

35.
    La Commission en conclut que le prêt de 20 millions de DEM constitue une aide d'État. Toutefois, cette aide est couverte par les précédentes autorisations qu'elle a données en 1984 et 1985.

2. Ligne de crédit de 1984

36.
    La Commission considère, concernant la ligne de crédit consentie par HLB et largement couverte par l'ordre de la ville de Hambourg, qu'il convient d'analyser ces mesures financières au regard des circonstances ayant entouré la création de la nouvelle HSW.

37.
    Elle rappelle que HLB et la ville de Hambourg ont pu penser, à l'ouverture de la liquidation judiciaire de l'ancienne HSW, que leurs créances, respectivement de 52 et 129 millions de DEM, pourraient ne pas être honorées du fait de leur éventuelle qualification de prêts participatifs. Dès lors, afin d'obtenir le recouvrement partiel de leurs créances, HLB et la ville de Hambourg étaient disposées à mettre à la disposition de HSW un montant correspondant à leurs créances en vue de permettre la poursuite de l'exploitation de la société et d'éviter, ce faisant, les frais liés à la fermeture de l'entreprise.

38.
    La Commission constate que HLB a finalement obtenu le remboursement de 90 % de sa créance sur l'ancienne HSW, et la ville de Hambourg le remboursement de 60 % de la sienne. Cependant, la Commission distingue l'attitude de HLB et de la ville de Hambourg au motif qu'il existe une différence essentielle entre elles résidant dans la structure des sûretés qui leur ont été consenties. En effet, HLB a accordé la ligne de crédit avec des garanties lui assurant toujours la satisfaction de ses créances avant que la ville de Hambourg ne puisse tirer profit des sûretés constituées.

39.
    Selon la Commission, entre 1984 et 1992, période durant laquelle la ligne de crédit a été régulièrement reconduite, HSW n'éprouvait pas de difficultés financières nécessitant un nouvel apport de capital afin d'éviter la faillite. La Commission estime que HLB n'avait, par conséquent, pas de raisons de craindre de perdre les sûretés du fait de la nature participative des prêts, et cela bien que le système de contrats élaboré pour la continuation de HSW ait été une tentative de contourner cette qualification juridique. HLB pouvait donc s'appuyer tant sur le système de contrats que sur l'intention de la ville de Hambourg de maintenir HSW en activité pour espérer un retour sur investissement.

40.
    En conclusion, la Commission considère qu'il ne peut être totalement exclu que le comportement de la ville de Hambourg de 1984 à 1992 a été conforme à celui d'un investisseur privé se trouvant dans une situation comparable. Ainsi, la ligne de crédit consentie de 1984 jusqu'à la fin de 1992 par HLB et garantie à hauteur de 78 millions de DEM par la ville de Hambourg n'est pas, selon la Commission, une aide d'État.

3. Ligne de crédit de décembre 1992

41.
    La Commission rappelle que HSW a présenté, dès 1992, des difficultés financières qui ont nécessité un supplément de trésorerie.

42.
    Eu égard aux pertes enregistrées en 1991 et 1992, HLB a accepté de renouveler son engagement de 52 millions de DEM, mais a refusé de l'augmenter. La ville de Hambourg a, quant à elle, accepté de renouveler son engagement et de l'augmenter, portant ainsi sa couverture du risque sur HSW de 60 à 65,4 %. La Commission estime qu'il est compréhensible que HLB ait, d'une part, accepté de renouveler son engagement, étant considéré qu'elle avait récupéré 90 % de celui-ci, mais, d'autre part, refusé de l'augmenter eu égard à la situation du marché.

43.
    La Commission affirme également que l'argument du gouvernement fédéral selon lequel une banque privée aurait accordé l'augmentation nécessaire de la ligne de crédit car, dans le cas contraire, l'ensemble du prêt aurait été perdu n'est pas convaincant. L'engagement financier de HLB dans l'octroi d'une partie de la ligne de crédit n'est pas comparable à un prêt d'une banque privée. La Commission rappelle, à cet égard, que HLB se fondait sur l'intention de la ville de Hambourg de maintenir HSW en exploitation. De même, la Commission considère que l'argument du gouvernement fédéral allemand, selon lequel HSW n'a pas tiré profit de l'augmentation de la ligne de crédit, n'est pas fondé, le risque encouru pour HSW étant une incapacité de paiement. De surcroît, la Commission signale que HLB avait déjà contracté toutes les sûretés à son profit et que l'augmentation de 20 millions de DEM de la ligne de crédit était indispensable à la survie de l'entreprise.

44.
    La Commission estime que la ville de Hambourg a, quant à elle, en consentant cette augmentation de la ligne de crédit, risqué un montant supérieur à sa créance initiale à l'égard de l'ancienne HSW, de sorte que les motivations économiques particulières avancées pour justifier la continuation de l'entreprise ne peuvent expliquer ce comportement. Elle considère donc que cette augmentation de la ligne de crédit est une aide d'État incompatible avec l'article 4, sous c), du traité CECA.

4. Ligne de crédit de décembre 1993

45.
    La Commission constate que HSW a, en 1993, de nouveau enregistré un résultat d'exploitation négatif de 24,4 millions de DEM et que les experts mandatés par la commission des crédits de la ville de Hambourg ont constaté en décembre 1993-janvier 1994 (rapport Mac Kinsey) que HSW était à la limite du dépôt de bilan et qu'une privatisation était le meilleur moyen de limiter les pertes de la ville de Hambourg et de conserver les emplois.

46.
    HLB a décidé de ne pas renouveler la ligne de crédit qu'elle avait accordée sans garantie et d'arrêter le financement de l'entreprise. En revanche, la ville de Hambourg a décidé de prendre à sa charge la totalité du risque économique lié à HSW et a donné l'ordre à HLB de mettre à la disposition de l'entreprise, à partir de janvier 1994, une ligne de crédit de 174 millions de DEM, ainsi qu'un crédit de soudure de 10 millions.

47.
    La Commission considère que l'argument du gouvernement allemand selon lequel la décision de HLB reposait essentiellement sur un arrêt récemment publié aux termes duquel les prêts qu'elle avait consentis devaient être considérés comme des prêts participatifs n'est pas convaincant. En effet, l'arrêt en cause avait été publié dans une revue largement diffusée le 2 octobre 1992, c'est-à-dire avant même la décision de HLB de renouveler sa part de la ligne de crédit de 52 millions de DEM en 1992. En outre, elle affirme que HLB devait savoir que le système de contrats signés en 1984 visait à contourner la jurisprudence sur les prêts participatifs et que l'espoir de voir la ville de Hambourg renflouer HSW s'était amenuisé à la suite des conclusions du rapport Mac Kinsey.

48.
    Par conséquent, la Commission estime que HLB a considéré que les conditions particulières dans lesquelles était intervenu le financement initial de HSW ne suffisaient plus à justifier le risque économique lié à la poursuite de l'exploitation de HSW. Cette attitude serait justifiée par la situation de HSW se trouvant au bord de la faillite, l'annonce de nouvelles pertes, un marché ne s'étant pas amélioré et les conclusions du rapport d'expertise. Il en résulte, selon la Commission, qu'aucun investisseur privé n'aurait mis à la disposition de HSW de nouveaux capitaux et que la ligne de crédit ainsi que le crédit de soudure consentis sur ordre de la ville de Hambourg constituent une aide incompatible avec l'article 4, sous c), du traité CECA.

Procédure et conclusions des parties

49.
    C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 1995, la requérante a introduit le présent recours.

50.
    Par ordonnance du 8 mai 1996, la République fédérale d'Allemagne a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

51.
    La décision attaquée fait également l'objet d'un recours devant la Cour de justice, enregistré sous le numéro C-404/95. Par ordonnance du 10 décembre 1996, la Cour a suspendu cette affaire dans l'attente de l'arrêt du Tribunal.

52.
    Par ordonnance du 4 mars 1997, le Royaume-Uni a été admis à intervenir au soutien des conclusions de la défenderesse. Par cette même ordonnance, le Tribunal a examiné une demande de traitement confidentiel introduite par la requérante et accordé ce traitement à certaines informations contenues dans le dossier.

53.
    La République fédérale d'Allemagne et le Royaume-Uni, parties intervenantes, ont présenté leurs observations par mémoires déposés au greffe du Tribunal respectivement les 31 juillet 1996 et 11 août 1997. La Commission a commenté ces observations par mémoire du 4 décembre 1997.

54.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Conformément à l'article 64, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, les parties, ainsi que HLB, ont été invitées à répondre à certaines questions et à produire certains documents.

55.
    La République fédérale d'Allemagne, la Commission et la requérante ont, respectivement, par lettres des 12 février, 15 février et 18 février 1999, répondu à ces questions et produit les documents requis. HLB a, par lettre du 11 février 1999, également répondu à une question qui lui avait été posée. Les parties ont satisfait à ces demandes dans le délai imparti.

56.
    Les parties principales, ainsi que la République fédérale d'Allemagne, partie intervenante, ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales à l'audience du 18 mars 1999.

57.
    Lors de l'audience, la Commission a contesté, d'une part, l'utilité des questions posées par le Tribunal aux parties et à HLB et, d'autre part, la prise en considération, aux fins du présent recours, des nouveaux éléments de droit et de fait contenus dans ces réponses.

58.
    La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens.

59.
    La République fédérale d'Allemagne, partie intervenante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal annuler la décision attaquée.

60.
    La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

61.
    Le Royaume-Uni, partie intervenante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal rejeter le recours.

62.
    Dans sa réponse du 18 février 1999 aux questions du Tribunal, la requérante a déclaré qu'elle se désistait de son recours pour autant que celui-ci était dirigé contre l'article 1er de la décision attaquée. Elle a confirmé ce désistement lors de l'audience.

Sur les réponses aux questions écrites du Tribunal et des pièces jointes en annexe à ces réponses

63.
    La Commission a, lors de l'audience, fait valoir que seules les informations qui lui ont été transmises dans le cadre de la procédure administrative devaient être prises en compte par le Tribunal aux fins de son contrôle. Tel n'aurait pas été le cas du plan complet de restructuration de 1992 ainsi que de l'expertise Susat & Partner du 23 novembre 1992 transmise par la requérante en annexe à ses réponses aux questions du Tribunal. En outre, les réponses aux questions du Tribunal ne devraient pas, d'une part, permettre aux parties de présenter des faits postérieurs à la décision attaquée alors que la procédure administrative y menant a été clôturée et, d'autre part, avoir pour objet de soulever des arguments devant le Tribunal qui ne lui auraient pas été présentés.

64.
    Conformément à l'article 24 du statut CECA de la Cour de justice, applicable au Tribunal en vertu de l'article 46 de celui-ci, la Cour peut demander aux parties «de produire tous documents et de fournir toutes informations qu'elle estime désirables».

65.
    Il ressort ensuite de l'article 64, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, qui complète et précise les dispositions du statut, que les mesures d'organisation de la procédure ont, notamment, pour objet de préciser la portée des conclusions ainsi que des moyens et arguments des parties et de clarifier les points litigieux. À cet égard, l'article 64, paragraphe 3, de ce même règlement de procédure mentionne que ces mesures peuvent consister à:

«a)    poser des questions aux parties;

[...]

c)    demander des informations ou renseignements aux parties ou à des tiers;

d)    demander la production de documents ou de toute pièce relative à l'affaire

[...]»

66.
    En l'espèce, le Tribunal a jugé nécessaire, d'une part, de poser des questions écrites à la requérante, à la Commission et à la République fédérale d'Allemagne afin de recueillir des éclaircissements sur les moyens et arguments soulevés par celles-ci dans leurs mémoires et, d'autre part, d'inviter ces mêmes parties à produire certains documents cités dans lesdits mémoires. Une question écrite a également été adressée à HLB, tiers à la présente procédure, afin de clarifier un point litigieux sur lequel la requérante et la Commission s'opposent, à savoir si elle aurait consenti les prêts litigieux en l'absence d'ordre en ce sens de la ville de Hambourg.

67.
    À cet égard, il appartient au Tribunal d'apprécier, dans le cadre des moyens soulevés par les parties, la pertinence des réponses qu'elles apportent à ses questions et des documents qu'elles produisent. Dans le cadre de cette appréciation, il appartient également au Tribunal de tenir compte des observations de la Commission sur le point de savoir dans quelle mesure ces réponses et documents peuvent être pris en considération pour contrôler la légalité de la décision attaquée.

Sur le fond

68.
    La requérante soulève trois moyens au soutien de son recours. Le premier moyen est tiré d'une violation des formes substantielles, en ce que la décision attaquée serait fondée sur des faits inexacts et en ce que la Commission n'aurait pas examiné certains arguments. Le deuxième moyen est pris d'une violation du traité CECA et des règles de droit relatives à son application. Le dernier moyen est tiré d'un détournement de pouvoir de la Commission.

69.
    Toutefois, il y a lieu de relever que le premier moyen se rattache étroitement au deuxième moyen, qui est tiré d'une violation du traité CECA. En effet, le grief tiré de l'existence d'erreurs factuelles n'a pas de contenu autonome et ne saurait être qualifié de «violation de formes substantielles» au sens de l'article 33 du traité CECA.

70.
    Pour ce qui est des constatations factuelles de la Commission, il convient encore de relever qu'il existe une divergence entre la décision attaquée et la présentation des faits par la République fédérale d'Allemagne, partie intervenante. Cette dernière a fait observer, dans le cadre de ses remarques sur le rapport d'audience, qu'il n'est pas exact que la ligne de crédit de 150 millions de DEM accordée en décembre 1992 ait été garantie à hauteur de 98 millions par un ordre de crédit de la ville de Hambourg (78 millions pour garantir la ligne de crédit existante de 130 millions et 20 millions pour couvrir l'augmentation), alors que HLB s'engageait toujours à fournir un crédit sans garantie de 52 millions de DEM. Cette descriptiondes faits ne tiendrait pas compte de ce que l'ordre de crédit concernant la ligne de crédit de 130 millions de DEM aurait été augmenté, en décembre 1992, de 78 à 97,5 millions, portant ainsi la couverture de 60 à 75 % de cette somme. À cette couverture aurait été ajouté l'ordre de crédit pour l'augmentation de 20 millions de DEM, de sorte que le montant total couvert par les ordres de crédit de la ville de Hambourg à partir de décembre 1992 était de 117,5 millions.

71.
    À cet égard, il convient de constater que la requérante n'a pas soulevé ce point comme un moyen d'annulation de la décision attaquée et que, dans son mémoire en intervention, la République fédérale d'Allemagne s'y est référée dans une partie intitulée «À titre conservatoire: autres corrections», consacrée à des corrections de l'exposé de la Commission sur des points que la partie intervenante n'estime pas pertinents pour la décision du Tribunal. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu pour le Tribunal de vérifier si la décision attaquée est entachée d'une erreur factuelle sur ce point.

72.
    Il convient donc d'examiner conjointement les premier et deuxième moyens sous un seul moyen tiré d'une violation de l'article 4, sous c), du traité CECA et de l'article 1er, paragraphe 2, du code des aides à la sidérurgie en ce que la Commission aurait qualifié à tort les mesures litigieuses d'aides d'État.

1. Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 4, sous c), du traité CECA et de l'article 1er, paragraphe 2, du code des aides à la sidérurgie

Arguments des parties

73.
    La requérante fait grief à la Commission d'avoir, à tort, qualifié les mesures financières en cause d'aides d'État et soutient, à titre principal et en substance, que les mesures financières litigieuses auraient pu être accordées par un investisseur privé dans le cadre d'une économie de marché.

74.
    À cet égard, elle fait valoir, en premier lieu, que la ville de Hambourg et HLB forment une unité économique. En deuxième lieu, elle soutient que les lignes de crédit consenties en décembre 1992 et en décembre 1993 auraient pu être accordées par un investisseur privé. En troisième lieu, la requérante fait valoir qu'elle disposait de sûretés suffisantes afin d'obtenir de tiers des capitaux. Enfin, la requérante considère que, si la thèse de la Commission concluant à l'existence d'une aide d'État devait être admise, le montant de cette dernière ne correspondrait pas à celui indiqué par la Commission.

Sur l'unité économique entre la ville de Hambourg et HLB

75.
    La requérante, soutenue par la République fédérale d'Allemagne, fait valoir qu'il existait une unité économique entre la ville de Hambourg et HLB. Dès lors, laCommission aurait, à tort, distingué le comportement de HLB, d'une part, comme banque d'État et, d'autre part, comme banque commerciale et apprécié séparément les montants alloués en ces deux qualités. Il en résulterait également que HLB ne pouvait pas être considérée comme l'investisseur privé de référence.

76.
    Elle rappelle à l'appui de cet argument que, premièrement, HLB est une institution de droit public en vertu de l'article 1er, paragraphe 1, de HLB-Gesetz (loi sur HLB). Deuxièmement, la ville de Hambourg serait responsable sans limite des obligations contractées par HLB et devrait garantir l'exécution par HLB des missions qui lui sont confiées (article 4, paragraphes 1 et 2, de HLB-Gesetz). Troisièmement, contrairement à une banque commerciale normale, HLB n'aurait pas pour objectif premier la réalisation de bénéfices. Enfin, quatrièmement, la ville de Hambourg nommerait les membres du directoire et du conseil de surveillance de HLB.

77.
    La République fédérale d'Allemagne abonde en ce sens et justifie, à travers de nombreux arguments, l'application, à l'espèce, de la thèse de l'unité économique, rappelant à cet égard que, bien que HLB soit une personne morale autonome, cette circonstance n'exclut pas l'existence d'une unité économique. La garantie de fonctionnement («Anstaltslast») serait, à cet égard, déterminante dans la qualification, en l'espèce, d'une unité économique. Il s'agirait d'une garantie aux termes de laquelle l'institution de rattachement de l'organisme public assure que ce dernier est à même d'assumer sa fonction.

78.
    En outre, le succès économique de HLB, qui dépend largement de la gestion professionnelle des risques du crédit, serait déterminant pour le montant des bénéfices distribués par HLB et donc pour sa quote-part au budget de la ville de Hambourg. Ainsi, la participation de HLB au budget de la ville de Hambourg pourrait atteindre 6 % de son capital social. Par conséquent, la perte des crédits consentis par HLB à HSW aurait toujours des conséquences économiques pour la ville de Hambourg, que celle-ci ait ou non émis des ordres d'ouverture de crédit en faveur de HLB.

79.
    La République fédérale d'Allemagne affirme enfin que les critères de l'unité économique posés par la jurisprudence communautaire que sont la détention d'une majorité du capital (en l'espèce, HLB est détenue à 100 % par la ville de Hambourg), le pouvoir d'instruction et l'influence déterminante sont, en l'espèce, remplis. Les sommes versées à HSW par la ville de Hambourg et HLB devraient, par conséquent, s'apprécier globalement dans le cadre de la procédure de contrôle des aides.

80.
    La Commission affirme que, bien qu'une juridiction allemande ait considéré que la ville de Hambourg et HLB formaient une unité, il convient de constater que cette conclusion concerne un cadre juridique et des intérêts distincts de ceux de la présente espèce. En effet, l'appréciation portée par les juridictions allemandesconcernerait la relation unissant la ville de Hambourg à HLB dans le contexte de la liquidation des biens et non dans le contexte du contrôle des aides d'État. Ainsi, seraient à distinguer deux situations justifiant deux qualifications distinctes de la relation entre la ville de Hambourg et HLB. Dans la première, HLB aurait octroyé la somme de 129 millions de DEM sur ordre de la ville de Hambourg, constituant de ce fait un seul et même acte économique. Cependant, dans la seconde hypothèse, intéressant plus particulièrement la Commission et relative à la somme de 52 millions de DEM octroyée à HSW, HLB n'aurait pas bénéficié de la garantie de la ville de Hambourg et aurait effectué, de ce fait, une opération sans lien juridique ou économique avec la ville. La Commission affirme que, lors de l'entretien du 22 mai 1995 et dans sa communication du 8 septembre 1994, le gouvernement allemand a confirmé que HLB et la ville de Hambourg ne constituaient pas une unité économique. Elle en conclut que sa décision n'est pas fondée sur des faits inexacts.

81.
    La Commission rappelle également que, d'après les renseignements fournis par le gouvernement allemand, la ville de Hambourg et HLB étaient des personnes morales autonomes, nettement distinctes l'une de l'autre, qui ont pris leurs propres décisions au sujet de HSW, et que le gouvernement allemand n'a pas invoqué, lors de la procédure administrative, l'existence d'une unité économique entre la ville de Hambourg et HLB. Elle observe que HLB doit gérer ses opérations en conformité avec les usages commerciaux, en tenant compte de certains points d'économie générale, et établir, à ce titre, son bilan annuel. Par conséquent, eu égard à la souveraineté économique dont dispose HLB, elle ne formerait pas une unité économique avec la ville de Hambourg, cette hypothèse ne pouvant se rencontrer que lorsque HLB intervient sur ordre de la ville de Hambourg.

Sur les analyses de la Commission à propos des lignes de crédit consenties en décembre 1992 et en décembre 1993

- Augmentation de la ligne de crédit en décembre 1992

82.
    La requérante considère que l'augmentation de la ligne de crédit de 20 millions de DEM en décembre 1992 ne constitue pas une aide d'État.

83.
    D'une part, elle reproche à la Commission d'avoir fondé son appréciation sur la constatation que la ville de Hambourg aurait risqué, du fait de cette augmentation de la ligne de crédit, un montant supérieur à sa créance initiale à l'égard de l'ancienne HSW.

84.
    Premièrement, la Commission aurait fondé cette constatation sur des données erronées. Ainsi, la Commission n'aurait pas dû, pour ce calcul, prendre en considération les 23,5 millions d'aides versés en 1984, ceux-ci ayant de surcroît été versés par le gouvernement allemand et non par la ville de Hambourg. En tout état de cause, la requérante énonce que l'engagement, en décembre 1992, de la ville deHambourg et de HLB, qui forment une unité économique, reste inférieur à l'engagement qu'elles avaient consenti dans l'ancienne HSW.

85.
    Deuxièmement, la requérante affirme que, à supposer même que l'engagement de la ville de Hambourg en décembre 1992 ait été supérieur à celui consenti dans l'ancienne HSW, cela ne démontre pas que la ville de Hambourg ne se soit pas comportée comme un investisseur privé agissant sur le marché européen de l'acier en crise. En effet, dans l'hypothèse d'une faillite de HSW, la ville de Hambourg et HLB, constituant une unité économique, auraient perdu entre 120 et 150 millions de DEM du fait de l'application de la jurisprudence sur les prêts participatifs qui aurait empêché que HLB ne réalise les sûretés que lui avaient accordées HSW. En outre, l'augmentation de la ligne de crédit était légitimée par les perspectives financières favorables résultant de la mise en oeuvre du plan de restructuration, celui-ci ayant été contrôlé par des experts qui ont conclu à une amélioration des résultats et à la perspective d'un résultat équilibré dès 1994.

86.
    D'autre part, la requérante, confortée par la République fédérale d'Allemagne, estime que la Commission ne saurait déduire du comportement de HLB, qui a demandé à la ville de Hambourg de garantir l'augmentation de la ligne de crédit, que le comportement de la ville n'était pas conforme à celui d'un investisseur privé. La Commission n'aurait fourni aucun élément permettant de conclure que la décision de HLB aurait été négative sans l'octroi par la ville de Hambourg d'un tel ordre d'ouverture de crédit.

87.
    En conclusion, la requérante affirme que la ville de Hambourg et HLB se sont comportées comme des investisseurs apportant un capital à risque. L'augmentation de la ligne de crédit de 20 millions de DEM ne constituerait donc pas une aide d'État, dans la mesure où elle aurait pu obtenir ce crédit supplémentaire sur le marché privé des capitaux. D'ailleurs, la requérante propose au Tribunal d'ordonner une expertise établissant que le comportement de la ville de Hambourg et de HLB correspond, à cet égard, à celui d'un investisseur privé placé dans une situation identique.

88.
    La Commission rétorque que la décision attaquée tente de démontrer que l'engagement financier de la ville de Hambourg en décembre 1992 ne peut pas être motivé par les considérations économiques ayant justifié la décision de poursuivre l'exploitation de l'entreprise adoptée en 1984. En effet, eu égard à la situation catastrophique de HSW et à l'attitude de HLB en tant que banque commerciale se fondant sur des considérations de rentabilité purement économiques, la ville de Hambourg ne se serait pas comportée comme un investisseur privé.

89.
    D'une part, la situation à la fin de 1992 aurait été caractérisée par l'aggravation de la situation économique de la requérante, la poursuite par la ville de Hambourg d'objectifs liés au marché du travail et à la «politique structurelle» et la situation extrêmement compromise du marché européen de l'acier.

90.
    D'autre part, la Commission affirme que, contrairement aux allégations de la requérante, HLB n'était prête à augmenter la ligne de crédit de 20 millions de DEM qu'à la condition que la ville de Hambourg offre une garantie et assume donc seule le risque de cette augmentation. HLB serait en effet tenue de suivre des pratiques commerciales saines qui l'auraient conduites à exiger «encore plus fermement» une garantie globale de la ville de Hambourg.

- Ligne de crédit de décembre 1993

91.
    La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir considéré que la ville de Hambourg se comportait comme un investisseur privé en décidant, en décembre 1993, de prolonger et d'augmenter la ligne de crédit consentie en décembre 1992.

92.
    Malgré une mise en oeuvre positive du plan de restructuration, l'octroi d'un nouveau crédit aurait été rendu nécessaire par la conjoncture catastrophique du marché sidérurgique. À cet égard, la requérante reproche à la Commission d'avoir considéré que son évolution négative résultait de facteurs structurels et non conjoncturels.

93.
    La requérante affirme que c'est dans ce contexte qu'est intervenu le rapport Mac Kinsey, dont l'objectif aurait été mal interprété par la Commission. Selon la requérante, il s'agissait d'évaluer sa viabilité afin de juger de l'opportunité d'octroyer des crédits assortis de sûretés supplémentaires et non de se prononcer sur l'intérêt pour un gouvernement régional d'accorder ces mêmes crédits, ainsi que l'allègue la Commission. Le rapport Mac Kinsey aurait ainsi estimé que HSW était concurrentielle et proposé, de ce fait, une alternative consistant soit à poursuivre la production grâce à l'allocation de nouveaux crédits par HLB, soit à céder l'entreprise. La poursuite de la production, intervenant concomitamment à la restructuration de HSW et à l'augmentation des fonds propres, aurait probablement engendré, dès 1994, des résultats positifs (un bénéfice cumulé de la requérante de 25,8 millions de DEM était escompté pour 1994 et 1996). La fermeture de HSW, bien qu'envisagée par les experts, n'aurait pas été retenue du fait des coûts élevés de liquidation qu'elle aurait engendrés (environ 200 millions de DEM) comparé au coût global de la vente de l'entreprise (de 60 à 80 millions de DEM).

94.
    La requérante considère que ce sont ces perspectives positives envisagées par le rapport Mac Kinsey, ainsi que la volonté plus ferme de HLB, préoccupée par la consolidation de la jurisprudence sur les prêts participatifs, qui ont conduit la ville de Hambourg à donner un ordre d'ouverture de crédit global en décembre 1993.

95.
    En outre, elle expose qu'un investisseur privé n'aurait pas été dissuadé de participer à son financement en dépit de la perspective de sa cession. Au contraire, l'augmentation de la ligne de crédit aurait été motivée par la volonté de rendre possible cette cession. Les négociations de vente avec plusieurs producteurs d'acier,intervenues antérieurement à la présentation du rapport Mac Kinsey et à la décision de la ville de Hambourg d'augmenter la ligne de crédit, confirmeraient d'ailleurs cet état de fait.

96.
    Il résulterait donc de ces constatations que c'est à bon escient que la ville de Hambourg et HLB, agissant en qualité d'investisseur normal dans une économie de marché, ont décidé d'augmenter la ligne de crédit en décembre 1993. En effet, la requérante soutient que la prolongation et l'augmentation de la ligne de crédit litigieuse étaient les seules mesures que pouvait raisonnablement prendre un investisseur privé dans une économie de marché se trouvant dans une situation analogue à celle de la ville de Hambourg et de HLB. Elle estime que cela pourrait être corroboré par une expertise ordonnée par le Tribunal. De plus, les événements qui ont suivi auraient confirmé l'adéquation du comportement de la ville de Hambourg aux principes de l'économie de marché. Ainsi, sur le total de 184,975 millions de DEM d'engagement contracté par la ville de Hambourg et HLB, ces dernières auraient obtenu ou obtiendront 13,3 millions de remboursement des crédits non liquides, 54 à 58 millions provenant de la vente des crédits de caisse ainsi que 10 millions résultant de la vente des parts sociales, soit au total 81,3 millions.

97.
    La requérante reproche, en outre, à la Commission d'avoir déduit de la demande de HLB à la ville de Hambourg de lui fournir un ordre d'ouverture de crédit la constatation selon laquelle aucun investisseur privé n'aurait mis à sa disposition de nouveaux capitaux à la fin de 1993. Or, elle constate, d'une part, qu'elle aurait pu obtenir la prolongation et l'augmentation de cette ligne de crédit d'un tiers, tout investisseur privé consentant à la réalisation d'une telle opération eu égard aux perspectives positives annoncées par le rapport Mac Kinsey, et, d'autre part, que ces sommes ne constituent que des prêts consentis à un taux d'intérêt habituel.

98.
    Par ailleurs, les arrêts invoqués par la Commission dans la décision attaquée ne seraient pas de nature à permettre de qualifier les mesures financières de décembre 1993 d'aides d'État. Tout d'abord, l'arrêt de la Cour du 14 septembre 1994, Espagne/Commission (C-278/92, C-279/92 et C-280/92, Rec. p. I-4103), ne serait pas transposable à l'espèce, la perte encourue en cas de fermeture de HSW étant nettement supérieure à celle envisageable dans l'hypothèse d'une reconduction de la ligne de crédit. Au contraire, les principes de l'arrêt de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission (C-303/88, Rec. p. I-1433), seraient applicables à l'espèce. La requérante rappelle notamment que, selon cet arrêt, une société mère peut supporter les pertes de sa filiale pendant une période limitée afin de lui permettre la cessation de ses activités dans les meilleures conditions, et cela dans la perspective pour la société mère d'en tirer un profit matériel indirect, de maintenir l'image de marque du groupe ou de réorienter ses activités. La requérante précise que, contrairement à elle, ENI-Lanerossi (société en cause dans l'arrêt Italie/Commission, précité) n'était plus susceptible de faire l'objet d'une restructuration et avait subi des pertes ininterrompues de 1974 à 1987. Enfin, leprincipe dégagé par l'arrêt de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission (C-305/89, Rec. p. I-1603, point 20), concernant la société Alfa Romeo, lui serait applicable.

99.
    La Commission fait valoir qu'aucun investisseur privé n'aurait accepté de risquer une somme de 76 millions de DEM, eu égard à l'évolution négative du marché de l'acier et à l'état du capital de HSW.

100.
    Concernant le rapport Mac Kinsey, la Commission affirme que ses prévisions ne portaient pas sur la rentabilité des aides financières de la ville de Hambourg, mais uniquement sur les pertes que celle-ci risquait de subir en cas de privatisation de HSW. Quant aux résultats escomptés pour 1994, elle relève que le rapport Mac Kinsey nuançait sa position en signalant qu'il n'était pas certain que HSW atteindrait cette «zone bénéficiaire» et qu'il était possible que la fourniture d'un appui plus important ou plus long serait nécessaire.

101.
    D'ailleurs, la Commission considère que le rapport Mac Kinsey ne tendait pas seulement à estimer la viabilité économique de HSW, mais également à juger de l'opportunité de maintenir la société en activité, compte tenu du risque menaçant l'emploi, et d'accorder des aides supplémentaires. En outre, le rapport n'aurait pas pris en considération les perspectives de profit à plus ou moins long terme intéressant un investisseur privé. Le Royaume-Uni relève, à cet égard, que la perspective d'une privatisation annihilait tout espoir de rentabilité à long terme pour les créanciers.

102.
    La Commission conteste également l'interprétation de la jurisprudence retenue par la requérante et affirme que c'est seulement dans l'hypothèse où une injection de capital ouvre des perspectives de rendement au moins à long terme, avec un risque de perte acceptable, que l'intervention en cause peut ne pas être qualifiée d'aide. Or, en l'espèce, le risque de pertes aurait été très élevé et la perspective de rentabilité inexistante.

Sur la possibilité d'obtenir grâce aux sûretés des prêts sur le marché privé des capitaux

103.
    La requérante allègue qu'elle détenait des sûretés qui lui auraient permis d'obtenir des prêts de tiers d'un montant de 135 à 156,8 millions de DEM.

104.
    En tout état de cause, elle aurait pu obtenir sur le marché des capitaux des prêts correspondant aux augmentations des lignes de crédit (20 millions de DEM à la fin de 1992 et 24,4 millions à la fin de 1993). À cet égard, la République fédérale d'Allemagne affirme que la preuve que HSW était à même, grâce à ses sûretés, d'assurer son financement auprès d'autres banques est contenue dans sa communication à la Commission du 18 août 1995 et qu'il doit être tenu compte de la possibilité pour HSW de se financer en dehors du cercle de ses associés.

105.
    La requérante signale, en outre, que la jurisprudence nationale sur les prêts participatifs n'aurait pu être appliquée aux crédits accordés par un tiers non lié à la requérante que dans l'hypothèse où la ville de Hambourg et HLB auraient garanti ces prêts ou dans l'hypothèse où ce tiers se serait vu concéder des droits supérieurs à ceux conférés par les sûretés habituelles, occupant de ce fait la position d'un associé.

106.
    Dans ce contexte, elle reproche à la Commission des erreurs quant au calcul des sûretés.

107.
    Ainsi, les prêts consentis par HLB auraient toujours été suffisamment garantis par ses immobilisations et ses fonds de roulement, et la référence de la Commission à des clauses de libération variables serait erronée. Ses calculs démontreraient, en effet, qu'elle pouvait constituer des sûretés d'un montant suffisant pour garantir les crédits dont elle avait besoin. La requérante invite, à cet égard, le Tribunal à ordonner une expertise en vue d'établir que la Commission aurait dû se fonder sur l'annexe 2 de la communication du gouvernement fédéral du 18 août 1995, dans laquelle les pourcentages des sûretés garantissant la ligne de crédit étaient déterminés en se référant à l'utilisation de ladite ligne de crédit, ce qui lui aurait permis de conclure qu'existaient des pourcentages de sûretés plus élevés que ceux retenus par elle.

108.
    La Commission affirme que, dans l'éventualité d'une libération totale des sûretés, l'ancien gérant de la requérante aurait constaté que celle-ci n'aurait pu se procurer, sur le marché des capitaux privés, que 60 % au maximum de la ligne de crédit garantie par la ville de Hambourg. En outre, bien que la Commission concède que la requérante ait pu obtenir, dans l'hypothèse de leur libération et à hauteur de la valeur bancaire usuelle des sûretés, des crédits sur le marché privé, elle précise que ce financement serait intervenu à des conditions totalement différentes de celles obtenues auprès de la ville de Hambourg, puisqu'il n'aurait pas été un prêt participatif.

109.
    Elle allègue également, en ce qui concerne le mode de calcul des sûretés, qu'elle est libre, afin de déterminer la valeur des sûretés, de se fonder sur leur montant en fonction de la ligne de crédit consentie et non en fonction de l'utilisation effective de cette ligne.

Sur le montant et le remboursement de la prétendue aide

110.
    En conclusion, la requérante considère que, si la thèse de la Commission concluant à l'existence d'une aide d'État devait être admise, le montant de cette dernière s'élèverait, tout au plus, à la différence entre les intérêts effectivement payés par elle pour les crédits obtenus à la fin de 1992 et à la fin de 1993 et les intérêts dûssur la base d'un taux d'intérêt du marché plus élevé. À cet égard, elle précise qu'elle a payé à HLB les intérêts convenus aux taux du marché.

111.
    La requérante condamne également le caractère illicite de la double imputation de la Commission, qui réclame le remboursement tant du montant de 20 millions de DEM correspondant à l'augmentation de la ligne de crédit de 130 millions en 1992 que du montant intégral de 150 millions correspondant à la ligne de crédit prolongée en 1993, augmentée de 24 millions. La requérante et la République fédérale d'Allemagne soulignent tout particulièrement que le renouvellement de la ligne de crédit consentie en décembre 1993 ne peut être qualifié d'aide. En effet, HSW avait déjà obtenu ce montant qui, en raison de son caractère de prêt participatif, ne pouvait pas être satisfait en cas de faillite. À cet égard, les obligations de la requérante résultant des crédits qui lui ont été octroyés par HLB ne seraient pas éteintes avec sa cession. En effet, il y aurait lieu d'observer que la requérante rembourse encore actuellement le montant de ces crédits à la société Picaro Ltd, à laquelle ISPAT a cédé ses crédits.

112.
    Enfin, la requérante considère que la restitution des prétendues aides en cause est entachée d'un vice de procédure. La Commission ne serait, en effet, pas compétente pour exiger le remboursement des aides illégales sans une ratification de cette décision par le Conseil à la majorité des deux tiers, ainsi qu'il est prévu à l'article 88 du traité CECA.

113.
    La Commission affirme que le montant de l'aide en cause n'est pas constitué par la différence entre le taux de ces crédits et le taux d'intérêt habituel sur le marché, mais par le montant des prêts consentis. En effet, l'élément d'aide résulterait de l'octroi, grâce aux ordres d'ouverture de crédits de la ville de Hambourg, des prêts participatifs dépourvus, par nature, de garantie réelle, étant considéré que HSW se trouvait dans une situation désastreuse.

114.
    Elle fait également observer, en ce qui concerne l'augmentation de la ligne de crédit de 20 millions de DEM, que celle-ci, correspondant à la décision de l'octroi de la ligne de crédit en décembre 1992, a été remboursée à la fin de 1993 en raison du caractère particulier de la ligne de crédit. La restitution de la valeur de ce prêt ne serait donc pas exigée. Cependant, cette augmentation serait susceptible de contenir des éléments d'aide du point de vue des taux d'intérêt, ce qui devrait être pris en compte par la République fédérale d'Allemagne dans le cadre du calcul du montant dont le remboursement doit être exigé.

Appréciation du Tribunal

Remarques préliminaires

115.
    Il convient, tout d'abord, d'observer que le juge communautaire a précisé les notions visées par les dispositions du traité CE relatives aux aides d'État. Cesprécisions sont pertinentes pour l'application des dispositions correspondantes au traité CECA dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec celui-ci. Ainsi, il est justifié, dans cette mesure, de se référer à la jurisprudence sur les aides d'État relevant du traité CE pour apprécier la légalité des décisions concernant des aides relevant du traité CECA (voir arrêt du Tribunal du 21 janvier 1999, Neue Maxhütte Stahlwerke et Lech-Stahlwerke/Commission, T-129/95, T-2/96 et T-97/96, Rec. p. II-17, point 100).

116.
    Ensuite, il ressort de l'article 33, premier alinéa, deuxième phrase, du traité CECA que, dans l'exercice de sa compétence pour connaître des recours en annulation formés contre les décisions de la Commission, l'examen du juge communautaire ne peut porter sur l'appréciation de la situation découlant des faits ou circonstances économiques au vu de laquelle sont intervenues lesdites décisions, sauf s'il est fait grief à la Commission d'avoir commis un détournement de pouvoir ou d'avoir méconnu d'une manière patente les dispositions du traité ou toute règle de droit relative à son application.

117.
    À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour que le terme «patent» suppose qu'un certain degré soit atteint dans la méconnaissance des dispositions légales, tel que cette méconnaissance apparaîtrait comme découlant d'une erreur évidente dans l'appréciation, au regard des dispositions du traité, de la situation au vu de laquelle la décision est intervenue (voir ordonnance de la Cour du 3 mai 1996, Allemagne/Commission, C-399/95 R, Rec. p. I-2441, points 61 et 62).

118.
    Enfin, il convient de rappeler que, dans le cadre d'un recours de légalité, il appartient au juge communautaire de vérifier si la décision attaquée est entachée d'une des causes d'illégalité susmentionnée, sans pouvoir toutefois substituer son appréciation en fait, notamment, sur le plan économique, à celle de l'auteur de la décision (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 27 février 1997, FFSA e.a./Commission, T-106/95, Rec. p. II-229, point 101).

119.
    Concernant la qualification des mesures litigieuses par les autorités publiques - agissant comme opérateur économique ou à travers un opérateur économique - en faveur d'une entreprise, il y a lieu d'observer que la Commission est en droit d'utiliser le critère de l'investisseur privé consistant à déterminer si l'entreprise bénéficiaire de la mesure en cause aurait pu obtenir les mêmes avantages économiques de la part d'un investisseur privé opérant dans les conditions du marché (voir, par analogie, arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-305/89, précité, point 19). Ce critère est d'ailleurs inscrit à l'article 1er, paragraphe 2, du cinquième code des aides à la sidérurgie.

120.
    À cet égard, le comportement de l'investisseur privé auquel doit être comparé celui d'un investisseur public poursuivant des objectifs de politique économique n'est pas nécessairement celui de l'investisseur ordinaire plaçant des capitaux en vue de leur rentabilisation à plus ou moins long terme, mais doit, à tout le moins, être celuid'un holding privé ou d'un groupe privé d'entreprises poursuivant une politique structurelle, globale ou sectorielle, et guidé par des perspectives de rentabilité à plus long terme (voir, par analogie, arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-305/89, précité, point 20).

121.
    La Cour a également jugé qu'«un associé privé peut raisonnablement apporter le capital nécessaire pour assurer la survie d'une entreprise qui connaît des difficultés passagères, mais qui, le cas échéant, après une restructuration, serait en mesure de retrouver sa rentabilité. Il y a lieu, dès lors, d'admettre qu'une société mère peut également, pendant une période limitée, supporter les pertes d'une de ses filiales afin de permettre la cessation d'activité de cette dernière dans les meilleures conditions. [...] Toutefois, lorsque les apports de capitaux d'un investisseur public font abstraction de toute perspective de rentabilité, même à long terme, de tels apports doivent être considérés comme des aides au sens de l'article 92 du traité [CEE]» (voir, par analogie, arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-303/88, précité, points 21 et 22).

122.
    C'est à la lumière de ces considérations qu'il convient d'apprécier les arguments avancés en l'espèce par la requérante.

Sur l'unité économique entre la ville de Hambourg et HLB

123.
    La requérante allègue, en substance, que la Commission a méconnu qu'il existe une unité économique entre HLB et la ville de Hambourg et que c'est donc à tort qu'elle a, d'une part, fait une distinction entre les montants des prêts consentis par HLB à son propre risque et ceux couverts par un ordre de crédit et, d'autre part, considéré que le comportement de HLB pouvait être un indice pour le comportement d'un investisseur privé.

124.
    Lorsque des personnes physiques ou morales juridiquement distinctes constituent une unité économique, il y a lieu de les traiter comme une seule entreprise au regard de l'application des règles de concurrence communautaires (voir arrêt de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm, 170/83, Rec. p. 2999, point 11). Dans le domaine des aides d'État, la question de savoir s'il existe une unité économique se pose notamment lorsqu'il s'agit d'identifier le bénéficiaire d'une aide (voir arrêts de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809, points 11 et 12, et du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T-371/94 et T-394/94, Rec. p. II-2405, point 313). À cet égard, il a été jugé que la Commission dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer si des sociétés faisant partie d'un groupe doivent être considérées comme une unité économique ou bien comme juridiquement et financièrement autonomes aux fins de l'application du régime des aides d'État (voir arrêt British Airways e.a./Commission, précité, point 314).

125.
    De même, la Commission dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer si HLB et la ville de Hambourg doivent être considérées comme une seule entité aux fins de l'application, à l'espèce, du critère de l'investisseur privé.

126.
    Il convient donc d'examiner la question de savoir si la Commission a commis une erreur patente dans l'appréciation des liens unissant HLB à la ville de Hambourg. Lors de cet examen, seuls les éléments dont la Commission pouvait prendre connaissance dans le cadre de la procédure administrative sont à prendre en considération.

127.
    À cet égard, il convient de rappeler que le gouvernement allemand, en réponse à une question de la Commission portant sur les relations juridiques unissant HLB à la ville de Hambourg dans le cadre de l'octroi des prêts à HSW, a exposé dans sa communication du 8 septembre 1994:

«[HLB] est un établissement de droit public doté de la personnalité morale, détenu à 100 % par la ville de Hambourg. Ses fondements juridiques sont la loi relative à la Hamburgische Landesbank Girozentrale et les statuts de celle-ci.

Pour ce qui a trait aux crédits accordés à HSW, les rapports entre la ville de Hambourg et HLB ne procèdent ni de la forme juridique susmentionnée, ni du statut de propriétaire de la ville, mais uniquement de relations contractuelles spéciales, à savoir les ordres d'ouverture de crédit passés à chaque fois par la ville, et qui sont décrits dans le cadre de la présentation de chacune des décisions prises en matière de crédits.»

128.
    Il y a lieu d'ajouter qu'il ressort des explications détaillées fournies par la requérante et par la République fédérale d'Allemagne devant le Tribunal que la garantie de fonctionnement selon laquelle la ville de Hambourg assure que HLB est en mesure de remplir ses fonctions n'implique pas que toute perte de crédits subie par HLB grève immédiatement et intégralement le budget de la ville de Hambourg. Ce n'est que dans le cas où HLB ne peut plus satisfaire à ses obligations envers ses créanciers que la responsabilité de la ville est engagée. En revanche, des pertes encourues en raison d'un prêt individuel affectent, dans un premier temps, les seuls résultats commerciaux de HLB. Les bénéfices ou les pertes résultant des opérations de HLB ont, certes, des répercussions sur le budget de la ville de Hambourg. Cependant, ces répercussions dépendent du résultat global de la gestion de HLB. Des pertes résultant d'une opération de crédit individuelle ne sont donc ni directement ni intégralement supportées par le budget de la ville de Hambourg.

129.
    Il en va autrement des prêts pour lesquels la ville de Hambourg a donné un ordre de crédit. En cas de non-remboursement, ces montants grèvent directement et intégralement le budget de la ville.

130.
    Dans ces conditions, il ne saurait être constaté que la Commission a commis une erreur patente d'appréciation des liens juridiques et économiques existant entre HLB et la ville de Hambourg en faisant une distinction, aux fins de l'application du critère de l'investisseur privé, entre les prêts accordés à la requérante par HLB à son propre risque et ceux accordés sur ordre de crédit de la ville de Hambourg.

131.
    Il résulte des considérations qui précèdent qu'il n'a pas non plus été établi que la Commission ait commis une erreur patente en considérant, malgré les liens qui existent entre HLB et la ville de Hambourg, que HLB, en refusant d'augmenter ou de proroger les lignes de crédit à son propre risque, a adopté un comportement qui aurait pu être celui d'un investisseur privé se trouvant dans une situation similaire.

Sur les analyses de la Commission à propos des lignes de crédit consenties en décembre 1992 et en décembre 1993

- Augmentation de la ligne de crédit en décembre 1992

132.
    La requérante considère que l'augmentation, en décembre 1992, de la ligne de crédit accordée en 1984 ne constitue pas une aide d'État. Elle constate, en substance, que l'augmentation en cause avait été rendue impérative par le risque encouru par HLB et la ville de Hambourg de perdre l'ensemble des sommes investies du fait de leur qualification de prêt participatif et était justifiée par les perspectives favorables du plan de restructuration. Elle fait, en outre, valoir que la décision de la Commission est entachée d'erreurs qui ont rendu incorrecte l'application du critère de l'investisseur privé.

133.
    La requérante critique plus particulièrement le passage de la décision résumé ci-dessus au point 44. Pris isolément, le langage utilisé par la Commission à cet endroit pourrait, en effet, être compris en ce sens que la Commission a considéré que l'octroi de prêts à concurrence du montant que la ville de Hambourg avait prêté à l'ancienne HSW et qu'elle avait espéré récupérer en octroyant de nouveaux prêts en 1984 pouvait être justifié au regard du critère de l'investisseur privé, alors que cela n'aurait pas été le cas d'un prêt plus important. La requérante relève, à juste titre, que ce raisonnement, à lui seul, ne justifie pas la conclusion selon laquelle la ville de Hambourg ne s'est pas comportée comme un investisseur privé.

134.
    La requérante méconnaît cependant que le passage visé par ses arguments ne constitue pas le fondement essentiel de l'appréciation portée par la Commission sur l'augmentation de la ligne de crédit. En effet, lu dans son contexte, il ne vise qu'à corroborer l'affirmation selon laquelle les motivations économiques ayant justifié la continuation de HSW en 1984 n'étaient plus pertinentes en décembre 1992.

135.
    Il convient donc d'examiner si la Commission a commis une erreur patente d'appréciation en estimant qu'un investisseur privé n'aurait pas consenti à l'octroi de l'augmentation de la ligne de crédit en cause dans les mêmes conditions.

136.
    Il y a lieu d'observer que, en décembre 1992, la situation financière de la requérante était effectivement compromise, puisqu'elle avait enregistré des pertes de 8,5 et 19,8 millions de DEM durant les exercices 1991 et 1992. D'ailleurs, la requérante a affirmé dans sa requête qu'elle aurait été déclarée en faillite si l'augmentation de la ligne de crédit n'avait pas été consentie. En outre, il résulte de la communication du gouvernement allemand à la Commission du 8 mars 1994 que la faillite de la requérante était, en l'absence de l'augmentation de la ligne de crédit litigieuse, inévitable.

137.
    Ainsi, il convient de considérer que ladite augmentation constituait une mesure d'urgence visant à maintenir HSW en vie sans aucune perspective de rentabilité, même à long terme.

138.
    Il est également constant que le secteur de l'acier était caractérisé par une situation de crise. Le programme prévisionnel «Acier» pour le premier semestre 1993 (JO 1993, C 36, p. 2) mentionne, en effet, que le secteur en cause devait faire face à une détérioration depuis 1991, caractérisée par une surabondance de l'offre, un recul de la demande, un effondrement des prix et une concurrence internationale accrue. D'ailleurs, le gouvernement allemand a, dans ses communications des 8 mars et 8 septembre 1994 à la Commission, fait valoir: «Par la suite, des pertes d'exploitation ont été enregistrées en 1991 et 1992 dans le contexte d'un marché sidérurgique continuant à se dégrader.»

139.
    Il ressort donc de ce qui précède que la Commission n'a pas commis d'erreur patente d'appréciation en considérant que l'augmentation de la ligne de crédit en décembre 1992 ne pouvait plus être justifiée par les circonstances invoquées par la requérante et ayant motivé le soutien à la continuation de l'entreprise en 1984. De même, elle était en droit de constater qu'un investisseur privé n'aurait pas consenti à cette augmentation dans des circonstances similaires, à savoir une situation financière extrêmement compromise de HSW et une conjoncture défavorable du marché européen de l'acier.

140.
    Il convient d'ajouter que la Commission n'a pas non plus commis d'erreur patente en considérant que le comportement de HLB, qui n'a pas été prête à consentir l'augmentation de 20 millions de DEM de la ligne de crédit en cause sans bénéficier d'un ordre de crédit de la ville de Hambourg, constitue un indice supplémentaire de ce qu'un investisseur privé n'aurait pas été disposé à investir une telle somme dans HSW.

141.
    En effet, la requérante a elle-même déclaré: «Comme nous l'avons déjà exposé, HLB exigeait, de manière plus pressante encore qu'en 1992, d'être exonérée de tout risque du fait de l'évolution du droit concernant la problématique des prêts participatifs.» En outre, il ressort de la communication du gouvernement allemand du 8 septembre 1994 que, du fait du risque lié à la jurisprudence sur les prêtsparticipatifs, HLB n'était pas disposée à augmenter le crédit sans ordre d'ouverture de crédit.

142.
    Il ressort également de la réponse de HLB à la question posée par le Tribunal à ce sujet qu'elle a effectivement refusé d'accorder les crédits litigieux sans ordre préalable d'ouverture de crédit de la ville, en raison de l'intervention des autorités financières désireuses de voir HLB préserver un bilan positif. À cet égard, HLB expose dans cette réponse: «Un allongement de crédit n'avait de sens fin 1992 et fin 1993, au regard de la situation de trésorerie de [HSW], que si [HSW] recevait de nouvelles liquidités. Un allongement de crédit à lui seul n'aurait pas suffi pour maintenir la trésorerie. Lors de la décision d'une augmentation de crédit, nous avons donc pris pour base, en tant que solution de rechange, une procédure d'insolvabilité de HSW, qui était prévisible en cas de refus de notre part de prolonger le crédit.»

143.
    D'ailleurs, il n'est pas nécessaire que la Commission apporte la preuve de ce que la décision de HLB aurait été négative en l'absence d'ordre d'ouverture de crédit. Eu égard à la situation financière de la requérante et à la situation du marché de l'acier, la requérante n'a, en tout état de cause, pas établi que la Commission a commis une erreur patente d'appréciation en considérant qu'un investisseur privé placé dans une situation identique à celle de la ville de Hambourg n'aurait pas consenti à l'augmentation de la ligne de crédit en cause, sachant que celle-ci serait qualifiée de prêt participatif.

144.
    S'agissant enfin des perspectives prétendument favorables du plan de restructuration, il convient de rappeler que HSW était au bord de la faillite et évoluait dans un contexte conjoncturel défavorable. La Commission a donc pu légitimement considérer qu'un investisseur privé n'aurait pas consenti à l'augmentation de la ligne de crédit en cause, et cela en dépit du fait qu'elle disposait d'un résumé de ce plan.

145.
    Par conséquent, il ressort de tout ce qui précède que la requérante n'a pas établi que la Commission a commis une erreur patente d'appréciation en considérant qu'un investisseur privé n'aurait pas consenti à l'augmentation de la ligne de crédit de décembre 1992.

146.
    Par ailleurs, il y a lieu de noter que, dans le cadre d'un recours en annulation, il appartient uniquement au juge communautaire de vérifier si la décision attaquée est entachée d'une des causes d'illégalité prévues à l'article 33 du traité CECA, sans pouvoir substituer son appréciation en fait, notamment sur le plan économique, à celle de l'auteur de la décision (voir, par analogie, arrêt FFSA e.a./Commission, précité, point 101). Dès lors, il n'incombe pas au Tribunal d'ordonner une expertise tendant à démontrer que la ville de Hambourg et HLB se sont comportées comme un investisseur privé dans une économie de marché.

- Ligne de crédit de décembre 1993

147.
    La requérante affirme, en substance, que la Commission aurait dû considérer que la ville de Hambourg se comportait comme un investisseur privé, en ordonnant la prolongation et l'augmentation de la ligne de crédit en décembre 1993.

148.
    La Commission a exposé dans la décision attaquée que HLB avait considéré que les conditions particulières dans lesquelles était intervenu le financement initial de la nouvelle société ne suffisaient plus à justifier le risque économique lié à la poursuite de l'exploitation de l'entreprise. Ainsi, la situation financière de HSW, la situation du marché de l'acier et les conclusions du rapport Mac Kinsey auraient conduit HLB à refuser de poursuivre tout engagement financier dans HSW.

149.
    Il y a donc lieu d'examiner si la Commission a commis une erreur patente dans l'application du critère de l'investisseur privé à cette mesure.

150.
    Il convient, tout d'abord, de constater que la situation financière de HSW était particulièrement compromise à cette époque, ainsi que le relève le gouvernement fédéral dans sa communication à la Commission du 8 septembre 1994, de laquelle il ressort que, dans l'hypothèse d'une résiliation du crédit, la conséquence inévitable aurait été la faillite de HSW. De même, le rapport Mac Kinsey évoque une situation de faillite mettant en péril les crédits consentis par la ville de Hambourg.

151.
    Il y a également lieu d'observer que la situation du marché européen de l'acier était caractérisée par un environnement concurrentiel extrêmement difficile, en raison de concurrents subventionnés et de surcapacités de production (voir le rapport Mac Kinsey et le programme prévisionnel «Acier» pour le premier semestre et l'année 1994 (JO 1994, C 10, p. 2).

152.
    C'est dans ce contexte qu'il convient d'examiner la thèse de la requérante, qui se fonde essentiellement sur les perspectives prétendument favorables annoncées par le rapport Mac Kinsey. En effet, ce rapport considérerait que HSW se trouvait dans une situation concurrentielle devant se concrétiser par des résultats positifs dès 1994.

153.
    Toutefois, le rapport Mac Kinsey énonce à titre introductif: «Le présent rapport évalue, sur la base de notre connaissance du marché de l'acier et de l'environnement concurrentiel, ainsi que de notre appréciation des technologies introduites chez HSW, la viabilité de HSW. Il se conçoit comme un instrument d'aide à la décision pour les autorités économiques relativement à l'octroi d'autres crédits/garanties (évaluation des risques, alternatives, etc.).»

154.
    Au titre des actions envisageables, le rapport expose: «Dans le cadre des décisions qu'elle est amenée à prendre sur la suite des opérations, la ville de Hambourg doitopérer un choix cornélien entre, d'une part, maintenir les emplois et, d'autre part, éviter d'autres pertes en capital (diagramme 8).»

155.
    Il en résulte que le rapport Mac Kinsey, contrairement à l'affirmation de la requérante, prend en considération tant des facteurs économiques liés à la viabilité de celle-ci que des facteurs sociaux.

156.
    La requérante allègue également que sa viabilité économique est établie par le rapport Mac Kinsey qui indique qu'elle est concurrentielle. Cependant, il y a lieu de constater que ce rapport se contente de mentionner que «la structure technique de base [de HSW] est concurrentielle», et que cette appréciation ne porte pas sur la situation financière de cette dernière. Au contraire, le rapport expose: «Toutefois, après avoir subi en 1993 des pertes d'environ 15 millions de DEM, [HSW] est au bord de la faillite. Le capital social s'élève actuellement à tout juste 10 millions de DEM et sera vraisemblablement amputé d'autres pertes au cours de l'année (diagramme n° 5). Cette situation met en péril les crédits de la ville de Hambourg, accordés par l'intermédiaire de [HLB], dont le montant actuel est d'environ 140 millions de DEM; en outre, l'augmentation de la ligne de crédit est de nature à porter le risque financier de la ville à 174 millions de DEM (prévus) au cours de l'année (diagramme n° 6). Afin de parvenir à une rentabilité permettant le remboursement des crédits, le résultat annuel de HSW doit s'améliorer d'environ 20 millions de DEM (diagramme n° 7).»

157.
    Il ressort, dès lors, clairement du rapport Mac Kinsey que la situation financière de HSW était fortement compromise et s'inscrivait, de surcroît, dans un environnement concurrentiel extrêmement difficile caractérisé par la présence de concurrents subventionnés et de surcapacités de production.

158.
    Par conséquent, la requérante est mal fondée à invoquer, sur la base du rapport Mac Kinsey, qu'elle était une société concurrentielle.

159.
    Le rapport Mac Kinsey envisage, en outre, pour la ville de Hambourg quatre options qui se distinguent d'un point de vue financier mais également social. Chacune de ces options (poursuite de l'activité selon le concept HSW, selon la stratégie du «béton armé», selon la stratégie «qualité», ainsi que cession de HSW et fermeture de HSW) implique une augmentation conséquente du risque financier couru par la ville de Hambourg, à l'exclusion de la cession. Ainsi, le rapport considère: «Dans tous les cas, la poursuite du soutien à l'activité de [HSW] est très risquée. En effet, la certitude de renouer avec les bénéfices n'étant pas acquise, la poursuite du soutien financier par la ville de Hambourg pourrait s'avérer nécessaire afin de garantir la continuité de [HSW] (diagramme n° 15).» La cession constituerait donc la solution la plus avantageuse pour la ville de Hambourg, puisqu'elle lui permettrait, notamment, de transmettre les risques et de mettre un terme aux pertes de capitaux.

160.
    Toutefois, bien que le rapport Mac Kinsey indique que la ville de Hambourg peut limiter ses pertes en procédant à la vente de HSW, il n'envisage aucune perspective de rentabilité des capitaux investis. Cette appréciation est d'ailleurs corroborée par les allégations du gouvernement allemand dont il ressort que la ville de Hambourg s'est résolue à l'augmentation du crédit afin de limiter les pertes, d'assurer la continuation de l'entreprise durant la recherche d'un repreneur industriel et de permettre un transfert organisé.

161.
    Dès lors, l'argument que la requérante tire de la perspective favorable de sa cession est inopérant.

162.
    Il y a également lieu de souligner que le rapport Mac Kinsey a été établi alors que la ville de Hambourg avait déjà octroyé des aides illicites. Les risques encourus par la ville de Hambourg en violation du droit communautaire des aides ne peuvent, dès lors, être invoqués afin de soutenir que des mesures ultérieures visant à en limiter les conséquences financières étaient économiquement raisonnables.

163.
    Eu égard à la situation financière de la requérante, à son besoin impérieux de financement et à la situation fortement compromise du marché européen de l'acier, il y a donc lieu de constater que, dans ces circonstances, les possibilités pour celle-ci de trouver un investisseur privé disposé à accorder la ligne de crédit et à octroyer un crédit de soudure étaient négligeables, voire inexistantes.

164.
    Cette conclusion ne saurait, en outre, être infirmée par l'argument de la requérante selon lequel la Commission aurait, à tort, allégué que HLB, contrairement à la ville de Hambourg, se serait comportée comme un investisseur privé en refusant tant de renouveler la ligne de crédit précédemment consentie que de l'augmenter. La requérante affirme, à cet égard, que le comportement de HLB résulte du renforcement de la jurisprudence sur les prêts participatifs.

165.
    En effet, il convient de constater d'emblée que la Commission a affirmé, sans être contredite par la requérante, que l'arrêt du Bundesgerichtshof avait été publié le 2 octobre 1992, c'est-à-dire avant même que la première augmentation de la ligne de crédit n'ait été consentie en décembre 1992.

166.
    Par ailleurs, il est peu probable qu'un investisseur privé aurait réalisé l'opération en cause aux mêmes conditions que la ville de Hambourg, c'est-à-dire, avec la certitude de voir les sommes injectées qualifiées de prêts participatifs. Cette appréciation est d'autant plus plausible que cet investisseur privé aurait dû déjà consentir à l'octroi d'une ligne de crédit et à son renouvellement depuis 1984, ainsi qu'à son augmentation en 1992.

167.
    Par conséquent, la Commission a pu légitimement considérer qu'un investisseur privé n'aurait pas accordé les crédits en cause et qu'ils constituaient une aided'État. La requérante n'a, à cet égard, fourni aucun élément susceptible de faire apparaître cette appréciation comme étant manifestement erronée.

168.
    Eu égard au large pouvoir d'appréciation d'ordre factuel et notamment économique dont dispose la Commission (voir point 146 ci-dessus), il convient de rappeler qu'il n'incombe pas au Tribunal d'ordonner une expertise tendant à établir qu'un investisseur privé aurait, dans des circonstances similaires, octroyé les crédits en cause.

169.
    Il s'ensuit que c'est à bon droit que la Commission a qualifié d'aide d'État chacune des mesures financières prises en faveur de la requérante en décembre 1992 et en décembre 1993.

170.
    Il convient, toutefois, d'apprécier si cette conclusion peut être infirmée par l'argument de la requérante, tiré de l'existence d'une erreur patente d'appréciation de la Commission, en ce qu'elle aurait dû considérer qu'un tiers privé aurait pu bénéficier de sûretés suffisantes afin de couvrir l'augmentation de la ligne de crédit consentie en décembre 1992 ainsi que la ligne de crédit et les crédits octroyés en décembre 1993.

Sur la possibilité d'obtenir grâce aux sûretés des prêts sur le marché privé des capitaux

171.
    En substance, la requérante allègue qu'elle aurait pu obtenir des capitaux de tiers grâce à ses sûretés.

172.
    Toutefois, le Tribunal estime que la Commission n'a pas commis d'erreur patente d'appréciation en estimant que la possibilité pour HSW d'obtenir des prêts de tiers grâce aux sûretés ne s'oppose pas à ce que les mesures litigieuses soient qualifiées d'aides.

173.
    D'abord, il ne s'agit que d'une hypothèse étant donné que les sûretés de la requérante étaient engagées en faveur de HLB.

174.
    En outre, à supposer que les sûretés aient été entièrement libérées afin d'obtenir des prêts correspondants de la part de tiers, il est fondé de considérer que de tels prêts n'auraient pas été comparables à ceux octroyés par HLB sur ordre de la ville de Hambourg, étant donné que des prêts de tiers non liés à HSW n'auraient pas été qualifiés de participatifs selon la jurisprudence allemande.

175.
    La Commission souligne, d'ailleurs, à juste titre que le fait que la requérante aurait pu obtenir des prêts de la part de tiers qui n'auraient pas été qualifiés d'aides d'État ne signifie pas que les crédits qu'elle a effectivement obtenus sur ordre de la ville de Hambourg ne sont pas des aides.

176.
    Ensuite, il convient de relever que la Commission a considéré dans la décision attaquée que HSW aurait seulement pu couvrir une partie de son financement dans l'éventualité d'une libération totale des sûretés détenues par HLB.

177.
    Or, il n'a en effet pas été établi que les sûretés constituées couvraient l'augmentation de la ligne de crédit en 1992 ainsi que la ligne de crédit et les crédits octroyés en 1993.

178.
    Au contraire, le gouvernement allemand a, dans sa communication à la Commission du 8 septembre 1994, exposé:

«La volonté d'augmenter la ligne de crédit de 20 millions de DEM existait car les perspectives de résultats étaient favorables. Comme le montant des sûretés, principalement lié au capital circulant, ne s'était pas accru dans la même proportion, mais avait au contraire - selon une évaluation bancaire - diminué, en raison de la baisse des prix due à la crise, il était nécessaire de garantir ces perspectives de résultats par une augmentation de l'ordre [d'ouverture] de crédit, tenant compte du plus faible montant des sûretés, en le faisant passer de 60 à 75% par rapport à la ligne de crédit de 130 millions de DEM (indépendamment de l'augmentation de 20 millions de DEM).»

179.
    Par ailleurs, il convient de constater que, par lettre du 23 juin 1995, le gouvernement allemand a demandé à la Commission de différer la clôture de la procédure administrative afin de lui permettre d'établir que des possibilités de financement par des tiers étaient possibles et plus précisément dans quelle mesure «[HSW] était apte à assurer elle-même son financement, grâce à ses propres sûretés, y compris sans accord entre [HLB] et le gouvernement du land».

180.
    Toutefois, il ne ressort pas de la communication du 18 août 1995 transmise par le gouvernement allemand à la Commission que des tiers auraient pu bénéficier de sûretés suffisantes afin de consentir à l'octroi des prêts nécessaires.

181.
    Il s'ensuit que les critiques de la requérante quant à l'évaluation des sûretés par la Commission dans la décision attaquée sont inopérantes et qu'il n'appartient pas au Tribunal d'ordonner une expertise sur ce point.

Sur le montant et le remboursement de la prétendue aide

182.
    La requérante conteste la légalité de l'article 3 de la décision attaquée. La Commission, d'une part, aurait mal estimé le montant des aides à récupérer et, d'autre part, ne serait pas compétente pour exiger de la République fédérale d'Allemagne le remboursement de celles-ci.

183.
    Il y a, tout d'abord, lieu de relever que la requérante n'est pas fondée à alléguer que les prolongations de ligne de crédit ne pourraient pas constituer des aides d'État, celles-ci devant s'analyser comme un «maintien de capitaux» ou des «crédits à long terme». Il ressort, en effet, clairement des faits de l'espèce que ces prolongations doivent être négociées chaque année, la ville de Hambourg et HLB étant amenées à renouveler ou non leur accord sur leur prolongation et leur augmentation. Ainsi, la Commission n'a pas, à cet égard, commis d'erreur patente d'appréciation en considérant que la prolongation de la ligne de crédit de 1993 constituait, en tant que telle, une aide d'État.

184.
    Le Tribunal estime donc que la Commission pouvait légitimement considérer que le montant de l'aide correspondait au montant des prêts consentis et non seulement à la différence entre le taux que HSW aurait obtenu auprès d'une banque commerciale et celui qui lui a été effectivement consenti.

185.
    Quant à l'argument que la requérante tire, par ailleurs, de l'absence de compétence de la Commission pour exiger la récupération d'une aide, il y a lieu, d'une part, de rappeler qu'une aide incompatible avec le marché commun doit, en principe, être restituée par le bénéficiaire et que la récupération d'une telle aide est une conséquence inhérente au régime strict des aides au secteur sidérurgique et, d'autre part, de constater qu'il se fonde sur une interprétation erronée de l'article 88 du traité.

186.
    En effet, l'article 88 du traité dispose, notamment:

«Si la Commission estime qu'un État a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité, elle constate ledit manquement par une décision motivée, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations. Elle impartit à l'État en cause un délai pour pourvoir à l'exécution de son obligation.

[...]

Si l'État n'a pas pourvu à l'exécution de son obligation dans le délai fixé par la Commission ou, en cas de recours, si celui-ci a été rejeté, la Commission peut, sur avis conforme du Conseil statuant à la majorité des deux tiers:

a) suspendre le versement des sommes dont elle serait redevable pour le compte de l'État en question en vertu du présent traité;

b) prendre ou autoriser les autres États membres à prendre des mesures dérogatoires aux dispositions de l'article 4 en vue de corriger les effets du manquement constaté.

[...]»

187.
    Il ressort clairement de cet article que l'avis conforme du Conseil n'est requis que dans l'hypothèse où l'État n'a pas pourvu à l'exécution de son obligation, ce qui n'a pas été constaté en l'espèce. La Commission pouvait donc, au terme de l'article 3 de la décision, exiger du gouvernement allemand qu'il ordonne à HSW le remboursement des aides en cause.

188.
    Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté.

189.
    Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n'a pas commis d'erreur patente en considérant qu'un investisseur privé n'aurait pas accordé les sommes litigieuses et que celles-ci devaient être qualifiées d'aides d'État, ainsi qu'en exigeant leur remboursement. Par conséquent, ce moyen doit être rejeté.

2. Sur le moyen tiré d'un prétendu détournement de pouvoir

Arguments des parties

190.
    La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir soumis à expertise le point de savoir si un investisseur au sein d'une économie de marché se serait comporté, dans des circonstances identiques, comme la ville de Hambourg et HLB et de ne pas avoir pris en considération les arguments relatifs à la fermeture de l'usine d'Euskirchen, d'une capacité de 80 000 tonnes/an, qui constituerait une compensation aux aides octroyées. Sur ce dernier point, la République fédérale d'Allemagne ajoute qu'elle a démontré que toutes les conditions requises dans d'autres affaires par la Commission, comme la fermeture de capacités, étaient réunies en l'espèce et que la déclaration du Conseil sur l'assainissement de la sidérurgie en Europe n'excluait pas la possibilité d'octroyer des aides publiques pour favoriser la fermeture d'entreprises non rentables. À cet égard, la Commission n'aurait pas cherché à obtenir l'avis conforme du Conseil prévu à l'article 95 du traité CECA. Le défaut de motivation de la Commission constituerait, à cet égard, un détournement de pouvoir.

191.
    La Commission invoque l'absence de lien direct entre la réduction des capacités sidérurgiques et l'appréciation portée sur les crédits et affirme qu'il appartenait au gouvernement allemand de demander au Conseil de statuer sur l'autorisation des aides à HSW, en application de l'article 95 du traité CECA.

192.
    En outre, la Commission considère que toute expertise supplémentaire était inutile, puisqu'elle disposait des données économiques pertinentes et avait connaissance du comportement adopté par HLB.

Appréciation du Tribunal

193.
    Selon une jurisprudence constante, un acte n'est entaché de détournement de pouvoir que s'il apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif ou, à tout le moins, déterminant d'atteindre des fins autres que celles excipées ou d'éluder une procédure spécialement prévue pour parer aux circonstances de l'espèce (voir arrêt du Tribunal du 24 septembre 1996, NALOO/Commission, T-57/91, Rec. p. II-1019, point 327).

194.
    L'argument de la requérante, selon lequel la Commission aurait dû avoir recours à une expertise extérieure afin de déterminer quel aurait été le comportement d'un investisseur privé, ne saurait être accueilli.

195.
    D'une part, il convient de constater qu'aucune disposition de la législation communautaire n'impose à la Commission une telle obligation.

196.
    D'autre part, il a été précédemment constaté que la Commission n'a pas commis d'erreur patente d'appréciation en considérant qu'un investisseur privé n'aurait pas octroyé les prêts litigieux eu égard à la structure financière de l'entreprise, à son besoin d'investissement et à la situation du marché des produits concernés.

197.
    Or, il ressort clairement du dossier que la Commission a disposé des informations nécessaires à son appréciation. Ainsi, la Commission a notamment disposé, au titre des pièces disponibles et admissibles lors de la procédure administrative, du rapport Mac Kinsey relatif à la situation financière de HSW et à ses perspectives d'avenir. En outre, les décisions successives de la Commission instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (parmi lesquelles, le cinquième code des aides à la sidérurgie) attestent de sa connaissance du secteur en cause.

198.
    Par conséquent, et étant considéré que la requérante n'apporte pas de précisions complémentaires sur les éléments d'appréciation dont la Commission aurait dû disposer, l'absence d'expertise supplémentaire n'est pas de nature à établir que celle-ci a commis un détournement de pouvoir.

199.
    L'argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû prendre en considération, en tant que compensation des aides, la fermeture de capacités de production sur le site d'Euskirchen, et cela même en dehors de la procédure de l'article 95 du traité CECA, ne saurait pas plus être accueilli.

200.
    Les arguments de la requérante relatifs à des événements postérieurs à l'octroi des aides sont, à cet égard, dépourvus de pertinence, la comparaison avec un investisseur privé ne devant être réalisée que sur la base des données ayant été en possession de la ville de Hambourg en décembre 1992 et décembre 1993.

201.
    Ainsi, les conséquences bénéfiques résultant de la fermeture de la filiale d'Euskirchen postérieurement au rachat de HSW par ISPAT, à supposer mêmequ'elles soient établies, ne peuvent être prises en considération dans l'examen de la décision attaquée. A fortiori, l'argument de la République fédérale d'Allemagne, selon lequel, du fait de cette fermeture, les conditions posées par la Commission dans le cadre de l'examen des aides à la restructuration des entreprises sidérurgiques sont remplies, est dépourvu de pertinence.

202.
    Il convient, par ailleurs, de rappeler que le Tribunal a considéré que, dans l'économie du traité, l'article 4, sous c), ne s'oppose pas à ce que la Commission autorise, à titre dérogatoire, des aides envisagées par les États membres et compatibles avec les objectifs du traité, en se fondant sur l'article 95, premier et deuxième alinéas, en vue de faire face à des situations imprévues. Les dispositions susvisées de l'article 95 habilitent, en effet, la Commission à adopter une décision ou une recommandation sur avis conforme du Conseil, statuant à l'unanimité et après consultation du Comité consultatif CECA, dans tous les cas non prévus par le traité dans lesquels cette décision ou cette recommandation apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun du charbon et de l'acier et conformément aux dispositions de l'article 5, l'un des objectifs de la Communauté tels qu'ils sont définis aux articles 2, 3 et 4 (voir arrêt du Tribunal du 24 octobre 1997, EISA/Commission, T-239/94, Rec. p. II-1839, points 63 et 64).

203.
    La Commission a ainsi, d'une part, adopté les codes des aides à la sidérurgie instituant une dérogation générale pour certaines catégories d'aides déterminées, mais également, d'autre part, arrêté des décisions individuelles autorisant des aides spécifiques à titre exceptionnel (voir arrêt EISA/Commission, précité, points 65 et 66).

204.
    Les aides ne relevant pas des catégories spécialement visées par les dispositions du cinquième code des aides à la sidérurgie, tel que cela est le cas en l'espèce, sont susceptibles de bénéficier d'une dérogation individuelle à cette interdiction, si la Commission estime, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire au titre de l'article 95 du traité, que de telles aides sont nécessaires aux fins de la réalisation des objectifs du traité (voir arrêt EISA/Commission, précité, point 72).

205.
    Or, la requérante n'a pas démontré que la Commission avait commis un détournement de pouvoir ou une erreur patente dans l'appréciation, au regard des dispositions du traité, de la situation au vu de laquelle la décision attaquée est intervenue (voir arrêt de la Cour du 12 février 1960, Société métallurgique de Knutange/Haute Autorité, 15/59 et 29/59, Rec. p. 11).

206.
    En effet, la requérante ne rapporte aucun élément tendant à démontrer qu'elle était confrontée à une situation exceptionnelle qui n'était pas spécifiquement prévue par le traité et que les aides en cause étaient, somme toute, nécessaires aux fins de la réalisation des objectifs du traité.

207.
    Ainsi, la fermeture de la filiale d'Euskirchen n'est pas liée à l'octroi des aides en cause. De plus, il convient de rappeler que lesdites aides n'ont pas fait l'objet d'une notification.

208.
    Par conséquent, il ressort de ce qui précède que la requérante est mal fondée à invoquer, en l'espèce, un détournement de pouvoir de la Commission.

209.
    Il s'ensuit que le présent moyen est non fondé.

Conclusion

210.
    Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les moyens doivent être rejetés dans leur totalité. La requérante n'ayant pas démontré que la décision attaquée est entachée d'une illégalité, le présent recours en annulation doit être rejeté.

Sur les dépens

211.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions et la Commission ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner la requérante aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

3)    La République fédérale d'Allemagne et le Royaume-Uni, parties intervenantes au litige, supporteront leurs propres dépens.

Cooke García-Valdecasas Lindh

Pirrung Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 juin 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. D. Cooke

Table des matières

     Cadre juridique

II - 2

     Faits à l'origine du litige

II - 4

         1. Faits antérieurs aux mesures litigieuses

II - 4

         2. Prêt de capital social

II - 5

         3. Ligne de crédit de 1984

II - 6

         4. Ligne de crédit de décembre 1992

II - 6

         5. Ligne de crédit de décembre 1993

II - 6

         6. Vente de HSW

II - 7

     Procédure administrative

II - 7

     Décision attaquée

II - 8

         1. Prêt de capital social

II - 9

         2. Ligne de crédit de 1984

II - 10

         3. Ligne de crédit de décembre 1992

II - 11

         4. Ligne de crédit de décembre 1993

II - 11

     Procédure et conclusions des parties

II - 12

     Sur les réponses aux questions écrites du Tribunal et des pièces jointes en annexe à ces réponses

II - 14

     Sur le fond

II - 15

         1. Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 4, sous c), du traité CECA et de l'article 1er, paragraphe 2, du code des aides à la sidérurgie

II - 16

             Arguments des parties

II - 16

                 Sur l'unité économique entre la ville de Hambourg et HLB

II - 16

                 Sur les analyses de la Commission à propos des lignes de crédit consenties en décembre 1992 et en décembre 1993

II - 18

                     - Augmentation de la ligne de crédit en décembre 1992

II - 18

                     - Ligne de crédit de décembre 1993

II - 20

                 Sur la possibilité d'obtenir grâce aux sûretés des prêts sur le marché privé des capitaux

II - 22

                 Sur le montant et le remboursement de la prétendue aide

II - 23

             Appréciation du Tribunal

II - 24

                 Remarques préliminaires

II - 24

                 Sur l'unité économique entre la ville de Hambourg et HLB

II - 26

                 Sur les analyses de la Commission à propos des lignes de crédit consenties en décembre 1992 et en décembre 1993

II - 28

                     - Augmentation de la ligne de crédit en décembre 1992

II - 28

                     - Ligne de crédit de décembre 1993

II - 30

                 Sur la possibilité d'obtenir grâce aux sûretés des prêts sur le marché privé des capitaux

II - 34

                 Sur le montant et le remboursement de la prétendue aide

II - 35

         2. Sur le moyen tiré d'un prétendu détournement de pouvoir

II - 37

             Arguments des parties

II - 37

             Appréciation du Tribunal

II - 37

     Conclusion

II - 39

     Sur les dépens

II - 40


1: Langue de procédure: l'allemand.