Language of document : ECLI:EU:T:2021:653

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

6 octobre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale JUVEDERM – Usage sérieux de la marque – Usage pour les produits pour lesquels la marque est enregistrée – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑397/20,

Allergan Holdings France SAS, établie à Courbevoie (France), représentée par M. J. Day, solicitor, et Me T. de Haan, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme K. Zajfert et M. V. J. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Dermavita Company S.a.r.l., établie à Beyrouth (Liban), représentée par Me D. Todorov, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 14 avril 2020 (affaire R 877/2019‑4), relative à une procédure de déchéance entre Dermavita Company et Allergan Holdings France,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, V. Kreuschitz et Z. Csehi (rapporteur), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 26 juin 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 16 septembre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 21 septembre 2020,

vu l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’intervenante par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 septembre 2020,

vu les observations de la requérante sur l’exception d’irrecevabilité déposées au greffe du Tribunal le 20 novembre 2020,

vu l’ordonnance de jonction de l’exception au fond du 18 décembre 2020,

vu la question écrite du Tribunal à la requérante et sa réponse à cette question déposée au greffe du Tribunal le 2 avril 2021,

à la suite de l’audience du 1er juin 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 18 avril 2001, Allergan Inc., le prédécesseur en droit de la requérante, Allergan Holdings France SAS, a déposé une demande de marque de l’Union européenne auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal JUVEDERM.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 10 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Appareils et instruments médicaux et chirurgicaux, implants dermiques, substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride, peau artificielle à usage chirurgical, prothèses ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 102/2001, du 26 novembre 2001 et, le 25 juin 2002, le signe en cause a été enregistré en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 2196822.

5        Le 25 octobre 2016, Dermavita Co. Ltd. Parseghian & Partners, le prédécesseur en droit de l’intervenante, Dermavita Company S.a.r.l., a déposé une demande en déchéance de la marque contestée, au motif que celle-ci n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période continue de cinq ans, conformément à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001].

6        Les 18 avril, 15 juin et 24 octobre 2017 et le 30 mai 2018, la titulaire de la marque contestée a présenté des éléments de preuve de l’usage de cette marque.

7        Le 4 avril 2019, la division d’annulation a accueilli la demande en déchéance dans son intégralité et a déclaré la déchéance de la marque contestée, au motif que les produits pour lesquels l’usage sérieux de cette marque avait été prouvé relevaient de la classe 5 et qu’aucun élément de preuve ne démontrait son usage pour les produits pour lesquels elle avait été enregistrée, relevant de la classe 10.

8        Le 18 avril 2019, la requérante a formé un recours, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 14 avril 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours en ce qui concerne les « appareils et instruments médicaux et chirurgicaux », « implants dermiques », « peau artificielle à usage chirurgical » et « prothèses », mais l’a accueilli en ce qui concerne les « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride ». La déchéance de la marque contestée a donc été confirmée en ce qui concerne notamment les « implants dermiques ».

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée, en ce que son recours a été rejeté pour les « implants dermiques » ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés par la requérante devant la chambre de recours.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      Dans le mémoire en réponse, l’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par l’intervenante devant les instances de l’EUIPO.

13      Dans l’exception d’irrecevabilité, l’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par l’intervenante devant les instances de l’EUIPO.

14      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        condamner l’intervenante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

15      Dans le cadre de son exception d’irrecevabilité, l’intervenante conteste la recevabilité du recours au motif que le mandat conféré aux représentants de la requérante et déposé au greffe a été signé par une personne ne figurant pas comme représentant légal de celle-ci dans l’extrait du registre du commerce joint à la requête. Selon l’intervenante, la requérante n’est pas régulièrement représentée devant le Tribunal.

16      La requérante conteste ces arguments.

17      À titre liminaire, il convient de relever, premièrement, que, en vertu de l’article 173, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, une partie à la procédure devant la chambre de recours, autre que le requérant, devenue intervenant devant le Tribunal conformément aux paragraphes 1 et 2 de cet article dispose des mêmes droits procéduraux que les parties principales. Cet intervenant peut soutenir les conclusions d’une partie principale ainsi que formuler des conclusions et des moyens autonomes par rapport à ceux des parties principales. Il s’ensuit qu’il peut également contester la recevabilité du recours par acte séparé, conformément à l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable au contentieux relatif aux droits de la propriété intellectuelle en vertu de l’article 191 dudit règlement.

18      Deuxièmement, aux termes de l’article 51, paragraphe 3, du règlement de procédure, auquel renvoie explicitement l’article 177, paragraphe 5, de celui-ci, les avocats sont tenus, lorsque la partie qu’ils représentent est une personne morale de droit privé, de déposer au greffe un mandat délivré par cette dernière.

19      Selon la jurisprudence, ledit article 51, paragraphe 3, à la différence de l’article 44, paragraphe 5, sous b), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, n’exige plus la preuve que le mandat donné à l’avocat ait été régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet [voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Amigüitos pets & life/EUIPO – Société des produits Nestlé (THE ONLY ONE by alphaspirit wild and perfect), T‑40/19, non publié, EU:T:2019:890, point 14 et jurisprudence citée].

20      En l’espèce, la requérante a annexé à la requête une preuve de son existence juridique, comme cela est exigé par l’article 177, paragraphe 4, du règlement de procédure. En outre, elle a joint à la requête, conformément à l’article 51, paragraphe 3, du règlement de procédure, un mandat en faveur de ses représentants, M. Day et Me De Haan, signé par A, en qualité de président de la requérante.

21      L’intervenante soutient qu’il ne ressort pas des documents déposés avec la requête que ledit mandat aurait été signé par le représentant légal de la requérante, dès lors que, selon ces documents, les fonctions de président, ayant le pouvoir d’engager la requérante dans ses rapports avec les tiers, sont assumées par B.

22      À cet égard, il convient de souligner que, conformément aux règles applicables (voir points 18 et 19 ci-dessus), la requérante n’était pas tenue de produire en annexe à la requête la preuve que le mandat donné à ses représentants avait été régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet. Partant, l’intervenante ne saurait lui reprocher qu’une telle preuve n’a pas été apportée à ce moment-là, de sorte que ce grief doit être rejeté.

23      Par ailleurs, l’intervenante fait observer que l’extrait du registre du commerce et les statuts de la requérante joints à la requête sont en langue française et qu’une traduction dans la langue de procédure, en l’occurrence l’anglais, n’a pas été produite, de sorte que ces documents seraient irréguliers.

24      À cet égard, il convient de relever que, en vertu de l’article 46, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute pièce produite ou annexée et rédigée dans une langue autre que la langue de procédure doit être accompagnée d’une traduction dans la langue de procédure. Le paragraphe 3 de ce même article prévoit toutefois que, dans le cas de pièces volumineuses, des traductions en extraits peuvent être présentées. De plus, il ressort du point 99 des Dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure que, lorsque les pièces annexées à un acte de procédure ne sont pas accompagnées d’une traduction dans la langue de procédure, le greffier en demande la régularisation à la partie concernée, si cette traduction apparaît nécessaire au bon déroulement de la procédure.

25      En l’espèce, l’intervenante ne présente pas d’arguments permettant de constater que la traduction des documents formels en cause, compte tenu notamment de leur finalité, apparaît nécessaire au bon déroulement de la procédure. En outre, l’intervenante a été en mesure, même en l’absence de cette traduction, de présenter des arguments en relation avec lesdits documents.

26      Dans ces conditions, l’exception d’irrecevabilité doit être rejetée.

 Sur le fond

27      À titre liminaire, il convient de relever que, compte tenu de la date d’introduction de la demande en déchéance en cause, en l’occurrence le 25 octobre 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 et du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement délégué (UE) 2017/1430 de la Commission, du 18 mai 2017, complétant le règlement no 207/2009 et abrogeant les règlements no 2868/95 et (CE) no 216/96 (JO 2017, L 205, p. 1), lui-même remplacé par le règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)] (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 2, et du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 3).

28      La requérante présente un moyen unique, tiré, en substance, d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), et de l’article 57, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 [devenus article 58, paragraphe 1, sous a), et article 64, paragraphe 5, du règlement 2017/1001], par lequel elle conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque contestée n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux pour les produits « implants dermiques ». Ce moyen s’articule en deux branches. La première est tirée de ce que la chambre de recours aurait apprécié les circonstances factuelles de manière erronée et la seconde de ce que la chambre de recours aurait appliqué la classification de Nice de manière erronée.

29      Il convient d’examiner tout d’abord la seconde branche.

 Sur la seconde branche du moyen unique, tirée de l’application erronée de la classification de Nice

30      La requérante soutient que la chambre de recours a fait une interprétation littérale incorrecte et trop stricte de la classification de Nice, par suite de laquelle elle a procédé à une appréciation erronée concernant les « implants dermiques » visés par la marque contestée. Selon elle, la chambre de recours aurait dû parvenir à la même conclusion s’agissant des produits « implants dermiques » que celle qu’elle a retenu pour les « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride ». Elle précise que, lorsque l’enregistrement de la marque contestée a été demandé, les « produits de comblement dermique injectables » ne figuraient pas encore dans la liste alphabétique de la classification de Nice et que des produits potentiellement comparables à ses produits, à savoir des implants médicaux et des seringues, relevaient de la classe 10. Elle ajoute que la distinction entre les implants composés de tissus vivants (classe 5) et les implants artificiels (classe 10) n’est apparue que dans la huitième édition de la classification de Nice, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2002. Elle avance également que, si des produits comme des « seringues à usage médical » ou des « implants médicaux » ne sont pas des produits comparables aux produits en cause, elle devait appliquer le principe général de classification selon la fonction ou la destination et demander l’enregistrement de la marque contestée pour des « implants dermiques », ce qui décrirait correctement les produits en cause. La requérante souligne qu’elle ne devrait pas être pénalisée pour avoir employé des termes qui, en raison des modifications administratives apportées à la classification de Nice, soit relèvent actuellement de la classe 5, soit revêtent dans la classe 10 un sens différent de celui compris et voulu par celle-ci au moment du dépôt de la demande d’enregistrement.

31      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

32      Au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve produits par la requérante démontraient que la marque contestée a été utilisée comme une marque ombrelle pour des produits de comblement à base de gel injectables contenant de l’acide hyaluronique, utilisés pour lisser les rides du visage et ajouter du volume à certaines parties du visage dont la peau s’affaisse (ci-après les « produits de comblement dermique injectables »). En outre, elle a estimé, aux points 45 et 46 de la décision attaquée, qu’il s’agissait de produits qui étaient compris dans la classe 5, et non d’« implants dermiques » relevant de la classe 10. Elle a également précisé que lesdits produits ne relevaient pas de la classe 10, dès lors que, d’une part, il ne s’agissait pas d’appareils, d’instruments, d’articles ou de dispositifs pour implantation chirurgicale et que, d’autre part, ces produits n’étaient pas composés de matériaux artificiels ou synthétiques (voir points 47 et 48 de la décision attaquée). Elle a ajouté que les produits de comblement dermique injectables en cause consistaient en un gel composé de molécules liées qui étaient composées de matériaux naturels et qui activaient, temporairement, une augmentation et une réactivation de la structure naturelle de la peau, afin de retrouver l’élasticité qui décroît au cours du processus de vieillissement, et que ces produits ne sauraient être définis comme des implants artificiels relevant de la classe 10 (voir points 49 et 50 de la décision attaquée).

33      Les arguments avancés par la requérante dans le cadre de la seconde branche du moyen unique portent, en substance, sur la nature des « implants dermiques » pour lesquels la marque contestée a, notamment, été enregistrée. Plus précisément, il convient de déterminer si le choix de la classe 10 au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée a une incidence sur l’interprétation de ces termes et, partant, sur la détermination des produits visés par ceux-ci.

34      Selon la règle 2, paragraphe 1, du règlement no 2868/95 (devenu l’article 33, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), la classification appliquée est celle de Nice. En outre, en vertu de la règle 2, paragraphe 2, du même règlement (reprise, en substance, à l’article 33, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), la liste des produits et des services doit être établie de manière à faire apparaître clairement leur nature et à ne permettre la classification de chaque produit et de chaque service que dans une seule classe de la classification de Nice.

35      Il ressort de la jurisprudence que, nonobstant le fait que la classification de Nice ait été adoptée à des fins exclusivement administratives, les notes explicatives concernant les différentes classes de cette classification sont pertinentes aux fins de déterminer la nature et la destination des produits et services en cause. En effet, en particulier lorsque le libellé des produits ou des services pour lesquels une marque est enregistrée est d’une généralité telle qu’il peut couvrir des produits ou des services très différents, il ne saurait être exclu de prendre en compte, à des fins d’interprétation ou en tant qu’indice de précision s’agissant de la désignation des produits ou des services, les classes que le demandeur d’une marque a choisies dans ladite classification [voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2020, Pablosky/EUIPO – docPrice (mediFLEX easystep), T‑20/19, EU:T:2020:309, point 55 et jurisprudence citée].

36      En l’espèce, le prédécesseur en droit de la requérante a choisi de désigner la classe 10 pour les « implants dermiques » visés par la marque contestée.

37      Il ressort de l’intitulé de la classe 10 de la classification de Nice, dans sa septième édition, de 1997, en vigueur à la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée, que cette classe regroupe les « appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires, membres, yeux et dents artificiels ; articles orthopédiques ; matériel de suture ». Selon la note explicative de ladite édition, la classe 10 comprend essentiellement les appareils, instruments et articles médicaux. En outre, il convient de relever que la liste alphabétique de la classe 10 dans ladite édition de la classification de Nice comporte les « implants » (numéro de base 100208) ainsi que les « seringues à usage médical » (numéro de base 100164).

38      En revanche, toujours dans la septième édition de la classification de Nice, la classe 5 est intitulée « produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants ; produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides, herbicides ». Selon la note explicative de ladite édition, la classe 5 comprend essentiellement les produits pharmaceutiques et les autres produits à usage médical.

39      Dès lors que, ainsi que le soutient l’EUIPO, des produits décrits par les termes « implants dermiques » sont susceptibles d’être classés, en fonction des caractéristiques des produits visés, soit dans la classe 5, soit dans la classe 10, la chambre de recours était tenue d’interpréter ces termes à la lumière de la classe choisie par le demandeur au moment du dépôt de la demande d’enregistrement.

40      Certes, comme le souligne en substance la requérante, la distinction entre les « implants artificiels », relevant de la classe 10, et les « implants chirurgicaux [tissus vivants] », relevant de la classe 5, n’apparaît que dans la liste alphabétique de la huitième édition de la classification de Nice de 2001, qui est entrée en vigueur le 1 er janvier 2002, soit donc après le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. En outre, les « seringues préremplies à usage médical » et les « produits de comblement dermique injectables » ne sont visés dans la classe 5 que dans la liste alphabétique de la onzième édition de la classification de Nice.

41      Néanmoins, les intitulés des classes 5 et 10 de la septième édition de la classification de Nice, tels que rappelés aux points 37 et 38 ci-dessus, étaient déjà libellés de façon largement équivalente à ceux des versions ultérieures de cette classification, et cela à partir de la quatrième édition de celle-ci, comme le souligne l’EUIPO. Dès lors, la différence entre les produits pharmaceutiques et autres produits à usage médical, relevant de la classe 5, d’une part, et les appareils, instruments et articles médicaux, relevant de la classe 10, d’autre part, était suffisamment claire et bien établie au moment du dépôt de la marque contestée.

42      En outre, ainsi qu’il a déjà été relevé, la liste alphabétique de la classe 10 en vigueur à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée comportait déjà les « implants ». Or, rien ne permet de considérer que la signification de cette notion aurait évolué avec le temps de manière significative. En outre, ainsi que le souligne l’EUIPO, l’ajout du terme « artificiels » au terme « implants » en 2001, et donc avant l’enregistrement de la marque contestée, ne faisait que confirmer la logique qui sous-tend la distinction entre les implants relevant de la classe 10 et ceux, composés de tissus vivants, relevant de la classe 5.

43      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a interprété la nature des produits « implants dermiques » au regard de la classe 10 dont ils relevaient conformément à la demande sur la base de laquelle la marque contestée a été enregistrée.

44      Il s’ensuit également qu’il ne saurait être reproché à la chambre de recours qu’elle n’a pas retenu, s’agissant des « implants dermiques », l’approche adoptée à l’égard des « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride ».

45      À cet égard, il convient de relever que la chambre de recours a considéré, au point 62 de la décision attaquée, d’une part, que les « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride », pour lesquelles la marque contestée a été enregistrée, décrivent correctement les produits de comblement dermique injectables pour lesquels ladite marque a été utilisée, et, d’autre part, que l’enregistrement de la marque contestée pour de telles substances en tant que produits relevant de la classe 10, au lieu de la classe 5, n’était pas une raison pour accueillir la demande en déchéance pour ces produits, au motif que la classification des produits et des services servait exclusivement à des fins administratives. Ainsi que le soutient l’EUIPO, cette approche n’est pas transposable aux produits « implants dermiques », dès lors que ceux-ci sont susceptibles d’être classés, en fonction de leurs caractéristiques, soit dans la classe 5, soit dans la classe 10, alors que les « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride » ne peuvent relever que de la classe 5.

46      Compte tenu de ce qui précède, la seconde branche du moyen unique doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la première branche du moyen unique, tirée de ce que la chambre de recours aurait apprécié les circonstances factuelles de manière erronée

47      La requérante fait valoir que la chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation en considérant que les produits de comblement dermique injectables ne sont pas des implants dermiques. Selon elle, il ressort des preuves produites que les consommateurs considèrent les produits de comblement dermique comme un type d’implant dermique. Il découlerait également des éléments de preuve que les consommateurs perçoivent ces produits comme un type d’implant artificiel. Elle ajoute qu’un produit de comblement dermique est un type d’implant dermique du fait de ses fonction et destination.

48      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

49      Comme il a déjà été relevé au point 32 ci-dessus, la chambre de recours a considéré que les produits pour lesquels la marque contestée a été utilisée sont des produits de comblement dermique injectables qui sont compris dans la classe 5, et non des « implants dermiques » relevant de la classe 10. En outre, la chambre de recours a considéré que les produits relevant de la classe 10 étaient des appareils, des instruments, des articles et des dispositifs pour implantation chirurgicale composés de matériaux artificiels ou synthétiques (voir points 47, 48 et 50 de la décision attaquée), ce qui n’était pas le cas des produits de comblement dermique injectables pour lesquels la marque contestée a été utilisée.

50      Les arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause ces appréciations.

51      Premièrement, il convient de relever que la seule fonction des produits de comblement dermique injectables en cause est celle de combler les rides de la peau par l’injection d’un gel contenant de l’acide hyaluronique et que cette fonction est propre aux produits pharmaceutiques au sens large, qui relèvent de la classe 5, et non des appareils médicaux au sens large, et donc des implants, qui relèvent de la classe 10 [voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2020, Allergan Holdings France/EUIPO – Dermavita (JUVEDERM ULTRA), T‑664/19, non publié, EU:T:2020:547, point 19].

52      Deuxièmement, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant, en substance, que les implants relevant de la classe 10 étaient des implants chirurgicaux composés de matériaux artificiels ou synthétiques.

53      En effet, un implant relevant de la classe 10 est généralement associé à une intervention chirurgicale (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2020, JUVEDERM ULTRA, T‑664/19, non publié, EU:T:2020:547, point 19), ce qui n’a été contesté par la requérante ni dans ses écritures ni lors de l’audience.

54      En ce qui concerne le caractère artificiel d’un implant relevant de la classe 10, il convient de relever que cet aspect n’est pas remis en cause par la requérante, dans la mesure où elle-même considère que les produits pour lesquels la marque contestée a été utilisée sont des implants artificiels au motif qu’ils sont issus d’une préparation synthétique créée en laboratoire.

55      Le terme « dermiques » ajouté par la requérante au terme « implants » ne permet pas non plus d’arriver à une autre conclusion en ce qui concerne les caractéristiques des implants relevant de la classe 10 qui sont mentionnées au point 52 ci-dessus. En effet, cet adjectif ne fait que spécifier qu’il s’agit d’un produit qui est inséré dans ou sous la peau, ainsi que l’indique la requérante dans la requête.

56      Troisièmement, même à supposer que les produits de comblement dermique injectables en cause puissent être considérés comme étant artificiels, comme l’avance la requérante, il conviendrait toujours de relever que le gel contenant de l’acide hyaluronique qu’ils contiennent est destiné à être injecté. Or, contrairement à ce que soutient la requérante, une telle administration des produits en cause n’équivaut pas à une intervention chirurgicale et ne peut pas non être plus associée à celle-ci. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que les produits en cause ne pourraient être administrés que par des chirurgiens.

57      En outre, même à supposer que les consommateurs perçoivent les produits en cause comme un type d’implants dermiques, ainsi que le soutient la requérante, cette circonstance ne saurait établir qu’il s’agit de produits pour lesquels la marque contestée a été enregistrée en tant que produits relevant de la classe 10. En effet, comme le souligne l’EUIPO, en choisissant d’enregistrer la marque contestée pour les implants dermiques relevant de cette classe, la requérante a donné à la description de ces produits une portée spécifique qui ne peut englober les produits de comblement dermique injectables pour lesquels ladite marque est utilisée.

58      Par ailleurs, quant aux arguments de la requérante tirés d’une décision d’une juridiction française rendue dans le cadre d’une action en contrefaçon introduite par la requérante à l’encontre de plusieurs sociétés, dont l’intervenante, il convient de les écarter. En effet, selon la jurisprudence, le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national et la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO devant être appréciée uniquement sur le fondement du règlement no 207/2009, tel qu’il est interprété par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2014, Reber Holding/OHMI, C‑141/13 P, non publié, EU:C:2014:2089, point 36).

59      Dans ces conditions, la première branche du moyen unique doit également être rejetée comme non fondée et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

60      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

61      Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

62      En l’espèce, eu égard à l’ensemble des circonstances du litige et notamment au fait que l’intervenante a succombé quant à l’exception d’irrecevabilité qu’elle a soulevée et la requérante quant au fond, il y a lieu de condamner la requérante à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par l’EUIPO ainsi que les deux tiers des dépens exposés par l’intervenante dans le cadre de la présente procédure, l’intervenante devant supporter un tiers de ses propres dépens afférents à la présente procédure.

63      Dans la mesure où les conclusions de la requérante et de l’intervenante concernent les dépens devant la chambre de recours, il suffit de relever que ceux-ci restent régis par la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêts du 10 novembre 2016, Polo Club/EUIPO – Lifestyle Equities (POLO CLUB SAINT-TROPEZ HARAS DE GASSIN), T‑67/15, non publié, EU:T:2016:657, point 120, et du 21 avril 2021, Chanel/EUIPO – Huawei Technologies (Représentation d’un cercle contenant deux courbes entrelacées), T‑44/20, non publié, EU:T:2021:207, point 57], dans laquelle la chambre de recours a condamné chaque partie à supporter ses propres frais.

64      Pour autant que l’intervenante vise également les frais qu’elle a exposés aux fins de la procédure devant la division d’annulation, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’annulation. Partant, la demande de l’intervenante tendant à ce que la requérante soit condamnée aux dépens de la procédure administrative devant l’EUIPO ne peut pas, en tout état de cause, être accueillie s’agissant des frais exposés par l’intervenante aux fins de la procédure devant la division d’annulation.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’exception d’irrecevabilité est rejetée.

2)      Le recours est rejeté.

3)      Allergan Holdings France SAS est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) ainsi que les deux tiers des dépens de Dermavita Company S.a.r.l. afférents à la présente procédure.

4)      Dermavita Company S.a.r.l. supportera un tiers de ses propres dépens afférents à la présente procédure.

Collins

Kreuschitz

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.