Language of document : ECLI:EU:T:2011:28

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

3 février 2011 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire consistant en une combinaison des couleurs jaune genêt et gris argent – Demande de marque communautaire consistant en une combinaison des couleurs jaune ocre et gris argent – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Examen d’office des faits – Article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 – Obligation de motivation – Article 75 du règlement n° 207/2009 »

Dans les affaires T‑299/09 et T‑300/09,

Gühring OHG, établie à Albstadt (Allemagne), représentée par Mes A. von Mühlendahl et H. Hartwig, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M. G. Schneider, puis par M. G. Schneider et Mme B. Schmidt, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet deux recours formés contre les décisions de la première chambre de recours de l’OHMI du 30 avril 2009 (affaires R 1330/2008‑1 et R 1329/2008-1), concernant des demandes d’enregistrement de la combinaison des couleurs jaune genêt et gris argent et de la combinaison des couleurs jaune ocre et gris argent comme marques communautaires,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal le 29 juillet 2009,

vu les mémoires en réponse déposés au greffe du Tribunal le 27 octobre 2009,

vu l’ordonnance du 19 mai 2010 portant jonction des affaires T‑299/09 et T‑300/09 aux fins de la procédure orale,

à la suite de l’audience du 25 juin 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 27 février 2008, la requérante, Gühring OHG, a présenté deux demandes d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        Dans l’affaire T‑299/09 (demande de marque communautaire n° 6703581), la requérante a décrit la marque demandée comme suit : « La marque de couleur se compose de la combinaison des couleurs RAL 1032 (jaune genêt) et RAL 7001 (gris argent) pour désigner des outils d’enlèvement de matière ; la partie coupante de l’outil d’enlèvement de matière porte la couleur RAL 1032 de la pointe jusqu’aux deux tiers de sa longueur totale au maximum et le reste de la partie coupante présente la couleur RAL 7001. » La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe de couleur reproduit ci-après: 

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3        Dans l’affaire T‑300/09 (demande de marque communautaire n° 6703565), la requérante a décrit la marque demandée comme suit : « La marque de couleur est constituée de la combinaison des couleurs RAL 1024 (jaune ocre) et RAL 7001 (gris argent) pour désigner des outils d’enlèvement de matière ; la partie coupante de l’outil d’enlèvement de matière porte la couleur RAL 1024 de la pointe jusqu’aux deux tiers de sa longueur totale au maximum et le reste de la partie coupante présente la couleur RAL 7001. » La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe de couleur reproduit ci-après :

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4        Les produits pour lesquels les enregistrements ont été demandés relèvent, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’OHMI, de la classe 7 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Outils de forage (pièces de machines) ».

5        Par décisions des 21 et 22 juillet 2008, l’examinateur a rejeté les demandes d’enregistrement pour défaut de caractère distinctif, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

6        Le 16 septembre 2008, la requérante a formé un recours contre chacune des décisions de l’examinateur.

7        Par deux décisions du 30 avril 2009 (ci-après les « décisions attaquées »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté les recours au motif que les signes demandés étaient dépourvus de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. En substance, la chambre de recours a relevé que le rapport entre les couleurs était susceptible de varier et que, même si ce rapport devait être considéré comme fixe, le consommateur percevrait les couleurs en cause comme étant celle du matériau de base, s’agissant du gris argent, ou comme une référence au durcissement, à la qualité ou à l’usage prévu des forets, et non à leur origine commerciale. De plus, l’enregistrement des marques de couleur sollicitées contreviendrait à l’intérêt général à ne pas restreindre indûment, pour les autres opérateurs qui offrent des forets, le choix de couleurs de base susceptibles d’être appliquées sur des formes intrinsèquement non distinctives.

Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal, à titre principal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        annuler les décisions de l’examinateur de l’OHMI des 21 et 22 juillet 2008 en tant qu’elles rejettent les demandes d’enregistrement de marques ;

–        constater que les demandes d’enregistrement de marques satisfont aux conditions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal, à titre subsidiaire :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner l’OHMI aux dépens, y compris ceux encourus dans le cadre des procédures devant la chambre de recours.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      Les parties ayant été entendues sur ce point lors de l’audience, le Tribunal a décidé qu’il y avait lieu de joindre les présentes affaires aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

12      À l’appui des recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, de la violation de l’article 76, paragraphe 1, dudit règlement et de la violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 75 de ce même règlement.

13      Il convient d’examiner successivement le troisième, le deuxième et le premier de ces moyens.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

 Arguments des parties

14      La requérante fait valoir que la chambre de recours était tenue de procéder à un examen comparatif entre les demandes de marques en cause et sa pratique administrative antérieure en vertu de laquelle plusieurs marques de couleur ont été admises à l’enregistrement dans des classes de produits comparables. L’omission totale de la chambre de recours de procéder à un tel examen, malgré l’invocation par la requérante des enregistrements antérieurs, constituerait un défaut de motivation et, par conséquent, une violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009.

15      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

16      En vertu de l’article 75 du règlement nº 207/2009, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. Cette obligation a la même portée que celle consacrée par l’article 253 CE. À cet égard, l’obligation de motiver les décisions individuelles a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [voir arrêt du Tribunal du 28 avril 2004, Sunrider/OHMI – Vitakraft-Werke Wührmann et Friesland Brands (VITATASTE et METABALANCE 44), T‑124/02 et T‑156/02, Rec. p. II‑1149, points 72 et 73, et la jurisprudence citée].

17      Lorsque l’OHMI refuse l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, il doit, pour motiver sa décision, indiquer le motif de refus, absolu ou relatif, qui s’oppose à cet enregistrement, ainsi que la disposition dont ce motif est tiré et exposer les circonstances factuelles qu’il a retenues comme étant prouvées et qui, selon lui, justifient l’application de la disposition invoquée. Une telle motivation est, en principe, suffisante pour satisfaire aux exigences évoquées au point 16 ci-dessus [arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 46].

18      Le contexte entourant la prise d’une décision, qui est, notamment, caractérisé par l’échange entre l’auteur de celle-ci et la partie concernée, peut, dans certaines circonstances, alourdir les exigences de motivation. Il ne saurait, dès lors, être exclu que, dans certains cas, les arguments avancés par une des parties à la procédure devant l’OHMI, y compris ceux tirés de l’existence d’une décision, nationale ou de l’OHMI, dans une affaire similaire, exigeront une réponse spécifique, allant au-delà des exigences évoquées au point 17 ci-dessus (arrêt Mozart, point 17 supra, point 54).

19      Toutefois, il ne saurait être exigé des chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. La motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle. Il s’ensuit que l’OHMI n’est pas, en règle générale, tenu de fournir, dans sa décision, une réponse spécifique à chaque argument tiré de l’existence, dans d’autres affaires similaires, des décisions de ses propres instances allant dans un sens déterminé, si la motivation de la décision adoptée par l’OHMI dans une affaire concrète et pendante devant ses instances fait apparaître, à tout le moins implicitement mais de manière claire et non équivoque, les raisons pour lesquelles ces autres décisions ne sont pas pertinentes ou ne sont pas prises en considération pour son appréciation (voir arrêt Mozart, point 17 supra, points 55 et 56, et la jurisprudence citée).

20      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner la motivation des décisions attaquées.

21      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, dans un premier temps, au point 23 de chacune des décisions attaquées, que les descriptions des marques en cause ne semblaient pas satisfaire aux exigences établies par la jurisprudence, selon lesquelles une représentation graphique de deux ou plusieurs couleurs qui sont désignées de manière abstraite et sans contour doit comporter un agencement systématique associant les couleurs concernées de manière prédéterminée et constante. La chambre de recours a en effet constaté que l’ordre dans lequel les couleurs se présentaient sur les forets était connu mais que le rapport des couleurs entre elles n’était pas indiqué avec précision et pouvait varier.

22      Dans un deuxième temps, la chambre de recours a précisé que, même en admettant que le rapport entre les couleurs soit fixe, les marques demandées étaient dépourvues de caractère distinctif dans la mesure où les couleurs en cause n’étaient pas inhabituelles (point 32 des décisions attaquées) et seraient perçues, d’une part, s’agissant du gris argent, comme correspondant à la couleur du matériau de base (point 31 des décisions attaquées) et, d’autre part, s’agissant des secondes couleurs, comme une référence à l’usage prévu des forets (point 34 des décisions attaquées), à leur durcissement ou à leur qualité (points 33 et 35 des décisions attaquées).

23      Enfin, dans un troisième temps, la chambre de recours a souligné, aux points 39 des décisions attaquées, que l’enregistrement des marques de couleur sollicitées contreviendrait à l’intérêt général à ne pas restreindre indûment pour les autres opérateurs qui offrent des forets les choix de couleurs de base susceptibles d’être appliquées sur des formes intrinsèquement non distinctives.

24      Il y a lieu de considérer que cette motivation est suffisante pour atteindre le double objectif de l’obligation de motivation rappelé au point 17 ci-dessus.

25      Par ailleurs, dans les cas d’espèce, il convient de relever que, si la requérante s’est prévalue devant la chambre de recours de plusieurs dizaines de décisions de l’OHMI dans lesquelles des marques de couleur avaient été enregistrées, notamment pour des produits appartenant à la classe 7, elle s’est abstenue de préciser en quoi celles-ci auraient exigé une réponse spécifique de la part de la chambre de recours. En particulier, dans la mesure où la classe 7 regroupe des produits très différents, le fait que des combinaisons de couleurs aient déjà fait l’objet d’enregistrements pour cette classe de produits n’est pas nécessairement pertinent pour l’appréciation du caractère distinctif des marques demandées.

26      Dans les circonstances de l’espèce, l’invocation par la requérante de décisions d’enregistrement de combinaisons de couleurs antérieures n’était donc pas susceptible d’alourdir les exigences de motivation, et n’appelait donc pas une motivation spécifique de la part de la chambre de recours allant au-delà des exigences évoquées au point 17 ci-dessus.

27      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, le premier moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit donc être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009

 Arguments des parties

28      D’après la requérante, la chambre de recours a manqué à son obligation de procéder d’office à l’examen des faits prévu à l’article 76, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009.

29      Premièrement, la requérante considère que les constatations de faits mentionnées dans les décisions attaquées ont été opérées sans sa participation et ne sont aucunement étayées. Cette déficience de l’instruction des faits aurait pu être évitée si, d’une part, la chambre de recours avait fait usage de la possibilité, prévue par l’article 63, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, d’examiner les recours en invitant les parties à présenter des observations sur les notifications qu’elle leur a adressées et si, d’autre part, une audience avait été organisée, conformément à l’article 77 du règlement n° 207/2009. À cet égard, la requérante soutient que la pratique des chambres de recours de l’OHMI, qui, sur un total de plus de 9 000 décisions, n’ont organisé qu’une seule audience orale, n’est pas conforme à l’article 77 du règlement n° 207/2009.

30      Deuxièmement, la requérante estime que l’instruction a été déficiente dans la mesure où la chambre de recours n’a pas tenu compte de sa pratique administrative antérieure. Elle reconnaît que les décisions antérieures de l’OHMI n’ont pas d’effet contraignant. Elle précise également qu’elle n’invoque pas le principe d’égalité de traitement. Toutefois, elle considère que la pratique administrative en cause aurait dû être prise en compte pour des raisons de bonne pratique administrative et conformément au principe de l’examen d’office des faits.

31      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

32      S’agissant du premier grief soulevé par la requérante, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 76, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 207/2009, au cours de la procédure, l’OHMI procède à l’examen d’office des faits. À cet effet, la chambre de recours peut avoir recours à différentes mesures pour examiner les recours portés devant elle.

33      En particulier, aux termes de l’article 63, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, au cours de l’examen du recours, la chambre de recours invite les parties, aussi souvent qu’il est nécessaire, à présenter, dans un délai qu’elle leur impartit, leurs observations sur les notifications qu’elle leur a adressées ou sur les communications qui émanent des autres parties. Par ailleurs, en vertu de l’article 77, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009, l’OHMI recourt à la procédure orale, soit d’office, soit sur requête d’une partie à la procédure, à condition qu’il le juge utile.

34      Cependant, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une chambre de recours n’est pas tenue de faire usage des possibilités prévues par l’article 63, paragraphe 2, et par l’article 77, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009. En effet, l’article 63, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 n’impose pas à la chambre de recours l’obligation d’inviter les parties à compléter leurs propres écritures et pièces devant elle [voir arrêt du Tribunal du 15 novembre 2007, Enercon/OHMI (Convertisseur d’énergie éolienne), T‑71/06, non publié au Recueil, point 35, et la jurisprudence citée]. De même, la chambre de recours dispose d’une marge d’appréciation quant à la question de savoir si une procédure orale devant elle est réellement nécessaire [voir arrêt du Tribunal du 13 juillet 2004, AVEX/OHMI – Ahlers (a), T‑115/02, Rec. p. II‑2907, point 30].

35      En l’espèce, les décisions attaquées se fondent sur des faits notoires, des éléments déjà relevés par l’examinateur et des rappels jurisprudentiels, de sorte que la circonstance que la chambre de recours n’a pas fait usage des possibilités prévues par l’article 63, paragraphe 2, et par l’article 77, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 est sans incidence sur la légalité des décisions attaquées.

36      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsque la chambre de recours conclut à l’absence de caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée, elle peut fonder son analyse sur des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de large consommation, lesquels faits sont susceptibles d’être connus de toute personne et sont notamment connus des consommateurs de ces produits. Dans un tel cas, la chambre de recours n’est pas obligée de présenter des exemples d’une telle expérience pratique [voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Develey/OHMI (Forme d’une bouteille en plastique), T‑129/04, Rec. p. II‑811, point 19, et la jurisprudence citée].

37      Par ailleurs, dès lors que la requérante n’avait pas apporté d’éléments permettant de réfuter l’analyse de l’examinateur, alors même que la charge de la preuve du caractère distinctif lui incombait (arrêt de la Cour du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, Rec. p. I‑9375, point 50), la chambre de recours pouvait à bon droit reprendre les constatations de ce dernier.

38      La chambre de recours était donc parfaitement en mesure, sur la base du dossier et sans investigations complémentaires ni procédure orale, de se prononcer sur la question de savoir si les marques demandées étaient dépourvues de caractère distinctif pour les produits en cause.

39      Partant, il convient de rejeter le premier grief soulevé par la requérante.

40      S’agissant du second grief soulevé par la requérante, il convient de souligner que les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire que les chambres de recours sont amenées à prendre en vertu du règlement n° 207/2009 relèvent d’une compétence liée et non pas d’un pouvoir discrétionnaire (voir arrêt Mozart, point 17 supra, point 45, et la jurisprudence citée). Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non pas sur la base d’une pratique antérieure des chambres de recours. Ainsi, la seule violation, par une décision d’une chambre de recours de l’OHMI, de la pratique décisionnelle des instances de ce dernier ne peut constituer un grief susceptible de justifier l’annulation de cette décision [voir arrêt du Tribunal du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, Rec. p. II‑711, point 79, et la jurisprudence citée].

41      De la même manière, même si la chambre de recours doit examiner tous les faits et moyens de preuve présentés par l’intéressé, voire être amenée à examiner ceux qui ne l’auraient pas été, mais qui sont pertinents aux fins de la décision, elle n’est pas tenue en revanche de procéder à une appréciation d’autres marques communautaires qui ont été enregistrées antérieurement, celles-ci étant étrangères à l’objet du recours [arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, Zeta Europe/OHMI (Superleggera), T-464/08, non publié au Recueil, point 41].

42      En l’espèce, même à supposer que la chambre de recours n’ait pas suivi la pratique décisionnelle antérieure de l’OHMI, cette circonstance serait sans effet sur la légalité des décisions attaquées.

43      Au surplus, il convient de relever, ainsi qu’il a été rappelé au point 25 ci-dessus, que la requérante n’a pas démontré en quoi la pratique antérieure de l’OHMI dont elle se prévaut présente des similitudes telles avec les affaires en cause qu’elle devrait être prise en compte pour l’examen du caractère distinctif des marques demandées. Par conséquent, les arguments tirés de la violation des principes de bonne administration et d’examen d’office des faits ne sauraient prospérer.

44      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

 Arguments des parties

45      La requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que les combinaisons de couleurs en cause étaient dépourvues de tout caractère distinctif pour les produits visés.

46      Premièrement, la solution dégagée par l’arrêt de la Cour du 6 mai 2003, Libertel (C‑104/01, Rec. p. I‑3793), ne serait pas applicable aux combinaisons de couleurs, contrairement à ce qu’aurait considéré la chambre de recours dans les décisions attaquées. Selon cet arrêt, dans le cas d’une couleur en elle-même, l’existence d’un caractère intrinsèquement distinctif ne pourrait se concevoir que dans des circonstances exceptionnelles, et notamment lorsque le nombre des produits pour lesquels la marque est demandée est très limité et le marché pertinent très spécifique. Ce principe avait pour objectif d’empêcher qu’un opérateur ne restreigne l’accès aux couleurs au détriment d’autres opérateurs. Toutefois, dans la mesure où les combinaisons de couleurs seraient pratiquement illimitées, il ne serait pas justifié de limiter leur enregistrement aux cas spécifiques prévus par l’arrêt Libertel, précité.

47      En tout état de cause, la requérante estime que les combinaisons de couleurs en cause remplissent les conditions nécessaires à l’enregistrement dans la mesure où elles concernent un marché spécifique et un nombre limité de produits. Le marché des forets constituerait en effet un sous-marché du marché, très spécifique, des outils de coupe rotative.

48      Deuxièmement, la requérante fait valoir que la chambre de recours a procédé à une appréciation erronée des combinaisons de couleurs demandées. La requérante considère que, contrairement aux allégations de la chambre de recours, les colorations de ses produits servent uniquement à indiquer leur origine commerciale.

49      La requérante estime ainsi que la chambre de recours n’a pas suffisamment étayé ses affirmations selon lesquelles la couleur gris argent correspondrait au matériau de base des forets, la coloration des forets ne serait pas inhabituelle et cette coloration serait généralement perçue par les consommateurs comme une indication d’un durcissement particulier ou du matériau auquel le foret est destiné.  

50      La requérante soutient également que la chambre de recours n’a pas démontré en quoi le jaune genêt ou le jaune ocre ne seraient pas inhabituels pour les forets et pourraient, dans la mesure où ces couleurs seraient proches du doré, indiquer des produits d’une qualité particulière.

51      Enfin, la requérante soutient que les combinaisons de couleurs, qu’elle a choisies de manière arbitraire, ont un caractère distinctif intrinsèque en raison de leur caractère inhabituel et de leur agencement. Par ailleurs, le fait que les couleurs puissent indiquer les caractéristiques des produits n’exclurait pas nécessairement qu’elles puissent également indiquer leur origine commerciale. La requérante estime en outre que les couleurs choisies n’ont aucun rôle fonctionnel dans la mesure où elles ne concernent qu’une fine couche à la surface du foret qui sera abrasée lors de l’utilisation.

52      Troisièmement, la requérante considère que c’est à tort que la chambre de recours a évoqué dans ses décisions les arrêts du Tribunal du 25 septembre 2002, Viking-Umwelttechnik/OHMI (Juxtaposition de vert et de gris) (T‑316/00, Rec. p. II‑3715), et du 9 juillet 2003, Stihl/OHMI (Combinaison d’orange et de gris) (T‑234/01, Rec. p. II‑2867), les faits en cause en l’espèce n’étant pas comparables à ceux qui ont donné lieu auxdits arrêts.

53      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

54      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

55      Le caractère distinctif d’une marque au sens de cette disposition signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 34).

56      Il y a lieu en outre de rappeler que, pour constituer une marque, des couleurs, ou des combinaisons de couleurs, doivent remplir trois conditions. Premièrement, elles doivent constituer un signe. Deuxièmement, ce signe doit être susceptible d’une représentation graphique. Troisièmement, ledit signe doit être propre à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises (arrêt Libertel, point 46 supra, point 23 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie, C‑49/02, Rec. p. I‑6129, point 22).

57      Quant à la question de savoir si les couleurs ou les combinaisons de couleurs sont propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises, il faut apprécier si elles sont aptes ou non à véhiculer des informations précises, notamment quant à l’origine d’un produit ou d’un service (arrêts Heidelberger Bauchemie, point 56 supra, point 37 ; Juxtaposition de vert et de gris, point 52 supra, point 23, et Combinaison d’orange et de gris, point 52 supra, point 26).

58      À cet égard, il convient de rappeler que, si les couleurs sont propres à susciter certaines associations d’idées et à générer des sentiments, en revanche, de par leur nature, elles sont peu aptes à véhiculer des informations précises. Elles le sont d’autant moins qu’elles sont habituellement et largement utilisées dans la publicité et dans la commercialisation des produits et des services pour leur pouvoir attractif, en dehors de tout message précis (arrêt Heidelberger Bauchemie, point 56 supra, point 38).

59      Sauf dans des circonstances exceptionnelles, les couleurs n’ont pas un caractère distinctif ab initio, mais peuvent éventuellement l’acquérir à la suite d’un usage en rapport avec les produits ou les services visés par la demande de marque communautaire (arrêt Heidelberger Bauchemie, point 56 supra, point 39). Ainsi, une couleur en elle-même peut acquérir, pour les produits ou les services pour lesquels est demandé l’enregistrement, un caractère distinctif après l'usage qui en a été fait, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009. En revanche, s’agissant de la couleur en elle-même, l’existence d’un caractère distinctif avant tout usage ne pourrait se concevoir que dans des circonstances exceptionnelles, et notamment lorsque le nombre des produits ou des services pour lesquels la marque est demandée est très limité et le marché pertinent très spécifique [voir arrêt du Tribunal du 12 novembre 2008, GretagMacbeth/OHMI (Combinaison de 24 carrés de couleur), T‑400/07, non publié au Recueil, point 36, et la jurisprudence citée].

60      Par ailleurs, pour apprécier le caractère distinctif qu’une couleur ou une combinaison de couleurs déterminée peut présenter en tant que marque, il est nécessaire de tenir compte de l’intérêt général à ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs pour les autres opérateurs offrant des produits ou des services du type de ceux pour lesquels l’enregistrement est demandé (arrêts Libertel, point 46 supra, point 60, et Heidelberger Bauchemie, point 56 supra, point 42).

61      Enfin, il y a lieu de rappeler que le caractère distinctif d’un signe ne peut être apprécié que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt Combinaison de 24 carrés de couleur, point 59 supra, point 36, et la jurisprudence citée).

62      C’est au vu de ces considérations qu’il convient d’examiner le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

63      Premièrement, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que les produits concernés s’adressent aussi bien aux professionnels qu’au grand public, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par les parties. Dès lors, le public pertinent, au regard duquel il convient d’apprécier le caractère distinctif des signes en cause, est constitué par le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, en ce sens, arrêt Combinaison de 24 carrés de couleur, point 59 supra, point 39, et la jurisprudence citée).

64      Concernant ensuite l’appréciation du caractère distinctif des signes demandés, il convient, s’agissant de signes complexes, de les considérer dans leur ensemble. Toutefois, cela ne s’oppose pas à un examen préalable de chaque élément dont ils sont composés (voir arrêt Combinaison de 24 carrés de couleur, point 59 supra, point 40, et la jurisprudence citée).

65      En l’espèce, les signes demandés se présentent comme des combinaisons de couleurs jaune genêt et gris argent et jaune ocre et gris argent, dont le rapport, ainsi que l’a relevé la chambre de recours dans les décisions attaquées, est variable. Selon la description fournie par la requérante, la couleur jaune occupe en effet au maximum deux tiers de la partie active du foret, ce qui signifie que cette couleur peut occuper une surface plus ou moins grande dans la limite de deux tiers de la partie active du foret (par exemple, un tiers, un quart ou même un cinquième). Dès lors, les signes demandés ne se présentent pas sous la forme d’un agencement systématique associant les couleurs concernées de manière prédéterminée et constante et ne sont donc pas enregistrables en tant que marques (voir, en ce sens, arrêt Heidelberger Bauchemie, point 56 supra, points 32 et 33).

66      Cependant, à supposer même, comme le considère la requérante, que la répartition des couleurs soit fixe, force est de constater que les signes demandés ne présentent pas de caractère distinctif.

67      Tout d’abord, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, les forets sont normalement fabriqués dans des tons de gris et de noir. Par conséquent, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la couleur gris argent correspondait à la couleur du matériau de base des forets.

68      Le fait que, comme l’indique la requérante, certains forets soient noirs ou d’une nuance de gris différente de celle qu’elle a choisie ne saurait remettre en cause ce constat dans la mesure où la couleur demandée (gris argent) ne présente pas d’écart suffisamment perceptible, pour le public pertinent, avec les couleurs de fabrication des forets. Prise individuellement, la couleur gris argent n’a donc pas de caractère distinctif pour les forets.

69      En outre, les outils sont généralement colorés pour indiquer leurs usages ou leurs caractéristiques particulières telles que la présence d’un enduit anticorrosion [ordonnance du Tribunal du 5 décembre 2007, Kapman/OHMI (Représentation d’une lame de scie de couleur bleue), T‑127/06, non publiée au Recueil, point 27].

70      L’utilisation de couleurs pour indiquer l’usage prévu ou les caractéristiques des produits est d’ailleurs confirmée par les documents fournis par la requérante lors de la procédure devant l’OHMI. Ces documents précisent en effet, ainsi qu’il ressort notamment des points 4 des décisions attaquées, que les couleurs des forets signalent leurs particularités et les matériaux pour lesquels ils peuvent être utilisés.

71      En outre, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, le jaune genêt et le jaune ocre apparaissent dorés sur du métal. Or, la couleur dorée étant généralement utilisée sur les produits pour indiquer leur grande qualité, elle ne sera pas considérée comme inhabituelle par les consommateurs.

72      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré, dans les décisions attaquées, que les colorations de la pointe des forets en jaune ocre ou jaune genêt ne seraient pas perçues comme inhabituelles et seraient interprétées par le public pertinent comme une référence à la qualité ou à l’usage prévu des forets.

73      Quant à la perception des signes dans leur ensemble, il ressort de ce qui précède que les combinaisons jaune genêt et gris argent et jaune ocre et gris argent se confondent avec l’aspect extérieur habituel des forets et ne comportent donc pas d’éléments aptes à retenir l’attention du consommateur. Le public pertinent ne percevra donc pas les signes en cause comme des identificateurs de l’origine commerciale du produit (voir, en ce sens, arrêt Combinaison de 24 carrés de couleur, point 59 supra, points 44 et 45).

74      C’est donc à bon droit que la chambre de recours a conclu à l’absence de caractère distinctif des signes demandés.

75      Cette appréciation n’est pas remise en cause par l’argument tiré de ce que les couleurs des forets n’ont aucun rôle fonctionnel dans la mesure où il suffit de constater que les couleurs sont utilisées par les fabricants et perçues par le public pertinent comme une indication de l’usage prévu et des caractéristiques des forets.

76      Deuxièmement, s’agissant du grief relatif à la référence injustifiée aux arrêts Juxtaposition de vert et de gris et Combinaison d’orange et de gris (point 52 supra), il convient de souligner que la chambre de recours n’a évoqué ces deux arrêts, au point 31 des décisions attaquées, qu’à l’appui de l’argument selon lequel la couleur grise peut être perçue comme la couleur du matériau de base des forets. Par suite, la requérante ne saurait utilement faire valoir que les faits à la base de ces deux arrêts ne sont pas comparables à ceux des présentes espèces.

77      Troisièmement, il ressort de la jurisprudence citée au point 60 ci-dessus que la nécessité de ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs pour les opérateurs concurrents doit être prise en compte tant pour les marques composées d’une seule couleur que pour celles consistant en une combinaison de couleurs.

78      Le grief tiré de l’inapplicabilité aux combinaisons de couleurs de l’objectif visant à ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs pour les opérateurs concurrents doit donc être rejeté.

79      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, le moyen doit être rejeté.

80      Dans la mesure où aucun des moyens soulevés par la requérante n’est fondé, les recours doivent être rejetés dans leur intégralité, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité des deuxième et troisième chefs de conclusions de la requérante, visant respectivement à l’annulation des décisions de l’examinateur et à la constatation du caractère enregistrable des marques demandées.

 Sur les dépens

81      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T‑299/09 et T‑300/09 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      Les recours sont rejetés.

3)      Gühring OHG est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Papasavvas

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 février 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.