Language of document : ECLI:EU:T:2011:678

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

16 novembre 2011 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale CHABOU – Marques nationale et internationale verbales antérieures Chalou – Refus d’enregistrement – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), et article 12, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑323/10,

Chickmouza Chabou, demeurant à Rheine (Allemagne), représenté par Me K.-J. Triebold, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. S. Schäffner, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Chalou GmbH, établie à Herschweiler-Pettersheim (Allemagne), représentée par Me T. Träger, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 20 mai 2010 (affaire R 1165/2009‑1), relative à une procédure d’opposition entre Chalou GmbH et Chickmouza Chabou,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood (rapporteur), président, F. Dehousse et A. Popescu, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 3 août 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 22 novembre 2010,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 27 octobre 2010,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1        Le 6 décembre 2005, le requérant, M. Chickmouza Chabou, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal CHABOU.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment, après limitation intervenue au cours de la procédure devant l’OHMI, de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vêtements de sport, sauf vêtements de bain, pour garçons et adolescents ; vêtements de loisirs semblables aux vêtements de sport pour les garçons et les adolescents du domaine streetwear et sportswear ; pantalons en jean à la mode et t-shirts pour garçons et adolescents ; chaussures et chapellerie pour garçons et adolescents ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 18/2006, du 1er mai 2006.

5        Le 1er août 2006, l’intervenante, Chalou GmbH, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci‑dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque verbale Chalou, enregistrée en Allemagne le 4 juillet 1961 sous le numéro 750568, désignant les produits relevant de la classe 25 et correspondant à la description suivante : « Vêtements de dessus et sous-vêtements (y compris tricotés), bas et chaussettes, linge de corps, vêtements de bain et de plage » ;

–        la marque verbale Chalou qui a fait l’objet d’un enregistrement international sous le numéro 759752 du 28 mars 2001 ayant effet en République tchèque, au Danemark, en Grèce, en Espagne, en France, en Italie, en Hongrie, en Autriche, en Pologne, au Portugal, en Slovénie, en Slovaquie, en Suède, au Royaume-Uni et dans les pays du Benelux, désignant les produits susmentionnés.

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Par décision du 6 août 2009, la division d’opposition a fait droit à l’opposition et, dès lors, rejeté la demande d’enregistrement de marque communautaire présentée par le requérant.

9        Le 2 octobre 2009, le requérant a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 270/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 20 mai 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours. En substance, elle a fondé sa décision sur les motifs suivants :

–        au moment de la publication de la demande d’enregistrement, l’enregistrement international de l’intervenante n’avait pas encore acquis de caractère définitif depuis cinq ans et était donc encore couvert par le délai de grâce, de telle sorte que, conformément à l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, il y avait lieu de tenir compte de l’ensemble des produits visés dans l’enregistrement international pour l’examen de l’opposition ;

–        l’usage sérieux de la marque allemande antérieure n’ayant été démontré par l’opposante que s’agissant des « vêtements de dessus et sous-vêtements pour dames », l’analyse du motif relatif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, s’agissant de cette marque, devait se borner à ces seuls produits ;

–        l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus et les « vêtements de dessus et sous-vêtements pour dames », pour lesquels l’intervenante a su démontrer un usage antérieur sérieux, étaient similaires pour l’appréciation du risque de confusion ; il en allait a fortiori de même pour les vêtements de dessus et sous-vêtements pour hommes, adolescents et enfants, en tant qu’ils étaient désignés par l’enregistrement international ;

–        sur les plans tant visuel que phonétique, les signes en conflit présentaient une forte similitude ;

–        au regard de ces éléments, il était raisonnable de penser que le public pertinent présumerait que les produits distribués sous la marque demandée et ceux distribués sous la marque antérieure provenaient de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement ; il en résultait un risque de confusion au moment de l’achat desdits produits.

 Conclusions des parties

11      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler ou modifier la décision de la chambre de recours ;

–        rejeter l’opposition à sa demande d’enregistrement de marque communautaire ;

12      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

1.     Sur la recevabilité du recours

13      L’OHMI oppose une fin de non-recevoir au présent recours, tirée du manque de clarté et de précision de la requête quant aux moyens invoqués à l’appui de la demande. Selon l’OHMI, la requête introductive d’instance se borne à une référence vague au règlement sur la marque communautaire et à certaines des exigences qu’il contient en matière d’enregistrement. Le requérant, de la sorte, n’exposerait pas de manière claire et compréhensible les moyens qu’il entend invoquer à l’appui de son recours en annulation.

14      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, applicable en matière de propriété intellectuelle conformément à l’article 130, paragraphe 1, et à l’article 132, paragraphe 1, de ce règlement, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

15      Cette indication doit ressortir du texte même de la requête et être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2010, Exalation/OHMI (Vektor-Lycopin), T‑85/08, non encore publié au Recueil, point 33, et la jurisprudence citée].

16      Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 19 novembre 2008, Rautaruukki/OHMI (RAUTARUUKKI), T‑269/06, non publié au Recueil, points 34 et 37].

17      En l’espèce, s’il est exact que le requérant ne mentionne pas expressément l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 dans la requête, une lecture d’ensemble de celle-ci laisse apparaître sans doute possible que cette disposition constitue le fondement juridique à l’appui du premier moyen d’annulation. Cela ressort notamment des diverses critiques formulées dans la requête quant à l’analyse proposée par la chambre de recours de la similitude des produits concernés, de la similitude des signes sur le plan phonétique ainsi que, plus généralement, du risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

18      En outre, il peut être déduit sans difficulté des points 2 à 4 de la requête que le requérant reproche également à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte de la circonstance qu’il n’a pas eu le choix du nom de la marque pour laquelle il sollicite un enregistrement, cette marque correspondant à son nom de famille. Le point 4 de la requête contient d’ailleurs une référence explicite à l’article 12 du règlement n° 207/2009, qui constitue le fondement juridique du second moyen.

19      Au demeurant, les observations détaillées formulées par l’OHMI et l’intervenante dans leurs mémoires en réponse, sur chacun de ces points, confirment que la requête présente un degré suffisant de clarté et de précision et répond ainsi aux exigences tenant au respect des droits de la défense.

20      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de déclarer le recours recevable.

2.     Sur le fond

21      La requérante invoque deux moyens à l’appui de son recours, l’un tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et l’autre tiré d’une violation de l’article 12, sous a) de ce même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

22      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité et de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

23      Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii) et iii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre et les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre de l’Union, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

24      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée, et du 7 mai 2009, Klein Trademark Trust/OHMI – Zafra Marroquineros (CK CREACIONES KENNYA), T‑185/07, Rec. p. II‑1323, point 32].

25      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Ces conditions sont cumulatives [ordonnance de la Cour du 25 novembre 2010, Lufthansa AirPlus Servicekarten/OHMI, C‑216/10 P, non encore publiée au Recueil, point 26, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

26      C’est au regard de ces principes qu’il y a lieu, en l’espèce, d’examiner le premier moyen d’annulation.

 Sur le public pertinent

27      Selon une jurisprudence bien établie, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêts du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée, et du 15 décembre 2010, DTL/OHMI – Gestión de Recursos y Soluciones Empresariales (Solaria), T‑188/10, non encore publié au Recueil, point 22].

28      En l’espèce, la chambre de recours a relevé, au point 28 de la décision attaquée, que les produits en cause s’adressaient au grand public.

29      Ce constat n’étant pas remis en cause dans le cadre du présent recours, il y a lieu de considérer que le public pertinent est constitué, d’une part, pour ce qui est de la marque allemande antérieure, des consommateurs allemands en général, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés, et, d’autre part, pour ce qui est de la marque ayant fait l’objet de l’enregistrement international, des consommateurs en général, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés, des États cités au point 6 ci-dessus, dans lesquels cet enregistrement déploie ses effets.

 Sur la comparaison des produits

30      Selon une jurisprudence constante, il y a lieu, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre lesdits produits ou services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation, ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire [voir arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 23 ; arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Institut für Lernsysteme/OHMI – Educational Services (ELS), T‑388/00, Rec. p. II‑4301, point 51]. Deux produits sont similaires, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, lorsque, du point de vue du public pertinent, ils appartiennent à une même famille de produits [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 4 novembre 2003, Días/OHMI – Granjas Castelló (CASTILLO), T‑85/02, Rec. p. II‑4835, point 33]. D’autres facteurs peuvent être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêts du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence citée, et du 24 septembre 2008, Oakley/OHMI – Venticinque (O STORE), T‑116/06, Rec. p. II‑2455, point 49, et la jurisprudence citée].

31      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 31 à 34 de la décision attaquée, que les produits visés par la demande de marque et compris dans la classe 25 étaient semblables, d’une part, aux produits pour lesquels l’usage de la marque antérieure allemande avait été prouvé et, d’autre part, aux produits désignés par l’enregistrement international antérieur.

32      Le requérant critique cette appréciation. Il estime que c’est à tort que la chambre de recours a conclu que les produits désignés par sa demande de marque étaient similaires aux « vêtements de dessus et [aux] sous-vêtements pour dames » désignés par la marque allemande antérieure et pour lesquels l’intervenante a prouvé un usage antérieur sérieux. Le public pertinent pour les deux catégories de produits serait essentiellement différent, lesdites catégories ne relevant pas du même segment de marché. Cette distinction serait démontrée par le fait que ces catégories de produits sont fréquemment proposées à la vente dans des départements séparés au sein des grands magasins.

33      Il convient toutefois de rejeter ces critiques.

34      C’est en effet à bon droit que la chambre de recours, au point 32 de la décision attaquée, a relevé que, si les différents produits en cause ne sont pas à proprement parler identiques et ne s’adressent pas dans leur ensemble au même public, ils ont néanmoins pour destination commune l’habillement à la mode des personnes. Ainsi, les produits en cause, du point de vue du public pertinent, appartiennent à une même famille de produits, à savoir les articles d’habillement à la mode. Dès lors qu’un grand nombre d’entreprises de mode commercialisent sous une même marque des articles d’habillement de styles différents, il n’est pas exclu que le public pertinent perçoive les différents produits en cause comme provenant d’une même entreprise.

35      En outre, comme le relève la chambre de recours, les publics des produits en cause coïncident en partie, en ce que des dames qui s’intéressent à la mode sont également susceptibles d’acheter des vêtements de sport et de loisirs tels que ceux désignés par la demande de marque. Certains des produits concernés présentent donc un caractère concurrent.

36      Il en va ainsi même lorsque les vêtements proposés à la vente relèvent en principe de collections d’habillement pour homme ou adolescent. En effet, d’une part, les collections de vêtements de sport et de vêtements de loisirs du domaine streetwear et sportswear ne présentent en général que peu de caractères permettant de distinguer les collections spécifiquement masculines et féminines et, d’autre part, ces produits sont aujourd’hui perçus comme étant mixtes par une partie significative du public pertinent.

37      Enfin, la destination similaire des produits concernés et la circonstance qu’ils appartiennent à une même famille de produits renforcent la probabilité qu’ils soient distribués par les mêmes canaux et proposés à la vente dans les mêmes magasins. Il est vrai, ainsi que le souligne la chambre de recours au point 32 de la décision attaquée, que ces produits ne sont pas nécessairement vendus dans les mêmes magasins ou dans des départements identiques de grands magasins. Il n’en demeure pas moins qu’ils sont distribués par des grossistes du secteur du textile et vendus dans des magasins de mode ainsi que dans des grands magasins qui proposent des articles d’habillement à la mode. Sans préjudice de l’analyse du risque de confusion opérée aux points 51 à 57 ci-après, il convient d’observer que ces circonstances sont elles aussi de nature à renforcer le sentiment, auprès du public pertinent, que les produits concernés proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

38      Quant aux produits désignés par l’enregistrement international antérieur, pour lesquels l’intervenante n’était pas soumise à la preuve d’un usage sérieux, ils couvrent, outre les « vêtements de dessus et [les] sous-vêtements pour dames », ces mêmes produits pour hommes, adolescents et enfants. Les produits désignés dans la demande d’enregistrement couvrent en grande partie cette seconde catégorie. C’est donc à bon droit que la chambre de recours a conclu que ces catégories de produits étaient également similaires.

39      Au vu de ces considérations, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur de droit en concluant que les produits visés par la demande d’enregistrement compris dans la classe 25, étaient similaires, d’une part, aux produits pour lesquels l’usage de la marque allemande antérieure a été prouvé et, d’autre part, aux produits désignés par l’enregistrement international antérieur.

 Sur la comparaison des signes

40      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêts de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée, et du 3 septembre 2009, Aceites del Sur-Coosur/Koipe et OHMI, C‑498/07 P, Rec. p. I‑7371, point 60 ; arrêt GIORGIO BEVERLY HILLS, point 24 supra, point 39).

41      À titre liminaire, il y a lieu de souligner qu’aucune des parties n’a allégué que les signes en conflit dans la présente affaire avaient une signification particulière, tant en allemand que dans l’une des langues pratiquées dans les différents pays couverts par l’enregistrement international antérieur. En particulier, le requérant ne conteste pas le constat tiré par la chambre de recours, au point 38 de la décision attaquée, qu’une comparaison conceptuelle n’aurait pas d’influence en l’espèce sur la comparaison des signes. Dans ces circonstances, il convient de procéder à une comparaison des signes en conflit sur les seuls plans visuel et phonétique, avant d’examiner l’impression d’ensemble qu’ils produisent sur le public pertinent ainsi que l’éventuel risque de confusion qu’ils présentent, eu égard à la similitude des produits constatée aux points 30 à 39 ci-dessus.

–        Sur la comparaison visuelle

42      En ce qui concerne la comparaison visuelle, la chambre de recours a constaté, au point 36 de la décision attaquée, que les signes en conflit sont très similaires, dès lors que les marques verbales concernées sont composées de six lettres et que la suite de lettres qui les compose ne se distingue qu’au niveau de la quatrième d’entre elles, puisqu’il s’agit de la lettre « b » dans un cas et de la lettre « l » dans l’autre cas.

43      Le requérant ne conteste pas cette appréciation, mais fait valoir que l’élément déterminant pour apprécier la similitude des signes est leur caractère similaire ou distinctif sur le plan phonétique. L’intervenante souligne au contraire l’importance de l’aspect visuel dans l’appréciation de la similitude des signes.

44      Dès lors que la similitude des signes en conflit sur le plan visuel n’est contestée par aucune des parties et que la décision attaquée n’est de toute façon pas fondée sur ce seul aspect, il y a lieu d’examiner la comparaison des signes proposée par la chambre de recours sur le plan phonétique, avant d’apprécier le risque global de confusion.

–        Sur la comparaison phonétique

45      En ce qui concerne la comparaison phonétique, la chambre de recours a relevé, au point 37 de la décision attaquée, que les signes en conflit, composés de deux syllabes identiques et que ne distingue que la quatrième lettre, présentaient une forte similitude dans presque toutes les langues susceptibles d’être utilisées par le public pertinent. Reconnaissant qu’en allemand et dans d’autres langues, la lettre « l » est prononcée de manière plus douce que la lettre « b », la chambre de recours a néanmoins estimé que cette différence était à peine perceptible et n’affectait pas l’impression globalement similaire laissée par les signes en conflit.

46      Le requérant conteste cette appréciation et fait valoir l’importance, de la différence de prononciation des signes en conflit due à leur quatrième lettre. Alors que la lettre « b » appartiendrait au groupe des consonnes occlusives bilabiales sonores, la lettre « l » relèverait quant à elle du groupe des consonnes spirantes latérales alvéolaires sonores. Cette différence aurait non seulement pour conséquence que le son produit par ces lettres serait distinct lorsqu’elles sont prononcées isolément, mais aussi que l’effet sonore d’une syllabe débutant par lesdites consonnes serait dissemblable, de même que le mot tout entier dans lequel elles sont insérées. Selon le requérant, qui limite son analyse phonétique à la prononciation en allemand, l’usage de la lettre « b » aurait pour effet de transformer la syllabe qu’elle compose en étant associée aux lettres « ou » en un son dur, alors que l’usage de la lettre « l », également associée aux lettres « ou », aurait au contraire pour effet de transformer la syllabe ainsi composée en un son doux. Ces différences permettraient de distinguer les signes en conflit, pris dans leur ensemble.

47      L’OHMI et l’intervenante, au contraire, soulignent le caractère minime de la différence phonétique entre les signes CHABOU et Chalou, composés chacun de deux syllabes avec une même suite de voyelles, et ne se distinguant que par une seule lettre. La différence de prononciation entre les lettres « l » et « b » ne serait pas ou à peine perceptible, en particulier lorsque ces lettres figurent dans un terme comprenant une suite identique de voyelles. À cet égard, le requérant n’avancerait pas les raisons pour lesquelles la terminaison « ou » des deux signes se prononcerait différemment selon qu’elle est précédée de la consonne « l » ou de la consonne « b ».

48      Les arguments du requérant tenant à l’absence de similitude phonétique des signes en conflit ne sauraient être accueillis.

49      À l’instar de la chambre de recours, il y a lieu de constater que, sur le plan phonétique, il n’existe qu’une légère différence entre les signes en conflit, le signe antérieur étant prononcé « cha-lou » tandis que le signe demandé est prononcé « cha-bou ». S’il est vrai que les lettres « l » et « b » ne relèvent pas de la même catégorie de consonnes en phonétique articulatoire, force est pourtant de constater que, telles qu’elles sont insérées dans les syllabes formant les deux signes en conflit, elles produisent une sonorité très proche. Dans ces circonstances, l’usage de la consonne « l » plutôt que de la consonne « b » comme lettre initiale de la seconde syllabe constitue une différence minime qui ne permet pas au public en général de distinguer les signes en conflit sur le plan phonétique [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 avril 2005, Duarte y Beltrán/OHMI – Mirato (INTEA), T‑353/02, non publié au Recueil, point 28, et du 13 septembre 2010, Inditex/OHMI – Marín Díaz de Cerio (OFTEN), T‑292/08, non encore publié au Recueil, point 77].

50      Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant qu’il n’existait qu’une différence à peine perceptible entre les signes en conflit, sur le plan phonétique.

 Sur le risque de confusion

51      La chambre de recours s’est fondée sur l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit et sur leur degré élevé de similitude visuelle et phonétique pour conclure à l’existence d’un risque de confusion et, dès lors, accueillir l’opposition. Les produits en cause présenteraient certes, pour la plupart, un degré moyen de similitude, mais celui-ci suffirait à créer un risque de confusion du point de vue du public pertinent, en raison notamment du degré élevé de similitude des signes en conflit.

52      Le requérant conteste cette analyse. Il fait valoir, en substance, que la chambre de recours n’a pas tenu compte des éléments caractéristiques des produits en cause en indiquant qu’il n’était pas exclu que des femmes sportives, clientes de l’intervenante, puissent également acheter les produits du demandeur d’enregistrement. Un tel comportement commercial serait purement hypothétique. De surcroît, un risque de confusion ne saurait être constaté qu’en présence de produits relevant d’un même segment de marché.

53      À cet égard, il convient de rappeler que le risque de confusion dans l’esprit du public doit être apprécié globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce [voir arrêt du Tribunal du 15 décembre 2010, Wind/OHMI – Sanyang Industry (Wind), T‑451/09, non encore publié au Recueil, point 18, et la jurisprudence citée ; voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 22]. Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, la similitude des marques et celle des produits ou services couverts. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services couverts peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques (arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 19). Cela résulte notamment du constat que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe de différentes marques, mais doit se fier au souvenir imparfait qu’il garde de ces dernières (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 26).

54      Or, ainsi que la chambre de recours l’a souligné au point 32 de la décision attaquée, les produits concernés appartiennent tous à une même famille, à savoir les articles d’habillement à la mode. Ainsi qu’il ressort de l’analyse effectuée aux points 34 et 35 ci-dessus, certains de ces produits sont susceptibles d’intéresser le même public, et sont dès lors concurrents, alors que d’autres relèvent simplement d’une même famille de produits eu égard à leur nature, leur destination et leur utilisation. S’agissant de cette seconde catégorie, il est raisonnable de penser qu’un consommateur normalement avisé pourrait considérer que les produits proposés proviennent d’une entreprise qui commercialise des articles d’habillement aussi bien pour les dames que pour les garçons et adolescents.

55      En outre, ainsi qu’il résulte des points 40 à 52 ci-dessus, les signes en conflit sont très similaires, tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique. Cette forte similitude compense largement la similitude moyenne des produits concernés pour l’appréciation globale du risque de confusion.

56      La chambre de recours n’a dès lors pas commis d’erreur de droit en concluant, au point 47 de la décision attaquée, que le degré de similitude des produits comparés était suffisant en l’espèce pour que le public pertinent présume que les produits distribués sous la marque demandée, d’une part, et les produits distribués sous la marque antérieure, d’autre part, proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement, et en a déduit l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

57      Le premier moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 12, sous a), du règlement n° 207/2009

58      Le requérant invoque un second moyen à l’appui de son recours, dans la mesure où la décision attaquée le priverait de la possibilité d’utiliser son nom de famille dans les relations commerciales, tiré, en substance, d’une violation du principe de protection du nom de famille inscrit à l’article 12, sous a), du règlement n° 207/2009. Cet article dispose que « [le] droit conféré par la marque communautaire ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires, [...] de son nom ou de son adresse […] pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale ».

59      L’intervenante conteste la recevabilité de ce moyen, invoqué, selon elle, pour la première fois devant le Tribunal par le requérant.

60      Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur cette exception d’irrecevabilité, il y a lieu de constater que ce second moyen ne peut être accueilli.

61      En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que l’article 12 du règlement n° 207/2009 vise les limitations du droit conféré par une marque communautaire à son titulaire, dans la vie des affaires. Selon cette même jurisprudence, cette disposition ne saurait être prise en compte lors de l’enregistrement d’une marque [voir arrêt du Tribunal du 24 mars 2010, Inter-Nett 2000/OHMI – Unión de Agricultores (HUNAGRO), T‑423/08, non publié au Recueil, point 60, et la jurisprudence citée]. Il s’ensuit que cette disposition ne génère pas un droit à l’enregistrement d’un nom en tant que marque communautaire [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 mai 2011, Prinz von Hannover/OHMI (Représentation d’armoiries), T‑397/09, non encore publié au Recueil, point 29]. Partant, cette disposition ne permet pas de remettre en cause la légalité de la décision par laquelle la chambre de recours a rejeté la demande d’enregistrement du nom du requérant en tant que marque communautaire, au terme d’une procédure d’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

62      Aucun des moyens soulevés par le requérant au soutien des conclusions en annulation n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les conclusions en réformation.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

64      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Chickmouza Chabou est condamné aux dépens.

Forwood

Dehousse

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 novembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.