Language of document : ECLI:EU:T:2015:918

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

2 décembre 2015 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Fourniture de services de technologies de l’information, de conseil, de développement de logiciels, d’Internet et d’appui – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire et attribution des marchés à d’autres soumissionnaires – Responsabilité non contractuelle »

Dans l’affaire T‑553/13,

European Dynamics Luxembourg SA, établie à Ettelbrück (Luxembourg),

Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce),

représentées par Mes D. Mabger et I. Ampazis, avocats,

parties requérantes,

contre

Entreprise commune européenne pour ITER et le développement de l’énergie de fusion, représentée initialement par MM. H. Jahreiss, R. Hanak, Mmes A. Verpont, I. Costin et M. A. Nagy, puis par M. Hanak, Mmes Verpont, Costin et M. Nagy, en qualité d’agents, assistés de Mes P. Wytinck et B. Hoorelbeke, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de l’Entreprise commune européenne pour ITER et le développement de l’énergie de fusion du 7 août 2013 prise dans le cadre de la procédure d’appel d’offres F4E-ADM-0464 concernant des services de technologies de l’information, de conseil, de développement de logiciels, d’Internet et d’appui (JO 2012/S 213 – 352451), rejetant l’offre soumise par European Dynamics Luxembourg SA et attribuant les marchés à d’autres soumissionnaires, et, d’autre part, une demande de dommages-intérêts,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 avril 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par un avis de marché du 6 novembre 2012, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2012, S 213) sous le numéro 352451, l’Entreprise commune européenne pour ITER et le développement de l’énergie de fusion (ci-après « Fusion for Energy » ou « F4E ») a lancé l’appel d’offres F4E-ADM-0464, intitulé « Réalisation de projets en matière de technologies de l’information et des communications (TIC) pour Fusion for Energy », portant sur des contrats-cadres de services en cascade et concernant la fourniture de services informatiques et d’autres services connexes. La date limite de dépôt des offres était fixée au 14 janvier 2013.

2        Les requérantes, European Dynamics Luxembourg SA, une société de droit luxembourgeois, et Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, société mère établie à Athènes (Grèce), sont actives dans le domaine de la technologie de l’information et des communications. La première requérante a soumissionné à l’appel d’offres le 14 janvier 2013.

3        L’avis de marché (section IV.3.7) et le cahier des charges (section 6.3) requéraient que les offres restent valides pendant au moins 130 jours à compter de la date limite de réception des offres. En outre, les adjudicataires devaient maintenir leur offre pour une période supplémentaire de 60 jours à compter de la notification de l’attribution du contrat.

4        Le 18 juin 2013, la première requérante a adressé un courrier électronique à F4E dans lequel elle soulignait que le dernier jour de validité de son offre était le 27 mai 2013 et s’enquérait du statut de la procédure d’évaluation. Le 19 juin 2013, F4E lui a répondu par courrier électronique en indiquant que la procédure d’évaluation était toujours en cours et que tous les soumissionnaires seraient informés en même temps du résultat de cette évaluation, le retard accumulé s’expliquant principalement par le nombre d’offres reçues.

5        Par lettre du 7 août 2013 (ci-après la « lettre litigieuse »), F4E a informé la première requérante de sa décision de rejeter son offre (ci-après la « décision d’adjudication ») et d’attribuer le marché à trois autres soumissionnaires. Dans cette lettre, F4E a signifié à la première requérante que son offre n’avait pas été retenue et qu’elle ne figurait donc pas parmi les trois contractants des contrats-cadres multiples. F4E a expliqué à ladite requérante que, si son offre présentait des qualités techniques, l’offre jugée la meilleure avait obtenu une note technique plus élevée et proposait une offre financièrement inférieure. Dans cette même lettre, F4E a communiqué un tableau de classement indiquant les notes techniques pour chaque critère d’attribution (et pour chacun des sous-critères du premier critère d’attribution) ainsi que la note financière de la première requérante et de l’offre jugée la meilleure. Enfin, ladite lettre mentionnait que ladite requérante pouvait demander de plus amples précisions quant aux caractéristiques et aux avantages relatifs des offres retenues.

6        Le 8 août 2013, la première requérante a répondu à la lettre litigieuse, demandant la communication des noms des trois adjudicataires des contrats en cascade (ainsi que la composition des consortiums et les noms des sous-traitants), celle des notes obtenues par elle-même et par toutes les offres sélectionnées en cascade pour chacun des critères d’attribution techniques et celle d’une copie du rapport d’évaluation ou, à tout le moins, des parties dudit rapport relatives à l’évaluation des adjudicataires expliquant les caractéristiques et les avantages relatifs de ces trois adjudicataires.

7        Par lettre du 23 août 2013, F4E a communiqué à la première requérante les noms des trois adjudicataires ainsi que les fiches d’évaluation détaillées indiquant les notes obtenues par ladite requérante et par les trois offres retenues pour chaque critère d’attribution technique, de même que leur note financière respective. En outre, ladite lettre précisait pour chacune des offres retenues les critères d’attribution pour lesquels elles avaient obtenu une note plus élevée et justifiait cette notation.

8        Le même jour, ladite requérante a répondu à F4E en lui demandant de confirmer que l’appel d’offres concerné serait annulé du fait que les offres n’étaient plus valides à partir du 27 mai 2013 et de ne pas signer les contrats.

9        Par lettre du 29 août 2013, la première requérante a réitéré sa demande d’annuler l’appel d’offres.

10      Par courrier électronique du 29 août 2013, F4E a répondu aux lettres de ladite requérante datées des 23 et 29 août et a expliqué que la période de validité stipulée dans l’avis de marché ainsi que dans le cahier des charges était une période minimale. F4E a admis que l’évaluation avait été achevée après expiration de la période de validité minimale des offres, mais a souligné que toutes les offres, qui n’avaient pas été modifiées, avaient néanmoins été évaluées sur la base des critères d’évaluation définis dans le cahier des charges. Enfin, F4E a ajouté que l’annulation de l’appel d’offres constituerait une mesure disproportionnée.

11      Par courrier électronique du 29 août 2013, la première requérante a rejeté catégoriquement les arguments contenus dans le courrier de F4E du même jour, en alléguant que son offre n’avait pas du tout été évaluée.

12      Par courrier électronique du 13 septembre 2013, F4E a répondu au courrier électronique de la première requérante daté du 29 août 2013 et a confirmé que la décision d’adjudication avait été prise le 7 août 2013. F4E a par ailleurs contesté ne pas avoir évalué l’offre soumise par ladite requérante. Afin de prouver son évaluation en bonne et due forme, F4E a joint un extrait du rapport d’évaluation relatif à l’offre de ladite requérante.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 octobre 2013, les requérantes ont introduit le présent recours.

14      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision d’adjudication ainsi que toutes les décisions ultérieures connexes, y compris la décision d’attribuer le marché aux trois soumissionnaires retenus ;

–        condamner Fusion for Energy à les indemniser à hauteur de 100 000 euros pour la perte d’une chance d’obtenir le marché ;

–        condamner Fusion for Energy à leur verser des dommages et intérêts exemplaires d’un montant de 50 000 euros ;

–        condamner Fusion for Energy aux dépens.

15      Fusion for Energy conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        rejeter la demande en indemnité ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

16      Au soutien de leur demande en annulation, les requérantes soulèvent deux moyens. Le premier est tiré de la violation de l’article 138, paragraphe 2, sous c), du règlement délégué (UE) n° 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO L 362, p. 1, ci-après les « règles d’application »), ainsi que de la violation du principe de non-discrimination. Le second est tiré de la violation de l’obligation de motivation et de l’article 113, paragraphe 2, du règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil (JO L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier »).

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 138, paragraphe 2, sous c), des règles d’application et de la violation du principe de non-discrimination

17      Les requérantes allèguent que, en évaluant les offres des soumissionnaires après l’écoulement de la période de validité de ces dernières, F4E a violé l’article 138, paragraphe 2, sous c), des règles d’application et a traité la première requérante de manière discriminatoire par rapport aux autres soumissionnaires. En effet, l’offre de cette dernière aurait expiré à la date de fin de ladite période et F4E aurait continué son évaluation après cette date, en la limitant aux offres des autres soumissionnaires qui n’avaient pas été limitées dans le temps. Selon les requérantes, l’évaluation n’était pas terminée ou n’avait pas même commencé au moment de l’expiration de la période de validité des offres.

18      Selon les requérantes, les principes de bonne administration, de transparence et d’égalité de traitement des soumissionnaires exigent qu’aucun marché ne soit attribué ou signé lorsqu’une ou plusieurs offres ne sont plus valides lors de l’évaluation, à moins que le pouvoir adjudicateur demande officiellement et obtienne une prorogation de la durée de validité des offres, ce qui n’a pas été fait pendant la procédure d’appel d’offres en cause. Ainsi, la validité des offres pendant toute la procédure d’évaluation constituerait une condition sine qua non de validité de l’évaluation des offres et de la procédure d’attribution, afin de garantir l’impartialité de l’examen par l’évaluateur.

19      Le principe d’égalité de traitement aurait, notamment, été violé dès lors que les différents soumissionnaires n’étaient pas sur un pied d’égalité lors de l’évaluation, certaines offres étant encore valables alors que l’offre des requérantes avait expiré. Partant, F4E aurait dû soit demander officiellement la prorogation des offres, soit annuler la procédure d’appel d’offres.

20      Fusion for Energy rétorque que le premier moyen des requérantes devrait être déclaré irrecevable ou, à tout le moins, inopérant et, en ce qu’il est fondé sur une dénaturation des faits, partiellement dépourvu de fondement.

21      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 130, paragraphe 2, sous c), du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 357, p. 1) [devenu article 138, paragraphe 2, sous c), des règles d’application], « [l]’invitation à soumissionner ou à négocier ou à participer au dialogue précise au moins : […] c) la période de validité des offres, durant laquelle le soumissionnaire est tenu de maintenir toutes les conditions de son offre ».

22      D’emblée, il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, rien dans le texte de cette disposition ni d’aucune autre disposition applicable aux procédures d’appel d’offres ne prévoit d’obligation pour le pouvoir adjudicateur d’achever l’évaluation d’une offre dans le délai de validité de cette dernière. Or, s’il est, certes, dans l’intérêt du pouvoir adjudicateur de terminer son évaluation avant l’expiration de la période de validité des offres, le dépassement d’un tel délai ne saurait rendre la procédure illégale ni constituer un motif d’annulation de l’évaluation des offres.

23      En effet, il ressort de la jurisprudence que ladite disposition crée une obligation, à la charge du pouvoir adjudicateur, de fixer dans l’appel d’offres une période de validité des offres et une obligation, à la charge des soumissionnaires, de maintenir les termes de leurs offres durant cette période et qu’elle ne s’oppose pas à ce que le pouvoir adjudicateur demande aux soumissionnaires de proroger la validité de leur offre au-delà de la limite prévue dans le cahier des charges (arrêt du 15 mars 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑236/09, EU:T:2012:127, point 37).

24      En outre, en ce qui concerne la ratio legis de ladite disposition, le Tribunal a dit pour droit que la période de validité des offres avait pour but de garantir que le soumissionnaire ne modifie pas son offre pendant la phase d’évaluation et que le respect de ladite période de validité ne constitue pas une condition pour la signature des contrats à l’issue de la procédure d’attribution (arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 23 supra, EU:T:2012:127, point 40).

25      Il découle de cette jurisprudence que les requérantes ne sauraient considérer l’évaluation des offres pendant la période de validité de celles-ci comme une condition de validité de la procédure d’appel d’offres et que leur allégation, selon laquelle les principes de transparence, de bonne administration et d’égalité de traitement entre les soumissionnaires s’opposent à ce qu’un contrat soit conclu lorsqu’une ou plusieurs offres ne sont plus valides, doit être, dans de telles circonstances, rejetée (voir, en ce sens, arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 23 supra, EU:T:2012:127, point 40).

26      De plus, dans la mesure où les requérantes affirment que F4E aurait dû demander officiellement à la première requérante de proroger son offre si elle se rendait compte que la période concernée n’était pas suffisante pour achever la phase d’évaluation, il convient de souligner que, s’il est vrai que le pouvoir adjudicateur est habilité à demander une prorogation de la période de validité des offres, il n’y est tenu par aucune des dispositions applicables.

27      En effet, comme le souligne à juste titre F4E, la seule conséquence pouvant découler de ladite disposition pour le pouvoir adjudicateur est que celui-ci ne peut plus contraindre le soumissionnaire dont l’offre a expiré à signer et à exécuter un contrat fondé sur les conditions exposées dans l’offre dudit soumissionnaire.

28      Par ailleurs, l’égalité de traitement entre les soumissionnaires est assurée par le traitement de toutes les offres par rapport aux mêmes critères d’évaluation et en les comparant les unes avec les autres. La durée de validité des offres, si elle n’est pas prise en compte en tant que critère d’évaluation, ne saurait entraîner une discrimination dans l’évaluation de celles-ci, sauf s’il était prouvé qu’une offre n’avait pas été prise en compte en raison de son expiration, ce que les requérantes sont restées en défaut d’établir en l’espèce.

29      En effet, il ressort du dossier que les offres de tous les soumissionnaires ont été évaluées, y compris l’offre de la première requérante, et ce pendant la période de validité de ces dernières, et les requérantes n’avancent pas d’arguments de nature à remettre en cause cette constatation.

30      Dans de telles circonstances, le seul fait que la décision finale ait été adoptée après l’expiration de ladite période de validité ne saurait entacher d’illégalité la décision d’adjudication. Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et de l’article 113, paragraphe 2, du règlement financier

31      Les requérantes allèguent que la motivation de la décision d’adjudication n’est pas suffisante et ne leur permet pas de comprendre les raisons spécifiques pour lesquelles les trois offres placées en première position par le comité d’évaluation étaient meilleures que l’offre de la première requérante. En effet, la décision d’adjudication se bornerait à énumérer les différents critères et sous-critères à la lumière desquels les offres ont été évaluées, à attribuer des points à chacun des soumissionnaires pour chacun desdits critères et à affirmer pour chacune des trois premières offres qu’elle était « meilleure en termes de qualité et de mérite » que l’offre de ladite requérante, sans expliquer de manière adéquate en quoi elle était meilleure en termes de qualité et de mérite. De plus, l’extrait du rapport d’évaluation contenant quelques informations sur l’évaluation de l’offre de la première requérante ne satisferait pas aux obligations résultant de l’article 113 du règlement financier et de l’article 161 des règles d’application, relatives aux informations sur les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue. Le rapport d’évaluation et son extrait ne constitueraient pas une évaluation comparative permettant aux requérantes d’établir les éléments additionnels ou supérieurs qui auraient été proposés par les offres retenues et contiendraient des commentaires génériques et vagues.

32      Fusion for Energy rétorque qu’elle a pleinement satisfait à son obligation de motivation, telle qu’elle est définie par l’article 113 du règlement financier et par la jurisprudence applicable, et conteste les arguments formulés par les requérantes à cet égard.

33      À titre liminaire, s’agissant des dispositions applicables en l’espèce, il convient de préciser que, en vertu de l’article 94 du règlement financier de Fusion for Energy, adopté par décision du conseil d’administration du 22 octobre 2007 et modifié en dernier lieu le 25 novembre 2011, les procédures de passation de marchés publics lancées par F4E pour la prestation de services nécessaires à son fonctionnement administratif et répondant à ses besoins administratifs sont soumises au règlement financier général applicable à l’Union européenne et donc à ses règles d’application.

34      Cependant, le paragraphe 3 de l’article 161 des règles d’application s’applique aux « marchés passés par les institutions de l’Union pour leur propre compte, d’une valeur égale ou supérieure aux seuils visés à l’article 170, paragraphe 1, et qui ne sont pas exclus du champ d’application de la directive 2004/18/CE ».

35      Or, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’applicabilité en l’espèce du paragraphe 3 de l’article 161 des règles d’application, le devoir du pouvoir adjudicateur de respecter l’obligation de motivation découle des paragraphes 1 et 2 du même article, lu en combinaison avec l’article 113, paragraphe 2, du règlement financier.

36      L’article 113, paragraphe 2, du règlement financier prévoit que « [l]e pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre, ainsi que la durée du délai d’attente visé à l’article 118, paragraphe 2[ ; l]e pouvoir adjudicateur communique à tout soumissionnaire[,] qui satisfait aux critères d’exclusion et de sélection et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire ». 

37      L’article 161 des règles d’application est libellé comme suit :

« 1. Les pouvoirs adjudicateurs informent dans les meilleurs délais les candidats et les soumissionnaires des décisions prises concernant l’attribution du marché ou d’un contrat-cadre ou l’admission dans un système d’acquisition dynamique, y inclus les motifs pour lesquels ils ont décidé de renoncer à passer un marché ou un contrat-cadre ou à mettre en place un système d’acquisition dynamique pour lequel il y a eu mise en concurrence ou de recommencer la procédure.

2. Le pouvoir adjudicateur communique, dans un délai maximal de quinze jours de calendrier à compter de la réception d’une demande écrite, les informations mentionnées à l’article 113, paragraphe 2, du règlement financier. »

38      Selon une jurisprudence bien établie, l’obligation de motivation en matière de marchés publics est satisfaite lorsque le pouvoir adjudicateur communique immédiatement à tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre et fournit ensuite aux soumissionnaires ayant présenté une offre recevable et qui en font la demande expresse les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑465/04, EU:T:2008:324, point 47 et jurisprudence citée).

39      En outre, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment, du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 38 supra, EU:T:2008:324, point 49 et jurisprudence citée).

40      Toutefois, il découle de la jurisprudence qu’il ne saurait être exigé d’un pouvoir adjudicateur qu’il transmette à un soumissionnaire dont l’offre n’a pas été retenue, d’une part, outre les motifs du rejet de cette dernière, un résumé minutieux de la manière dont chaque détail de son offre a été pris en compte au titre de l’évaluation de celle-ci et, d’autre part, dans le cadre de la communication des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre retenue, une analyse comparative minutieuse de cette dernière et de l’offre du soumissionnaire évincé (voir, en ce sens, ordonnances du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑561/10 P, EU:C:2011:598, point 27 ; du 29 novembre 2011, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑235/11 P, EU:C:2011:791, points 50 et 51, et arrêt du 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑629/11 P, EU:C:2012:617, point 21).

41      En outre, il ne découle ni de l’article 113, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement financier, ni de l’article 161, paragraphe 2, des règles d’application, ni de la jurisprudence que, sur demande écrite d’un soumissionnaire évincé, le pouvoir adjudicateur serait tenu de lui fournir des copies complètes du rapport d’évaluation et de l’offre retenue (voir, par analogie, ordonnance du 13 janvier 2012, Evropaïki Dynamiki/AEE, C‑462/10 P, EU:C:2012:14, point 39).

42      De plus, il résulte de la jurisprudence que, lorsque l’institution concernée envoie une lettre, à la suite d’une demande d’explications supplémentaires de la part du requérant au sujet d’une décision avant l’introduction d’un recours, mais après la date fixée par l’article 161, paragraphe 2, des règles d’application, cette lettre peut aussi être prise en considération pour examiner si la motivation en l’espèce était suffisante. En effet, l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la requérante disposait au moment de l’introduction du recours, étant entendu, toutefois, que l’institution n’est pas autorisée à substituer une motivation intégralement nouvelle à la motivation initiale (voir, par analogie, arrêt du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, Rec, EU:T:2009:163, point 73 et jurisprudence citée).

43      En l’espèce, il y a lieu de relever que Fusion for Energy a immédiatement communiqué à la première requérante, dès la lettre litigieuse, les motifs du rejet de son offre. En particulier, il était indiqué que, bien que l’offre de ladite requérante démontrait certaines qualités, l’offre du soumissionnaire retenu en première position avait obtenu une note technique plus élevée et était plus avantageuse économiquement. Par ailleurs, la décision d’adjudication contenait un tableau reprenant les notes minimales ainsi que les notes obtenues par ladite requérante et par les soumissionnaires retenus pour chacun des critères et sous-critères techniques et la note financière pour les deux scénarios prévus par le cahier des charges.

44      Partant, la lettre litigieuse a été rédigée conformément aux dispositions de l’article 113, paragraphe 2, du règlement financier et de l’article 161 des règles d’application (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2014, Euro-Link Consultants et European Profiles/Commission, T‑199/12, EU:T:2014:848, point 69 et jurisprudence citée).

45      Par la suite, Fusion for Energy a répondu aux demandes d’informations supplémentaires envoyées par ladite requérante, par lettres des 23 août et 13 septembre 2013. Le fait que de telles lettres auraient été communiquées à la première requérante après l’expiration du délai prévu par l’article 161, paragraphe 2, des règles d’application n’empêche pas, en tout état de cause, de les prendre en compte, à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 42 ci‑dessus, afin d’examiner le caractère suffisant de la motivation.

46      La première de ces lettres contenait les noms des trois adjudicataires, la fiche d’évaluation indiquant les notes obtenues par la première requérante et lesdits adjudicataires pour chacun des critères et sous‑critères techniques et financiers et une indication, pour chacune des offres retenues et pour chacun desdits critères, concernant « l’avantage et la qualité supérieure » des offres retenues par rapport à l’offre de ladite requérante.

47      En annexe à la seconde lettre, Fusion for Energy a fourni l’extrait complet du rapport d’évaluation concernant l’offre de ladite requérante, contenant des commentaires précis sur l’évaluation de l’offre de cette dernière pour chacun des critères techniques applicables.

48      Or, premièrement, Fusion for Energy a communiqué à la première requérante les noms des soumissionnaires retenus ainsi qu’un tableau permettant de comparer directement, pour les différents critères évalués, les points qui leur avaient été attribués avec ceux obtenus par ladite requérante, de sorte qu’elle pouvait identifier les forces et les faiblesses respectives des différentes offres (voir, en ce sens, arrêt Euro-Link Consultants et European Profiles/Commission, point 44 supra, EU:T:2014:848, point 72).

49      Deuxièmement, grâce à la communication, lors de la procédure de passation de marché, de l’extrait complet du rapport d’évaluation concernant l’offre de la première requérante, les requérantes ont été mises en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles lesdits points avaient été attribués à ladite offre et, plus généralement, son évaluation dans son ensemble.

50      Troisièmement, Fusion for Energy a également fourni des commentaires concernant l’évaluation des offres des soumissionnaires retenus, lesquels, bien que moins détaillés que ceux fournis à l’égard de l’offre de la première requérante, permettaient aux requérantes ainsi qu’au Tribunal, en les lisant conjointement avec les autres éléments susmentionnés et, en particulier, avec l’extrait complet du rapport d’évaluation concernant cette dernière offre, de comprendre les motifs du rejet de cette offre. Ainsi, les requérantes ont été mises en mesure de connaître l’évaluation de ladite offre ainsi que les points sur lesquels les offres des autres soumissionnaires étaient meilleures. Ayant pris connaissance des détails de cette évaluation, elles pouvaient identifier, au moyen d’un raisonnement a contrario, les éléments par rapport auxquels les offres des autres soumissionnaires ne présentaient pas les mêmes carences que l’offre de la première requérante et avaient, par conséquent, obtenu une meilleure notation.

51      Quatrièmement, force est de constater que les requérantes sont restées en défaut d’identifier et de contester, de manière circonstanciée, les points précis de la motivation avancée par le pouvoir adjudicateur concernant l’évaluation de l’offre de la première requérante, dont elles pourraient estimer qu’ils seraient insuffisants et ne leur permettraient pas de comprendre les éléments essentiels de cette évaluation ainsi que les raisons du rejet de cette offre. Au contraire, les requérantes se sont limitées à se plaindre d’une prétendue insuffisance intrinsèque de la motivation additionnelle portant sur l’évaluation des offres des soumissionnaires retenus et de l’absence d’explication des raisons pour lesquelles lesdites offres étaient meilleures que l’offre de la première requérante. Surtout, elles ont supposé, à tort, que cette dernière n’avait pas été évaluée ou avait été évaluée seulement après l’expiration de sa durée de validité. Ces contestations générales et non circonstanciées ne sont cependant pas susceptibles de remettre en cause le caractère suffisant de la motivation de la décision d’adjudication dans son ensemble, telle qu’elle est lue dans son contexte (voir points 48 à 50 ci-dessus).

52      Compte tenu de ce qui précède, il convient de conclure que les requérantes sont restées en défaut de démontrer l’insuffisance de la motivation de la décision d’adjudication. Partant, il y a lieu de rejeter le second moyen comme non fondé.

53      S’agissant de la demande d’annulation de la décision d’attribution du marché aux soumissionnaires retenus, elle ne peut qu’être rejetée par voie de conséquence du rejet de la demande d’annulation de la décision d’adjudication, à laquelle elle est étroitement liée (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑247/09, EU:T:2012:533, point 170 et jurisprudence citée).

54      Par conséquent, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation dans leur totalité.

 Sur les conclusions en indemnité

55      Les requérantes considèrent que les conditions pour engager la responsabilité non contractuelle de l’Union sont remplies en l’espèce. En particulier, Fusion for Energy aurait violé de manière suffisamment caractérisée les articles 102 et 113 du règlement financier, l’article 138, paragraphe 2, sous c), et l’article 161, paragraphes 1 et 3, des règles d’application, le cahier des charges ainsi que le principe d’égalité de traitement. Le comportement illégal consisterait à avoir entrepris l’évaluation après l’expiration de la période de validité des offres et à avoir évalué uniquement les offres qui étaient valides, à l’exclusion de l’offre des requérantes, sans leur demander de proroger la validité de leur offre. De plus, les dispositions violées auraient un degré de clarté et de précision particulier et le pouvoir adjudicateur aurait agi de manière intentionnelle. Les critères du préjudice et du lien de causalité seraient, en outre, remplis en l’espèce. En conséquence, les requérantes demandent l’indemnisation, pour un montant de 100 000 euros, de la perte de chance d’obtenir le marché. Le comportement de Fusion for Energy étant, selon elles, arbitraire, les requérantes réclament également le paiement de dommages et intérêts exemplaires, qu’elles chiffrent à 50 000 euros.

56      Fusion for Energy considère qu’aucune des trois conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle des institutions de l’Union n’est remplie en l’espèce.

57      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, l’existence d’un préjudice réel et certain et l’existence d’un lien direct de causalité entre le comportement de l’institution concernée et le préjudice allégué (arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec, EU:C:1982:318, point 16, et du 9 juillet 1999, New Europe Consulting et Brown/Commission, T‑231/97, Rec, EU:T:1999:146, point 29).

58      En outre, il convient de rappeler que, dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de ladite responsabilité (arrêts du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec, EU:C:1994:329, point 81 ; du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, Rec, EU:C:1999:498, point 65, et du 10 décembre 2009, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08, Rec, EU:T:2009:491, point 91).

59      En l’espèce, il ressort des conclusions du Tribunal sur la demande en annulation que les requérantes n’ont apporté la preuve d’aucun comportement illégal de la part de Fusion for Energy.

60      Il s’ensuit que la demande en indemnité doit être rejetée comme étant non fondée dans son ensemble.

61      Partant, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de Fusion for Energy.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      European Dynamics Luxembourg SA et Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE sont condamnées aux dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 décembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : lʼanglais.