Language of document : ECLI:EU:T:2021:629

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

29 septembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale MASTIHACARE – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) no 207/2009, [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (UE) 2017/1001] – Obligation de motivation – Article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑60/20,

Enosi Mastichoparagogon Chiou, établie à Chios (Grèce), représentée par Me A.-E. Malami, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 25 novembre 2019 (affaire R 692/2019-1), concernant l’enregistrement international désignant l’Union européenne de la marque verbale MASTIHACARE,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. J. Schwarcz (rapporteur) et C. Iliopoulos, juges,

greffier : M. I. Pollalis, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 3 février 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 15 mai 2020,

à la suite de l’audience du 18 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 26 septembre 2017, la requérante, Enosi Mastichoparagogon Chiou, a introduit une demande d’enregistrement international désignant l’Union européenne.

2        Ledit enregistrement international a été notifié à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque faisant l’objet de l’enregistrement international désignant l’Union est le signe verbal MASTIHACARE.

4        Les produits pour lesquels ledit enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

« Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir, récurer et abraser ; savons ; lotions après-rasage, mousse de rasage ; produits de parfumerie, produits cosmétiques, préparations de soins capillaires, parfums, huiles essentielles, sels de bain (autres qu’à usage médical) ; préparations cosmétiques pour le bain ; masques de beauté, crèmes et préparations pour les soins du corps et du visage, produits hydratants pour la peau, crèmes parfumées pour le visage et le corps, crèmes contour des yeux ; laits, lotions et crèmes nettoyantes ; baumes pour les lèvres ; produits pour rafraîchir l’haleine, produits pour bains de bouche (autres qu’à usage médical), dentifrices, préparations pour le lavage et le nettoyage des dents et de la bouche (autres qu’à usage médical) ; huiles de mastiha à usage cosmétique et pour le nettoyage ; dentifrices sous forme de chewing-gums ou en poudre et/ou sous forme d’huiles essentielles et/ou sous forme d’extraits aqueux pour le blanchiment des dents ou à usage cosmétique ; toutes les préparations précitées contenant de la mastiha chiou (chios mastiha ou gomme mastic) ».

5        Par courrier du 27 février 2018, l’examinatrice a délivré un refus provisoire de protection, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, pour l’ensemble des produits en cause.

6        Le 26 avril 2018, la requérante a maintenu sa demande et a contesté les conclusions de l’examinatrice en affirmant notamment que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif par l’usage.

7        Par décision du 1er février 2019, l’examinatrice a refusé la protection de l’enregistrement international dans son intégralité, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, pour l’ensemble des produits en cause. Par ailleurs, elle a rejeté l’affirmation de la requérante selon laquelle ledit signe avait acquis un caractère distinctif par l’usage.

8        Le 27 mars 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinatrice.

9        Par décision du 25 novembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours sur le fondement des dispositions combinées de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

10      Premièrement, la chambre de recours a considéré que le public pertinent était composé des consommateurs moyens hellénophone et anglophone de l’Union. Deuxièmement, elle a estimé que la marque demandée était composée de l’élément verbal « mastiha », signifiant en substance « mastic », et de l’élément verbal « care », désignant la « fourniture de ce qui est nécessaire à la santé, au bien-être, à l’entretien et à la protection de quelqu’un ou de quelque chose ». Elle en a déduit que, pour le public pertinent, la combinaison de ces deux éléments verbaux serait perçue comme désignant un produit qui contient du mastic et qui est utilisé pour améliorer ou entretenir la santé ou le bien-être de quelqu’un ou de quelque chose, de sorte que la marque demandée décrirait la finalité et la fonction des produits concernés. Elle a, par ailleurs, considéré que ce caractère descriptif n’était pas remis en cause par le fait que la marque MASTIHACARE avait été enregistrée en Grèce et que les termes « mastiha » ou « mastihashop » étaient renommés en Grèce. Ainsi, la chambre de recours a considéré que la marque demandée ne pouvait faire l’objet d’une protection en tant qu’enregistrement international désignant l’Union, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001. Troisièmement, la chambre de recours a considéré, en substance, que, dès lors que le signe constituant la marque demandée faisait référence à des caractéristiques des produits concernés, ce signe était dépourvu de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Enfin, quatrièmement, la chambre de recours a estimé que la marque demandée ne pouvait faire l’objet d’une protection en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, au motif que les éléments de preuve fournis par la requérante ne permettaient pas de prouver qu’elle avait acquis un caractère distinctif par l’usage. En effet, si la requérante avait pu démontrer la renommée de la « mastiha » et le fait que la marque MASTIHASHOP faisait l’objet d’un usage intensif principalement en Grèce, tel n’avait pas été le cas quant à la marque verbale demandée, MASTIHACARE.

II.    Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        accepter l’enregistrement international MASTIHACARE désignant l’Union pour tous les produits visés ;

–        condamner l’EUIPO à supporter ses propres dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

13      En réponse à une question posée par le Tribunal à l’audience, la requérante a déclaré renoncer au chef de conclusions tendant à ce que le Tribunal « accepte l’enregistrement international […] MASTIHACARE désignant l’Union [...] pour tous les produits de la classe 3 », ce dont il convient de prendre acte.

14      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 26 septembre 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009, dans sa version modifiée par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015 (JO 2015, L 341, p. 21), lequel est entré en vigueur le 23 mars 2016 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

15      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leur argumentation à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001 comme visant l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009.

16      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009, [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001] et, le second, d’une violation de l’article 94, paragraphe 1, du même règlement.

A.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009

17      Par ce moyen, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir considéré que la marque demandée était descriptive et dépourvue de caractère distinctif.

1.      Observations liminaires

18      Il convient de rappeler, d’une part, que, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, les marques dépourvues de caractère distinctif sont refusées à l’enregistrement. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

19      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

20      Un signe peut être propre à identifier l’origine des produits ou des services qu’il désigne comme provenant d’une entreprise déterminée et ainsi posséder un caractère distinctif lorsqu’il nécessite un effort d’interprétation de la part du public pertinent et présente une certaine originalité et prégnance qui le rendent facilement mémorisable (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 59).

21      D’autre part, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou d’autres caractéristiques de ceux-ci.

22      En interdisant l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne de tels signes ou indications, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications descriptifs des caractéristiques de produits ou de services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voir, en ce sens, arrêts du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 25, et du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 31) et qu’une entreprise monopolise l’usage d’un terme descriptif, au détriment des autres entreprises, y compris ses concurrents, dont l’étendue du vocabulaire disponible pour décrire leurs propres produits se trouverait ainsi réduite [voir arrêt du 7 mai 2019, Fissler/EUIPO (vita), T‑423/18, EU:T:2019:291, point 31 et jurisprudence citée].

23      En outre, des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30, et du 7 novembre 2014, Kaatsu Japan/OHMI (KAATSU), T‑567/12, non publié, EU:T:2014:937, point 28].

24      Il est de jurisprudence constante que, pour se voir opposer un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il n’est pas nécessaire que les signes et les indications composant la marque visés à cet article soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de ladite disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés [voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 32, et du 31 mai 2016, Warimex/EUIPO (STONE), T‑454/14, non publié, EU:T:2016:325, point 83].

25      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits ou des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêt du 18 octobre 2016, Raimund Schmitt Verpachtungsgesellschaft/EUIPO (Brauwelt), T‑56/15, EU:T:2016:618, point 32 et jurisprudence citée].

26      À cet égard, il doit être précisé que le choix par le législateur du terme « caractéristique » met en exergue le fait que les signes visés par ladite disposition ne sont que ceux qui servent à désigner une propriété, facilement reconnaissable par les milieux intéressés, des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Ainsi, un signe ne saurait être refusé à l’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 que s’il est raisonnable d’envisager qu’il sera effectivement reconnu par les milieux intéressés comme une description de l’une desdites caractéristiques (voir arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 50 et jurisprudence citée).

27      Le caractère descriptif d’un signe doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 38, et du 7 novembre 2014, KAATSU, T‑567/12, non publié, EU:T:2014:937, point 30].

28      Enfin, il importe de relever qu’il résulte du libellé de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 que l’enregistrement d’un signe doit être refusé même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union (arrêt du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, C‑383/99 P, EU:C:2001:461, point 41) et qu’une partie de l’Union au sens de cette même disposition peut être constituée d’un seul État membre [voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2011, Couture Tech/OHMI (Représentation du blason soviétique), T‑232/10, EU:T:2011:498, point 22 et jurisprudence citée]. Par ailleurs, il ressort du libellé de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 que l’enregistrement d’un signe doit être refusé lorsqu’il a un caractère descriptif ou qu’il ne présente pas un caractère distinctif dans la langue d’un État membre, bien qu’il soit susceptible de faire l’objet d’un enregistrement dans un autre État membre (arrêt du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, EU:C:2002:506, point 40).

29      Il découle de ces considérations liminaires que, afin d’apprécier le bien‑fondé du premier moyen, il est nécessaire de déterminer au préalable la signification du terme « mastihacare », laquelle doit être établie par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, Lancôme/OHMI – CMS Hasche Sigle (COLOR EDITION), T‑160/07, EU:T:2008:261, point 44 et jurisprudence citée].

30      À cet égard, il convient de rappeler que, même si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en reste pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui-ci en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou ressemblent à des mots qu’il connaît [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 57 et jurisprudence citée].

2.      Sur le public pertinent

31      Ainsi qu’il résulte des points 5 et 11 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en substance, que le public pertinent était constitué du grand public hellénophone et anglophone de l’Union, appréciation qu’il convient d’entériner.

3.      Sur la signification du signe

32      Il ressort de la décision attaquée que la marque demandée est composée de deux éléments verbaux. Au point 17 de ladite décision, la chambre de recours a indiqué que le premier élément, « mastiha », qui est la translittération du mot grec signifiant « mastic », se définit comme « une gomme ou une résine aromatique provenant de l’écorce d’un arbre méditerranéen, utilisée dans la fabrication de vernis et de gomme à mâcher et comme arôme ». Quant au second élément, « care », elle a indiqué qu’il se définit comme la « fourniture de ce qui est nécessaire à la santé, au bien-être, à l’entretien et à la protection de quelqu’un ou de quelque chose ».

33      Ces définitions ne sont pas contestées par la requérante, de sorte qu’il y a lieu d’en tenir compte pour l’appréciation du caractère descriptif du signe en cause. Par ailleurs, la requérante ne remet pas non plus en cause le fait que, littéralement, la réunion de ces deux termes, à savoir, le terme « mastihacare », désigne un produit qui contient du mastic de Chios et qui est utilisé pour améliorer ou entretenir la santé ou le bien-être de quelqu’un ou de quelque chose. En revanche, elle critique l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les consommateurs moyens hellénophone et anglophone perçoivent la marque MASTIHACARE comme ayant une telle signification. Selon elle, ni l’un ni l’autre de ces consommateurs ne pourrait percevoir immédiatement la signification descriptive de ce terme, comme l’exige la jurisprudence, si bien que la chambre de recours aurait eu tort de considérer, au point 18 de la décision attaquée, que le public pertinent comprendra le terme « mastihacare » comme désignant quelque chose qui contient du mastic de Chios et qui est utilisé pour améliorer ou entretenir la santé ou le bien-être de quelqu’un ou de quelque chose.

34      Il y a donc lieu d’examiner si l’EUIPO a pu conclure qu’il existait, du point de vue du public pertinent hellénophone et anglophone, un rapport suffisamment direct et concret entre le terme « mastihacare » et les produits en cause [voir, par analogie, arrêt du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, EU:T:2002:44, point 42].

35      À cet égard, il convient de préciser qu’il découle de la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus qu’il suffit que la chambre de recours ait pu valablement conclure au caractère descriptif de la marque demandée à l’égard d’une des deux parties du public pertinent pour que ladite marque ne puisse pas faire l’objet d’une protection en tant qu’enregistrement international désignant l’Union, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009.

a)      Sur la perception du signe par la partie hellénophone du public pertinent

36      S’agissant de la partie hellénophone du public pertinent, la requérante soutient premièrement que le terme « mastihacare » n’a aucune signification pour celle-ci. En effet, le consommateur hellénophone ne maîtriserait pas nécessairement la langue anglaise et il ne comprendrait automatiquement ni les lettres majuscules en caractères latins « Μ », « Α », « S », « Τ », « Ι », « Η » et « Α », ni le second terme, « care », dont est composée la marque demandée.

37      Deuxièmement, la requérante prétend que, à supposer que le consommateur grec reconnaisse et comprenne les termes « mastiha » et « care », il identifiera le terme « mastiha » comme distinguant les produits qu’elle fournit spécifiquement, ce qui remplirait la fonction d’origine de la marque, dès lors que ce terme s’est imposé dans la vie des affaires en Grèce. Ceci serait clairement corroboré par plusieurs décisions adoptées par des tribunaux et autorités administratives nationales. En outre, ledit consommateur considérerait le premier de ces termes comme étant le plus important et le second comme étant descriptif. Elle en conclut que, puisque le terme « mastiha » s’est imposé dans la vie des affaires en Grèce comme un élément distinctif et qu’il est associé dans l’esprit du consommateur grec à la requérante, il y a lieu de considérer que la marque MASTIHACARE s’est aussi imposée dans la vie des affaires en Grèce en raison de son usage exclusif par la coopérative requérante depuis sa création en 1938. La requérante reproche, en outre, à la chambre de recours d’avoir admis au point 22 de la décision attaquée que la requérante avait démontré la renommée du terme « mastiha », voire la reconnaissance du terme « mastihashop » par le public pertinent, sans pour autant considérer que la marque MASTIHACARE avait acquis un caractère distinctif.

38      Troisièmement, la requérante fait valoir que le fait que la marque MASTIHACARE soit déjà enregistrée en Grèce démontrerait qu’elle est pourvue d’un caractère distinctif et priverait de pertinence la décision attaquée.

39      Le Tribunal considère que les arguments avancés par la requérante ne sauraient prospérer.

40      Premièrement, l’affirmation selon laquelle le terme « mastihacare » n’aura aucune signification pour le consommateur hellénophone (voir point 36 ci-dessus) ne peut qu’être rejetée.

41      D’une part, s’agissant de l’élément « mastiha », l’argument selon lequel ledit consommateur ne comprendra pas automatiquement la suite de lettres majuscules « Μ », « Α », « S », « Τ », « Ι », « Η » et « Α » est en contradiction avec les décisions des autorités juridictionnelles et administratives nationales et les décisions antérieures de l’EUIPO citées par la requérante dans la requête. En effet, il en ressort notamment que le terme « mastiha » est la translittération du mot « mastihi » en grec, c’est-à-dire une résine extraite des arbres à mastic de l’île de Chios, et que ce terme a une signification dans la perception du consommateur hellénophone. Par ailleurs, il découle d’une décision d’une juridiction grecque citée par la requérante au point 27 de la requête que, du fait que « [...] la fonction publicitaire et de garantie que les appellations d’origine protégées [...] assurent, pour les produits qu’elles distinguent, provient, pour le consommateur grec et concernant le produit “Mastiha de Chios”, du nom du produit “Mastiha”; il est [...] évident pour ce consommateur que ce produit traditionnel, qui a acquis une grande renommée et dont le nom s’est imposé dans la vie des affaires en raison de sa commercialisation de longue date (depuis 1938), est produit exclusivement à Chios ». Partant, la partie hellénophone du public pertinent sera en mesure de saisir que le terme « mastihacare » contient le terme « mastiha » qui est la translittération du mot grec signifiant « mastic » et que le produit auquel il sera confronté a un rapport avec la résine extraite des arbres à mastic de Chios.

42      D’autre part, s’agissant de l’élément « care », contrairement à ce qu’a fait valoir la requérante dans sa requête et lors de l’audience, il ne saurait être valablement soutenu que la partie hellénophone du public pertinent n’a pas une connaissance suffisante de la langue anglaise pour pouvoir saisir le sens du mot « care ». En effet, il convient de rappeler que l’anglais est une langue de diffusion mondiale [voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2011, Poloplast/OHMI – Polypipe (P), T‑189/09, non publié, EU:T:2011:611, point 54 et jurisprudence citée] et de constater que le mot « care » appartient au vocabulaire de base de la langue anglaise, compréhensible pour une grande partie des consommateurs de l’Union. Dans ces conditions, il convient de considérer qu’à tout le moins une partie significative des consommateurs hellénophones comprendra la signification de ce terme. Cela vaut d’autant plus pour le consommateur chypriote, faisant partie du public hellénophone, dès lors qu’il est constant que l’anglais est une langue couramment utilisée et enseignée en République de Chypre.

43      Deuxièmement, doit être rejeté l’argument selon lequel, en substance, le terme « mastihacare » est perçu par le consommateur hellénophone comme un signe distinctif permettant d’identifier les produits qui en sont revêtus comme provenant de la requérante, remplissant ainsi la fonction d’origine de la marque demandée, et ce d’autant plus que la chambre de recours aurait reconnu la renommée des termes « mastiha » et « mastihashop » (voir point 37 ci-dessus).

44      En effet, il suffit de constater que, selon une jurisprudence constante, une telle circonstance n’est pas un facteur pertinent dans le cadre de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009, dispositions qui concernent uniquement les caractéristiques intrinsèques d’un signe dont l’enregistrement est demandé. Ce n’est que dans le cadre de l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001) qu’il y a lieu d’apprécier l’usage effectif d’un signe dont l’enregistrement est demandé, cette dernière disposition permettant l’enregistrement d’un signe dépourvu, à l’origine, de caractère distinctif, lorsque celui-ci a acquis, pour les produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé, un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait [voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2019, Ortlieb Sportartikel/EUIPO (Représentation d’un polygone octogonal), T‑449/18, non publié, EU:T:2019:386, points 34 et 35 et jurisprudence citée]. Étant donné que l’examen de la circonstance invoquée par la requérante implique donc d’apprécier les qualités que la marque demandée aurait pu acquérir par son usage auprès du public pertinent, à savoir que celui-ci identifierait les produits en cause comme provenant de la requérante, ladite circonstance ne peut pas être prise en compte dans le cadre de l’appréciation du caractère descriptif intrinsèque au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 septembre 2019, Crédit Mutuel Arkéa/EUIPO – Confédération nationale du Crédit mutuel (Crédit Mutuel), T‑13/18, EU:T:2019:673, point 62].

45      De même, ainsi que l’a souligné l’EUIPO, le fait, mis en avant par la requérante, de l’octroi par les autorités grecques à la requérante du droit exclusif d’exploitation de la « mastiha » et de ses produits, n’est pas pertinent dans le cadre de l’appréciation du caractère descriptif de la marque demandée ou de son caractère distinctif intrinsèque. En effet, une telle circonstance n’a pas d’incidence sur la perception et la compréhension par le public pertinent du terme « mastihacare » en tant que tel au regard des produits en cause, mais pourrait, tout au plus, constituer un élément pertinent dans le cadre de l’examen de l’acquisition par la marque demandée, par son usage, d’un caractère distinctif lui permettant d’indiquer l’origine commerciale des produits visés comme provenant d’un opérateur économique en particulier (voir, par analogie, arrêt du 24 septembre 2019, Crédit Mutuel, T‑13/18, EU:T:2019:673, point 63).

46      Il découle des considérations qui précèdent que la possibilité que le public hellénophone puisse reconnaître les termes « mastiha » ou « mastihacare » comme distinguant les produits de la requérante ne saurait écarter, en l’espèce, l’application des motifs absolus de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009, une telle perception de la marque demandée ne pouvant être prise en compte que dans le cadre de l’application de l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement.

47      Or, en l’espèce, il convient de relever que, si la requérante a invoqué la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 devant les instances de l’EUIPO, tel n’est pas le cas dans le cadre du présent recours. En réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, la requérante a d’ailleurs confirmé qu’aucun moyen du recours ne vise formellement la violation de cette disposition.

48      La requérante a cependant indiqué lors de l’audience, en substance, que, bien qu’aucun moyen du recours ne porte sur la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, il n’en demeure pas moins que la requête contesterait en partie le contenu de l’appréciation faite aux points 30 à 45 de la décision attaquée, dans lesquels la chambre de recours a estimé que la marque demandée ne pouvait faire l’objet d’une protection en vertu de cette disposition, au motif que les éléments de preuve fournis par la requérante ne permettaient pas de prouver qu’elle avait acquis un caractère distinctif par l’usage. Tel serait le cas notamment des points 26 et 33 de la requête, dans lesquels elle a allégué que la marque demandée aurait acquis un caractère distinctif.

49      Toutefois, force est de constater, d’une part, que ces points figurent dans la partie de la requête consacrée spécifiquement à la violation alléguée de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009. D’autre part, ces points de la requête ne sauraient être interprétés en ce sens que la requérante aurait soulevé un moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009.

50      Or, s’il convient d’admettre que l’énonciation des moyens d’un recours n’est pas liée à la terminologie et à l’énumération du règlement de procédure, en particulier de l’article 76, sous d), de celui-ci, et que la présentation de ces moyens par leur substance, plutôt que par leur qualification légale, peut suffire, c’est à condition toutefois que lesdits moyens se dégagent de la requête avec suffisamment de netteté [voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2016, Smarter Travel Media/EUIPO (SMARTER TRAVEL), T‑290/15, non publié, EU:T:2016:651, point 90]. Tel n’est cependant pas le cas en l’espèce, dès lors que, s’agissant de l’article 7 du règlement no 207/2009, la requérante a invoqué expressément la seule violation de son paragraphe 1, sous b) et c), et ne s’est aucunement référée à son paragraphe 3 ou aux appréciations opérées par la chambre de recours au titre de cette dernière disposition. Par ailleurs, l’absence de clarté de la requête à cet égard n’a pas permis à l’EUIPO de préparer sa défense, comme il l’a souligné à juste titre lors de l’audience, ce qui est corroboré, notamment, par l’absence, dans ses écritures, de réponse à un moyen tiré d’une prétendue violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009. Dès lors, quand bien même la requérante aurait entendu présenter un tel moyen d’annulation, il conviendrait de constater que les exigences concrètes de clarté et de précision découlant de l’article 76, sous d), du règlement de procédure auraient été manifestement méconnues.

51      Enfin, troisièmement, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel l’enregistrement de la marque MASTIHACARE en Grèce démontrerait que la marque demandée est pourvue d’un caractère distinctif. En effet, ainsi que la chambre de recours l’a rappelé au point 20 de la décision attaquée, il résulte de la jurisprudence que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Par conséquent, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation pertinente de l’Union. Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, voire d’un pays tiers, admettant le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque nationale [voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, EU:T:2002:43, point 47 et jurisprudence citée].

52      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que, à tout le moins, une fraction significative de la partie hellénophone du public pertinent ne pourrait pas percevoir immédiatement la signification du terme « mastihacare » comme étant descriptive des produits en cause. Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la marque demandée décrivait la finalité et la fonction desdits produits à tout le moins à l’égard de la partie hellénophone du public pertinent et qu’elle ne pouvait dès lors faire l’objet d’une protection en tant qu’enregistrement international désignant l’Union, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

53      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel la marque demandée ne pourrait être refusée à l’enregistrement en vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 que si le public pertinent employait effectivement le terme « mastihacare » dans le cadre d’un usage normal pour désigner les produits couverts par la demande d’enregistrement. En effet, à l’instar de l’EUIPO et ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, pour se voir opposer un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il n’est pas nécessaire que les signes et les indications visés par cette disposition soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement de la marque concernée, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels cette demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins.

b)      Sur la perception du signe par la partie anglophone du public pertinent

54      S’agissant de la partie anglophone du public pertinent, la requérante considère que le terme « mastiha » n’a aucune signification pour celle-ci. Elle ajoute que cette considération est corroborée par ce qu’a décidé l’EUIPO dans quatre décisions adoptées antérieurement dans les affaires R 0496/2015-1, Β 002786260, R 983/2015 et R 2719/2014-1. Selon elle, l’appréciation contraire retenue dans la décision attaquée va donc à l’encontre du caractère unitaire des décisions de l’EUIPO. En outre, la requérante fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir suffisamment motivé son appréciation selon laquelle ces décisions antérieures de l’EUIPO ne seraient pas transposables en l’espèce. Elle en conclut que, compte tenu desdites décisions antérieures, la chambre de recours aurait dû considérer que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif pour le consommateur anglophone.

55      L’EUIPO conteste cette argumentation.

56      Il y a lieu de relever que, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus, selon laquelle l’enregistrement d’un signe doit être refusé même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union, d’une part, et au constat opéré au point 52 ci-dessus, d’autre part, il n’y a pas lieu de se prononcer sur le bien-fondé de l’argumentation de la requérante relative à la perception du signe constituant la marque demandée par la partie anglophone du public pertinent. En effet, à supposer établi que celle-ci ne perçoive pas la signification descriptive de la marque demandée, comme le soutient la requérante, il n’en demeurerait pas moins que la chambre de recours a pu valablement considérer que cette marque était descriptive des produits concernés s’agissant de la partie hellénophone du public pertinent, si bien qu’elle ne pouvait faire l’objet d’une protection en tant qu’enregistrement international désignant l’Union, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009.

57      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y lieu de rejeter le premier moyen.

B.      Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001

58      Par ce moyen, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation à deux égards. Premièrement, la chambre de recours n’aurait pas motivé son appréciation selon laquelle la marque demandée n’est pas pourvue d’un caractère distinctif, alors qu’elle reconnaît que la requérante a prouvé la renommée du terme « mastiha » ainsi que l’usage intensif, principalement en Grèce, de la marque MASTIHASHOP. Deuxièmement, la chambre de recours n’aurait pas non plus exposé les raisons pour lesquelles elle n’a pas tenu compte de l’appréciation faite par l’EUIPO dans des décisions adoptées antérieurement selon laquelle le terme « mastiha » possède un caractère distinctif suffisant pour le consommateur anglophone dès lors qu’il ne perçoit pas sa signification.

59      L’EUIPO conteste le bien-fondé de ce moyen.

60      Il convient de rappeler que l’obligation de motivation qui s’impose à la chambre de recours a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision concernée. À ces fins, la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, sans qu’il soit nécessaire que cette motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait auxdites exigences devant cependant être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, points 64 et 65 et jurisprudence citée).

61      S’agissant du premier grief du présent moyen (voir point 58 ci-dessus), il y a lieu de considérer que la motivation figurant au point 22 de la décision attaquée, bien que succincte, permet de comprendre le raisonnement suivi par la chambre de recours. En effet, après avoir décrit aux points 17 à 21 de la décision attaquée les raisons pour lesquelles il y avait lieu de considérer que la marque demandée était descriptive des produits en cause pour le public pertinent, la chambre de recours a, en substance, souligné au point 22 de cette décision que cette conclusion ne pouvait être remise en cause du fait de la renommée du terme « mastiha » et de la marque MASTIHASHOP dès lors que c’est la marque demandée, MASTIHACARE qui faisait l’objet de l’examen au regard de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, et non les signes MASTIHA ou MASTIHASHOP.

62      Ainsi que le fait valoir l’EUIPO, il apparaît donc clairement que la chambre de recours a considéré, d’une part, que l’éventuel pouvoir distinctif intrinsèque ou acquis dont serait doté l’un des composants de la marque demandée, à savoir le terme « mastiha », ne suffisait pas à conférer un caractère distinctif à cette marque dans son ensemble. D’autre part, elle a implicitement mais nécessairement considéré que la renommée du terme « mastiha » et de la marque MASTIHASHOP ne remettait pas en cause l’examen du caractère descriptif du signe constituant la marque demandée au regard des produits désignés par celle-ci aux yeux du public pertinent.

63      Partant, il y a lieu de rejeter le premier grief de la requérante.

64      S’agissant du second grief du présent moyen, selon lequel la chambre de recours aurait omis de motiver l’absence de prise en compte des décisions antérieures de l’EUIPO (voir point 58 ci-dessus), il doit être rejeté comme inopérant, dès lors qu’il ne saurait entraîner l’annulation de la décision attaquée. En effet, à supposer établie la prétendue insuffisance de motivation de la décision attaquée et quand bien même il serait établi que le public pertinent anglophone ne percevrait pas la signification descriptive de la marque demandée, il ressort du point 52 ci-dessus que la chambre de recours a pu valablement considérer que cette marque était descriptive des produits concernés s’agissant du public pertinent hellénophone, si bien qu’elle ne pouvait faire l’objet d’une protection en tant qu’enregistrement international désignant l’Union, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009.

65      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le second moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 IV.      Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Enosi Mastichoparagogon Chiou est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le grec.