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ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

15 avril 2021 (*)

[Texte rectifié par ordonnance du 12 mai 2021]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Reconnaissance et exécution des décisions en matière d’obligations alimentaires – Règlement (CE) no 4/2009 – Champ d’application ratione temporis – Article 75 – Décisions rendues par une juridiction d’un État membre avant l’adhésion à l’Union européenne »

Dans l’affaire C‑729/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Court of Appeal in Northern Ireland (Cour d’appel d’Irlande du Nord, Royaume-Uni), par décision du 2 septembre 2019, parvenue à la Cour le 2 octobre 2019, dans la procédure

TKF

contre

Department of Justice for Northern Ireland,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, MM. N. Wahl, F. Biltgen, Mme L. S. Rossi (rapporteure) et M. J. Passer, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : Mme C. Strömholm, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 octobre 2020,

considérant les observations présentées :

–        [tel que rectifié par ordonnance du 12 mai 2021] pour TKF, par M. R. Lavery, QC, M. C. McGarrity, solicitor, et M. M. McGowan, barrister,

–        [tel que rectifié par ordonnance du 12 mai 2021] pour le Department of Justice for Northern Ireland, par M. K. Brown, en qualité d’agent, assisté de M. T. McGleenan, QC, et de Mme L. McMahon, barrister,

–        [tel que rectifié par ordonnance du 12 mai 2021] pour le gouvernement polonais, par Mme S. Żyrek, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par M. M. Wilderspin, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 novembre 2020,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 75 du règlement (CE) no 4/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires (JO 2009, L 7, p. 1, et rectificatifs JO 2011, L 131, p. 26 ainsi que JO 2013, L 8, p. 19).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant TKF, un ressortissant polonais, au Department of Justice for Northern Ireland (ministère de la Justice d’Irlande du Nord), en tant qu’autorité centrale chargée de satisfaire aux obligations découlant de ce règlement, au sujet de la reconnaissance et de l’exécution au Royaume-Uni de décisions en matière d’obligations alimentaires rendues en Pologne avant l’adhésion de la République de Pologne à l’Union européenne.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement no 44/2001

3        L’article 66 du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), relevant du chapitre VI de ce règlement, intitulé « dispositions transitoires », dispose :

« 1.      Les dispositions du présent règlement ne sont applicables qu’aux actions judiciaires intentées et aux actes authentiques reçus postérieurement à son entrée en vigueur.

2.      Toutefois, si l’action dans l’État membre d’origine a été intentée avant la date d’entrée en vigueur du présent règlement, les décisions rendues après cette date sont reconnues et exécutées conformément aux dispositions du chapitre III:

a)      dès lors que l’action dans l’État membre d’origine a été intentée après l’entrée en vigueur de la convention de Bruxelles [concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée à Bruxelles le 27 septembre 1968 (JO 1972, L 299, p. 32)] ou de la convention de Lugano [relative à la compétence judiciaire et à l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée à Lugano le 16 septembre 1988 (JO 1988, L 319, p. 9)] à la fois dans l’État membre d’origine et dans l’État membre requis;

b)      dans tous les autres cas, dès lors que les règles de compétence appliquées sont conformes à celles prévues soit par le chapitre II, soit par une convention qui était en vigueur entre l’État membre d’origine et l’État membre requis au moment où l’action a été intentée. »

 Le règlement no 4/2009

4        Les considérants 31, 44 et 47 du règlement no 4/2009 sont ainsi libellés :

« (31)      Afin de faciliter le recouvrement transfrontalier de créances alimentaires, il convient de mettre en place un régime de coopération entre les autorités centrales désignées par les États membres. Ces autorités devraient prêter assistance aux créanciers et aux débiteurs d’aliments pour faire valoir leurs droits dans un autre État membre par la présentation de demandes de reconnaissance, de constatation de la force exécutoire et d’exécution de décisions existantes, de modification de telles décisions ou d’obtention d’une décision. Elles devraient également échanger des informations aux fins de localiser les débiteurs et les créanciers et d’identifier leurs revenus et patrimoine en tant que de besoin. Elles devraient enfin coopérer entre elles en échangeant des informations d’ordre général et promouvoir la coopération entre les autorités compétentes de leur État membre.

[...]

(44)      Le présent règlement devrait modifier le [règlement no 44/2001] en remplaçant les dispositions de celui-ci applicables en matière d’obligations alimentaires. Sous réserve des dispositions transitoires du présent règlement, les États membres devraient, en matière d’obligations alimentaires, appliquer les dispositions du présent règlement sur la compétence, sur la reconnaissance, la force exécutoire et l’exécution des décisions et sur l’aide judiciaire à la place de celles du [règlement no 44/2001] à compter de la date d’application du présent règlement. 

[...]

(47)      Conformément aux articles 1er et 2 du protocole sur la position du Royaume-Uni et de l’Irlande annexé au traité sur l’Union européenne et au traité instituant la Communauté européenne, le Royaume-Uni ne participe pas à l’adoption du présent règlement et n’est pas lié par celui-ci ni soumis à son application. Cela est toutefois sans préjudice de la possibilité pour le Royaume-Uni de notifier son intention d’accepter le présent règlement après son adoption conformément à l’article 4 dudit protocole. »

5        L’article 1er du règlement no 4/2009, intitulé « Champ d’application », prévoit, à son paragraphe 2 :

« Dans le présent règlement, on entend par “État membre” tous les États membres auxquels le présent règlement s’applique. »

6        L’article 2 de ce règlement, intitulé « Définitions », énonce, à son paragraphe 1 :

« Aux fins du présent règlement on entend par:

1)      “décision” : une décision en matière d’obligations alimentaires rendue par une juridiction d’un État membre, quelle que soit la dénomination qui lui est donnée, telle qu’arrêt, jugement, ordonnance ou mandat d’exécution, ainsi qu’une décision du greffier fixant le montant des frais du procès. Aux fins des chapitres VII et VIII, on entend par “décision” également une décision en matière d’obligations alimentaires rendue dans un État tiers;

[...]

4)      “État membre d’origine” : l’État membre dans lequel [...] la décision a été rendue [...] ;

5)      “État membre d’exécution” : l’État membre dans lequel est demandée l’exécution de la décision [...] ;

6)      “État membre requérant” : l’État membre dont l’autorité centrale transmet une demande en vertu du chapitre VII ;

7)      “État membre requis” : l’État membre dont l’autorité centrale reçoit une demande en vertu du chapitre VII ;

[...] »

7        Le chapitre IV dudit règlement, intitulé « Reconnaissance, force exécutoire et exécution des décisions », est divisé en trois sections. Conformément à l’article 16 de ce règlement, la section 1, qui regroupe les articles 17 à 22 dudit règlement, s’applique aux décisions rendues dans un État membre lié par le protocole de La Haye du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires (ci-après le « protocole de La Haye »). La section 2, qui comprend les articles 23 à 38 dudit règlement, s’applique aux décisions rendues dans un État membre non lié par ce protocole. La section 3, qui regroupe les articles 39 à 43 du même règlement, contient des dispositions communes à toutes les décisions.

8        Aux termes de l’article 23, paragraphe 1, du même règlement :

« Les décisions rendues dans un État membre non lié par le protocole de La Haye de 2007 sont reconnues dans les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. »

9        L’article 24 du règlement no 4/2009, intitulé « Motifs de refus de reconnaissance », dispose :

« Une décision n’est pas reconnue si :

a)      la reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre dans lequel la reconnaissance est demandée. Le critère de l’ordre public ne peut être appliqué aux règles de compétence ;

b)      l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il ait pu se défendre, à moins qu’il n’ait pas exercé de recours à l’encontre de la décision alors qu’il était en mesure de le faire ;

[...] »

10      L’article 26 de ce règlement, intitulé « Force exécutoire », est ainsi libellé :

« Une décision rendue dans un État membre non lié par le protocole de La Haye de 2007 et qui y est exécutoire est mise à exécution dans un autre État membre après y avoir été déclarée exécutoire sur demande de toute partie intéressée. »

11      Le chapitre VII du règlement n° 4/2009 contient des dispositions portant sur la coopération entre les autorités centrales. Ces dispositions figurent aux articles 49 à 63 de ce règlement.

12      L’article 51, paragraphe 1, du même règlement prévoit :

« 1.      Les autorités centrales fournissent une assistance relative aux demandes prévues à l’article 56, notamment en :

a)      transmettant et recevant ces demandes;

b)      introduisant ou facilitant l’introduction de procédures relatives à ces demandes. »

13      L’article 55 du règlement no 4/2009, intitulé « Demandes par l’intermédiaire des autorités centrales », énonce :

« Toute demande prévue au titre du présent chapitre est transmise à l’autorité centrale de l’État membre requis par l’intermédiaire de l’autorité centrale de l’État membre dans lequel le demandeur a sa résidence. »

14      Aux termes de l’article 56, paragraphes 1 et 2, de ce règlement :

« 1.      Un créancier qui poursuit le recouvrement d’aliments en vertu du présent règlement peut présenter les demandes suivantes :

a)      la reconnaissance ou la reconnaissance et la déclaration constatant la force exécutoire d’une décision ;

b)      l’exécution d’une décision rendue ou reconnue dans l’État membre requis ;

c)      l’obtention d’une décision dans l’État membre requis lorsqu’il n’existe aucune décision, y compris l’établissement de la filiation si nécessaire ;

d)      l’obtention d’une décision dans l’État membre requis lorsque la reconnaissance et la déclaration constatant la force exécutoire d’une décision rendue dans un État autre que l’État membre requis n’est pas possible ;

e)      la modification d’une décision rendue dans l’État membre requis ;

f)      la modification d’une décision rendue dans un État autre que l’État membre requis.

2.      Un débiteur à l’encontre duquel existe une décision en matière d’aliments peut présenter les demandes suivantes :

a)      la reconnaissance d’une décision ayant pour effet de suspendre ou de restreindre l’exécution d’une décision antérieure dans l’État membre requis ;

b)      la modification d’une décision rendue dans l’État membre requis ;

c)      la modification d’une décision rendue dans un État autre que l’État membre requis. »

15      L’article 75 dudit règlement, intitulé « Dispositions transitoires » et faisant partie du chapitre IX de celui-ci, intitulé « dispositions générales et finales », dispose :

« 1.      Le présent règlement ne s’applique qu’aux procédures engagées, aux transactions judiciaires approuvées ou conclues et aux actes authentiques établis à partir de sa date d’application, sous réserve des paragraphes 2 et 3.

2.      Les sections 2 et 3 du chapitre IV s’appliquent :

a)      aux décisions rendues dans les États membres avant la date d’application du présent règlement pour lesquelles la reconnaissance et la déclaration constatant la force exécutoire sont demandées à partir de cette date;

b)      aux décisions rendues à partir de la date d’application du présent règlement à la suite de procédures engagées avant cette date,

dans la mesure où ces décisions relèvent, aux fins de la reconnaissance et de l’exécution, du champ d’application du règlement (CE) no 44/2001.

[...]

3.      Le chapitre VII concernant la coopération entre autorités centrales s’applique aux requêtes et demandes reçues par l’autorité centrale à compter de la date d’application du présent règlement. »

16      L’article 76 du même règlement, intitulé « Entrée en vigueur », est ainsi libellé :

« Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

L’article 2, paragraphe 2, l’article 47, paragraphe 3, et les articles 71, 72 et 73 s’appliquent à compter du 18 septembre 2010.

Le présent règlement s’applique, à l’exception des dispositions visées au deuxième alinéa, à compter du 18 juin 2011, sous réserve que le protocole de La Haye de 2007 soit applicable dans la Communauté à cette date. À défaut, le présent règlement s’applique à compter de la date d’application dudit protocole dans la Communauté.

[...] »

 La décision 2009/451/CE

17      En application de l’article 2 de la décision 2009/451/CE de la Commission, du 8 juin 2009, sur l’intention du Royaume-Uni d’accepter le règlement no 4/2009 (JO 2009, L 149, p. 73), ce règlement est entré en vigueur au Royaume-Uni le 1er juillet 2009.

 La décision 2009/941/CE

18      Conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2009/941/CE du Conseil, du 30 novembre 2009, relative à la conclusion, par la Communauté européenne, du protocole de La Haye du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires (JO 2009, L 331, p. 17), les règles de ce protocole sont appliquées à titre provisoire au sein de l’Union à partir du 18 juin 2011.

 Le droit du Royaume-Uni

19      Le règlement no 4/2009 a été mis en œuvre au Royaume‑Uni (y compris en Irlande du Nord) par le Civil Jurisdiction and Judgments (Maintenance) Regulations (SI 2011/1484) [règlement n° 1484 de 2011 sur la juridiction et les jugements civils (obligations alimentaires)].

20      L’article 4, sous 1A, des Magistrates’ Courts (Civil Jurisdiction and Judgments Act 1982) Rules (Northern Ireland) 1986 [règlement de 1986 sur les tribunaux d’instance (loi de 1982 sur la juridiction et les jugements civils d’Irlande du Nord)], dispose :

« Lorsqu’un greffier du Magistrates’ Court for the Petty Sessions (tribunal d’instance d’arrondissement) reçoit une demande en vertu de l’article 26 du [règlement no 4/2009] pour l’enregistrement, en vue de son exécution, d’une décision en matière d’obligations alimentaires rendue dans un État visé par ce règlement autre que le Royaume-Uni, il procède, sous réserve de l’article 24 dudit règlement et des paragraphes 3 et 4 du présent article, à l’enregistrement de cette [décision] auprès dudit tribunal, au moyen d’une brève mention ou note qu’il inscrit au registre des décisions et qu’il signe sous forme d’un procès-verbal ou d’un mémoire signés. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

21      TKF et AKF, tous deux de nationalité polonaise, se sont mariés en Pologne au cours de l’année 1991. Ils ont eu deux fils.

22      Le 1er avril 1999, une décision en matière d’aliments a été rendue par une juridiction polonaise en faveur d’AKF contre TKF.

23      Au mois de décembre 2002, de nouvelles procédures en matière d’aliments ont été engagées devant une juridiction polonaise. Ces procédures ont conduit à l’adoption de nouvelles décisions en matière d’aliments, datées du 14 février 2003, apportant des modifications à la décision initiale.

24      TKF et AKF ont divorcé au cours de l’année 2004. Au mois d’août 2006, TKF est arrivé en Irlande du Nord, où il réside depuis lors.

25      Par décisions du 24 octobre 2013 et du 15 août 2014 (ci-après les « décisions de procéder à l’enregistrement »), un greffier du Magistrates’ Court for the Petty Sessions District of Belfast and Newtownabbey [tribunal d’instance (arrondissement de Belfast et de Newtownabbey, Royaume-Uni)] a enregistré et déclaré exécutoires les deux décisions en matière d’aliments rendues par la juridiction polonaise le 14 février 2003. Les décisions de procéder à l’enregistrement ont été prises en application de l’article 75  du règlement nº 4/2009. Ces dernières indiquent également que les décisions ainsi enregistrées sont exécutoires aux fins de la section 2 du chapitre IV du même règlement.

26      TKF a formé un recours contre les décisions de procéder à l’enregistrement devant la High Court of Justice in Northern Ireland, Queen’s Bench Division (Haute Cour de justice de l’Irlande du Nord, division du Queen’s Bench, Royaume-Uni). À l’appui de ce recours, il a fait valoir, en substance, que la République de Pologne n’étant pas un État membre au moment où les décisions en matière d’aliments en cause ont été rendues, la section 2 du chapitre IV de ce règlement n’était pas applicable en l’espèce. En outre, il a soutenu que les articles 23 et 26 dudit règlement ne s’appliquaient pas auxdites décisions et que, en tout état de cause, ces décisions ne respectaient pas l’article 24 du même règlement, dans la mesure où il n’existait aucune preuve que TKF ait eu connaissance des procédures en cause ni qu’il y ait comparu ou été représenté.

27      Ce recours a été rejeté par la High Court of Justice in Northern Ireland, Queen’s Bench Division (Haute Cour de justice de l’Irlande du Nord, division du Queen’s Bench), au motif que le règlement no 4/2009 ne contient aucune disposition limitant son champ d’application dans le temps aux seules décisions en matière d’aliments rendues par une juridiction d’un État membre après la date d’adhésion de celui-ci à l’Union. En outre, selon cette juridiction, si l’article 75, paragraphe 2, du règlement no 4/2009 ne s’appliquait pas, le chapitre VII de ce règlement était applicable en l’espèce, en vertu de l’article 75, paragraphe 3, étant donné que la République de Pologne est un État partie au protocole de La Haye. Ladite juridiction a dès lors jugé que les décisions de la juridiction polonaise avaient été, conformément à ce chapitre, valablement enregistrées et exécutées.

28      TKF a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, qui nourrit des doutes quant à l’applicabilité du règlement nº 4/2009 aux décisions en matière d’obligations alimentaires qui ont été rendues en Pologne avant l’adhésion de cet État membre à l’Union, ainsi que sur la compétence du Magistrates’ Court for the Petty Sessions District of Belfast and Newtownabbey (tribunal d’instance de l’arrondissement de Belfast et Newtownabbey) pour enregistrer les décisions en cause au titre d’une disposition de l’article 75 de ce règlement.

29      Dans ces conditions, la Court of Appeal in Northern Ireland (Cour d’appel de l’Irlande du Nord, Royaume-Uni) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Faut-il interpréter l’article 75, paragraphe 2, du règlement no 4/2009 en ce sens qu’il ne s’applique qu’aux “décisions” rendues dans des États qui étaient membres de l’Union au moment où ces décisions ont été prises ?

2)      Étant donné que la [République de] Pologne est à présent un [État] membre de l’Union lié par le protocole de La Haye, les décisions en matière d’aliments rendues par une juridiction polonaise en 1999 et en 2003, c’est-à-dire avant que la [République de] Pologne n’adhère à l’Union, peuvent-elles maintenant être enregistrées et exécutées dans un autre État membre de l’Union au titre d’une quelconque disposition du règlement no 4/2009 et en particulier :

(a)      au titre de l’article 75, paragraphe 3, et de l’article 56 du règlement no 4/2009 ;

(b)      au titre de l’article 75, paragraphe 2, et de la section 2 du chapitre IV du règlement no 4/2009 ;

(c)      au titre de l’article 75, paragraphe 2, sous a), et de la section 3 du chapitre IV du règlement no 4/2009 ;

(d)      au titre de tout autre article du règlement no 4/2009 ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

30      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 75, paragraphe 2, sous a), du règlement no 4/2009 doit être interprété en ce sens qu’il s’applique seulement aux décisions rendues par les juridictions nationales dans des États qui étaient déjà membres de l’Union à la date de l’adoption de ces décisions.

31      À titre liminaire, il importe de rappeler que, par le règlement no 4/2009, le législateur de l’Union a entendu remplacer les dispositions en matière d’obligations alimentaires figurant dans le règlement no 44/2001 par des dispositions qui, compte tenu de l’urgence particulière qui s’attache au règlement des créances alimentaires, allègent la procédure devant le juge de l’exécution et la rendent ainsi plus rapide [arrêt du 4 juin 2020, FX (Opposition à exécution d’une créance d’aliments), C‑41/19, EU:C:2020:425, point 32].

32      Ainsi que l’a jugé la Cour, le règlement no 4/2009 constitue une lex specialis en ce qui concerne, notamment, les questions de compétence, de loi applicable, de reconnaissance, ainsi que d’exécution des décisions juridictionnelles dans le domaine spécifique des obligations alimentaires [arrêt du 4 juin 2020, FX (Opposition à exécution d’une créance d’aliments), C‑41/19, EU:C:2020:425, point 33].

33      S’agissant, en particulier, de l’article 75 de ce règlement, intitulé « dispositions transitoires », il prévoit, à son paragraphe 1, que ledit règlement ne s’applique, en règle générale, qu’aux procédures engagées, aux transactions judiciaires approuvées ou conclues et aux actes authentiques établis à partir de sa date d’application.

34      Toutefois, par dérogation à cette règle générale, en vertu du paragraphe 2 dudit article 75, les sections 2 et 3 du chapitre IV du règlement no 4/2009 s’appliquent à certaines décisions rendues et procédures engagées avant la date d’application de ce règlement.

35      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les décisions en matière d’obligations alimentaires en cause au principal, dont l’enregistrement et l’exécution au Royaume-Uni sont contestés, ont été rendues en Pologne le 14 février 2003, à savoir avant la date d’application du règlement no 4/2009. En effet, tel qu’il découle de son article 76, troisième alinéa, ce règlement s’applique, à l’exception des dispositions visées au deuxième alinéa dudit article 76, à compter du 18 juin 2011, sous réserve que le protocole de La Haye soit applicable dans l’Union à cette date. Or, conformément à l’article 4 de la décision 2009/941, ce protocole était bien applicable dans l’Union le 18 juin 2011.

36      En revanche, ces décisions ont été enregistrées et déclarées exécutoires en Irlande du Nord par décisions du 24 octobre 2013 et du 15 août 2014, de telle sorte qu’il est vraisemblable que la reconnaissance et la déclaration constatant la force exécutoire desdites décisions aient été demandées postérieurement à la date d’application du règlement no 4/2009, ce qu’il appartient, toutefois, à la juridiction de renvoi de vérifier.

37      Sous cette dernière réserve, c’est donc le cas de figure visé à l’article 75, paragraphe 2, sous a), de ce règlement qui paraît, en principe, pertinent en l’espèce, en ce qu’il vise des décisions rendues dans les États membres avant la date d’application dudit règlement pour lesquelles la reconnaissance et la déclaration constatant la force exécutoire sont demandées à partir de cette date.

38      Cela étant, il y a lieu de rappeler que la République de Pologne a adhéré à l’Union le 1er mai 2004, à savoir postérieurement à la date à laquelle chacune desdites décisions en matière d’obligations alimentaires a été rendue, mais antérieurement au moment où la reconnaissance et l’exécution des mêmes décisions ont été demandées.

39      Dans ce contexte, il convient, dès lors, de déterminer si l’article 75, paragraphe 2, sous a), du règlement no 4/2009 est susceptible de s’appliquer uniquement s’agissant de décisions en matière d’obligations alimentaires rendues dans des États qui étaient déjà membres de l’Union à la date de l’adoption de ces décisions, ou si cette disposition est également susceptible de s’appliquer en ce qui concerne des décisions qui ont été rendues antérieurement à la date d’application de ce règlement dans un État qui n’est devenu membre de l’Union qu’après l’adoption de ces décisions.

40      Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêt du 12 novembre 2014, L, C‑656/13, EU:C:2014:2364, point 38).

41      S’agissant du libellé de l’article 75, paragraphe 2, sous a), du règlement no 4/2009, il y a lieu de relever que celui-ci se réfère à des décisions « rendues dans les États membres ».

42      Par ailleurs, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, point 1, première phrase, dudit règlement, on entend par « décision » une décision en matière d’obligations alimentaires rendue par une juridiction « d’un État membre ».

43      Toutefois, ainsi que l’a fait observer la Commission, les libellés combinés de ces deux dispositions ne permettent pas, à eux seuls, de considérer qu’une décision, au sens de la première de ces dispositions, doit avoir été rendue par une juridiction d’un État qui, à la date de l’adoption de cette décision, était déjà membre de l’Union. En effet, s’il découle de tels libellés qu’il est indispensable que, au moment où la reconnaissance ou l’exécution d’une décision est poursuivie, il puisse être constaté qu’une telle décision provient d’un État ayant à pareil moment la qualité d’État membre de l’Union, lesdits libellés n’impliquent pas, en revanche, qu’une telle qualité doive nécessairement avoir existé à la date de l’adoption de la décision concernée.

44      Aussi convient-il également de prendre en compte le contexte dans lequel l’article 75, paragraphe 2, sous a), du règlement no 4/2009 s’insère et les objectifs poursuivis par la réglementation dont il fait partie.

45      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort du considérant 44 du règlement no 4/2009 que les dispositions transitoires de l’article 75 de ce règlement visent à assurer la transition entre le régime prévu par le règlement no 44/2001 en matière d’obligations alimentaires et le régime prévu par le règlement no 4/2009, en permettant ainsi la reconnaissance et l’exécution des décisions de justice rendues sous l’empire du règlement no 44/2001.

46      En outre, il découle de l’article 75, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 4/2009 que l’article 75, paragraphe 2, sous a), de ce règlement ne s’applique qu’à la condition que les décisions qu’il vise relèvent, aux fins de leur reconnaissance et de leur exécution, du champ d’application du règlement no 44/2001.

47      Or, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de l’article 66, paragraphe 1, du règlement no 44/2001, les dispositions de ce règlement ne sont applicables qu’aux actions en justice intentées postérieurement à l’entrée en vigueur de celui-ci. Ce principe a vocation à régir aussi bien la question de la compétence juridictionnelle que les dispositions relatives à la reconnaissance et à l’exécution des décisions de justice (arrêt du 21 juin 2012, Wolf Naturprodukte, C‑514/10, EU:C:2012:367, point 21).

48      L’article 66, paragraphe 2, sous a), du règlement no 44/2001 prévoit cependant que, par dérogation audit principe, les dispositions de ce règlement relatives à la reconnaissance et à l’exécution des décisions de justice sont applicables aux décisions rendues après l’entrée en vigueur dudit règlement à la suite d’actions en justice intentées dans l’État membre d’origine avant cette date, dès lors que l’action a été intentée après l’entrée en vigueur de la convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ou de la convention de Lugano relative à la compétence judiciaire et à l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après la « convention de Lugano ») à la fois dans l’État membre d’origine et dans l’État membre requis.

49      À cet égard, la Cour a déjà jugé que, pour fonder l’applicabilité du règlement no 44/2001 aux fins de la reconnaissance et de l’exécution d’une décision juridictionnelle, il est nécessaire que, à la date du prononcé de cette décision, ce règlement ait été en vigueur tant dans l’État membre d’origine, à savoir l’État dans lequel la décision juridictionnelle a été rendue, que dans l’État membre requis, à savoir dans celui où la reconnaissance et l’exécution de cette décision sont demandées (voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 2012, Wolf Naturprodukte, C‑514/10, EU:C:2012:367, point 34).

50      Il s’ensuit que des décisions en matière d’obligations alimentaires qui ont été rendues par une juridiction d’un État qui, à la date de l’adoption de ces décisions, n’était pas encore membre de l’Union et dans lequel le règlement no 44/2001 n’était, dès lors, pas encore entré en vigueur, ne relèvent pas du champ d’application de ce règlement.

51      Dans une telle hypothèse, est dénué de pertinence le point de savoir si les actions en justice ayant abouti à l’adoption de ces décisions ont été intentées après l’entrée en vigueur, dans l’État concerné, de la convention de Lugano, dans la mesure où, à la date à laquelle lesdites décisions ont été rendues, le règlement n° 44/2001 n’était pas encore entré en vigueur dans cet État.

52      Eu égard à ce qui précède, de telles décisions ne relèvent pas davantage du champ d’application de la disposition transitoire de l’article 75, paragraphe 2, sous a), du règlement no 4/2009.

53      Dans la mesure où des décisions rendues dans des États qui n’étaient pas membres de l’Union ne relèvent pas du champ d’application du règlement no 44/2001, il n’y a pas lieu, en effet, d’étendre à celles-ci le bénéfice des dispositions transitoires de l’article 75 du règlement n° 4/2009, visant, tel qu’il a été rappelé au point 45 du présent arrêt, à assurer la reconnaissance et l’exécution des décisions de justice rendues sous l’empire de ce premier règlement.

54      Enfin, une telle interprétation de l’article 75, paragraphe 2, sous a), du règlement no 4/2009 est également conforme au principe selon lequel une règle, telle que ladite disposition, ainsi qu’il a été constaté au point 34 de cet arrêt, portant dérogation à une règle générale doit être interprétée de manière restrictive (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2007, Granberg, C‑330/05, EU:C:2007:679, point 30 et jurisprudence citée).

55      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 75, paragraphe 2, sous a), du règlement no 4/2009 doit être interprété en ce sens qu’il s’applique seulement aux décisions rendues par les juridictions nationales dans des États qui étaient déjà membres de l’Union à la date de l’adoption de ces décisions.

 Sur la seconde question

56      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement no 4/2009 doit être interprété en ce sens que l’article 75 de celui-ci ou toute autre disposition de ce règlement permet que des décisions en matière d’obligations alimentaires, rendues dans un État avant son adhésion à l’Union et avant la date d’application dudit règlement, soient reconnues et exécutées, après l’adhésion de cet État à l’Union, dans un autre État membre.

57      À titre liminaire, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 33 du présent arrêt, l’article 75 du règlement n° 4/2009 prévoit, à son paragraphe 1, que ledit règlement ne s’applique, en règle générale, qu’aux procédures engagées, aux transactions judiciaires approuvées ou conclues et aux actes authentiques établis à partir de sa date d’application.

58      En outre, les seules dérogations à cette règle ont été expressément prévues par le législateur de l’Union à l’article 75, paragraphes 2 et 3, du règlement no 4/2009.

59      S’agissant de la dérogation visée à l’article 75, paragraphe 2, sous a), de ce règlement, il ressort, toutefois, de la réponse apportée à la première question que cette dérogation n’est applicable qu’aux décisions rendues dans des États qui étaient, à la date du prononcé de celles-ci, déjà membres de l’Union. Or, tel n’est pas le cas des décisions en matière d’obligations alimentaires en cause au principal, rendues le 14 février 2003 en Pologne, État qui n’a adhéré à l’Union que le 1er mai 2004. Cette disposition ne saurait, dès lors, fonder la reconnaissance et l’exécution dans un autre État membre de telles décisions.

60      Quant à la dérogation figurant à l’article 75, paragraphe 2, sous b), du règlement no 4/2009, elle vise les décisions rendues à partir de la date d’application de ce règlement à la suite de procédures engagées avant cette date. Ainsi, elle n’apparaît pas davantage applicable dans l’affaire au principal, dès lors que, tel qu’il ressort du point 35 du présent arrêt, les décisions en matière d’obligations alimentaires en cause au principal dans cette affaire ont été rendues antérieurement à la date d’application dudit règlement.

61      Au demeurant, ainsi qu’il a été relevé au point 46 du présent arrêt, il ressort de l’article 75, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 4/2009 que cet alinéa ne s’applique qu’à la condition que les décisions qu’il vise relèvent, aux fins de la reconnaissance et de l’exécution, du champ d’application du règlement no 44/2001.

62      Or, le règlement no 44/2001 n’est entré en vigueur en Pologne qu’à partir du 1er mai 2004.

63      Il s’ensuit, ainsi qu’il découle du point 50 du présent arrêt, que les décisions en matière d’obligations alimentaires en cause au principal ne relèvent pas du champ d’application de ce règlement et, partant, ainsi qu’il découle du point 60 de cet arrêt, n’entrent pas non plus dans le champ d’application de l’article 75, paragraphe 2, du règlement no 4/2009.

64      À cet égard, la circonstance, invoquée par le gouvernement polonais dans ses observations orales, en rapport avec l’article 66, paragraphe 2, sous a), du règlement no 44/2001, que la convention de Lugano a pris effet en Pologne le 1er février 2000 ne saurait, ainsi qu’il découle du point 51 du présent arrêt, remettre en cause une telle interprétation.

65      En ce qui concerne l’article 75, paragraphe 3, du règlement no 4/2009, il précise que le chapitre VII de ce règlement concernant la coopération entre les autorités centrales s’applique aux requêtes et aux demandes reçues par l’autorité centrale à compter de la date d’application dudit règlement.

66      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort du considérant 31 du règlement no 4/2009 que le législateur de l’Union a souhaité mettre en place une coopération entre les autorités centrales afin de faciliter le recouvrement transfrontalier de créances alimentaires et de prêter assistance aux créanciers et aux débiteurs d’aliments pour faire valoir leur droit dans un autre État membre (arrêt du 9 février 2017, S., C‑283/16, EU:C:2017:104, point 35).

67      Plus particulièrement, aux termes de l’article 51, paragraphe 1, dudit règlement, ces autorités fournissent une assistance relative aux demandes prévues à l’article 56 de celui-ci, en transmettant et en recevant ces demandes ainsi qu’en introduisant ou en facilitant l’introduction de procédures relatives auxdites demandes.

68      En vertu du paragraphe 1 de cet article 56, un créancier qui poursuit le recouvrement d’aliments en vertu du règlement no 4/2009 peut ainsi présenter plusieurs types de demande, à savoir, en substance, une demande aux fins de la reconnaissance et/ou de la déclaration constatant la force exécutoire d’une décision, une demande aux fins de l’exécution d’une décision rendue ou reconnue dans l’État membre requis, une demande tendant à l’obtention d’une décision dans l’État membre requis ou encore une demande visant à obtenir la modification d’une décision. Dans ce cas, le créancier s’adresse, conformément à l’article 55 de ce règlement, à l’autorité centrale de l’État membre dans lequel il a sa résidence, laquelle est tenue de la transmettre à l’autorité centrale de l’État membre requis.

69      Quant au débiteur, il peut, en vertu de l’article 56, paragraphe 2, du règlement no 4/2009, demander la reconnaissance d’une décision suspendant ou restreignant l’exécution d’une décision antérieure ou demander la modification d’une décision.

70      Il découle des dispositions mentionnées aux points 66 à 68 du présent arrêt, figurant sous le chapitre VII du règlement no 4/2009, que le rôle des autorités centrales se limite à cet égard, toutefois, à apporter une assistance au créancier d’aliments ou au débiteur qui la sollicite aux fins de la transmission ou de la réception de leurs demandes ou de l’introduction de procédures relatives à ces demandes, au titre de l’article 56 de ce règlement.

71      En revanche, lesdites dispositions ne concernent pas les conditions de reconnaissance ou d’exécution des décisions de justice en matière d’obligations alimentaires, lesquelles relèvent exclusivement du chapitre IV dudit règlement, intitulé « Reconnaissance, force exécutoire et exécution des décisions », auquel se réfère le paragraphe 2 de l’article 75 du même règlement et non le paragraphe 3 de cet article.

72      Par conséquent, des décisions en matière d’obligations alimentaires, telles que celles en cause au principal, rendues dans un État avant son adhésion à l’Union et avant la date d’application du règlement no 4/2009 ne peuvent être reconnues et exécutées, après l’adhésion de cet État à l’Union, dans un autre État membre, au titre de l’article 75, paragraphe 3, de ce règlement.

73      À cet égard, la Cour a déjà considéré que la demande d’assistance auprès des autorités centrales, au titre des dispositions figurant sous le chapitre VII du règlement no 4/2009, constitue un droit et non une obligation. Une telle demande est, par conséquent, facultative et ne s’applique que si le créancier d’aliments souhaite s’en prévaloir, par exemple pour surmonter certaines difficultés particulières, telles que la localisation du débiteur d’aliments (arrêt du 9 février 2017, S., C‑283/16, EU:C:2017:104, point 40).

74      Or, ainsi que l’a fait valoir M. l’avocat général au point 47 de ses conclusions, admettre que la reconnaissance et l’exécution d’une décision rendue par une juridiction d’un État avant l’adhésion de cet État à l’Union puisse dépendre du recours ou non aux différentes voies qu’offre le chapitre VII au créancier pour exécuter une décision en matière d’obligations alimentaires engendrerait une discrimination entre les créanciers qui choisissent de présenter leur demande par l’intermédiaire des autorités centrales et ceux qui décident de saisir directement les autorités compétentes.

75      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question que le règlement no 4/2009 doit être interprété en ce sens qu’aucune disposition de ce règlement ne permet que des décisions en matière d’obligations alimentaires, rendues dans un État avant l’adhésion de celui-ci à l’Union et avant la date d’application dudit règlement, soient reconnues et exécutées, après l’adhésion de cet État à l’Union, dans un autre État membre.

 Sur les dépens

76      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 75, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 4/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires, doit être interprété en ce sens qu’il s’applique seulement aux décisions rendues par les juridictions nationales dans des États qui étaient déjà membres de l’Union européenne à la date de l’adoption de ces décisions.

2)      Le règlement no 4/2009 doit être interprété en ce sens qu’aucune disposition de ce règlement ne permet que des décisions en matière d’obligations alimentaires, rendues dans un État avant l’adhésion de celui-ci à l’Union européenne et avant la date d’application dudit règlement, soient reconnues et exécutées, après l’adhésion de cet État à l’Union, dans un autre État membre.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.