Language of document : ECLI:EU:T:2012:418

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

12 septembre 2012 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – Dépenses exclues du financement – Cultures arables – Proportionnalité – Majoration du taux de la correction forfaitaire en raison de la récurrence du manquement »

Dans l’affaire T‑356/08,

République hellénique, représentée par M. I. Chalkias, Mmes E. Leftheriotou et V. Karra, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes H. Tserepa-Lacombe et A. Markoulli, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet l’annulation de la décision 2008/582/CE de la Commission, du 8 juillet 2008, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », et du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) (JO L 186, p. 39), en ce qu’elle exclut du financement communautaire certaines dépenses effectuées par la République hellénique,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 septembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Du 10 au 14 octobre 2005 et du 6 au 10 février 2006, les services de la Commission des Communautés européennes ont effectué en Grèce des contrôles en ce qui concerne les aides relatives aux superficies cultivées dans le domaine des cultures arables pour les années de récolte 2004 et 2005.

2        À la suite de ces contrôles, d’échanges de vue entre la République hellénique et la Commission à propos des résultats de ces contrôles et d’une procédure de conciliation, la Commission a adopté, le 8 juillet 2008, la décision 2008/582/CE écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », et du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) (JO L 186, p. 39, ci-après la « décision attaquée »). Dans ladite décision, la Commission a écarté 127 714 520,73 euros du financement destiné à la République hellénique pour les exercices financiers de 2005 et de 2006.

3        Les motifs de cette correction financière ont été repris dans l’annexe de la décision attaquée, ainsi que dans le rapport de synthèse du 30 mars 2008 concernant les résultats des contrôles relatifs à l’apurement des comptes de la section « Garantie » du FEOGA conformément à l’article 31 du règlement (CE) n° 1290/2005 (ci-après le « rapport de synthèse »).

4        La correction financière, d’un montant total de 127 714 520,73 euros, comprend, premièrement, une correction forfaitaire de 10 %, soit 66 425 949,50 euros, pour des dépenses relatives aux aides aux superficies cultivées, à l’exception de celles consacrées à la culture du blé dur, deuxièmement, une correction forfaitaire de 15 %, soit 61 130 280,27 euros, pour les dépenses relatives aux cultures de blé dur et, troisièmement, une correction forfaitaire de 2 %, soit 158 290,95 euros, pour les dépenses relatives aux cultures de fruits à coque.

 Procédure et conclusions des parties

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er septembre 2008, la République hellénique a introduit le présent recours.

6        La République hellénique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler dans sa totalité la décision attaquée, à défaut, la réformer conformément à ce qui a été plus précisément exposé, ordonner qu’aucune correction n’ait lieu dans le secteur des cultures arables pour les années de récolte 2004 et 2005 ou, en tout état de cause, que la correction soit limitée à 5 % et uniquement pour les dépenses concernant le blé dur ;

–        déduire la somme de 609 833,96 euros de la correction imposée de 127 714 520,73 euros ainsi que de toute autre correction qui serait imposée, le cas échéant, après le dépôt du présent recours ;

–        condamner la Commission aux dépens.

7        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours de la République hellénique ;

–        condamner la République hellénique aux dépens.

8        Un membre de la première chambre étant empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, un autre juge pour compléter la chambre.

9        Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a posé par écrit des questions aux parties, lesquelles y ont répondu dans le délai imparti.

10      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 septembre 2011.

11      À la suite des questions posées par le Tribunal lors de l’audience, la République hellénique s’est désistée de la demande figurant dans son premier chef de conclusion, visant à la réformation de la décision attaquée sans pour autant se désister de sa demande d’ordonner qu’aucune correction n’ait lieu dans le secteur des cultures arables pour les années de récolte 2004 et 2005 ou que la correction soit limitée à 5 % et uniquement pour les dépenses concernant le blé dur. En outre, elle s’est désistée de sa demande visant à la déduction de la somme de 609 833,96 euros de la correction de 127 714 520,73 euros. Enfin, la République hellénique a précisé qu’elle ne contestait pas, dans le présent recours, la correction forfaitaire de 2 % imposée pour les fruits à coque.

 En droit

1.     Principes

12      Ainsi qu’il a été déjà été jugé, le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions du droit de l’Union européenne dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (arrêts de la Cour du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, Rec. p. I‑3851, point 45, et du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, Rec. p. I‑1341, point 32 ; arrêt du Tribunal du 14 février 2008, Espagne/Commission, T‑266/04, non publié au Recueil, point 97).

13      En outre, il appartient à la Commission, aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles, non pas de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA. C’est, en conséquence, à lui qu’incombe de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (arrêts de la Cour du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C‑247/98, Rec. p. I‑1, points 7 à 9, et du Tribunal du 1er juillet 2009, Espagne/Commission, T‑259/05, non publié au Recueil, point 112).

14      C’est à la lumière de ces considérations de principe qu’il convient d’examiner les deux moyens soulevés par la République hellénique tendant à l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle lui impose des corrections financières aux aides accordées aux cultures arables. Le premier moyen soulevé par la République hellénique est tiré de l’interprétation et de l’application erronées de l’article 4 du règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires (JO L 355, p. 1), de l’article 1er, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1593/2000 du Conseil, du 17 juillet 2000, modifiant le règlement n° 3508/92 (JO L 182, p. 4), de l’article 58 du règlement (CE) n° 445/2002 de la Commission, du 26 février 2002, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le FEOGA (JO L 74, p. 1), et de l’article 20 du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) n° 2019/93, (CE) n° 1452/2001, (CE) n° 1453/2001, (CE) n° 1454/2001, (CE) n° 1868/94, (CE) n° 1251/1999, (CE) n° 1254/1999, (CE) n° 1673/2000, (CEE) n° 2358/71 et (CE) n° 2529/2001 (JO L 270, p. 1). Ce moyen est également tiré de l’erreur d’appréciation des faits et de l’insuffisance de motivation en ce qui concerne l’absence de renouvellement de la base de données cartographiques, ainsi que de l’absence de base légale pour imposer lesdites corrections en raison de l’interprétation erronée de l’article 15 du règlement (CE) n° 2419/2001 de la Commission, du 11 décembre 2001, portant modalités d’application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d’aides communautaires établis par le règlement n° 3508/92 (JO L 327, p. 11), et, à défaut, de l’appréciation erronée des faits et du non-respect des limites du pouvoir d’appréciation de la Commission en ce qui concerne la tenue de contrôles sur place en temps utile. Le second moyen soulevé par la République hellénique est tiré du défaut de base légale et de l’insuffisance de motivation s’agissant de la prétendue déficience répétée et de la violation des principes de proportionnalité et de protection de la confiance légitime.

2.     Sur l’absence de renouvellement de la base de données cartographiques

 Cadre juridique 

15      Le règlement n° 3508/92 impose, dans son article 1er, aux États membres de créer un système intégré de gestion et de contrôle qui s’applique notamment au régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables. En vertu de l’article 2 de ce même règlement, le système intégré comprend un système alphanumérique d’identification des parcelles agricoles ainsi qu’un système intégré de contrôle.

16      L’article 4 du règlement n° 3508/92, dans sa version telle que modifiée à la suite de l’adoption du règlement n° 1593/2000, dispose :

« Le système d’identification des parcelles agricoles est constitué sur la base de plans et de documents cadastraux et d’autres références cartographiques. Les techniques utilisées s’appuient sur un système d’information géographique informatisé comprenant de préférence une couverture d’ortho-imagerie aérienne ou spatiale, avec des normes homogènes garantissant une précision au moins équivalente à celle de la cartographie à une échelle de 1:10 000. »

17      L’article 15 du règlement n° 2419/2001 prévoit que les contrôles administratifs et les contrôles sur place sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions d’octroi des aides.

18      L’article 16 du règlement n° 2419/2001 dispose que les contrôles administratifs visés à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 3508/92 comportent, notamment, des contrôles croisés relatifs aux parcelles agricoles déclarées, pour éviter qu’une même aide ne soit indûment octroyée plusieurs fois pour la même année civile ou campagne de commercialisation, et pour prévenir tout cumul indu d’aides accordées au titre de régimes d’aides communautaires comportant des déclarations de superficies, ainsi que des contrôles croisés utilisant la base de données informatisée permettant de vérifier l’éligibilité des demandes d’aide.

19      L’article 58 du règlement n° 445/2002 dispose :

« 1. Les demandes de soutien en faveur du développement rural concernant des surfaces ou des animaux qui sont déposées séparément des demandes d’aide visées à l’article 6 du règlement […] n° 2419/2001 indiquent toutes les surfaces et tous les animaux de l’exploitation pertinents aux fins du contrôle des demandes présentées au titre de la mesure en question, y compris ceux pour lesquels aucun soutien n’est demandé.

2. Lorsqu’une mesure de soutien en faveur du développement rural s’applique à des surfaces, les parcelles sont identifiées individuellement. Pendant la période d’exécution d’un engagement, les parcelles auxquelles le soutien se réfère ne peuvent être échangées, à l’exception de cas spécifiquement prévus dans le document de programmation.

3. Dans le cas où la demande de paiement est jointe à une demande d’aide ‘surface’ dans le cadre du système intégré de contrôle, l’État membre s’assure que les parcelles pour lesquelles un soutien en faveur du développement rural est demandé soient déclarées séparément.

4. L’identification des surfaces et des animaux se fait conformément aux articles 4 et 5 du règlement […] n° 3508/92.

5. Dans le cas d’un soutien pluriannuel, les paiements consécutifs à celui de la première année du dépôt de la demande sont effectués sur la base d’une demande annuelle de paiement du soutien sauf si une procédure permettant une vérification efficace annuelle telle que visée à l’article 59, paragraphe 1, est prévue par l’État membre. »

20      Le règlement n° 3508/92 a été abrogé par le règlement n° 1782/2003. En vertu de l’article 153, paragraphe 1, du règlement n° 1782/2003, le règlement n° 3508/92 continue de s’appliquer aux demandes de paiements directs pour les années civiles précédant l’année 2005.

21      L’article 17 du règlement n° 1782/2003 impose à chaque État membre de créer un système intégré de gestion et de contrôle qui s’applique notamment aux paiements uniques. L’article 18, paragraphe 1, de ce même règlement précise que le système intégré comprend notamment un système d’identification des parcelles agricoles ainsi qu’un système intégré de contrôle.

22      L’article 20 du règlement n° 1782/2003 dispose :

« Le système d’identification des parcelles agricoles est constitué sur la base de plans et de documents cadastraux ou d’autres références cartographiques. Les techniques utilisées s’appuient sur un système d’information géographique informatisé comprenant de préférence une couverture d’ortho-imagerie aérienne ou spatiale, avec des normes homogènes garantissant une précision au moins équivalente à celle de la cartographie à une échelle de 1:10 000. »

23      L’article 21 du règlement n° 1782/2003 dispose :

« 1. Le système d’identification et d’enregistrement des droits au paiement est établi de manière à permettre la vérification des droits et les contrôles croisés avec les demandes d’aide et le système d’identification des parcelles agricoles.

2. Le système doit permettre la consultation directe et immédiate, auprès de l’autorité compétente de l’État membre, des données relatives au moins aux trois dernières années civiles et/ou campagnes consécutives. »

24      L’article 23 du règlement n° 1782/2003 dispose :

« 1. Les États membres procèdent au contrôle administratif des demandes d’aide, notamment en vérifiant la superficie admissible au bénéfice de l’aide et les droits au paiement correspondants.

2. Les contrôles administratifs sont complétés par un système de contrôles sur place pour vérifier l’admissibilité au bénéfice de l’aide. À cet effet, les États membres établissent un plan d’échantillonnage des exploitations agricoles.

Les États membres peuvent utiliser des techniques de télédétection pour réaliser les contrôles sur place des parcelles agricoles.

[…] »

25      Le règlement n° 2419/2001 a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement n° 1782/2003 (JO L 141, p. 18). Conformément à l’article 80 du règlement n° 796/2004, le règlement n° 2419/2001 reste applicable pour les demandes d’aides relatives aux campagnes de commercialisation ou aux périodes de référence des primes commençant avant le 1er janvier 2005.

26      L’article 24, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004 dispose :

« 1. Les contrôles administratifs visés à l’article 23 du règlement (CE) n° 1782/2003 ont pour objet de permettre la détection d’irrégularités, en particulier la détection automatisée par voie informatique, y compris les contrôles croisés :

a)      relatifs aux droits au paiement déclarés et aux parcelles déclarées, respectivement, mis en œuvre pour éviter qu’une même aide ne soit indûment octroyée plusieurs fois au titre de la même année civile ou campagne de commercialisation, et prévenir tout cumul indu d’aides accordées au titre des régimes d’aides ‘surfaces’ énumérés aux annexes I et V du règlement n° 1782/2003 ;

b)      visant à vérifier la réalité des droits au paiement ainsi que l’admissibilité au bénéfice de l’aide ;

c)       effectués entre les parcelles agricoles déclarées dans la demande unique et les parcelles de référence figurant dans le système d’identification des parcelles agricoles afin de vérifier l’éligibilité à l’aide pour les surfaces en tant que telles ;

[…] »

 Appréciation du Tribunal

 Introduction

27      Dans la décision attaquée et le rapport de synthèse, la Commission a imposé des corrections forfaitaires tant à l’égard des dépenses relatives au blé dur qu’à l’égard des dépenses relatives à l’aide à la surface autre que pour le blé dur en raison, notamment, de l’absence de fiabilité du système d’identification des parcelles agricoles et du système d’informations géographiques grecs (ci-après le « SIPA/SIG »). L’absence de fiabilité du SIPA/SIG découle, d’après le rapport de synthèse, du fait que les informations contenues dans ce système sont fondées sur des ortho-photographies datant des années 1996 à 2002.

28      Dans le cadre de la première branche de son premier moyen, la République hellénique soutient que les corrections imposées dans la décision attaquée se rapportant aux cultures arables en raison du fonctionnement défectueux du SIPA/SIG violent l’obligation de motivation et le principe de proportionnalité et résultent d’une mauvaise appréciation des faits et d’une interprétation erronée de l’article 4 du règlement n° 3508/92, de l’article 1er, paragraphe 3, du règlement n° 1593/2000, de l’article 58 du règlement n° 445/2002, ainsi que de l’article 20 du règlement n° 1782/2003. À l’appui de ces griefs, la République hellénique estime, en substance, que l’absence de mise à jour de la base de données cartographiques ne peut lui être imputée dès lors qu’elle résulte de contestations de l’appel d’offres lancé pour sa mise à jour. En outre, la République hellénique soutient que l’absence de mise à jour du SIPA/SIG n’a pas causé de préjudice au FEOGA dès lors qu’elle a pu procéder à l’identification complète et précise des parcelles sur la base d’autres données et d’un système cartographique plus précis que celui prévu par la réglementation de l’Union qu’elle a mis en œuvre des procédures informatisées de suivi des transactions et qu’elle a procédé à la retenue de sommes correspondant à des montants indûment versés. La Commission conteste chacun de ces griefs.

 Sur la motivation

29      Comme cela a été reconnu par une jurisprudence constante, l’obligation de motivation consacrée par l’article 253 CE doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir arrêt de la Cour du 14 juillet 2005, Pays-Bas/Commission, C‑26/00, Rec. p. I‑6527, point 113, et la jurisprudence y citée). Il s’ensuit que le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant que tel, du moyen pris de l’inexactitude des motifs de la décision, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Gruber + Weber/Commission, T‑310/94, Rec. p. II‑1043, point 41, et BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 66).

30      En l’espèce, la République hellénique estime que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motifs dans la mesure où sa « motivation […] est également fondée sur l’absence de mise à jour de la base cartographique ». Ce grief n’a dès lors pas trait à un défaut de motivation, mais bien à l’inexactitude des motifs de la décision. Par conséquent, il rejoint les griefs au fond avancés par la République hellénique dans le cadre de la première branche de son premier moyen et ne saurait être examiné séparément (voir, par analogie, arrêt du 24 février 2005, Grèce/Commission, point 12 supra, point 49).

31      Par ailleurs, en ce que la République hellénique soutient que la motivation exposée par la Commission dans son invitation à la réunion bilatérale du 19 décembre 2006 est insuffisante, il y a lieu d’observer, d’une part, que cette insuffisance de motivation n’a pas trait à la décision attaquée en tant que telle et, d’autre part, qu’elle constitue également une contestation de fond plutôt que de forme.

32      Par conséquent, les griefs tirés du prétendu défaut de motivation avancés par la République hellénique dans le cadre de la première branche de son premier moyen doivent être traités avec les griefs de fond de ladite branche.

 Sur le fond

33      En vertu des dispositions réglementaires applicables aux campagnes de 2004 et de 2005, la République hellénique devait disposer d’un SIPA/SIG fiable.

34      En effet, les articles 2 et 4 du règlement n° 3508/92 de même que les articles 18 et 20 du règlement n° 1782/2003, qui leur succèdent, imposent à la République hellénique la mise en place d’un système intégré de gestion et de contrôle comprenant un système alphanumérique d’identification des parcelles agricoles.

35      L’exigence de fiabilité et de mise à jour dudit système découle de l’économie même des dispositions citées au point ci-dessus. En effet, le système alphanumérique d’identification des parcelles agricoles participe au système intégré de gestion et de contrôle en ce qu’il doit notamment permettre de vérifier l’exactitude des informations obtenues de l’agriculteur quant à l’éligibilité des parcelles qu’il entend déclarer et l’efficacité des contrôles afin d’éviter que les mêmes parcelles agricoles bénéficient plusieurs fois d’une aide. Or, en l’absence de mise à jour dudit système, ces vérifications ne peuvent être utilement opérées. Toute interprétation des dispositions en cause permettant de ne pas tenir à jour le SIPA/SIG porterait atteinte à leur effet utile et, partant, ne saurait être retenue (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 16 octobre 2003, Irlande/Commission, C‑339/00, Rec. p. I‑11757, point 37, et du Tribunal du 7 novembre 2002, Vela et Tecnagrind/Commission, T‑141/99, T‑142/99, T‑150/99 et T‑151/99, Rec. p. II‑4547, point 101).

36      En l’espèce, la Commission a indiqué dans le rapport de synthèse que les informations contenues dans le SIPA/SIG grec n’étaient pas fiables, puisque, pour 90 % du territoire, les informations contenues dans ledit système étaient fondées sur des ortho-photographies datant des années 1996 à 2002 (voir rapport de synthèse p. 63 et 64).

37      La République hellénique ne conteste pas le constat de la Commission selon lequel les informations contenues dans son SIPA/SIG sont fondées sur des ortho-photographies datant des années 1996 à 2002, mais estime, en substance, que l’absence de mise à jour desdites informations ne peut lui être imputée dès lors qu’elle résulte de contestations devant les juridictions grecques de l’appel d’offres lancé pour leur mise à jour.

38      À cet égard, il convient d’observer qu’il a déjà été jugé qu’un État membre ne saurait exciper des dispositions, des pratiques ou des situations de son ordre interne pour justifier le non-respect des obligations résultant du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 9 novembre 2006, Commission/Royaume-Uni, C‑236/05, Rec. p. I‑10819, points 28 et 29, et du 8 mai 2008, Commission/Portugal, C‑233/07, non publié au Recueil, point 33). En particulier, il a été jugé qu’un État membre ne saurait justifier le non-respect d’une obligation qui lui incombe dans le contexte de la réglementation relative au FEOGA en invoquant les carences concernant les procédures nationales et les recours qui en résultent (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Grèce/Commission, T‑243/05, Rec. p. II‑3475, point 120). Ainsi, les contestations devant les juridictions grecques de l’appel d’offres afin de désigner un prestataire pour la mise à jour du SIPA/SIG grec ne sauraient justifier le non-respect de l’obligation pour la République hellénique de posséder un SIPA/SIG à jour.

39      Les circonstances selon lesquelles lesdites contestations résultent de l’exercice de droits conférés par la loi grecque transposant la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33), la Commission a été pleinement informée de l’existence desdites contestations par la République hellénique et cette dernière a coopéré avec la Commission ne peuvent remettre en cause l’appréciation qui précède.

40      En effet, lesdites contestations ne constituent pas, contrairement à ce que soutient la République hellénique, des difficultés objectives et imprévisibles susceptibles de l’exonérer de son obligation de mettre en place un SIPA/SIG à jour, dès lors que tant ladite obligation que le droit de recours à l’encontre d’un appel d’offres par une partie intéressée existaient bien avant les campagnes en cause en l’espèce, au cours desquelles le SIPA/SIG grec aurait dû être déjà pleinement opérationnel. La République hellénique devait savoir qu’elle était tenue d’avoir un SIPA/SIG à jour et que son appel d’offres pour la mise à jour de son SIPA/SIG était susceptible d’être contesté devant les juridictions helléniques.

41      Par ailleurs, les circonstances selon lesquelles la République hellénique a informé la Commission et a coopéré avec celle-ci à la suite desdites contestations n’a aucune incidence sur la circonstance selon laquelle l’absence de mise à jour du SIPA/SIG lui était imputable.

42      Partant, il y a lieu de rejeter l’argument de la République hellénique fondé sur les contestations devant les juridictions grecques de l’appel d’offres pour la mise à jour des données de son SIPA/SIG.

43      Par ailleurs, la circonstance selon laquelle la République hellénique aurait pu identifier les parcelles agricoles sur la base d’autres éléments ou que le système cartographique grec serait d’une précision plus grande n’affecte pas son obligation de disposer d’un SIPA/SIG à jour. En effet, tel qu’il a été constaté par une jurisprudence bien établie, lorsqu’un règlement institue des mesures spécifiques de contrôle, les États membres sont tenus de les appliquer sans qu’il soit nécessaire d’apprécier le bien-fondé de leur thèse selon laquelle un système de contrôle différent serait plus efficace (arrêts de la Cour du 22 juin 1993, Allemagne/Commission, C‑54/91, Rec. p. I‑3399, point 38 ; du 21 mars 2002, Espagne/Commission, C‑130/99, Rec. p. I‑3005, point 87, et du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, C‑387/03, non publié au Recueil, point 99). Partant, l’argument de la République hellénique fondé sur la possibilité d’identifier les parcelles agricoles sur la base d’autres éléments ou sur la plus grande fiabilité de son système cartographique doit être rejeté comme inopérant.

44      Enfin, en ce que la République hellénique allègue que les faiblesses de son SIPA/SIG n’ont pu causer de préjudices au FEOGA, puisqu’elle a mis en œuvre une procédure informatisée de suivi des transactions effectuées et un programme de compensation des sommes indûment versées sur la base duquel des sommes ont été compensées, il convient de rappeler que la mise en place d’un SIPA/SIG revêt une importance fondamentale dans le cadre du système de contrôle des aides visées par les réglementations pertinentes (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, C‑153/01, Rec. p. I‑9009, point 73). En effet, l’identification des parcelles agricoles constitue un élément clé de l’application correcte d’un régime lié à la superficie. L’absence d’un système fiable d’identification des parcelles implique en soi un risque élevé de préjudice pour le budget de l’Union (voir arrêt du 12 septembre 2007, Grèce/Commission, point 38 supra, point 61, et la jurisprudence y citée).

45      Par conséquent, ladite procédure de suivi et ledit programme de compensation n’affectent pas le risque élevé pour le budget de l’Union qu’entraîne l’absence d’un SIPA/SIG fiable.

46      Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de rejeter la première branche du premier moyen.

3.     Sur l’absence de réalisation des contrôles sur place en temps utile

 Cadre juridique

47      En vertu de l’article 15 du règlement n° 2419/2001 et de l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004, qui succède à ce dernier règlement, les contrôles sur place sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions pour l’octroi des aides.

48      L’article 18, paragraphe 1, du règlement n° 2419/2001 et l’article 26, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004, prévoient que le nombre total des contrôles sur place effectués chaque année concerne au moins 5 % de l’ensemble des exploitants agricoles présentant des demandes d’aide à la surface.

 Appréciation du Tribunal

 Introduction

49      Dans la seconde branche de son premier moyen, la République hellénique estime, en substance, que les corrections financières qui lui ont été imposées pour les cultures arables dans la décision attaquée ne peuvent être justifiées par le fait que les contrôles sur place n’ont pas été effectués en temps utile. En outre, elle invoque l’absence de représentativité des cultures contrôlées sur place par les services de la Commission. Lesdites corrections n’auraient pas de base légale, car elles seraient fondées sur une interprétation erronée de l’article 15 du règlement n° 2419/2001. À défaut, elle estime que l’appréciation de la Commission résulte d’une appréciation erronée des faits et que la Commission a outrepassé les limites de son pouvoir d’appréciation. La Commission conteste ces griefs.

 Sur les retards des contrôles sur place

50      Dans la décision attaquée et le rapport de synthèse, la Commission a motivé l’application d’une correction forfaitaire aux dépenses relatives au blé dur, notamment, en raison du retard des contrôles sur place. Dans le rapport de synthèse, elle a précisé que les contrôles sur place effectués après le mois d’août n’étaient pas toujours concluants dès lors qu’il a souvent été remarqué que les champs avaient déjà été labourés, en particulier les champs de blé dur.

51      La République hellénique conteste cette correction forfaitaire au motif qu’aucune disposition réglementaire n’imposerait la tenue de contrôles sur place avant le 31 août.

52      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu, d’abord, de l’article 15 du règlement n° 2419/2001 et, ensuite, de l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004, les contrôles doivent être effectués de façon à assurer une vérification efficace du respect des conditions pour l’octroi des aides.

53      Ainsi, lorsque l’efficacité de ladite vérification dépend de la tenue de contrôles avant une certaine date, l’obligation de respect d’un délai pour la tenue des contrôles émane de l’économie même de l’article 15 du règlement n° 2419/2001 et de l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004.

54      Il ne peut donc être considéré, ainsi que le soutient la République hellénique, que l’obligation de respect d’un délai pour la tenue de contrôles sur place est dénuée de base légale et est illégale.

55      La République hellénique allègue cependant également que, en l’espèce, l’efficacité des contrôles sur place ne dépendait pas de leur réalisation avant le 31 août. Elle souligne à ce propos que, en Grèce, pour 55 des 60 produits de base cultivés, les récoltes ont lieu après le mois d’août. Seuls cinq produits, parmi lesquels figure le blé dur, sont récoltés jusqu’en juillet.

56      À cet égard, il convient d’observer que dans le rapport de synthèse, la Commission ne cite que la culture du blé dur comme ayant fait l’objet de contrôles sur place en dehors du délai utile pour la tenue de tels contrôles. Ainsi, il convient de considérer que seule la correction financière des dépenses relatives à l’aide au blé dur imposée à la République hellénique dans la décision attaquée est motivée par des retards dans les contrôles sur place. Cette compréhension de la décision attaquée a été confirmée par les parties à l’audience. Il s’ensuit que les arguments de la République hellénique fondés sur l’efficacité des contrôles sur place après le 31 août pour d’autres cultures que le blé dur sont inopérants.

57      Par ailleurs, la République hellénique soutient que les contrôles sur place après la récolte étaient fiables, puisque les cultures pouvaient être identifiées grâce à leurs résidus dont les conditions climatiques grecques favorisent le maintien dans un état relativement identifiable. Elle invoque à l’appui de cet argument les circulaires prises par son administration informant les producteurs qu’ils ne devaient pas détruire les résidus de cultures jusqu’à ce que les contrôles aient été achevés.

58      Il a déjà été jugé que pour que des contrôles effectués sur place puissent être efficaces, ils doivent être effectués à un moment où les parcelles en cause contiennent des indices des cultures qui ont donné lieu aux aides de l’Union (arrêts du Tribunal du 14 février 2008, Espagne/Commission, point 38 supra, point 263, et du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, T‑344/05, non publié au Recueil, point 234).

59      En considérant que seuls les contrôles sur place effectués avant la fin du mois d’août étaient efficaces pour le blé dur, la Commission n’a pas considéré que seuls les contrôles sur place effectués avant la récolte du blé dur étaient efficaces. En effet, comme l’a indiqué la République hellénique dans ses écritures, le blé dur était récolté jusqu’en juillet de sorte que les contrôles sur place ont été considérés efficaces après la récolte. Toutefois, la Commission a considéré qu’au-delà de la fin du mois d’août les contrôles sur place n’étaient plus fiables. En effet, ainsi que cela ressort en substance du point 12.1.1.2 du rapport de synthèse, elle a constaté, à la suite de ses missions de contrôle, que les champs de blé dur avaient déjà été labourés après le 31 août, de sorte que les indices de la culture du blé dur avaient disparu.

60      La Commission a ainsi apporté un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable éprouvé à l’égard de l’efficacité des contrôles effectués sur place. Il s’ensuit qu’il appartenait à la République hellénique d’apporter des éléments probants, détaillés et complets démontrant l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir point 13 ci-dessus).

61      Or, la République hellénique n’a pas apporté d’éléments suffisamment probants de nature à démontrer l’inexactitude des affirmations de la Commission. En effet, s’agissant des circulaires de l’administration grecque, il y a lieu d’observer que, si une circulaire informait les producteurs qu’ils ne devaient pas détruire les résidus des cultures jusqu’à ce que les contrôles aient été achevés, une autre circulaire précisait que les contrôles devaient être effectués entre le 15 juin et le 31 août. Le respect par l’administration grecque de cette dernière circulaire impliquait que les producteurs pouvaient détruire les résidus de leurs cultures après le 31 août. Or, la République hellénique ne conteste pas l’affirmation de la Commission selon laquelle certains contrôles sur place ont été effectués après le mois d’août nonobstant les consignes reprises dans ladite circulaire. En outre, la République hellénique ne réfute pas, preuve à l’appui, l’affirmation de la Commission selon laquelle les résultats de la mission ont amplement prouvé que très peu d’agriculteurs respectaient la consigne de ne pas détruire les restes de plantations avant que les contrôles n’aient été terminés. En particulier, elle ne démontre pas que, pour la culture du blé dur au cours des années 2004 et 2005, les résidus de blé dur avaient été maintenus après le mois d’août. Elle indique tout au plus que des résidus de cultures ont été constatés sur beaucoup de terrains lors des contrôles effectués par les services de la Commission à propos des contrôles effectués par les autorités grecques. La République hellénique ne prouve toutefois pas que ce constat était exact pour l’ensemble de la culture du blé dur.

62      En ce que la République hellénique invoque à l’appui de son grief la multiplication des contrôles sur place qui ont été effectués, il suffit d’observer que, s’agissant de la culture du blé dur, l’augmentation des contrôles sur place ne les rend pas plus efficaces s’ils ont lieu à un moment où l’identification de la culture du blé dur n’est plus possible. En outre, en ce que la République hellénique allègue que 10,17 % de l’ensemble des contrôles en 2004 et 10,75 % de l’ensemble des contrôles en 2005 ont été effectués jusqu’au 31 août, force est de constater que la République hellénique ne démontre pas que lesdits pourcentages valent également pour la culture du blé dur.

63      Enfin, en ce que la République hellénique estime que le contrôle effectué par la Commission en octobre 2005 concernant les cultures de blé dur est lui aussi tardif et, partant, que les résultats de ces contrôles ne seraient pas concluants, il convient d’observer que la Commission a, lors de sa mission de vérification des contrôles effectués par les autorités compétentes grecques, constaté que les contrôles sur place n’avaient toujours pas commencé. Par conséquent, il ne peut être déduit de cette circonstance que la Commission a elle-même procédé et validé le contrôle des cultures de blé dur après le mois d’août, ni que les résultats de ces contrôles ne seraient pas concluants.

 Sur la représentativité des cultures contrôlées

64      Dans le rapport de synthèse, la Commission a constaté que, pour les trois préfectures visitées par les agents de sa direction générale de l’agriculture et du développement rural en 2005, les différences en termes de surfaces cultivées entre les résultats des contrôles effectués sur place par les autorités grecques et les déclarations formulées dans les demandes en 2004 étaient de 8 % pour la préfecture d’Aitoloakarnania, de 55 % pour la préfecture d’Achaia et de 0 % pour la préfecture de Zakynthos. Pour les préfectures d’Aitoloakarnania et de Zakynthos, le taux d’anomalies constaté au cours de la mission des services de la Commission contrastait toutefois nettement avec les chiffres fournis par les autorités grecques, en se situant respectivement à plus de 50 %, et non 8 %, et à plus de 70 %, et non 0 %. La Commission a conclu de ces données que les contrôles sur place effectués par les autorités grecques n’étaient pas conformes aux normes requises.

65      La République hellénique estime, en substance, que, parce que les contrôles par la Commission pour le blé dur ont eu lieu dans trois départements ayant une production très faible de blé dur par rapport à la production totale de blé dur en Grèce, les cultures contrôlées ne sont pas représentatives, de sorte que la Commission a effectué une appréciation erronée des faits et a excédé les limites de son pouvoir discrétionnaire.

66      Au vu de ce grief, il convient tout d’abord d’indiquer que la fiabilité des contrôles effectués pour une culture particulière sur le territoire d’un département d’un État membre est liée à la qualité desdits contrôles et non à la représentativité de la culture qui fait l’objet de ces contrôles. La fiabilité des contrôles effectués pour une culture particulière dans un département s’apprécie ainsi indépendamment de l’importance que représente la production de cette culture dans ledit département par rapport à la production totale de cette culture dans l’État membre. Par conséquent, la représentativité des cultures contrôlées par rapport à la production totale de cette culture est sans pertinence pour apprécier la fiabilité desdits contrôles.

67      Ensuite, il convient de rappeler que, aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles, il appartient à la Commission, non pas de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres (voir arrêt du 12 septembre 2007, Grèce/Commission, point 38 supra, point 57, et la jurisprudence y citée).

68      En l’espèce, il importe dès lors de déterminer si la circonstance selon laquelle la fiabilité des contrôles effectués pour le blé dur n’a été appréciée que dans trois départements ayant une production très faible de blé dur par rapport à la production totale de blé dur en Grèce a pour conséquence que l’appréciation de ladite fiabilité ne peut pas constituer une preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard desdits contrôles.

69      À cet égard, il y a lieu d’observer que la République hellénique n’avance aucun argument permettant de remettre en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle les contrôles effectués par les autorités grecques pour le blé dur dans les trois départements susvisés n’étaient pas conformes aux normes requises. Elle n’avance pas non plus d’arguments remettant en cause l’indication de la Commission selon laquelle les parcelles inspectées ont été choisies de manière aléatoire et l’échantillon était suffisamment représentatif de la taille des parcelles. En effet, en réponse à l’indication de la Commission selon laquelle les régions sélectionnées pour effectuer des vérifications de la fiabilité des contrôles l’ont été sur la base des statistiques qu’elle avait fournies et qui semblaient indiquer un bon niveau de contrôle, la République hellénique invoque uniquement l’absence de représentativité desdites régions par rapport à la production totale de blé dur en Grèce. Or, pour les motifs exposés au point 66 ci-dessus, la question de la représentativité des régions sélectionnées par rapport à la production totale est sans incidence sur la question du niveau de fiabilité des contrôles de la culture du blé dur. Enfin, la République hellénique ne conteste ni le fait que le blé dur correspond à près de 50 des 90 % que représentent les céréales parmi les cultures arables en Grèce ni que le blé dur représente 60 % des demandes d’aide.

70      Au vu des ces différents éléments, la Commission a pu considérer, sans commettre d’erreur, que les résultats de la vérification des contrôles pour le blé dur dans trois départements grecs ayant une faible production de blé dur par rapport à la production nationale constituaient une preuve d’un doute sérieux et raisonnable d’un risque pour le FEOGA justifiant une correction financière. Par conséquent, il ne peut être considéré que la Commission a effectué de la sorte une appréciation erronée des faits ou a excédé les limites de son pouvoir d’appréciation.

71      Au regard de l’ensemble des motifs qui précèdent, c’est à tort que la République hellénique conteste l’appréciation selon laquelle les contrôles effectués après le mois d’août sur les cultures de blé dur ne remplissent pas la condition d’une vérification efficace. Cette appréciation n’est dénuée ni de base légale ni de fondement. Le caractère approprié de la correction apportée pour les dépenses relatives à la culture du blé dur sera apprécié ci-après lors de l’analyse du second moyen.

4.     Sur la prise en compte d’une défaillance récurrente

 Cadre juridique

72      En vertu de l’article 7, paragraphe 4, quatrième alinéa, du règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), la Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à l’Union. Le règlement n° 1258/1999 a été remplacé par le règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1). En vertu de l’article 47, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005, le règlement n° 1258/1999 est resté applicable jusqu’au 15 octobre 2006 pour les dépenses effectuées par les États membres. L’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 et l’article 7, paragraphe 4, quatrième alinéa, du règlement n° 1258/1999 ont toutefois un contenu identique.

73      Aux termes du document n° VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie », « [l]e manquement devient plus grave si un État membre omet d’améliorer ses contrôles alors que la Commission lui a déjà notifié les améliorations nécessaires ».

74      Enfin, dans le document de travail de la Commission AGRI/60637/2006, intitulé « Communication de la Commission – Sur le traitement par la Commission, dans le cadre de l’apurement des comptes de la section garantie du FEOGA, des cas de récurrence d’insuffisance de systèmes de contrôle » (ci-après la « communication AGRI/60637/2006 »), il est précisé :

« 1. [...]

Ces modalités ne constituent nullement un système de sanctions vis-à-vis de l’État membre, mais sont fondées sur le principe selon lequel la Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.

Indépendamment des corrections financières, la Commission se réserve la possibilité de recourir à l’article 226 du traité, au cas où elle estime qu’un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu dudit traité.

2. Au cas où

–        l’absence ou l’insuffisance d’un système de contrôle, ou d’un élément de ce système, a fait l’objet d’une ou plusieurs décisions de corrections financières dans le cadre de l’apurement des comptes du FEOGA –Garantie ;

et

–        il est constaté pour une période postérieure à la période déjà corrigée, que les mêmes faiblesses persistent ;

la Commission considère, sous réserve de l’examen des éventuelles mesures correctives ou compensatrices prises par l’État membre, qu’il est normalement justifié d’appliquer une majoration du taux de correction forfaitaire appliqué lors de la précédente correction, en raison du risque accru de perte financière pour le FEOGA.

3. La majoration sera fixée en fonction du risque de perte financière.

Elle ne sera pas appliquée de manière automatique, mais en tenant dûment compte de la gravité de la carence et des éventuels facteurs de limitation du risque.

Afin d’assurer le caractère forfaitaire des corrections, qui est prévu dans le document [n°] VI/5330/97 lorsque le niveau réel des dépenses irrégulières, et donc le montant des pertes financières subies par la Communauté, ne peut être déterminé, les pourcentages suivants ont pour but de servir d’orientation :

–        dans le cas d’une correction précédente de 2 % : un taux d’au moins 3 % sur la nouvelle période concernée, ce taux pouvant atteindre 5 % si l’on peut raisonnablement conclure que la persistance de faiblesses des contrôles secondaires entraîne une diminution de l’efficacité des contrôles clés ;

–        dans le cas d’une correction précédente de 5 % : un taux de 10 % sur la nouvelle période concernée ;

–        dans le cas d’une correction précédente de 10 % : un taux d’au moins 15 %, en fonction de la gravité de l’augmentation du risque, sur la nouvelle période concernée ; en cas de nouvelle récurrence ultérieure, le taux sera porté à 25 %.

Dans le cas d’une correction précédente de 25 % ou plus, la majoration sera fixée au cas par cas.

[...] »

 Appréciation du Tribunal

 Introduction

75      Par la décision 2007/243/CE, du 18 avril 2007, la Commission a écarté du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEOGA, section « Garantie » (JO L 106, p. 55). Dans ce cadre, ainsi que cela résulte également du rapport de synthèse afférent à ladite décision, la Commission a imposé à la République hellénique une correction financière de 10 % pour les dépenses relatives au blé dur et de 5 % pour les dépenses relatives aux autres cultures arables que celle du blé dur pour la campagne de 2003.

76      Dans le rapport de synthèse, la Commission a indiqué qu’une correction forfaitaire de 15 % sur les dépenses relatives au blé dur était imposée en raison du retard dans les contrôles sur place, de l’absence de fiabilité du SIPA/SIG, de l’insuffisance des contrôles sur place et de la récurrence de ces irrégularités. En outre, dans ce même rapport, il est exposé qu’une correction forfaitaire de 10 % sur les dépenses relatives aux cultures arables autres que celle du blé dur a été imposée en raison des faiblesses du SIPA/SIG, de l’insuffisance des contrôles sur place en raison des faiblesses du SIPA/SIG et de la récurrence de ces irrégularités.

77      La République hellénique estime que, en imposant les corrections financières susvisées, la Commission a illégalement pris en considération la récurrence des défaillances en cause, violé le principe de protection de la confiance légitime et enfreint l’obligation de motivation.

 Sur la récurrence des défaillances

–       Sur la base légale d’une prise en compte du caractère récurrent des défaillances

78      La République hellénique estime, en substance, que la majoration de la correction forfaitaire en raison de la récurrence des irrégularités constatées lors de l’exercice de contrôle faisant l’objet de la décision attaquée par rapport à l’exercice précédent est illégale en ce qu’elle constitue la sanction d’une défaillance répétée ou d’une « récidive » et qu’elle n’a pas de base légale dans le cadre réglementaire applicable. La Commission rejette ce grief en invoquant notamment l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005, ainsi que les orientations concernant le calcul des conséquences financières reprises dans le document n° VI/5330/97 et dans la communication AGRI/60637/2006.

79      À cet égard, il y a lieu d’observer que, dans le contexte de l’apurement des comptes, l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 confèrent à la Commission le pouvoir d’écarter des dépenses du financement lorsqu’elles n’ont pas été effectuées conformément aux règles de l’Union. Ces dispositions précisent que la Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée et qu’elle tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à l’Union.

80      Les corrections financières imposées en application de ces dispositions tendent à éviter la mise à la charge du FEOGA de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause, de sorte qu’elles ne constituent pas des sanctions (arrêts de la Cour du 9 septembre 2004, Grèce/Commission, C‑332/01, Rec. p. I‑7699, point 63, et du 24 avril 2008, Belgique/Commission, C‑418/06 P, Rec. p. I‑3047, point 154 ; arrêts du Tribunal du 11 juin 2009, Grèce/Commission, T‑33/07, non publié au Recueil, point 381, et du 12 novembre 2010, Italie/Commission, T‑95/08, non publié au Recueil, point 48).

81      Par ailleurs, il y a lieu de constater que, lorsqu’un État membre effectue des dépenses non conformes aux règles de l’Union, le montant des dépenses considérées comme indûment mises à la charge du FEOGA ne peut pas toujours être déduit automatiquement des irrégularités commises par l’État membre, de sorte que ledit montant à récupérer ne peut être établi qu’après une évaluation de l’impact financier de ces dépenses irrégulières.

82      Cette nécessité de procéder à une évaluation découle du fait que la gestion du FEOGA est une gestion décentralisée dans laquelle la responsabilité du contrôle de ses dépenses incombe, en premier lieu, aux États membres, alors que la Commission, responsable de l’exécution du budget de l’Union, doit vérifier les conditions dans lesquelles les paiements et les contrôles ont été effectués, ainsi que cela résulte, notamment, du considérant 5 du règlement n° 1258/1999, ainsi que du règlement n° 1290/2005 (arrêt Italie/Commission, point 80 supra, point 16).

83      Il s’ensuit que le contrôle de la Commission n’est qu’un contrôle indirect et ex post des dépenses, qui, s’il permet de constater des irrégularités dans les conditions de paiement ou de contrôle, ne permet pas toujours de vérifier la régularité de chacune des dépenses mises à la charge du FEOGA par l’État membre.

84      L’évaluation du montant à écarter peut dès lors impliquer une évaluation du risque qu’encourt le FEOGA eu égard aux irrégularités commises par l’État membre dans les conditions de paiement ou de contrôle des dépenses. Ainsi, il peut être considéré qu’une carence dans la vérification de l’éligibilité des dépenses accroît le risque de voir le FEOGA supporter des dépenses indues.

85      Afin de permettre cette évaluation du risque qu’encourt le FEOGA pour apprécier le montant à écarter, l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 indiquent que la Commission tient compte notamment de la gravité de l’infraction.

86      Or, le fait qu’un État membre qui a commis une infraction dans le passé pour laquelle il s’est vu imposer une correction financière commet une nouvelle infraction similaire et, de la sorte, est l’auteur d’une défaillance récurrente accroît la gravité de cette nouvelle infraction dans le contexte de l’évaluation des risques telle que décrite ci-dessus. La défaillance récurrente constitue ainsi un des éléments à prendre en considération lors de l’analyse de la gravité de l’infraction, qui, en vertu de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 participe à l’évaluation du montant à écarter lorsque des dépenses de l’Union ont été effectuées de manière non conforme aux règles de l’Union.

87      Partant, au vu de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005, il y a lieu de rejeter le grief de la République hellénique selon lequel la prise en compte de la récurrence des défaillances du SIPA/SIG et des contrôles sur place pour la détermination du montant à récupérer confère à ladite récupération la qualité de sanction, qui serait dénuée de base légale adéquate dans les dispositions réglementaires applicables.

–       Sur la prise en compte, en l’espèce, de la défaillance récurrente

88      La République hellénique estime, en substance, que la défaillance répétée ou « récidive » ne s’applique que pour autant que les faiblesses commises soient exactement les mêmes, qu’il y ait une absence de correction de l’attitude constitutive de l’infraction et la poursuite de cette dernière, de sorte qu’il faille dissuader l’auteur de l’infraction d’en commettre à l’avenir. Or, en l’espèce, aucune de ces conditions ne serait remplie, car la République hellénique aurait apporté des améliorations au SIPA/SIG et aux contrôles sur place, de sorte qu’il ne pouvait être fait exactement état des mêmes faiblesses d’année en année ni d’une absence de correction de l’attitude constitutive de l’infraction ni de sa poursuite.

89      À cet égard, il convient d’observer qu’il a déjà été jugé que la notion de récidive, telle qu’elle est comprise dans un certain nombre d’ordres juridiques nationaux, implique qu’une personne a commis de nouvelles infractions après avoir été sanctionnée pour des infractions similaires (arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, Rec. p. II‑347, point 617, et du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑66/01, Rec. p. II‑2631, point 378). La récidive implique dès lors que la même personne ait commis une infraction du même type (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission, T‑161/05, Rec. p. II‑3555, point 147).

90      La récidive n’implique donc pas qu’il y ait identité des infractions commises. Une similarité suffit. Il en va de même pour la prise en compte de la défaillance répétée lors de l’évaluation des montants à récupérer dans le contexte de l’apurement des comptes du FEOGA. En effet, dès lors que la gravité de l’infraction commise constitue un critère pour évaluer les montants à récupérer, la similarité des infractions suffit à reconnaître l’existence d’une défaillance répétée.

91      Or, en l’espèce, il n’est pas contesté que le SIPA/SIG et les contrôles sur place étaient déjà défectueux dans la campagne qui précédait celle ayant abouti à l’adoption des mesures attaquées.

92      En outre, le fait que, en l’espèce, la République hellénique ait coopéré avec la Commission et ait apporté des améliorations au SIPA/SIG et aux contrôles sur place n’affecte pas les deux conditions constitutives de la défaillance répétée à savoir l’identité de l’auteur de l’infraction et la réitération d’une infraction similaire. L’importance de la coopération de la République hellénique avec la Commission et des progrès effectués relève de la question du respect du principe de proportionnalité, qui sera analysée ci-après.

–       Sur la violation du principe de proportionnalité

93      La République hellénique estime que, lors de la détermination des corrections forfaitaires qui lui ont été imposées dans la décision attaquée, la Commission a fait preuve d’une sévérité excessive. La Commission n’aurait pas dûment pris en compte les améliorations que la République hellénique aurait apportées au système de contrôle, de sorte que le principe de proportionnalité aurait été méconnu.

94      À cet égard, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, énoncé à l’article 5, paragraphe 4, TUE, fait partie des principes généraux du droit de l’Union. Ce principe exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (voir arrêt de la Cour du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, Rec. p. I‑4999, point 51, et la jurisprudence citée).

95      En, l’espèce, la Commission a imposé une correction forfaitaire de 10 % sur les dépenses relatives à l’aide à la surface autres que pour le blé dur en raison des faiblesses constatées dans le SIPA/SIG, de l’insuffisance des contrôles sur place et de la récurrence de ces irrégularités. Par ailleurs, la Commission a également imposé une correction forfaitaire de 15 % sur les dépenses relatives au blé dur. Cette correction se justifiait, selon la Commission, par le retard dans les contrôles sur place, par l’absence de fiabilité du SIPA/SIG, par l’insuffisance des contrôles sur place et par la récurrence de ces irrégularités.

96      Elle a imposé ces corrections en application du document n° VI/5330/97 et de la communication AGRI/60637/2006, par lesquels elle s’est autolimitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 209 à 211).

97      En effet, le document n° VI/5330/97 prévoit, notamment, que lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou sont si mal ou si rarement réalisés qu’ils sont inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités, il convient d’appliquer une correction forfaitaire à hauteur de 10 %, parce qu’il est raisonnablement permis de penser qu’il existait un risque élevé de pertes importantes pour le FEOGA. Selon ce document, lorsque tous les contrôles clés sont effectués, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements, il convient d’appliquer une correction forfaitaire à hauteur de 5 %, car il peut raisonnablement être conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de pertes pour le FEOGA est significatif.

En outre, la communication AGRI/60637/2006 prévoit qu’afin d’assurer le caractère forfaitaire des corrections, dans le cas d’une correction précédente de 5 %, un taux de 10 % sur la nouvelle période concernée peut être imposé et, dans le cas d’une correction précédente de 10 %, un taux d’au moins 15 %, en fonction de la gravité de l’augmentation du risque, sur la nouvelle période concernée, peut être imposé.

98      La possibilité de procéder à une approche forfaitaire, lorsqu’il n’est pas possible d’évaluer précisément les pertes subies par l’Union, telle que consacrée dans les règles susvisées, a été entérinée par la jurisprudence de la Cour (arrêt Belgique/Commission, point 80 supra, point 136 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 septembre 2003, Royaume-Uni/Commission, C‑346/00, Rec. p. I‑9293, points 53 à 54).

99      Cependant, l’application des lignes directrices contenues dans le document n° VI/5330/97 et la communication AGRI/60637/2006 au cas d’espèce doit donner lieu à une correction forfaitaire respectant le principe de proportionnalité.

100    À cet égard, il n’est pas contesté que, en l’espèce, les corrections imposées aux aides aux cultures arables autres que celle du blé dur ainsi qu’aux aides au blé dur l’ont été afin de poursuivre un objectif légitime. La République hellénique estime uniquement que les corrections vont au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

101    En ce qui concerne les cultures arables autres que celle du blé dur, il est incontestable que le SIPA/SIG constitue un des éléments fondamentaux du système de contrôle des aides (voir point 44 ci-dessus) et que le SIPA/SIG grec comporte, en l’espèce, des carences étant donné l’absence de fiabilité des cartes qu’il reprend. Par conséquent, les lacunes du système de contrôle entraînent un risque avéré pour le FEOGA. En outre, l’absence de fiabilité du SIPA/SIG grec est susceptible d’affecter l’efficacité des contrôles sur place. Enfin, il n’est pas contesté que, lors de l’exercice de contrôle précédent, des carences dans le SIPA/SIG grec ont déjà été identifiées, ce qui aggrave les irrégularités constatées en l’espèce. Au regard de l’ensemble de ces éléments, la correction forfaitaire de 10 % en ce qui concerne les cultures arables autres que celle du blé dur ne peut être considérée comme disproportionnée.

102    Les circonstances selon lesquelles, premièrement, la République hellénique a informé la Commission des incidents judiciaires à la suite de l’appel d’offres lancé en 2003 pour la mise à jour de la base cartographique, deuxièmement, elle a coopéré avec la Commission pour mettre en place un plan d’action afin d’améliorer le SIPA/SIG et, troisièmement, elle a scrupuleusement suivi le calendrier des travaux dudit plan ne démontrent pas que le taux de correction forfaitaire de 10 % est disproportionné.

103    En effet, ces circonstances ne remettent pas en cause le fait que le système mis en place par la République hellénique connaît, à nouveau, des carences alors qu’il était censé ne pas en avoir. Les obligations de la République hellénique d’informer la Commission, de coopérer avec celle-ci et d’exécuter un plan d’action convenu découlaient déjà de son devoir de coopération loyale, tel qu’il résultait de l’article 10 CE, auquel a succédé l’article 4, paragraphe 3, TUE. En revanche, le seul fait que la République hellénique ait respecté ces obligations à l’égard de la Commission ne démontre pas une diminution du risque pour le FEOGA permettant de considérer que la correction forfaitaire de 10 % est disproportionnée.

104    L’appréciation reprise au point 101 ci-dessus n’est pas non plus remise en cause par le fait que la République hellénique a augmenté ses contrôles sur place, dès lors que la qualité de ces contrôles sur place n’était pas garantie. En effet, la République hellénique n’a pas remis en cause les constats de la Commission à la suite de ses missions quant à la faible qualité des contrôles sur place, ainsi que le mentionne la Commission au point 12.1.1.2 du rapport de synthèse, sous le titre « Qualité des contrôles sur place ». En outre, la République hellénique n’a pas contesté l’appréciation de la Commission selon laquelle l’absence de fiabilité du SIPA/SIG nuisait à l’efficacité des contrôles sur place.

105    En ce qui concerne la correction forfaitaire de 15 % imposée pour le blé dur, force est de constater que cette correction se justifie pour des motifs analogues à ceux justifiant la correction forfaitaire de 10 % pour les cultures arables autres que celle du blé dur, auxquels s’ajoutent les retards dans les contrôles sur place. Au vu de ces différents éléments, de l’importance du SIPA/SIG et des contrôles sur place dans des délais inadaptés, la Commission pouvait considérer sans violer le principe de proportionnalité qu’une correction forfaitaire de 15 % s’imposait pour les aides au blé dur.

106    Pour les motifs qui précèdent, il convient de rejeter les griefs de la République hellénique tirés d’une violation du principe de proportionnalité et du fait que la Commission aurait outrepassé son pouvoir d’appréciation en appliquant les corrections forfaitaires reprises dans la décision attaquée.

 Sur le principe de protection de la confiance légitime

107    La République hellénique allègue une violation du principe de protection de la confiance légitime parce que, à la suite de sa coopération avec la Commission pour la mise en place d’un plan d’action afin d’améliorer son système de contrôle, elle pouvait légitimement croire que sa coopération serait prise en compte et que cette coopération exclurait une augmentation de la correction forfaitaire pour « récidive ».

108    Selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (arrêt du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, Rec. p. II‑4239, point 74 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C‑37/02 et C‑38/02, Rec. p. I‑6911, point 70). Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 mai 2000, Kögler/Cour de justice, C‑82/98 P, Rec. p. I‑3855, point 33). En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts de la Cour du 24 novembre 2005, Allemagne/Commission, C‑506/03, non publié au Recueil, point 58, et du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479, point 147 ; arrêt du Tribunal du 19 novembre 2009, Denka International/Commission, T‑334/07, Rec. p. II‑4205, point 148).

109    Or, la République hellénique ne démontre pas avoir reçu une quelconque assurance précise de la part de la Commission quant à la prise en compte de sa coopération avec cette dernière, de façon à exclure toute augmentation de la correction forfaitaire en raison du caractère récurrent des irrégularités constatées. En outre, comme le précise la Commission, celle-ci a expressément indiqué à la République hellénique que son plan d’action ne pourrait affecter la procédure de correction financière. En effet, la Commission a indiqué, dans une lettre du 26 février 2007, qu’elle avait reçu les lettres des autorités grecques des 18 et 29 décembre 2006 et du 15 janvier 2007, dans lesquelles la République hellénique confirmait son engagement à mettre en œuvre les actions et les délais actualisés repris dans le plan d’action. En outre, elle a indiqué que « [l]a mise en œuvre effective et en temps utile de l’ensemble de ces actions devrait, sans préjudice de la procédure de correction financière, assurer qu’à moyen terme le système de contrôle IACS offre des garanties appropriées ».

110    Partant, il convient de rejeter le grief tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

 Sur le défaut de motivation

111    La République hellénique estime que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation en ce que celle-ci ne tient pas compte et ne fait pas état de sa coopération ayant abouti à la mise en œuvre d’un plan d’action. En outre, elle estime que la Commission a imposé des corrections de 15 et de 10 % sans exposer la moindre motivation spécifique.

112    En ce que la République hellénique estime que la Commission n’aurait pas tenu compte de sa coopération ayant abouti à la mise en œuvre d’un plan d’action, il convient de constater que la République hellénique confond la question de forme que constitue le défaut de motivation et celle de fond que constitue l’erreur d’appréciation (voir point 29 ci-dessus). En effet, la République hellénique avance à l’appui de son grief tiré du défaut de motivation l’argument selon lequel, si la Commission avait tenu compte de sa coopération, elle n’aurait pas pu se voir imputer la circonstance aggravante d’une infraction répétée. Toutefois, cette dernière appréciation est une question de fond et non de forme.

113    En outre, même si le grief de la République hellénique devait être interprété comme un défaut de motivation, il ne pourrait aboutir. En effet, il convient de rappeler que la motivation exigée à l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement du libellé de cet acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Pays-Bas/Commission, point 29 supra, point 113, et la jurisprudence y citée).

114    Or, à la lecture de la décision attaquée et du rapport de synthèse, le raisonnement de la Commission apparaît de façon suffisamment claire et non équivoque pour que la République hellénique puisse connaître les justifications des corrections imposées dans la décision attaquée et pour que le Tribunal puisse exercer son contrôle.

115    En ce que la République hellénique reproche à la Commission d’avoir imposé sans motifs des corrections de 15 et de 10 %, il suffit de constater qu’il ressort du rapport de synthèse que la Commission a imposé une correction forfaitaire de 10 % sur les dépenses relatives à l’aide à la surface autres que pour le blé dur en raison des faiblesses récurrentes constatées dans le SIPA/SIG et de l’insuffisance des contrôles sur place. En outre, elle a imposé une correction forfaitaire de 15 % sur les dépenses relatives au blé dur en raison du caractère médiocre des contrôles sur place, du caractère tardif desdits contrôles, des faiblesses dans le SIPA/SIG et du caractère récurrent de ces défaillances. Par conséquent, c’est à tort que la République hellénique considère que la Commission n’a pas dûment motivé lesdites corrections financières.

116    Partant, le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.

5.     Sur les conclusions avancées à titre subsidiaire

117    À titre subsidiaire, la République hellénique conclut, non seulement à la réformation de la décision attaquée, conclusion dont elle s’est désistée lors de l’audience (voir point 11 ci-dessus), mais également, à ce qu’il plaise au Tribunal d’ordonner qu’aucune correction n’ait lieu dans le secteur des cultures arables pour les années de récolte 2004 et 2005 ou, en tout état de cause, que la correction soit limitée à 5 % et uniquement pour les dépenses concernant le blé dur.

118    À cet égard, il convient de rappeler que, tel que cela a été constaté par une jurisprudence constante, le Tribunal ne peut adresser une injonction aux institutions ou se substituer à ces dernières dans le cadre du contrôle de légalité qu’il exerce. Cette limitation du contrôle de légalité s’applique dans tous les contentieux que le Tribunal est susceptible de connaître (arrêts du Tribunal du 12 juillet 2001, Mattila/Conseil et Commission, T‑204/99, Rec. p. II‑2265, point 26, et du 17 décembre 2010, EWRIA e.a./Commission, T‑369/08, non encore publié au Recueil, point 45).

119    Par conséquent, il y a lieu de rejeter ce chef de conclusions comme étant irrecevable.

120    Pour tous les motifs qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours de la République hellénique dans son ensemble.

 Sur les dépens

121    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République hellénique ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République hellénique est condamnée aux dépens.

Azizi

Wiszniewska-Białecka

Frimodt Nielsen

Signatures

Table des matières

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Principes

2.  Sur l’absence de renouvellement de la base de données cartographiques

Cadre juridique

Appréciation du Tribunal

Introduction

Sur la motivation

Sur le fond

3.  Sur l’absence de réalisation des contrôles sur place en temps utile

Cadre juridique

Appréciation du Tribunal

Introduction

Sur les retards des contrôles sur place

Sur la représentativité des cultures contrôlées

4.  Sur la prise en compte d’une défaillance récurrente

Cadre juridique

Appréciation du Tribunal

Introduction

Sur la récurrence des défaillances

–  Sur la base légale d’une prise en compte du caractère récurrent des défaillances

–  Sur la prise en compte, en l’espèce, de la défaillance récurrente

–  Sur la violation du principe de proportionnalité

Sur le principe de protection de la confiance légitime

Sur le défaut de motivation

5.  Sur les conclusions avancées à titre subsidiaire

Sur les dépens



* Langue de procédure : le grec.