Language of document : ECLI:EU:T:2022:563

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

14 septembre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale STEAM – Usage sérieux de la marque – Nature de l’usage – Article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑609/21,

Privatbrauerei Eichbaum GmbH & Co. KG, établie à Mannheim (Allemagne), représentée par Mes M. Schmidhuber et E. Levenson, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme G. Sakalaitė-Orlovskienė et M. J. Ivanauskas, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Anchor Brewing Company LLC, établie à San Francisco, Californie (États-Unis), représentée par Mes I. Kuschel et W. von der Osten-Sacken, avocats,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, T. Perišin et M. P. Zilgalvis (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Privatbrauerei Eichbaum GmbH & Co. KG, demande l’annulation partielle de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 juillet 2021 (affaire R 780/2020‑2), relative à une procédure de déchéance entre elle et l’intervenante, Anchor Brewing Company LLC (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 2 novembre 2006, l’intervenante, anciennement dénommée Anchor Brewing Company, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal STEAM.

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Bières ; bières alcooliques ; bières sans alcool, bière à faible teneur en alcool ; bière de malt ; boissons maltées ».

5        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 15/2007, du 16 avril 2007. Cette marque a été enregistrée le 29 janvier 2009 sous le numéro 5435375.

6        Le 2 octobre 2018, la requérante a présenté auprès de l’EUIPO une demande de déchéance de la marque enregistrée en vertu de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 pour l’ensemble des produits visés au point 4 ci-dessus.

7        Par décision du 28 février 2020, la division d’annulation a rejeté la demande en déchéance dans son intégralité.

8        Le 28 avril 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a partiellement fait droit au recours, a annulé la décision de la division d’annulation en ce qui concerne les produits « bière sans alcool ; bière à faible teneur en alcool ; bière de malt ; boissons maltées » et a prononcé la déchéance de la marque contestée pour ces produits. Elle a rejeté le recours pour le surplus. En substance, ladite chambre a conclu que la marque contestée avait fait objet d’un usage sérieux uniquement pour la « bière » et la « bière alcoolisée ».

10      En particulier, s’agissant de la nature de l’usage sérieux, la chambre de recours a, premièrement, considéré que les éléments de preuve consistant en des photographies de boîtes en carton de transport montrant l’inscription « steam beer » sur un côté de ces boîtes pouvaient attester l’usage de la marque contestée en tant que marque. De même, elle a estimé que l’inscription « steam beer » pouvait être vue tout au long de la chaîne de distribution ainsi que dans les magasins de vente au détail et les supermarchés. De surcroît, tout en rappelant que l’usage sérieux d’une marque pouvait être fait sur les produits eux-mêmes ou sur leur emballage, ladite chambre a relevé que les distributeurs qui étaient en contact avec les boîtes faisaient également partie du public pertinent.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle a rejeté le recours concernant les produits « bières ; bières alcooliques » et l’a condamné à supporter ses propres frais exposés aux fins de la procédure de déchéance et de recours ;

–        réformer la décision attaquée en prononçant la déchéance de la marque contestée dans son intégralité ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

12      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité de certaines annexes de la requête

13      L’EUIPO soutient que les documents figurant dans les annexes A.9 à A.12 de la requête sont produits pour la première fois devant le Tribunal et, partant, doivent être déclarés irrecevables.

14      Il convient de relever que les documents en question correspondent, pour l’annexe A.9, à des documents relatifs aux différents types d’emballage, pour l’annexe A.10, à des captures d’écran et à des impressions de sites Internet concernant « Dampfbier », pour l’annexe A.11, à une impression de pages d’une encyclopédie en ligne concernant une liste des types de bière et, enfin, pour l’annexe A.12, à une impression concernant la « Brewers Association ».

15      Il convient de noter que, s’agissant de l’annexe A.12, la requérante estime pouvoir présenter, devant le Tribunal, ce document expliquant le rôle de la « Brewers Association » en réponse aux considérations de la chambre de recours relatives aux annexes HE 9 à HE 11, produites par l’intervenante et sur lesquels la requérante prétend n’avoir pas pu faire des observations, étant donné que la chambre de recours les avait mentionnés, pour la première fois, dans la décision attaquée. À cet égard, elle s’appuie sur les points 41 et 42 de l’arrêt du 18 juin 2020, Primart/EUIPO (C‑702/18 P, EU:C:2020:489).

16      Il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui [voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2016, Karl-May-Verlag/OHMI – Constantin Film Produktion (WINNETOU), T‑501/13, EU:T:2016:161, point 17 et jurisprudence citée]. Or, les documents figurant dans les annexes A.9 à A.12 de la requête sont présentés pour la première fois devant le Tribunal.

17      S’agissant de l’arrêt du 18 juin 2020, Primart/EUIPO (C‑702/18 P, EU:C:2020:489), invoqué par la requérante, il est vrai que, au point 46 de cet arrêt, la Cour a jugé que, au titre de l’article 263 TFUE, lu à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, une partie requérante devait pouvoir contester devant le juge de l’Union chaque question de droit ou de fait sur laquelle un organe de l’Union fondait ses décisions.

18      Toutefois, une telle possibilité de remettre en cause les appréciations de la chambre de recours ne saurait s’étendre à la présentation des nouveaux éléments de preuve devant le Tribunal, à moins que ceux-ci ne visent à étayer ou à contester devant ce dernier l’exactitude d’un fait notoire [voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2020, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Wisniewski (Représentation d’un motif à damier), T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 30 et jurisprudence citée].

19      En effet, il ressort de la jurisprudence que le principe selon lequel la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière de documents présentés pour la première fois devant lui trouve spécialement à s’appliquer lorsque ces documents visent à contester des appréciations de la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2018, Bayer/EUIPO – Uni-Pharma (SALOSPIR), T‑261/17, non publié, EU:T:2018:710, point 20 et jurisprudence citée]. De surcroît, il ne saurait être soutenu que le document concernant la « Brewers Association », constituant l’annexe A.12 de la requête, vise à étayer ou à contester l’exactitude d’un fait notoire sur lequel se serait appuyé la chambre de recours.

20      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, les annexes A.9 à A.12 de la requête doivent être rejetées comme irrecevables sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante.

 Sur le bien-fondé du recours

21      À l’appui du recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), et de l’article 18 du règlement 2017/1001, le deuxième, d’une violation de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, dudit règlement et, le troisième, d’une violation de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, de ce même règlement. Il convient de commencer par l’examen des deuxième et troisième moyens.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001

22      À l’appui de son deuxième moyen, la requérante soutient que la chambre de recours n’a pas étayé sa supposition selon laquelle l’apposition du signe STEAM BEER sur des boîtes de transport suffirait pour prouver l’usage sérieux de la marque contestée. Il en irait de même des considérations selon lesquelles la jurisprudence quant à l’usage d’un signe comme indication descriptive ne serait pas applicable en l’espèce. En outre, la requérante reproche, à la chambre de recours, de ne pas avoir examiné les arrêts du 16 mai 2013, Reber/OHMI – Klusmeier (Wolfgang Amadeus Mozart PREMIUM) (T‑530/10, non publié, EU:T:2013:250), et du 14 avril 2016, Henkell & Co. Sektkellerei/EUIPO – Ciacci Piccolomini d’Aragona di Bianchini (PICCOLOMINI) (T‑20/15, EU:T:2016:218).

23      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

24      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Elle a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [arrêt du 7 juin 2017, Mediterranean Premium Spirits/EUIPO – G-Star Raw (GINRAW), T‑258/16, non publié, EU:T:2017:375, point 88].

25      En outre, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés des parties devant elles. Il suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [arrêts du 15 janvier 2015, MEM/OHMI (MONACO), T‑197/13, EU:T:2015:16, point 19, et du 7 juin 2017, GINRAW, T‑258/16, non publié, EU:T:2017:375, point 89].

26      Premièrement, s’agissant de la question de savoir pourquoi l’apposition de la marque sur un emballage de transport serait suffisante pour prouver l’usage sérieux de la marque contestée, la chambre de recours a, au point 27 de la décision attaquée, en se référant à l’arrêt du 14 avril 2016, PICCOLOMINI (T‑20/15, EU:T:2016:218), rappelé que l’usage sérieux d’une marque pouvait être fait sur les produits en cause ou sur leur emballage. Elle a ajouté, au point 28 de ladite décision, que les distributeurs des produits de l’intervenante (grossistes) faisaient également partie du public pertinent et étaient en contact avec les boîtes de transport. En conséquence, l’allégation de la requérante selon laquelle la position de la chambre de recours ne serait pas étayée doit être rejetée.

27      Deuxièmement, s’agissant de l’allégation selon laquelle la chambre de recours n’aurait pas expliqué pourquoi les arrêts invoqués par la requérante ne s’appliquaient pas en l’espèce et quelles différences il y avait par rapport aux affaires qui étaient examinées dans ces arrêts, force est de constater que ladite chambre a examiné la jurisprudence issue de ces arrêts de manière détaillée aux points 35 à 37 de la décision attaquée. En particulier, elle a relevé que, dans l’arrêt du 14 avril 2016, PICCOLOMINI (T‑20/15, EU:T:2016:218), le Tribunal avait considéré que la chambre de recours avait examiné la perception du signe en cause découlant des conditions concrètes d’utilisation en tant que marque au sens de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001) et non le caractère distinctif intrinsèque de cette marque. S’agissant de l’arrêt du 16 mai 2013, Wolfgang Amadeus Mozart PREMIUM (T‑530/10, non publié, EU:T:2013:250), la chambre de recours a mis en exergue le fait que, dans cet arrêt, c’était la façon concrète dont la marque avait été utilisée qui ne permettait pas de conclure qu’elle était utilisée en tant que marque. De surcroît, cette appréciation doit être lue au regard des autres considérations de la chambre de recours figurant aux points 29 à 34 de la décision attaquée et, en particulier, de sa considération figurant au point 32 de cette décision selon laquelle l’objet de la procédure en cause n’était pas d’apprécier le caractère distinctif de la marque contestée. Les allégations de la requérante sont, dès lors, non fondées.

28      Quant à l’allégation selon laquelle la chambre de recours n’aurait pas examiné les arrêts cités au point 27 ci-dessus, il y a lieu de relever que la requérante reconnaît, au point 82 de la requête, que, « [a]ux points 35 et 36 de la décision attaquée, [la chambre de recours] a cité des passages [desdits arrêts] et a simplement mis en avant certaines parties sans préciser les raisons pour lesquelles, selon lui, ces [arrêts] n’étaient pas applicables à la présente affaire », de sorte que cette allégation ne peut qu’être rejetée.

29      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001

30      Dans le cadre du troisième moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a ignoré, dans leur intégralité, ses arguments portant sur la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée consistant en une inscription sur un emballage de transport. De surcroît, ladite chambre aurait ignoré les arguments de la requérante concernant l’usage descriptif du signe STEAM BEER et l’altération du caractère distinctif de la marque contestée et se serait appuyée sur l’usage du symbole « ® », que la requérante n’aurait pas pu commenter.

31      En outre, la requérante fait valoir qu’elle n’a pas eu la possibilité de présenter des commentaires sur les annexes HE 9 à HE 11, produites par l’intervenante au cours de la procédure administrative.

32      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

33      L’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001 dispose que les décisions de l’EUIPO ne peuvent être fondées que sur des motifs ou des preuves au sujet desquels les parties ont pu prendre position.

34      Cette disposition consacre, dans le cadre du droit des marques de l’Union européenne, le principe général de protection des droits de la défense. En vertu de ce principe, les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue. Le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, mais non à la position finale que l’administration entend adopter [voir arrêt du 20 octobre 2021, Square/EUIPO ($ Cash App), T‑211/20, non publié, EU:T:2021:712, point 34 et jurisprudence citée].

35      De même, il ressort de la jurisprudence que l’absence de prise en compte des observations de la requérante ne constitue pas une violation de ses droits de la défense. En effet, si le respect du droit de la défense exigeait de l’EUIPO de permettre à la requérante de faire connaître utilement son point de vue, il ne pouvait imposer à l’EUIPO d’adhérer à celui-ci. Le caractère utile de l’expression du point de vue de la requérante requérait seulement que ce point de vue ait pu être exprimé en temps voulu pour que l’EUIPO pût en prendre connaissance et, avec toute l’attention requise, en apprécier la pertinence pour le contenu de l’acte en voie d’adoption [voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2016, Grupo Bimbo/EUIPO (Forme d’une barre avec quatre cercles), T‑240/15, non publié, EU:T:2016:327, point 62].

36      Il s’ensuit que les allégations de la requérante selon lesquelles la chambre de recours aurait ignoré certains de ses arguments ne peuvent qu’être rejetées.

37      Quant au bien-fondé de la position de la chambre de recours à cet égard, cette question sera examinée dans le cadre du premier moyen.

38      S’agissant de l’allégation selon laquelle la requérante n’aurait pas pu formuler des observations sur l’utilisation du symbole « ® », présent à côté de la marque contestée sur les boîtes de transport, force est de constater, à l’instar de l’EUIPO, que, dans la mesure où les photographies illustrant cet usage avaient été produites devant la division d’annulation, la requérante était en mesure de commenter leur caractère pertinent au cours de la procédure administrative. Dès lors, aucune violation de son droit d’être entendu ne saurait être constatée en l’espèce à cet égard.

39      Enfin, il convient de considérer que la requérante ne saurait utilement invoquer la violation de son droit d’être entendu en ce qui concerne les documents présentés par l’intervenante devant la division d’annulation en tant qu’annexes HE9 à HE11. En effet, même si ladite division ne s’est pas référée à ces documents, la requérante était en mesure de contester leur force probante devant la chambre de recours. Or, ainsi qu’elle semble le reconnaître, elle ne l’a pas fait.

40      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), et de l’article 18 du règlement 2017/1001

41      La requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours a estimé que les éléments de preuve présentés étaient suffisants pour démontrer l’usage sérieux de la marque contestée. En particulier, elle fait valoir, premièrement, que les photographies présentées ont été prises en dehors de la période pertinente et que, pour étayer le fait que les boîtes de transport étaient celles indiquées sur les factures, la chambre de recours s’est fondée sur la déclaration sous serment du président-directeur général (PDG) de l’intervenante. Deuxièmement, elle estime que l’apposition d’une inscription sur l’emballage de transport ne saurait être considérée comme un usage de la marque contestée. Troisièmement, la chambre de recours aurait ignoré le fait que la marque contestée n’avait pas été utilisée sous sa forme enregistrée et que les éléments additionnels utilisés altéraient le caractère distinctif de ladite marque. Quatrièmement, la requérante considère que l’inscription « steam beer » est utilisée comme une indication descriptive et non comme une indication d’origine.

42      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

43      Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

44      En ce qui concerne les critères d’appréciation de l’usage sérieux, en vertu de l’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), applicable aux procédures de déchéance conformément à l’article 19, paragraphe 1 de ce même règlement, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque contestée et se limite à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

45      Il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure de déchéance d’une marque, c’est au titulaire de cette dernière qu’il incombe, en principe, d’établir l’usage sérieux de ladite marque (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2019, Klement/EUIPO, C‑698/17 P, non publié, EU:C:2019:48, point 57 et jurisprudence citée).

46      À cet égard, il ressort de la jurisprudence qu’une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, points 37 et 43).

47      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43].

48      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement  (voir arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42 et jurisprudence citée).

49      Un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits [voir arrêt du 13 février 2015, Husky CZ/OHMI – Husky of Tostock (HUSKY), T‑287/13, EU:T:2015:99, point 66 et jurisprudence citée].

50      L’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, EU:T:2002:316, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 28].

51      En outre, il convient de préciser que, en vertu des dispositions combinées de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et de l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, la preuve de l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne antérieure qui fonde une opposition à l’encontre d’une demande de marque de l’Union européenne, comprend également la preuve de l’utilisation de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée [voir arrêt du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, point 30 et jurisprudence citée].

52      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent moyen.

53      En l’espèce, afin de prouver l’usage sérieux de la marque contestée, l’intervenante a notamment produit les éléments suivants :

–        un aperçu des expéditions vers l’Union de 2011 à août 2018 ainsi qu’une déclaration solennelle datée du 1er février 2019 et signée par son PDG, dont certains termes ont été précisés le 9 septembre 2019 (Annexes HE 1 et HE 8) ;

–        des nombreuses factures mentionnant notamment « anchor steam beer » datées de 2013 à 2018 et adressées notamment à Bier & Co., société établie aux Pays-Bas, et à James Clay & Sons, société établie au Royaume-Uni (Annexes HE 2 et HE 4) ;

–        des photographies des caisses portant notamment le signe figuratif STEAM BEER. D’après le PDG de l’intervenante, ces photographies ont été prises en 2018 aux Pays-Bas, en Autriche et dans les installations de James Clay & Sons au Royaume-Uni (Annexes HE 3a et HE 5) ;

–        des déclarations signées par les importateurs, à savoir Bier & Co., dont le chef confirme avoir importé et vendu dans l’Union des produits « steam beer » depuis 2008, et Broom House Investments Ltd, société dont le directeur confirme avoir importé et vendu des produits « steam beer » au Royaume-Uni au cours des cinq dernières années (Annexes HE 3b et HE 6).

54      En l’espèce, vu la date de l’introduction de la demande en déchéance, à savoir le 2 octobre 2018, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que la période pertinente aux fins de l’appréciation de l’usage sérieux de la marque contestée s’étendait du 2 octobre 2013 au 1er octobre 2018.

55      À l’instar de l’EUIPO, il convient de relever que les arguments de la requérante visent à remettre en cause uniquement les considérations de la chambre de recours relatives à la nature de l’usage de ladite marque. Ainsi, les autres aspects de l’usage, à savoir le lieu, la durée et l’importance, ne sont pas contestés.

–       Sur la prise en compte par la chambre de recours de la déclaration sous serment prétendument non étayée par les autres éléments de preuve

56      Selon la requérante, la chambre de recours aurait déduit un lien entre, d’une part, les factures ne montrant, de manière isolée, ni la marque contestée ni le signe STEAM BEER et, d’autre part, les illustrations des boîtes de transport qui avaient été prises en dehors de la période pertinente sur la seule base de la déclaration solennelle de l’intervenante. Ainsi, elle se serait appuyée uniquement sur la déclaration de l’intervenante en ce qui concerne la question déterminante de savoir si les boîtes de transport étaient ou non mises sur le marché pendant la période pertinente. Ce faisant, la chambre de recours aurait méconnu le principe selon lequel la déclaration d’une partie ou d’un employé dirigeant de celle-ci ne constituait pas, en soi, un élément de preuve et devait être corroborée par d’autres éléments de preuve. De même, la requérante allègue que les photographies ont été prises en dehors de la période pertinente.

57      L’EUIPO et l’intervenante réfutent les arguments de la requérante.

58      En l’espèce, la chambre de recours a relevé, au point 24 de la décision attaquée, que les seuls éléments de preuve relatifs à la nature de l’usage pris en compte par la division d’annulation étaient des photographies de boîtes en carton de transport comportant le signe STEAM BEER sur un côté des boîtes. À cet égard, elle a estimé, au point 25 de la décision attaquée, que le fait que les photographies produites par l’intervenante avaient été prises à la fin de la période pertinente ou le mois suivant ne constituait pas un argument valable pour discréditer la véracité des affirmations contenues dans la déclaration de son PDG. Ladite chambre a en particulier considéré que le PDG de l’intervenante avait confirmé que les photographies des caisses de produits « steam beer » et leur contenu concernaient les ventes et les expéditions identifiées sur les factures datées de la période pertinente et qu’il n’existait aucune raison objective de mettre en doute cette affirmation.

59      À cet égard, il y a lieu de rappeler que les déclarations solennelles qui émanent d’une personne présentant des liens étroits avec la partie concernée sont d’une valeur probante de moindre importance que celles de tiers et ne peuvent dès lors, à elles seules, constituer une preuve suffisante [voir arrêt du 16 juin 2015, H.P. Gauff Ingenieure/OHMI – Gauff (Gauff JBG Ingenieure), T‑585/13, non publié, EU:T:2015:386, point 28 et jurisprudence citée]. Il convient, dès lors, d’apprécier si les informations contenues dans la déclaration du PDG de l’intervenante sont corroborées par d’autres éléments de preuve.

60      La requérante soutient, en substance, que l’existence du lien entre les factures et les photographies décrit dans la déclaration du PDG de l’intervenante n’est pas étayée par d’autres preuves.

61      Certes, comme l’avance la requérante, le PDG de l’intervenante établit le lien entre les factures et les photographies produites et explique, en particulier, que les photographies prises en octobre et en novembre 2018 correspondent aux produits figurant dans les factures produites dans les annexes HE 2 et HE 4.

62      Toutefois, il convient de relever que, outre la déclaration sous serment du PDG de l’intervenante, cette dernière a également produit un grand nombre de factures adressées à plusieurs importateurs dans l’Union, des photographies montrant la présence du signe STEAM BEER sur un côté des boîtes de transport ainsi que les déclarations des sociétés auxquelles les factures en question étaient adressées.

63      En ce qui concerne précisément la question de savoir si les photographies produites par l’intervenante portent sur les produits visés par les factures également produites, il y a lieu de relever qu’il ressort de la déclaration produite par Bier & Co. que des photographies montrant que les produits de l’intervenante étaient visibles sur le marché de l’Union ont été produites, tandis que la déclaration émanant de Broom House Investments Ltd atteste que des photographies des boîtes portant le signe STEAM BEER ont été produites. Ainsi, la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’existence du lien entre les factures et les photographies reposait sur la seule déclaration du PDG de l’intervenante.

64      À cet égard, il y a lieu de rappeler que les déclarations de sociétés tierces par rapport au titulaire de la marque en cause peuvent être suffisantes, à elles seules, pour attester certains faits [voir, en ce sens, arrêt du 15 février 2017, M. I. Industries/EUIPO – Natural Instinct (Natural Instinct Dog and Cat food as nature intended), T‑30/16, non publié, EU:T:2017:77, point 43 et jurisprudence citée].

65      En tout état de cause, la chambre de recours aurait pu aisément établir le lien entre les différents éléments de preuve visant à démontrer l’usage sérieux de la marque contestée, à savoir les factures, d’une part, et les photographies, d’autre part, sans se référer aux explications fournies par le PDG de l’intervenante [voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2015, I Castellani/OHMI – Chomarat (Représentation d’un cercle), T‑137/14, non publié, EU:T:2015:798, point 48]. En effet, un grand nombre de factures produites comportent la mention « anchor steam beer 24-12oz » suivie de la mention « 1.00 case », tandis que les photographies des boîtes comportent des mentions « San Francisco’s original steam beer », « 24/12 oz bottles » et « four 6 packs ». Ces dernières mentions indiquent clairement qu’une boîte sur laquelle figure le signe STEAM BEER contient 24 bouteilles de douze onces liquides des États-Unis. Ces mêmes indications apparaissent sur les factures produites par l’intervenante.

66      De surcroît, force est de constater que la requérante n’avance pas d’arguments susceptibles de démontrer que les photographies produites par l’intervenante ne correspondaient pas aux produits visés dans les factures adressées à ses importateurs dans l’Union.

67      Quant à l’allégation suivant laquelle les photographies seraient postérieures à la période pertinente, la chambre de recours a considéré que le fait que certaines photographies soient prises le mois suivant la fin de la période pertinente, à savoir en novembre 2018, ne constituait pas un argument valable pour discréditer la véracité des affirmations figurant dans la déclaration du PDG de l’intervenante.

68      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’usage au cours de la période pertinente peut, le cas échéant, tenir compte d’éventuelles circonstances postérieures à cette période. De telles circonstances peuvent permettre de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque au cours de la période pertinente ainsi que les intentions réelles du titulaire au cours de la même période [voir arrêt du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 38 et jurisprudence citée].

69      En l’espèce, il y a lieu notamment de relever que, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort des factures présentées par l’intervenante, la vente des produits dont l’emballage porte le signe STEAM BEER a eu lieu pendant la période pertinente, le fait que certaines photographies illustrant ces emballages aient été prises juste après cette période pertinente n’a pas pour effet de rendre lesdites photographies, émanant des destinataires des factures présentées, non pertinentes en vue d’attester l’usage sérieux dudit signe.

70      Partant, en l’absence de tout argument spécifique mettant en cause la force probante de ces photographies, il convient de rejeter les allégations de la requérante relatives à leur caractère probant.

71      Enfin, l’argument de la requérante selon lequel la présence, sur le côté latéral de la boîte de transport, du signe figuratif ANCHOR STEAM BEER influencerait la perception du signe STEAM BEER, présent sur le côté avant de cette boîte, doit être examiné ci-après, en même temps que l’analyse portant sur la question de savoir si la présence d’autres éléments altère le caractère distinctif de la marque antérieure (voir le point 103 ci-après).

72      Il s’ensuit que le présent grief de la requérante doit être écarté.

–       Sur la pertinence des emballages de transport pour démontrer l’usage sérieux d’une marque

73      La requérante soutient que la chambre de recours, à l’instar de la division d’annulation, a commis une erreur en supposant que l’apposition du signe STEAM BEER sur les boîtes de transport suffisait pour prouver un usage sérieux de la marque contestée. Selon elle, ladite chambre aurait dû faire une distinction entre les différents types d’emballage. Or, le consommateur verrait rarement le troisième niveau d’emballage. Selon la requérante, le public s’attend à ce que la référence au producteur soit apposée directement sur le produit, c’est-à-dire sur la bouteille ou sur le conteneur dans le cas de la bière, mais non sur une boîte en carton utilisée pour transporter les produits.

74      La requérante ajoute que, même en admettant que les boîtes de transport soient également placées de temps en temps dans les magasins de vente au détail, il s’agirait probablement de cas isolés et que déduire un usage sérieux de la marque contestée à partir de tels cas particuliers serait une erreur. En outre, elle fait valoir que l’apposition de la marque concernée sur les emballages de transport est tout au plus concevable dans des cas où il n’y aurait aucun étiquetage ou aucun étiquetage identique apposé directement sur le produit. Or, en l’espèce, la marque apposée sur les bouteilles ainsi que sur les conteneurs serait différente de celle figurant sur les boîtes de transport.

75      Enfin, la requérante relève que le signe STEAM BEER n’est affiché que sur le côté avant de la boîte de transport, tandis que sur le côté long est apposé le logo de l’intervenante, présent également sur les bouteilles. La chambre de recours n’aurait pas tenu compte de ce que, dans l’impression créée par la boîte de transport, le signe STEAM BEER s’estomperait complètement dans l’arrière-plan à côté du logo de l’intervenante en tant qu’indication d’origine.

76      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

77      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 26 de la décision attaquée, que le signe STEAM BEER, présent sur un côté des boîtes de transport dont les photographies ont été produites par l’intervenante, pouvait être vu tout au long de la chaîne de distribution ainsi que dans les magasins de vente au détail et les supermarchés. En particulier, elle a estimé, à la lumière des explications fournies par l’intervenante selon lesquelles les détaillants plaçaient les caisses dans ceux de leurs magasins où les consommateurs achetaient la bière, que les photographies produites montraient que le signe STEAM BEER, placé sur un côté de la boîte, était clairement visible dans les magasins, même si tous les clients n’achetaient pas une boîte contenant des paquets de six bouteilles. Elle a ajouté qu’il n’y avait aucune raison de douter de la présentation des boîtes de transport dans les photographies et que des bières portant d’autres marques étaient également stockées dans de grandes boîtes et placées à côté de la boîte portant le signe STEAM BEER. De surcroît, ladite chambre a relevé, aux points 27 et 28 de la décision attaquée, que la preuve de l’usage sérieux d’une marque pouvait être apportée par l’apposition de celle-ci sur les produits eux-mêmes ou sur leur emballage et que les distributeurs de l’intervenante dans l’Union faisaient partie du public pertinent et étaient également en contact avec lesdites boîtes.

78      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, un lien entre la marque contestée et les produits concernés peut être établi sans qu’il soit nécessaire que la marque soit apposée sur les produits [voir arrêt du 14 décembre 2016, PAL-Bullermann/EUIPO – Symaga (PAL), T‑397/15, non publié, EU:T:2016:730, point 54 et jurisprudence citée].

79      De même, l’article 10, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 mentionne les emballages parmi les différentes preuves susceptibles d’établir l’usage sérieux d’une marque (voir point 44 ci-dessus).

80      Il s’ensuit que l’apposition d’une marque sur l’emballage contenant les produits visés par ladite marque peut constituer une preuve de l’usage sérieux de celle‑ci.

81      Or, en l’espèce, le signe STEAM BEER est clairement visible sur le côté avant des boîtes de transport contenant les bouteilles de bière. Par ailleurs, il y a lieu de relever que la requérante, bien qu’elle conteste que les boîtes de transport soient visibles pour les consommateurs finaux, ne nie pas le fait que le signe STEAM BEER figure sur lesdites boîtes.

82      Ainsi, en application notamment de la jurisprudence citée au point 78 ci-dessus, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la requérante relative à la non-pertinence des preuves de l’usage consistant en une apposition de la marque contestée sur les boîtes de transport. De même, ainsi que le soutient à juste titre l’EUIPO, la jurisprudence ne fait pas de distinction entre les différents types d’emballages pouvant être pris en compte pour établir l’usage sérieux d’une marque enregistrée.

83      Quant à la question de savoir si le consommateur final est confronté aux boîtes de transport sur lesquelles figure le signe STEAM BEER, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que le public pertinent en l’espèce n’est pas uniquement composé des consommateurs finaux, mais également des distributeurs des produits visés par ladite marque qui sont notamment en contact avec ces boîtes.

84      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, bien que l’usage sérieux d’une marque exige que celle-ci soit utilisée publiquement et vers l’extérieur, l’usage extérieur d’une marque n’équivaut pas nécessairement à un usage orienté vers les consommateurs finaux. L’usage effectif de la marque se rapporte au marché sur lequel le titulaire de la marque de l’Union européenne exerce ses activités commerciales et sur lequel il espère exploiter sa marque. Ainsi, considérer que l’usage extérieur d’une marque, au sens de la jurisprudence, consiste nécessairement en un usage orienté vers les consommateurs finaux reviendrait à exclure les marques utilisées dans les seuls rapports entre entreprises de la protection du règlement 2017/1001. En effet, le public pertinent auquel les marques ont vocation à s’adresser ne comprend pas uniquement les consommateurs finaux, mais également des spécialistes, des clients industriels et d’autres utilisateurs professionnels [voir arrêt du 7 juillet 2016, Fruit of the Loom/EUIPO – Takko (FRUIT), T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, points 48 et 49 et jurisprudence citée].

85      Partant, dans la mesure où, en l’espèce, les distributeurs des produits visés par la marque contestée qui font partie du public pertinent ont été confrontés aux emballages portant le signe STEAM BEER et contenant lesdits produits, la question de savoir si les consommateurs finaux verraient également lesdits emballages est sans pertinence en l’espèce.

86      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent grief de la requérante.

–       Sur l’altération du caractère distinctif de la marque contestée par l’ajout du terme « beer »

87      La requérante reproche à la chambre de recours de n’avoir pas tenu compte du fait que la marque contestée n’avait pas été utilisée sous sa forme enregistrée et estime que ladite chambre ne s’est pas rendu compte que l’élément « beer » altérait le caractère distinctif de cette marque. En particulier, elle estime que le consommateur ne décomposera pas artificiellement le terme « steam beer » en deux termes, « steam » et « beer ». De même, la représentation graphique de ce signe suggérerait que les deux composants auraient la même importance.

88      La requérante estime que la jurisprudence appliquée par la division d’annulation n’est pas pertinente, car elle porterait sur l’ajout d’éléments descriptifs à une marque qui n’altéreraient pas son caractère distinctif, tandis que, en l’espèce, l’élément supplémentaire changerait la signification de la marque contestée et en ferait un terme complètement descriptif. Le mot « steam », en raison de l’association ainsi créée avec le mot qui le suivrait, perdrait son autonomie et ne serait plus perçu comme un terme indépendant par le public pertinent. Pour appuyer son argument, non suivi par la chambre de recours, selon lequel l’ajout d’un suffixe à un terme aurait pour résultat que la combinaison de ces deux éléments acquerrait une signification purement descriptive pour les produits en cause, la requérante se réfère à l’arrêt du 16 mai 2013, Wolfgang Amadeus Mozart PREMIUM (T‑530/10, non publié, EU:T:2013:250).

89      Enfin, la requérante avance que, en raison de la proximité spatiale des éléments concernés, le public se concentrera sur l’image d’ensemble lorsqu’il regardera la boîte de transport et que, ainsi, il percevra l’élément prédominant et distinctif « anchor », présent sur le côté de la boîte. Cet élément, qui altérerait le caractère distinctif de la marque contestée, affecterait la perception du signe STEAM BEER, présent sur l’avant de la boîte de transport.

90      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

91      En l’espèce, la chambre de recours a confirmé, au point 23 de la décision attaquée, la conclusion de la division d’annulation selon laquelle l’usage de la marque contestée sous la forme figurative ANCHOR STEAM BEER, présente sur les étiquettes des bouteilles de bière et sur un côté des caisses de transport, altérait le caractère distinctif de la marque contestée.

92      Ainsi, la chambre de recours a constaté, au point 24 de la décision attaquée, que les seuls éléments pris en compte par la division d’annulation en ce qui concerne la nature de l’usage de la marque contestée étaient les photographies de boîtes en carton de transport montrant l’inscription « steam beer » sur un côté des boîtes, comme suit :

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93      Bien que la chambre de recours ne se soit pas prononcée, de manière expresse, sur la question de savoir si l’usage de la marque contestée sous la forme du signe STEAM BEER altérait son caractère distinctif, elle a néanmoins, compte tenu de la continuité fonctionnelle entre la division d’annulation et la chambre de recours, dont atteste l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 [voir, en ce sens, arrêts du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 30, et du 10 juillet 2006, La Baronia de Turis/OHMI – Baron Philippe de Rothschild (LA BARONNIE), T‑323/03, EU:T:2006:197, points 57 et 58], implicitement, mais nécessairement, validé l’appréciation de la division d’annulation. Cette dernière a estimé que les photographies des boîtes sur lesquelles figurait le signe STEAM BEER sous une forme stylisée démontraient l’usage de la marque contestée sous une forme qui n’altérait pas son caractère distinctif. En particulier, la division d’annulation a considéré que la représentation des caractères en gras n’altérait pas ledit caractère, étant donné que le terme « steam » était parfaitement reconnaissable et que la représentation en caractères gras était décorative. Quant au terme « beer », ladite division a considéré qu’il serait compris par l’ensemble du public pertinent et serait perçu comme un élément descriptif faisant référence à la nature des produits, de sorte qu’il était dépourvu de caractère distinctif.

94      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de ladite marque [voir arrêt du 13 septembre 2016, hyphen/EUIPO – Skylotec (Représentation d’un polygone), T‑146/15, EU:T:2016:469, point 28 et jurisprudence citée].

95      Il convient, aux fins d’un tel constat, de tenir compte également des qualités intrinsèques de la marque en question et, en particulier, du degré plus ou moins élevé du caractère distinctif de cette marque uniquement utilisée en tant que partie d’une marque complexe ou conjointement avec une autre marque. En effet, plus le caractère distinctif de celle-ci est faible, plus il sera aisément altéré par l’adjonction d’un élément lui-même distinctif et plus la marque en question perdra son aptitude à être perçue comme une indication de l’origine du produit. La considération inverse s’impose également (voir arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 29 et jurisprudence citée).

96      À cet égard, le Tribunal a précisé que, pour que soit appliqué l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, il était nécessaire que les ajouts à la marque enregistrée n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle avait été enregistrée, notamment en raison de leur position accessoire dans le signe ou de leur faible caractère distinctif (voir arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 31 et jurisprudence citée).

97      Or, en l’espèce, ainsi que l’a considéré, à juste titre, la division d’annulation, l’élément ajouté à la marque contestée, à savoir « beer », est purement descriptif des produits en cause, c’est-à-dire dépourvu de tout caractère distinctif, de sorte qu’il ne saurait altérer le caractère distinctif de la marque contestée, même dans l’hypothèse où ce dernier serait faible. Il s’ensuit que la requérante ne saurait se référer utilement à la jurisprudence citée au point 95 ci-dessus.

98      De même, la circonstance selon laquelle l’élément « beer » est de même taille ou forme un ensemble avec l’élément « steam » ne saurait modifier cette conclusion, étant donné qu’il est purement descriptif. Par ailleurs, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, l’expression « steam beer » consiste en deux mots distincts qui sont, de surcroît, superposés.

99      S’agissant des prétendus enseignements de l’arrêt du 16 mai 2013, Wolfgang Amadeus Mozart PREMIUM (T‑530/10, non publié, EU:T:2013:250), il convient de relever que, dans cet arrêt, il n’a pas été constaté que l’ajout d’un préfixe à une marque aurait pour résultat que la combinaison de deux éléments acquerrait une signification descriptive des produits en cause. Certes, au point 39 de cet arrêt, en se référant aux points 94 à 96, 99, 102 à 104 et 110 de l’arrêt du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart) (T‑304/06, EU:T:2008:268), le Tribunal a relevé que, pour le public germanophone, le terme « mozartkugel », lorsqu’il était en relation avec, notamment, les confiseries, pâtisseries et produits chocolatés, était un terme générique et descriptif et que, confronté à ce terme, ce public verrait dans l’élément « mozart » dudit terme une référence à la recette caractéristique de la friandise appelée « Mozartkugel ».

100    Toutefois, force est de constater que dans l’arrêt du 9 juillet 2008, Mozart (T‑304/06, EU:T:2008:268), le Tribunal a considéré que le terme « mozart » lui-même était descriptif des produits concernés. Autrement dit, non seulement le terme « mozartkugel », mais également celui de « mozart » étaient descriptifs. Par ailleurs, il importe de relever qu’aucune des deux marques dont l’usage sérieux devait être démontré dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 mai 2013, Wolfgang Amadeus Mozart PREMIUM (T‑530/10, non publié, EU:T:2013:250), ne consistaient en un seul élément verbal « mozart ».

101    Or, en l’espèce, la marque contestée, constituée par le seul élément verbal « steam », bénéficie, en raison de son enregistrement, d’un caractère distinctif au moins minimal (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, points 43 et 44 et jurisprudence citée).

102    Quant à l’argument selon lequel la présence de cet élément figuratif sur l’autre côté des boîtes de transport altérera le caractère distinctif du signe STEAM BEER lorsque les deux côtés des boîtes en question seront perçus simultanément, il y a lieu de relever que cette circonstance est conditionnée à une juxtaposition particulière d’emballages distincts, notamment lorsqu’ils sont placés sur une palette de transport. Or, en tout état de cause, même dans un tel cas de figure, il est possible de distinguer les différentes boîtes de transport, de sorte qu’il ne saurait être raisonnablement soutenu que la présence du signe figuratif ANCHOR STEAM BEER sur le côté latéral des boîtes de transport pourrait altérer le caractère distinctif du signe STEAM BEER, présent sur le côté avant de ces mêmes boîtes.

103    De même, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la présence, sur le côté latéral de la boîte de transport, du signe figuratif ANCHOR STEAM BEER influencerait la perception du signe STEAM BEER, présent sur le côté avant de cette boîte. En effet, cet argument repose sur la prémisse selon laquelle le public pertinent verrait, en même temps, les côtés avant et latéral de la boîte de transport. Or, il s’agit d’une circonstance purement aléatoire pour considérer que le caractère distinctif de la marque contestée pourrait ainsi être altéré.

104    Il s’ensuit que le grief tiré de ce que le caractère distinctif de la marque contestée était altéré par son usage sous la forme du signe STEAM BEER doit être écarté.

–       Sur le prétendu usage descriptif du signe STEAM BEER

105    Tout en reconnaissant que le caractère distinctif d’une marque enregistrée ne pouvait être mis en cause dans une procédure de déchéance, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir considéré que la signification du signe STEAM BEER devrait être prise en compte dans l’appréciation de l’usage de la marque contestée, qui ne serait pas utilisée de manière isolée.

106    La requérante estime que l’inscription « steam beer », présente sur les boîtes de transport prétendument mises sur le marché par l’intervenante, décrit un type de bière. Ainsi, selon elle, le public pertinent sachant que ce terme décrit un type de bière ne pourrait comprendre ladite inscription que comme une indication que cette boîte contient une bière de type « steam beer ». Ledit public ne considérerait pas cette inscription comme une indication d’origine commerciale des produits. Elle ajoute qu’aucun autre élément ne serait requis pour démontrer que l’expression « steam beer » est utilisée de façon descriptive. Par ailleurs, selon la requérante, la façon dont l’intervenante décrit ses produits, ou la catégorie à laquelle elle souhaite les rattacher, est dénuée de pertinence, car le seul facteur pertinent serait la perception du public pertinent.

107    La requérante estime notamment que la question de savoir si la combinaison des deux termes « steam beer » a été utilisée de façon purement descriptive par des tiers était déterminante dans la présente affaire, contrairement à ce qu’a conclu la chambre de recours. La requérante indique avoir présenté des informations complètes sur la signification de l’expression « steam beer », en particulier des extraits d’un dictionnaire ainsi que des exemples selon lesquels de nombreuses brasseries utilisent ledit terme comme une indication générique d’un type de bière. De même, en se référant à un extrait de l’encyclopédie en ligne Wikipedia, la requérante soutient que le type de bière produit par l’intervenante était la « steam beer ». Par ailleurs, cette source serait citée par l’examinateur de l’EUIPO dans une décision relative au refus d’enregistrement du signe STEAM BREW.

108    En outre, la requérante estime que la présence de l’élément « ® », dont la taille est petite, n’est pas déterminante pour décider si un terme est utilisé comme une marque ou comme une description d’une caractéristique des produits en cause.

109    L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

110    La chambre de recours a considéré, à l’instar de la division d’annulation, que l’objet de la procédure de déchéance n’était pas d’apprécier le caractère distinctif de la marque contestée. À cet égard, elle a précisé qu’il n’était pas démontré que le signe STEAM BEER apposé sur les boîtes de transport était utilisé par l’intervenante comme une indication descriptive du type de bière. De même, le terme « steam » porterait l’élément « ® » et serait représenté sous une forme figurative. En outre, ladite chambre a estimé que la question de savoir si l’expression « steam beer » avait été utilisée de manière générique par des tiers, après l’enregistrement de la marque contestée, était une autre question. Enfin, la chambre de recours a constaté que la requérante n’avait produit aucun élément de preuve démontrant que les produits couverts par la marque contestée étaient décrits comme correspondant à une « bière vapeur ». Au contraire, l’intervenante aurait démontré que sa bière était décrite comme appartenant à la catégorie « California Common ».

111    Quant à la jurisprudence invoquée par la requérante, à savoir les arrêts du 16 mai 2013, Wolfgang Amadeus Mozart PREMIUM (T‑530/10, non publié, EU:T:2013:250), et du 14 avril 2016, PICCOLOMINI (T‑20/15, EU:T:2016:218), la chambre de recours a mis en exergue le fait que, dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts, les marques en cause n’étaient pas utilisées conformément à leur fonction essentielle.

112    En l’espèce, à l’instar de la chambre de recours, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il ressort des photographies des boîtes de transport fournies par l’intervenante, le signe STEAM BEER n’a pas été utilisé de manière descriptive, mais bien en tant qu’indication d’origine commerciale. En effet, il ressort desdites photographies que le signe en question est représenté sous une forme figurative et apparaît central tant en raison de sa taille que de sa position par rapport aux autres éléments présents sur le côté avant des boîtes de transport. Ainsi, en tenant compte de la représentation concrète du signe STEAM BEER sur les boîtes de transport, il ne saurait être affirmé que ce signe a été utilisé de manière descriptive. À cet égard, il convient également de rappeler, ainsi qu’il a été constaté au point 97 ci-dessus, que l’ajout de l’élément « beer » n’altère pas le caractère distinctif de la marque contestée.

113    S’agissant de la présence du symbole « ® », près de l’élément « steam », la requérante est certes fondée à s’appuyer sur l’arrêt du 14 février 2017, Pandalis/EUIPO – LR Health & Beauty Systems (Cystus) (T‑15/16, non publié, EU:T:2017:75). Au point 44 de cet arrêt, le Tribunal, après avoir rappelé qu’il n’existait pas de pratique établie selon laquelle le symbole « ® » conférerait automatiquement un caractère distinctif à une indication descriptive, a jugé que la chambre de recours était fondée à considérer que l’emploi de ce symbole ne constituait pas un élément déterminant pour examiner si le terme « cystus » était utilisé en tant que marque de l’Union européenne ou à titre descriptif de la substance active essentielle des produits concernés. Toutefois, en considérant que l’emploi du symbole « ® » n’était pas « déterminant », le Tribunal n’a pas, pour autant, soutenu que cet élément n’était pas pertinent, de sorte qu’il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir relevé la présence de ce symbole près de l’élément « steam ».

114    Par ailleurs, au vu des arguments avancés par la requérante, il convient de considérer que celle-ci n’allègue pas uniquement que le signe STEAM BEER est utilisé de manière descriptive, visant ainsi la représentation concrète de ce signe sur les éléments de preuve produits, mais qu’il est intrinsèquement descriptif des produits en cause, mettant ainsi en cause le caractère distinctif de la marque contestée. Cela ressort en particulier du point 78 de la requête, dans lequel la requérante a notamment affirmé qu’elle se demandait « comment le public pertinent, sachant que “[s]team [b]eer” [était] un type de bière, devrait comprendre le terme “[steam beer]” sur une boîte de transport autrement que comme une indication que cette boîte de transport contient une bière du type “[s]team [b]eer” ». Il en découle que, selon la requérante, toute utilisation de l’expression « steam beer » en relation à des bières serait descriptive.

115    À cet égard, il suffit de constater, ainsi que l’a rappelé la chambre de recours, au point 32 de la décision attaquée, que l’objet de la procédure de déchéance n’est pas de remettre en cause le caractère distinctif de la marque contestée. En effet, il a déjà été jugé qu’il n’incombait pas à l’EUIPO et au Tribunal de remettre en cause, dans le cadre d’une procédure de déchéance, la présomption selon laquelle une marque de l’Union européenne enregistrée doit être regardée comme n’étant pas dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Seul le degré de caractère distinctif de la marque en cause peut être examiné dans l’hypothèse où cette marque ne serait pas utilisée telle qu’enregistrée [voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2017, Klement/EUIPO – Bullerjan (Forme d’un four), T‑211/14 RENV, non publié, EU:T:2017:715, point 26].

116    Partant, il y a lieu de considérer que l’ensemble des arguments relatifs au caractère distinctif faible du signe STEAM BEER sont inopérants en l’espèce.

117    De surcroît, ladite chambre était fondée à considérer que les arrêts du 16 mai 2013, Wolfgang Amadeus Mozart PREMIUM (T‑530/10, non publié, EU:T:2013:250), et du 14 avril 2016, PICCOLOMINI (T‑20/15, EU:T:2016:218), portaient sur les conditions concrètes d’utilisation d’une marque enregistrée et non sur la remise en cause du caractère distinctif de cette marque lors de l’appréciation de l’usage sérieux de celle-ci.

118    Il s’ensuit que le grief tiré de l’usage descriptif du signe STEAM BEER doit être rejeté.

119    Au vu des considérations qui précèdent, la requérante n’a pas démontré que les appréciations de la chambre de recours relatives à la démonstration de l’usage sérieux de la marque contestée étaient entachées d’erreur, de sorte que le présent moyen doit être rejeté dans sa totalité.

120    Aucun des moyens soulevés par la requérante au soutien de ses conclusions tant en annulation qu’en réformation n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

121    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

122    La requérante ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Privatbrauerei Eichbaum GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Costeira

Perišin

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 septembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.