Language of document : ECLI:EU:T:2022:417

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

6 juillet 2022 (*) (1)

« Dumping – Importations de roues en acier originaires de Chine – Institution d’un droit antidumping définitif et perception définitive du droit provisoire – Article 17, paragraphe 4, articles 18 et 20 du règlement (UE) 2016/1036 – Défaut de coopération – Insuffisance des informations communiquées à la Commission »

Dans l’affaire T‑278/20,

Zhejiang Hangtong Machinery Manufacture Co. Ltd, établie à Taizhou (Chine),

Ningbo Hi-Tech Zone Tongcheng Auto Parts Co. Ltd, établie à Ningbo (Chine),

représentées par Mes K. Adamantopoulos et P. Billiet, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mme K. Blanck et M. G. Luengo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mmes O. Porchia (rapporteure) et M. Stancu, juges,

greffier : M. I. Pollalis, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 14 décembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Zhejiang Hangtong Machinery Manufacture Co. Ltd (ci-après « HT ») et Ningbo Hi-Tech Zone Tongcheng Auto Parts Co. Ltd (ci‑après « TC »), demandent l’annulation partielle du règlement d’exécution (UE) 2020/353 de la Commission, du 3 mars 2020, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de roues en acier originaires de la République populaire de Chine (JO 2020, L 65, p. 9, ci-après le « règlement attaqué »).

 Antécédents du litige

2        Le règlement (UE) no 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »), tel que modifié, définit les règles du droit de l’Union européenne applicables aux procédures d’enquête antidumping.

3        Les requérantes sont deux sociétés de droit chinois établies en Chine. Avec la société de droit samoan Ningbo Wheelsky Company Limited (ci-après « WS »), HT et TC font partie du groupe Hangtong (ci-après « le groupe HT ») et sont toutes trois des sociétés liées.

4        Au sein de ce groupe, HT produit des roues en acier, vendues tant sur le marché intérieur chinois qu’à l’exportation, tandis que TC est un négociant et que WS perçoit le paiement des ventes réalisées auprès des clients‑importateurs. Pour certaines opérations d’exportation, le groupe HT recourt aux circuits de Ningbo Ningdian International Trade CO., Ltd (ci-après « ND »), qui est un agent en douane qui n’est pas lié aux requérantes.

5        Le 15 février 2019, à la suite d’une plainte déposée par l’association des producteurs de roues en acier (EUWA), la Commission européenne a publié un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de roues en acier originaires de la République Populaire de Chine (JO 2019, C 60 p. 19).

6        À la suite de la demande formulée par les requérantes de faire partie de l’échantillonnage, conformément à l’article 17, paragraphe 2, du règlement de base, la Commission a, le 1er mars 2019, décidé de les y inclure.

7        La Commission a procédé à une vérification dans les locaux des requérantes les 6 et 7 juin 2019, ainsi que du 10 au 14 juin 2019.

8        Par lettre en date du 20 juin 2019, la Commission a fait part aux requérantes de son intention de leur appliquer les dispositions de l’article 18 du règlement de base du fait de la transmission de renseignements faux ou trompeurs.

9        À cet égard, la Commission a, s’agissant du groupe HT, notamment relevé l’existence d’une double comptabilité, de certaines déclarations mensongères faites tant à l’administration douanière qu’à l’administration fiscale ainsi que l’absence d’enregistrement des transactions intervenant avec les importateurs de l’Union, lesquels n’existaient pas officiellement dans les comptes de ce groupe. Elle a fait état de l’impossibilité dans laquelle elle se trouvait de vérifier, sur la base des comptes audités et des déclarations fiscales, les transactions intervenues entre le groupe HT et les négociants qui ne lui sont pas liés, ainsi que celles intervenues avec les importateurs de l’Union.

10      Par lettre en date du 28 juin 2019, les requérantes ont demandé à la Commission de ne pas faire application à leur égard de l’article 18 du règlement de base.

11      À cet effet, elles ont notamment fait valoir, d’une part, que le revenu des ventes enregistrées dans les comptes de HT et de TC correspondait aux factures de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou aux déclarations en douane et, d’autre part, que les déclarations en douane correspondaient à hauteur de 90 % à la réalité des faits.

12      Les requérantes ont précisé que les valeurs nécessaires pour établir un prix à l’exportation pouvaient facilement être retrouvées, d’une part, par l’exploitation du tableau DMSAL (sales in the domestic market), qui recense, sur la base des factures de TVA, l’ensemble des ventes domestiques réalisées par le groupe HT, y compris celles ayant abouti à une exportation et, d’autre part, par l’analyse du tableau RLSALUR (resales of related parties to independent customers in the EU), qui recense l’ensemble des ventes réalisées au sein de l’Union.

13      Les requérantes ont affirmé que, dans la mesure où les importateurs étaient au nombre de huit, il était possible pour la Commission de vérifier auprès d’eux, ainsi qu’auprès des autorités douanières de l’Union, le montant que ces importateurs ont réellement payé.

14      Elles ont enfin fait valoir que, dans l’hypothèse où la Commission jugerait que les informations données n’étaient pas crédibles, il était toujours possible de ne pas appliquer l’article 18 du règlement de base dans son intégralité, dès lors que les informations concernant la valeur normale étaient crédibles.

15      Les requérantes ont, à leur demande, été entendues une première fois par la conseillère-auditrice le 23 août 2019 en ce qui concerne l’éventualité d’une application de l’article 18 du règlement de base. À cette occasion, ainsi qu’il résulte du rapport final d’audition en date du 17 septembre 2019, la conseillère-auditrice a notamment relevé que, au vu des meilleurs efforts fournis par le groupe HT, il y avait lieu de ne pas considérer que celui‑ci n’était pas coopératif au sens où il fournirait des informations fausses ou trompeuses. Elle a invité les services de la Commission à clarifier davantage les conditions du recours à l’article 18 du règlement de base et à examiner, dans la mesure du possible, les éléments de preuve nouveaux et supplémentaires reçus au cours de l’enquête.

16      À la suite de cette audition, les requérantes ont, par lettre du 27 août 2019, maintenu la position qu’elles avaient exposée dans le courrier du 28 juin 2019.

17      La Commission, prenant acte du degré de non-coopération des sociétés qui avaient été retenues dans l’échantillonnage, a fait application de l’article 18 du règlement de base, conformément à l’article 17, paragraphe 4, de ce règlement.

18      Sur cette base, le 9 octobre 2019, la Commission a adopté le règlement d’exécution 2019/1693, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de roues en acier originaires de la République populaire de Chine (JO 2019, L 259, p. 15, ci-après le « règlement provisoire »).

19      Aux termes de ce règlement, le taux antidumping a été fixé à 50,3 % pour les sociétés ayant coopéré et à 66,4 % pour toutes les autres sociétés, y compris les requérantes.

20      Le 16 décembre 2019, la Commission a communiqué les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle envisageait d’instituer des droits antidumping et de percevoir définitivement le droit provisoire institué sur les importations de roues en acier originaires de Chine.

21      Le 3 janvier 2020, les requérantes ont soumis à la Commission leurs commentaires sur les conclusions définitives.

22      Le 16 janvier 2020, les requérantes ont été entendues une seconde fois en présence de la conseillère-auditrice au sujet de la phase postérieure à la communication des conclusions définitives. À cette occasion et ainsi qu’il résulte du rapport final d’audition en date du 7 février 2020, la conseillère-auditrice, après avoir souligné que l’objet de l’audition avait été limité à la question relative à la valeur normale, a notamment relevé que, à la suite de la première audition des requérantes, ces dernières avaient reçu un traitement plus favorable dans les investigations et que leurs droits de la défense avaient été respectés dans la procédure dont elles faisaient l’objet.

23      Le 3 mars 2020, la Commission a adopté le règlement attaqué.

24      Ce règlement a confirmé, en ce qui concerne les requérantes, le taux du droit antidumping de 66,4 % sur les importations de roues en acier destinées à être utilisées sur la route, avec ou sans leurs accessoires et équipées ou non de pneus, conçues pour les tracteurs routiers, les véhicules automobiles pour le transport de personnes ou pour le transport de marchandises, les véhicules automobiles à usages spéciaux (par exemple, voitures de lutte contre l’incendie, voitures épandeuses) ainsi que les remorques ou semi-remorques, non automobiles, des véhicules énumérés ci-avant, originaires de Chine.

 Conclusions des parties

25      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué en ce qui les concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

27      Au soutien de leur demande d’annulation, les requérantes invoquent trois moyens. Le premier moyen est tiré notamment de la violation de l’article 17, paragraphes 1 à 4, du règlement de base ainsi que de celle des principes de protection de la confiance légitime, de proportionnalité, de non‑discrimination et de bonne administration. Le deuxième est notamment tiré de la violation de l’article 18 du règlement de base ainsi que de l’annexe II de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103, ci‑après l’« accord antidumping de l’OMC »), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1). Enfin, le troisième moyen est notamment tiré de la violation de l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement de base et de la violation des droits de la défense par la Commission dans la conduite de l’enquête.

28      À cet égard et à titre liminaire, il y a lieu de relever, comme cela a d’ailleurs été confirmé lors de l’audience, que les requérantes ne contestent pas, en tant que telle, l’existence d’un dumping mais l’application à leur égard de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base et celle d’un taux de droit antidumping définitif de 66,4 %.

29      De plus, il y a lieu de constater que la question relative à l’application erronée de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, qui est liée à la contestation de l’absence de fiabilité des données communiquées, est abordée par les requérantes dans leur deuxième moyen, tandis qu’il apparaît que la résolution des griefs développés dans les premier et troisième moyens dépend essentiellement de la question de savoir si la Commission a, en l’espèce, correctement fait application de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base.

30      Il y a en conséquence lieu de traiter en premier lieu le deuxième moyen, avant de donner une réponse aux premier et troisième moyens.

 Sur le deuxième moyen, tiré, d’une part, d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que de la violation de l’article 2, paragraphes 6 bis, 8, 10 et 11, de l’article 3, de l’article 6, de l’article 9, paragraphe 6, et de l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base ainsi que de l’annexe II, paragraphe 3, de l’accord antidumping de l’OMC et, d’autre part, de la violation des articles 2 et 3, de l’article 6, paragraphes 6 et 8, de l’article 9, paragraphe 4, et de l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base ainsi que de l’annexe II, paragraphe 3, de l’accord antidumping de l’OMC

31      Le deuxième moyen est divisé en trois branches.

32      Par la première branche, les requérantes font, en substance, valoir que c’est à tort que la Commission a considéré que les données concernant le prix à l’exportation qu’elles lui avaient communiquées n’étaient pas fiables. Par la deuxième branche, elles font grief à la Commission de n’avoir pas tenu compte des efforts qu’elles ont déployés pour la réussite de l’enquête et de ne pas avoir calculé le prix à l’exportation sur la base des données qu’elles lui avaient communiquées, même si ces données n’étaient pas les meilleures à tous égards. Par la troisième branche, les requérantes font grief à la Commission de s’être abstenue de calculer la valeur normale et d’avoir fait usage des données disponibles pour déterminer leur marge de dumping.

–       Sur les première et deuxième branches du deuxième moyen, tirées d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 2, paragraphes 6 bis, 8, 9, 10 et 11, de l’article 3, de l’article 6, de l’article 9, paragraphe 6, et de l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base et de l’annexe II, paragraphe 3, de l’accord antidumping de l’OMC

33      Par les deux premières branches du deuxième moyen, qu’il convient d’examiner ensemble, les requérantes affirment en premier lieu que les données qu’elles ont communiquées à la Commission étaient suffisantes pour permettre à cette institution d’établir un prix fiable à l’exportation.

34      À cet égard, les requérantes indiquent que les prix de vente des roues en acier inscrits dans les comptes de HT et de TC concordaient avec ceux mentionnés sur les factures de TVA ainsi que sur les déclarations en douane de HT à TC, lesdits prix correspondant à 90 % des exportations de roues en acier réalisées par le groupe HT vers l’Union au cours de la période d’enquête.

35      En effet, l’écart entre les montants figurant dans les factures de TVA établies par HT à destination de TC et les déclarations en douane relatives à l’exportation hors de la Chine n’affectait que 10 % de leurs exportations totales vers l’Union, de sorte que la Commission avait, en conformité avec sa pratique générale, la possibilité de ne pas tenir compte de ce reliquat de 10 %.

36      À cet égard, les requérantes font valoir que les affirmations de la Commission figurant aux considérants 35 et 40 du règlement attaqué témoignent d’un raisonnement contradictoire. En effet, cette institution ne peut à la fois affirmer qu’il existe une incertitude fondamentale quant à la fiabilité des informations comptables des requérantes, tout en admettant que les informations sur la valeur normale étaient fiables et vérifiées et alors même que, ainsi qu’elle l’a admis, la valeur normale représente 50 % du calcul de la marge de dumping.

37      Les requérantes précisent que, indépendamment de l’absence de comptabilité de WS, le prix à l’exportation des produits vendus dans l’Union pouvait être établi sur la base de l’exploitation de la liste DMSAL, laquelle recensait et identifiait l’ensemble des ventes de HT à TC en vue de l’exportation des marchandises vers l’Union. Les données de cette liste pouvaient être aisément recoupées avec les formulaires de dédouanement des marchandises exportées vers l’Union, les factures de TVA à l’exportation vers l’Union ainsi qu’avec les justificatifs de paiement des clients de l’Union tels qu’ils résultaient des extraits de comptes bancaires de WS.

38      Les requérantes contestent les considérations de la Commission selon lesquelles il était impossible pour cette institution de déterminer avec certitude le prix à l’exportation, alors même que, de ses propres constatations, la valeur déclarée en douane correspondait à la facture commerciale initiale, indépendamment du fait que, pour une même opération, il pouvait y avoir deux factures, l’une concernant un lien entre HT et TC, l’autre un lien entre TC et ND. Cela implique que la Commission pouvait, sur la base des prix facturés par HT à TC ou à ND, établir un prix à l’exportation, en l’ajustant, conformément à sa pratique habituelle lorsqu’elle dispose de données fiables en ce qui concerne la valeur normale.

39      Ces données pouvaient en outre être confrontées avec les statistiques des douanes chinoises, qui, contrairement à ce que tente de démontrer la Commission par l’intermédiaire du document figurant dans l’annexe B2 du mémoire en défense, étaient exactes. En effet, la prétendue absence de fiabilité de ces données tient au fait que la Commission n’a pas tenu compte des corrections que les requérantes ont effectuées dans le document figurant en annexe C4 de la réplique. Ces données coïncident avec la liste RLSALUR qu’elles avaient modifiée et qui recensait l’ensemble des ventes de parties liées à des clients indépendants dans l’Union.

40      Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir pris la peine de vérifier le total des ventes à l’exportation des roues en acier en analysant les registres des clients indépendants et les factures de la TVA à l’exportation, comme cette institution s’y était pourtant engagée dans la communication qu’elle leur avait faite simultanément à la notification du règlement provisoire et alors même que sept de leurs huit clients au sein de l’Union avaient accepté de coopérer avec la Commission.

41      Les requérantes font valoir que, en tout état de cause, elles ont réussi à prouver, sur la base des bordereaux bancaires de WS, 98 % de leurs exportations vers l’Union et, sur la base des formulaires douaniers d’importation vers l’Union, 65 % des exportations vers l’Union.

42      À cet égard, et s’agissant des données se rapportant aux formulaires d’importation des marchandises vers l’Union, les requérantes soulignent que, ainsi qu’elles l’ont indiqué à la Commission dans leurs observations du 27 août 2019, elles ont transmis à cette institution la liste  Eusales, qui recensait leurs huit clients dans l’Union, puis, une liste actualisée de ces clients, avec leurs coordonnées et, pour la majeure partie d’entre eux, la preuve de l’acquittement des droits de douane lors de l’importation dans l’Union. Ces éléments confirmaient, pour l’essentiel des transactions, le paiement des prix à l’exportation facturés. Le reliquat non renseigné était dû au fait que certains de leurs clients n’avaient pas voulu leur communiquer les documents relatifs aux importations qu’ils avaient faites.

43      Les requérantes ajoutent que, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour et de celle de l’OMC, la Commission ne pouvait pas, pour justifier le rejet de l’établissement du prix à l’exportation, opposer aux requérantes le fait qu’elles ne rapportaient pas la preuve d’une claire répartition entre exportations effectuées dans l’Union et hors de l’Union, du fait de l’absence de communication de leur part d’un tableau de répartition entre ces exportations, alors même que cela ne leur avait jamais été demandé. Elles font valoir que, en tout état de cause, l’exploitation du tableau DMSAL, qui mettait en évidence une telle répartition, permettait de distinguer les ventes faites à des importateurs de l’Union et celles faites à des importateurs établis dans des États tiers.

44      À cet égard, les requérantes soulignent qu’elles utilisent un système triangulaire de facturation entre sociétés liées pour les exportations vers l’Union. En vertu de ce système, les prix de vente des marchandises portés sur les factures de clients de l’Union en provenance de Chine peuvent être et sont souvent différents de ceux déclarés aux autorités douanières de l’Union pour ces marchandises au moment de l’importation de ces dernières.

45      Ainsi, dans la mesure où la valeur transactionnelle reflète une vente à l’exportation et n’est pas inférieure à la valeur marchande et au coût intrinsèque des marchandises en cause, englobant le coût du fret et de l’assurance à la frontière de l’Union, cette valeur transactionnelle est légitimement utilisée aux fins de l’évaluation en douane dans l’Union.

46      Les requérantes affirment que les informations qu’elles avaient communiquées à la Commission constituaient, de loin, les meilleures informations disponibles sur les ventes à l’exportation de roues en acier, au sens de l’annexe II de l’accord antidumping de l’OMC. Cela aurait d’ailleurs été constaté par la conseillère-auditrice dans son premier rapport d’audition, aux termes duquel elle a indiqué que les requérantes avaient agi au mieux de leurs possibilités.

47      Les requérantes en concluent que, en rejetant les données qui lui avaient été communiquées, en s’abstenant d’accomplir les opérations que la Commission s’était engagée à exécuter dans la communication effectuée lors de la notification du règlement provisoire et en fondant ses conclusions sur des éléments dont elle ne leur avait pas demandé la communication, celle-ci s’est abstenue de procéder à une comparaison équitable des prix en utilisant les prix à l’exportation, comme le prévoit l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base.

48      Les requérantes affirment, en second lieu, que, s’agissant du prix à l’exportation, la Commission aurait dû faire usage de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base en utilisant les ventes « départ usine » de HT à TC et à ND pour calculer le prix et le volume des exportations vers l’Union pendant la période d’enquête, de sorte qu’elle puisse, en application de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, établir avec précision les marges de dumping et de préjudice les concernant, sans tenir compte des opérations de WS, conformément à la jurisprudence applicable, notamment aux points 120 et 121 de l’arrêt du 19 mars 2015, City Cycle Industries/Conseil (T‑413/13, non publié, EU:T:2015:164).

49      À cet égard, les requérantes font valoir que la Commission n’a jamais contesté les prix facturés par HT à TC et à ND et les valeurs des roues en acier déclarées aux autorités douanières de l’Union lors de l’importation des roues en acier des requérantes. Elles ajoutent que la détermination du prix à l’exportation sur la base de telles données est conforme aux dispositions de l’article 2, paragraphes 8 et 9, du règlement de base.

50      Elles soulignent que l’argumentation de la Commission relative au rejet de l’établissement du prix à l’exportation sur la base de la facturation intervenue entre HT et TC est injustifiée. En effet, il est avéré que ces prix sont inférieurs aux prix réellement facturés aux clients de l’Union. La détermination du prix à l’exportation sur la base de ces données est ainsi de nature à établir des droits antidumping plus sévères que celle qui aurait été établie sur la base des prix réellement facturés aux importateurs de l’Union.

51      Concernant l’objection de la Commission relative à l’impossibilité d’appliquer des valeurs incertaines en raison de l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base, les requérantes font valoir que ces dispositions ont vocation à s’appliquer même lorsque la Commission fait usage de l’article 18 du règlement de base à l’égard de producteurs sélectionnés dans l’échantillon. Les marges des producteurs concernés ne sont alors pas prises en compte dans le calcul de la marge moyenne pondérée de dumping applicable aux producteurs qui n’étaient pas inclus dans l’échantillon.

52      En tout état de cause, la Commission ne démontre pas en quoi, indépendamment de l’application de l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base, l’inclusion des requérantes dans l’échantillon était susceptible d’affecter de façon importante les résultats de l’enquête.

53      Elles affirment enfin que, en vertu des règles de l’OMC, la Commission ne pouvait légitimement pas refuser d’appliquer les dispositions de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base.

54      La Commission conclut au rejet de ces arguments.

55      À cet égard, pour répondre aux arguments des requérantes, il apparaît nécessaire, dans un premier temps, d’analyser si les documents communiqués, tels que la liste DMSAL ou les déclarations douanières, étaient suffisamment fiables pour permettre à la Commission d’établir un prix à l’exportation, puis, dans un second temps, de déterminer s’il était possible pour la Commission de faire usage de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base pour établir le prix à l’exportation, dans des circonstances où les requérantes avaient communiqué tous les documents qui étaient en leur possession.

56      S’agissant tout d’abord de la question relative à la fiabilité des données relatives à l’établissement du prix à l’exportation, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elle doit examiner. Quant au contrôle juridictionnel d’une telle appréciation, il doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir [voir arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 68 et jurisprudence citée].

57      En outre, la Cour a jugé que le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels la Commission fonde ses constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de cette institution. Ce contrôle n’empiète pas sur le large pouvoir d’appréciation de cette institution dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par la Commission. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées [voir arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 69 et jurisprudence citée].

58      De plus, dans le cadre du règlement de base, les entreprises visées par l’enquête antidumping sont tenues de communiquer à la Commission les renseignements nécessaires pour établir leur marge de dumping. À défaut de communication de tels renseignements, ces entreprises encourent le risque de se voir appliquer, en application de l’article 18, paragraphe 1, dudit règlement, des données autres que celles qu’elles ont communiquées (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, T‑413/03, EU:T:2006:211, point 65 et jurisprudence citée).

59      À cet égard, il y a lieu de relever que l’analyse du document de la Commission figurant en annexe B1 du mémoire en défense, non contesté par les requérantes, met, en premier lieu, en évidence que, dans chacun des sept canaux de vente utilisés par le groupe HT pour exporter ses produits, les importateurs s’acquittaient du paiement des marchandises vendues entre les mains de WS, qui ne justifiait d’aucune comptabilité. En conséquence, et indépendamment du fait que la loi samoane sur les sociétés ne prévoit pas qu’elles doivent justifier d’une comptabilité certifiée, les relevés bancaires de WS n’avaient aucune valeur probante.

60      En deuxième lieu, dans l’ensemble des canaux de vente, les ventes étaient faites aux importateurs sans que les factures établies à leur nom soient enregistrées dans le groupe HT. En effet, soit TC enregistrait dans sa comptabilité des factures dont le montant était inférieur à celui qui figurait sur les factures adressées aux importateurs et, sur la base de ces premières factures, faisait des déclarations mensongères aux autorités douanières en ce qui concerne le prix à l’exportation (canal 1), soit TC émettait des factures au nom des importateurs, sans pour autant les enregistrer dans sa comptabilité (canaux 2 et 3), soit WS émettait des factures qui n’étaient pas comptabilisées, dans la mesure où la loi samoane n’oblige pas les sociétés à tenir une comptabilité certifiée (canaux 4 et 5), soit, enfin, les factures étaient émises par ND, qui est une société extérieure au groupe et à l’égard de laquelle la Commission n’a pu obtenir aucun élément d’information du fait de son absence de coopération à l’enquête (canaux 6 et 7).

61      En troisième lieu, dans tous les canaux de vente, à l’exception du premier canal de vente, les ventes de marchandises à l’exportation intervenaient après la vente de la marchandise par HT ou TC à ND, ce qui, pour les raisons mentionnées au point 60 ci-dessus, impliquait l’impossibilité pour la Commission de déterminer le prix de vente réellement payé par les importateurs européens.

62      La conjonction de l’ensemble des éléments mentionnés aux points 59 à 61 ci-dessus ne permet pas de considérer que la Commission a commis une erreur manifeste en retenant que les données concernant le prix à l’exportation étaient dénuées de toute fiabilité.

63      Cela implique que doivent être considérées comme de simples allégations les affirmations des requérantes selon lesquelles elles ont prouvé 98 % des paiements des importateurs européens sur la base des relevés bancaires de WS, 90 % des prix de vente sur la base des factures de TVA émises par HT et, enfin, 65 % des opérations d’exportations vers l’Union sur la base des déclarations en douane de ces importateurs, tout comme l’affirmation des requérantes selon laquelle la Commission n’aurait pas tenu compte du système de la traite commerciale triangulaire qu’elles avaient adopté.

64      Ces incohérences ont d’ailleurs été mises en évidence lors de l’audience, au cours de laquelle les requérantes ont reconnu l’impossibilité dans laquelle s’était trouvée la Commission d’utiliser la comptabilité de WS, l’absence de tout enregistrement comptable des factures de TC à destination des importateurs européens et en conséquence, les difficultés existant pour établir en l’espèce un prix à l’exportation fiable.

65      Il convient en conséquence d’analyser, en premier lieu, si ce prix à l’exportation pouvait être établi, comme le suggèrent les requérantes, sur la base de la liste DMSAL, des factures de TVA émises par HT à destination de TC et si c’est à tort que la Commission a considéré que l’établissement d’un prix à l’exportation était impossible, en l’absence d’un tableau distinguant les exportations réalisées avec l’Union et les autres, dont la communication n’aurait pas été demandée au cours de l’enquête.

66      S’agissant tout d’abord de la liste DMSAL et des factures de TVA émises par HT à destination de TC, il convient de relever que, ainsi que cela a été souligné à l’audience par la Commission, ces éléments de preuve concernaient des ventes, réalisées par HT à TC, donc des ventes intragroupes et domestiques dont le prix était, en conséquence, différent de celui réellement payé par les importateurs européens. De plus, ainsi que cela a été confirmé à l’audience, la Commission était dans l’impossibilité de vérifier la réalité des exportations vers l’Union déclarées par les requérantes en l’absence de toute comptabilité crédible concernant ces exportations.

67      À cet égard, concernant l’argument des requérantes tiré de l’absence de production d’un tableau distinguant les exportations réalisées avec l’Union et les autres exportations, il y a lieu de relever que, lors de l’audience, les requérantes ont d’abord indiqué qu’un tel tableau était inutile, dans la mesure où tous les renseignements qui y figureraient étaient déjà contenus dans la liste DMSAL, puis ont confirmé qu’elles auraient été en mesure de produire un tel tableau si la Commission leur avait fait une demande en ce sens, ainsi que cela ressort des commentaires envoyés le 25 octobre 2019, à la suite de la notification du règlement provisoire, pour finalement reconnaître qu’elles n’avaient pas communiqué un tel tableau parce qu’elles craignaient que la Commission leur oppose l’absence de crédibilité d’un tel tableau du fait de l’absence de factures étayant ces données.

68      Ces affirmations contradictoires mettent en évidence le caractère artificiel de l’argument des requérantes, selon lequel la Commission ne pouvait, pour rejeter leurs données concernant le prix à l’exportation, leur opposer l’absence de communication d’un tableau mettant en évidence les exportations vers l’Union.

69      En effet, si la Commission n’a pas retenu ces données à l’exportation, ce n’est pas uniquement en raison de l’absence d’un tel tableau, mais bien parce que, ainsi que cela ressort notamment des considérants 32, 35 et 40 du règlement attaqué, cette institution a dû faire face à « un manque fondamental de fiabilité des registres » et à l’impossibilité d’établir avec certitude le type et le nombre de produits exportés vers l’Union, de sorte qu’elle était dans l’impossibilité d’établir un prix à l’exportation sur la base des factures de TVA émises par HT et destinées à TC. Ces dernières constatations ne sont au demeurant nullement contradictoires avec le fait que la Commission a considéré que les données relatives à la valeur normale étaient fiables, dès lors que ces dernières données étaient régulièrement enregistrées dans la comptabilité de HT, contrairement aux données relatives aux exportations.

70      De plus, les règlements auxquels les requérantes renvoient pour établir que la Commission s’est départie de sa pratique habituelle en ce qui concerne l’ajustement des prix à l’exportation n’apparaissent pas pertinents, dans la mesure où la légalité d’un règlement instituant des droits antidumping doit s’apprécier au regard des règles de droit et, notamment, des dispositions du règlement de base, et non sur la base de la prétendue pratique décisionnelle antérieure de la Commission [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 107].

71      S’agissant, en deuxième lieu, des arguments développés par les requérantes à propos de la prétendue absence de diligence des enquêteurs auprès des importateurs européens et à propos des documents relatifs à ces importateurs, il y a tout d’abord lieu de relever que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, la Commission ne s’est jamais engagée à faire une enquête sur place auprès de ces importateurs pour déterminer le prix à l’exportation. En effet, il résulte de la communication spécifique faite aux requérantes en accompagnement du règlement provisoire, que cette institution a seulement pris acte de leur proposition faite en ce sens dans une lettre du 27 août 2019 et figurant en annexe A 21 de la requête.

72      Ensuite, outre le fait que les requérantes ne contestent pas la circonstance énoncée au considérant 33 du règlement attaqué, selon lequel seuls trois importateurs de l’Union ont accepté de coopérer avec la Commission, il y a lieu de relever que le nombre déclaré de ces importateurs a varié au cours de l’enquête, passant de huit, ainsi que cela ressort du document du 27 août 2019, joint en annexe A 21 de la requête, à douze au mois de janvier 2020, ainsi que cela résulte des documents figurant dans l’annexe A 28 de la requête.

73      Une telle variation du nombre d’importateurs de l’Union implique, ainsi qu’elle l’a confirmé à l’audience, que la Commission pouvait valablement considérer n’avoir aucune certitude sur la fiabilité des renseignements communiqués par les requérantes au sujet de ces importateurs, de sorte qu’il ne peut lui être fait grief de n’en avoir pas tenu compte, ni de ne pas avoir effectué de démarche auprès de ces importateurs. Il ne saurait ainsi être fait grief à la Commission d’avoir violé les dispositions de l’article 6, paragraphe 4, du règlement de base.

74      En ce qui concerne, en troisième lieu, les arguments relatifs aux statistiques douanières chinoises, d’une part, les tableaux de synthèse des documents douaniers révélaient des incohérences qui ont été mises en évidence par la Commission dans l’annexe B2 du mémoire en défense. Cela a conduit les requérantes à modifier ces tableaux, sans pour autant convaincre les services enquêteurs, dans la mesure où ils ont été dans l’impossibilité de recouper ces données avec les données comptables et fiscales des requérantes. D’autre part, la valeur de référence des marchandises était exprimée dans ces documents en kilogrammes et faisaient état de montants globaux de paiement exprimés en dollars des États-Unis, de sorte que la Commission était dans l’incapacité de connaître le type et les quantités de produits exportés vers l’Union, ainsi que les montants unitaires de vente, qui sont pourtant des éléments nécessaires pour établir un prix à l’exportation. Enfin, ces documents émanaient en partie de ND, qui est une société qui n’est pas liée aux requérantes, ce qui plaçait la Commission dans l’impossibilité de vérifier leur véracité et en conséquence, leur caractère probant.

75      S’agissant enfin du grief formulé par les requérantes relatif à la violation par la Commission de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, il y a lieu de relever que l’objectif de l’article 18 du règlement de base est de permettre à la Commission de poursuivre l’enquête quand bien même les parties refuseraient de coopérer ou coopéreraient de manière insuffisante. Le niveau de coopération des parties doit être évalué en fonction de la notion d’« informations nécessaires » utilisée par cet article, dès lors que ces dernières, pour être considérées comme étant coopérantes, doivent communiquer à la Commission les informations de nature à permettre à cette institution d’établir les conclusions qui s’imposent dans le cadre de l’enquête antidumping, l’appréciation du caractère « nécessaire » d’une information s’effectuant au cas par cas [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, points 53 et 55].

76      C’est ainsi qu’il a déjà été jugé que l’ampleur des efforts déployés par une partie intéressée pour communiquer certains renseignements n’a pas nécessairement de rapport avec la qualité intrinsèque des renseignements communiqués, et, de toute façon, n’en est pas le seul élément déterminant. Ainsi, si les renseignements demandés ne sont finalement pas obtenus, la Commission est en droit de recourir aux données disponibles s’agissant des renseignements demandés (voir, s’agissant du point 6.8 de l’accord antidumping de l’OMC, le rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC, intitulé « Égypte – Mesures antidumping définitives à l’importation de barres d’armature en acier en provenance de Turquie » et adopté le 1er octobre 2002, point 7.242) (arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, point 104).

77      Enfin, en application d’une jurisprudence constante, l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base prévoit que, lorsque les informations présentées par une partie concernée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités. Il ressort de son libellé que les quatre conditions sont d’application cumulative. Par conséquent, le fait de ne pas satisfaire à une seule d’entre elles empêche l’application de cette disposition, et donc la prise en compte des informations en question (voir arrêt du 19 mars 2015, City Cycle Industries/Conseil, T‑413/13, non publié, EU:T:2015:164, point 120 et jurisprudence citée).

78      À cet égard, il y a lieu de constater que, pour les raisons déjà indiquées aux points 59 à 62 ci‑dessus, la Commission a pu valablement faire usage de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base pour déterminer le prix à l’exportation, dans la mesure où les insuffisances des données communiquées par les requérantes rendaient excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes.

79      Il résulte de ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, ni violer l’article 18, paragraphes 1 et 3, et, par conséquent, l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base ou l’annexe II, paragraphe 3, de l’accord antidumping de l’OMC que, aux considérants 29 à 41 du règlement attaqué, la Commission a, en substance, retenu que, indépendamment de la question de savoir si les requérantes avaient agi au mieux de leurs possibilités, la principale difficulté rencontrée au cours de l’enquête était due à l’absence d’un ensemble complet et vérifiable de données sur les opérations d’exportation, y compris et notamment en ce qui concerne les produits exportés, les volumes et les valeurs, de sorte que cette institution a considéré qu’elle ne pouvait exercer aucun contrôle correct et indépendant sur ces données et qu’elles les a rejetées dans leur ensemble en faisant application des données disponibles, conformément aux dispositions de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base.

80      Enfin, il y a lieu de constater que la simple évocation de la violation de l’article 2, paragraphes 6 bis, 8, 9, 10 et 11, de l’article 3 ainsi que de l’article 6 du règlement de base, outre qu’elle est sommaire, ne saurait suffire à démontrer la pertinence de l’allégation d’une violation de ces dispositions et, par conséquent, à établir une quelconque illégalité du règlement attaqué à cet égard.

81      Il convient en conséquence de rejeter la première et la deuxième branche du deuxième moyen.

–       Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée de la violation des articles 2 et 3, de l’article 6, paragraphes 6 et 8, de l’article 9, paragraphe 4, et de l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base ainsi que de l’annexe II, paragraphe 3, de l’accord antidumping de l’OMC

82      Par la troisième branche du deuxième moyen, les requérantes font, en substance, valoir que, en s’abstenant d’utiliser leurs données pour déterminer la valeur normale, alors même qu’elles avaient été considérées comme étant fiables, la Commission a violé l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base et l’annexe II, paragraphe 3, de l’accord antidumping de l’OMC, ainsi que les articles 2 et 3, l’article 6, paragraphes 6 et 8, et l’article 9, paragraphe 4, de ce règlement. Elles ajoutent que la Commission a insuffisamment expliqué les raisons pour lesquelles elle n’avait pas retenu ces données pour établir la valeur normale.

83      À cet égard, les requérantes indiquent que la Commission s’est départie de sa pratique habituelle, consistant à ne recourir aux données disponibles que dans des circonstances où les données ne sont pas entièrement vérifiables et fiables.

84      Elles soulignent que cette pratique est conforme à la jurisprudence de l’OMC.

85      Elles affirment que la Commission n’a pas suffisamment expliqué pourquoi elle n’avait pas calculé la valeur normale, alors même qu’elle disposait d’informations fiables à cet égard, ainsi qu’il résulte des considérants 42 et 44 du règlement attaqué.

86      Les requérantes font valoir qu’il était possible pour la Commission d’utiliser leur valeur normale afin de la comparer aux prix à l’exportation vers l’Union, à leurs prix à l’exportation construits vers l’Union ou à tout le moins aux prix à l’exportation pratiqués par l’unique producteur retenu dans l’échantillon et ayant coopéré ou à ceux fournis par les autres producteurs-exportateurs qui avaient demandé un examen individuel conformément à l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base ou par les autres parties intéressées.

87      Elles ajoutent qu’une telle manière de procéder aurait tenu compte du fait qu’elles avaient pleinement coopéré avec la Commission tout au long de l’enquête, ce qui a d’ailleurs été souligné par la conseillère-auditrice et n’a pas été contesté par la Commission.

88      La Commission conteste ces arguments.

89      À cet égard et à titre liminaire, s’agissant de l’argument des requérantes mentionné au point 87 ci-dessus, il y a lieu de relever que, dans le rapport initial d’audition du 17 septembre 2019, au vu des efforts que les requérantes avaient fournis, la conseillère‑auditrice a, certes, considéré que l’application de la qualification de « non coopérantes » aux requérantes, en ce qu’elles auraient fourni des informations fausses ou trompeuses, n’était pas la meilleure et qu’elle sollicitait de ce fait que les conditions du recours à l’article 18 du règlement de base soient clarifiées. Il demeure que, dans le second et dernier rapport d’audition du 7 février 2020, cette même conseillère-auditrice n’a plus fait aucune observation sur le recours à cet article par la Commission, de sorte qu’il ne peut être tiré aucune conséquence de ces deux documents en ce qui concerne le niveau de coopération des requérantes.

90      S’agissant des règlements sur lesquels se fondent les requérantes pour alléguer l’existence d’une prétendue pratique de la Commission, qui consisterait à ne recourir aux données disponibles que dans des circonstances où les données ne sont pas entièrement vérifiables et fiables, il suffit de rejeter cet argument sur la base de la jurisprudence citée au point 70 ci-dessus.

91      S’agissant de l’accord antidumping de l’OMC et, plus particulièrement, de l’annexe II de cet accord, ainsi que de la jurisprudence qui y est relative, qui a fait l’objet d’une question écrite pour réponse à l’audience, il y a lieu de relever que c’est à la lumière de celles-ci que l’article 18 du règlement de base doit être interprété dans la mesure du possible, dès lors qu’il constitue la transposition en droit de l’Union du contenu de ces dispositions (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil, T‑633/11, non publié, EU:T:2014:271, point 40).

92      À cet égard, il y a lieu de souligner que, aux points 7.354 et suivants du rapport du groupe spécial de l’OMC du 16 novembre 2007, CE, mesures antidumping visant le saumon d’élevage (WT/DS 337/R) dont se prévalent les requérantes, ce groupe spécial a, à l’occasion du rejet par les Communautés européennes d’un élément de preuve relatif à l’établissement de la valeur normale, souligné que l’autorité enquêtrice devait, en application de l’article 6.8 de l’accord antidumping de l’OMC et du paragraphe 3 de l’annexe II de cet accord, utiliser les renseignements « vérifiables » qui lui ont été communiqués par les parties.

93      De plus, dans l’affaire États‑Unis – Mesures antidumping et compensatoires appliquées aux tôles en acier en provenance de l’Inde (WT/DS 206/R), dont se prévalent également les requérantes, il est vrai que, aux points 7.60 et suivants de son rapport, le groupe spécial de l’OMC a, en substance, considéré que les autorités d’enquête devaient s’efforcer d’utiliser au maximum les données qui lui avaient été communiquées par les parties, étant donné que l’un des objectifs fondamentaux de l’accord antidumping de l’OMC dans son ensemble était de faire en sorte que des déterminations objectives soient établies, dans la mesure du possible, sur la base de faits.

94      Il demeure que, aux points 7.62 et 7.64 de ce même rapport, le groupe spécial de l’OMC a relevé qu’il n’était pas possible de conclure que l’autorité chargée de l’enquête devait utiliser des renseignements qui, par exemple, n’étaient pas vérifiables ou n’avaient pas été communiqués en temps utile, ou qu’elle devait les utiliser, quelles que soient les difficultés que cela entraînait.

95      De plus, ainsi que l’a souligné la Commission au cours de l’audience, sans que les requérantes parviennent à la contredire, il y a lieu de relever que les affaires ayant donné lieu à ces deux rapports de l’OMC diffèrent de l’espèce en ce que, dans ces affaires, la principale difficulté rencontrée par les services enquêteurs tenait non pas, comme en l’espèce, à la détermination du prix à l’exportation, du fait de l’absence de communication de toute donnée fiable en ce qui concerne les exportations, notamment en ce qui concerne les types de marchandises exportées et leur prix, mais à l’établissement de la valeur normale.

96      Il se déduit de ces deux rapports que si, par principe, l’autorité chargée de l’enquête doit s’efforcer d’utiliser les renseignements communiqués par les parties qui sont vérifiables, elle doit le faire dans la mesure du possible. Cela implique que cette autorité peut ne pas tenir compte de renseignements qui, finalement, sont de nature à donner des résultats ne permettant pas l’établissement de conclusions raisonnablement correctes.

97      Or, dans le contexte de la présente affaire, toute détermination de la valeur normale aurait été superflue, car aucune marge de dumping n’aurait pu être établie en l’absence de la possibilité de déterminer le prix à l’exportation se rapportant aux requérantes, ainsi que cela résulte des points 56 à 81 ci‑dessus.

98      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel il aurait été possible d’établir leur valeur normale afin de la comparer au prix à l’exportation reconstruit pour d’autres producteurs. En effet, ainsi que l’a souligné la Commission au cours de l’audience, l’application d’une telle méthode, en l’absence de toute certitude sur l’identité et la quantité du type de produits exportés, ainsi qu’il résulte du point 69 ci‑dessus, aurait inévitablement eu pour effet de mettre en relation des valeurs ne correspondant pas et, en conséquence, asymétriques, de sorte que, finalement, les conclusions portant sur la marge de dumping n’auraient pas été raisonnablement correctes.

99      S’agissant du grief tiré de la motivation insuffisante des raisons pour lesquelles la Commission s’est abstenue de calculer la valeur normale, il y a lieu de relever que le Tribunal a déjà jugé que la motivation exigée par l’article 296 TFUE devait faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge d’exercer son contrôle. Il ne saurait, toutefois, être exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si elle satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 10 octobre 2012, Shanghai Biaowu High-Tensile Fastener et Shanghai Prime Machinery/Conseil, T‑170/09, non publié, EU:T:2012:531, point 126 et jurisprudence citée). Par ailleurs, la motivation du règlement attaqué doit être appréciée en tenant compte, notamment, des informations qui ont été communiquées à la partie requérante et des observations que cette dernière a soumises durant la procédure administrative (arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, point 150). En particulier, il n’est pas exigé que la motivation des règlements antidumping spécifie les différents éléments de fait et de droit, parfois très nombreux et complexes, qui en font l’objet, dès lors que ces règlements entrent dans le cadre systématique de l’ensemble des mesures dont ils font partie. À cet égard, il suffit que le raisonnement des institutions dans les règlements apparaisse de façon claire et non équivoque (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil, T‑2/95, EU:T:1998:242, point 357).

100    À cet égard, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, les motifs énoncés par la Commission dans le règlement attaqué permettent de comprendre les raisons pour lesquelles elle considère que les données relatives à la valeur normale ne constituent pas la moitié des informations nécessaires pour établir une marge de dumping.

101    En effet, ainsi que l’a indiqué, de façon claire et non équivoque, la Commission, au considérant 42 du règlement attaqué, la détermination de la valeur normale était sans effet dans la présente affaire, dès lors que les informations communiquées pour la détermination du prix à l’exportation, lequel est un élément fondamental pour le calcul de la marge de dumping, n’étaient pas fiables, puisqu’elles n’étaient pas vérifiables.

102    En outre, force est de constater que cette motivation a permis aux requérantes de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission n’a pas établi leur valeur normale dans le cas d’espèce et de contester la légalité de ce choix, ainsi qu’il ressort des arguments soulevés notamment dans le cadre du présent moyen. Une telle motivation permet également au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité du règlement attaqué.

103    Enfin, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 80 ci‑dessus, il y a lieu de rejeter la prétendue violation des articles 2 et 3, de l’article 6, paragraphes 6 et 8, ainsi que l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base.

104    Il résulte de ce qui précède que la troisième branche du deuxième moyen doit être rejetée et, en conséquence, le deuxième moyen dans son intégralité.

 Sur le premier moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation, de la violation des articles 2 et 3, de l’article 17, paragraphes 3 et 4, de l’article 9, paragraphe 4, et de l’article 18 du règlement de base ainsi que de la violation des principes de protection de la confiance légitime, de proportionnalité, de non-discrimination et de bonne administration

105    Le premier moyen comporte trois branches.

106    Par la première branche, les requérantes font, en substance, grief à la Commission d’avoir fait application à leur égard de l’article 18 du règlement de base avant de les exclure de l’échantillon et d’avoir ainsi enfreint l’article 17, paragraphe 4, de ce règlement. Par la deuxième branche, elles font valoir que la Commission a, à tort, refusé de calculer la marge de dumping en les considérant, de manière erronée, comme des producteurs-exportateurs n’ayant pas été choisis initialement dans l’échantillon. Par la troisième branche, elles font valoir, en substance, que, en ne tenant pas compte de leurs meilleurs efforts et en leur appliquant un taux punitif de droit antidumping, la Commission a violé les principes fondamentaux du droit de l’Union.

–       Sur la première branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 17, paragraphe 4, et de l’article 18 du règlement de base

107    Par la première branche du premier moyen, les requérantes font grief à la Commission d’avoir caractérisé le défaut de coopération prévu par l’article 17, paragraphe 4, du règlement de base par référence à l’article 18 de ce règlement et d’avoir ainsi violé le premier des deux articles.

108    À cet égard, les requérantes font valoir qu’elles ont coopéré à l’enquête. Elles ajoutent que la lecture des considérants 16 et 18 du règlement provisoire, confirmés par le considérant 13 du règlement attaqué, met en évidence que, en l’espèce, la Commission a d’abord analysé s’il convenait de faire application de l’article 18 du règlement de base en ce qui les concerne, puis a appliqué les dispositions de l’article 17, paragraphe 4, de ce règlement, alors même que ces dernières dispositions imposent d’abord d’analyser s’il y a un refus persistant de coopérer ou l’absence de temps nécessaire pour constituer un nouvel échantillon, ce que la Commission n’a pas fait.

109    Les requérantes font enfin valoir que la Commission n’avait aucune raison d’appliquer l’article 17, paragraphe 4, du règlement de base, dans la mesure où un groupe de producteurs-exportateurs persistait à coopérer.

110    La Commission conclut au rejet de cette branche. Tout en faisant valoir que les arguments qui y sont développés ne sont pas suffisamment clairs pour répondre aux exigences prévues par l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, elle affirme que ces arguments et, en conséquence, la première branche, doivent être rejetés au fond.

111    En l’espèce, s’agissant de la recevabilité, il est vrai que les arguments développés par les requérantes dans cette branche ne sont pas d’une très grande clarté.

112    Il demeure que ces arguments permettent de comprendre, certes sommairement, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels les requérantes se fondent pour caractériser ce qu’elles estiment constituer une violation de l’article 17, paragraphe 4, du règlement de base, de sorte qu’il convient de déclarer recevable cette branche (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil, T‑190/08, EU:T:2011:618, point 60 et jurisprudence citée).

113    Sur le fond, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que les requérantes affirment, les considérants 22 et 272 du règlement provisoire, ainsi que le considérant 81 du règlement attaqué, mettent en évidence qu’il ne restait plus dans l’échantillon constitué, après éviction des requérantes, que les sociétés liées du groupe Xingmin et en conséquence un seul producteur-exportateur. Cela rendait cet échantillon non significatif et en conséquence non opérationnel pour l’application de l’article 17 du règlement de base.

114    Il convient d’ajouter que la lecture des considérants 16 et 18 du règlement provisoire, que critiquent les requérantes, doit se faire conjointement avec celle des considérants 184 et 185 de ce règlement. Cela met en évidence que c’est parce que les données que les requérantes lui avaient communiquées n’étaient pas fiables et qu’il ne restait plus qu’un seul producteur-exportateur dans l’échantillon que, après avoir constaté l’absence de coopération de tout ou partie des producteurs retenus dans l’échantillon, ainsi que l’insuffisance de temps pour choisir un nouvel échantillon, conformément à l’article 17, paragraphe 4, du règlement de base, la Commission a mis un terme à la technique de l’échantillonnage et recouru à l’article 18 de ce règlement.

115    Il en résulte que cette manière de procéder de la Commission ne met en évidence aucune erreur manifeste d’appréciation des faits, pas plus que la commission d’une erreur de droit, de sorte qu’il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen.

–       Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 17, paragraphes 3 et 4, du règlement de base

116    Par la deuxième branche du premier moyen, les requérantes font, en substance, grief à la Commission d’avoir écarté les données relatives à la valeur normale, qu’elle avait pourtant jugées vérifiables et fiables, de s’être abstenue de calculer leur marge de dumping, conformément à l’article 6, paragraphe 8, du règlement de base et d’avoir ainsi traité ces requérantes comme des producteurs-exportateurs ne faisant pas partie d’un échantillon, dans les conditions prévues par l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base.

117    La Commission conclut au rejet de la deuxième branche du premier moyen.

118    À cet égard et pour les raisons déjà mentionnées aux points 82 à 104 ci‑dessus, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation des faits ni d’erreur de droit que la Commission a jugé que la détermination de la valeur normale concernant les requérantes était inutile en l’espèce.

119    Il en résulte que les griefs des requérantes tirés de la violation de l’article 17 du règlement de base ne sont pas fondés, de sorte qu’il y a lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

–       Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de la violation des principes de protection de la confiance légitime, de proportionnalité, de non-discrimination et de bonne administration, ainsi que de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base

120    Par la troisième branche du premier moyen, les requérantes font valoir que, en leur infligeant un taux de droit antidumping de 66,4 %, égal à celui des « autres sociétés », contrairement aux sociétés qui n’avaient pas été initialement retenues dans l’échantillon, qui se sont vu appliquer un taux de droit antidumping égal à 50,3 %, la Commission n’a pas tenu compte des meilleurs efforts qu’elles avaient fournis pour tenter de parvenir à prouver leur marge de dumping et a ainsi violé les principes de protection de la confiance légitime, de proportionnalité et de non-discrimination, ainsi que l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base.

121    Les requérantes indiquent que, tout au long de l’enquête, elles ont dûment coopéré avec la Commission en respectant les délais qu’elle leur impartissait, elles lui ont communiqué des données fiables en ce qui concerne la valeur normale et, à la différence des sociétés qui n’étaient pas incluses initialement dans l’échantillon, la Commission était en possession des types de roues en acier qu’elles produisaient, de sorte qu’elles étaient en droit de s’attendre à être traitées aussi bien, mais pas moins, que ces sociétés.

122    Les requérantes ajoutent que l’argumentation de la Commission selon laquelle elles ne prouvent pas que la sélection de produits faite pour le calcul de la marge de dumping les concernant est inappropriée contrevient au principe selon lequel la charge de la preuve du calcul de la marge de dumping pèse sur cette institution, ainsi que cela ressort du point 40 de l’arrêt du 12 octobre 1999, Acme/Conseil (T‑48/96, EU:T:1999:251).

123    Les requérantes indiquent que l’établissement du taux de droit antidumping les concernant contrevient aux dispositions de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base.

124    Les requérantes font enfin valoir que, après l’adoption du rapport final d’audition de la conseillère-auditrice du 23 août 2019, la Commission aurait dû, en vertu du principe de bonne administration, adopter une nouvelle note verbale révisant la précédente et leur retirer la qualité de partie n’ayant pas coopéré, tout comme elle aurait dû le faire dans le règlement provisoire et dans le règlement attaqué.

125    La Commission conclut au rejet de la troisième branche du premier moyen.

126    À cet égard, il convient de relever qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la Commission est tenue de respecter les droits fondamentaux de l’Union au cours d’une procédure administrative en matière de défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non-membres de l’Union, parmi lesquels figure le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Selon la jurisprudence relative au principe de bonne administration, dans les cas où les institutions de l’Union disposent d’un pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 25 janvier 2017, Rusal Armenal/Conseil, T‑512/09 RENV, EU:T:2017:26, point 189 et jurisprudence citée).

127    De plus, en vertu du principe de proportionnalité, la légalité d’une réglementation de l’Union est subordonnée à la condition que les moyens qu’elle met en œuvre soient aptes à réaliser l’objectif légitimement poursuivi par la réglementation en cause et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir, en principe, à la moins contraignante (arrêt du 15 septembre 2021, Arnaoutakis e.a./Parlement, T‑240/20 à T‑245/20, non publié, EU:T:2021:590, point 86).

128    Selon une jurisprudence constante, tout particulier a le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime lorsqu’il se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées. Les assurances données doivent, en outre, être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 14 juillet 2021, Interpipe Niko Tube et Interpipe Nizhnedneprovsky Tube Rolling Plant/Commission, T‑716/19, EU:T:2021:457, point 187 et jurisprudence citée).

129    Quant au principe de non-discrimination, il requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 11 septembre 2018, Foshan Lihua Ceramic/Commission, T‑654/16, EU:T:2018:525, point 34).

130    À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il résulte des points 31 à 104 ci‑dessus, c’est sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur manifeste d’appréciation des faits que la Commission, indépendamment des efforts déployés par les requérantes pour communiquer des données fiables afin d’établir leur marge de dumping, a constaté l’absence de toute fiabilité des données relatives à la détermination du prix à l’exportation qu’elles lui avaient communiquées ainsi que l’absence de toute utilité d’établir une valeur normale. La Commission a en conséquence considéré que les requérantes ne coopéraient pas et a fait application à leur égard de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, ce qui exposait par là même ces requérantes à se voir appliquer les dispositions de l’article 18, paragraphe 6, de ce règlement, en vertu duquel « [s]i une partie intéressée ne coopère pas ou ne coopère que partiellement et que, de ce fait, les renseignements pertinents ne sont pas communiqués, il peut en résulter pour ladite partie une situation moins favorable que si elle avait coopéré ».

131    C’est en considération des éléments mentionnés au point 130 ci-dessus que, au considérant 46 du règlement attaqué, la Commission, après avoir constaté l’impossibilité dans laquelle elle s’était trouvée de vérifier les ventes à l’exportation des requérantes et de déterminer précisément les types d’articles exportés vers l’Union, « a jugé qu’il était approprié que la marge accordée [aux requérantes] soit égale à la marge résiduelle [de 66,4 %] ». Ainsi qu’il résulte du considérant 186 du règlement provisoire, la marge de dumping résiduelle a été établie pour les huit types de produits présentant les marges de dumping individuelles les plus élevées et dont les ventes à l’exportation représentaient 29 % du volume total de ces ventes.

132    S’agissant des producteurs ayant coopéré qui n’ont pas été retenus dans l’échantillon et ainsi qu’il résulte du considérant 185 du règlement provisoire, la Commission a « exceptionnellement décidé de fixer la marge de dumping au même niveau que pour le seul producteur-exportateur restant dans l’échantillon ». En effet, elle a considéré que, à la différence de ce qui concerne les requérantes, « l’échec de l’échantillonnage était également dû à l’exclusion de certains types de produits, qui a eu une répercussion directe sur sa composition, dans la mesure où elle a entraîné l’exclusion d’un des deux producteurs-exportateurs retenu dans l’échantillon et ayant coopéré ». La Commission « a également tenu compte du fait que la société maintenue dans l’échantillon représentait environ 20 % des importations du produit concerné et exportait une large gamme de types de produits vers l’Union ».

133    Or, tout d’abord, pour les raisons déjà mentionnées aux points 55 à 81 ci‑dessus, les requérantes ne sauraient faire grief à la Commission d’avoir retenu une solution moins favorable à leur égard que la pire des propositions alternatives qu’elles lui avaient proposées pour établir la marge de dumping, alors même qu’aucune de ces propositions ne lui permettait d’être en mesure de considérer que la marge de dumping était raisonnablement conforme à la réalité des opérations d’exportation réalisées par les requérantes.

134    Ensuite, si les requérantes qualifient la marge de dumping résiduelle de « punitive », il est constant que cette marge a été déterminée par la Commission non pas d’une manière arbitraire ou punitive, mais après qu’elle a constaté l’échec de la technique de l’échantillonnage et qu’elle a régulièrement fait application aux requérantes de l’article 18 du règlement de base. Cette marge résiduelle a été établie sur la base d’une proportion non négligeable des exportations du seul producteur-exportateur, de sorte que l’emploi d’une telle qualification à l’égard de cette marge, aussi élevée soit-elle, n’est pas justifié.

135    À cet égard, il y a lieu de relever que, lorsque la Commission affirme que les requérantes ne prouvent pas que la sélection des huit types de produits retenus pour établir la marge de dumping résiduelle serait manifestement inappropriée à leur cas, elle constate uniquement que, au cours de l’enquête, les requérantes n’ont pas donné d’éléments suffisants pour déterminer avec certitude les produits qu’elles exportaient vers l’Union, de sorte que, sans que puisse être imputée à cette institution la volonté d’opérer un renversement illégal de la charge de la preuve, les requérantes ne démontrent pas le caractère inadéquat des produits retenus pour établir la marge de dumping résiduelle.

136    De plus, outre le fait que les requérantes n’apportent aucune explication sur les raisons pour lesquelles la Commission aurait violé l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base, il est constant que, en déterminant la marge de dumping dont elles faisaient l’objet sur la base d’autres données que les leurs, la Commission n’a pas violé cet article, dès lors qu’il lui était loisible de faire application de l’article 18 du même règlement à leur égard, ainsi qu’il résulte des points 56 à 104 ci‑dessus.

137    Enfin, s’agissant du grief selon lequel c’est à tort que les requérantes se sont vu appliquer un traitement différencié par rapport aux producteurs-exportateurs qui n’ont pas été retenus dans l’échantillon, mais considérés comme ayant coopéré, il suffit de relever que la situation objective de ces producteurs différait de celles des requérantes, en ce que, s’agissant des premiers, la Commission n’a pas constaté, à la différence des secondes, qu’ils ne lui avaient communiqué aucune donnée fiable concernant leurs opérations à l’exportation, ni qu’ils étaient de ce fait, en partie, responsables de l’échec de la tentative de détermination de la marge de dumping par la technique de l’échantillonnage.

138    Cela a ainsi amené la Commission, sans qu’il puisse lui être imputé une quelconque violation du principe de non-discrimination, à appliquer aux sociétés qui n’étaient pas incluses dans l’échantillon, mais qui coopéraient, « de manière exceptionnelle » le taux de dumping applicable à la seule société ayant coopéré.

139    Il résulte de ce qui précède que, dès lors que, d’une part, la marge de dumping établie à l’égard des requérantes s’appuyait sur une quantité non négligeable de produits exportés par la seule société ayant coopéré dans l’enquête et que, d’autre part, la situation objective des sociétés qui n’ont pas été retenues dans l’échantillonnage différait de celles des requérantes, c’est sans avoir violé le principe de proportionnalité ni le principe de non-discrimination que la Commission a appliqué aux requérantes le taux de droit antidumping de 66,4 %.

140    S’agissant du principe de la violation alléguée du principe de protection de la confiance légitime, ainsi qu’il résulte du point 89 ci‑dessus, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, la conseillère-auditrice, en demandant à la Commission, après la première audition des requérantes, de mieux expliciter les raisons justifiant le recours à l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, ne leur a jamais donné des assurances certaines selon lesquelles, pour la suite de la procédure, cette institution les considérerait comme coopérantes, de sorte que ce grief doit être rejeté.

141    En ce qui concerne, enfin, le grief tiré du principe de bonne administration, il est vrai que, à la suite du rapport d’audition de la conseillère-auditrice du 17 septembre 2019, les services de la Commission n’ont pas envoyé une nouvelle note verbale aux requérantes. Il demeure que, à défaut d’envoi d’une telle note, les requérantes devaient considérer que la position de la Commission, en ce qui concerne l’usage de l’article 18 du règlement de base, n’avait pas varié, ce qui a d’ailleurs été le cas. De plus, et ainsi que l’a relevé la conseillère-auditrice dans son rapport d’audition du 16 janvier 2020, les requérantes ont reçu un traitement plus favorable au cours de l’enquête. Cela confirme que tous les éléments pertinents concernant la situation des requérantes ont été analysés avec soin et impartialité par la Commission et que le grief tiré de la violation du principe de bonne administration doit être rejeté comme étant non fondé.

142    Il résulte des points qui précèdent que la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

143    Enfin, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 80 ci‑dessus, il y a lieu de rejeter la prétendue violation des articles 2 et 3 du règlement de base et, par voie de conséquence, le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des droits de la défense des requérantes et de la violation de l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement de base, ainsi que de l’article 12.2 de l’accord antidumping de l’OMC

144    Le troisième moyen est divisé en deux branches.

145    Par la première branche, les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir calculé et divulgué leur valeur normale, en violation de l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement de base et de l’article 12.2 de l’accord antidumping de l’OMC et de ne leur avoir pas divulgué les renseignements qu’elle a utilisés pour calculer la marge de dumping qui leur a été appliquée.

146    Par la seconde branche, les requérantes font grief à la Commission d’avoir rejeté l’offre d’engagement de prix qu’elles ont communiquée à cette institution et de les avoir mises, en pratique, dans l’impossibilité de solliciter un réexamen de leur situation.

–       Sur la première branche du troisième moyen, tirée de l’absence de calcul et de divulgation de la valeur normale, ainsi que de l’absence de divulgation des renseignements utilisés pour calculer la marge de dumping

147    Les requérantes font, en substance, valoir qu’il résulte de la jurisprudence de l’OMC que l’organe d’enquête est tenu de divulguer des renseignements quant aux types de produits utilisés pour les comparaisons de prix visant à déterminer l’existence d’un dumping, ainsi que, dans certaines circonstances, les renseignements nécessaires à la présentation d’une demande d’ajustements visant à garantir une comparaison équitable du prix à l’exportation et de la valeur normale.

148    Elles ajoutent qu’il a également déjà été jugé par l’OMC que si une partie visée par l’enquête produisait des éléments de preuve montrant à première vue que l’accès à l’information avait été refusé, il incombait à l’autorité chargée de l’enquête de démontrer que ce commencement de preuve n’était pas correct, tout comme l’autorité chargée de l’enquête devait permettre aux parties d’accéder régulièrement et couramment au dossier.

149    Les requérantes font valoir que, en vertu d’une jurisprudence constante, premièrement, les parties disposent d’un droit essentiel pour pouvoir inspecter le dossier, deuxièmement, la Commission ne saurait se prévaloir de documents qui n’ont pas été rendus accessibles à la partie requérante durant l’enquête et auxquels il n’est pas fait référence dans le règlement antidumping pour établir une preuve, troisièmement, la charge de la preuve de la communication des documents incombe aux institutions de l’Union, quatrièmement, ces institutions doivent examiner les données disponibles sans imposer la charge de la preuve à l’une des parties et enfin, cinquièmement, à défaut de prouver que, en l’absence d’une violation des droits de la défense, les institutions de l’Union n’auraient pas statué différemment, le règlement attaqué doit être annulé.

150    Les requérantes ajoutent que, en vertu d’une jurisprudence tout aussi constante, les entreprises concernées par une procédure d’enquête précédant l’adoption d’un règlement antidumping doivent, en application du principe du respect des droits de la défense, être mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait.

151    Les requérantes soulignent, à cet effet et en premier lieu, que la Commission n’a pas communiqué la valeur normale de leurs produits exportés vers l’Union. Or, en procédant ainsi, cette institution a empêché les requérantes de présenter des observations qui auraient permis que l’issue de l’enquête sur les roues en acier leur soit plus favorable. En effet, elles auraient pu présenter des observations sur le calcul de leurs marges de dumping et de préjudice, sur la base d’une comparaison de leur propre valeur normale et de leurs types et prix d’exportation, avec éventuellement un ajustement du prix à l’exportation.

152    Les requérantes indiquent, en second lieu, que la Commission ne leur a pas divulgué les informations qu’elle avait retenues pour établir les marges de dumping et de préjudice se rapportant aux huit types de roues en acier exportés vers l’Union par le seul producteur de Chine retenu dans l’échantillon ayant coopéré. Dans la mesure où ces informations étaient confidentielles, la Commission aurait dû fournir aux requérantes un résumé non confidentiel de ces informations, ce qu’elle n’a pas fait.

153    Les requérantes font valoir que, si le rapport final de la conseillère‑auditrice du 16 janvier 2020 relevait que le nombre d’auditions tenues avec les requérantes ne témoignait pas nécessairement d’éventuelles violations des droits de la défense, elle n’était pas pour autant parvenue à une conclusion définitive sur cette question et ne s’était nullement prononcée sur la violation des droits de la défense des requérantes en raison de l’absence de divulgation du calcul de la valeur normale.

154    La Commission conclut au rejet des prétentions des requérantes.

155    À cet égard, s’agissant, en premier lieu, du grief selon lequel l’absence de divulgation de la valeur normale établie sur la base des données communiquées par les requérantes aurait porté atteinte à leurs droits de la défense dans le cadre de la conduite de l’enquête, il suffit de relever que, ainsi que cela est mentionné aux points 100 à 104 ci‑dessus, la Commission a correctement et suffisamment motivé les raisons pour lesquelles il était inutile de calculer la valeur normale des requérantes, de sorte que ce premier grief doit être rejeté.

156    S’agissant, en second lieu, du grief tiré de la violation des droits de la défense du fait de l’absence de divulgation des informations retenues par la Commission pour établir les marges de dumping et de préjudice se rapportant aux huit types de roues en acier exportés vers l’Union par le seul producteur de Chine retenu dans l’échantillon et ayant coopéré, il y a tout d’abord lieu de relever que, en vertu d’une jurisprudence constante, les entreprises concernées par une enquête précédant l’adoption d’un règlement antidumping doivent être mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son appréciation sur l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (voir arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, point 134 et jurisprudence citée).

157    Il appartient toutefois aux parties intéressées à une procédure d’enquête antidumping de mettre les institutions en mesure d’apprécier les problèmes que peut leur poser l’absence d’un élément dans les informations qui ont été mises à leur disposition. A fortiori, une telle partie intéressée n’est pas fondée à se plaindre devant le juge de l’Union de ce qu’une information n’a pas été mise à sa disposition si, au cours de la procédure d’enquête ayant abouti au règlement antidumping litigieux, elle n’a formulé auprès des institutions aucune demande concernant cette information particulière (voir arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 93 et jurisprudence citée).

158    En effet, d’une part, il résulte du libellé même de l’article 6, paragraphe 7, du règlement de base que les parties intéressées à une procédure d’enquête antidumping, telles que les requérantes, ne sont susceptibles de se plaindre de l’absence d’un document dans le dossier non confidentiel de l’enquête que si quatre conditions cumulatives sont réunies. Premièrement, un tel document doit contenir des renseignements fournis à la Commission par une partie concernée par l’enquête qui doivent avoir été utilisés au cours de cette enquête. Deuxièmement, ce document ne doit ni constituer un document interne établi par les autorités de l’Union ni présenter un caractère confidentiel. Troisièmement, les informations contenues dans ce document doivent être pertinentes pour la défense des intérêts de la partie intéressée en cause. Enfin, quatrièmement, cette dernière doit avoir présenté une demande écrite pour prendre connaissance dudit document (arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 109).

159    D’autre part, il résulte de l’article 20, paragraphes 1 et 3, du règlement de base que la délivrance de cette information spécifique aux parties intéressées est subordonnée à la présentation de leur part d’une demande écrite formée, en ce qui concerne l’information provisoire, immédiatement après l’institution des mesures provisoires et, en ce qui concerne l’information finale, un mois au plus tard après la publication de l’imposition desdites mesures provisoires.

160    De plus, en vertu d’une jurisprudence constante, les principes qui gouvernent le droit à l’information doivent être conciliés avec les impératifs de confidentialité, en particulier l’obligation des institutions de respecter le secret des affaires. À cet égard, l’obligation des institutions d’assurer le traitement confidentiel d’une information dont la divulgation aurait un effet défavorable notable pour l’entreprise qui l’a fournie ne saurait priver les autres parties concernées, en particulier les exportateurs, des garanties procédurales prévues par le règlement de base ni vider de leur substance les droits qui leur sont reconnus en vertu des mêmes dispositions (voir arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 94  et jurisprudence citée).

161    En l’espèce, il y a lieu de relever que les requérantes ne contestent pas le caractère confidentiel des données relatives aux huit types de roues qui ont été retenues pour établir la marge de dumping résiduelle et qui avaient été communiquées par le seul producteur-exportateur coopérant et retenu dans l’échantillon, qui était un de leur concurrent. Elles ne détaillent pas non plus les données relatives aux huit types de produits retenus pour établir la marge de dumping résiduelle qu’elles auraient aimé voir dévoilées.

162    En tout état de cause, il convient de relever que, en réponse à une question posée lors de l’audience tant aux requérantes qu’à la Commission, cette institution a indiqué que ces dernières ne l’avaient jamais sollicitée au cours de l’enquête aux fins d’obtenir des éléments d’information sur les modalités de calcul de leur marge résiduelle de dumping et de préjudice.

163    Or, ni la lecture du dossier, ni les éléments d’explication donnés à l’audience par les requérantes ne permettent d’établir que ces dernières ont sollicité par écrit la Commission afin que cette dernière leur communique spécifiquement les informations utilisées pour établir la marge de dumping des huit types de roues en acier exportés vers l’Union par le seul producteur-exportateur retenu dans l’échantillon et ayant coopéré.

164    À cet égard, il y a lieu de souligner que, contrairement à ce qu’ont soutenu les requérantes, leur demande de dévoilement de la valeur normale ne concernait pas conjointement leur valeur normale et la valeur normale utilisée pour établir la marge résiduelle, mais uniquement la première de ces deux valeurs. En effet, la demande de communication de la valeur normale des requérantes était motivée par leur volonté d’établir une proposition concernant une offre minimale de prix dont, selon elles, l’établissement nécessitait de connaître leur propre valeur normale. Cela est mis en évidence par le résumé de l’entretien final avec la conseillère-auditrice, aux termes duquel cette dernière a uniquement relevé que le groupe HT a répété sa volonté de proposer une offre minimale de prix et par la même, celle de connaître sa valeur normale (« Finally, the [HT] group repeated their willingness to propose a minimum import price undertaking for which they wanted to know their NV »).

165    S’agissant ensuite de la jurisprudence de l’OMC, il y a lieu de relever que tant dans l’affaire Communautés européennes – Mesures antidumping définitives visant certains éléments de fixation en fer ou en acier en provenance de Chine (WT/DS 397/AB/RW), ainsi qu’il résulte, notamment du point 5.4 du rapport de l’organe d’appel, que dans l’affaire Guatemala – Mesures antidumping définitives concernant le ciment Portland gris en provenance du Mexique (WT/DS 156/R), ainsi qu’il résulte, notamment des points 8.131 à 8.136 du rapport du groupe spécial, les parties requérantes avaient, contrairement à ce qui s’est passé en l’espèce, sollicité soit la communication de données, soit l’accès au dossier, ce qui leur avait été refusé.

166    Dans la mesure où les faits ayant amené aux décisions dans les deux affaires mentionnées au point 165 ci-dessus diffèrent de ceux caractérisant la présente espèce, leur invocation n’apparaît pas utile en l’espèce.

167    Ainsi, dès lors que, en l’espèce, en s’abstenant, contrairement aux dispositions de l’article 6, paragraphe 7, et de l’article 20, paragraphes 1 et 3, du règlement de base, de solliciter par écrit auprès de la Commission la communication des données utilisées pour établir la marge résiduelle de dumping et en mettant ainsi cette institution dans l’impossibilité de connaître exactement les éléments dont elles sollicitaient la communication, d’apprécier les problèmes que leur posait l’absence de connaissance de tels éléments et de s’expliquer sur la confidentialité de tels documents et les raisons pour lesquelles elle se serait éventuellement opposée à leur communication, ainsi que pour les raisons invoquées au point 161 ci‑dessus, il y a lieu de conclure que les requérantes ne sont pas fondées à se plaindre d’une violation du principe du respect des droits de la défense.

168    Il en résulte qu’il y a lieu de rejeter ce grief et, en conséquence, la première branche dans son ensemble.

–       Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée du rejet injustifié de l’engagement de prix et des suites de la procédure

169    Dans la seconde branche du troisième moyen, les requérantes font, en premier lieu, grief à la Commission d’avoir, au considérant 90 du règlement attaqué, rejeté l’offre d’un engagement de prix qu’elles étaient disposées à faire, au motif que cet engagement ne garantissait pas qu’il reflétait la valeur normale.

170    Elles font valoir que, en l’absence de toute divulgation de la valeur normale, elles étaient dans l’incapacité de satisfaire aux attentes de la Commission, du fait de la propre attitude de cette institution, et de proposer un prix minimal à l’importation, dans la mesure où l’établissement de la valeur normale constitue un élément essentiel pour établir un tel prix.

171    Elles ajoutent qu’il est impossible de concilier le considérant 90 du règlement attaqué, dans lequel elles sont désignées comme étant « l’une des sociétés de l’échantillon » notamment avec le dispositif de ce règlement, qui les assimile à « toutes les autres sociétés ».

172    Elles font en second lieu grief à la Commission de les avoir placées dans l’impossibilité matérielle de solliciter un réexamen intermédiaire des droits antidumping institués à leur encontre du fait de l’absence de communication de la valeur normale. À cet égard, elles précisent que le règlement attaqué ne fait au demeurant nullement mention de la possibilité donnée aux requérantes de solliciter un réexamen intermédiaire de leur situation ainsi qu’un remboursement des droits perçus conformément à l’article 11, paragraphe 8, du règlement de base.

173    La Commission conclut au rejet de la seconde branche du troisième moyen.

174    À cet égard et sans revenir sur les raisons pour lesquelles la Commission n’a pas déterminé la valeur normale des requérantes, il y a lieu de relever que, aux termes du considérant 90 du règlement attaqué, la Commission n’a pas, comme l’affirment les requérantes, rejeté l’offre d’engagement de prix des requérantes du fait d’un défaut de détermination de la valeur normale, mais uniquement parce que cette offre était incomplète, dans la mesure où elle ne contenait pas un prix minimal à l’importation, lequel constitue une notion différente de celle de la valeur normale.

175    En tout état de cause, ce grief doit être rejeté dans la mesure où les requérantes n’établissent pas un lien suffisant entre le rejet de l’offre minimale d’importation et l’absence de dévoilement de leur valeur normale, à l’égard de laquelle la Commission a, au demeurant, valablement pu considérer que son calcul était inutile, pour les motifs déjà mentionnés aux points 97 à 104 ci‑dessus.

176    Quant à l’allégation selon laquelle il est impossible de concilier le considérant 90 avec le dispositif du règlement attaqué, il suffit de relever que les requérantes se sont reconnues comme étant désignées par ce considérant et par l’expression « les autres producteurs », ce qui, en soi, est de nature à mettre en évidence que l’équivoque dont elles font état est en réalité inexistante.

177    S’agissant enfin des affirmations des requérantes selon lesquelles elles ne pourraient pas, en l’absence de connaissance de leur valeur normale, solliciter à l’avenir un réexamen ou un remboursement des droits perçus, au titre de l’article 11, paragraphes 3 et 8, du règlement de base, il y a lieu de relever que ces demandes sont examinées par rapport au taux de dumping dont a fait l’objet le demandeur et celui auquel il prétend au jour de la demande. Ainsi, dès lors qu’il n’apparaît pas que le prétendu manque dont elles se plaignent, qui concerne au demeurant une situation hypothétique et future, est de nature à porter atteinte à leurs droits, il y a lieu de rejeter ce grief.

178    Quant au grief tiré du fait que le règlement attaqué ne fait pas mention de la possibilité pour les requérantes de solliciter un réexamen intermédiaire de leur situation ainsi qu’un remboursement des droits perçus, il y a lieu de relever que le considérant 46 de ce règlement fait référence à la faculté de demander un tel remboursement et que la possibilité de solliciter un réexamen est expressément prévue par le règlement de base.

179    Il en résulte qu’il convient de rejeter la seconde branche du troisième moyen et, partant, le troisième moyen dans son ensemble.

180    Au vu des considérations qui précèdent, il y a en conséquence lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

181    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Zhejiang Hangtong Machinery Manufacture Co. Ltd et Ningbo Hi-Tech Zone Tongcheng Auto Parts Co. Ltd sont condamnées aux dépens.

Kanninen

Porchia

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juillet 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.