Language of document : ECLI:EU:T:2022:427

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

6 juillet 2022 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Recrutement – Concours général EPSO/AD/363/18 – Non-inscription sur la liste de réserve – Égalité de traitement – Stabilité de la composition du jury »

Dans l’affaire T‑20/21,

VI, représentée par Mes D. Rovetta et V. Villante, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Lilamand, Mmes D. Milanowska et A.-C. Simon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents, C. Mac Eochaidh, Mme T. Pynnä et M. J. Laitenberger (rapporteur), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure ;

à la suite de l’audience du 1er mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, VI, demande, d’une part, l’annulation, premièrement, de la décision du jury du concours EPSO/AD/363/18 de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve du concours, deuxièmement, de la décision de ce même jury de rejeter la demande de la requérante de réexamen de la décision initiale, troisièmement, de la décision de la Commission du 20 août 2019 rejetant sa réclamation, quatrièmement, de l’avis de concours EPSO/AD/363/18 du 11 octobre 2018 organisé aux fins de constituer deux listes de réserve à partir desquelles la Commission recruterait des administrateurs (AD 7) dans les domaines des douanes et de la fiscalité et, cinquièmement, de la liste de réserve du concours ainsi que, d’autre part, la réparation du préjudice prétendument subi.

 Antécédents du litige

2        Le 11 octobre 2018, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours général sur titres et épreuves EPSO/AD/363/18 ayant pour objet le recrutement d’administrateurs (AD 7) dans les domaines des douanes et de la fiscalité (JO 2018, C 368 A, p. 1, ci-après l’« avis de concours »), en vue de la constitution de deux listes de réserve, à partir desquelles la Commission européenne, et notamment la direction générale de la fiscalité et de l’union douanière, recrutera de nouveaux membres de la fonction publique en tant qu’administrateurs.

3        Aux termes du point 5 de la partie intitulée « Comment serai-je sélectionné ? », les épreuves du centre d’évaluation consistaient en quatre tests, à savoir un entretien axé sur les compétences générales, un entretien relatif au domaine, un exercice de groupe et une étude de cas. Les huit compétences générales (analyse et résolution de problèmes, communication, qualité et résultats, apprentissage et développement, hiérarchisation des priorités et organisation, résilience, travail d’équipe, capacités d’encadrement) étaient chacune évaluées sur dix points et les compétences relatives au domaine sur cent points. Les notes minimales requises étaient, s’agissant des compétences générales, de 3/10 par compétence et de 40/80 au total et, s’agissant des compétences relatives au domaine, de 50/100.

4        Le 12 novembre 2018, la requérante s’est portée candidate à ce concours dans le domaine des douanes.

5        La requérante a ensuite été informée par l’EPSO que, dans le cadre de la sélection sur titres, elle avait obtenu une note supérieure au seuil minimal et que le jury avait, par conséquent, décidé de l’inviter à présenter les épreuves du centre d’évaluation.

6        Après avoir présenté l’épreuve écrite du centre d’évaluation consistant en l’étude de cas, la requérante a, le 20 mars 2019, participé aux trois épreuves orales du centre d’évaluation consistant en l’exercice de groupe et les deux entretiens individuels, conformément aux termes de l’avis de concours cités au point 3 ci-dessus.

7        Par lettre du 26 juin 2019, le jury a informé la requérante de sa décision de ne pas inscrire son nom sur la liste de réserve au motif qu’elle avait obtenu une note globale (109,5/180) inférieure au minimum requis (113/180) pour que son nom figure sur la liste de réserve.

8        Cette lettre était accompagnée d’un passeport de compétences duquel il ressort notamment que la requérante a obtenu, d’une part, une note de 42,5/80 au titre de l’évaluation des compétences générales et, d’autre part, une note de 67/100 au titre de l’évaluation des compétences relatives au domaine qu’elle avait choisi.

9        Par courrier électronique  du 19 juillet 2019, la requérante a saisi le jury d’une demande de réexamen, laquelle demande a été rejetée par décision du jury du 27 février 2020.

10      Par courrier électronique du 27 mai 2020, la requérante a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), saisi l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une réclamation, laquelle a été rejetée par décision du 7 octobre 2020.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet de la réclamation, la décision de rejet de la demande de réexamen et la décision de non-inscription sur la liste de réserve ;

–        annuler l’avis de concours et la liste de réserve du concours en cause ;

–        condamner la Commission au paiement d’une somme de 70 000 euros au titre du préjudice subi ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      Dans la requête, la requérante conclut à l’annulation de la décision de non-inscription sur la liste de réserve, de la décision de rejet de la demande de réexamen ainsi que de la décision de rejet de la réclamation. Aux fins de l’examen de ces demandes d’annulation, la requérante formule une demande de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction, qui sera examinée ci-après. L’avis de concours et la liste de réserve du concours font également l’objet de demandes d’annulation.

14      Lors de l’audience, la requérante a retiré les demandes d’annulation de l’avis de concours et de la liste de réserve du concours, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur ces demandes.

 Sur la demande d’annulation de la décision de non-inscription sur la liste de réserve, de la décision de rejet de la demande de réexamen ainsi que de la décision de rejet de la réclamation

 Sur l’objet de la demande d’annulation

15      S’agissant du chef de conclusions visant à l’annulation de la décision de non-inscription sur la liste de réserve, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, lorsqu’une personne dont l’admission à un concours a été refusée sollicite le réexamen de cette décision sur la base d’une disposition précise liant l’administration, c’est la décision prise par le jury, après réexamen, qui constitue l’acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, ou, le cas échéant, de l’article 91, paragraphe 1, du statut (voir, en ce sens, ordonnance du 3 mars 2017, GX/Commission, T‑556/16, non publiée, EU:T:2017:139, point 21 et jurisprudence citée). La décision prise après réexamen se substitue, ce faisant, à la décision initiale du jury (voir arrêt du 5 septembre 2018, Villeneuve/Commission, T‑671/16, EU:T:2018:519, point 24 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que c’est la décision de rejet de la demande de réexamen qui constitue l’acte faisant grief en l’espèce. Dès lors, il y a lieu de considérer que les chefs de conclusions visant à l’annulation de la décision de non-inscription sur la liste de réserve et de la décision de rejet de la demande de réexamen tendent à l’annulation de la seule décision de rejet de la demande de réexamen.

16      Dans ce contexte, il convient de relever que la requérante demande également l’annulation de la décision de rejet de la réclamation. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante applicable en matière de droit de la fonction publique de l’Union européenne, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, le recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 27 octobre 2016, CW/Parlement, T‑309/15 P, non publié, EU:T:2016:632, point 27 et jurisprudence citée).

17      En l’occurrence, la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la décision de non-inscription sur la liste de réserve et, partant, la décision de rejet de la demande de réexamen. La circonstance que l’autorité habilitée à statuer sur la réclamation de la requérante ait été amenée, en réponse à la réclamation, à compléter ou à modifier les motifs de la décision de réexamen ne saurait justifier que le rejet de cette réclamation soit considéré comme un acte autonome faisant grief à la requérante. En effet, la motivation dudit rejet est censée s’incorporer à la décision qui est attaquée contre laquelle cette réclamation a été dirigée (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, point 55).

18      Partant, en application de la jurisprudence citée au point 16 ci-dessus, il convient de considérer que l’acte faisant grief à la requérante est la décision de rejet de la demande de réexamen (ci-après la « décision attaquée »), dont la légalité doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation.

 Sur le fond

19      À l’appui du recours, la requérante soulève cinq moyens, tirés, en substance, le premier, de l’illégalité de la composition du jury de concours, le deuxième, d’erreurs manifestes d’appréciation commises par le jury de concours dans l’évaluation de ses réponses, le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation, le quatrième, du défaut de stabilité du jury de concours et d’une violation du principe d’égalité de traitement et, le cinquième, de l’illégalité des règles relatives au régime linguistique du concours.

20      Le Tribunal considère qu’il convient d’examiner d’abord le quatrième moyen.

21      Au soutien du quatrième moyen, la requérante fait valoir que la composition du jury présentait un défaut de stabilité lors des épreuves orales du centre d’évaluation mentionnées au point 6 ci-dessus, et plus particulièrement lors de l’entretien relatif au domaine, dans la mesure où elle n’a été évaluée, lors de cet entretien, que par les deux évaluatrices désignées à cette fin, à savoir A et B, le président du jury n’ayant été que brièvement présent au début de l’entretien. La requérante estime dès lors qu’elle a été interrogée, lors de l’entretien relatif au domaine, par un comité de sélection composé de deux membres du jury qui n’ont évalué que quelques-uns des candidats. Or, d’après la requérante, l’évaluation objective et uniforme des candidats imposait, à tout le moins, la présence permanente d’une équipe de base d’examinateurs tout au long des épreuves. La requérante affirme qu’elle ignore également si des mesures de coordination ont été appliquées afin de garantir une évaluation cohérente et objective, l’égalité des chances et l’égalité de traitement des candidats par le jury. Dans ces conditions, elle soutient qu’il a été contrevenu aux principes de l’évaluation objective, de la stabilité du jury et de l’égalité des chances.

22      La Commission conteste cette argumentation.

23      La Commission estime que le jury a mis en place toutes les mesures de coordination nécessaires, avant et pendant la sélection, afin de garantir une évaluation cohérente et objective ainsi que l’égalité de traitement entre les candidats. La requérante n’aurait produit aucun élément démontrant que les candidats n’auraient pas été traités sur un pied d’égalité.

24      Plus particulièrement, le jury aurait convenu d’une méthode à appliquer pour l’observation des entretiens par le président et le retour d’informations à donner aux évaluateurs chaque jour ou chaque semaine lors de réunions des évaluateurs. Le président du jury aurait contrôlé le déroulement de chaque entretien en étant présent, au moins pour les membres du jury, afin de veiller à ce qu’ils « s’en tiennent à la grille » et évaluent les candidats de manière cohérente. Il aurait d’ailleurs été présent pendant toute la durée des épreuves du centre d’évaluation afin de répondre aux membres du jury et de leur donner un retour d’informations.

25      Le jury se serait réuni régulièrement au cours de la période des épreuves du centre d’évaluation en tenant, premièrement, des réunions à la fin de chaque journée au centre d’évaluation, afin d’examiner et d’harmoniser les notes des candidats qui avaient été interrogés ce jour-là et au cours desquelles les participants avaient particulièrement veillé à assurer l’égalité de traitement entre les candidats, la cohérence des notes dans le temps et une évaluation aussi objective que possible, deuxièmement, des réunions à la fin de chaque semaine d’épreuves au centre d’évaluation, en supplément des réunions quotidiennes, et, troisièmement, une réunion après la fin des épreuves du centre d’évaluation, afin de s’assurer de la cohérence des évaluations des candidats au terme de toutes les épreuves et de confirmer collégialement, par l’ensemble du jury, les notes finales de tous les candidats, sur la base des résultats de toutes les épreuves.

26      Tout en soulignant que le contenu des réunions de coordination susmentionnées de même que les documents relatifs à l’observation des entretiens par le président sont couverts par le secret des travaux du jury, la Commission s’est, dans le mémoire en défense, déclarée prête à communiquer le contenu de ces documents confidentiels au Tribunal, si celui-ci le jugeait nécessaire pour statuer sur l’espèce et à condition que leur contenu ne soit pas divulgué à la requérante.

27      L’application systématique de toutes les mesures susmentionnées aurait été confirmée par les déclarations sur l’honneur présentées par le président du jury et les deux évaluateurs de la requérante, jointes au mémoire en défense.

28      À titre liminaire, le Tribunal rappelle que les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les modalités d’organisation d’un concours et qu’il n’appartient au juge de l’Union de censurer ces modalités que dans la mesure nécessaire pour assurer le traitement égal des candidats et l’objectivité du choix opéré entre ceux-ci (voir arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 63 et jurisprudence citée).

29      L’obligation de recruter les fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, imposée par l’article 27 du statut aux institutions, implique que l’autorité investie du pouvoir de nomination et le jury de concours doivent veiller, chacun dans l’exercice de ses compétences, à ce que les concours se déroulent dans le respect des principes d’égalité de traitement entre candidats et d’objectivité de la notation (voir arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 64 et jurisprudence citée).

30      C’est ainsi qu’il est jugé que le large pouvoir d’appréciation dont est investi un jury de concours quant à la détermination des modalités et du contenu détaillé des épreuves auxquelles doivent se soumettre les candidats doit être compensé par une observation scrupuleuse des règles régissant l’organisation de ces épreuves. Il incombe, par conséquent, au jury de veiller au respect strict du principe d’égalité de traitement des candidats lors du déroulement des épreuves et à l’objectivité du choix opéré entre les intéressés. À cette fin, le jury est tenu de garantir l’application cohérente des critères d’évaluation à tous les candidats concernés, en assurant notamment la stabilité de sa composition (voir arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 65 et jurisprudence citée).

31      La jurisprudence a précisé que le respect des principes d’égalité de traitement et d’objectivité des notations supposait le maintien, dans toute la mesure du possible, de la stabilité de la composition du jury tout au long des épreuves (voir arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 66 et jurisprudence citée).

32      Cependant, il ne peut être exclu que la cohérence de la notation puisse être garantie par d’autres moyens que le maintien de la stabilité du jury tout au long des épreuves. C’est ainsi que le Tribunal a admis que lorsque, en raison d’empêchements, les membres titulaires d’un jury de concours avaient été remplacés, pour les épreuves soutenues par certains candidats, par des membres suppléants afin de permettre au jury d’accomplir ses travaux dans un délai raisonnable, la composition du jury pouvait néanmoins rester suffisamment stable si le jury mettait en place la coordination nécessaire afin de garantir l’application cohérente des critères de notation (voir arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 67 et jurisprudence citée).

33      Dans le même sens, il y a lieu de relever que les mesures prises par un jury en vue de s’acquitter de son obligation d’assurer la stabilité de sa composition doivent, le cas échéant, être appréciées au regard des caractéristiques particulières du recrutement organisé et des exigences pratiques inhérentes à l’organisation du concours, sans que le jury puisse toutefois s’affranchir du respect des garanties fondamentales de l’égalité de traitement des candidats et de l’objectivité du choix opéré entre ceux-ci (voir arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 68 et jurisprudence citée).

34      Il est vrai que les appréciations auxquelles se livre un jury de concours lorsqu’il évalue les compétences ou les connaissances et les aptitudes des candidats sont de nature comparative. Toutefois, il ne saurait être exclu que, au vu de l’organisation des épreuves d’un concours et de l’organisation des travaux du jury, il soit suffisant, afin de garantir la nature comparative de l’appréciation du jury, que la stabilité de celui-ci soit maintenue seulement dans certaines phases du concours (voir arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 69 et jurisprudence citée).

35      Le maintien d’une certaine stabilité du jury n’étant pas un impératif en soi, mais un moyen pour garantir le respect des principes d’égalité de traitement et d’objectivité de la notation, il convient d’examiner si, en l’espèce, la manière dont le concours a été organisé permettait de garantir le respect desdits principes (voir arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 70 et jurisprudence citée).

36      À cet égard, il convient de relever d’emblée que, aux fins de l’examen du présent moyen, par une mesure d’organisation de la procédure adoptée sur le fondement de l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, une demande a été adressée à la Commission, visant à ce qu’elle produise les documents permettant d’étayer ses allégations selon lesquelles, en substance, d’une part, il existait une méthodologie préétablie permettant l’évaluation objective des candidats et, d’autre part, des mesures de coordination entre les différents membres du jury avaient été mises en œuvre, et ce afin d’assurer l’égalité de traitement entre les candidats, tel que l’avait proposé la Commission aux points 110 et 115 du mémoire en défense.

37      En réponse à cette mesure d’organisation de la procédure, la Commission a produit un certain nombre de documents dans une version non confidentielle, précisant que, à la lumière de l’article 92, paragraphe 3, du règlement de procédure, elle était disposée à présenter ces documents dans une version confidentielle, le cas échéant complétés par d’autres documents confidentiels, mais seulement en réponse à une éventuelle mesure d’instruction visée à l’article 91, sous b), du règlement de procédure. La Commission a précisé à cet égard que ces documents contenaient des informations confidentielles et que, en tant que tels, leur contenu ne pouvait être communiqué qu’au seul Tribunal et ne devait pas être divulgué à la requérante.

38      Par ordonnance du 6 décembre 2021, le Tribunal a adopté une mesure d’instruction ordonnant à la Commission de produire les versions confidentielles des documents visés aux points 110 et 115 du mémoire en défense.

39      Le 18 janvier 2022, le Tribunal a décidé que les documents produits par la Commission conformément à l’ordonnance d’instruction du 6 décembre 2021 étaient pertinents pour statuer sur le litige et présentaient un caractère confidentiel. Le Tribunal a en outre décidé d’adopter une mesure d’organisation de la procédure concernant les modalités selon lesquelles lesdits documents pourraient être portés à la connaissance des avocats de la requérante.

40      Par lettre du greffe du 18 janvier 2022, les avocats de la requérante ont été invités par le Tribunal à souscrire un engagement de confidentialité avant de recevoir une copie de la version confidentielle des documents en cause. Le 26 janvier 2022, les avocats de la requérante ont renvoyé au Tribunal les engagements de confidentialité signés.

41      Le 2 février 2022, les documents en cause ont été communiqués aux avocats de la requérante.

42      Or, lors de l’audience, le représentant de la requérante a fait valoir que les documents qui lui avaient été communiqués renvoyaient à des annexes relatives à la présence des membres du jury lors de certaines réunions qui n’avaient pas été jointes ou qui n’étaient pas exploitables. En réponse à ces allégations, la Commission s’est engagée à transmettre les documents manquants au Tribunal à la suite de l’audience, ce qu’elle a fait le 8 mars 2022.

43      Le 17 mars 2022, les documents en cause, couverts par les engagements de confidentialité signés par les avocats de la requérante, ont été communiqués à ces derniers. Le 25 mars 2022, les avocats de la requérante ont fait part de leurs observations sur ces documents.

44      Ces précisions étant faites, il convient d’examiner le présent moyen.

45      Premièrement, en ce qui concerne la préparation en amont des entretiens au centre d’évaluation, la Commission explique que le contenu des épreuves orales du centre d’évaluation ainsi que les critères d’évaluation avaient été définis conjointement par l’ensemble du jury et de manière uniforme pour tous les candidats.

46      La Commission fait valoir, en produisant les documents correspondants, que ces outils avaient été préparés par l’EPSO en amont et permettaient d’assurer une évaluation objective des candidats et l’élimination des « préjugés personnels », c’est-à-dire de la tendance naturelle d’un évaluateur à favoriser des candidats dont la personnalité est compatible avec la sienne.

47      À cet égard, en réponse à la mesure d’instruction visée au point 38 ci-dessus, la Commission a produit des modèles de grilles d’évaluation pour les entretiens avec le jury et l’exercice de groupe, un document préparé par l’EPSO intitulé « Field related interview – Building the interview grid » (Entretien relatif au domaine concerné – Construire la grille d’entretien), censé démontrer la formation donnée par l’EPSO au jury, et un document préparé par l’EPSO intitulé « Chairing Assessment Centre. Recommendation to SB Chairs » (Présidence du centre d’évaluation. Recommandation aux présidents du jury), censé démontrer la formation reçue par les présidents du jury.

48      En outre, la Commission souligne que les présidents et vice-présidents ainsi que les autres membres du jury avaient suivi des formations afin d’assurer au mieux leur fonction, ce qu’elle a attesté par des documents produits en réponse à la mesure d’instruction visée au point 38 ci-dessus. En particulier, la Commission a produit un document préparé par l’EPSO intitulé « Training for non-permanent selection board members » (Formation des membres non permanents des jurys de concours), daté de mars 2018 et censé démontrer la formation donnée par l’EPSO aux membres non permanents du jury, et un document non signé et non daté dont la Commission allègue qu’il a été rédigé le 28 janvier 2021 par le vice-président du jury à propos des activités d’observation du centre d’évaluation (shadowing).

49      Deuxièmement, selon la Commission, des mesures de coordination ont été mises en œuvre tout au long du déroulement des épreuves au centre d’évaluation. Elle indique que le président du jury a en particulier veillé à ce que les membres du jury suivent scrupuleusement les grilles d’analyse qui avaient été adoptées avant le début des épreuves tout au long du concours. En outre, le président du jury était chargé de centraliser les observations remontées par les membres du jury, lesquelles observations faisaient l’objet de discussions lors de réunions des membres du jury, en fin de journée. La Commission mentionne ainsi que le président était présent pendant toute la durée des épreuves du centre d’évaluation afin de répondre aux membres du jury et de leur donner des informations.

50      En outre, la Commission fait valoir que des personnes étaient chargées, en tant qu’observateurs, de veiller à la bonne conduite des entretiens, le cas échéant, en corrigeant des différences de traitement constatées pour certains duos d’évaluateurs. Ces personnes avaient préalablement reçu une formation en ce sens.

51      La Commission relève également que, afin d’assurer la cohérence de la notation entre les candidats, chaque semaine, durant la période des épreuves du centre d’évaluation, des psychologues de l’EPSO ont effectué des analyses statistiques des notes attribuées par les différents examinateurs aux candidats afin de repérer d’éventuelles anomalies qui faisaient ensuite l’objet d’un rapport transmis au président du jury, préalablement à la réunion hebdomadaire dudit jury. En complément de ces analyses statistiques régulières, des analyses ponctuelles spécifiques pouvaient, selon la Commission, être effectuées à la demande du président et porter, par exemple, sur des duos d’examinateurs ou sur des épreuves particulières.

52      Troisièmement, la Commission soutient que le jury s’est réuni régulièrement au cours de la période des épreuves du centre d’évaluation, d’abord quotidiennement afin d’examiner et d’harmoniser les notes des candidats qui avaient été interrogés dans la journée et de veiller à l’égalité de traitement entre les candidats, ensuite de manière hebdomadaire, puis, enfin, après la fin des épreuves du centre d’évaluation, afin de s’assurer de la cohérence des évaluations des candidats au terme de toutes les épreuves et de confirmer collégialement, par l’ensemble du jury, les notes finales de tous les candidats, sur la base des résultats de toutes les épreuves.

53      Pour illustrer ces allégations, la Commission a produit un certain nombre de documents.

54      Tout d’abord, en annexes au mémoire en défense, la Commission a produit des déclarations sur l’honneur, d’une part, du président du jury, attestant en substance que les membres du jury ayant évalué la requérante avaient respecté les règles applicables au centre d’évaluation et, d’autre part, de chacune des deux examinatrices en cause, attestant que la requérante avait été évaluée de la même manière que l’ensemble des autres candidats.

55      Ensuite, en réponse à la mesure d’organisation de la procédure visée au point 36 ci-dessus, la Commission a produit la version non confidentielle des comptes rendus des réunions du jury des 18, 23 et 24 octobre 2018 et 29 mars 2019 ainsi que des courriers électroniques des 25 mars 2 et 3 avril 2019, tenant lieu de comptes rendus d’autres réunions du jury.

56      Enfin, en réponse à la mesure d’instruction visée au point 38 ci-dessus, la Commission a produit la version confidentielle de l’ensemble des documents visés au point 55 ci-dessus, auxquels elle a ajouté un courrier électronique du 11 avril 2019, tenant lieu de compte rendu  d’une réunion du jury ainsi qu’un compte rendu d’une réunion du jury du 24 mai 2019.

57      Par ailleurs, ainsi que cela a été relevé au point 42 ci-dessus, la Commission, à la suite de l’audience, a produit les annexes des comptes rendus des réunions des 18, 23 et 24 octobre 2018, 29 mars 2019 et 24 mai 2019, contenant les listes de présence des membres du jury auxdites réunions, qui n’avaient pas été jointes aux documents produits en réponse à la mesure d’instruction.

58      Le Tribunal considère que, dans la mesure où la notation des candidats à un concours et l’établissement d’une liste de réserve est un exercice de nature comparative, l’exercice effectif des mesures de coordination nécessaires et la présence des membres du jury lors des réunions faisant partie des mesures de coordination, telles que celles alléguées en l’espèce par la Commission, est une condition essentielle pour garantir le respect des principes d’égalité de traitement et d’objectivité de la notation. Il s’ensuit que la Commission doit démontrer que les réunions de coordination prévues ont eu lieu et que l’ensemble des membres du jury, à savoir le président, les vice-présidents et les évaluateurs, ont effectivement assisté à ces réunions, ce qu’il convient d’examiner à partir des documents produits par la Commission et des listes de présence à ces réunions.

59      En premier lieu, il ressort de l’examen de l’ensemble de ces documents que, les 18, 23 et 24 octobre 2018, le jury s’est réuni avant le commencement des épreuves au centre d’évaluation, afin de préparer celles-ci. Le nom de l’une des deux évaluatrices de la requérante lors de l’entretien relatif au domaine, à savoir B, ne figurait toutefois pas sur les listes de présence des membres du jury devant assister à ces trois réunions de préparation, alors que l’autre évaluatrice, à savoir A, a, en apposant sa signature sur ces listes, attesté de sa présence lors de ces trois réunions. Force est également de constater que la signature de l’un des deux vice-présidents du jury, à savoir C, ne figure pas sur la liste de présence de la réunion du 23 octobre 2018, tandis que la liste de présence de la réunion du lendemain ne contient ni la signature de cette dernière, ni celle de l’autre vice-président du jury, à savoir D.

60      Le jury s’est également réuni le 29 mars 2019, après le commencement des épreuves, afin d’aborder ponctuellement la question de la notation de l’étude de cas, l’une des épreuves du centre d’évaluation. À cette occasion, B a, en apposant sa signature sur la liste de présence, attesté avoir assisté à cette réunion, tandis que A et les deux vice-présidents du jury n’ont pas signé la liste de présence de cette réunion.

61      En deuxième lieu, à l’issue de chacune des quatre semaines au cours desquelles des entretiens concernant le concours en cause se sont déroulés au centre d’évaluation, un courrier électronique attestant d’une coordination a été envoyé aux membres du jury ayant participé aux épreuves. Ainsi, le courrier électronique du 25 mars 2019 concerne les épreuves qui se sont déroulées entre le 18 et le 21 mars 2019, celui du 2 avril 2019 porte sur la semaine du 25 au 28 mars 2019, celui du 3 avril 2019 concerne la semaine des 2 et 3 avril 2019 et celui du 11 avril 2019 porte sur la semaine du 8 au 11 avril 2019. À cet égard, il convient d’observer que la requérante a passé les épreuves du centre d’évaluation le 20 mars 2019 (voir point 6 ci-dessus) et que les membres du jury qui l’ont évaluée figurent bien parmi les destinataires du courrier électronique du 25 mars 2019, portant sur les épreuves qui se sont déroulées entre le 18 et le 21 mars 2019. Or, le simple fait que les deux évaluatrices de la requérante figurent parmi les destinataires de ce courrier ne permet pas d’établir avec certitude qu’elles ont effectivement été présentes lors des réunions de coordination hebdomadaires, voire journalières.

62      En troisième et dernier lieu, la Commission a produit la preuve de l’existence d’une dernière réunion, qui s’est tenue le 24 mai 2019, au cours de laquelle, d’après le compte rendu de cette réunion, un premier projet de liste des lauréats du concours en cause dans le domaine des douanes a été établi. Les documents produits par la Commission n’attestent cependant que de la présence effective de 10 membres du jury sur les 38 participants potentiels inscrits sur la liste de présence correspondante. Or, ni les deux évaluatrices qui ont évalué la requérante lors de l’entretien relatif au domaine, ni les deux vice-présidents du jury n’ont apposé de signature sur la liste de présence de cette réunion. Si le compte rendu de cette réunion fait référence à des explications données par ces deux évaluatrices lors de l’entretien relatif au domaine sur les raisons pour lesquelles elles estimaient nécessaire d’augmenter d’un point la note d’un candidat au concours pour la compétence « Leadership », il n’en ressort pas sans ambiguïté que ces explications ont été fournies lors de la réunion du 24 mai 2019 en leur présence ou que, en leur absence, il a été fait référence à ces explications qu’elles avaient fournies auparavant lors d’une autre réunion tenue le 12 avril 2019. En ce qui concerne les deux vice-présidents du jury, le compte rendu fait, certes, référence à une présentation par « la vice-présidence » (the vice chair) des résultats de l’ensemble du concours dans le domaine des douanes. En l’absence de signatures sur la liste de présence, la rédaction ambiguë de cette référence ne permet cependant ni la vérification de la présence des deux vice-présidents du jury, ni la vérification de la présence d’une vice-présidente déterminée. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission n’a établi ni la présence effective de l’une des évaluatrices ou des deux évaluatrices de la requérante lors de l’entretien relatif au domaine, ni celle des deux vice-présidents du jury à la réunion du 24 mai 2019, lors de laquelle le premier projet de liste de réserve a été adopté.

63      Il ressort de ce qui précède que, alors qu’elle a été, à plusieurs reprises, mise en mesure de produire des documents appuyant l’allégation selon laquelle, en substance, toutes les mesures de coordination nécessaires avaient été prises avant, pendant et après les épreuves afin de garantir une évaluation cohérente et objective ainsi que l’égalité de traitement entre les candidats, la Commission n’étaye pas cette allégation.

64      En effet, premièrement, la Commission n’a pas apporté la preuve que le jury se serait réuni dans son entière composition, avant le début des épreuves, pour valider la méthodologie et les critères d’évaluation des épreuves du centre d’évaluation. Au contraire, alors que le compte rendu de la réunion du 23 octobre 2018 indique que « l’ensemble du jury » devait analyser et valider les propositions d’exercice de groupe et que la Commission a, ainsi que cela ressort du point 45 ci-dessus, affirmé que le contenu des épreuves avait été défini conjointement par l’ensemble des membres du jury, la liste de présence de cette réunion fait apparaître l’absence de plusieurs membres du jury, notamment la vice-présidente. Un constat identique peut être réalisé s’agissant de la réunion du 24 octobre 2019, au cours de laquelle le contenu de l’étude de cas a été validé en l’absence notamment des deux vice-présidents du jury.

65      Deuxièmement, ainsi que cela a été mentionné aux points 25 et 52 ci-dessus, la Commission faisait valoir elle-même, dans le mémoire en défense, l’importance des réunions de coordination du jury et plus particulièrement des réunions qui s’étaient tenues pendant les épreuves du centre d’évaluation, à savoir des réunions quotidiennes et hebdomadaires.

66      Or, la Commission n’apporte aucune preuve explicite de la tenue des réunions quotidiennes à la fin de chaque journée d’épreuves au centre d’évaluation dont elle se prévaut. S’il est vrai que des courriers électroniques du 25 mars 2019 et des 2, 3 et 11 avril 2019, tenant lieu de comptes rendus de réunions du jury, indiquent que les évaluateurs se seraient réunis pendant les semaines en cause, ces courriers électroniques ne permettent ni la vérification de la tenue de réunions quotidiennes, pourtant alléguée par la Commission, ni la vérification de la présence de l’ensemble des évaluateurs lors des réunions évoquées, faute de listes de présence relatives à ces réunions. Dans ces circonstances, la Commission n’a pas prouvé la réalité de la nature et de l’étendue des échanges réguliers entre les membres du jury dont elle a pourtant souligné elle-même l’importance.

67      Troisièmement, en guise de preuve de la tenue d’une réunion après la fin des épreuves du centre d’évaluation, qui aurait eu pour objet, ainsi qu’elle le prétend, de s’assurer de la cohérence des évaluations des candidats au terme de toutes les épreuves et de confirmer collégialement, par l’ensemble du jury, les notes finales de tous les candidats, sur la base des résultats de toutes les épreuves, la Commission s’est limitée à faire état, pour la première fois au stade de sa réponse à la mesure d’instruction visée au point 38 ci-dessus, d’une réunion au cours de laquelle un premier projet de liste des lauréats du concours en cause dans le domaine des douanes aurait été établi. En outre, et alors qu’elle a elle-même fait valoir que les notes finales des candidats devaient être confirmées « collégialement, par l’ensemble du jury », les documents produits à la suite de l’audience révèlent que seuls 10 membres du jury sur 38 ont, en apposant leur signature sur la liste de présence, attesté avoir effectivement été présents à cette réunion du 24 mai 2019 et que ni les signatures des deux évaluatrices qui ont évalué la requérante lors de l’entretien relatif au domaine, ni celles des deux vice-présidents du jury ne figurent sur cette liste de présence. Dans la mesure où la notation des candidats à un concours et donc l’établissement d’une liste de réserve est un exercice de nature comparative, le Tribunal considère que la présence de l’ensemble du jury lors de la réunion du 24 mai 2019 était essentielle (voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2021, Helbert/EUIPO, T‑548/18, EU:T:2021:4, point 84). Or, d’après la liste de présence, c’est lors de cette réunion que les présences effectives étaient réduites à moins d’un tiers des membres du jury. Plus particulièrement, l’absence des signatures des deux évaluatrices ayant évalué la requérante et de celles des deux vice-présidents du jury met en doute leur participation effective à cette réunion. Force est donc de constater qu’il n’est pas prouvé que ladite réunion pouvait atteindre le but indiqué, à savoir une coordination garantissant l’objectivité et la cohérence de la notation des candidats et le respect de l’égalité de traitement entre les candidats (voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2021, Helbert/EUIPO, T‑548/18, EU:T:2021:4, point 86).

68      Ainsi, il ne peut qu’être constaté que la Commission n’a pas apporté la preuve que le jury s’était réuni dans son entière composition pour adopter les décisions finales sur la base des résultats dans toutes les épreuves, ce qu’elle faisait pourtant valoir dans le mémoire en défense et qu’elle se proposait d’étayer par la communication de documents, si le Tribunal l’estimait nécessaire.

69      En outre, il y a lieu de considérer que, malgré les occasions qui ont été données à la Commission d’étayer ses allégations, elle n’a pas justifié les lacunes dans les diverses listes de présence, notamment dans celle de la réunion du 24 mai 2019, ni démontré ni même fait valoir qu’une autre réunion, ultérieure à celle du 24 mai 2019, aurait permis au jury de se réunir dans son entière composition afin d’adopter les listes finales des lauréats.

70      À cet égard, le Tribunal relève tout d’abord que, en dépit du fait que le compte rendu même de la réunion du 24 mai 2019 qualifie le projet de liste de réserve issu de cette réunion de « premier projet », la Commission est restée silencieuse quant à la tenue de réunions ultérieures confirmant collégialement ce « premier projet ». Aussi, la décision de non-inscription du nom de la requérante sur la liste de réserve est fondée selon toute vraisemblance sur ce « premier projet ». Cette décision a, par la suite, été certes confirmée par la décision attaquée, qui, selon les termes employés, aurait été prise par l’ensemble du jury.

71      Or, la Commission s’est abstenue de soumettre un quelconque élément visant à démontrer que la décision attaquée aurait pu remédier aux défaillances de la décision initiale. Elle n’a notamment pas produit un compte rendu d’une réunion du jury relative au réexamen ni une liste de présence lors d’une telle réunion. Elle n’a pas non plus fait état d’une procédure alternative garantissant la participation de l’ensemble du jury.

72      Dans ces circonstances, il ne peut qu’être constaté que l’existence de la décision attaquée ne prouve pas non plus que le jury se serait réuni dans son entière composition pour adopter une décision finale sur la base des résultats dans toutes les épreuves. Force est donc de constater que, tout en soutenant tout au long de la procédure que toutes les mesures de coordination nécessaires avaient été prises avant, pendant et après les épreuves afin de garantir une évaluation cohérente et objective ainsi que l’égalité de traitement entre les candidats, la Commission s’est limitée à transmettre des documents n’étayant pas, dans leur entièreté et en ce qui concernait des étapes décisives de la procédure, ces allégations, sans ajouter d’autres explications. Plus particulièrement, elle n’a pas justifié l’absence des signatures de membres du jury sur des listes de présence et n’a pas allégué l’existence de mesures compensatoires effectives alors qu’elle aurait dû, au regard de son argumentation au fond et de la nature des documents qu’elle a transmis elle-même, être consciente de l’importance de ces défaillances. Elle n’a pas non plus prouvé l’existence d’une réunion de l’ensemble du jury pour arrêter une version définitive de la liste de réserve et l’existence d’une réunion de l’ensemble du jury pour arrêter la décision attaquée.

73      Au surplus, le Tribunal considère que les déclarations sur l’honneur du président du jury et des évaluatrices de la requérante ne constituent pas non plus des éléments probants susceptibles de remettre en cause cette constatation. Lesdites déclarations se limitent en effet à la conduite et à l’évaluation de l’entretien spécifique de la requérante par les évaluatrices et à l’observation du président du jury, mais ne portent pas sur une appréciation collégiale, par l’ensemble du jury, de l’évaluation de la requérante et de l’ensemble des candidats au concours.

74      Par conséquent, force est de conclure que la Commission n’a pas apporté d’éléments suffisants permettant d’établir que la stabilité de la composition du jury aurait été garantie dans certaines phases clés de la procédure de sélection et, en particulier, que des échanges réguliers entre les membres du jury auraient permis d’assurer la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation des candidats et, partant, l’égalité de traitement entre ces derniers.

75      Il s’ensuit que le moyen tiré du défaut de stabilité du jury de concours et d’une violation du principe d’égalité de traitement doit être accueilli et, partant, que la décision attaquée doit être annulée, sans qu’il soit nécessaire d’adopter les demandes de mesures d’organisation de la procédure et d’instruction formulées par la requérante, le Tribunal s’estimant suffisamment éclairé par les éléments versés au dossier pour statuer sur le litige, ni de statuer sur les autres moyens de la requête.

 Sur les conclusions indemnitaires

76      À l’appui de ses conclusions indemnitaires, la requérante fait valoir que l’EPSO et le jury de concours ont commis plusieurs illégalités, lesquelles lui auraient causé divers préjudices moraux et matériels. Aux fins de la réparation de l’ensemble de ses préjudices moraux et matériels, la requérante demande la somme de 70 000 euros. Le Tribunal note que, dans sa réclamation, la requérante avait chiffré ses dommages à un montant initial de 50 000 euros et que ce n’est qu’au stade de la requête qu’elle a ajouté une demande d’un montant de 20 000 euros au titre de dommages qui seraient intervenus entre-temps.

77      La requérante souligne notamment que ses perspectives de carrière ont été entravées par la décision attaquée qui est manifestement erronée et qu’elle a subi un dommage moral important et un début de dépression en raison de la manière dont elle a été exclue du concours général en cause.

78      La Commission conteste cette argumentation.

79      En l’espèce, les éléments avancés par la requérante ne permettent pas de déterminer la réalité du préjudice invoqué en l’espèce ni son ampleur. Ainsi, il ne peut être considéré que, en l’espèce, la condition relative à l’existence d’un préjudice pour obtenir une condamnation indemnitaire ait été satisfaite (voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2021, Helbert/EUIPO, T‑548/18, EU:T:2021:4, points 120 à 122).

80      En effet, s’agissant de la demande de réparation du préjudice matériel, il ne peut qu’être constaté que, à l’appui de la demande de réparation de son préjudice matériel, la requérante ne démontre pas que les illégalités dont elle se prévaut auraient réellement affecté le déroulement de sa carrière, pas plus qu’elle ne quantifie les dépenses qu’elle soutient avoir exposées en vue de la préparation du concours en cause.

81      À cet égard, le Tribunal relève plus particulièrement que, en tout état de cause, l’inscription sur une liste de réserve de concours ne confère aucune certitude d’être recruté ultérieurement.

82      Ainsi, la requérante ne produisant aucune estimation ni aucune preuve du montant du préjudice matériel qu’elle allègue, le Tribunal n’est pas susceptible d’en contrôler la réalité et le montant, de sorte que la demande de réparation dudit préjudice doit être rejetée.

83      S’agissant de la demande de réparation du préjudice moral, il y a lieu de rappeler que l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir, en ce sens, ordonnance du 3 septembre 2019, FV/Conseil, C‑188/19 P, non publiée, EU:C:2019:690, point 26, et arrêt du 28 avril 2021, Correia/CESE, T‑843/19, EU:T:2021:221, point 86).

84      Toutefois, en l’espèce, il suffit de constater que la requérante n’a nullement expliqué en quoi la « manière » dont elle aurait été exclue du concours lui aurait causé un préjudice moral et, a fortiori, qu’un tel préjudice, à le supposer établi, serait insusceptible d’être intégralement réparé par l’annulation de la décision attaquée.

85      Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires doivent, en l’espèce, être rejetées.

86      Aussi, le recours doit être accueilli en ce qu’il tend à l’annulation de la décision attaquée et être rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

87      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision, prise après réexamen, du jury du concours général EPSO/AD/363/18 du 27 février 2020 de ne pas inscrire le nom de VI sur la liste de réserve dudit concours est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Svenningsen

Barents

Mac Eochaidh

Pynnä

 

      Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juillet 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.