Language of document : ECLI:EU:T:2022:420

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

6 juillet 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative ALOve – Marque internationale figurative antérieure LOVe – Motif relatif de refus – Profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure – Article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑288/21,

ALO jewelry CZ s. r. o., établie à Prague (République tchèque), représentée par Me K. Čermák, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Capostagno, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Cartier International AG, établie à Steinhausen (Suisse), représentée par Me A. Zalewska, avocate,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni (rapporteur) et I. Gâlea, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, ALO jewelry CZ s. r. o., demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 18 mars 2021 (affaire R 2679/2019‑5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 15 mai 2017, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits et les services relevant des classes 14, 35, 36, 40 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 14 : « Alliages de métaux précieux ; articles en métaux précieux ou articles recouverts de métaux précieux qui ne sont pas compris dans d’autres classes ; médaillons [bijoux] ; colliers ; breloques pour la bijouterie ; bracelets [bijouterie] ; bracelets en cuir, chaînes et bracelets en métal pour montres ; boucles d’oreilles ; perles pour la confection de bijoux ; platine [métal] ; bagues [bijouterie] ; chaînes [bijouterie] ; bijoux en ivoire ; coffrets à bijoux et récipients en métaux précieux ou en pierres précieuses ; objets d’art en métaux précieux ; or brut ou battu ; argent brut ou battu ; amulettes [bijouterie] ; broches [bijouterie] ; diamants ; cabochons ; pierres fines ; pierres précieuses en tant que joyaux ; métaux (précieux) [bruts ou partiellement travaillés] ; articles mi-ouvrés en pierres précieuses destinés à la fabrication de bijoux ; strass ; boutons de manchettes ; cravates (épingles de -) ; épingles de parure ; épingles de cravates ; montres ; horloges ; cabinets [boîtes] d’horloges ; parures d’ambre jaune ; articles de bijouterie pour la chapellerie ; parures en métaux précieux ou en pierres précieuses (articles de joaillerie) ; parures en argent (articles de joaillerie) ; cadratures ; chronomètres à arrêt ; chronomètres ; bourses en maille en métaux précieux et en pierres précieuses » ;

–        classe 35 : « Organisation de démonstrations de bijoux à des fins de promotion des ventes ; management commercial dans les domaines des pierres précieuses, des articles de bijouterie et de joaillerie ; commerce de détail de métaux précieux et de leurs alliages, de produits de joaillerie, de bijoux, de diamants, de pierres précieuses, de pierres semi-précieuses, de bijoux, de produits semi-finis en pierres précieuses utilisés pour la fabrication de bijoux, de bijoux fantaisie, de montres, d’horloges, de boîtiers de pendule, d’ornements en métaux précieux ou en pierres précieuses, de mécanismes d’horlogerie, de chronomètres, de bourses en mailles en métaux précieux et en pierres précieuses ; commerce de détail de métaux précieux et de leurs alliages, de produits de joaillerie, de bijoux, de diamants, de pierres précieuses, de pierres semi-précieuses, de bijoux, de produits semi-finis en pierres précieuses utilisés pour la fabrication de bijoux, de bijoux fantaisie, de montres, d’horloges, de boîtiers de pendule, d’ornements en métaux précieux ou en pierres précieuses, de mécanismes d’horlogerie, de chronomètres, de bourses en mailles en métaux précieux et en pierres précieuses, le tout via les médias de communication, le courrier électronique, les messages SMS, les réseaux informatiques ou internet ; intermédiaire du commerce en organisation de présentations des bijoux pour la promotion des ventes, en management commercial dans le domaine des pierres précieuses, des bijoux et des joyaux, en commerce de détail de métaux précieux et de leurs alliages, de produits de joaillerie, de bijoux, de diamants, de pierres précieuses, de pierres semi-précieuses, de joyaux, de produits semi-finis en pierres précieuses utilisés pour la fabrication de bijoux, de bijoux fantaisie, de montres, d’horloges, de boîtiers de pendules, d’ornements en métaux précieux ou en pierres précieuses, de mécanismes d’horlogerie, de chronomètres, de bourses en mailles en métaux précieux ou pierres précieuses, le tout via les médias de communication, le courrier électronique, les messages SMS, les réseaux informatiques ou internet » ;

–        classe 36 : « Estimation de bijoux ; estimation de diamants ; évaluation de pierres précieuses ; estimation de pierres semi-précieuses » ;

–        classe 40 : « Traitement de matériaux, notamment le traitement et la taille des diamants, des pierres précieuses et des pierres semi-précieuses ; fabrication d’articles de joaillerie en utilisant des métaux précieux et/ou des diamants, des pierres précieuses et des pierres semi-précieuses ; gravage ; abrasion ; travail du cuir ; traçage par laser ; polissage de pierres précieuses et semi-précieuses ; fournitures d’informations sur la préparation et le traitement de matériaux » ;

–        classe 42 : « Vérification et certification de diamants, de pierres précieuses et semi-précieuses et d’articles de joaillerie d’après leur caractéristiques et leur qualité, d’après la méthode de leur fabrication, leur traitement et leur finition, leur pays d’origine, la chaîne de transformation et de distribution de l’extraction de la pierre précieuse ou du métal précieux jusqu’à son introduction dans le réseau de vente au détail ; détermination de l’origine des diamants, des pierres précieuses ou semi-précieuses ; détermination de la qualité des diamants, des pierres précieuses ou semi-précieuses ; évaluation de l’origine des diamants, des pierres précieuses ou semi-précieuses (non financière) ; évaluation de la qualité des diamants, des pierres précieuses ou semi-précieuses (non financière) ; conception de l’aspect des bijoux et des articles en métaux précieux ; services de design en matière d’articles de joaillerie ; hébergement de sites Web ; décoration intérieure ; fourniture de moteurs de recherche sur Internet ; contrôle de qualité ; essai de matériaux ; services de conception d’emballage ; récupération de données informatiques ; authentification d’œuvres d’art ; dessin industriel ».

4        Le 29 janvier 2018, l’intervenante, Cartier International AG, a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur l’enregistrement international antérieur désignant l’Union européenne no 1029142, portant sur la marque figurative reproduite ci-dessous, enregistrée le 26 octobre 2009 pour les produits relevant de la classe 14 et correspondant à la description suivante : « Produits en métaux précieux et en plaqué ; boutons de manchettes, fixe-cravates, bagues, bracelets, boucles d’oreilles, colliers, broches, porte-clés ; montres, chronomètres, horloges, bracelets de montres, boîtes en métaux précieux pour montres et bijoux » :

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6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

7        Le 27 septembre 2019, la division d’opposition a partiellement accueilli l’opposition pour tous les produits et services relevant des classes 14 et 40 ainsi que pour certains services relevant des classes 35, 36 et 42, en constatant l’existence du motif de refus visé par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. S’agissant des autres services relevant des classes 35, 36 et 42, elle a rejeté l’opposition à la fois au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

8        Le 26 novembre 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours dans son intégralité. À titre liminaire, elle a considéré, en substance, qu’une suspension d’office de la procédure d’opposition, eu égard au fait que la marque antérieure faisait l’objet d’une procédure de déchéance introduite par la requérante le 11 novembre 2019, n’était pas appropriée, compte tenu des circonstances, des intérêts des deux parties et de l’absence de demande en ce sens de ces dernières. Sur le fond, la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’opposition, en considérant que toutes les conditions requises pour l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 étaient remplies en l’espèce, compte tenu, notamment, tout d’abord, des éléments de preuve produits par l’intervenante démontrant la renommée, à tout le moins moyenne, dont jouissait la marque antérieure en France pour les « bracelets » de la classe 14, ensuite, de la similitude des marques en conflit, de l’existence d’un lien entre celles-ci, au vu du degré de proximité ou de similitude entre les produits et services concernés, et, enfin, du risque que l’usage de la marque demandée tirerait indûment profit de la renommée de la marque antérieure, à défaut d’un juste motif invoqué par la requérante.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 15 mai 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015 (JO 2015, L 341, p. 21) (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).

13      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours, dans la décision attaquée, et par la requérante et par l’EUIPO, dans leur argumentation, à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 comme visant l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, tel que modifié, d’une teneur identique.

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, en ce que la chambre de recours a commis des erreurs dans l’appréciation de la renommée de la marque antérieure, de la similitude des marques en conflit, du lien entre celles-ci et, enfin, du risque sérieux de préjudice ou de profit indu que l’usage de la marque demandée tirerait du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure.

15      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2 de cet article, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

16      Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 que l’application de cette disposition est soumise aux conditions cumulatives tenant, premièrement, à l’identité ou à la similitude des marques en conflit, deuxièmement, à l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et, troisièmement, à l’existence d’un risque de voir l’usage sans juste motif de la marque demandée tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porter préjudice (voir arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 54 et jurisprudence citée).

17      Il y a lieu de rappeler que les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre les marques antérieure et demandée, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas (voir, en ce sens, ordonnance du 30 avril 2009, Japan Tobacco/OHMI, C‑136/08 P, non publiée, EU:C:2009:282, point 25 et jurisprudence citée). Le fait que la marque demandée évoque la marque antérieure dans l’esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, équivaut à l’existence d’un tel lien (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 60 et point 2 du dispositif). S’il est certes vrai que, à défaut d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque demandée n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou de leur porter préjudice, l’existence de ce lien ne saurait toutefois suffire, à elle seule, à conclure à l’existence de l’une des atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, lesquelles constituent la condition spécifique de la protection des marques renommées prévue à cette disposition (voir ordonnance du 30 avril 2009, Japan Tobacco/OHMI, C‑136/08 P, non publiée, EU:C:2009:282, point 27 et jurisprudence citée).

18      S’agissant du public pertinent à prendre en considération, il convient de souligner que ledit public varie en fonction du type d’atteinte allégué par le titulaire de la marque antérieure (arrêt du 12 mars 2009, Antartica/OHMI, C‑320/07 P, non publié, EU:C:2009:146, point 46). En effet, l’existence des atteintes constituées par le préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. En revanche, l’existence de l’atteinte constituée par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque demandée, doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services visés par la marque demandée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir arrêt du 7 décembre 2010, Nute Partecipazioni et La Perla/OHMI – Worldgem Brands (NIMEI LA PERLA MODERN CLASSIC), T‑59/08, EU:T:2010:500, point 35 et jurisprudence citée].

19      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.

 Sur la renommée de la marque antérieure

20      La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis des erreurs dans l’appréciation des éléments de preuve produits par l’intervenante devant la division d’opposition afin de démontrer la renommée de la marque antérieure dans l’Union européenne à la date de dépôt de la marque demandée, à savoir le 15 mai 2017, pour les « anneaux [et] bracelets » compris dans la classe 14. Plus particulièrement, elle soutient, premièrement, que certains éléments de preuve ne montrent pas la marque figurative antérieure telle qu’elle a été enregistrée, mais qu’elle y figure sous sa forme verbale, « love », ou sous la forme d’un élément graphique consistant en un cercle divisé par une ligne, ou encore que d’autres éléments de preuve concernent le signe Cartier. Deuxièmement, lesdits éléments de preuve seraient peu nombreux et ne contiendraient ni sondage d’opinion, ni étude de marché, ni information sur le degré de connaissance de ladite marque, ni information concernant la part de marché qu’elle détient par rapport aux produits et services concurrents. Troisièmement, la requérante soutient enfin que les décisions antérieures de l’EUIPO ainsi que celles de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI, France) confirmant la renommée de la marque antérieure ne doivent pas être prises en considération, car l’EUIPO ne serait pas lié par ces décisions et devrait examiner chaque affaire selon ses propres caractéristiques.

21      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

22      Selon une jurisprudence constante, s’il est vrai que la fonction première d’une marque consiste en sa fonction d’origine, toute marque possède aussi une valeur économique intrinsèque autonome et distincte par rapport à celle des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée. Les messages que véhicule notamment une marque renommée ou qui lui sont associés confèrent à celle-ci une valeur importante et digne de protection, et ce d’autant plus que, dans la plupart des cas, la renommée d’une marque est le résultat d’efforts et d’investissements considérables de son titulaire [voir, en ce sens, arrêts du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, point 35, et du 29 novembre 2018, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Fulia Trading (LV BET ZAKŁADY BUKMACHERSKIE), T‑373/17, non publié, EU:T:2018:850, point 20].

23      Pour satisfaire à la condition relative à la renommée, une marque antérieure doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par elle [voir arrêt du 13 décembre 2004, El Corte Inglés/OHMI – Pucci (EMILIO PUCCI), T‑8/03, EU:T:2004:358, point 67 et jurisprudence citée].

24      Dans l’examen de cette condition, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque antérieure, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, sans qu’il soit exigé que cette marque soit connue d’un pourcentage déterminé du public ainsi défini ou que sa renommée s’étende à la totalité du territoire concerné, dès lors que la renommée existe dans une partie substantielle de celui-ci. Toutefois, l’énumération qui précède n’ayant qu’un caractère illustratif, il ne saurait être exigé que la preuve de la renommée d’une marque porte sur l’ensemble de ces éléments [voir arrêt du 13 mai 2020, Divaro/EUIPO – Grendene (IPANEMA), T‑288/19, non publié, EU:T:2020:201, point 29 et 30 et jurisprudence citée].

25      À cet égard, un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits [voir arrêt du 16 octobre 2018, VF International/EUIPO – Virmani (ANOKHI), T‑548/17, non publié, EU:T:2018:686, point 96 et jurisprudence citée].

26      En l’espèce, la chambre de recours a estimé que les éléments de preuve produits par l’intervenante devant les instances de l’EUIPO étaient suffisants et permettaient d’établir que la marque antérieure jouissait d’une renommée, à tout le moins moyenne, pour les « bracelets » de la classe 14 en France et donc dans l’Union européenne.

27      En particulier, il convient de relever que la chambre de recours s’est fondée, afin d’établir la renommée de la marque antérieure, sur les éléments de preuve, produits au cours de la procédure devant l’EUIPO, suivants :

–        annexe 2 : des impressions et des captures d’écran, datées et non datées, de pages de différents sites Internet qui contiennent des articles ou des publications sur l’histoire du bracelet LOVE datant de 1969 ou d’années ultérieures ;

–        annexe 3 : un article en français extrait d’un site Internet, non daté, dans lequel est indiqué ce qui suit : « article mythique, le bracelet L[OVE], créé en 1969 et reconnaissable à ses vis apparentes, est décliné en bague, pendentif, collier, sautoir. Des dizaines de références qui animent le marché et permettent d’écouler un volume d’articles à l’antipode de la haute joaillerie » ;

–        annexe 4.1 : un article en français extrait d’un site Internet, daté du 21 juillet 2017, dans lequel est indiqué que « [l]e bracelet LOVE by Cartier, créé à New York en 1969 par Aldo Cipullo, est un symbole universel de l’amour et de l’engagement » et que ce bracelet est également « une pièce de joaillerie emblématique » ;

–        annexe 4.2 : un article en français extrait d’un site Internet, daté du mois de septembre 2021, dans lequel est indiqué que « [l]e bracelet L[OVE] de Cartier [est un] bijou emblématique de la maison Cartier » et que « ce bijou culte est le parfait symbole de l’attachement amoureux » ;

–        annexe 5 : des photographies prises en 2009 pendant un évènement caritatif dénommé « Love Day at Cartier », montrant des célébrités portant le bracelet LOVE ;

–        annexe 6.1 : un extrait d’une publication sur un réseau social, en date du 24 décembre 2018, montrant une célébrité portant le bracelet LOVE ;

–        annexe 6.2 : du matériel publicitaire de la campagne de promotion dénommée « How far would you go for LOVE », avec la participation de différentes célébrités et pour laquelle d’importantes sommes d’argent auraient été dépensées pour promouvoir la collection LOVE ;

–        annexe 7 : des documents montrant l’engagement de l’intervenante dans des associations caritatives au moyen de bénéfices tirés de ventes de bracelets LOVE ;

–        annexe 8 : deux décisions de l’EUIPO, en date, respectivement, du 4 novembre 2011 (R 23/2015‑1) et du 21 juillet 2017 (B 2771528) ;

–        annexe 9 : quatre décisions de l’INPI, en date, respectivement, des 21 février et 2 décembre 2013 ainsi que des 8 avril et 19 octobre 2016.

28      Tout d’abord, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel certains éléments de preuve se réfèrent à la marque antérieure sous sa forme verbale, « love », ou sous la forme d’un élément graphique consistant en un cercle divisé par une ligne, ou encore que d’autres éléments de preuve concernent le signe Cartier, et non à la marque antérieure telle qu’elle a été enregistrée, il convient de relever que le titulaire d’une marque enregistrée peut, aux fins d’établir le caractère distinctif particulier et la renommée de celle-ci, se prévaloir de preuves de son utilisation sous une forme différente pourvu que le public concerné continue à percevoir les produits en cause comme provenant de la même entreprise [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 mai 2015, Spa Monopole/OHMI – Orly International (SPARITUAL), T‑131/12, EU:T:2015:257, point 33 et jurisprudence citée].

29      En l’espèce, s’il est vrai que, dans les éléments de preuve produits par l’intervenante, la marque antérieure est utilisée, notamment, sous des formes différentes de celle sous laquelle elle a été enregistrée, mais qui permettent néanmoins d’identifier ladite marque dans des articles présents sur des sites Internet, dans le matériel publicitaire pour une campagne de promotion ainsi que dans des documents mettant en avant l’engagement de l’intervenante dans des actions caritatives (voir les annexes A.2, A.4.1, A.4.2, A.5 et A.7 détaillées au point 27 ci-dessus), il n’en reste pas moins que le public concerné par les produits couverts par la marque antérieure peut continuer de percevoir les produits en cause lorsqu’ils sont désignés sous ces formes différentes comme provenant de la même entreprise de sorte que lesdites formes peuvent être prises en compte dans l’appréciation de la renommée de la marque antérieure.

30      Ensuite, s’agissant des annexes 2 à 7 mentionnées au point 27 ci-dessus, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours (voir points 34 à 36 de la décision attaquée), que, même s’il est vrai que ces éléments de preuve ne contiennent pas d’indication permettant de déterminer le niveau exact de reconnaissance de la marque antérieure, il n’en reste pas moins qu’il ressort de ceux-ci que le signe LOVE a fait l’objet d’un usage intensif pour les bracelets depuis 1969 et que ce signe, en tant qu’il désigne ceux-ci, est connu et bien positionné sur le territoire français, qui constitue une partie substantielle du territoire de l’Union au sens de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus. En effet, lesdits éléments de preuve mettent en évidence, respectivement, le fait que la marque antérieure existe depuis plus de cinquante ans, l’image d’excellence de celle-ci ainsi que son prestige, l’existence d’importants investissements de marketing ainsi que de campagnes publicitaires et sa notoriété en lien avec des œuvres de charité. De tels éléments doivent être considérés comme démontrant les efforts et les investissements effectués par l’intervenante pour promouvoir l’image de qualité de la marque antérieure. Cette conclusion ne saurait être remise en cause, contrairement à ce que prétend la requérante, par l’absence de sondage d’opinion ou d’étude de marché, dès lors que, conformément à la jurisprudence citée aux points 24 et 25 ci-dessus, il ne saurait être exigé que de tels documents soient produits et que les éléments de preuve visés au point 27 ci-dessus sont propres à démontrer à suffisance de droit la connaissance de la marque antérieure par une partie significative du public concerné par les produits couverts par celle-ci.

31      Enfin, s’agissant des décisions antérieures de l’EUIPO et de l’INPI, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’une opposition fondée sur le motif visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, l’opposant est libre, en principe, de choisir la forme de la preuve de la renommée de la marque antérieure qu’il juge utile de présenter à l’EUIPO et que ce dernier est tenu d’analyser les éléments de preuve présentés par l’opposant, sans pouvoir refuser d’emblée un type de preuve en raison de sa forme. L’opposant est donc libre de produire, en tant qu’éléments visant à prouver la renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition, au titre de ladite disposition, une ou plusieurs décisions antérieures de l’EUIPO constatant la renommée de la même marque et l’EUIPO est tenu, dans ce cas, de prendre en considération lesdites décisions (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, points 58 et 69).

32      Lorsque de telles décisions de l’EUIPO sont circonstanciées en ce qui concerne la base probatoire et les faits sur lesquels le constat de la renommée de la marque antérieure repose, elles constituent un indice important de ce que ladite marque peut également être considérée comme jouissant d’une renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 dans le cadre d’une autre procédure d’opposition (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, points 94 et 95). En effet, un tel constat est d’ordre factuel et ne dépend pas de la marque dont l’enregistrement est demandé [voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2016, Puma/EUIPO – Gemma Group (Représentation d’un félin bondissant), T‑159/15, EU:T:2016:457, point 33].

33      Par ailleurs, il convient également de rappeler que les principes d’égalité de traitement et de bonne administration imposent à l’EUIPO de prendre en considération les décisions rendues sur des demandes similaires et de s’interroger avec une attention particulière sur le fait de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, dans le respect du principe de légalité. Cette obligation existe tant dans les procédures concernant un motif absolu de refus d’enregistrement que dans celles concernant un motif relatif de refus d’enregistrement (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, points 60 à 63).

34      Ainsi, dans la mesure où lesdites décisions de l’EUIPO, corroborées par les décisions de l’INPI également invoquées par l’intervenante, constatent, de manière circonstanciée, la renommée de la marque antérieure, conformément à la jurisprudence citée aux points 31 et 32 ci-dessus, il ne saurait être reproché à la chambre de recours de les avoir prises en compte, parmi d’autres éléments de preuve, en tant qu’indices permettant d’étayer la renommée de la marque antérieure.

35      Partant, l’argument de la requérante tiré de l’appréciation erronée des éléments de preuve relatifs à la renommée de la marque antérieure doit être rejeté.

 Sur la comparaison des signes

36      Selon la chambre de recours, d’une part, la marque antérieure est une marque figurative qui est composée de l’élément verbal « love » écrit en lettres majuscules, légèrement stylisées, à l’exception de la lettre « e », qui est écrite en minuscule. En outre, la lettre « o » est barrée par une ligne horizontale. D’autre part, la marque demandée est une marque figurative composée de l’élément verbal « alove », dont les trois premières lettres sont majuscules et les deux dernières minuscules, avec la lettre « o » stylisée en forme de cœur, renforçant ainsi la perception du terme « love », qui est doté de signification. Par ailleurs, la chambre de recours a considéré que l’élément commun des deux signes, à savoir le terme « love », constitue l’élément qui domine l’impression d’ensemble créée par chacune des marques figuratives en conflit, dès lors que leurs aspects graphiques, qui consistent en une stylisation de leur élément verbal respectif, seraient perçus comme étant purement décoratifs.

37      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours concernant la perception des signes en conflit. Tout d’abord, elle soutient que la chambre de recours a considéré à tort que la marque antérieure sera perçue comme le mot « love » par le public concerné. Selon la requérante, ledit public percevra la lettre « o » comme un « e » ou encore la lettre « e » comme un « o », si bien que la marque antérieure serait perçue comme étant constituée de l’élément verbal « leve » ou « lovo ». Ensuite, elle soutient que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que la marque demandée était composée de l’élément verbal « a » correspondant à un article indéfini et de l’élément verbal « love ». En effet, la marque demandée serait composée de la même manière que les autres marques dont la requérante est titulaire, à savoir de l’élément verbal dominant et distinctif « alo » accompagné d’un suffixe non distinctif, qui est, en l’espèce, « ve ». À cet égard, elle fait valoir, d’une part, que l’usage effectif de la marque demandée sur son site Internet et dans ses magasins démontre que la lettre « o », qui constitue aussi l’élément figuratif en forme de cœur, est représenté en rose et que le groupe de lettres « alo » est écrit en majuscules, alors que le groupe de lettres « ve » est écrit en minuscules, ce qui renforcerait la perception de la marque demandée comme étant « alove », et non « a love ». D’autre part, elle fait valoir que l’élément verbal « love » composant la marque antérieure possède un caractère distinctif faible à l’égard des produits de la classe 14. Enfin, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur le plan visuel ainsi qu’un degré élevé de similitude sur les plans phonétique et conceptuel, en ce que, selon la requérante, lesdits signes sont différents sous ces trois aspects.

38      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

39      Il convient de rappeler que l’existence d’une similitude entre une marque antérieure et une marque demandée constitue une condition d’application commune à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009. Cette condition présuppose, tant dans le cadre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement que dans celui du paragraphe 5 dudit article, l’existence, notamment, d’éléments de ressemblance visuelle, phonétique ou conceptuelle [voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, points 51 et 52, et du 4 octobre 2017, Gappol Marzena Porczyńska/EUIPO – Gap (ITM) (GAPPOL), T‑411/15, non publié, EU:T:2017:689, point 148].

40      Toutefois, le degré de similitude requis dans le cadre de l’une et de l’autre desdites dispositions est différent. En effet, tandis que la mise en œuvre de la protection instaurée par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 est subordonnée à la constatation d’un degré tel de similitude entre les marques en conflit qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre celles-ci, l’existence d’un tel risque n’est pas requis pour la protection conférée par le paragraphe 5 de ce même article. Ainsi, les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 peuvent être la conséquence d’un degré moindre de similitude entre les marques antérieure et demandée, pour autant que celui-ci soit suffisant pour que le public pertinent effectue un rapprochement entre lesdites marques, c’est-à-dire établisse un lien entre celles-ci. En revanche, il ne ressort ni du libellé desdites dispositions ni de la jurisprudence que la similitude entre les marques en conflit devrait être appréciée de manière différente selon qu’elle est effectuée au regard de l’une ou de l’autre de ces dispositions (arrêt du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, points 53 et 54). Conformément à la jurisprudence rappelée au point 17 ci-dessus, le fait que la marque demandée évoque la marque antérieure dans l’esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, équivaut à l’existence d’un tel lien.

41      Ensuite, il y a lieu de rappeler que la comparaison des signes doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du 25 janvier 2012, Viaguara/OHMI – Pfizer (VIAGUARA), T‑332/10, non publié, EU:T:2012:26, point 32 et jurisprudence citée]. De même, il convient d’observer que la similitude des signes en conflit doit être appréciée du point de vue du consommateur moyen, en faisant référence aux qualités intrinsèques desdits signes, tels qu’ils sont enregistrés ou tels qu’ils sont demandés [voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2015, CEDC International/OHMI – Fabryka Wódek Polmos Łańcut (WISENT VODKA), T‑450/13, non publié, EU:T:2015:841, point 95 et jurisprudence citée].

42      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’une similitude entre les signes en conflit.

43      En l’espèce, il y a lieu de relever que, d’une part, la marque antérieure est une marque figurative se composant de l’élément verbal « love », représenté en lettres majuscules, légèrement stylisées, à l’exception de la lettre « e », qui est écrite en minuscule et est également stylisée. En outre, la lettre « o » est barrée par une ligne horizontale. D’autre part, la marque demandée est une marque figurative composée de l’élément verbal « alove », dont les trois premières lettres sont représentées en majuscules et les deux dernières en minuscules, le contour de la lettre « o » étant dessiné en forme de cœur.

 Sur les éléments distinctifs et dominants

44      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’une marque consiste à la fois en des éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le public pertinent fera plus facilement référence aux produits en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [voir arrêts du 9 septembre 2008, Honda Motor Europe/OHMI – Seat (MAGIC SEAT), T‑363/06, EU:T:2008:319, point 30 et jurisprudence citée, et du 11 décembre 2014, Coca-Cola/OHMI – Mitico (Master), T‑480/12, EU:T:2014:1062, point 49 et jurisprudence citée].

45      Il doit également être relevé que le faible caractère distinctif d’un élément d’une marque n’implique pas nécessairement que celui-ci ne saurait constituer un élément dominant, dès lors que, en raison, notamment, de sa position dans le signe ou de sa dimension, il est susceptible de s’imposer à la perception du consommateur et d’être gardé en mémoire par celui-ci [voir arrêt du 12 juin 2018, Cotécnica/EUIPO – Mignini & Petrini (cotecnica MAXIMA), T‑136/17, non publié, EU:T:2018:339, point 52 et jurisprudence citée].

46      En l’espèce, d’une part, il convient de relever que la marque antérieure est composée d’un seul élément verbal, à savoir le terme « love ». D’autre part, en ce qui concerne la marque demandée, il y a lieu de constater que la seule présence de la lettre « a » précédant le mot « love » ne suffit pas à exclure que ce dernier constitue l’élément dominant de cette marque. De plus, la lettre « o » dessinée en forme de cœur renvoie à la signification du mot « love » contenu dans cette marque et, de ce fait, accentue la présence de ce mot. Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en constatant que le terme « love » était l’élément dominant dans les deux signes.

47      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel un signe ne devrait pas être décomposé artificiellement lorsqu’il n’est pas évident qu’une partie ou des parties dudit signe suggèrent une signification concrète connue du public pertinent, il y a lieu de rappeler que, en percevant un signe verbal, le public pertinent décomposera celui-ci en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît [voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2019, Puma/EUIPO – Destilerias MG (MG PUMA), T‑500/18, non publié, EU:T:2019:721, point 29]. En l’espèce, dans la marque demandée, le mot « love » ayant une signification concrète et connue, la décomposition aura lieu de façon naturelle, en dépit de la différence résultant de l’utilisation de majuscules pour le groupe de lettres « alo » et de minuscules pour le groupe de lettres « ve ».

48      Ainsi, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que le terme « love » est présent dans les deux signes en conflit et qu’il domine l’impression d’ensemble créée par ceux-ci, étant donné l’importance de sa taille relative dans lesdits signes et que les aspects graphiques seront perçus comme décoratifs, de sorte qu’ils n’attireront pas spécialement l’attention. De plus, contrairement à ce que prétend la requérante, la stylisation des lettres « o » et « e » de la marque antérieure n’altère pas l’apparence de celle-ci de te telle façon qu’elle serait perçue comme représentant les mots « lovo » ou « leve ». En revanche, le contour en forme de cœur de la lettre « o » de la marque demandée, véhiculant le même concept que le terme « love », renforce le caractère dominant de l’élément « love » dans celle-ci.

49      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’élément verbal « love » composant la marque antérieure possède un caractère distinctif faible à l’égard des produits de la classe 14, il convient, d’une part, de rappeler qu’une marque renommée a nécessairement un caractère distinctif, caractère à tout le moins acquis par l’usage [voir arrêts du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 73, et du 26 septembre 2014, Arnoldo Mondadori Editore/OHMI – Grazia Equity (GRAZIA), T‑490/12, non publié, EU:T:2014:840, point 76]. D’autre part, il convient de distinguer l’appréciation du caractère distinctif d’un élément d’une marque complexe, qui se rattache à la faculté de cet élément à dominer l’impression d’ensemble produite par la marque, et l’analyse du caractère distinctif de la marque antérieure, qui est lié à l’étendue de la protection accordée à une telle marque (voir, en ce sens, ordonnance du 27 avril 2006, L’Oréal/OHMI, C‑235/05 P, non publiée, EU:C:2006:271, point 43, et arrêt du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, point 58). En l’espèce, la marque antérieure bénéficie ainsi d’un caractère distinctif acquis par l’usage qui doit être considéré comme normal. Par ailleurs, cette marque possède également un caractère distinctif intrinsèque eu égard à sa signification pour le public pertinent, le terme « love » ne se référant pas à une caractéristique des produits désignés par celle-ci.

 Sur la similitude visuelle

50      S’agissant de la similitude visuelle des signes en conflit, la chambre de recours a considéré que ceux-ci présentaient un degré moyen de similitude. À cet égard, elle a relevé, premièrement, que ces signes partageaient le terme « love », qui constituait l’unique élément verbal de la marque antérieure ainsi que la partie essentielle (quatre des cinq lettres) de la marque demandée. Deuxièmement, selon elle, lesdits signes différaient par la présence de la lettre « a », écrite en majuscule, dans le signe constituant la marque demandée et par des éléments figuratifs dans les deux signes, ces éléments devant être considérés comme décoratifs. Troisièmement, elle a ajouté que, même si les éléments figuratifs contenus dans la lettre « o » des deux signes en conflit étaient différents (pour des considérations semblables à celles figurant à cet égard au point 43 ci-dessus), ceux-ci partageaient une même caractéristique, à savoir celle d’avoir un élément figuratif à l’intérieur de ladite lettre. Enfin, quatrièmement, la chambre de recours a souligné que la ou les dernières lettres de ces signes étaient écrites en minuscules.

51      La requérante fait valoir que le signe constituant la marque demandée sera perçu par le public pertinent comme étant composé de deux éléments distincts, à savoir l’élément verbal « alo », écrit en lettres majuscules, et l’élément verbal « ve », écrit en lettres minuscules, et que, selon la jurisprudence, ledit public se concentrera sur le groupe de lettres « alo », placé au début dudit signe. Par ailleurs, selon la requérante, même si les deux marques en conflit comprennent des éléments verbaux similaires, la présence d’éléments figuratifs aura pour effet que ledit public associera la marque antérieure à une séquence de lettres sans signification, à savoir « leve » et « lovo », car, selon elle, les seules lettres lisibles sont le « l » et le « v ».

52      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

53      À cet égard, il convient de rappeler que, même si la partie initiale des éléments verbaux composant des marques figuratives peut être susceptible de retenir davantage l’attention du consommateur que les parties suivantes, cette considération ne saurait valoir dans tous les cas et ne saurait, en tout état de cause, remettre en question le principe selon lequel l’examen de la similitude des signes doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par ceux-ci [voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2016, Preferisco Foods/EUIPO – Piccardo & Savore’ (PREFERISCO), T‑371/15, non publié, EU:T:2016:414, point 20 et jurisprudence citée].

54      S’il est vrai que la lettre « a » de la marque demandée n’est pas reprise dans la marque antérieure, cette seule différence ne saurait infirmer le constat d’une similitude visuelle, à tout le moins moyenne, découlant, d’une part, de la concordance des quatre dernières lettres de ce signe et des quatre lettres du signe constituant la marque antérieure, formant le mot « love », et, d’autre part, de la longueur presque identique, à une lettre près, de ceux-ci [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 novembre 2015, Bionecs/OHMI – Fidia farmaceutici (BIONECS), T‑262/14, non publié, EU:T:2015:888, point 51 et jurisprudence citée] ainsi que du caractère dominant de l’élément « love » dans les signes en conflit. En outre, ainsi qu’il a été précisé au point 48 ci-dessus, ce constat ne saurait être remis en cause par les éléments figuratifs présents dans les deux marques, qui ont été, à juste titre, considérés par la chambre de recours comme ayant un impact moindre sur l’impression d’ensemble en ce qu’ils sont purement décoratifs, ces éléments n’altérant notamment pas la perception qu’a le public pertinent de la marque antérieure.

55      Dès lors, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que la similitude visuelle entre les deux signes en conflit était moyenne.

 Sur la similitude phonétique

56      S’agissant de la similitude phonétique, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient similaires à un degré élevé en ce que leur prononciation coïncidait par le son de la séquence commune des lettres composant le terme « love » et différaient par le son de la lettre « a » figurant au début de la marque demandée, qui ne saurait toutefois pas l’emporter sur le son commun résultant de la séquence de lettres composant le terme « love ».

57      La requérante soutient que les signes en cause ne sont pas prononcés de la même façon étant donné que la marque antérieure serait perçue par le public pertinent comme représentant les mots « lovo » ou « leve ».

58      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

59      Tout d’abord, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort des points 48 et 54 ci-dessus, la légère stylisation des lettres « o » et « e » de la marque antérieure ne permet pas de constater, contrairement à ce que prétend la requérante, que cette marque est perçue par le public pertinent comme représentant les mots« leve » ou « lovo ». Ensuite, il y a lieu de considérer que, nonobstant la différence consistant dans la présence du préfixe constitué par la lettre « a » au début de la marque demandée, la séquence de lettres « love », commune aux signes en conflit, composée des mêmes lettres figurant dans le même ordre et constituant deux syllabes, est prononcée de la même manière dans les deux signes. Au surplus, il a déjà été jugé que des signes présentaient une similitude phonétique lorsque la marque antérieure était entièrement incluse dans une marque demandée [voir, en ce sens, arrêts du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, EU:T:2005:102, point 72 ; du 4 mai 2005, Reemark/OHMI – Bluenet (Westlife), T‑22/04, EU:T:2005:160, point 33, et du 26 janvier 2006, Volkswagen/OHMI – Nacional Motor (Variant), T‑317/03, non publié, EU:T:2006:27, point 47]. C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours, en s’appuyant sur cette jurisprudence, a considéré, d’une part, qu’une similitude phonétique existait entre les signes en conflit et, d’autre part, en tenant compte de la présence mineure de la lettre « a » au début de la marque demandée, elle a considéré que ladite similitude était élevée.

 Sur la similitude conceptuelle

60      S’agissant de la similitude conceptuelle, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient similaires à un degré élevé en ce qu’ils partageaient le même concept, véhiculé par leur terme commun « love », renforcé par la stylisation de la lettre « o » en forme de cœur dans la marque demandée, tandis que la barre horizontale présente à l’intérieur de la lettre « o » de la marque antérieure ne véhiculait aucun concept.

61      La requérante fait valoir, en substance, que, sur le plan conceptuel, le public pertinent n’est pas en mesure de distinguer le mot « love » dans la marque demandée, ce qui exclurait toute similitude avec le concept véhiculé par ce terme dans la marque antérieure.

62      Il convient de relever, ainsi qu’il a été précisé au point 48 ci-dessus, que l’élément verbal « love » est l’élément dominant dans les deux marques en conflit et que, ainsi que le souligne l’intervenante, il s’agit d’un mot anglais de base qui est compris partout dans l’Union. Ce mot a les significations suivantes : « fort attachement » ; « fort attachement et attirance sexuelle envers quelqu’un » ; « salut affectueux que l’on adresse à quelqu’un » ; « formule pour conclure une lettre affectueuse », « goût très vif et passion pour une chose » [voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2017, Sun System Kereskedelmi és Szolgáltató/EUIPO – Hollandimpex Kereskedelmi és Szolgáltató (Choco Love), T‑325/15, non publié, EU:T:2017:29, point 57].

63      Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, le seul fait que la lettre « a » figure au début de la marque demandée ne prive pas de signification l’élément verbal de cette marque. Il en est d’autant plus ainsi que, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, le concept d’amour (« love ») est accentué par la forme de cœur de la lettre « o » de la marque demandée. C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a estimé qu’il existait une similitude élevée entre les signes en conflit sur le plan conceptuel.

 Sur le lien entre les marques en conflit

64      S’agissant du lien entre les marques en conflit, la chambre de recours a estimé que, en raison, premièrement, de la similitude globale entre les signes en conflit, deuxièmement, de la présence de l’élément verbal « love » de la marque antérieure dans la marque demandée en tant qu’élément dominant, troisièmement, du degré moyen de renommée de la marque antérieure et, quatrièmement, du fait que les produits et les services concernés étaient identiques, moyennement similaires ou, à tout le moins, étroitement liés, car tous en lien avec le secteur de la bijouterie, il était fortement probable qu’une association entre lesdites marques ait lieu dans l’esprit du public pertinent.

65      Premièrement, la requérante soutient que les signes en conflit ne sont pas similaires sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. Deuxièmement, elle fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur en constatant, sur la base des éléments de preuve produits par l’intervenante, que la marque antérieure jouissait d’une renommée d’un degré moyen dans l’Union en ce qui concerne les « bracelets » compris dans la classe 14 ainsi qu’un caractère distinctif supérieur à la moyenne, étant donné que ladite marque ne possèderait qu’un caractère distinctif faible à l’égard de ces produits. Troisièmement, la requérante soutient que le niveau d’attention du consommateur moyen est élevé ou très élevé pour les produits concernés et moyen à élevé pour certains des services des classes 35, 36, 40 et 42. La requérante souligne que la chambre de recours n’a pas tenu compte des canaux de distribution dans l’appréciation de l’existence d’un lien entre les marques en conflit. Enfin, quatrièmement, la requérante soutient que, s’il est possible de déchiffrer le concept d’amour dans chacune d’entre elles, cela ne serait pas suffisant pour conclure à l’existence d’un lieu entre ces deux marques.

66      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

67      L’existence du lien mentionné dans la jurisprudence rappelée au point 40 ci-dessus doit, de même que l’existence d’un risque de confusion, être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Parmi lesdits facteurs figurent le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services couverts par celles-ci, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou de ces services, ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure et le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure [arrêts du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, point 56, et du 10 octobre 2019, McDreams Hotel/EUIPO – McDonald’s International Property (mc dreams hotels Träumen zum kleinen Preis !), T‑428/18, non publié, EU:T:2019:738, point 30].

68      En l’espèce, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il découle des points 20 à 35 ainsi que des points 50 à 63 ci-dessus, la renommée de la marque antérieure a été prouvée par l’intervenante et l’existence d’une similitude moyenne sur le plan visuel ainsi que d’une similitude élevée sur les plans phonétique et conceptuel entre les signes en conflit ont été démontrées.

69      Tout d’abord, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la marque antérieure n’a pas un caractère distinctif supérieur à la moyenne, il y a lieu de constater que, lorsque la renommée d’une marque est établie, il est dépourvu de pertinence d’établir le caractère distinctif intrinsèque de cette marque pour qu’elle soit considérée comme possédant un caractère distinctif. En effet, une marque antérieure peut posséder un caractère distinctif particulier non seulement intrinsèquement, mais également grâce à la notoriété dont elle jouit auprès du public (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24), de telle sorte que, lorsqu’une marque a acquis un caractère distinctif particulier grâce à sa notoriété, un argument tiré de ce qu’elle ne possède qu’un très faible caractère distinctif intrinsèque est inopérant dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’un lien entre les marques en conflit et, partant, d’une atteinte au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, points 65, 67 et 68 et jurisprudence citée).

70      Ensuite, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le niveau d’attention du public pertinent est élevé ou très élevé en raison du caractère onéreux des produits concernés, il convient de relever que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que lesdits produits compris dans la classe 14 s’adressaient à la fois au grand public et aux professionnels et que, de ce fait, le niveau d’attention du public pertinent variait de moyen à élevé. En effet, d’une part, les bijoux tels que les « bracelets » ciblent principalement le grand public et, d’autre part, s’agissant des autres produits relevant de la classe 14, qui ne sont pas achetés régulièrement par le consommateur et qui le sont généralement par l’intermédiaire d’un vendeur, le degré d’attention dudit consommateur doit être considéré comme supérieur au degré normal d’attention et, partant, comme plutôt élevé [voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2006, Devinlec/OHMI – TIME ART (QUANTUM), T‑147/03, EU:T:2006:10, point 63].

71      Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de ce que les produits et les services couverts par les marques en conflit seraient commercialisés par l’intermédiaire de canaux différents, il convient de constater que, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, dans la mesure où les produits et les services en cause sont soit identiques, soit moyennement similaires, soit à tout le moins étroitement liés, et qu’ils relèvent tous du secteur de la bijouterie, un lien entre les marques en conflit s’établira dans l’esprit du public pertinent.

72      Au vu de tout ce qui précède, il convient de conclure que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que, en raison de la similitude entre les signes en conflit, du degré de renommée de la marque antérieure, à tout le moins moyen, et du fait que les produits et les services concernés étaient identiques, moyennement similaires ou, à tout le moins, étroitement liés, une association pourra être faite dans l’esprit du public pertinent entre les marques en conflit, au sens de la jurisprudence citée aux points 40 et 67 ci-dessus.

 Sur le risque de voir l’usage sans juste motif de la marque demandée tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porter préjudice

73      S’agissant, plus particulièrement, de la troisième des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 rappelées au point 16 ci-dessus, celle-ci vise trois types de risques distincts et alternatifs, à savoir que l’usage sans juste motif de la marque demandée, premièrement, porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, porte préjudice à la renommée de la marque antérieure ou, troisièmement, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de celle-ci.

74      Le troisième type de risque visé est celui que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation puisse être facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée. Il convient cependant de souligner que, dans le cadre de ce type de risque, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit n’est pas requise, le public pertinent devant seulement pouvoir établir un lien entre elles sans toutefois devoir forcément les confondre (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2007, VIPS, T‑215/03, EU:T:2007:93, points 40 et 41 et jurisprudence citée).

75      Il ressort de la jurisprudence que la notion de profit que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure englobe les cas où il y a exploitation et parasitisme manifestes d’une marque célèbre ou une tentative de tirer profit de sa réputation. En d’autres termes, il s’agit du risque que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation serait facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée [arrêts du 22 mars 2007, VIPS, T‑215/03, EU:T:2007:93, point 40, et du 17 octobre 2018, Golden Balls/EUIPO – Les Éditions P. Amaury (GOLDEN BALLS), T‑8/17, non publié, EU:T:2018:692, point 106].

76      Afin de déterminer si l’usage de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale qui tient compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent, notamment, l’importance de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque antérieure, le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés [voir arrêt du 14 décembre 2012, Bimbo/OHMI – Grupo Bimbo (GRUPO BIMBO), T‑357/11, non publié, EU:T:2012:696, point 38 et jurisprudence citée].

77      Par ailleurs, il convient de rappeler que, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, le titulaire de la marque antérieure renommée n’est pas tenu de démontrer, au titre de l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque. Il doit seulement apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice. Une telle conclusion peut être établie notamment sur la base de déductions logiques résultant d’une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toute autre circonstance de l’espèce [voir arrêt du 11 avril 2019, Inditex/EUIPO – Ansell (ZARA TANZANIA ADVENTURES), T‑655/17, non publié, EU:T:2019:241, point 41 et 48 et jurisprudence citée].

78      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, en substance, en tenant compte des éléments de preuve fournis par l’intervenante, que l’image de luxe de la marque antérieure serait inévitablement transférée aux produits et aux services en cause, couverts par la marque demandée, de sorte que celle-ci serait indûment « renforcée » en raison de son association avec la marque antérieure.

79      La requérante fait valoir que l’intervenante n’a pas présenté d’éléments de preuve convaincants ou d’arguments persuasifs établissant un risque sérieux, et non seulement hypothétique, que la marque demandée tirerait indûment profit de la renommée ou du caractère distinctif de la marque antérieure. En outre, elle considère que la chambre de recours n’a pas examiné avec le même soin les arguments avancés par chacune des parties et a dès lors favorisé dans une certaine mesure l’intervenante. Partant, elle met en cause le respect du principe d’égalité.

80      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

81      En l’espèce, il y a lieu de constater, en premier lieu, que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a établi que la marque antérieure jouissait d’une renommée, à tout le moins moyenne, pour les « bracelets » compris dans la classe 14 et que ceux-ci étaient associés à une image d’exclusivité et de luxe. En second lieu, lesdits « bracelets », d’une part, et les produits et les services désignés par la marque demandée, d’autre part, étant identiques ou similaires ou, à tout le moins, étroitement liés au secteur de la bijouterie, c’est également sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a estimé que la marque demandée pourrait tirer indûment profit des investissements réalisés par le titulaire de la marque antérieure pour promouvoir et renforcer l’image de celle-ci.

82      Ainsi, il y a lieu de constater l’existence en l’espèce du risque visé par la jurisprudence citée au point 74 ci-dessus, en ce sens que l’image de la marque antérieure, élaborée depuis des années par l’intervenante, est susceptible d’être transférée aux produits et aux services en cause de la requérante, de sorte que, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, la marque demandée serait indûment « renforcée » en raison de son association à la marque antérieure. À cet égard, il y a lieu de constater que les arguments de la requérante ayant trait à la nature simplement hypothétique du risque de profit indu dans le cas d’espèce sont, au sens de la jurisprudence citée au point 77 ci-dessus, insuffisants pour remettre en question le constat selon lequel il existe un risque que la requérante, par l’usage sans juste motif de la marque demandée, tire un profit indu de la renommée de la marque antérieure.

83      Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas examiné avec le même soin les arguments avancés par chacune des parties, en favorisant ainsi dans une certaine mesure l’intervenante, il suffit de constater que la requérante n’apporte aucun élément susceptible d’étayer son affirmation. Cet argument doit, dès lors, être rejeté.

84      Dès lors, il y a lieu de rejeter le moyen unique de la requérante et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

85      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      ALO jewelry CZ s. r. o est condamnée aux dépens.

Spielmann

Mastroianni

Gâlea

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juillet 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais