Language of document : ECLI:EU:T:2022:453

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

13 juillet 2022 (*) (1)

« Clause compromissoire – Agent contractuel international d’EUCAP Somalia – Mission relevant de la politique étrangère et de sécurité commune – Résiliation du contrat de travail à durée déterminée pendant la période d’essai – Notification de la résiliation du contrat par lettre recommandée avec accusé de réception – Envoi à une adresse incomplète – Point de départ du délai de recours interne préalable à un recours juridictionnel – Détermination du droit applicable – Dispositions impératives du droit national du travail – Nullité de la clause d’essai – Notification irrégulière du préavis – Indemnité compensatoire de préavis – Paiement rétroactif de la rémunération – Demande reconventionnelle » 

Dans l’affaire T‑165/20,

JC, représenté par Me A. Van Himst, avocate,

partie requérante,

contre

EUCAP Somalia, représentée par Me E. Raoult, avocate,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos (rapporteur), président, L. Truchot et M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 19 janvier 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 272 TFUE, le requérant, JC, demande, d’une part, que soient déclarées nulles la lettre du 4 novembre 2019 (ci-après la « lettre du 4 novembre 2019 ») et la lettre du 3 décembre 2019 (ci-après la « lettre du 3 décembre 2019 ») (ci-après, prises ensemble, les « actes de notification du préavis ») par lesquelles EUCAP Somalia lui a notifié sa décision de résilier son contrat de travail ainsi que, en tant que de besoin, la décision du 24 janvier 2020 par laquelle celle-ci a rejeté son recours interne non disciplinaire (ci-après la « décision du 24 janvier 2020 ») contre la décision de résilier son contrat de travail telle que notifiée par la lettre du 3 décembre 2019 et, d’autre part, que EUCAP Somalia soit condamnée à lui verser rétroactivement sa rémunération jusqu’à la date de fin définitive, régulière et légale de leur relation contractuelle de travail.

I.      Antécédents du litige

2        EUCAP Somalia, anciennement EUCAP NESTOR, est une mission de l’Union européenne relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) créée par la décision 2012/389/PESC du Conseil, du 16 juillet 2012, relative à la mission de l’Union européenne visant au renforcement des capacités [en Somalie (EUCAP Somalia)] (JO 2012, L 187, p. 40), prise en application du chapitre 2 du titre V du traité UE, relatif à la PESC. Selon l’article 2 de la décision 2012/389, telle que modifiée par la décision (PESC) 2020/663 du Conseil, du 18 mai 2020 (JO 2020, L 157, p. 1), EUCAP Somalia a pour objectif d’aider la Somalie à renforcer ses capacités en matière de sûreté maritime afin qu’elle puisse faire respecter plus efficacement le droit maritime.

3        À la suite d’une offre d’engagement formulée par le service des ressources humaines d’EUCAP Somalia et adressée au requérant le 25 juillet 2019, ce dernier a été recruté comme responsable administratif et financier par un contrat de travail à durée déterminée signé le 20 août 2019 par le chef de mission d’EUCAP Somalia (ci-après le « chef de mission ») et le 21 août suivant par le requérant (ci-après le « contrat »).

4        L’article 17.1 du contrat fixait la prise de fonctions du requérant au 8 septembre 2019 et prévoyait une durée de douze mois ainsi que la possibilité d’un renouvellement par tacite reconduction. En outre, l’article 17.2 du contrat prévoyait une clause d’essai libellée comme suit :

« La période d’essai est de trois (3) mois. Pendant la période d’essai ou à l’expiration de celle-ci[,] l’[e]mployé est licencié s’il n’a pas fait la preuve de qualités professionnelles suffisantes. Si l’[e]mployé occupait le même poste au moment de la signature du contrat, aucune période d’essai ne s’applique. »

5        L’article 18.1 du contrat prévoyait que « [l]e contrat [pouvait] être résilié soit par l’[e]mployeur soit par l’[e]mployé moyennant un préavis écrit d’[un] mois, incluant le motif de la résiliation. L’[e]mployé [devait] être entendu par le chef de mission adjoint avant qu’une telle décision ne soit prise, le chef de mission étant informé à tout moment ».

6        L’article 21.1 du contrat établissait que « [l’e]mployé [pouvait] soumettre à l’[e]mployeur un recours interne contre un acte affectant négativement ses intérêts, dans un délai d’[un] mois à compter de la date de cet acte […] L’[e]mployé [devait] être entendu par le chef de mission adjoint avant qu’une décision ne soit prise, le chef de mission étant informé à tout moment ».

7        L’article 22.1 du contrat prévoyait que « les litiges découlant du contrat ou s’y rapportant [étaient] soumis à la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne conformément à l’article 272 [TFUE] ». En outre, l’article 22.2 du contrat stipulait que « la procédure de recours interne non disciplinaire prévue à l’article [21] du contrat [devait] être épuisée avant d’introduire un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne ».

8        Au cours de la phase préalable au déploiement du requérant, ce dernier a, le 9 août 2019, communiqué à EUCAP Somalia une attestation médicale de son médecin traitant du 31 juillet 2019, établissant un « bon état de santé » et son aptitude « à travailler à n’importe quel endroit du monde ». De plus, il a transmis à EUCAP Somalia, le 10 août 2019, divers formulaires administratifs complétés de sa main et portant, pour deux d’entre eux, d’une part, sur ses données personnelles de contact et, d’autre part, sur l’état de sa situation médicale.

9        En particulier, en ce qui concerne le formulaire relatif à l’état de sa situation médicale, le requérant a mentionné, dans le questionnaire médical attaché à ce formulaire, avoir fait l’objet d’une greffe de rein en 2016 et être soumis à un suivi médical trimestriel régulier. En outre, il a indiqué que son rapport médical était très bon et qu’il prenait cinq médicaments. Il a ensuite attesté ne pas avoir souffert, ni souffrir d’une maladie rénale et avoir un diabète secondaire encadré médicalement. Le requérant a certifié avoir répondu de manière complète, véridique et au mieux de ses connaissances aux questions du questionnaire médical. Il s’est engagé à informer immédiatement l’unité médicale de tout changement éventuel dans les données médicales ainsi transmises.

10      Le 6 septembre 2019, la cheffe du département « Soutien à la mission » a adressé un courriel au requérant, afin de l’informer de la suspension, en raison de circonstances imprévues, de la date de son déploiement effectif. Il y était précisé que le versement du salaire correspondant à la prestation convenue en vertu du contrat serait assuré.

11      Le 7 septembre 2019, le requérant lui a répondu par courriel en soulignant que des raisons médicales ne justifiaient pas cette suspension. Le requérant a noté avoir reçu le même jour une communication du médecin-conseil d’EUCAP Somalia, visant à ce qu’il complète les informations obligatoires requises en vue de la préparation médicale de son déploiement, et y avoir répondu. Il a rappelé avoir déjà soumis, le 10 août 2019, le questionnaire médical attaché au formulaire relatif à l’état de sa situation médicale, dûment complété. Il a précisé avoir communiqué au cours de la procédure de recrutement, laquelle avait débuté en mars 2019, l’ensemble des informations demandées par EUCAP Somalia.

12      Par courriel du 15 septembre 2019, la cheffe du département « Soutien à la mission » a fait part au requérant de son impossibilité de lui fournir des explications détaillées, tout en indiquant que le chef de mission envisageait de reconsidérer son déploiement afin de respecter son devoir de diligence à l’égard du personnel d’EUCAP Somalia.

13      Le 17 septembre 2019, l’avocate du requérant a adressé un courriel à EUCAP Somalia visant à obtenir la confirmation par cette dernière qu’elle lui verserait son salaire et les indemnités journalières correspondantes jusqu’à ce qu’une décision finale relative à son déploiement soit prise.

14      Le 24 septembre 2019, un expert médical a rendu un avis auprès du médecin-conseil d’EUCAP Somalia sur les conditions sanitaires et sur l’accès restreint aux ressources médicales en Somalie, comprenant une contre-indication médicale d’envoyer sur le territoire somalien, et en particulier à Garowe (Somalie), toute personne soumise à un lourd traitement pharmaceutique à vie, dont des médicaments immunosuppresseurs, des injections quotidiennes d’insuline en raison d’un diabète ou de toute autre maladie chronique nécessitant des consultations médicales régulières.

15      Le 25 septembre 2019, le chef de mission adjoint a adressé, par courriel, une lettre au requérant, dans laquelle il a précisé, en substance, que le chef de mission avait, en considération des informations transmises sur la situation médicale générale en Somalie et de son devoir de diligence à l’égard du personnel d’EUCAP Somalia, des craintes significatives concernant la mise en œuvre du contrat, eu égard aux conditions physiques du requérant décrites dans les questionnaires médicaux remplis par ce dernier et de la grande limitation de l’aide médicale disponible au nord de la Somalie. Il a invité le requérant à discuter au cours d’un entretien des conditions du déploiement envisagé, susceptible de représenter un risque réel et significatif pour sa santé.

16      Le même jour, le requérant a transmis au service des ressources humaines d’EUCAP Somalia un formulaire relatif à ses coordonnées bancaires, en vue de permettre le paiement de ses salaires, ce formulaire comportant son adresse avec le numéro de voirie.

17      Le 14 octobre 2019, un entretien a été organisé entre le requérant, l’avocate du requérant, le chef de mission adjoint, le médecin-conseil de la Capacité civile de planification et de conduite (ci-après la « CPCC »), le service juridique de la CPCC et le conseil juridique d’EUCAP Somalia, afin de présenter au requérant la situation des infrastructures médicales en Somalie ainsi que le devoir de diligence de la mission et d’exposer les raisons éventuelles motivant une possible résiliation du contrat. À la fin de l’entretien, le requérant a été informé du fait qu’EUCAP Somalia prendrait contact avec lui dans un délai d’une semaine.

18      Par la lettre du 4 novembre 2019, envoyée le 8 novembre suivant par courrier recommandé avec accusé de réception, le chef de mission a notifié au requérant la décision de résilier le contrat, moyennant un préavis d’une durée d’une semaine, commençant à courir à compter du lundi 18 novembre 2019. Cette lettre a été envoyée au requérant à l’adresse qu’il avait mentionnée, le 10 août 2019, dans le formulaire relatif à ses données personnelles de contact. Cette adresse ne comportait pas de numéro de voirie.

19      Le 19 novembre 2019, le requérant a écrit par courriel au chef de mission adjoint, à la cheffe du département « Soutien à la mission » et au service des ressources humaines d’EUCAP Somalia, afin que lui soient transmis un certificat d’emploi et les fiches de paie des deux mois précédents.

20      Le 26 novembre 2019, le requérant a, par l’intermédiaire de son avocate, indiqué au conseil juridique d’EUCAP Somalia avoir déjà communiqué à EUCAP Somalia son adresse de manière complète dans le formulaire relatif à ses coordonnées bancaires, transmis le 25 septembre 2019.

21      Par la lettre du 3 décembre 2019, envoyée le même jour par courrier recommandé avec accusé de réception, et reçue par le requérant le 5 décembre suivant, le chef de mission a notifié à ce dernier la décision d’EUCAP Somalia de résilier le contrat, libellée comme suit :

« En vue de préserver les droits et intérêts d[’EUCAP Somalia] et dans l’hypothèse où vous souhaiteriez soulever l’absence de validité de la lettre de [résiliation] datée du 8 [n]ovembre 2019, nous vous notifions par la présente – sous toutes réserves et sans reconnaissance préjudiciable – notre décision de mettre fin à la relation de travail entre EUCAP Somalia et vous-même moyennant un préavis d’une durée d’une semaine et qui débutera le lundi 9 [d]écembre 2019. »

22      Le 10 décembre 2019, le conseil juridique d’EUCAP Somalia a répondu au courriel de l’avocate du requérant du 26 novembre 2019. Cette réponse précisait que seules comptaient, aux fins des échanges entre la mission et ses employés, les coordonnées indiquées dans le formulaire relatif aux données personnelles de contact. Ainsi, il a été indiqué au requérant qu’EUCAP Somalia était fondée à envoyer le 8 novembre 2019 la lettre du 4 novembre précédent sur la base de ces seules coordonnées, sans que le formulaire bancaire ultérieur ait à être pris en compte à cette fin. Dans ce courriel, le conseil juridique d’EUCAP Somalia a ajouté que, si le requérant avait voulu compléter ses coordonnées dans le formulaire relatif à ses données personnelles de contact, il aurait dû renvoyer à la mission ce formulaire amendé. Par conséquent, aux termes du même courriel, le caractère incomplet desdites coordonnées était considéré comme la conséquence d’une faute imputable au requérant.

23      Le 16 décembre 2019, le service des ressources humaines d’EUCAP Somalia a transmis au requérant un certificat d’emploi indiquant, d’une part, qu’il existait une relation contractuelle de travail allant du 8 septembre au 25 novembre 2019 et, d’autre part, que le contrat n’avait pas été exécuté.

24      Le 23 décembre 2019, le requérant a, par l’intermédiaire de son avocate, contesté la période d’emploi mentionnée dans ce certificat, soulignant n’avoir reçu qu’une lettre datée du 3 décembre 2019 et fixant un préavis d’une semaine commençant à courir à partir du 9 décembre suivant. Il a souligné l’importance de cette information au regard de son utilité en vue de la déclaration d’une période d’emploi exacte auprès de l’assurance chômage belge. Il a en outre demandé que lui soit communiquée une copie de la lettre du 4 novembre 2019, qu’il n’aurait pas reçue.

25      Le 2 janvier 2020, le requérant a, par l’intermédiaire de son avocate, dans un courriel envoyé, notamment, au chef du personnel agissant en tant que chef de mission adjoint d’EUCAP Somalia, introduit une demande, en application de l’article 21 du contrat, relative à la procédure de recours interne non disciplinaire (ci-après le « recours interne »), contre la décision d’EUCAP Somalia de résilier le contrat telle que notifiée par la lettre du 3 décembre 2019.

26      Par lettre du 24 janvier 2020, reçue par le requérant le 31 janvier suivant, le chef du personnel d’EUCAP Somalia a rejeté la demande du requérant du 2 janvier 2020, en refusant notamment de la qualifier de recours interne, dans la mesure où ce dernier n’aurait pas été introduit dans le délai, prévu à l’article 21.1 du contrat, d’un mois à compter de l’acte contesté. Néanmoins, faisant valoir un « souci de bonne gouvernance », il a indiqué accepter de répondre à la demande du requérant. Il a ainsi expliqué que son devoir de diligence commandait la résiliation du contrat en considération de l’inadéquation physique du requérant avec le poste au regard de l’état de sa situation médicale et de l’état des infrastructures médicales en Somalie.

II.    Conclusions des parties

27      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la lettre du 4 novembre 2019 ;

–        annuler la lettre du 3 décembre 2019 ;

–        annuler, en tant que de besoin, la décision du 24 janvier 2020 ;

–        condamner EUCAP Somalia à verser rétroactivement sa rémunération jusqu’à la date de fin définitive, régulière et légale de la relation contractuelle ;

–        majorer ces sommes des intérêts au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour les opérations principales de refinancement, majoré de 3,5 points de pourcentage ;

–        condamner EUCAP Somalia aux dépens.

28      EUCAP Somalia conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le recours dans son intégralité comme étant irrecevable ou, en tout état de cause, comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit ;

–        à titre subsidiaire et reconventionnel, déclarer la nullité du contrat en raison d’un vice de consentement ;

–        à titre infiniment subsidiaire et reconventionnel, prononcer la résolution du contrat pour force majeure pour raisons médicales ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

29      Avant d’analyser le recours et la demande reconventionnelle formulée par EUCAP Somalia, il convient d’examiner la compétence du Tribunal pour statuer sur le présent litige et de déterminer le droit applicable.

A.      Sur la compétence du Tribunal

30      En premier lieu, s’agissant de la compétence du Tribunal pour statuer sur le présent recours qui, au demeurant, n’est pas contestée par EUCAP Somalia, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 272 TFUE, la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer en vertu d’une clause compromissoire figurant dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par l’Union ou pour son compte. Conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE, le Tribunal est compétent pour connaître en première instance des recours visés à l’article 272 TFUE.

31      En l’espèce, il convient de rappeler que l’article 22.1 du contrat contient une clause compromissoire, dont il découle que le Tribunal est compétent pour connaître du présent recours sur le fondement de l’article 272 TFUE.

32      En second lieu, le Tribunal est également compétent pour statuer sur la demande reconventionnelle formulée par EUCAP Somalia dans le cadre de ses deuxième et troisième chefs de conclusions. En effet, selon la jurisprudence, la compétence du Tribunal, au jour de l’introduction du recours, pour connaître d’un recours introduit sur le fondement d’une clause compromissoire implique nécessairement celle de connaître d’une demande reconventionnelle formulée par la partie défenderesse, dans le cadre de ce même recours, et qui dérive du lien contractuel ou du fait sur lequel est fondée la demande principale ou a un rapport direct avec les obligations qui en découlent (voir, en ce sens, arrêt du 13 mai 2020, Talanton/Commission, T‑195/18, non publié, EU:T:2020:194, point 42 et jurisprudence citée). Or, de même que le recours du requérant, la demande reconventionnelle formulée par EUCAP Somalia est fondée sur les obligations découlant du contrat.

B.      Sur le droit applicable

33      Dans ses écritures et en réponse à une question écrite du Tribunal sur ce point, le requérant souligne que, lorsqu’un recours est introduit en application d’une clause compromissoire, le droit qui lui est applicable est le droit national désigné par le contrat ou par les parties. De plus, il avance que sa demande, en ce qu’elle vise une décision de résilier un contrat de travail, doit être soumise au droit matériel du travail applicable. À cet égard, il fait observer qu’EUCAP Somalia s’est référée, dans la décision du 24 janvier 2020, au droit belge. Il ajoute ne pas s’opposer à l’application de ce droit à la relation contractuelle en cause, conformément à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) no 593/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (JO 2008, L 177, p. 6, ci-après le « règlement Rome I ») et, à tout le moins, à l’article 3, paragraphe 2, et à l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement. Ainsi, le requérant se prévaut de l’application, à titre principal, des stipulations contractuelles et du droit de l’Union et, à titre supplétif, du droit belge et, en particulier, de la loi relative aux contrats de travail du 3 juillet 1978 (Moniteur belge du 22 août 1978, p. 9277) (ci-après la « loi relative aux contrats de travail »). De plus, le requérant affirme que les dispositions impératives du droit belge doivent primer les stipulations contractuelles qui leur seraient contraires.

34      EUCAP Somalia, pour sa part, soutient qu’il convient d’appliquer, à titre principal, le droit autonome des missions civiles de l’Union relevant de la PESC, à savoir le contrat, le code de conduite et de discipline, et les procédures opérationnelles standard, conformément à l’article 1.1 du contrat. Elle invoque également l’application du droit de l’Union et, à titre complémentaire, du droit matériel national applicable au contrat, à savoir en l’espèce le droit belge, qui est le droit de la résidence permanente du requérant, en application du règlement Rome I et, en particulier, de l’article 8, paragraphe 4, de ce règlement. En outre, EUCAP Somalia a affirmé, en substance, que l’application du contrat dans le cas d’une situation qu’il a prévue doit primer avant tout, de sorte que le Tribunal n’est pas fondé, lorsque sa compétence repose sur l’article 272 TFUE, à laisser inappliquée une clause du contrat même lorsque cette clause serait contraire aux dispositions impératives du droit national applicable au contrat.

35      Les parties ont confirmé que le droit matériel national applicable au contrat était le droit belge et que, afin d’examiner la responsabilité contractuelle éventuelle d’EUCAP Somalia, il convenait d’appliquer, à titre principal, les stipulations du contrat et de ses annexes et, à titre supplétif, le droit belge en ce qui concernait les questions non traitées par le contrat. Les parties ont néanmoins réitéré leur désaccord quant à la primauté de l’application des dispositions impératives du droit national applicable au contrat sur les stipulations qui leur seraient contraires.

36      Tout d’abord, il convient de rappeler que, selon l’article 340, paragraphe 1, TFUE, la responsabilité contractuelle de l’Union est régie par la loi applicable au contrat en cause.

37      Les litiges nés lors de l’exécution d’un contrat doivent être tranchés en principe sur la base des clauses contractuelles (voir arrêt du 18 novembre 2015, Synergy Hellas/Commission, T‑106/13, EU:T:2015:860, point 37 et jurisprudence citée). L’interprétation du contrat au regard des dispositions du droit national applicable au contrat ne se justifie qu’en cas de doute sur le contenu du contrat ou sur la signification de certaines de ses clauses, ou lorsque le contrat seul ne permet pas de résoudre tous les aspects du litige. Partant, il y a lieu de procéder à l’appréciation du bien-fondé de la requête à la lumière des seules stipulations contractuelles et de ne recourir au droit national applicable au contrat que si ces stipulations ne permettent pas de trancher le litige (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2017, Talanton/Commission, T‑65/15, non publié, EU:T:2017:491, point 43 et jurisprudence citée).

38      Néanmoins, ce principe ne saurait conduire à ce que l’application des clauses d’un contrat permette aux parties de faire échec aux dispositions impératives du droit matériel national applicable, auxquelles il ne peut être dérogé et en conformité avec lesquelles les obligations découlant du contrat doivent être ou ont été exécutées.

39      Par ailleurs, lorsque les institutions, organes ou organismes de l’Union exécutent un contrat, ils restent soumis aux obligations qui leur incombent en vertu de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et des principes généraux du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 86). Ainsi, si les parties décident, dans leur contrat, au moyen d’une clause compromissoire, d’attribuer au juge de l’Union la compétence pour connaître des litiges afférents à ce contrat, ce juge sera compétent, indépendamment du droit applicable stipulé dans ledit contrat, pour examiner d’éventuelles violations de la Charte et des principes généraux du droit de l’Union (arrêt du 16 juillet 2020, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P, EU:C:2020:575, point 81).

40      En cas de silence du contrat, le juge de l’Union doit, le cas échéant, déterminer le droit applicable en utilisant les règles prévues par le règlement Rome I (voir, en ce sens, arrêt du 18 février 2016, Calberson GE/Commission, T‑164/14, EU:T:2016:85, point 25).

41      À cet égard, l’article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement Rome I prévoit ce qui suit :

« 1.      Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix peut être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.

2.      Les parties peuvent convenir, à tout moment, de faire régir le contrat par une loi autre que celle qui le régissait auparavant soit en vertu d'un choix antérieur selon le présent article, soit en vertu d'autres dispositions du présent règlement. Toute modification quant à la détermination de la loi applicable, intervenue postérieurement à la conclusion du contrat, n'affecte pas la validité formelle du contrat au sens de l’article 11 et ne porte pas atteinte aux droits des tiers. »

42      L’article 8 du règlement Rome I, applicable aux contrats individuels de travail, est libellé comme suit :

« 1.      Le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l’article 3. Ce choix ne peut toutefois avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2 à 4 du présent article.

2.      À défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail. Le pays dans lequel le travail est habituellement accompli n’est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays.

3.      Si la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 2, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel est situé l’établissement qui a embauché le travailleur.

4.      S’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays que celui visé au paragraphe 2 ou 3, la loi de cet autre pays s’applique. »

43      En l’espèce, le contrat ne spécifie pas la loi qui lui est applicable. Néanmoins, les parties s’accordent sur la désignation du droit belge en tant que droit national applicable au contrat. Partant, conformément aux principes résultant de l’article 3 du règlement Rome I, auquel renvoie l’article 8, paragraphe 1, de ce même règlement, le droit belge est le droit national applicable au contrat.

44      En tout état de cause, ainsi que le fait valoir à juste titre EUCAP Somalia, sans que le requérant le conteste, il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec la Belgique. Certes, le lieu d’exécution prévu à l’article 5.1 du contrat était la ville de Garowe. Toutefois, il est constant que le contrat n’a pas été exécuté sur le lieu de déploiement effectif en Somalie, que le requérant est resté en Belgique au cours de la période d’emploi, qu’il a la nationalité belge et est résident permanent en Belgique, que la procédure de recrutement et la signature du contrat ont eu lieu en Belgique et, enfin, que le critère de résidence permanente pour la détermination du droit applicable aux obligations de sécurité sociale en application de l’article 13 du contrat implique la désignation de la Belgique. Partant, à supposer qu’il convienne d’appliquer l’article 8, paragraphe 4, du règlement Rome I au lieu des dispositions de celui-ci visées au point 43 ci-dessus, le droit belge demeurerait le droit national applicable au contrat.

45      Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence citée au point 37 ci-dessus, le présent litige doit être examiné, à titre principal, sur le fondement du contrat et, à titre supplétif, sur le fondement du droit national belge, en cas de doute sur le contenu du contrat ou sur la signification de certaines de ses clauses, ou lorsque le contrat seul ne permet pas de résoudre tous les aspects du litige. En outre, l’application des clauses du contrat ne saurait permettre aux parties de faire échec aux dispositions impératives du droit belge, auxquelles il ne peut être dérogé et en conformité avec lesquelles les obligations découlant du contrat doivent être ou ont été exécutées.

C.      Sur le recours

46      Les conclusions présentées par le requérant comportent, d’une part, une demande tendant à ce que les actes de notification du préavis et, en tant que de besoin, la décision du 24 janvier 2020 soient déclarés nuls et, d’autre part, une demande en indemnité.

1.      Sur la recevabilité du recours

47      EUCAP Somalia soulève deux fins de non-recevoir, la première tirée du manque de clarté et de précision du recours, la seconde tirée de l’absence d’épuisement de la procédure de recours interne prévue dans le contrat.

a)      Sur la fin de non-recevoir tirée du manque de clarté et de précision du recours

48      EUCAP Somalia soulève une fin de non-recevoir tirée du manque de clarté et de précision du recours. À cet égard, il se déduirait notamment des termes de l’en-tête et du dispositif de la requête que le recours est un « recours en annulation et indemnisation ». Par conséquent, selon EUCAP Somalia, le recours serait fondé non seulement sur l’article 272 TFUE, mais encore sur l’article 263 TFUE, ce qui serait de nature à le rendre irrecevable sur la base de l’exceptio obscuri libelli.

49      Il convient de rappeler qu’il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêts du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, point 61, et du 20 novembre 2018, Barata/Parlement, T‑854/16, non publié, EU:T:2018:809, point 20).

50      À cet égard, les conclusions des parties définissent l’objet du litige. Il importe, dès lors, qu’elles indiquent, expressément et sans équivoque, ce que les parties demandent (voir arrêt du 10 mars 2021, Ayuntamiento de Quart de Poblet/Commission, T‑539/18, non publié, EU:T:2021:123, point 35 et jurisprudence citée).

51      Par ailleurs, selon une jurisprudence bien établie, il appartient à la partie requérante de faire le choix du fondement juridique de son recours, et non au juge de l’Union de choisir lui-même la base légale la plus appropriée (voir arrêt du 10 mars 2021, Ayuntamiento de Quart de Poblet/Commission, T‑539/18, non publié, EU:T:2021:123, point 36 et jurisprudence citée).

52      En l’espèce, le requérant a explicitement fondé son recours sur l’article 272 TFUE. En effet, cet article est directement visé à la première page de la requête, qui expose le cadre juridique du recours et précise que le requérant « forme un recours, en vertu de l’article 272 TFUE ». En outre, la requête rappelle que l’article 22.1 du contrat prévoit une clause compromissoire en vertu de laquelle tout litige relatif au contrat doit être soumis à la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne conformément à l’article 272 TFUE. De plus, l’article 263 TFUE n’est pas mentionné dans le recours.

53      Il est vrai que le recours s’intitule « recours en annulation et indemnisation », qu’il vise à ce que soient annulés les actes de notification du préavis et la décision du 24 janvier 2020 et qu’un tel libellé du recours et des conclusions peut prêter à confusion, dans la mesure où il n’est pas sans rappeler la terminologie propre au recours en annulation institué à l’article 263 TFUE.

54      Toutefois, le requérant a également expliqué, dans la réplique, que ces conclusions devaient être envisagées comme faisant partie d’un recours formé devant le Tribunal en application de la clause compromissoire prévue à l’article 22.1 du contrat. Partant, le requérant a clairement confirmé le fondement contractuel de son recours visant, en substance, à ce que les actes de notification du préavis et la décision du 24 janvier 2020 soient déclarés nuls et à lui ouvrir le droit au bénéfice d’une indemnisation corrélative.

55      Par ailleurs, force est de constater que le requérant identifie avec précision les points qu’il conteste et soulève des moyens tirés, en substance, de la violation de règles régissant sa relation contractuelle de travail avec EUCAP Somalia. En outre, il convient de relever que, dans ses écritures, EUCAP Somalia a procédé, en substance, à une synthèse des arguments du requérant pour y répondre, démontrant ainsi être parvenue à en comprendre la teneur.

56      Il en résulte que, indépendamment de l’usage d’une terminologie caractéristique des recours introduits sur le fondement de l’article 263 TFUE, le recours du requérant doit être regardé comme étant présenté sur une base contractuelle.

57      Partant, l’argumentation du requérant est suffisamment claire et précise pour permettre, d’une part, à la partie défenderesse de préparer sa défense sur la base du présent recours, introduit conformément à l’article 272 TFUE et à la clause compromissoire figurant à l’article 22.1 du contrat et, d’autre part, au Tribunal de statuer sur ce recours. Il s’ensuit que les objections à la recevabilité dudit recours formulées par EUCAP Somalia doivent être écartées.

b)      Sur la fin de non-recevoir tirée de l’absence  d’épuisement de la procédure de recours interne

58      EUCAP Somalia soulève l’irrecevabilité du présent recours au motif que le requérant n’aurait pas introduit préalablement un recours interne dans le délai d’un mois prévu à l’article 21.1 du contrat, à compter de l’envoi, le 8 novembre 2019, de la lettre du 4 novembre 2019. Par conséquent, le requérant resterait en défaut d’avoir épuisé la procédure contractuelle de recours interne prévue à l’article 22.2 du contrat.

59      Il convient de rappeler que l’article 22.2 du contrat conditionne la saisine du juge de l’Union à l’épuisement de la procédure de recours interne prévue à l’article 21.1 du contrat, obligatoirement introduite dans un délai d’un mois à compter de la date de l’acte affectant négativement les intérêts du requérant.

60      Partant, la recevabilité du présent recours doit être appréciée au regard d’une lecture combinée des articles 21.1 et 22 du contrat. Il appartient au Tribunal de vérifier, en application de ces stipulations, le respect par le requérant de l’épuisement de la procédure contractuelle de recours interne. En particulier, il est nécessaire de déterminer si le requérant a introduit ce recours dans le délai d’un mois à compter de la date de la décision affectant négativement ses intérêts.

61      Ainsi qu’il a été indiqué au point 39 ci-dessus, l’administration de l’Union reste soumise aux obligations qui lui incombent en vertu de la Charte lorsqu’elle exécute un contrat.

62      À cet égard, il est nécessaire de garantir que toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour un litige soient examinées afin de garantir une protection juridictionnelle effective visée par l’article 47 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, Inclusion Alliance for Europe/Commission, C‑378/16 P, EU:C:2020:575, point 79), aux termes duquel « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue […] par un tribunal indépendant et impartial, établi […] par la loi ».

63      Il s’ensuit que, lorsqu’un contrat comportant une clause compromissoire au profit du juge de l’Union en vertu de l’article 272 TFUE contient une stipulation selon laquelle une partie, avant de saisir le Tribunal, doit épuiser une voie de recours interne, il doit être garanti que cette dernière puisse être exercée dans des conditions ne privant pas l’intéressé de son droit à une protection juridictionnelle effective.

64      En outre, selon la jurisprudence de la Cour, il existe un principe fondamental dans l’ordre juridique de l’Union qui exige qu’un acte émanant des pouvoirs publics ne soit pas opposable aux justiciables avant que n’existe pour ceux-ci la possibilité d’en prendre connaissance (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 1979, Racke, 98/78, EU:C:1979:14, point 15).

65      Partant, la référence à la date de l’acte concerné, prévue à l’article 21.1 du contrat et constitutive du point de départ du délai d’un mois conditionnant l’introduction régulière au sens du contrat d’un recours interne, doit être interprétée comme visant la date à laquelle le requérant a été mis en mesure de prendre utilement connaissance du contenu de cet acte.

66      Aux fins de déterminer la date de prise de connaissance, par le requérant, de la décision de résilier le contrat, il convient de rappeler qu’il appartient à la partie qui se prévaut de la tardiveté d’un recours de faire la preuve de la date à laquelle la décision attaquée a été notifiée et, en tous cas, de la date à laquelle l’intéressé en a eu connaissance s’il s’agit d’une mesure de caractère individuel (voir, par analogie, arrêt du 29 novembre 2018, WL/ERCEA, T‑493/17, non publié, EU:T:2018:852, point 59). En l’espèce, cette démonstration incombe donc à EUCAP Somalia.

67      Par lettre du 2 janvier 2020, le requérant a introduit, sur la base de l’article 21.1 du contrat, un recours interne contre la lettre du 3 décembre 2019 valant notification de la décision de résilier le contrat, portée effectivement à sa connaissance le 5 décembre suivant.

68      Toutefois, EUCAP Somalia soutient que le requérant avait déjà connaissance de la décision de résilier le contrat depuis sa notification effectuée par l’envoi à son domicile par courrier recommandé avec accusé de réception, le 8 novembre 2019, de la lettre du 4 novembre 2019. Ainsi, en application des articles 21.1 et 22.2 du contrat, le requérant aurait dû introduire un recours interne contre cette décision au plus tard le 8 décembre 2019 et sa lettre du 2 janvier 2020 ne saurait être considérée comme un acte ayant introduit un recours interne régulier.

69      À cet égard, EUCAP Somalia expose que plusieurs éléments incohérents ressortent du dossier afférent à la demande d’aide juridictionnelle déposée par le requérant avant l’introduction du présent recours et rejetée par le président du Tribunal par ordonnance du 9 septembre 2020. Ces éléments démontreraient que celui-ci avait connaissance de la décision de résilier le contrat dès les mois de novembre et de décembre 2019. En particulier, le requérant aurait perçu des allocations chômage dès le 1er décembre 2019, à la suite d’une demande qu’il avait adressée à EUCAP Somalia le 19 novembre 2019 afin d’obtenir un certificat d’emploi. Selon EUCAP Somalia, l’inscription auprès des autorités belges compétentes en matière de chômage doit en principe avoir lieu dans les huit jours qui suivent le premier jour de chômage et nécessite d’apporter à ces autorités la preuve de la décision de résilier le contrat, ce qui implique la connaissance de cette décision.

70      En outre, EUCAP Somalia conteste que le requérant puisse se prévaloir d’un défaut de réception de la lettre du 4 novembre 2019 au motif que celle-ci aurait été envoyée à une adresse incomplète. En effet, cette lettre aurait été envoyée à l’adresse indiquée par le requérant dans le formulaire relatif à ses données personnelles de contact, seul formulaire dont il devrait être tenu compte pour les échanges postaux entre les parties. Ainsi, l’éventuel envoi à une adresse incomplète serait la conséquence d’une faute inexcusable du requérant, qui ne saurait être imputable à EUCAP Somalia.

71      En premier lieu, en ce qui concerne la prétendue connaissance par le requérant, en novembre 2019, du contenu de la lettre du 4 novembre 2019, il convient de relever que, bien qu’EUCAP Somalia ait choisi de notifier la lettre du 4 novembre 2019 par l’envoi d’un courrier recommandé le 8 novembre suivant, elle ne rapporte pas la preuve de cette notification, en particulier par la production de l’accusé de réception du courrier recommandé dûment signé par le requérant ou par le dépôt d’un avis de passage à la dernière adresse indiquée par ce dernier. Ainsi, il ne peut être établi que la lettre du 4 novembre 2019 est parvenue au requérant en novembre 2019 et, ainsi, qu’il a pu prendre utilement connaissance à cette date de la décision de résilier le contrat.

72      De plus, le fait que le requérant ait contesté, le 23 décembre 2019, la période d’occupation mentionnée dans le certificat d’emploi du 16 décembre 2019 (voir point 24 ci-dessus), en ce que la date de fin du contrat qui s’y trouvait indiquée, à savoir le 25 novembre 2019, ne correspondait pas à la date de fin du préavis indiquée dans la lettre du 3 décembre 2019, et ait demandé à cette occasion que lui soit communiquée une copie de la lettre du 4 novembre 2019 à laquelle il était fait référence dans la lettre du 3 décembre 2019, corrobore le fait qu’il n’avait pas connaissance du contenu de cette première lettre en décembre 2019.

73      Certes, EUCAP Somalia a envoyé cette lettre à l’adresse mentionnée par le requérant dans le formulaire relatif à ses données personnelles de contact et il est constant entre les parties qu’une telle adresse présentait un caractère incomplet, faute pour le requérant d’avoir mentionné le numéro de voirie.

74      Toutefois, d’une part, il ressort du dossier que le requérant avait, avant l’envoi litigieux, transmis à EUCAP Somalia une adresse complète, incluant le numéro de voirie, dans deux autres formulaires, l’un relatif à l’indication de l’identité d’un ayant droit en cas de décès, transmis en même temps que le formulaire relatif à ses données personnelles de contact, et l’autre relatif à ses coordonnées bancaires, transmis par courriel le 25 septembre 2019.

75      Ainsi, EUCAP Somalia aurait pu, en agissant de manière diligente, mettre le requérant en mesure de prendre utilement connaissance du contenu de la lettre du 4 novembre 2019 en recherchant son adresse complète, qui figurait dans les renseignements qu’il avait fournis. Par conséquent, dans les circonstances particulières de l’espèce, EUCAP Somalia ne saurait se prévaloir du fait que le requérant lui a transmis, dans le formulaire relatif à ses données personnelles de contact, une adresse ne mentionnant pas de numéro de voirie.

76      S’agissant, par ailleurs, des arguments d’EUCAP Somalia tirés du dossier d’aide juridictionnelle du requérant, il est vrai qu’il ressort de ce dossier que le requérant a bénéficié d’une allocation chômage versée par les autorités belges compétentes pour l’ensemble du mois de décembre. Néanmoins, le document faisant la preuve de ce versement est daté du 16 janvier 2020. En outre, il apparaît, à la lecture du recours interne introduit par le requérant le 2 janvier 2020 que, à cette date, il indiquait ne pas être bénéficiaire de ces allocations en raison du caractère incomplet de son dossier administratif. Par conséquent, il ne peut être exclu que l’allocation chômage ait été versée de manière rétroactive à partir d’une date ultérieure au 2 janvier 2020, et sur la base du certificat d’emploi envoyé par EUCAP Somalia au requérant le 16 décembre 2019, faisant mention d’une date de fin de la période d’occupation d’emploi identique à celle de fin de préavis mentionnée dans la lettre du 4 novembre 2019. Il ne peut donc se déduire avec suffisamment de certitude de ce versement rétroactif que le requérant a pu, avant le 16 ou le 23 décembre 2019 ou encore avant le 2 janvier 2020, informer les autorités belges de la décision de résilier le contrat telle que notifiée par la lettre du 4 novembre 2019.

77      De même, la communication par le requérant auprès d’EUCAP Somalia de ses coordonnées complètes, le 26 novembre 2019, ne permet pas de considérer qu’il avait, à cette date, connaissance de la lettre du 4 novembre 2019. Ce rappel du requérant auprès d’EUCAP Somalia, afin de s’assurer que toute notification avait été ou serait envoyée à la bonne adresse, peut s’expliquer par la teneur des informations qu’il avait reçues lors de l’entretien du 14 octobre 2019, impliquant l’attente de la notification ultérieure à son domicile d’une décision d’EUCAP Somalia. En effet, lors de cet entretien, EUCAP Somalia a informé le requérant que cette étape n’avait pas pour finalité, de sa part, de prendre immédiatement une décision concernant le contrat, mais tendait plutôt à lui donner l’occasion de recevoir des explications sur les conditions de vie sur le lieu de travail, à recueillir ses remarques et questions et à l’informer qu’EUCAP Somalia reprendrait contact avec lui concernant les suites envisagées dans un délai d’une semaine. Ainsi, cette communication est en elle-même insusceptible de démontrer que le requérant avait connaissance de la lettre du 4 novembre 2019 à la date du 26 novembre suivant.

78      Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de conclure qu’EUCAP Somalia ne rapporte pas la preuve que le requérant a pris utilement connaissance, en novembre 2019, du contenu de la lettre du 4 novembre 2019. Au demeurant, il ressort du dossier que le requérant a été mis en mesure d’en prendre utilement connaissance à la date du 31 janvier 2020, date à laquelle ladite lettre lui a été effectivement communiquée par EUCAP Somalia en annexe de la décision du 24 janvier 2020.

79      En second lieu, s’agissant de la date de prise de connaissance effective par le requérant du contenu de la lettre du 3 décembre 2019, il est constant entre les parties que la décision de résilier le contrat a été notifiée au requérant par l’envoi, à son adresse complète, de cette lettre, dûment réceptionnée et portée à sa connaissance le 5 décembre suivant.

80      Par conséquent, la décision de résilier le contrat, telle que notifiée par la lettre du 3 décembre 2019, étant une mesure individuelle affectant défavorablement le requérant, ce dernier était fondé à se prévaloir de l’article 21.1 du contrat et à introduire un recours par lettre du 2 janvier 2020, lequel recours doit être qualifié de recours interne contre cette décision.

81      Dès lors que ce recours interne a été introduit par le requérant dans le mois de la prise de connaissance de la lettre du 3 décembre 2019 lui faisant grief, conformément à l’article 21.1 du contrat, le présent recours, introduit conformément à l’article 22.2 du contrat, est recevable. Par conséquent, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par EUCAP Somalia à cet égard.

2.      Sur les violations affectant les actes de notification du préavis et la décision du 24 janvier 2020

82      Dans le cadre de son recours, le requérant ne conteste pas la décision de résilier le contrat en tant que telle ou, en d’autres termes, le droit d’EUCAP Somalia à mettre fin à la relation de travail.

83      Le requérant demande, en revanche, à ce que les actes de notification du préavis et, pour autant que de besoin, la décision du 24 janvier 2020 soient déclarés nuls en ce qu’ils violeraient plusieurs stipulations du contrat ainsi que le droit de l’Union et, le cas échéant, le droit national applicable.

a)      Sur les actes de notification du préavis

84      Au soutien de sa demande à ce que les actes de notification du préavis soient déclarés nuls, le requérant se prévaut en substance, premièrement, de la violation de l’obligation de motivation, deuxièmement, en ce qui concerne en particulier la lettre du 4 novembre 2019, de l’« absence d’effet et de validité » de cette lettre ainsi que de la violation de l’article 21 du contrat et du droit d’être entendu au cours de la procédure de recours interne, troisièmement, de la violation de l’article 18.1 et de l’article 17.2 du contrat et, quatrièmement, de la violation de la loi relative aux contrats de travail dans l’hypothèse où le droit belge serait applicable.

85      Le Tribunal examinera successivement les trois premiers griefs du requérant. S’agissant du quatrième grief, il a été invoqué, en substance, au soutien des deuxième et troisième griefs et sera examiné dans ce cadre.

1)      Sur la violation de l’obligation de motivation

86      Le requérant fait valoir que les actes de notification du préavis doivent être déclarés nuls en ce qu’ils ne comportent aucun exposé des raisons qui sous-tendent la décision de résilier le contrat, en violation de l’obligation de motivation, et ainsi de l’article 41 de la Charte et de l’article 18 du contrat.

87      À cet égard, si le requérant reconnaît que le chef de mission adjoint d’EUCAP Somalia s’est référé, le 25 septembre 2019, à une situation médicale à examiner, il dénonce néanmoins le fait que ce motif de résiliation n’apparaît pas expressément dans ses lettres ultérieures. En outre, la lettre du 3 décembre 2019, en plus de ne pas être accompagnée, en annexe, de la lettre du 4 novembre 2019 qu’elle mentionne, ne ferait état d’aucune base légale ou contractuelle. En particulier, ce ne serait que lors de la lecture du mémoire en défense d’EUCAP Somalia que le requérant aurait eu connaissance du motif tiré de l’inadéquation de son travail et de l’application de l’article 17.2 du contrat. Il estime ainsi ne pas avoir été en mesure de comprendre les motifs de fait et de droit de la décision de résilier le contrat et du préavis d’une semaine que les deux lettres ont fixé. De plus, la décision du 24 janvier 2020, en se contentant de rappeler que le droit belge ne comporte aucune obligation de motiver la rupture d’un contrat à durée déterminée à moins que l’employé ne le requière formellement, ne tiendrait pas compte de ce que le requérant avait expressément sollicité, dans sa lettre du 2 janvier 2020, la communication des motifs de résiliation.

88      EUCAP Somalia fait valoir que la décision du 24 janvier 2020 contient un exposé détaillé des motifs sur lesquels se fonde la décision de résilier le contrat.

89      D’une part, il convient de rappeler que l’obligation de motivation a été inscrite à l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, dont il ressort que les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont obligés de motiver leurs décisions. Ainsi, en vertu de la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus, EUCAP Somalia reste soumise aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 41 de la Charte et était tenue de motiver la décision de résilier le contrat, quand bien même l’article 17 du contrat, dont il a été fait application, ou le droit belge, ne prévoiraient pas expressément une telle obligation. À cet égard, le Tribunal a déjà considéré que l’obligation de motivation s’impose dans un litige de nature contractuelle (arrêt du 21 décembre 2021, EKETA/Commission, T‑177/17, non publié, EU:T:2021:929, point 74).

90      D’autre part, l’étendue de l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 21 décembre 2021, EKETA/Commission, T‑177/17, non publié, EU:T:2021:929, point 75 et jurisprudence citée). Il importe, pour apprécier le caractère suffisant de la motivation, de la replacer dans le contexte factuel et juridique dans lequel s’inscrit l’adoption de l’acte en cause. Ainsi, un acte est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu du destinataire concerné, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, par analogie, arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, points 53 et 54 et jurisprudence citée ; du 24 octobre 2011, P/Parlement, T‑213/10 P, EU:T:2011:617, point 30, et du 27 septembre 2012, Applied Microengineering/Commission, T‑387/09, EU:T:2012:501, points 64 à 67).

91      En l’espèce, en premier lieu, il convient, tout d’abord, de constater que, certes, dans le cadre de la présentation par le requérant du grief tiré de la violation de l’obligation de motivation et de l’article 41 de la Charte, ce dernier se réfère, dans un point de la requête, à la violation de l’article 18 du contrat. Néanmoins, il ressort de la partie de ses écritures consacrée à l’argumentation juridique de ce grief que celui-ci est uniquement rattaché à une prétendue violation de l’obligation de motivation et de l’article 41 de la Charte, sans que la violation de l’article 18 du contrat y soit étayée. Dans ces conditions, l’argument relatif à une prétendue violation de l’article 18 du contrat au titre du grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation et de l’article 41 de la Charte ne saurait être retenu.

92      Ensuite, il convient de souligner que le formulaire relatif à l’état de la situation médicale transmis au requérant au cours de la procédure de recrutement précisait, en introduction, que l’objectif de l’information médicale préalable au déploiement était de s’assurer que tous les candidats avaient reçu un compte rendu médical fiable, de manière à ce que les membres de la mission soient physiquement et mentalement aptes à remplir leurs fonctions dans l’environnement de la mission et à minimiser les risques pour la santé et la sécurité qu’ils pourraient courir. Il était en outre précisé que la disponibilité et le niveau des soins médicaux étaient limités dans tous les lieux de la mission. L’importance de ces informations était également soulignée pour les membres du personnel souffrant d’affections médicales ou psychologiques ou présentant un risque de complications médicales pouvant nécessiter une intervention chirurgicale, les délais de pré-hospitalisation ou d’évacuation étant possiblement longs.

93      En outre, il ressort du courrier du 25 septembre 2019 que le chef de mission adjoint a informé le requérant des inquiétudes dont lui avait fait part le chef de mission quant à l’état de la situation médicale du requérant, sur la base des informations que ce dernier avait données le 10 août 2019 dans le questionnaire médical. Ce courrier précisait la portée du devoir de diligence du chef de mission et attirait à nouveau l’attention du requérant sur l’état restreint des infrastructures médicales au lieu de déploiement contractuellement prévu.

94      Enfin, au cours de l’entretien du 14 octobre 2019, des membres du personnel d’EUCAP Somalia, parmi lesquels se trouvaient le chef de mission adjoint et le médecin-conseil de la CPCC, ont exposé à nouveau au requérant le devoir de diligence de la mission, l’état limité des infrastructures médicales sur le lieu de déploiement effectif et les raisons justifiant l’appréciation d’une inadéquation physique du requérant avec le poste.

95      Il ressort de ces éléments que le requérant avait connaissance, avant la notification de la décision de résilier le contrat par les actes de notification du préavis, du contexte factuel et de la nature des préoccupations d’EUCAP Somalia constituant le fondement de cette décision.

96      En second lieu, il convient de souligner que, le 30 octobre 2020, au moment de l’introduction du présent recours, le requérant avait reçu la décision du 24 janvier 2020, envoyée en réponse à son recours interne. Par conséquent, il y a lieu de tenir compte du contenu de cette lettre afin d’apprécier le respect par EUCAP Somalia de l’exigence de motivation de la décision de résilier le contrat.

97      À cet égard, dans la décision du 24 janvier 2020, le chef de mission a énoncé que « [l]a [m]ission n’a pas eu d’autre choix que de résilier le contrat [du requérant] pour des raisons liées aux conditions de santé et de sécurité de la [mission] sur place (Garowe, Somalie), qui exigent que les membres de la [m]ission soient en parfaite condition physique pour pouvoir faire face aux conditions de vie sur place. Cette condition physique ne se limite pas à l’état physique du personnel international contractuel au moment de la signature de leur contrat, mais aussi à la capacité de la [m]ission à leur fournir un soutien médical en cas de problèmes de santé, en tenant compte de leurs propres besoins médicaux. Le contexte épidémiologique de Garowe présente des risques infectieux qui auraient un impact négatif sur le système immunitaire [du requérant] en raison du traitement immunosuppresseur qu’il suit et de son diabète. En outre, les fréquentes coupures de courant et le risque réel d’une éventuelle évacuation ne garantissent pas la chaîne du froid pour le traitement médical que suit [le requérant] (insuline). Enfin, en cas de problèmes de santé, la mission ne serait pas en mesure de fournir [au requérant] une assistance médicale et/ou un rapatriement adapté à son état et/ou à ses besoins, car la première infrastructure de soins appropriée se trouve à Nairobi (1 683 kilomètres, soit un vol de trois heures et demie) et une évacuation médicale ne peut avoir lieu que dans un délai de 24 à 36 heures. Pour ces raisons et compte tenu de son devoir de diligence en tant qu’employeur, la [m]ission n’a d’autre choix que de mettre fin au contrat [du requérant] ». Cette décision précise en outre que le contrat a été résilié sur la base de l’article 17.2 du contrat et non sur la base de l’article 18.1.

98      Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la décision d’EUCAP Somalia de résilier le contrat, telle que notifiée par les actes de notification du préavis, est intervenue dans un contexte factuel et juridique connu du requérant, qui lui permettait de comprendre la portée de la mesure prise à son égard avant d’introduire le présent recours. Par conséquent, il y a lieu de conclure qu’EUCAP Somalia n’a pas violé l’obligation de motivation qui lui incombait en vertu de l’article 41 de la Charte, d’autant plus que le requérant a bénéficié également des précisions figurant dans la décision du 24 janvier 2020.

2)      Sur l’absence de validité et d’effet de la notification de la décision de résilier le contrat par lettre du 4 novembre 2019 et la violation du droit d’être entendu prévu à l’article 21 du contrat

99      Le requérant sollicite la nullité de la lettre du 4 novembre 2019 en ce qu’elle ne lui aurait été communiquée qu’au travers de la décision de rejet de son recours interne. Au soutien de cette argumentation, d’une part, il invoque que cette lettre ne lui a pas été régulièrement notifiée et ne répond pas aux conditions de validité formelle posées à cet égard en droit belge. D’autre part, il invoque une violation par EUCAP Somalia de l’article 21 du contrat et du droit d’être entendu au cours de la procédure de recours interne.

100    S’agissant de la régularité de la notification de la lettre du 4 novembre 2019, le requérant soutient que l’envoi de cette lettre est irrégulier en ce qu’il a été effectué le 8 novembre suivant au moyen d’un courrier recommandé adressé à une adresse incomplète. Il ajoute que la simple preuve du paiement d’un pli recommandé ne suffit pas à établir la preuve de l’envoi, mais que c’est la preuve de la réception du courrier qui fait foi en droit belge. En outre, la communication ultérieure par EUCAP Somalia, en janvier 2020, de la lettre du 4 novembre 2019 ne pourrait valoir régularisation de l’envoi initial de cette lettre à une adresse erronée et ne pourrait dès lors pas justifier une application rétroactive du préavis qu’elle fixe.

101    Par conséquent, la lettre du 4 novembre 2019 devrait être considérée comme nulle et non avenue et le préavis d’une durée d’une semaine qu’elle fixe serait frappé de nullité absolue, sans pouvoir dès lors produire d’effets à la date prévue, en application de l’article 37, paragraphe 1, quatrième alinéa, de la loi relative aux contrats de travail. Le requérant précise encore que cette nullité vise uniquement la notification du congé moyennant préavis, sans toutefois que cela affecte l’existence du congé, de sorte que la lettre du 4 novembre 2019 ne saurait lui être opposée afin de contester sa demande en vue de l’octroi à son profit d’une indemnité compensatoire de préavis.

102    EUCAP Somalia considère, pour sa part, que le requérant a été formellement informé de la résiliation du contrat par la vraisemblable réception de la lettre du 4 novembre 2019 à la suite de l’envoi du 8 novembre suivant. En outre, elle fait valoir que cette lettre a été communiquée au requérant au moyen d’un courrier recommandé avec accusé de réception notifié à l’adresse qu’il avait lui-même indiquée dans le formulaire relatif aux données personnelles de contact rempli le 10 août 2019. Partant, en application du droit du travail belge, et notamment de l’article 37, paragraphe 1, de la loi relative aux contrats de travail, la notification de ladite lettre serait valable, dans la mesure où le caractère incomplet de l’adresse apposée sur celle-ci serait imputable à une faute inexcusable du requérant. En tout état de cause, EUCAP Somalia soutient que, par l’envoi de la lettre du 3 décembre 2019, elle a, en conformité avec le droit belge, régularisé la notification du préavis.

103    En l’espèce, le contrat ne contient pas de stipulations propres à régler directement la partie du litige relative au respect des règles de validité formelle applicables à la notification par EUCAP Somalia au requérant de la décision de résilier le contrat. Par conséquent, en application de la jurisprudence citée au point 37 ci-dessus, il convient d’appliquer les règles du droit belge afin d’examiner le bien-fondé des arguments que le requérant avance dans le cadre du présent grief.

104    L’article 40, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la loi relative aux contrats de travail, lu conjointement avec l’article 37, paragraphe 1, de cette loi, dispose, notamment, que, lorsque le congé est donné par l’employeur, sa notification ne peut, à peine de nullité, être faite que par lettre recommandée à la poste, produisant ses effets le troisième jour ouvrable suivant la date de son expédition, ou par exploit d’huissier de justice.

105    À cet égard, tout d’abord, c’est à l’employeur qu’il appartient de prouver que la lettre recommandée est parvenue à son destinataire. Lorsque la notification du préavis se fait par lettre recommandée à la poste, la lettre doit être envoyée à l’adresse exacte. Envoyée à une adresse erronée, la lettre recommandée ne peut pas avoir d’effet. L’inefficacité de la notification ne peut pas être couverte par la remise d’une copie de la lettre au travailleur. Ainsi, la notification d’un préavis effectuée par recommandé est nulle si l’adresse figurant sur le récépissé de dépôt est inexacte (cour du travail de Bruxelles, arrêt du 7 novembre 2016, no 2015/AB/742). Par ailleurs, la seule production par l’employeur d’une preuve de paiement d’un envoi recommandé n’est pas suffisante (voir, en ce sens, cour du travail de Bruxelles, arrêt du 22 avril 2016, no 2014/AB/765).

106    Ensuite, le préavis doit, à peine de nullité, être notifié à la dernière adresse dont l’employeur avait connaissance [arbeidshof Brussel (cour du travail de Bruxelles), arrêt du 19 octobre 2012, no 2011/AB/1014]. En d’autres termes, si la notification du préavis a été faite à une adresse erronée alors que l’employeur connaissait ou aurait dû connaître la nouvelle adresse, cette notification est irrégulière et l’employeur est redevable du paiement d’une indemnité de préavis (cour du travail de Gand, arrêt du 14 novembre 2011, J.T.T. 2012, 1124, 1589). Il ne peut toutefois être reproché à un employeur de ne pas s’être conformé à l’obligation de notifier le préavis à l’adresse correcte lorsque l’envoi a été effectué à une adresse incorrecte en raison d’une faute ou d’une négligence du travailleur (cour du travail de Liège, arrêt du 2 mars 2005, J.T.T. 2005, 926, 383). À cet égard, l’employé est tenu d’informer son employeur en temps utile d’un changement d’adresse. Ainsi, il a été jugé que, dans un cas où le travailleur n’avait pas rapporté la preuve qu’il avait averti son employeur de son changement d’adresse, le préavis notifié à l’ancienne adresse du travailleur l’avait été valablement, de sorte que le délai de préavis avait pu courir à la date fixée par l’employeur (cour du travail de Liège, arrêt du 14 janvier 2004, no 27.452-98). Cependant, il n’est pas exclu que l’employeur puisse tenir compte d’autres indices ou d’adresses fournies par l’employé dans un autre contexte (voir, en ce sens, cour du travail de Liège, arrêt du 2 mars 2005, J.T.T. 2005, 926, 383).

107    En outre, la conséquence, en droit belge, d’une erreur commise par l’employeur dans l’apposition de l’adresse de l’employé lors de l’envoi d’une lettre de résiliation d’un contrat de travail est la nullité absolue du préavis indiqué dans cette lettre, qui ne peut être couverte par le travailleur. Le congé est dans ce cas immédiat, sauf si le juge considère après un délai raisonnable que les parties ont renoncé à leur droit de se prévaloir du congé immédiat (Cour de cassation, arrêt du 28 janvier 2008, R.G. no S.07.0056.N ; voir, également, cour du travail de Bruxelles, arrêt du 7 novembre 2016, no 2015/AB/742). En d’autres termes, la nullité du préavis n’affecte pas l’existence du congé (Cour de cassation, arrêt du 6 janvier 1997, J.T.T. 1997, 119). Le travailleur en possession d’un préavis nul peut, dès qu’il a connaissance de la nullité du préavis, notamment, se prévaloir du congé et exiger le paiement immédiat de l’indemnité compensatoire de préavis, ou bien poursuivre l’exécution du contrat jusqu’au terme du préavis notifié irrégulièrement et invoquer à l’échéance le droit à une indemnité compensatoire de préavis (cour du travail de Liège, arrêt du 15 janvier 2008, J.T.T. 2008, 1004, 160).

108    Enfin, aussi longtemps que le travailleur n’a pas invoqué la nullité du préavis pour se prévaloir du congé immédiat, l’employeur peut lui notifier un nouveau préavis conforme aux exigences légales (cour du travail de Liège, arrêts du 15 janvier 2008, R.G. no 8356/2007, et du 17 octobre 2013, no 2012/AL/332). En pareille hypothèse, conformément à l’article 37/1 de la loi relative aux contrats de travail, le délai de préavis commence à courir à compter du lundi suivant la semaine pendant laquelle le nouveau préavis a été notifié.

109    En l’espèce, premièrement, il a été constaté aux points 67 à 78 ci-dessus, d’une part, qu’EUCAP Somalia n’a pas rapporté la preuve des suites effectives de la notification de la lettre du 4 novembre 2019, en particulier par la production d’un accusé de réception dûment signé par le requérant ou par le dépôt d’un avis de passage à la dernière adresse indiquée par ce dernier et, d’autre part, qu’il ne peut être établi que cette lettre a permis au requérant de prendre utilement connaissance à la date du 8 novembre suivant de la décision de résilier le contrat et du préavis fixé à cette fin.

110    Dans ces conditions, en application de la jurisprudence citée au point 105 ci-dessus, la notification de la lettre du 4 novembre 2019, envoyée à une adresse erronée, ainsi qu’en atteste le récépissé d’envoi faisant état d’une adresse incomplète, est entachée d’une irrégularité entraînant la nullité absolue du préavis indiqué dans cette lettre, qui ne peut être régularisée par la communication ultérieure de ladite lettre par EUCAP Somalia au requérant, le 24 janvier 2020.

111    Deuxièmement, il ressort également du point 73 ci-dessus que EUCAP Somalia a envoyé la lettre du 4 novembre 2019 à une adresse incomplète, en raison de l’omission fautive, par le requérant, de la mention du numéro de voirie dans le formulaire relatif à ses données personnelles de contact.

112    Il est vrai que, selon le droit belge mentionné au point 106 ci-dessus, cette omission fautive du requérant pourrait être de nature à exonérer EUCAP Somalia de sa responsabilité de ne pas s’être conformée à l’obligation de notifier le préavis à l’adresse exacte du requérant. Néanmoins, ainsi qu’il a été constaté au point 74 ci-dessus, le requérant avait, avant l’envoi litigieux, communiqué à EUCAP Somalia son adresse complète dans un formulaire relatif à l’indication de l’identité d’un ayant droit en cas de décès, transmis en même temps que le formulaire relatif à ses données personnelles de contact, ainsi que dans un formulaire relatif à ses coordonnées bancaires. Dans ces conditions, EUCAP Somalia, qui avait accès à ces informations, aurait pu rechercher l’adresse la plus complète du requérant parmi les autres renseignements fournis par ce dernier. Partant, la négligence du requérant n’est pas, dans ces circonstances, de nature à exonérer EUCAP Somalia de sa responsabilité dans l’irrégularité de la notification de la lettre du 4 novembre 2019 et, par conséquent, à faire obstacle à la nullité du préavis fixé par cette lettre.

113    Troisièmement, il y a lieu de souligner qu’EUCAP Somalia a adressé au requérant une seconde lettre de notification, le 3 décembre 2019, qui l’informait de la décision de résilier le contrat « moyennant un préavis d’une durée d’une semaine et qui débutera[it] le lundi 9 décembre 2019 ». Le requérant ne conteste pas avoir reçu et pris connaissance du contenu de cette lettre, envoyée par courrier recommandé à son adresse complète. Ainsi, en application de la jurisprudence citée au point 108 ci-dessus, il convient de considérer que la lettre du 3 décembre 2019 emporte, à la date de la réception de celle-ci par le requérant, le 5 décembre suivant, rectification par EUCAP Somalia de l’erreur qu’elle a commise lors de la notification du préavis par lettre du 4 novembre 2019.

114    Quant à l’argument du requérant, soulevé au stade de ses réponses écrites aux questions du Tribunal et par lequel il conteste la régularité du second préavis en raison de son caractère conditionnel, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne soient fondés sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Selon la jurisprudence, cette disposition est applicable également aux griefs ou aux arguments (voir arrêt du 14 juillet 2021, AQ/eu-LISA, T‑164/19, non publié, EU:T:2021:456, point 59 et jurisprudence citée). Cependant, un moyen, ou un argument, qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci, doit être déclaré recevable (voir arrêt du 15 décembre 2021, Oltchim/Commission, T‑565/19, EU:T:2021:904, point 87 et jurisprudence citée).

115    En l’espèce, il y a lieu de relever, d’une part, que l’argument susvisé n’est pas fondé sur des éléments qui se seraient révélés pendant la procédure et, d’autre part, qu’il ne présente pas de lien étroit avec un argument énoncé dans la requête. Par ailleurs, si cet argument a été formulé dans le cadre de la réponse du requérant à une question du Tribunal, il doit être constaté qu’il excède la portée de cette question (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 7 février 2019, RK/Conseil, T‑11/17, EU:T:2019:65, point 54). Partant, cet argument doit être rejeté comme étant irrecevable.

116    Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la lettre du 4 novembre 2019 a été irrégulièrement notifiée par EUCAP Somalia au requérant, en ce qu’elle n’a pas respecté les conditions de validité formelle fixées à cet égard par le droit belge, ce qui emporte la nullité absolue du préavis qu’elle fixe. En revanche, il en ressort également qu’EUCAP Somalia a rectifié cette erreur à partir de la notification, régulière, de la lettre du 3 décembre 2019, qui produit donc ses pleins effets à l’égard du requérant.

117    Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le grief du requérant tiré de l’absence de validité et d’effet de la notification par lettre du 4 novembre 2019 de la décision de résilier le contrat, au soutien du premier de ses chefs de conclusions, sans qu’il soit besoin de statuer sur son argument tiré de la violation de l’article 21 du contrat et de son droit contractuel à être entendu. En effet, cet argument avait été avancé au soutien du premier chef de conclusions, qui est accueilli. Par ailleurs, aucune demande indemnitaire n’est rattachée à cette prétendue violation.

3)      Sur la violation des articles 17.2 et 18.1 du contrat

118    D’une part, le requérant estime que, dès lors qu’il ne s’est pas vu offrir la possibilité de travailler effectivement, sa prestation de travail ne peut être considérée comme une prestation de travail inadéquate et il ne peut être conclu qu’il n’a pas fait preuve des qualités professionnelles suffisantes pour le poste au sens de l’article 17.2 du contrat. Ainsi, EUCAP Somalia aurait dû faire application non pas de l’article 17.2 du contrat, mais de son article 18.1, qui prévoit le droit pour l’une ou l’autre des parties de mettre un terme au contrat à tout moment, dans le respect d’un préavis d’un mois. En décidant d’appliquer un préavis d’une semaine, EUCAP Somalia aurait méconnu les termes à la fois de l’article 17.2 du contrat, qui ne prévoit pas de préavis obligatoire, et de l’article 18.1 de celui-ci, qui prévoit un préavis d’un mois.

119    D’autre part, le requérant souligne que le droit belge interdit, à peine de nullité, de déroger à la suppression des clauses d’essai dans les contrats de travail depuis le 1er janvier 2014. Appliqué au cas d’espèce, ce principe emporterait la nullité de l’article 17.2 du contrat, sur lequel EUCAP Somalia s’est fondée pour résilier le contrat. Par conséquent, la clause d’essai prévue à l’article 17.2 du contrat devrait être privée d’effet et seul l’article 18.1 du contrat, prévoyant un préavis d’un mois, aurait dû recevoir application. En outre, le requérant rappelle que la prétendue irrégularité de la notification de la lettre du 4 novembre 2019 aurait pour conséquence d’entraîner, en application du droit belge, la nullité du préavis d’une durée d’une semaine qu’elle fixe. Le requérant soutient que, en pareil cas, ce droit implique la rupture immédiate du contrat moyennant le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis.

120    Partant, la décision de résilier le contrat telle que notifiée par lettres des 4 novembre et 3 décembre 2019 serait nulle pour violation à la fois des clauses contractuelles et des dispositions du droit belge.

121    Pour sa part, EUCAP Somalia rappelle que, au moment de la décision de résilier le contrat, le requérant se trouvait en période d’essai pour une durée de trois mois, du 8 septembre au 8 décembre 2019. Par conséquent, l’article 17.2 du contrat constituerait la seule base contractuelle de la décision de résilier le contrat.

122    À cet égard, tout d’abord, si EUCAP Somalia reconnaît que le droit du travail belge ne comprend plus de dispositions relatives à la période d’essai, elle estime néanmoins que le Tribunal ne serait pas fondé, lorsque sa compétence repose sur l’article 272 TFUE, à laisser inappliquée une clause du contrat, même si cette clause se révélait contraire au droit national applicable au contrat, dès lors que l’application des clauses librement conclues entre elle et le requérant devrait primer. Ainsi, il conviendrait d’appliquer l’article 17.2 du contrat malgré la désignation du droit belge en tant que droit applicable au contrat.

123    Ensuite, EUCAP Somalia estime n’avoir commis aucune erreur lorsqu’elle a considéré que, sur le fondement de cet article, en raison de contre-indications médicales, le requérant ne présentait pas l’aptitude physique nécessaire à la bonne exécution du contrat.

124    Enfin, elle souligne avoir néanmoins appliqué le droit belge à titre complémentaire et avoir fixé, dans ce cadre, un délai de préavis d’une semaine, conformément à l’article 37, paragraphe 2, et à l’article 40, paragraphe 2, de la loi relative aux contrats de travail, alors même que l’article 17.2 du contrat ne le lui imposait pas. EUCAP Somalia a encore précisé que le mécanisme mis en place à l’article 17.2 du contrat, en ce qu’il prévoit la possibilité de mettre fin unilatéralement au contrat durant les trois premiers mois de la relation contractuelle, se rapproche du droit belge qui permet la rupture unilatérale d’un contrat de travail à durée déterminée au cours de la première moitié de la durée convenue du contrat, dans la limite des six premiers mois.

125    En l’espèce, s’agissant du droit belge, applicable au contrat (voir point 45 ci-dessus), d’une part, la loi concernant l’introduction d’un statut unique entre ouvriers et employés en ce qui concerne les délais de préavis et le jour de carence ainsi que de mesures d’accompagnement du 26 décembre 2013 (Moniteur belge du 31 décembre 2013, p. 104147) a supprimé le droit de prévoir, à compter du 1er janvier 2014, une clause d’essai dans les contrats de travail. Cette suppression vaut à peine de nullité relative de toute clause contraire sur la base de l’article 6 de la loi relative aux contrats de travail, qui prévoit que toute stipulation contraire aux dispositions de la loi et de ses arrêtés d’exécution est nulle pour autant qu’elle vise à restreindre les droits des travailleurs ou à aggraver leurs obligations. D’autre part, elle a introduit la possibilité tant pour l’employeur que pour le travailleur, pendant la première moitié de la durée prévue par un contrat de travail à durée déterminée et dans une limite de six mois, de mettre fin au contrat moyennant le respect de nouveaux délais de préavis, prévus à l’article 37/2, paragraphe 1, de la loi relative aux contrats de travail.

126    Ces dispositions légales belges, qui organisent et assurent la protection des travailleurs, présentent donc une nature impérative.

127    Troisièmement, il est vrai que les parties se sont librement accordées sur l’existence d’une période d’essai de trois mois, du 8 septembre au 8 décembre 2019, et sur les termes de l’article 17.2 du contrat prévoyant, à cette fin, une clause d’essai.

128    Néanmoins, il convient de relever que cette clause d’essai librement convenue entre les parties ne prévoit pas de préavis en cas de résiliation du contrat au cours de la période d’essai considérée, restreignant ainsi les droits du requérant et étendant ses obligations en violation des articles 6 et 37/2 de la loi relative aux contrats de travail.

129    Or, ainsi qu’il résulte du point 45 ci-dessus, ladite clause d’essai ne saurait, à peine de nullité, faire échec aux dispositions impératives du droit matériel belge du travail applicable au contrat.

130    Par conséquent, ainsi que le demande en substance le requérant, il y a lieu de déclarer nulle la clause d’essai prévue entre les parties à l’article 17.2 du contrat et d’en écarter l’application aux fins de la résolution du présent litige.

131    Ainsi, il est vrai que l’application au cas d’espèce de l’article 40, paragraphe 2, de la loi relative aux contrats de travail, lu conjointement avec l’article 37, paragraphe 1, et les articles 37/1 et 37/2 de ladite loi, imposait à EUCAP Somalia de respecter un délai de préavis d’une durée d’une semaine, le requérant appartenant à la catégorie des travailleurs comptant moins de trois mois d’ancienneté.

132    Toutefois, il découle d’une lecture combinée des articles 6, 37/2 et 40 de la loi relative aux contrats de travail que les cocontractants d’un contrat de travail à durée déterminée peuvent prévoir une clause selon laquelle la résiliation de ce contrat reste soumise à un préavis dérogatoire plus long que celui prévu en application de l’article 37/2 de cette loi, dès lors qu’une telle clause augmenterait les droits et allégerait les obligations du travailleur.

133    Tel est le cas en l’espèce. En effet, il convient de rappeler que l’article 18.1 du contrat, dont les termes sont reproduits au point 5 ci-dessus, prévoyait la possibilité d’une rupture unilatérale du contrat moyennant le respect d’un délai de préavis d’une durée d’un mois.

134    Par conséquent, il y a lieu de conclure qu’EUCAP Somalia aurait dû faire application du préavis stipulé à l’article 18.1 du contrat, ce préavis étant plus protecteur du requérant que celui d’une semaine prévu en application des dispositions de la loi relative aux contrats de travail.

135    Dès lors, il y a lieu d’accueillir le grief du requérant tiré de la violation des articles 17.2 et 18.1 du contrat, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les arguments complémentaires du requérant avancés à cet égard.

136    En ce qui concerne les conséquences de cette violation sur la lettre du 3 décembre 2019, il y a lieu de rappeler qu’EUCAP Somalia a régulièrement notifié la décision de résilier le contrat par envoi de la lettre du 3 décembre 2019 reçue par le requérant le 5 décembre suivant (voir point 113 ci-dessus). Ainsi, la décision de résilier le contrat est devenue régulière, valable et opposable au requérant à la date du 5 décembre 2019, et cette décision est devenue définitive à la fin du préavis applicable. En outre, il ressort, en substance, de l’article 40, paragraphe 2, de la loi relative aux contrats de travail que, en droit belge, lorsqu’un congé moyennant préavis est valablement notifié par un écrit mentionnant une durée du préavis, mais que cette durée est insuffisante, le préavis n’est pas nul. Partant, le non-respect du préavis contractuel emporte l’application de la durée de préavis d’un mois contractuellement prévue à l’article 18.1 du contrat, en lieu et place du préavis légal d’une semaine fixé dans cette lettre.

b)      Sur la décision du 24 janvier 2020

137    S’agissant enfin de la demande du requérant visant à ce que soit déclarée nulle la décision du 24 janvier 2020, formulée au titre du troisième chef de conclusions, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens.

138    Or, en l’espèce, aucun élément dans la requête n’est avancé au soutien d’une telle demande, qui semble de plus présenter un caractère conditionnel dès lors qu’elle est formulée « pour autant que de besoin ». En particulier, l’argumentation du requérant tirée d’une violation du droit d’être entendu prévu à l’article 21 du contrat, relatif à la procédure de recours interne, est expressément formulée au soutien du premier de ses chefs de conclusions et ne peut donc être interprétée comme étant avancée au soutien de la demande visant à ce que soit déclarée nulle la décision du 24 janvier 2020. Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième chef de conclusions comme étant irrecevable en application de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

3.      Sur les indemnités demandées

139    Le requérant conclut que, en conséquence de la violation par EUCAP Somalia de ses obligations, celle-ci doit être condamnée, conformément au droit belge applicable, à lui verser, rétroactivement, la rémunération qu’il aurait dû percevoir jusqu’à la date de fin définitive, régulière et légale de la relation contractuelle.

140    Ainsi que le requérant l’a exposé en réponse à une question posée par le Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, par cette demande, d’une part, il vise à obtenir le versement de sa rémunération du 25 novembre 2019 jusqu’à la notification d’une décision de résilier le contrat régulière, valable et opposable, soit jusqu’au 15 décembre 2019, date qui correspond à la fin de la semaine suivant celle au cours de laquelle est intervenue la notification du préavis par la lettre du 3 décembre 2019. D’autre part, il demande le versement d’une indemnité compensatoire de préavis non respecté d’un mois, du 16 décembre 2019 au 15 janvier 2020, en application de l’article 18.1 du contrat, en lieu et place de la semaine de préavis fixée par la lettre du 3 décembre 2019. En outre, il demande que les sommes soient majorées d’un intérêt au taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement majoré de 3.5 points de pourcentage.

141    EUCAP Somalia a, au cours de l’audience, soulevé une fin de non-recevoir tirée de l’absence de clarté et de précision suffisante des conclusions indemnitaires, en raison de difficultés de calcul du fait de l’absence de leur quantification, en temps et en euros, et de leur caractère contradictoire, en violation de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

142    S’agissant, en premier lieu, de la fin de non-recevoir soulevée par EUCAP Somalia tirée du manque de clarté et de précision des conclusions indemnitaires du requérant, il est vrai que les écritures de celui-ci ne sont pas dépourvues d’ambiguïté. Toutefois, il convient de relever que, dans ses réponses écrites aux questions du Tribunal, EUCAP Somalia a procédé à une synthèse des demandes indemnitaires du requérant, faisant observer qu’il demandait que lui soit versée la rémunération du 25 novembre 2019 jusqu’à la notification d’une décision de licenciement valable et opposable et à ce que le délai du contrat soit prolongé afin de solliciter des indemnités de préavis plus importantes. Ainsi, EUCAP Somalia a démontré qu’elle était parvenue à comprendre la teneur des conclusions indemnitaires du requérant, ce que conforte la circonstance selon laquelle elle n’a pas présenté cette fin de non-recevoir au stade de ses écritures. Il s’ensuit que ladite fin de non-recevoir doit être rejetée.

143    En second lieu, il y a lieu de rappeler qu’il ressort des points 109 à 117 ci-dessus que l’irrégularité de la notification de la lettre du 4 novembre 2019, pour non-respect des conditions de validité formelle fixées par le droit belge, emporte la nullité du préavis fixé par cette lettre. Par conséquent, il y a lieu d’accéder à la demande du requérant tendant à ce que lui soit versée rétroactivement la rémunération qu’il aurait dû percevoir jusqu’au terme du contrat.

144    À cet égard, d’une part, il convient de tenir compte du fait que l’article 40, paragraphe 2, de la loi relative aux contrats de travail prévoit que la partie qui résilie le contrat avant l’expiration du terme, durant la première moitié de la durée convenue du contrat et sans que la période de six mois soit dépassée, sans motif grave et sans respecter le délai de préavis fixé à l’article 37/2, est tenue de payer à l’autre partie une indemnité égale à la rémunération correspondant soit à la durée du préavis déterminée en application de l’article 37/2, soit à la partie de ce délai restant à courir, et du fait que l’article 37/1 de la loi relative aux contrats de travail prévoit que le délai de préavis commence à courir le lundi suivant la semaine pendant laquelle le préavis a été notifié.

145    D’autre part, il convient de rappeler que la décision de résilier le contrat est devenue régulière, valable et opposable au requérant à la date du 5 décembre 2019, et que cette décision prend effet définitif à la fin du préavis applicable (voir point 136 ci-dessus).

146    Conformément au droit belge applicable et contrairement à ce qu’invoque le requérant, le terme du contrat devrait être fixé à l’expiration du préavis légal d’une semaine conformément à l’article 37/2 de la loi relative aux contrats de travail, courant à compter du lundi suivant la semaine pendant laquelle le préavis a été régulièrement notifié. En application de ces principes, le préavis aurait commencé à courir le 9 décembre 2019, pour expirer le 16 décembre 2019.

147    Néanmoins, les parties sont convenues spécifiquement, à l’article 18.1 du contrat, d’un préavis contractuel d’une durée supérieure d’un mois, cet article devant recevoir application (voir point 134 ci-dessus). Il y a donc lieu de considérer que le terme du contrat doit être fixé au 9 janvier 2020, soit à l’expiration d’un préavis contractuel d’un mois commençant à courir le lundi suivant la semaine pendant laquelle le préavis a été régulièrement notifié.

148    Dès lors qu’il ressort du dossier que le requérant a bénéficié du versement de sa rémunération jusqu’au 25 novembre 2019, conformément à la lettre du 4 novembre 2019 et au préavis d’une semaine qu’EUCAP Somalia avait posé du 18 au 25 novembre 2019, il y a lieu de conclure qu’EUCAP Somalia doit être condamnée à verser au requérant une somme correspondant à sa rémunération, telle que définie à l’article 12.2 du contrat et due pour la période courant du 26 novembre au 8 décembre 2019 inclus. Toutefois, contrairement à ce que soutient le requérant, cette somme ne comprend pas les indemnités journalières visées à l’article 15 du contrat, dans la mesure où celles-ci sont liées à un déplacement en Somalie. En outre, EUCAP Somalia doit être condamnée à verser au requérant une somme correspondant à une indemnité compensatoire de préavis d’un mois égale à cette rémunération, au titre de la période courant du 9 décembre 2019 au 9 janvier 2020.

149    Par ailleurs, le présent recours étant introduit sur la base de l’article 272 TFUE et du contrat, lequel ne prévoit pas spécifiquement l’application d’un intérêt au taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement majoré de 3,5 points de pourcentage, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande du requérant à ce que les sommes détaillées au point 148 ci-dessus soient majorées de cet intérêt particulier. En revanche, conformément à l’article 10 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs (Moniteur belge du 30 avril 1965, p. 4710), ces sommes doivent être majorées des intérêts au taux légal.

150    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le recours en ce qui concerne les premier et quatrième chefs de conclusions et de le rejeter pour le surplus.

D.      Sur la demande reconventionnelle d’EUCAP Somalia

151    Dès lors que les conclusions principales d’EUCAP Somalia, tendant au rejet du recours, ont été rejetées, il convient d’examiner la demande reconventionnelle qu’elle formule à titre subsidiaire.

152    EUCAP Somalia affirme que le requérant aurait omis de transmettre des données médicales essentielles lors de son recrutement. À cet égard, elle relève avoir eu accès à ces données dans le cadre de la demande d’aide juridictionnelle présentée par le requérant. En particulier, le requérant n’aurait pas indiqué l’ensemble des médicaments qu’il prenait dans le questionnaire médical complété et communiqué le 10 août 2019. En effet, il aurait omis de mentionner cinq médicaments liés à son état immunodépressif, insulino-dépendant et d’hypertension artérielle. Par ailleurs, un autre document ferait état de visites médicales chez des médecins spécialistes, sur une base mensuelle ou bimensuelle, contredisant l’indication par le requérant, dans le questionnaire médical, d’examens effectués sur une base trimestrielle.

153    Par conséquent, EUCAP Somalia formule une demande reconventionnelle, en application du droit civil et du droit du travail belges, en vue de faire déclarer le contrat nul en raison d’un vice de consentement pour dol ou pour faute lourde inexcusable ou encore, à titre subsidiaire, en vue de faire prononcer la résolution du contrat pour force majeure pour raisons médicales.

154    Premièrement, en ce qui concerne la prétendue nullité du contrat en raison d’un vice de consentement pour dol, il convient de relever que le droit belge applicable au contrat prévoit à l’article 1109 du code civil belge qu’« [i]l n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol » et à l’article 1116 de ce même code civil que « [l]e dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté[ ; i]l ne se présume pas, et doit être prouvé ». Aux termes de l’article 1117 du même code, « [l]a convention contractée par erreur, violence ou dol, n’est point nulle de plein droit ; elle donne seulement lieu à une action en nullité ou en rescision ».

155    De plus, la jurisprudence des juridictions belges reconnaît que le dol suppose nécessairement un élément intentionnel et qu’est assimilable au dol la réticence dolosive d’une information, c’est-à-dire un silence d’une partie dissimulant à l’autre partie un fait qui, s’il avait été connu de celle-ci, l’aurait empêchée de contracter (voir, en ce sens, Cour de cassation, arrêts du 16 septembre 1999, R.G. no C.97.0301.N, et du 8 juin 1978, R.G. no 19310). Ainsi, le dol peut être défini comme une manœuvre intentionnelle de l’une des parties en l’absence de laquelle l’autre partie n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.

156    En l’espèce, il n’est pas contesté par les parties que le requérant a informé EUCAP Somalia, avant son recrutement et dans le questionnaire médical attaché au formulaire relatif à l’état de sa situation médicale, d’une opération médicale importante qu’il avait subie, d’une liste des médicaments qu’il prenait, et ainsi de son état de santé général imposant un traitement lourd et un suivi médical particulier et régulier, sur une base trimestrielle (voir point 9 ci-dessus).

157    En outre, les informations que le requérant a transmises à EUCAP Somalia dans ce cadre sont corroborées par plusieurs éléments qu’il a communiqués en annexe à ses réponses écrites aux questions du Tribunal. En effet, aux fins de la démonstration de la véracité des informations qu’il a transmises à EUCAP Somalia, le requérant précise qu’aucun examen médical contraire à ces informations, ni aucune remise en cause de son aptitude médicale n’ont été constatés par le corps médical. Il produit à cet égard trois attestations médicales d’aptitude, établies par des médecins le suivant de manière régulière, et desquelles il ressort que, au 31 juillet 2019, il était « en bon état de santé et apte à travailler à n’importe quel endroit du monde », au 19 septembre 2019, qu’il était suivi une fois tous les six mois pour son diabète et apte à travailler là où il le souhaitait et, au 26 septembre 2019, qu’il était suivi tous les trois mois pour sa transplantation rénale et qu’il était « apte au travail incluant l’Afrique (Somalie) ». À la lecture de ces attestations médicales, le requérant pouvait donc s’estimer, sur cette base, apte à travailler en Somalie.

158    Au regard de la cohérence de ces attestions avec les informations que le requérant a transmises à EUCAP Somalia au cours de la procédure de recrutement et avant la signature du contrat, il y a lieu de considérer que le requérant n’a pas intentionnellement caché d’informations au cours de cette procédure sur son état médical à EUCAP Somalia, contrairement à ce que cette dernière prétend.

159    De plus, il convient de relever que les interrogations d’EUCAP Somalia quant à l’état de la situation médicale du requérant ont été exprimées postérieurement à la signature du contrat, après qu’elle a demandé à un expert de procéder à une étude de la capacité générale des infrastructures médicales en Somalie, sans que cette demande concerne spécifiquement le cas du requérant.

160    Partant, si EUCAP Somalia a décidé de recruter le requérant malgré les informations qu’il lui avait communiquées, et ainsi en connaissance de son état de santé, c’est selon toute vraisemblance parce qu’elle ignorait elle-même, à la date de la signature du contrat, un fait extérieur au requérant, à savoir l’état des infrastructures médicales en Somalie. Ainsi, la signature du contrat avant d’avoir procédé à cette évaluation de la situation générale des infrastructures médicales en Somalie révèle une attitude négligente de la part d’EUCAP Somalia dont elle ne saurait, a posteriori, se prévaloir.

161    Eu égard au contenu des informations transmises par le requérant avant la signature du contrat et à l’erreur d’appréciation commise par EUCAP Somalia au cours de la procédure de recrutement, qui lui est imputable à défaut d’avoir procédé, en temps voulu, à l’évaluation de l’état des infrastructures médicales en Somalie en vue de s’assurer de sa capacité à accueillir le requérant dans des conditions assurant sa santé et sa sécurité, l’absence de mention par le requérant de plusieurs autres médicaments n’est pas, en tout état de cause, de nature à démontrer qu’EUCAP Somalia n’aurait pas conclu le contrat si elle en avait eu connaissance. En d’autres termes, il ne peut être considéré que la non-transmission par le requérant de données supplémentaires a eu pour effet de vicier le consentement d’EUCAP Somalia. De plus, il ressort du point 157 ci-dessus que le requérant pouvait justifier d’un suivi médical effectivement trimestriel.

162    Par conséquent, les conditions d’un dol fixées à l’article 1116 du code civil belge ne sont pas réunies.

163    Deuxièmement, s’agissant de la prétendue faute lourde du requérant, il ressort de l’article 18 de la loi relative aux contrats de travail qu’une telle faute n’entraîne pas la nullité du contrat, mais engage la responsabilité de son auteur. Par conséquent, EUCAP Somalia n’est pas fondée en droit à se prévaloir à titre reconventionnel de la nullité du contrat sur ce fondement.

164    En outre, à supposer qu’une telle faute lourde du requérant soit établie, il conviendrait, en pareil cas, de faire application de l’article 35 de la loi relative aux contrats de travail, qui prévoit que l’employeur peut rompre le contrat pour ce motif, mais qu’il lui revient alors de respecter un préavis « lorsque le fait qui [justifie la rupture] est connu de la partie qui donne congé depuis trois jours ouvrables au moins ». En application de cet article, la prétendue faute lourde du requérant aurait dû conduire à la résiliation du contrat. Or, cette résiliation était déjà intervenue de manière régulière depuis la lettre du 3 décembre 2019. Partant, il y a lieu de rejeter la demande reconventionnelle d’EUCAP Somalia quant à la nullité du contrat en raison d’une faute lourde du requérant comme étant sans objet.

165    Troisièmement, s’agissant de la demande d’EUCAP Somalia, à titre infiniment subsidiaire, de faire prononcer la résolution du contrat pour force majeure pour raisons médicales en application de l’article 26, premier alinéa, de l’article 32, paragraphe 5, et de l’article 34 de la loi relative aux contrats de travail, ainsi que le relève le requérant, l’article 34 de cette loi prévoit en pareille hypothèse une procédure particulière de rupture des contrats de travail, comprenant notamment l’obligation de vérifier la possibilité de réintégrer le travailleur. Or, force est de constater que cette procédure n’a pas été respectée en l’espèce.

166    De plus, ainsi que le rappelle EUCAP Somalia, la force majeure est définie en droit belge comme un évènement imprévisible constituant pour l’employeur et pour le travailleur un obstacle insurmontable empêchant définitivement le premier de fournir un travail et le second d’exécuter celui-ci (Cour de cassation, arrêt du 2 octobre 2000, R.G. no S.00.0021.N).

167    À cet égard, il convient de relever que la faiblesse de l’état du système hospitalier de la Somalie ne constituait pas, pour EUCAP Somalia, un évènement imprévisible, survenu postérieurement à la signature du contrat, dès lors que cette dernière n’a pas démontré que la faiblesse du système hospitalier de la Somalie ne préexistait pas à la signature dudit contrat.

168    En outre, l’état de santé du requérant ne constituait pas pour EUCAP Somalia un évènement imprévisible dès lors que, au regard des informations qu’il avait transmises dans le questionnaire médical avant la signature du contrat, elle aurait pu constater, si elle s’était informée de l’état de la situation générale des infrastructures médicales en Somalie, l’incompatibilité de l’état de santé du requérant avec une éventuelle prise en charge adéquate par les infrastructures médicales alors disponibles en Somalie.

169    Dès lors qu’EUCAP Somalia ne saurait se prévaloir à l’encontre du requérant au titre de la force majeure pour raisons médicales de faits qui existaient avant l’entrée en fonctions de ce dernier, il y a lieu de conclure que la condition d’imprévisibilité nécessaire à la qualification d’un cas de force majeure pour raisons médicales n’est pas satisfaite et de rejeter la demande reconventionnelle d’EUCAP Somalia présentée à titre subsidiaire sur ce fondement et, partant, la demande reconventionnelle d’EUCAP Somalia dans son ensemble.

IV.    Conclusion sur l’ensemble du litige

170    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, d’une part, il y a lieu d’accueillir les griefs du requérant tirés de l’absence de validité et d’effet de la notification par lettre du 4 novembre 2019 de la décision de résilier le contrat et de la violation des articles 17.2 et 18.1 du contrat. Il convient donc de conclure que le requérant a droit à sa rémunération pour la période allant du 26 novembre au 8 décembre 2019 et à une indemnité compensatoire de préavis sur ce fondement. Par conséquent, le recours est accueilli en ce qui concerne les premier et quatrième chefs de conclusions et rejeté pour le surplus. D’autre part, la demande reconventionnelle d’EUCAP Somalia, présentée à titre subsidiaire, est rejetée.

 V.      Sur les dépens

171    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. EUCAP Somalia ayant, pour l’essentiel, succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La notification du préavis figurant dans la lettre du 4 novembre 2019 est nulle.

2)      La résiliation du contrat conclu entre EUCAP Somalia et JC le 21 août 2019 est régulière, valable et opposable à ce dernier à la date du 5 décembre 2019 et prend effet définitif à la fin du préavis d’un mois à compter du 9 décembre 2019 conformément à l’article 18.1 de ce contrat.

3)      EUCAP Somalia est condamnée à verser à JC, d’une part, une somme correspondant à sa rémunération, telle que définie à l’article 12.2 dudit contrat, à l’exclusion des indemnités journalières visées à l’article 15 du contrat, au titre de la période courant du 26 novembre au 8 décembre 2019 inclus et, d’autre part, une somme correspondant à une indemnité compensatoire de préavis d’un mois égale à cette rémunération, au titre de la période courant du 9 décembre 2019 au 9 janvier 2020, ces sommes étant majorées des intérêts au taux légal en application du droit belge.

4)      Le recours est rejeté pour le surplus.

5)      La demande reconventionnelle d’EUCAP Somalia est rejetée.

6)      EUCAP Somalia est condamnée aux dépens.

da Silva Passos

Truchot

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juillet 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : le français


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.