Language of document : ECLI:EU:T:2003:72

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

13 mars 2003(1)

«Pêche - Concours financier communautaire - Réduction du concours - Prescription - Délai raisonnable - Principe de proportionnalité»

Dans l'affaire T-125/01,

José Martí Peix, SA, établie à Huelva (Espagne), représentée par Mes J.-R. García-Gallardo Gil-Fournier et D. Domínguez Pérez, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. L. Visaggio, puis par Mme S. Pardo Quintillán, en qualité d'agents, assistés de Me J. Guerra Fernández, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 19 mars 2001 portant réduction du concours accordé à José Martí Peix, SA, par la décision C (91) 2874 final/11 de la Commission, du 16 décembre 1991, modifiée par la décision C (93) 1131 final/4 de la Commission, du 12 mai 1993, pour un projet de constitution d'une société mixte dans le secteur de la pêche,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. K. Lenaerts, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 28 novembre 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre réglementaire

1.
    Le 18 décembre 1986, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 4028/86, relatif à des actions communautaires pour l'amélioration et l'adaptation des structures du secteur de la pêche et de l'aquaculture (JO L 376, p. 7). Ce règlement, tel qu'il a été modifié, successivement, par le règlement (CEE) n° 3944/90 du Conseil, du 20 décembre 1990 (JO L 380, p. 1), par le règlement (CEE) n° 2794/92 du Conseil, du 21 septembre 1992 (JO L 282, p. 3), et par le règlement (CEE) n° 3946/92 du Conseil, du 19 décembre 1992 (JO L 401, p. 1), prévoit, au titre VI bis (articles 21 bis à 21 quinquies), la possibilité pour la Commission d'accorder aux projets de sociétés mixtes de pêche différentes sortes de concours financiers, d'un montant variable en fonction du tonnage et de l'âge des navires concernés, pour autant que ces projets respectent les conditions qu'il fixe.

2.
    La «société mixte» est définie, à l'article 21 bis du règlement n° 4028/86, comme suit:

«Au sens du présent titre, on entend par société mixte, une société de droit privé comportant un ou plusieurs armateurs communautaires et un ou plusieurs partenaires d'un pays tiers avec lequel la Communauté maintient des relations, liés par une convention de société mixte, destinée à exploiter et éventuellement valoriser les ressources halieutiques situées dans les eaux sous souveraineté et/ou juridiction de ces pays tiers, dans une perspective d'approvisionnement prioritaire du marché de la Communauté.»

3.
    L'article 21 quinquies, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 4028/86 fixe les modalités relatives à l'introduction d'une demande de concours et à la procédure d'octroi de celui-ci. Au paragraphe 3 de ce même article, il est indiqué que, pour les projets ayant bénéficié d'un concours financier, le bénéficiaire doit transmettre à la Commission et à l'État membre un rapport périodique sur l'activité de la société mixte.

4.
    L'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86 dispose:

«Pendant toute la durée de l'intervention communautaire, l'autorité ou l'organisme désigné à cet effet par l'État membre intéressé transmet à la Commission, à sa demande, toute pièce justificative et tout document de nature à établir que les conditions financières ou autres imposées pour chaque projet sont remplies. La Commission peut décider de suspendre, de réduire ou de supprimer le concours, selon la procédure prévue à l'article 47:

-    si le projet n'est pas exécuté comme prévu, ou

-    si certaines des conditions imposées ne sont pas remplies, ou

-    [.]

La décision est notifiée à l'État membre intéressé ainsi qu'au bénéficiaire.

La Commission procède à la récupération des sommes dont le versement n'était pas ou n'est pas justifié.»

5.
    Le 21 juin 1991, la Commission a adopté le règlement (CEE) n° 1956/91 portant modalités d'application du règlement n° 4028/86 en ce qui concerne les actions d'encouragement à la constitution des sociétés mixtes (JO L 181, p. 1).

6.
    L'article 5 du règlement n° 1956/91 dispose que le paiement du concours communautaire n'intervient qu'une fois que la société mixte a été constituée dans le pays tiers concerné et que les navires transférés ont été définitivement radiés du registre communautaire et enregistrés dans un port de pays tiers où la société mixte a son siège. Il ajoute que, lorsque le concours communautaire consiste, en tout ou en partie, en une subvention en capital, cette subvention, sans préjudice desdites conditions, peut faire l'objet d'un premier versement ne devant pas dépasser 80 % du montant total de la subvention accordée. La demande de paiement du solde de la subvention doit être accompagnée du premier rapport périodique relatif à l'activité de la société mixte. Cette demande peut être introduite au plus tôt douze mois après la date de paiement du premier versement.

7.
    Aux termes de l'article 6 du règlement n° 1956/91, le rapport périodique, visé à l'article 21 quinquies, paragraphe 3, du règlement n° 4028/86, doit parvenir à la Commission tous les douze mois pendant trois années consécutives, contenir les données indiquées à l'annexe III dudit règlement n° 1956/91 et être introduit sous la forme prévue à ladite annexe.

8.
    L'article 7 du règlement n° 1956/91 stipule:

«Les États membres tiennent à la disposition de la Commission, pendant une période de trois ans, après le versement du solde du concours communautaire, l'ensemble des pièces justificatives, ou leur copie certifiée conforme, sur base desquelles les aides prévues par le règlement [.] n° 4028/86 ont été calculées, ainsi que les dossiers complets des demandeurs.»

9.
    La partie B de l'annexe I du règlement n° 1956/91 comporte une note, sous le titre «Important», qui se lit comme suit:

«Il est rappelé au(x) demandeur(s) que, pour qu'une société mixte puisse bénéficier d'une prime au sens du règlement [.] n° 4028/86, modifié par le règlement [.] n° 3944/90, celle-ci doit notamment:

-    concerner des navires d'une longueur entre perpendiculaires supérieure à 12 mètres, techniquement appropriés aux opérations de pêche envisagées, en activité depuis plus de cinq ans, battant pavillon communautaire et enregistrés dans un port de la Communauté mais qui seront transférés définitivement vers le pays tiers concerné par la société mixte [.]

-    être destinée à exploiter et éventuellement valoriser les ressources halieutiques situées dans les eaux sous souveraineté et/ou juridiction du pays concerné,

-    viser un approvisionnement prioritaire du marché de la Communauté,

-    être fondée sur une convention de société mixte.»

10.
    Le 18 décembre 1995, le Conseil a adopté le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1), qui dispose notamment ce qui suit:

«Article premier

1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire.

2. Est constitutive d'une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue.

[.]

Article 3

1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité visée à l'article 1er, paragraphe 1. Toutefois, les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans.

Pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à compter du jour où l'irrégularité a pris fin. Pour les programmes pluriannuels, le délai de prescription s'étend en tout cas jusqu'à la clôture définitive du programme.

La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif.

Toutefois, la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l'autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans les cas où la procédure administrative a été suspendue conformément à l'article 6, paragraphe 1.»

Faits à l'origine du litige

11.
    En octobre 1991, la société José Martí Peix, SA (ci-après la «requérante»), a, par l'intermédiaire des autorités espagnoles, présenté à la Commission une demande de concours financier communautaire fondée sur le règlement n° 4028/86 dans le cadre d'un projet de constitution d'une société mixte de pêche hispano-angolaise. Ce projet prévoyait le transfert, en vue d'activités de pêche, de trois navires, le Pondal, le Periloja et le Sonia Rosal, à la société mixte constituée par la requérante, par la société portugaise Iberpesca - Sociedades de Pesca Ltda et par un associé angolais, Empromar N'Gunza.

12.
    Par décision du 16 décembre 1991 (ci-après la «décision d'octroi»), la Commission a accordé au projet visé au point précédent (projet SM/ESP/17/91, ci-après le «projet») un concours communautaire d'un montant maximal de 1 349 550 écus. Cette décision prévoyait que le royaume d'Espagne compléterait le concours communautaire par une aide de 269 910 écus.

13.
    En novembre 1992, la société mixte, dénommée Ibermar Empresa de Pesca Ltda, a été constituée et enregistrée à Luanda, en Angola. En décembre 1992, les trois navires de la société mixte ont été enregistrés dans le port de Luanda.

14.
    Par décision du 12 mai 1993, la Commission a, à la suite d'une demande de la requérante, adopté une décision modifiant la décision d'octroi. La modification a consisté à remplacer, en ce qui concerne l'associé du pays tiers, Empromar N'Gunza par la société Marang, Pesca et Industrias de Pesca Ltda.

15.
    Le 18 mai 1993, la Commission a reçu, par l'entremise des autorités espagnoles, une demande de paiement de la première tranche du concours datée du 10 mai 1993. Cette demande était accompagnée d'une série de documents et de certificats relatifs à la constitution de la société mixte, à l'enregistrement des navires au port de Luanda, à leur radiation du registre communautaire et à l'obtention des licences de pêche requises.

16.
    Le 24 juin 1993, la Commission a payé 80 % du concours.

17.
    Le 20 mai 1994, la requérante a introduit auprès des autorités espagnoles une demande de paiement du solde du concours. Cette demande était accompagnée du premier rapport périodique, couvrant la période d'activité comprise entre le 20 avril 1993 et le 20 avril 1994. Dans ce rapport, il était notamment indiqué ce qui suit:

«Nos objectifs à long terme ont dû être modifiés en raison du naufrage du Pondal le 20 juillet 1993. Nous avons immédiatement demandé aux autorités responsables de la pêche en Angola son remplacement par un autre navire de notre flotte, mais à l'heure de rédiger ce rapport, nous n'avons toujours pas obtenu l'autorisation de procéder à ce remplacement [.]»

18.
    La Commission a reçu la demande visée au point précédent le 7 septembre 1994 et a procédé au paiement du solde du concours le 14 septembre 1994.

19.
    Le 6 novembre 1995, la Commission a reçu le deuxième rapport périodique, daté du 19 juin 1995, couvrant la période d'activité comprise entre le 20 mai 1994 et le 20 mai 1995. Ce rapport mentionnait le naufrage du Pondal le 20 juillet 1993 et faisait état des difficultés rencontrées pour remplacer ce navire en raison des réticences des autorités angolaises.

20.
    Par lettre du 20 décembre 1996, la Commission, n'ayant pas reçu le troisième rapport périodique d'activité, a demandé des informations à ce sujet aux autorités espagnoles, lesquelles lui ont répondu, par lettre du 22 janvier 1997, que ce rapport était en cours d'élaboration.

21.
    Le 20 février 1997, les autorités espagnoles ont reçu une lettre de la requérante, datée du 31 janvier 1997, faisant état de difficultés de gestion de la société mixte liées aux exigences posées par l'associé angolais et sollicitant, en raison de ces difficultés, un changement de pays tiers pour les navires Periloja et Sonia Rosal. Dans cette lettre, la requérante a signalé le transfert de ces deux navires à la société mixte Peix Camerún SARL et demandé l'autorisation de présenter le troisième rapport périodique d'activité dans le contexte de cette dernière société.

22.
    Par une lettre datée du 4 février 1997, parvenue à la Commission le 5 mars 1997, les autorités espagnoles ont transmis à celle-ci les demandes exprimées par la requérante, avec la documentation pertinente, en se déclarant favorables auxdites demandes.

23.
    Le 4 avril 1997, la Commission a répondu aux autorités espagnoles que le troisième rapport périodique d'activité aurait dû être déposé en septembre 1996 et que, par conséquent, ce rapport devait être présenté dans le prolongement des rapports précédents et non dans la nouvelle perspective proposée par la requérante.

24.
    Par lettre du 18 juin 1997, la Commission a demandé aux autorités espagnoles la communication du troisième rapport périodique d'activité dans les plus brefs délais.

25.
    En septembre 1997, le troisième rapport périodique d'activité, couvrant la période comprise entre le 20 mai 1995 et le 20 mai 1996, est parvenu à la Commission. Il y était fait état de comportements de l'associé angolais empêchant la poursuite normale des activités de pêche. Il était indiqué que les derniers déchargements de poissons en provenance de l'Angola remontaient à mars 1995 et que, compte tenu des difficultés liées aux comportements susvisés, les associés communautaires avaient décidé de vendre leurs parts de la société mixte à l'associé angolais et de racheter les navires affectés au projet. Le rapport mentionnait que, après leur rachat, les navires avaient été transférés par la requérante dans un port du Nigeria où ils ont subi des réparations jusqu'en 1996.

26.
    Par lettre du 6 mars 1998, la requérante a, en réponse à une demande présentée par les autorités espagnoles le 26 février 1998, fourni à celles-ci des éclaircissements sur la réalisation du projet. Dans ladite lettre, il était indiqué que les navires de la société mixte avaient quitté les eaux angolaises au cours du premier quadrimestre de l'année 1995. Des documents joints à cette lettre, il ressortait que la cession par les armateurs communautaires de leurs parts de la société mixte à l'associé angolais datait du 3 février 1995.

27.
    Par lettre du 26 juin 1998, la Commission a sollicité auprès des autorités espagnoles des informations concernant l'état du projet. En réponse à cette lettre, lesdites autorités ont adressé à la Commission, le 2 juillet 1998, la lettre de la requérante du 6 mars 1998.

Procédure précontentieuse

28.
    Dans une lettre du 26 juillet 1999 adressée à la requérante et aux autorités espagnoles, M. Cavaco, directeur général de la direction générale «Pêche» de la Commission (DG XIV), a annoncé que, conformément à l'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86, la Commission avait décidé de réduire le concours initialement accordé au projet au motif que, contrairement aux exigences fixées par ledit règlement et par le règlement n° 1956/91, la société mixte n'avait pas exploité pendant trois ans les ressources halieutiques du pays tiers mentionné dans la décision d'octroi du concours. S'agissant du navire Pondal, cette lettre mentionnait que, des documents reçus par la Commission, il était permis de déduire que ce navire avait exercé ses activités du 20 avril au 20 juillet 1993, date de son naufrage, soit durant trois mois, ce qui justifiait une réduction du concours de 160 417 écus. Il était cependant ajouté que le calcul de la Commission était subordonné à l'obtention d'éléments prouvant que le naufrage susvisé a constitué un cas de force majeure. S'agissant des navires Periloja et Sonia Rosal, il était indiqué que, des informations à la disposition de la Commission, il ressortait que ces deux navires avaient exercé leurs activités dans les eaux angolaises pour le compte de la société mixte entre le 20 avril 1993 et le 20 avril 1994 ainsi qu'entre le 20 mai 1994 et le 3 février 1995, date de la vente par la requérante de ses parts dans ladite société, soit durant une période totale de 21 mois, ce qui justifiait une réduction du concours de 114 520 écus. Au total, la réduction envisagée s'élevait donc à 274 937 écus, somme dont la Commission envisageait de réclamer le remboursement à la requérante, l'intégralité du concours lui ayant été antérieurement versée. La lettre indiquait que, à défaut d'accord formel de la requérante, dans les 30 jours, sur la solution proposée, la Commission poursuivrait la procédure de réduction.

29.
    Le 5 octobre 1999, la requérante a adressé à la Commission ses commentaires sur la lettre de cette dernière du 26 juillet 1999. En substance, elle a fourni des éléments visant à démontrer que le naufrage du navire Pondal était un cas de force majeure et a indiqué qu'elle avait tenté de remplacer celui-ci par un autre navire de sa flotte, mais que cela avait été impossible en raison de l'attitude des autorités angolaises. S'agissant des navires Periloja et Sonia Rosal, elle a expliqué que les difficultés provoquées par l'associé angolais l'avaient obligée à transférer l'activité de ces navires vers les eaux camerounaises. Elle a précisé que cette modification avait été portée à la connaissance des autorités espagnoles en janvier 1997. Elle a souligné que les formalités requises pour la constitution et le fonctionnement de la société mixte avaient été accomplies et que les activités de celle-ci avaient visé un approvisionnement prioritaire du marché communautaire.

30.
    Le 9 novembre 1999 s'est tenue une réunion entre la Commission et la requérante.

31.
    À la suite de cette réunion, la requérante a adressé à la Commission, le 18 février 2000, un mémoire d'observations dans lequel elle a excipé de la prescription des faits dénoncés par la Commission et allégué l'existence d'une violation, par celle-ci, des principes de diligence et de bonne administration.

32.
    Par une lettre du 25 mai 2000 adressée à la requérante et aux autorités espagnoles, M. Smidt, directeur général de la DG «Pêche» de la Commission, a exposé que la lecture des documents produits par la requérante le 5 octobre 1999 avait fait apparaître que le naufrage du Pondal était survenu le 13 janvier 1993, et non le 20 juillet 1993 comme la requérante l'avait indiqué jusqu'ici à la Commission, et que, dans ces conditions, l'absence d'allusion audit naufrage dans la demande de paiement de la première tranche du concours présentée par la requérante en mai 1993 et l'indication du 20 juillet 1993 comme date de survenance de ce naufrage dans le premier et dans le deuxième rapport périodique d'activité de la société mixte étaient constitutives d'irrégularités de nature à justifier la suppression de la partie du concours relative au navire concerné. Cette partie du concours correspondant à 525 000 écus, et la Commission confirmant sa position exprimée le 26 juillet 1999 en ce qui concerne les deux autres navires de la société mixte, il était envisagé, dans cette lettre, de porter le montant total de la réduction du concours à 639 520 écus. La lettre exprimait également les objections de la Commission à l'égard des allégations de la requérante relatives à la prescription des mesures de réduction et de récupération envisagées. Elle indiquait que, à défaut pour la requérante de faire part, dans les 30 jours, de son accord sur la solution proposée ou d'éléments susceptibles de justifier un changement de position de la Commission, celle-ci poursuivrait les procédures de réduction et de recouvrement.

33.
    Le 10 juillet 2000, la requérante a adressé à la Commission ses observations sur la lettre de celle-ci du 25 mai 2000. En substance, elle a exposé, en ce qui concerne le navire Pondal, que celui-ci avait fait naufrage le 13 janvier 1993, mais que sa radiation du registre angolais n'était intervenue que le 20 juillet 1993, ce qui expliquait l'absence de mention du naufrage dans la demande de paiement de la première tranche du concours et la référence à cette dernière date dans le premier rapport périodique d'activité. S'agissant des deux autres navires, elle a fait valoir qu'il était établi qu'elle avait communiqué le changement de pays tiers aux autorités espagnoles en janvier 1997. Elle a également allégué sa bonne foi dans cette affaire.

34.
    Le 19 mars 2001, la Commission a adopté une décision réduisant à 710 030 euros le concours accordé au projet et ordonnant à la requérante de lui rembourser la somme de 639 520 euros (ci-après la «décision attaquée»).

Procédure

35.
    C'est dans ce contexte que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 juin 2001, la requérante a introduit un recours tendant à l'annulation de la décision attaquée.

36.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues par l'article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé par écrit une question à la Commission. Celle-ci y a répondu dans les délais impartis.

37.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience du 28 novembre 2002.

Conclusions des parties

38.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours recevable;

-    annuler la décision attaquée;

-    ordonner toute mesure qu'il jugera appropriée afin que la Commission se conforme aux obligations découlant de l'article 233 CE et, en particulier, réexamine la situation;

-    condamner la Commission aux dépens.

39.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme étant non fondé;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur la recevabilité

40.
    Les conditions de recevabilité d'un recours étant d'ordre public, le Tribunal peut les examiner d'office, conformément à l'article 113 du règlement de procédure. Ainsi, il lui appartient de vérifier d'office la recevabilité des différents chefs de conclusions formulés dans la requête.

41.
    En l'espèce, le Tribunal constate que, par le troisième chef de conclusions (voir point 38 ci-dessus), la requérante lui demande d'adresser une injonction à la Commission.

42.
    Or, en vertu d'une jurisprudence constante, le Tribunal ne peut pas, dans l'exercice de ses compétences, adresser une injonction aux institutions communautaires (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, DSM/Commission, C-5/93 P, Rec. p. I-4695, point 36 ; arrêt du Tribunal du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T-145/98, Rec. p. II-387, point 83). En effet, dans le cadre d'un recours en annulation fondé sur l'article 230 CE, la compétence du juge communautaire est limitée au contrôle de la légalité de l'acte attaqué. En cas d'annulation de celui-ci, il incombe alors à l'institution concernée de prendre, au titre de l'article 233 CE, les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt d'annulation (arrêts du Tribunal du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing/Commission, T-67/94, Rec. p. II-1, point 200, et ADT Projekt/Commission, précité, point 84).

43.
    Il s'ensuit que le troisième chef de conclusions doit être écarté comme étant irrecevable.

Sur le fond

44.
    La requérante invoque quatre moyens à l'appui de son recours. Le premier moyen est fondé sur la prescription. Les deuxième, troisième et quatrième moyens, soulevés à titre subsidiaire, sont tirés, respectivement, d'une violation des principes de diligence et de bonne administration, d'une erreur d'appréciation et d'une interprétation erronée du règlement n° 4028/86, et d'une violation du principe de proportionnalité.

45.
    Le Tribunal considère qu'il est indiqué d'examiner d'abord le troisième moyen. Seront ensuite examinés, successivement, les premier, deuxième et quatrième moyens.

Sur le moyen tiré d'une erreur d'appréciation et d'une erreur d'interprétation du règlement n° 4028/86

46.
    Dans le cadre de ce moyen, la requérante soutient que la décision attaquée, en tant qu'elle supprime la partie du concours afférente au navire Pondal, doit être annulée au motif qu'elle repose sur une erreur d'appréciation factuelle (première branche) et sur une erreur d'interprétation du règlement n° 4028/86 (seconde branche).

Sur la première branche

47.
    Dans le cadre de la première branche de ce moyen, la requérante conteste avoir commis une irrégularité en relation avec le naufrage du navire Pondal.

48.
    En premier lieu, elle fait valoir qu'elle n'a jamais nié la survenance de ce naufrage ni tenté de dissimuler celui-ci. Au contraire, elle aurait signalé ce fait à de nombreuses reprises et fourni toutes les informations requises tant à la Commission qu'aux autorités espagnoles. La Commission ne pourrait alléguer que la requérante, en lui communiquant le 20 juillet 1993 comme date du naufrage, lui a transmis de fausses informations, étant donné que cette date, correspondant à la radiation du navire du registre angolais, serait tout aussi indiquée que celle du 13 janvier 1993, date de la disparition physique du navire, pour désigner le naufrage de celui-ci.

49.
    En deuxième lieu, la requérante affirme que le naufrage du navire Pondal a été signalé à la Commission dans le premier rapport périodique d'activité de la société mixte. L'absence de référence au naufrage dans la demande de versement de la première tranche du concours tiendrait à plusieurs éléments.

50.
    Premièrement, la documentation relative à ladite demande aurait été adressée aux autorités espagnoles en décembre 1992 et complétée en janvier 1993. À cette époque, la requérante n'aurait pas disposé d'informations précises sur les circonstances exactes du naufrage, lesquelles n'auraient été connues que le 4 février 1993, et, pour ne pas retarder le commencement des activités des deux autres navires, elle aurait choisi d'adresser sa demande de paiement sans attendre de connaître ces circonstances. Deuxièmement, la radiation du navire du registre angolais ne serait intervenue que le 20 juillet 1993, soit postérieurement à la présentation de la demande susvisée. Troisièmement, le paiement de la première tranche du concours aurait été subordonné à la preuve de la réalisation des démarches administratives relatives à la constitution de la société mixte et à la radiation des navires du registre communautaire, et non à la preuve de l'activité de ces navires. Quatrièmement, les deux autres navires auraient permis la poursuite des activités de la société mixte pendant que la requérante cherchait à remplacer le navire naufragé. Compte tenu de ces différents éléments, le fait que le naufrage du navire Pondal a été signalé à la Commission après l'obtention du certificat de radiation du registre angolais, et non au moment précis de sa survenance, serait sans importance.

51.
    Le Tribunal constate que, aux termes du neuvième considérant de la décision attaquée, l'irrégularité alléguée par la Commission en ce qui concerne le navire Pondal réside dans le fait que la requérante a tu le naufrage de ce navire, survenu le 13 janvier 1993, dans sa demande, datée du 10 mai 1993, tendant au paiement de la première tranche du concours et qu'elle a mentionné, dans le premier rapport périodique d'activité accompagnant la demande de paiement du solde du concours présentée le 20 mai 1994, le 20 juillet 1993 comme date du naufrage du navire.

52.
    Il ressort d'une jurisprudence bien établie que les demandeurs et bénéficiaires de concours sont soumis à une obligation d'information et de loyauté, qui leur impose de s'assurer qu'ils fournissent à la Commission des informations fiables non susceptibles de l'induire en erreur, sans quoi le système de contrôle et de preuve mis en place pour vérifier si les conditions d'octroi du concours sont remplies ne saurait fonctionner correctement (arrêt du Tribunal du 12 octobre 1999, Conserve Italia/Commission, T-216/96, Rec. p. II-3139, point 71). Le juge communautaire a souligné l'importance du respect de cette obligation «pour le bon fonctionnement du système permettant le contrôle d'une utilisation adéquate des fonds communautaires» (arrêt de la Cour du 24 janvier 2002, Conserve Italia/Commission, C-500/99 P, Rec. p. I-867, point 100). À défaut d'informations fiables, des projets ne remplissant pas les conditions requises pourraient en effet faire l'objet d'un concours (arrêt du 12 octobre 1999, Conserve Italia/Commission, précité, point 71).

53.
    Dans ce contexte, la fourniture constante d'informations correctes sur les navires affectés à un projet de société mixte revêt une importance particulière. Il y a lieu, en effet, de souligner, que, en vertu de la réglementation applicable (voir, particulièrement, la partie A de l'annexe I du règlement n° 1956/91), le montant du concours alloué au promoteur du projet est fonction du nombre de navires affectés à la société mixte, de leur tonnage et de leur âge. Les éléments relatifs aux navires transférés à la société mixte constituent donc des données fondamentales du projet subventionné, ainsi que le confirment, en l'espèce, les précisions contenues dans l'annexe de la décision d'octroi et dans l'annexe de la décision modificative du 12 mai 1993 au sujet de l'identité et des caractéristiques techniques des trois navires concernés. Il incombe par conséquent au bénéficiaire du concours d'informer correctement la Commission sur toute évolution concernant la situation des navires affectés au projet, en particulier leur aptitude à contribuer à la réalisation des objectifs assignés au projet en échange de l'octroi du concours, notamment de l'objectif consistant, aux termes de la réglementation applicable (voir l'article 21 bis du règlement n° 4028/86 et la partie B de l'annexe I du règlement n° 1956/91), à exploiter et, éventuellement, à valoriser les ressources halieutiques des eaux du pays tiers concerné en vue d'un approvisionnement prioritaire du marché communautaire.

54.
    En l'espèce, force est de constater, tout d'abord, que la requérante ne conteste pas que la demande de paiement de la première tranche du concours, parvenue à la Commission en mai 1993, ne contenait aucune allusion au naufrage du navire Pondal, survenu le 13 janvier 1993.

55.
    S'agissant de l'argument de la requérante selon lequel elle n'a eu connaissance des circonstances exactes du naufrage du navire Pondal qu'après avoir adressé aux autorités espagnoles les documents relatifs à cette demande, il convient de relever que, en admettant, conformément à la thèse de la requérante, que celle-ci n'a disposé d'informations précises sur ce naufrage que le 4 février 1993 alors qu'elle avait envoyé aux autorités espagnoles lesdits documents en décembre 1992 et en janvier 1993, la Commission n'avait, le 4 février 1993, pas encore procédé au versement de la première tranche du concours. Il ressort en effet des pièces versées au dossier que l'attestation de radiation définitive du navire Pondal du registre communautaire, nécessaire au paiement de cette première tranche en vertu de l'article 5 du règlement n° 1956/91, a été délivrée par les autorités compétentes le 25 mars 1993 et que le contrôle comptable et le contrôle d'éligibilité, qui doivent précéder l'introduction de la demande de paiement en vertu de la partie B de l'annexe II du règlement n° 1956/91, ont été effectués par les autorités espagnoles, respectivement, le 30 avril 1993 et le 5 mars 1993, si bien que ce n'est que le 10 mai 1993 que ces autorités ont adressé à la Commission ladite demande, à laquelle celle-ci a fait droit le 24 juin 1993. Avant que la Commission n'accède à cette demande, la requérante était donc en mesure, et dans l'obligation au titre de son devoir d'information et de loyauté, de signaler la survenance du naufrage du navire Pondal, dès lors que cette circonstance touchait à un élément essentiel de l'octroi du concours.

56.
    Même si, comme le soutient la requérante, le paiement de la première tranche du concours ne dépend pas, aux termes de l'article 5 du règlement n° 1956/91, de la présentation d'un rapport concernant les activités des navires de la société mixte, et quand bien même les deux autres navires affectés à la société mixte auraient été en mesure d'assurer l'activité de ladite société pendant que la requérante cherchait à remplacer le navire Pondal, il est indéniable que la disparition de ce dernier avant le commencement de la période d'activité triennale prévue par la réglementation a constitué une modification majeure des éléments en fonction desquels avait été prise la décision d'octroi, que la requérante se devait de signaler, spontanément et dans les meilleurs délais, aux autorités compétentes. Ce n'est cependant que dans le premier rapport périodique d'activité, adressé aux autorités compétentes le 20 mai 1994, que la requérante a, pour la première fois, évoqué le naufrage du navire Pondal, survenu plus de seize mois plus tôt.

57.
    La requérante ne saurait justifier l'absence de mention du naufrage du navire Pondal dans les documents relatifs à la demande de paiement de la première tranche du concours par le fait que la radiation du navire Pondal du registre angolais n'est intervenue que le 20 juillet 1993. En effet, c'est le naufrage survenu le 13 janvier 1993, et non la radiation du registre angolais intervenue le 20 juillet 1993, qui a rendu le navire Pondal inapte à réaliser l'objectif, assigné au projet, consistant à exploiter les ressources halieutiques de la zone de pêche angolaise en vue d'un approvisionnement prioritaire du marché communautaire. Une fois informée de la survenance du naufrage, la requérante, tenue à une obligation d'information et de loyauté envers la Commission, se devait de signaler sans délai cette circonstance, qui a affecté un élément essentiel du projet, sans attendre la radiation définitive du navire naufragé du registre angolais.

58.
    Ensuite, il convient d'observer que, ainsi qu'il est indiqué au neuvième considérant de la décision attaquée, la requérante a, dans le premier rapport périodique, qui couvrait la période d'activité de la société mixte comprise entre le 20 avril 1993 et le 20 avril 1994, mentionné le 20 juillet 1993 comme date du naufrage du navire Pondal. Ledit rapport contient en effet l'extrait suivant: «Nos objectifs à long terme ont dû être modifiés en raison du naufrage du navire Pondal le 20 juillet 1993.» Ainsi que la Commission le soutient dans la décision attaquée, la requérante a donc fourni, dans le premier rapport périodique d'activité, de fausses informations en ce qui concerne la date du naufrage du navire Pondal, en situant celle-ci au moment de la radiation de ce navire du registre angolais.

59.
    Pour écarter cette accusation, la requérante excipe de l'équivalence, aux fins de l'information sur le naufrage du navire Pondal, entre la date du 13 janvier 1993, correspondant à la disparition physique du navire, et la date du 20 juillet 1993, correspondant à la radiation définitive du navire du registre angolais.

60.
    Cette argumentation doit cependant être rejetée. En mentionnant, dans le premier rapport d'activité, le 20 juillet 1993 comme date de naufrage du navire Pondal, la requérante a en effet entretenu l'impression que le navire Pondal avait exercé des activités de pêche pour le compte de la société mixte pendant la période comprise entre le 20 avril et le 20 juillet 1993. Il convient d'ajouter que, ainsi que le relève, à juste titre, la Commission, les tableaux récapitulatifs des opérations de pêche et des captures réalisées, annexés au premier rapport périodique d'activité, comportaient des indications concernant de prétendues captures réalisées par le navire Pondal dans la zone de pêche de l'Angola au cours de la période susvisée. Contrairement à ce qu'a fait valoir la requérante à l'audience, aucun élément ne permet de soutenir que les indications contenues dans ces tableaux correspondent à des informations qu'elle aurait reçues des autorités douanières durant la période visée par le rapport, mais qui auraient concerné des captures réalisées pour le compte de la société mixte antérieurement à cette période. Au vu des différentes indications contenues dans le premier rapport d'activité et dans les tableaux annexés à celui-ci - indications par ailleurs confirmées dans le deuxième rapport périodique d'activité (voir point 19 ci-dessus) -, la Commission a cru, ainsi que l'atteste sa lettre du 26 juillet 1999 adressée à la requérante et aux autorités espagnoles, que le navire Pondal avait exercé des activités dans les eaux angolaises pendant trois mois - ce qui l'a conduite, dans cette lettre, à n'envisager qu'une réduction pro rata temporis du concours relatif à ce navire - , alors qu'il n'en a rien été. Force est donc de constater que la requérante a, en ce qui concerne ce navire, fourni de fausses informations ayant induit la Commission en erreur. Ce faisant, elle a manqué à son obligation d'information et de loyauté (voir points 52 et 53 ci-dessus).

61.
    Il y a lieu, dans ces conditions, de conclure au bien-fondé de la constatation d'irrégularité faite par la Commission dans la décision attaquée en ce qui concerne le naufrage du navire Pondal.

62.
    La première branche du moyen doit en conséquence être écartée.

Sur la seconde branche

63.
    Dans le cadre de la seconde branche du moyen, la requérante soutient que la réduction du concours, en ce qu'elle est justifiée par l'absence de remplacement du navire naufragé par un autre navire, manque de base légale. En effet, à la différence du règlement (CE) n° 2792/1999 du Conseil, du 17 décembre 1999, définissant les modalités et conditions des actions structurelles de la Communauté dans le secteur de la pêche (JO L 337, p. 10), actuellement en vigueur, la législation applicable à l'époque des faits litigieux n'aurait pas prévu l'obligation de procéder à un tel remplacement.

64.
    Toutefois, force est de constater que, dans la décision attaquée, la Commission ne formule pas de critique concernant l'absence de remplacement du navire Pondal. Ainsi qu'il a été relevé au point 51 ci-dessus, ses constatations d'irrégularité portent, en ce qui concerne ce navire, sur un manquement de la requérante à son devoir d'information loyale.

65.
    La seconde branche du moyen doit, en conséquence, être écartée.

66.
    Au vu des considérations qui précèdent, le moyen tiré d'une erreur d'appréciation et d'une interprétation erronée du règlement n° 4028/86 doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le moyen fondé sur la prescription

67.
    Dans le cadre de ce moyen, la requérante soutient que la décision attaquée doit être annulée, car, au moment de l'adoption de celle-ci, les faits ayant motivé la réduction du concours étaient prescrits.

68.
    Elle fait valoir que le principe de la prescription, qui est un principe général de droit pénal commun aux ordres juridiques nationaux, est également applicable au domaine administratif. En outre, en vertu de la jurisprudence, la fixation des délais de prescription ne relèverait pas du pouvoir souverain de la Commission, mais de la compétence du législateur communautaire (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 14 décembre 1972, Boehringer/Commission, 7/72, Rec. p. 1281, et du 27 mars 1990, Italie/Commission, C-10/88, Rec. p. I-1229, publication sommaire). Or, la législation spéciale (règlements n° 4028/86 et n° 1956/91) et générale (règlement n° 2988/95) applicable au cas d'espèce comporterait différentes dispositions prévoyant des délais de prescription.

69.
    En effet, en premier lieu, il découlerait de l'article 44, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 4028/86 (voir point 4 ci-dessus) que la faculté pour la Commission de procéder à la récupération de sommes dont le versement n'était pas justifié est limitée à la durée de la période d'intervention communautaire, laquelle expirerait au moment de la présentation du troisième rapport périodique d'activité de la société mixte. Les faits devraient dès lors être considérés comme étant prescrits après l'examen de ce rapport, lequel nécessiterait deux mois, comme l'examen d'une mesure d'aide d'État notifiée (voir arrêt de la Cour du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, Rec. p. 1471). En l'espèce, le troisième rapport périodique d'activité aurait été présenté le 3 juillet 1997, si bien que les faits litigieux seraient prescrits depuis le 3 septembre 1997.

70.
    En deuxième lieu, il ressortirait de l'article 7 du règlement n° 1956/91 (voir point 8 ci-dessus) que la Commission ne peut plus demander d'informations aux autorités nationales concernées ni, partant, réduire ou supprimer le concours à l'expiration d'un délai de trois ans à compter du versement du solde dudit concours. Il s'ensuivrait que, en l'espèce, les faits sont, en vertu de cet article, prescrits depuis le 20 juin 1997.

71.
    En troisième lieu, l'article 3 du règlement n° 2988/95 (voir point 10 ci-dessus) prévoirait un délai de prescription des poursuites de quatre ans à compter de la réalisation de l'irrégularité. Appliquée au cas d'espèce, cette disposition signifierait que les poursuites engagées par la Commission le 26 juillet 1999 à propos de l'irrégularité prétendument liée au naufrage du navire Pondal étaient prescrites, puisqu'à cette date plus de quatre ans s'étaient écoulés depuis ce naufrage, survenu le 13 janvier 1993. La décision attaquée aurait en outre été adoptée plus de huit ans après la survenance de celui-ci. Tant le premier que le deuxième rapport périodique auraient clairement fait état du naufrage, de sorte que l'irrégularité prétendument commise par la requérante en ce qui concerne ce navire ne pourrait pas être considérée comme une irrégularité continue au sens du règlement susmentionné.

72.
    S'agissant des deux autres navires de la société mixte, la requérante conteste le caractère irrégulier de l'interruption des activités de ces navires en 1995 et en 1996 et de leur transfert vers un autre pays sans autorisation préalable de la Commission. Elle soutient que, en pratique, la Commission autorise un changement de pays d'activité lorsque l'objectif structurel du projet est préservé. En outre, elle aurait entendu garantir la rentabilité des navires concernés en les déplaçant en dehors des eaux angolaises et en les transférant à une société mixte bénéficiaire d'un concours financier communautaire. En tout état de cause, les poursuites entreprises par la Commission le 26 juillet 1999 seraient également prescrites en application de l'article 3 du règlement n° 2988/95, étant donné qu'à cette date plus de quatre ans s'étaient écoulés depuis la radiation de ces navires du registre angolais en mars 1995.

73.
    La requérante conteste que la lettre des autorités espagnoles du 26 février 1998 puisse être qualifiée d'acte interruptif de prescription. Elle soutient que l'administration espagnole ne peut pas être considérée comme une autorité compétente au sens de l'article 3 du règlement n° 2988/95 étant donné que l'unique obligation de cette administration est de collaborer avec la Commission, seule autorité compétente pour suspendre, réduire ou supprimer un concours. En tout état de cause, la lettre susvisée n'aurait pas été liée à une demande de la Commission, mais aurait fait suite à une demande d'information émanant de la Cour des comptes dans le cadre de la préparation de son rapport n° 18/98 concernant les mesures communautaires visant à promouvoir la création de sociétés mixtes dans le secteur de la pêche (JO 1998, C 393, p. 1, ci-après le «rapport de la Cour des comptes»).

74.
    Le Tribunal rappelle que, pour remplir sa fonction consistant à assurer la sécurité juridique, un délai de prescription doit, en principe, être fixé d'avance par le législateur communautaire (voir, notamment, arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, points 19 et 20, et du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48/69, Rec. p. 619, points 47 et 48; arrêts du Tribunal du 17 octobre 1991, de Compte/Parlement, T-26/89, Rec. p. II-781, point 68, et du 15 septembre 1998, BFM et EFIM/Commission, T-126/96 et T-127/96, Rec. p. II-3437, point 67). La fixation de la durée et des modalités d'application du délai de prescription relève de la compétence du législateur communautaire (arrêt ACF Chemiefarma/Commission, précité, point 20). Par ailleurs, en matière de prescription, une application par analogie de dispositions législatives étrangères au cas d'espèce n'est pas possible (arrêt BFM et EFIM/Commission, précité, point 68).

75.
    Dans ce contexte, il convient d'abord de vérifier si les dispositions législatives invoquées par la requérante contiennent un délai de prescription et sont applicables en l'espèce.

76.
    S'agissant de l'article 44, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 4028/86, il fait peser sur les autorités nationales concernées un devoir de collaboration avec la Commission, en les obligeant, pendant toute la durée de l'intervention communautaire, à transmettre à celle-ci, à sa demande, toute pièce justificative et tout document de nature à établir le respect des conditions d'octroi du concours. Il ne traite pas de la prescription des actions de la Commission en matière de suspension, de réduction ou de suppression d'un concours.

77.
    S'agissant de l'article 7 du règlement n° 1956/91, il prévoit l'obligation pour les États membres de tenir à la disposition de la Commission, pendant une période de trois ans après le versement du solde du concours, l'ensemble des pièces justificatives, ou leur copie certifiée conforme, sur la base desquelles le concours a été calculé, ainsi que les dossiers complets des demandeurs. Il ne fixe pas de délai de prescription concernant les actions de la Commission en matière de suspension, de réduction ou de suppression d'un concours.

78.
    S'agissant de l'article 3 du règlement n° 2988/95, il convient de constater qu'il fixe, au paragraphe 1, un délai de prescription des poursuites de «quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité». La notion d'irrégularité, définie au paragraphe 2 de l'article 1er, vise, aux fins de l'application de ce règlement, «toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue» (voir point 10 ci-dessus).

79.
    À défaut d'indication en sens contraire, il y a lieu de considérer que la notion d'irrégularité définie à l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2988/95 par référence au sens large qui lui a été conféré à l'article 1er dudit règlement couvre aussi bien les irrégularités intentionnelles ou causées par négligence, pouvant, conformément à l'article 5 de ce règlement, conduire à une sanction administrative, que les irrégularités justifiant uniquement l'adoption d'une mesure administrative visée à l'article 4 du règlement. Par conséquent, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le point de savoir si la réduction du concours décidée en l'espèce doit, ainsi que le soutient la Commission, être regardée comme une mesure administrative au sens de l'article 4 du règlement susvisé ou, ainsi que l'affirme la requérante, comme une sanction administrative au sens de l'article 5 dudit règlement, il y a lieu de conclure à l'applicabilité de l'article 3 de ce règlement aux irrégularités en cause dans la présente affaire.

80.
    Il convient, dans ces conditions, de vérifier le bien-fondé de la thèse de la requérante fondée sur la prescription des faits en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2988/95.

81.
    S'agissant, premièrement, des faits relatifs au naufrage du navire Pondal, il convient de rappeler que l'irrégularité constatée, à juste titre, dans la décision attaquée consiste dans le fait que la requérante a, dans un premier temps, caché la survenance de ce naufrage et, dans un deuxième temps, communiqué une date erronée concernant celui-ci. Les comportements reprochés à la requérante en relation avec le naufrage du navire Pondal doivent être regardés comme étant constitutifs d'une irrégularité continue, au sens de l'article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 2988/95, en ce qu'ils ont eu un objet identique, à savoir un manquement de la requérante à son devoir d'information et de loyauté en ce qui concerne ce naufrage. Il y a donc lieu de considérer, conformément à cette même disposition, que, s'agissant de l'irrégularité relative au navire Pondal, le délai de prescription a commencé à courir «à compter du jour où l'irrégularité a pris fin».

82.
    À cet égard, si, certes, la requérante a signalé la survenance du naufrage du navire Pondal dans le premier rapport périodique d'activité de la société mixte adressé aux autorités espagnoles le 20 mai 1994, ce n'est, ainsi qu'elle l'a admis à l'audience, que dans son mémoire daté du 5 octobre 1999, contenant ses commentaires sur la lettre de la Commission du 26 juillet 1999, qu'elle a, pour la première fois, indiqué à la Commission la date exacte de ce naufrage, à savoir le 13 janvier 1993, et non le 20 juillet 1993 comme elle l'avait mentionné jusque-là. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l'irrégularité liée au manquement de la requérante à son devoir d'information et de loyauté en ce qui concerne le naufrage du navire Pondal a pris fin le 5 octobre 1999. La requérante ne saurait, dans ces conditions, exciper de la prescription des faits constatés dans la décision attaquée en relation avec ce navire.

83.
    S'agissant, deuxièmement, des navires Periloja et Sonia Rosal, il ressort du cinquième considérant de la décision attaquée que l'irrégularité alléguée par la Commission tient au fait que ces deux navires ont été radiés du registre angolais en mars 1995, n'ont plus exercé d'activité dans les eaux angolaises en 1995 et en 1996 et ont été transférés vers les eaux du Cameroun, sans autorisation préalable de la Commission, à une date indéterminée.

84.
    Dans le cadre du présent moyen, la requérante objecte, dans son argumentation consacrée à l'article 3 du règlement n° 2988/95, que, en pratique, la Commission a pour habitude d'autoriser un changement de pays tiers lorsque l'objectif structurel du projet est préservé. En outre, la requérante aurait entendu garantir la rentabilité des navires concernés en les déplaçant en dehors des eaux angolaises et en les transférant à une société mixte connue de la Commission, puisqu'elle bénéficiait également d'un concours financier communautaire (voir point 72 ci-dessus).

85.
    De tels arguments ne sauraient cependant remettre en cause le bien-fondé de la constatation d'irrégularité faite par la Commission. Il convient en effet de rappeler que, aux termes de l'article 21 bis du règlement n° 4028/86, qui définit la société mixte au sens dudit règlement, l'objectif de la création d'une telle société consiste à exploiter et éventuellement à valoriser, dans une perspective d'approvisionnement prioritaire du marché communautaire, les ressources halieutiques situées dans les eaux sous souveraineté et/ou sous juridiction du pays tiers concerné par la constitution de la société.

86.
    Au vu des indications reproduites au point précédent, il est indéniable que l'exploitation, par les navires affectés à la création d'une société mixte, de la zone de pêche du pays tiers dont provient le partenaire de l'armateur communautaire impliqué dans le projet constitue un élément essentiel de la réalisation du projet. Ainsi que la Commission le souligne, à juste titre, dans ses écritures, le respect de la zone de pêche concernée est une condition indispensable à la bonne gestion et à la stabilité des relations internationales entretenues par la Communauté avec les États côtiers tiers dans le cadre de la politique de la pêche, objectif souligné tant au treizième considérant du règlement n° 3944/90 ayant modifié le règlement n° 4028/86 qu'au troisième considérant du règlement n° 1956/91.

87.
    C'est pourquoi le règlement n° 1956/91 exige que des informations précises soient fournies à la Commission, au moment de la demande d'octroi du concours, lors des demandes de paiement de la première tranche et du solde du concours octroyé et dans les rapports périodiques d'activité de la société mixte, sur les zones d'exploitation des navires affectés au projet (annexes I à IV dudit règlement). C'est également pour cette raison que, dans la partie B de l'annexe I du règlement n° 1956/91, la Commission attire spécialement l'attention des demandeurs d'un concours financier communautaire sur le fait que l'octroi d'un tel concours est subordonné, notamment, au fait que la société mixte soit destinée à exploiter et, éventuellement, à valoriser les ressources halieutiques situées dans les eaux du pays tiers concerné (voir point 9 ci-dessus).

88.
    En l'espèce, la requérante ne conteste pas l'exactitude des allégations de la Commission contenues au cinquième considérant de la décision attaquée (voir point 83 ci-dessus), dont il se dégage que les navires Periloja et Sonia Rosal n'ont pas exploité durant trois ans les eaux angolaises, contrairement à l'exigence posée par la décision d'octroi lue en corrélation avec la réglementation applicable.

89.
    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure au bien-fondé de la constatation d'irrégularité faite dans la décision attaquée en relation avec les navires Periloja et Sonia Rosal.

90.
    Il convient à présent de vérifier si, comme le soutient la requérante, les faits constitutifs de l'irrégularité relative aux navires Periloja et Sonia Rosal étaient prescrits au moment de l'engagement des poursuites de la Commission.

91.
    À cet égard, les faits reprochés en ce qui concerne les navires Periloja et Sonia Rosal doivent être regardés comme étant constitutifs d'une irrégularité continue, au sens de l'article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 2988/95, ayant perduré jusqu'au 20 mai 1996, date correspondant, selon le troisième rapport périodique d'activité de la société mixte, à la fin de la période triennale d'activité obligatoire de ladite société et à laquelle l'irrégularité a pris définitivement la forme alléguée dans la décision attaquée, à savoir l'absence d'activité des deux navires susvisés dans les eaux angolaises pendant quinze des 36 mois constitutifs de la période susvisée. Dans ces conditions, le délai de prescription de quatre ans doit, conformément à cette même disposition du règlement n° 2988/95, être considéré comme ayant couru «à compter du jour où l'irrégularité a pris fin», soit, en l'occurrence, le 20 mai 1996.

92.
    En vertu de l'article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 2988/95, la prescription est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité.

93.
    En l'espèce, la Commission a adressé à la requérante, le 26 juillet 1999, une lettre l'informant de l'ouverture d'une procédure de réduction liée à des irrégularités concernant, notamment, l'activité des navires Periloja et Sonia Rosal. Il ressort de l'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86 (voir point 4 ci-dessus) que la Commission était l'autorité compétente, au sens de la disposition visée au point précédent, pour réduire le concours accordé sur la base dudit règlement. En outre, la lettre du 26 juillet 1999 doit, ainsi que la requérante elle-même l'indique (voir points 71 et 72 ci-dessus), être considérée comme visant à la poursuite des irrégularités susmentionnées. Dans ces conditions, elle doit être regardée comme un acte interruptif de prescription au sens de l'article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 2988/95.

94.
    Par conséquent, même en considérant, sur la base d'une lecture littérale de l'article 3, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 2988/95, que le délai de prescription de quatre ans fixé par cette disposition court, s'agissant d'une irrégularité continue, à compter du jour où ladite irrégularité a pris fin quand bien même l'autorité compétente n'aurait, comme en l'espèce, eu connaissance de cette irrégularité que plus tard, il y a lieu de constater que l'envoi de la lettre du 26 juillet 1999, survenu avant l'expiration du délai de quatre ans ayant pris cours le 20 mai 1996, a interrompu ledit délai et a eu pour effet de faire courir un nouveau délai de quatre ans à compter du 26 juillet 1999. Il s'ensuit que, au moment de l'adoption de la décision attaquée, les faits constitutifs de l'irrégularité relative aux navires Periloja et Sonia Rosal n'étaient pas frappés de prescription.

95.
    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la prescription.

Sur le moyen tiré d'une violation des principes de diligence et de bonne administration

96.
    Dans le cadre de ce moyen, la requérante soutient que la décision attaquée doit être annulée au motif qu'elle viole l'obligation d'agir dans un délai raisonnable, laquelle relève du devoir général de diligence et de bonne administration. La Commission serait en effet demeurée inactive pendant une longue période, alors qu'elle aurait disposé de toutes les informations requises. L'adoption de la décision attaquée constituerait, dans ces conditions, une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

97.
    La requérante soutient que, conformément à une jurisprudence constante, il existe un principe général de droit communautaire, fondé sur les exigences de sécurité juridique et de bonne administration, en vertu duquel l'administration a l'obligation d'exercer ses pouvoirs dans des limites temporelles déterminées, au nom de la protection de la confiance légitime placée en elle par les administrés (arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, Boehringer/Commission, 45/69, Rec. p. 769, point 6; du 3 mars 1982, Alpha Steel/Commission, 14/81, Rec. p. 749; du 26 février 1987, Consorzio Cooperative d'Abruzzo/Commission, 15/85, Rec. p. 1005, et conclusions de l'avocat général M. Mischo sous cet arrêt, Rec. p. 1014 ; arrêt de la Cour du 24 novembre 1987, RSV/Commission, 223/85, Rec. p. 4617; arrêt du Tribunal du 24 avril 1996, Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, T-551/93, T-231/94 à T-234/94, Rec. p. II-247). La Commission n'agirait pas avec la diligence requise et méconnaîtrait les exigences de sécurité juridique et de bonne administration en cas de demande de remboursement d'un concours financier après un laps de temps excessivement long.

98.
    En l'espèce, la Commission aurait décidé d'engager une action tendant à la récupération partielle du concours après la publication du rapport de la Cour des comptes, qui aurait critiqué tant la gestion du projet que la passivité de la Commission dans cette affaire. Pourtant, les informations transmises par les autorités espagnoles à la Cour des comptes en vue de l'élaboration de ce rapport auraient été préalablement communiquées à la Commission.

99.
    En n'engageant des poursuites que cinq ans après le paiement du solde du concours, la Commission n'aurait pas agi dans un délai raisonnable. Elle ne pourrait exciper, pour sa défense, de l'attitude de la requérante ou de celle des autorités espagnoles. La requérante aurait en effet constamment collaboré, en signalant spontanément la survenance des faits litigieux et en adressant la documentation sollicitée par les autorités nationales, alors que la Commission n'aurait pris aucune initiative ni sollicité aucune information complémentaire auprès de qui que ce soit.

100.
    S'agissant du navire Pondal, la requérante aurait signalé le naufrage de celui-ci dans le premier rapport périodique d'activité et aurait fait état, dans les deuxième et troisième rapports périodiques, des difficultés rencontrées pour remplacer ce navire. Ces informations auraient été à nouveau communiquées aux autorités espagnoles, à la demande de ces dernières, en mars 1998. La Commission ne pourrait se retrancher derrière le fait que deux dates différentes lui ont été indiquées en ce qui concerne le naufrage susvisé, dès lors que, dès le 20 mai 1994, date de la présentation du premier rapport périodique d'activité, ses services auraient été mis au courant dudit naufrage. Bien qu'informée du naufrage dès cette date, la Commission aurait procédé au versement de l'intégralité du concours et n'aurait, pendant plus de cinq ans, entrepris aucune action ni sollicité aucune information complémentaire au sujet de ce naufrage.

101.
    S'agissant du transfert des deux autres navires en dehors des eaux angolaises et de la dissolution de la société mixte, ces faits auraient été exposés dans le troisième rapport périodique d'activité ainsi que dans une lettre adressée spontanément par la requérante aux autorités espagnoles en vue d'obtenir l'autorisation de changer de pays tiers. Les autorités espagnoles auraient transmis la demande de la requérante à la Commission, mais celle-ci ne se serait jamais prononcée à son égard.

102.
    Le Tribunal rappelle que le respect du principe du délai raisonnable est un principe général de droit communautaire que la Commission est tenue de respecter dans le cadre de ses procédures (voir arrêt du Tribunal du 22 octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T-213/95 et T-18/96, Rec. p. II-1739, point 56).

103.
    En l'espèce, il y a lieu de constater que la présente affaire a été caractérisée par des périodes d'inaction de la Commission. Ainsi, environ neuf mois se sont écoulés, sans qu'il soit démontré que la Commission ait entrepris une quelconque démarche à l'égard des autorités espagnoles ou de la requérante, entre le mois de septembre 1997 - époque à laquelle la Commission a reçu le troisième rapport périodique d'activité, dans lequel il était mentionné que les derniers déchargements de poissons en provenance de l'Angola remontaient à mars 1995, que, compte tenu des difficultés liées au comportement de l'associé angolais, les associés communautaires avaient décidé de vendre leurs parts de la société mixte à l'associé angolais et de racheter les navires affectés au projet et que, après leur rachat, les navires avaient été transférés dans un port du Nigeria où ils ont subi des réparations jusqu'en 1996 - et le 26 juin 1998 - date de la lettre par laquelle la Commission, au vu des indications contenues dans ce rapport périodique, a sollicité auprès des autorités espagnoles des précisions concernant la réalisation du projet.

104.
    Plus d'un an s'est ensuite écoulé, sans action de la Commission, entre le 2 juillet 1998 - date à laquelle la Commission a reçu des autorités espagnoles la lettre de la requérante du 6 mars 1998 contenant des éclaircissements sur l'état du projet et indiquant que les navires de la société mixte avaient quitté les eaux angolaises au cours du premier quadrimestre de l'année 1995, et des documents faisant apparaître que la cession par les armateurs communautaires de leurs parts dans la société mixte à l'associé angolais datait du 3 février 1995 - et le 26 juillet 1999 - date à laquelle la Commission a fait savoir aux autorités espagnoles et à la requérante qu'elle avait décidé d'engager une procédure de réduction du concours.

105.
    Toutefois, la violation du principe du respect du délai raisonnable, à la supposer établie, ne justifie pas une annulation automatique de la décision attaquée (arrêts du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T-305/94 à T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94, Rec. p. II-931, point 122, et du 30 mai 2002, Onidi/Commission, T-197/00, RecFP p. I-A-69 et II-325, point 96).

106.
    La requérante soutient que l'adoption de la décision attaquée après l'écoulement de longues périodes d'inaction de la Commission a porté atteinte à sa confiance légitime.

107.
    Il convient cependant de rappeler qu'il est de jurisprudence constante que le principe de protection de la confiance légitime ne peut pas être invoqué par une entreprise qui s'est rendue coupable d'une violation manifeste de la réglementation en vigueur (arrêt de la Cour du 12 décembre 1985, Sideradria/Commission, 67/84, Rec. p. 3983, point 21; arrêts du Tribunal Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, cité au point 97 ci-dessus, point 76, et du 29 septembre 1999, Sonasa/Commission, T-126/97, Rec. p. II-2793, point 34). Dès lors qu'il ne respecte pas une condition essentielle à laquelle l'octroi du concours était subordonné, le bénéficiaire de celui-ci ne peut pas se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime en vue d'empêcher la Commission de réduire le concours qui lui avait été octroyé (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, Branco/Commission, T-142/97, Rec. p. II-3567, points 97 et 105 à 107).

108.
    Or, en l'espèce, il s'avère établi, d'une part, que la requérante a dissimulé à la Commission, dans un premier temps, la survenance du naufrage du navire Pondal et, dans un second temps, la date exacte de ce naufrage, alors que l'obligation d'information et de loyauté qui pèse sur les demandeurs et bénéficiaires de concours est inhérente au système de concours institué en matière de pêche et essentielle pour son bon fonctionnement. D'autre part, la requérante n'a pas satisfait à la condition, essentielle, d'octroi du concours liée à l'exploitation des eaux angolaises pendant trois ans, les deux autres navires de la socité mixte ayant en effet quitté lesdites eaux après seulement 21 mois d'activités de pêche.

109.
    Il convient d'ajouter que la Commission n'a jamais fourni à la requérante - ce que cette dernière ne soutient d'ailleurs pas - d'assurance précise selon laquelle elle renoncerait à opérer une réduction du concours en l'espèce. Au contraire, dès la lettre de la Commission du 26 juillet 1999, il est clairement apparu que l'intention de celle-ci était de procéder à la réduction du concours. À cet égard, la présente affaire se distingue fondamentalement du cas ayant donné lieu à l'arrêt RSV/Commission, invoqué par la requérante (cité au point 97 ci-dessus), dans le cadre duquel la Cour a reconnu l'existence d'une confiance légitime dans le chef du bénéficiaire d'une aide d'État illégale en raison de la durée excessivement longue de la procédure menée entre la Commission et l'État membre concerné.

110.
    Dans ces conditions, la requérante ne saurait utilement faire valoir que l'écoulement de délais prétendument importants entre deux actions de la Commission a porté atteinte à sa confiance légitime quant au caractère définitivement acquis du concours qui lui avait été octroyé.

111.
    La requérante ne peut pas non plus alléguer l'existence d'une violation du principe de sécurité juridique. Il y a en effet lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, s'il convient de veiller au respect des impératifs de la sécurité juridique protégeant des intérêts privés, il importe également de mettre ces impératifs en balance avec les impératifs tirés de la protection des intérêts publics et de promouvoir ces derniers lorsque le maintien d'irrégularités est de nature à violer le principe d'égalité de traitement (voir, notamment, arrêts de la Cour du 22 mars 1961, Snupat/Haute Autorité, 42/59 et 49/59, Rec. p. 101, plus particulièrement p. 159 à 161, et du 12 juillet 1962, Hoogovens/Haute Autorité, 14/61, Rec. p. 485, plus particulièrement p. 516 à 523; arrêt Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, cité au point 97 ci-dessus, point 76). Par conséquent, si l'écoulement de délais durant lesquels la Commission n'entreprend aucune démarche à l'égard d'une entreprise est éventuellement de nature à violer le principe de sécurité juridique, l'importance du critère tiré de la longueur du délai doit cependant être nuancée en fonction des cas d'espèce (arrêt Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, cité au point 97 ci-dessus, point 119).

112.
    En l'espèce, dès lors qu'est établie l'existence d'irrégularités graves au regard de la réglementation applicable et des obligations d'information et de loyauté pesant sur la requérante en tant que bénéficiaire d'un concours financier communautaire, le principe de sécurité juridique, à supposer qu'il ait été affecté en raison de l'écoulement de périodes d'inaction de la Commission, doit, en tout état de cause, s'effacer au profit des impératifs de protection des intérêts financiers de la Communauté.

113.
    Il convient encore de souligner que le maintien intégral du concours en dépit de l'existence de telles irrégularités, outre qu'il constituerait une incitation à la fraude, serait de nature à porter atteinte à l'égalité de traitement des bénéficiaires de concours en matière de pêche (voir arrêt Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, cité au point 97 ci-dessus, point 120), en ce qu'il signifierait l'application à la requérante du traitement réservé aux bénéficiaires de concours ayant scrupuleusement satisfait à leurs obligations, alors que, contrairement à ces derniers, elle n'a pas agi de la sorte.

114.
    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le moyen tiré d'une violation des principes de diligence et de bonne administration.

Sur le moyen tiré d'une violation du principe de proportionnalité

115.
    Dans le cadre de ce moyen, la requérante soutient que la décision attaquée, en ce qu'elle réduit la partie du concours afférente aux navires Periloja et Sonia Rosal, doit être annulée au motif qu'elle constitue une mesure disproportionnée par rapport à l'irrégularité alléguée. Elle invoque cinq éléments à l'appui de sa thèse.

116.
    En premier lieu, elle fait valoir que la Commission a omis de prendre en compte le fait que le départ des navires Periloja et Sonia Rosal de l'Angola, leur radiation du registre angolais en mars 1995 et leur transfert à une autre société mixte détenue par elle sont intervenus en raison des mauvaises relations avec l'associé angolais et ont été motivés par sa volonté de garantir la continuité de ses activités, la viabilité économique de ses navires et l'approvisionnement prioritaire du marché communautaire. À la suite de leur rachat par l'armateur communautaire et de leur radiation du registre angolais, les navires susvisés auraient été immobilisés pendant près de deux ans au Nigeria, où ils auraient subi des réparations, puis ledit armateur serait parvenu à les faire immatriculer au Cameroun et à obtenir les licences de pêche nécessaires, de sorte qu'actuellement ils opéreraient dans les eaux camerounaises dans le cadre d'une société mixte approuvée par la Commission. La requérante aurait préféré attendre l'accord des autorités locales avant de demander l'autorisation de changer de pays tiers. Une fois cet accord obtenu, elle aurait introduit sa demande en proposant à la Commission de présenter un rapport périodique rendant compte des activités de ces navires au Cameroun au-delà de la fin de la période d'intervention communautaire, et ce dans le but de pallier la suspension temporaire préalable de leurs activités. La Commission ne se serait cependant jamais prononcée sur cette demande.

117.
    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que le mode de calcul de la réduction pro rata temporis appliqué en l'espèce est également contraire au principe de proportionnalité. En effet, la Commission aurait ramené le concours relatif aux deux navires concernés au niveau de la prime de transfert définitif vers un pays tiers, alors que l'objectif structurel de la société mixte, à savoir la poursuite des activités de ces deux navires en vue de l'approvisionnement prioritaire du marché communautaire, aurait été constamment assuré.

118.
    En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission a omis de prendre en compte les circonstances, mentionnées au point 116 ci-dessus, qui traduisent pourtant l'absence d'intention frauduleuse et de négligence grave dans son chef. En outre, la Commission n'aurait pas tenu compte de la bonne foi de la requérante, qui aurait constamment collaboré avec ses services en fournissant à ceux-ci tous les renseignements requis et en les informant des activités des navires même après la fin de la période d'intervention communautaire.

119.
    En quatrième lieu, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir pris en considération le soutien manifesté par les autorités espagnoles à l'égard de sa demande de changement de pays tiers.

120.
    En cinquième lieu, la requérante soutient que la décision attaquée, qui l'oblige à rembourser une grande partie du concours qui lui avait été accordé près de dix ans auparavant, a des effets négatifs importants sur sa situation, alors que le seul reproche qui puisse lui être adressé tient au non-respect d'une pure formalité administrative, à savoir la nécessité d'obtenir l'autorisation préalable de la Commission pour un changement de pays tiers.

121.
    À titre liminaire, le Tribunal relève que ce moyen est dirigé contre la décision attaquée uniquement en tant que celle-ci emporte réduction du concours octroyé pour les navires Periloja et Sonia Rosal. Le moyen examiné ne vise pas la décision de la Commission en tant qu'elle porte suppression du concours octroyé pour le navire Pondal.

122.
    Cette précision étant faite, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, consacré par le troisième alinéa de l'article 5 CE, exige, selon une jurisprudence constante, que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir, notamment, arrêt de la Cour du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 25; arrêt du Tribunal du 19 juin 1997, Air Inter/Commission, T-260/94, Rec. p. II-997, point 144).

123.
    Il y a lieu d'ajouter que, s'agissant de l'évaluation d'une situation complexe, ce qui est le cas en matière de politique de la pêche, les institutions communautaires jouissent d'un large pouvoir d'appréciation (arrêts de la Cour du 5 octobre 1999, Espagne/Conseil, C-179/95, Rec. p. I-6475, point 29, et du 25 octobre 2001, Italie/Conseil, C-120/99, Rec. p. I-7997, point 44). En contrôlant la légalité de l'exercice d'un tel pouvoir, le juge doit se limiter à examiner si cet exercice n'est pas entaché d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ou si l'institution n'a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 février 1996, France et Irlande/Commission, C-296/93 et C-307/93, Rec. p. I-795, point 31).

124.
    En l'espèce, il y a lieu de relever que, aux termes de l'article 44, paragraphe 1, premier tiret, du règlement n° 4028/86, la Commission peut décider de réduire le concours «si le projet n'est pas exécuté comme prévu». Or, dans la présente affaire, il s'avère que, sans que cela ait été préalablement autorisé par la Commission, les deux navires ont, avant la fin de la période triennale d'activité obligatoire de la société mixte, quitté définitivement les eaux angolaises, qu'ils étaient censés exploiter en vertu de la décision d'octroi, de sorte que le projet n'a pas été réalisé comme prévu. La Commission était donc fondée à réduire le concours relatif à ces deux navires.

125.
    Il convient en outre de souligner que la Commission a tenu compte du fait que le concours accordé à la requérante, notamment pour les navires Periloja et Sonia Rosal, était composé de deux éléments, à savoir, «d'une part, un montant équivalant à celui de la prime pour le transfert définitif dans un pays tiers et, d'autre part, un montant proportionnel à la période d'activité exercée par les navires concernés dans les eaux de l'Angola par rapport à la période réglementaire de 36 mois, calculé par mois échu et déduction faite du montant correspondant à la prime pour le transfert définitif» (onzième considérant de la décision attaquée). Elle a, ce que la requérante ne nie pas, fait porter la réduction uniquement sur la partie du concours liée à la période d'activité des navires dans les eaux angolaises, sans remettre en cause le montant accordé au titre du transfert définitif de ces navires dans un pays tiers.

126.
    La requérante ne conteste pas les indications figurant dans la décision attaquée (treizième considérant), selon lesquelles les deux navires concernés n'ont été actifs dans les eaux angolaises que durant 21 mois. Il ressort en outre de ce même considérant de la décision attaquée que, contrairement à l'allégation de la requérante, le concours afférent à ces deux navires n'a pas été ramené au niveau de la prime pour transfert définitif, mais a été réduit, s'agissant de la partie liée à la période d'activité des navires, à concurrence de 15/36e (2 x 57 260 euros), c'est-à-dire en fonction de la durée de la période d'inactivité des navires dans les eaux angolaises, rapportée à la période réglementaire de 36 mois. Cette réduction pro rata temporis apparaît donc tout à fait proportionnée au regard du manquement constaté.

127.
    Même à admettre, conformément à la thèse défendue par la requérante, que les deux navires concernés aient continué à pourvoir à l'approvisionnement prioritaire du marché communautaire après leur départ des eaux angolaises en 1995 - ce dont il est permis de douter dès lors que, aux dires de la requérante, ces navires ont été immobilisés pendant près de deux ans au Nigeria pour cause de réparation -, il n'en demeure pas moins que, ainsi qu'il a été souligné aux points 85 à 87 ci-dessus, la condition relative à l'exploitation des eaux du pays tiers visé par la décision d'octroi, en l'occurrence les eaux angolaises, revêt une importance fondamentale pour la gestion de la politique communautaire de la pêche et des relations avec les pays tiers. Son non-respect constitue donc un manquement à une condition essentielle d'octroi du concours et justifie par conséquent la réduction pro rata temporis décidée en l'espèce.

128.
    À cela s'ajoute le fait que la requérante a, ainsi que la Commission le souligne dans ses écritures, manqué à son devoir d'information et de loyauté. En effet, dans le deuxième rapport périodique, daté du 19 juin 1995, couvrant la période d'activité de la société mixte comprise entre le 20 mai 1994 et le 20 mai 1995, la requérante, bien qu'elle ait certifié sur l'honneur la fiabilité des informations contenues dans ce rapport, n'a aucunement fait mention de la cessation des activités des deux navires concernés dans les eaux de l'Angola, de leur radiation du registre angolais et de la vente de ses parts détenues dans la société mixte, intervenues au cours de cette période. Ce n'est que le 31 janvier 1997, soit près de deux ans après la survenance des faits litigieux, qu'elle a, pour la première fois, fait part aux autorités espagnoles des difficultés de gestion de la société mixte liées aux exigences posées par l'associé angolais et du transfert des deux navires à une société mixte établie au Cameroun, et sollicité un changement de pays tiers et l'autorisation de présenter le troisième rapport périodique d'activité en fonction du nouveau contexte d'activité de ces navires. Ce n'est que dans le troisième rapport périodique d'activité, adressé à la Commission en septembre 1997, qu'elle a clairement indiqué que les derniers déchargements de poissons en provenance de l'Angola remontaient à mars 1995, que, compte tenu des difficultés liées au comportement de l'associé angolais, les associés communautaires avaient décidé de vendre leurs parts de la société mixte audit associé et de racheter les navires affectés au projet et que, après leur rachat, les navires avaient été transférés par la requérante dans un port du Nigeria où ils ont subi des réparations jusqu'en 1996.

129.
    Force est donc de constater que, pendant environ deux ans, la requérante a dissimulé à la Commission le non-respect d'une condition essentielle d'octroi du concours.

130.
    De l'analyse qui précède (points 124 à 129), il ressort que, contrairement à l'allégation de la requérante, l'irrégularité commise par celle-ci en relation avec les navires Periloja et Sonia Rosal ne réside pas uniquement dans le non-respect d'une prétendue formalité administrative liée à la nécessité d'une autorisation préalable de la Commission pour un changement de pays tiers. Une condition essentielle de l'octroi du concours, à savoir l'exploitation, par les deux navires concernés, des ressources halieutiques angolaises pendant trois ans, n'a pas été remplie. En outre, la requérante a, pendant environ deux ans, dissimulé le fait que ces navires avaient quitté les eaux angolaises. De tels éléments constituent des violations graves d'obligations essentielles pour le fonctionnement du système de concours financiers communautaires en matière de pêche. Les arguments de la requérante tirés des circonstances particulières ayant conduit au transfert des navires vers un autre pays tiers, de sa bonne foi dans cette affaire et de l'avis favorable exprimé à l'époque par les autorités espagnoles au sujet du changement de pays tiers ne sont pas de nature à écarter la réalité et la gravité des manquements constatés en relation avec les activités des navires Periloja et Sonia Rosal.

131.
    De l'examen de ce moyen, il ressort que la requérante n'a pas démontré que la réduction décidée en l'espèce par la Commission en ce qui concerne le concours relatif aux navires Periloja et Sonia Rosal ait été disproportionnée au regard des manquements reprochés et de l'objectif de la réglementation en cause.

132.
    Il importe encore d'ajouter que, en matière de concours financiers communautaires, la Commission peut, en présence d'un manquement à une obligation dont le respect revêt une importance fondamentale - comme, en l'espèce, l'obligation pour la société mixte d'exercer pendant la période réglementaire ses activités de pêche dans les eaux de l'Angola et l'obligation d'informer loyalement la Commission sur la situation et les activités des navires affectés à cette société -, décider de supprimer le concours sans enfreindre le principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 octobre 1995, Cereol Italia, C-104/94, Rec. p. I-2983, point 24). Le juge communautaire a jugé que la possibilité qu'une irrégularité soit sanctionnée non par la réduction du concours à concurrence du montant correspondant à cette irrégularité, mais par la suppression complète du concours est seule à même de produire l'effet dissuasif nécessaire à la bonne gestion des ressources du fonds structurel concerné (arrêt du 24 janvier 2002, Conserve Italia/Commission, cité au point 52 ci-dessus, point 101).

133.
    Au vu des considérations qui précèdent, la violation alléguée du principe de proportionnalité n'est pas établie et le présent moyen doit être écarté.

134.
    Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours.

Sur les dépens

135.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante est condamnée aux dépens.

Lenaerts
Azizi

Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 mars 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: l'espagnol.