Language of document : ECLI:EU:C:2021:357

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

5 mai 2021 (*)

« Pourvoi – Dessin ou modèle communautaire – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑29/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 18 janvier 2021,

Tinnus Enterprises LLC, établie à Plano, Texas (États-Unis), représentée par Mes A. Odle et R. Palijama, advocaten,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Koopman International BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes G. van den Bergh et B. Brouwer, advocaten,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente de la Cour, MM. M. Ilešič et E. Juhász (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et de l’avocat général E. Tanchev, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Tinnus Enterprises LLC demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 18 novembre 2020, Tinnus Enterprises/EUIPO – Mystic Products et Koopman International (Installations pour la distribution de fluides) (T‑574/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2020:543), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 juin 2019 (affaire R 1002/2018-3), relative à une procédure de nullité entre Mystic Products Import & Export et Koopman International, d’une part, et Tinnus Enterprises, d’autre part.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, de ce règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que son pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, justifiant, selon elle, son admission.

7        La requérante allègue que la question importante est celle de savoir si, par l’arrêt attaqué, le Tribunal, en appliquant de manière erronée l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), a ouvert la porte à une limitation de la protection des dessins ou modèles, qui serait contraire à l’objectif et aux règles prévues par ce règlement ainsi que par la directive 98/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 1998, sur la protection juridique des dessins ou modèles (JO 1998, L 289, p. 28).

8        En particulier, elle reproche au Tribunal d’avoir constaté que, dès lors que l’une des caractéristiques de l’apparence des éléments individuels d’un produit est exclusivement imposée par sa fonction technique, le dessin du produit concerné est, dans son ensemble, exclu de la protection en tant que dessin en vertu du règlement no 6/2002. Elle soutient que l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement devrait être appliqué de sorte que seules les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique ne doivent pas être prises en considération afin d’examiner si les autres caractéristiques du dessin remplissent les conditions de protection.

9        À cet égard, la requérante fait valoir que le Tribunal aurait commis une erreur en n’examinant, au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, qu’une seule des caractéristiques de l’apparence de certains composants du produit en cause, à savoir, la forme. Elle allègue que, après avoir constaté, à tort, que la forme de l’un des composants était exclusivement imposée par la fonction technique du produit, le Tribunal a jugé, au point 47 de l’arrêt attaqué, qu’aucune autre caractéristique de l’apparence n’est susceptible de faire l’objet d’une protection étant donné qu’il est « logique » que les caractéristiques de l’apparence du produit dans son ensemble coïncident nécessairement avec celles des éléments individuels qui le composent. Selon la requérante, le Tribunal aurait alors négligé d’examiner, au regard du considérant 10 du règlement no 6/2002, si d’autres caractéristiques d’un dessin  ou modèle remplissent les exigences requises aux fins de la protection relative à la nouveauté et au caractère individuel en vertu de l’article 4, paragraphe 1, ainsi que des articles 5 et 6, dudit règlement.

10      Ce faisant, le Tribunal aurait, selon la requérante, appliqué de manière erronée les critères énoncés par la Cour dans son arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172). D’ailleurs, elle soutient que, si cet arrêt énonce les critères servant à déterminer que les caractéristiques pertinentes de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par sa fonction technique, il n’explique pas ce qu’il convient d’entendre par la notion de « caractéristiques de l’apparence d’un produit ». En effet, l’absence de définition de cette notion exigerait son interprétation autonome et uniforme dans toute l’Union, qui doit être recherchée en tenant compte du contexte et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause. La requérante allègue que, par ledit arrêt, la Cour n’a pas dissipé les doutes quant à la question de savoir si un dessin peut conférer des droits sur les autres caractéristiques de l’apparence d’un produit lorsque ses éléments individuels comportent une caractéristique de l’apparence qui est exclusivement imposée par sa fonction technique.

11      À titre liminaire, il convient de relever que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).

12      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 3 septembre 2020, Gamma-A/EUIPO, C‑199/20 P, non publiée, EU:C:2020:662, point 10 et jurisprudence citée).

13      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

14      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

15      En l’occurrence, force est de constater d’emblée que, bien que la requérante invoque l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal qui soulèverait, selon elle, une question importante, elle ne fournit pas la moindre indication sur les raisons concrètes pour lesquelles cette question devrait être importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

16      En particulier, concernant l’argumentation résumée au point 8 de la présente ordonnance, il suffit de constater qu’elle repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, le Tribunal a rappelé, au point 23 de l’arrêt attaqué, que les caractéristiques exclusivement fonctionnelles du dessin ou modèle en cause ne doivent pas être prises en considération pour apprécier si d’autres caractéristiques de celui-ci remplissent les conditions d’obtention de la protection. Ensuite, contrairement à ce que soutient la requérante, il a jugé, au point 24 de l’arrêt attaqué, qu’il ressort de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et du considérant 10 de ce règlement que, s’il est conclu qu’au moins l’une des caractéristiques de l’apparence du produit concerné n’est pas exclusivement imposée par la fonction technique dudit produit, le dessin ou modèle en cause reste valide et confère une protection à cette caractéristique.

17      S’agissant de l’argumentation évoquée au point 9 de la présente ordonnance, la requérante cherche, en réalité, à remettre en cause l’appréciation factuelle effectuée par le Tribunal lors de l’examen des caractéristiques de l’apparence du produit concerné. Or, une telle argumentation ne saurait exposer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 11 février 2020, Rutzinger-Kurpas/EUIPO, C‑887/19 P, non publiée, EU:C:2020:91, point 14 et jurisprudence citée).

18      En tout état de cause, il convient de souligner que ladite argumentation résulte d’une lecture tronquée de l’arrêt attaqué. En effet, le Tribunal a constaté, au point 34 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours ayant considéré que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné étaient imposées par sa fonction technique et ayant, dès lors, conclu à la nullité du dessin ou modèle contesté, il n’y avait pas lieu qu’elle examine sa nouveauté et son caractère individuel. En outre, il a rappelé, au point 48 de l’arrêt attaqué, que la requérante elle-même avait convenu que les quatre éléments individuels du produit concerné constituaient bien les caractéristiques de son apparence.

19      S’agissant de l’argumentation résumée au point 10 de la présente ordonnance, en ce qu’elle est tirée de l’application erronée des critères énoncés par l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), il y a lieu de relever que la requérante ne précise pas les critères qu’elle prétend être erronément appliqués ni les points de cet arrêt qui auraient été à cet égard méconnus, et ne démontre pas, conformément aux exigences énoncées au point 13 de la présente ordonnance, en quoi cette méconnaissance, à la supposer établie, soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifierait l’admission du pourvoi. Dans la mesure où la requérante soutient que la notion de « caractéristiques de l’apparence d’un produit » exige une interprétation uniforme dans l’Union, il convient de constater qu’elle n’indique pas les raisons concrètes susceptibles de démontrer qu’une prise de position de la Cour à cet égard serait importante au regard de l’unité, de la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

20      Dans ces conditions, il convient de conclure que l’argumentation présentée par la requérante à l’appui de sa demande d’admission de son pourvoi n’est pas de nature à établir que ce dernier soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

21      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

22      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

23      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Tinnus Enterprises LLC supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.