Language of document : ECLI:EU:T:2023:612

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

11 octobre 2023 (*)

« Culture – Programme “Europe créative” (2014 à 2020) – Sous-programme “Média” – Appel à propositions EACEA/22/2019 – Décision de l’EACEA rejetant une candidature pour non-respect des conditions d’éligibilité – Décision de la Commission rejetant le recours administratif relatif à la décision de l’EACEA – Notion d’“entreprise européenne” – Subvention ouverte uniquement aux candidats détenus, directement ou par participation majoritaire, par des ressortissants des États membres de l’Union ou par des ressortissants des autres pays européens participant au sous-programme – Erreurs de droit et d’appréciation – Égalité de traitement – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑760/21,

DCM Film Distribution GmbH, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Mes A. Huttenlauch, M. Klasse et P. Hesse, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. H. van Vliet, Mmes T. Isacu de Groot et E. Stamate, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture (EACEA), représentée par M. H. Monet, Mme S. Dorémus et M. N. Sbrilli, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. J. Schwarcz et W. Valasidis (rapporteur), juges,

greffier : M P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 22 mars 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, DCM Film Distribution GmbH, demande l’annulation de la décision d’exécution C(2021) 7095 final de la Commission, du 28 septembre 2021, rejetant le recours administratif introduit, au titre de l’article 22, paragraphe 1, du règlement (CE) no 58/2003 du Conseil, du 19 décembre 2002, portant statut des agences exécutives chargées de certaines tâches relatives à la gestion de programmes communautaires (JO 2003, L 11, p. 1), contre la décision de l’Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture (EACEA) du 2 juillet 2021 rejetant sa demande de subvention présentée dans le cadre de l’appel à propositions « Soutien à la distribution de films non nationaux – Système d’aide automatique à la distribution et aux agents commerciaux » (EACEA/22/2019) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        La requérante est une société de droit allemand, qui exerce ses activités dans le secteur de la distribution et de la production d’œuvres cinématographiques.

3        En vertu de la décision d’exécution 2013/776/UE de la Commission, du 18 décembre 2013, instituant l’EACEA et abrogeant la décision 2009/336/CE (JO 2013, L 343, p. 46), l’EACEA a pour mission de gérer les programmes de l’Union européenne dans les domaines de l’éducation, de l’audiovisuel et de la culture.

4        Agissant sous le contrôle de la Commission européenne, l’EACEA intervient dans le respect du règlement no 58/2003.

5        Dans le cadre de la mise en œuvre des programmes européens, la Commission a confié à l’EACEA certaines tâches de gestion du programme « Europe créative », mis en place par le règlement (UE) no 1295/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, établissant le programme « Europe créative » (2014 à 2020) et abrogeant les décisions no 1718/2006/CE, no 1855/2006/CE et no 1041/2009/CE (JO 2013, L 347, p. 221).

6        Le programme « Europe créative » est un programme de soutien au secteur culturel et créatif au sein de l’Union. Il comprend, en particulier, le sous-programme « Média », lequel a été confié à l’EACEA pour le compte de la Commission.

7        Dans le cadre du sous-programme « Média », l’EACEA a publié, le 19 septembre 2019, l’appel à propositions EACEA/22/2019 : « Soutien à la distribution de films non nationaux – Système d’aide automatique à la distribution et aux agents commerciaux » (ci-après l’« appel à propositions litigieux »).

8        Le 8 septembre 2020, la requérante a présenté sa candidature dans le cadre de l’appel à propositions litigieux.

9        L’appel à propositions litigieux était accompagné de lignes directrices prises sur le fondement du règlement no 1295/2013 (ci-après les « lignes directrices »).

10      Les lignes directrices sont divisées en deux parties. La partie A présente des informations générales sur les objectifs, les priorités, les critères et les règles applicables à tous les appels à propositions. La partie B concerne spécifiquement l’appel à propositions litigieux.

11      Le point 6.1 de la partie B des lignes directrices définit les critères d’éligibilité des candidats au financement. Ces derniers doivent, en particulier, être des « entreprises européennes » au sens de ces dispositions.

12      Par décision du 2 juillet 2021, l’EACEA a rejeté pour cause d’inéligibilité la candidature de la requérante au motif que celle-ci « n’appart[enait] pas, directement ou par participation majoritaire (à savoir à la majorité des actions), à des ressortissants des États membres de l’Union ou des ressortissants des autres pays européens participant au sous-programme « Média ».

13      Le 29 juillet 2021, la requérante a introduit auprès de la Commission un recours administratif tendant au contrôle de la légalité de la décision de l’EACEA du 2 juillet 2021 au titre de l’article 22, paragraphe 1, du règlement no 58/2003.

14      Par la décision attaquée, et après avoir recueilli les observations de la requérante, la Commission a rejeté le recours administratif visé au point 13 ci-dessus et a confirmé la légalité de la décision de l’EACEA du 2 juillet 2021. En substance, après avoir constaté que les actionnaires majoritaires de la requérante étaient tous de nationalité suisse et relevé que la Confédération suisse n’avait pas participé au financement du sous-programme « Média » pour la période allant de 2014 à 2020, la Commission a conclu que la requérante ne pouvait pas être considérée comme une entreprise européenne au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices.

 Conclusions

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

17      L’EACEA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris à ceux exposés par la partie intervenante.

 En droit

18      La requérant soulève, en substance, cinq moyens à l’appui du recours.

19      Le premier moyen est tiré de l’erreur de droit commise dans la définition de la notion d’« entreprise européenne » au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices et de l’annexe à la décision d’exécution C(2019) 6151 final de la Commission, du 23 août 2019, relative au financement du programme « Europe créative » et à l’adoption du programme de travail pour 2020 (ci-après le « programme de travail annuel 2020 »). Le deuxième moyen est tiré de l’erreur d’appréciation commise dans l’application au cas d’espèce dudit point. Le troisième moyen est tiré de la violation du principe de transparence et du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination. Le quatrième moyen est tiré d’un abus de pouvoir. Le cinquième et dernier moyen est tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité.

 Sur les premier et deuxième moyens, tirés de l’erreur de droit commise dans l’interprétation de la notion d’« entreprise européenne » au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices et du programme de travail annuel 2020 ainsi que de l’erreur d’appréciation commise dans l’application de ces dispositions au cas de la requérante

20      La requérante soutient, en substance, que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur d’appréciation en refusant de la qualifier d’« entreprise européenne » au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices.

21      La requérante articule le premier moyen, tiré d’une l’erreur de droit, en deux branches. La Commission aurait, d’une part, méconnu le sens littéral de la notion d’« entreprise européenne » telle qu’elle ressortirait du libellé du point 6.1 de la partie B des lignes directrices ainsi que du programme de travail annuel 2020 et, d’autre part, adopté une interprétation de cette notion qui ne serait pas conforme aux objectifs du règlement no 1295/2013.

22      Au soutien de la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir, en premier lieu, que la Commission a interprété de manière erronée le critère lié à la nationalité de la société candidate. En effet, le terme « ressortissant » employé au point 6.1 de la partie B des lignes directrices désignerait aussi bien les personnes morales que les personnes physiques, conformément à l’exigence d’interprétation unitaire du droit de l’Union, qui aurait dû conduire la Commission à tenir compte, notamment, de l’article 199, paragraphe 4, TFUE pour interpréter ce terme.

23      En second lieu, la requérante estime, en substance, que seule la participation directe ou « immédiate », qu’elle soit totale ou majoritaire, des actionnaires au capital de la société candidate est pertinente pour apprécier son éligibilité au financement prévue par l’appel à propositions litigieux. En particulier, la notion de « participation majoritaire » prévue au point 6.1 de la partie B des lignes directrices ne saurait être interprétée comme renvoyant à celle de « participation indirecte » ou « ultime » au capital de la société candidate pour apprécier son éligibilité au sens de ces dispositions. Ladite notion renverrait donc uniquement à la participation majoritaire directe, définie par opposition à la propriété directe, laquelle renverrait à la notion de « participation directe » lorsque la totalité des actions de l’entreprise candidate serait détenue par un actionnaire direct. Une telle interprétation serait conforme à la notion d’« entreprise européenne » telle qu’elle ressortirait de l’article 54 TFUE.

24      Au soutien de la seconde branche du premier moyen, la requérante fait valoir, pour l’essentiel, que l’interprétation de la notion d’« entreprise européenne » retenue par la Commission méconnaît les objectifs généraux et spécifiques du sous-programme « Média », tels qu’ils sont définis aux articles 3, 4 et 9 du règlement no 1295/2013. Retenir comme critère déterminant la nationalité des actionnaires ultimes de l’entreprise candidate, sans tenir compte de l’impact réel que les fonds investis peuvent avoir sur le secteur culturel et créatif européen, ne permettrait pas d’atteindre de tels objectifs. Au regard des objectifs poursuivis par ledit sous-programme, le critère principal pour obtenir un financement devrait être que les subventions profitent à la culture européenne et à la compétitivité du secteur culturel et créatif européen. Un tel critère serait à apprécier à travers des indicateurs pertinents quant aux objectifs recherchés, tels que la nationalité de l’entreprise candidate, le lieu de son siège social, le lieu de sa supervision stratégique, opérationnelle et éditoriale, le lieu où son personnel exercerait ses activités, ou encore celui de sa résidence fiscale.

25      L’objectif du sous-programme « Média » étant de renforcer et de promouvoir les « œuvres européennes », l’interprétation de la Commission conduirait en outre à méconnaître la notion d’« œuvre européenne » sur laquelle se fonde le programme « Europe créative ». Cette notion correspondrait à celle que définirait la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels ») (JO 2010, L 95, p. 1).

26      En conséquence de l’erreur de droit commise, la requérante, au soutien de son deuxième moyen, fait valoir que la Commission a commis une erreur d’appréciation en estimant, d’une part, qu’elle ne pouvait pas être considérée comme étant « détenue directement », au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices, par DCM Holding GmbH et, d’autre part, qu’il ne pouvait pas être tenu compte, pour la qualifier d’« entreprise européenne » au sens de cette disposition, de l’utilisation passée et future des fonds versés au titre du sous-programme « Média ».

27      La Commission, soutenue par l’EACEA, conteste l’argumentation de la requérante. La Commission estime, en particulier, que la première branche du premier moyen est irrecevable. D’une part, la requérante n’aurait pas annexé à la requête les lignes directrices et le programme de travail annuel 2020 dont la méconnaissance est alléguée, contrairement à ce qu’exigerait l’article 76, sous f) du règlement de procédure du Tribunal, lu conjointement avec l’article 85, paragraphe 1, du même règlement. D’autre part, elle n’aurait pas soulevé une telle argumentation dans le cadre de l’examen introduit sur le fondement de l’article 22, paragraphe 1, du règlement n o 58/2003.

 Observations liminaires

28      Il convient d’observer que le considérant 1 du règlement no 1295/2013 rappelle que le traité FUE donne pour mission à l’Union de contribuer à l’épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en veillant à ce que les conditions nécessaires à la compétitivité de l’industrie de l’Union soient assurées.

29      Dans ce cadre, le règlement no 1295/2013 établit, conformément à ses articles 1er et 2, « un programme intitulé “Europe créative” en faveur des secteurs culturels et créatifs européens […] mis en œuvre pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2020 ».

30      Les objectifs généraux du programme « Europe créative » sont, conformément à l’article 3 du règlement no 1295/2013, d’une part, de « sauvegarder, développer et promouvoir la diversité culturelle et linguistique européenne et promouvoir le patrimoine culturel de l’Europe » et, d’autre part, de « renforcer la compétitivité des secteurs culturels et créatifs européens, notamment celle du secteur audiovisuel, en vue de favoriser une croissance intelligente, durable et inclusive ».

31      Conformément à l’article 4 du règlement no 1295/2013, les objectifs spécifiques assignés au programme « Europe créative » consistent à « soutenir la capacité des secteurs culturels et créatifs à opérer à l’échelle transnationale et internationale », à « promouvoir la circulation transnationale des œuvres culturelles et créatives », à « renforcer de manière durable la capacité financière des [petites et moyennes entreprises] et des micro, petites et moyennes organisations dans les secteurs culturels et créatifs » et à « favoriser l’élaboration des politiques, l’innovation, la créativité, le développement des publics ainsi que la création de nouveaux modèles commerciaux et de gestion ».

32      Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1295/2013, le programme « Europe créative » reconnaît « la valeur intrinsèque et économique de la culture » et soutient, à cette fin, « les actions et les activités présentant une valeur ajoutée européenne dans les secteurs culturels et créatifs ».

33      Le programme « Europe créative », ainsi qu’il a été précisé au point 6 ci-dessus, contient un sous-programme « Média », prévu à l’article 6, sous a), du règlement no 1295/2013. Il est ouvert à la participation des États membres, conformément à l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement. Sont également admis à y participer d’autres pays européens, limitativement énumérés au paragraphe 3 dudit article, à condition que ces pays « versent des crédits supplémentaires et, en ce qui concerne le sous-programme ‟média”, […] remplissent les conditions énoncées dans la directive [‟Services de médias audiovisuels”] ».

34      Conformément à l’article 8, paragraphe 3, sous c), du règlement no 1295/2013, et sous réserve qu’elle remplisse les conditions visées audit paragraphe 3, « la Confédération suisse, sur la base d’un accord bilatéral avec ce pays », est admise à participer au programme « Europe créative ».

35      L’article 9 du règlement no 1295/2013 définit les priorités du sous-programme « Média ». Ces priorités concernent, d’une part, « le domaine du renforcement des capacités du secteur audiovisuel européen à opérer au niveau transnational » et, d’autre part, celui de « la promotion de la circulation transnationale ».

36      L’ensemble des actions financées par le programme « Europe créative » bénéficie, en général, de subventions, dont l’utilisation est réglementée par l’article 22 du règlement no 1295/2013, lequel prévoit, à son paragraphe 1, que la Commission met en œuvre le programme « Europe créative » conformément au règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).

37      Le règlement no 966/2012 a été remplacé par le règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), applicable au présent litige.

38      L’article 22, paragraphe 2, du règlement no 1295/2013 prévoit, dans ce cadre, que la Commission « adopte, par voie d’actes d’exécution, un programme de travail annuel concernant les sous-programmes » et précise que, « [e]n ce qui concerne les subventions, le programme de travail annuel établit les priorités, les critères d’éligibilité, de sélection et d’octroi, ainsi que le taux de cofinancement maximal ».

39      À cet égard, le programme de travail annuel 2020 souligne, dans sa première partie, consacrée, en particulier, aux objectifs et au cadre politique dudit programme, le double objectif, tant sociétal qu’économique, assigné à ce dernier, lequel contribue aux priorités politiques de la Commission, notamment en ce qui concerne les emplois, la croissance, l’investissement et le marché unique numérique.

40      Le programme de travail annuel 2020 indique, dans sa seconde partie, relative, notamment, à la mise en œuvre du programme « Europe créative », que les appels à propositions adoptés dans ce cadre sont financés, en particulier, au titre de la ligne budgétaire intitulée « Renforcement de la capacité financière des [petites et moyennes entreprises] et des organisations dans les secteurs de la culture et de la création européennes ».

41      Le programme de travail annuel 2020 rappelle également que certaines actions de gestion du programme « Europe créative », ainsi qu’il a été indiqué au point 5 ci-dessus, ont été déléguées à l’EACEA et que les appels à propositions gérés par cette dernière font référence aux lignes directrices. Il précise que celles-ci « fournissent des informations détaillées sur les procédures d’application et de sélection, les critères et les autres modalités relatives aux appels à propositions et visent à aider les intéressés à développer des projets ou à recevoir un soutien financier au titre du programme ainsi qu’à les aider à comprendre ses objectifs et les actions qu’il soutient ».

42      Le programme de travail annuel 2020 indique que les candidats éligibles au sous-programme « Média », sont des « [e]ntités (entreprises privées, organisations à but non lucratif, associations, œuvres caritatives, fondations, collectivités locales, etc.) établies dans l’un des pays participant au[dit] sous-programme et détenues directement ou par participation majoritaire par des ressortissants de ces pays ». Le programme précise, à cet égard, que les personnes physiques ne peuvent solliciter l’octroi d’une subvention, à l’exception de l’entrepreneur indépendant ou assimilé lorsque celui-ci ne possède pas de personnalité juridique distincte de celle de personne physique agissant en son nom personnel.

43      Dans ce cadre, l’appel à propositions litigieux dispose, au point 2, relatif aux critères d’éligibilité des candidats, que « [l]es candidats doivent être des distributeurs de films/de cinéma européens [et] doivent être établis dans l’un des pays qui participent au sous-programme “Média ” et détenus, directement ou par une participation majoritaire, par des ressortissants de ces pays ». Il précise que, sous réserve qu’elle remplisse les conditions fixées à l’article 8 du règlement no 1295/2013, est en particulier éligible à ce titre « la Confédération suisse, sur la base d’un accord bilatéral avec ce pays ».

44      À cet égard, le point 6 de la partie B, relatif aux critères d’éligibilité, des lignes directrices énonce ce qui suit :

« 6. CRITÈRES D’ÉLIGIBILITÉ

Les candidatures qui respectent les critères suivants feront l’objet d’une évaluation approfondie.

6.1. Candidats éligibles

[…]

Le dispositif est ouvert aux entreprises européennes actives dans le secteur audiovisuel.

Entreprise européenne :

Entreprise détenue, soit directement, soit par participation majoritaire (c’est-à-dire la majorité des actions), par des ressortissants des États membres de l’Union ou par des ressortissants des autres pays européens participant au sous-programme “Média”, et enregistrée dans l’un de ces pays. […]

[…] »

45      Enfin, la section C.3 du formulaire électronique au moyen duquel le dossier de candidature de la requérante a été présenté, conformément au point 6 de l’appel à propositions litigieux et au point 3 des lignes directrices (ci-après le « formulaire de candidature »), précise que, « [s]i certains actionnaires du candidat sont des entreprises, [celui-ci doit] communiquer à l’[EACEA] le nom de leurs actionnaires et indiquer avec précision les informations demandées [pour prouver que] l’entreprise est détenue, directement ou par participation majoritaire, par des citoyens des États membres de l’Union (ou par des citoyens d’autres États participant au programme “Média”) et établie dans l’un de ces pays ».

 Sur le bien-fondé des premier et deuxième moyens

46      À titre liminaire, il convient d’observer que, si le programme de travail annuel 2020 fait référence à la notion de « ressortissant » dans sa définition des critères d’éligibilité au sous-programme « Média », il ne définit pas la notion d’« entreprise européenne » et n’y fait pas référence dans la définition desdits critères, tels qu’ils sont rappelés au point 42 ci-dessus.

47      La requérante ne peut donc utilement soutenir que l’interprétation par la Commission de la notion d’« entreprise européenne » a méconnu le sens littéral que donne de cette notion le programme de travail annuel 2020, lequel ne la définit pas. Un tel grief, ainsi formulé, est donc dépourvu de pertinence, car il procède d’une lecture inexacte du texte sur lequel il se fonde. Au surplus, la requérante ne précise pas les dispositions du programme de travail annuel 2020 que la Commission aurait méconnues dans son interprétation de cette notion, de sorte qu’un tel grief doit, en tout état de cause, être écarté comme irrecevable.

48      Cela étant précisé, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lors de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci et des objectifs qu’elle poursuit, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union [voir arrêt du 11 mars 2020, X (Recouvrement de droits additionnels à l’importation), C‑160/18, EU:C:2020:190, point 34 et jurisprudence citée].

49      Dans ces conditions, ainsi qu’il découle des points 48, 49 et 54 à 56 de l’arrêt du 29 juin 2022, Leonine Distribution/Commission (T‑641/20, non publié, EU:T:2022:403), compte tenu des termes du point 6.1 de la partie B des lignes directrices, de l’objectif du système d’aide automatique de soutien à la distribution transnationale la plus large possible de films européens et du contexte dans lequel ladite disposition s’insère, il convient d’interpréter la notion d’« entreprise européenne », au sens de cette disposition, comme se référant à une entreprise dont la majorité ou la totalité des actions est détenue par une ou plusieurs personnes physiques ayant la nationalité de l’un des États ou de l’un des pays mentionnés audit point, que cette ou ces personnes physiques détiennent directement le capital de ladite entreprise, lorsque aucun niveau d’actionnariat n’existe entre cette ou ces personnes physiques et l’entreprise concernée, ou que cette ou ces personnes physiques y participent de manière indirecte à travers une pluralité d’entreprises actionnaires (arrêt du 29 juin 2022, Leonine Distribution/Commission, T‑641/20, non publié, EU:T:2022:403, point 57).

50      Dans ce cadre, la subvention accordée au titre de l’appel à propositions litigieux ouvert en application du sous-programme « Média » profite, de la manière la plus large possible, aux entreprises détenues par des personnes physiques ayant la nationalité de l’un des États membres de l’Union ou de l’un des autres pays européens participant audit sous-programme, de sorte que l’Union, conformément à la mission qui lui est confiée par le traité FUE, reprise au considérant 1 du règlement no 1295/2013 et rappelée au point 28 ci-dessus, veille, notamment, à assurer les conditions nécessaires à la compétitivité de son industrie (arrêt du 29 juin 2022, Leonine Distribution/Commission, T‑641/20, non publié, EU:T:2022:403, point 58).

51      Une telle interprétation répond, contrairement à ce que soutient la requérante, aux objectifs tant généraux que spécifiques fixés par le règlement no 1295/2013, en vertu desquels le programme « Europe créative » vise, en particulier, ainsi qu’il résulte des points 30 et 31 ci-dessus, à renforcer la compétitivité des secteurs culturels et créatifs européens à travers le renforcement durable de la capacité financière des entreprises présentes dans ces mêmes secteurs (arrêt du 29 juin 2022, Leonine Distribution/Commission, T‑641/20, non publié, EU:T:2022:403, point 59).

52      Les arguments de la requérante ne remettent pas en cause cette interprétation.

53      En premier lieu, s’agissant des arguments de la requérante invoqués au soutien de la première branche du premier moyen, il convient, premièrement, de constater qu’une entreprise « détenue par participation majoritaire », au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices, ne saurait se confondre avec une entreprise « détenue par participation directe majoritaire », sauf à méconnaître la portée de cette disposition (arrêt du 29 juin 2022, Leonine Distribution/Commission, T‑641/20, non publié, EU:T:2022:403, point 61).

54      Au demeurant, le formulaire de candidature, qui doit être accompagné de l’ensemble des documents qui y sont mentionnés, conformément au point 3 des lignes directrices, relatif aux conditions d’éligibilité, autorise expressément la candidature d’une entreprise dont certains de ses actionnaires sont eux-mêmes des entreprises.

55      Dans la mesure où le libellé du point 6.1 de la partie B des lignes directrices prévoit, expressément, que la notion de « participation majoritaire au capital de l’entreprise candidate » renvoie à la détention de la majorité des actions de cette entreprise, une telle hypothèse sera remplie, a fortiori, dans le cas où la participation majoritaire, au sens de cette disposition, conduirait à la détention de la totalité des actions de cette même entreprise (arrêt du 29 juin 2022, Leonine Distribution/Commission, T‑641/20, non publié, EU:T:2022:403, point 53).

56      En outre, le libellé du point 6.1 de la partie B des lignes directrices ne permet pas non plus, faute de précision expresse en ce sens, de considérer, à l’instar de la requérante, qu’une entreprise « détenue directement » désignerait, au sens de cette disposition, une entreprise dont les actionnaires détiendraient directement, dans tous les cas, la totalité de son capital.

57      Deuxièmement, contrairement à ce que soutient, en substance, la requérante, une entreprise détenue directement par une personne morale qui aurait la nationalité de l’un des États membres de l’Union ou de l’un des autres pays européens participant au sous-programme « Média » ne saurait être considérée, pour l’application du point 6.1 de la partie B des lignes directrices, comme une entreprise détenue directement par une ou plusieurs personnes physiques originaires de ces États membres ou de ces pays européens. Il suffit de rappeler, à cet égard, qu’une personne physique ne saurait en effet se confondre juridiquement avec une entreprise, laquelle peut constituer une personne morale distincte des personnes physiques qui la composent.

58      Il convient également de relever que l’article 199, paragraphe 4, TFUE, invoqué par la requérante pour soutenir que le terme de « ressortissant », au sens des lignes directrices et du programme de travail annuel 2020, désignerait également les personnes morales, est relatif à l’association des pays et territoires d’outre-mer (PTOM) à l’Union. Or, la requérante n’explique pas les raisons pour lesquelles la circonstance selon laquelle, conformément au paragraphe 4 dudit article, « la participation aux adjudications et fournitures est ouverte, à égalité de conditions, à toutes les personnes physiques et morales ressortissantes des États membres et des pays et territoires » serait pertinente pour apprécier la notion de « ressortissant » au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices et du programme de travail annuel 2020. Elle ne saurait donc utilement s’en prévaloir pour soutenir que le terme de « ressortissant » au sens de ce point ou du programme annuel de travail 2020 doit renvoyer aux personnes morales.

59      La Commission ne saurait en conséquence avoir méconnu « l’unité du droit de l’Union » en ne tenant pas compte de l’article 199 TFUE dans son interprétation de la notion d’« entreprise européenne » au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices.

60      En outre, alors que le règlement no 1295/2013 reconnaît expressément, à son article 5, la valeur économique de la culture, l’interprétation de la requérante, telle qu’elle vient d’être énoncée au point 57 ci-dessus, conduirait potentiellement à faire financer, au titre d’un programme de l’Union, et sur une ligne budgétaire dédiée au renforcement de la capacité financière des entreprises dans les secteurs de la culture et de la création européennes, des actions et des activités ne présentant pas de valeur ajoutée européenne dans les secteurs culturels et créatifs, en faisant profiter des bénéfices générés par de telles activités les actionnaires finals d’entreprises qui n’auraient la nationalité ni de l’un des États membres de l’Union ni de l’un des autres pays européens participant au sous-programme « Média » (arrêt du 29 juin 2022, Leonine Distribution/Commission, T‑641/20, non publié, EU:T:2022:403, point 63).

61      L’interprétation de la notion d’« entreprise européenne » au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices, proposée par la requérante, remettrait donc en cause la finalité même du programme de travail annuel 2020, telle qu’elle a été exposée au point 39 ci-dessus, qui est de contribuer aux priorités politiques de la Commission en ce qui concerne l’emploi, la croissance ainsi que l’investissement dans les secteurs culturels et créatifs européens, et son application affaiblirait la position concurrentielle des entreprises européennes et la capacité de l’Union à atteindre l’objectif du système d’aide automatique, qui est de fournir des fonds aux distributeurs et aux agents commerciaux, en vue d’un nouvel investissement dans la promotion et la distribution de films européens.

62      Troisièmement, doit être écarté comme étant inopérant l’argument de la requérante selon lequel la notion d’« entreprise européenne » au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices devrait être interprétée à la lumière de l’article 54, premier alinéa, TFUE en vertu duquel les sociétés européennes seraient celles « constituées en conformité [avec] la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de l’Union ».

63      Indépendamment de l’interprétation que la requérante donne du premier alinéa de l’article 54 TFUE, définissant la notion de « société européenne », il suffit de relever que celui-ci réserve expressément son application aux dispositions du titre IV, chapitre 2, du traité FUE, lequel concerne le droit d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre. Une telle disposition est donc dépourvue de pertinence dans le présent litige.

64      Quatrièmement, contrairement à ce que prétend la requérante, le formulaire de candidature, qui a seulement pour objet, à l’aide d’un tableau que les candidats sont invités à remplir, de permettre à l’EACEA d’obtenir les informations nécessaires à l’examen de leur candidature, ne vise pas à prévoir les critères d’éligibilité à l’appel à propositions litigieux, lesquels sont rappelés dans les dispositions pertinentes de cet appel ainsi que dans celles des lignes directrices, mais uniquement à permettre aux candidats de présenter leur candidature à la lumière de ces critères.

65      À cet égard, la requérante ne saurait valablement soutenir que le formulaire de candidature ne lui a pas permis « d’interpréter la notion de ‟société européenne” comme [l’aurait fait] la Commission », parce que, en substance, il ne lui a pas permis de comprendre que la nationalité des actionnaires finals de l’entreprise candidate serait prise en compte. Un tel formulaire indique, en effet, expressément, ainsi qu’il ressort du point 45 ci-dessus, que, lorsque certains des actionnaires de l’entreprise candidate sont eux-mêmes des entreprises, les éléments collectés doivent permettre à ladite entreprise de prouver qu’elle est détenue, directement ou par participation majoritaire, par des citoyens, c’est-à-dire des personnes physiques, originaires de l’un des pays participant au sous-programme « Média ».

66      En outre, s’agissant des arguments de la requérante invoqués au soutien de la seconde branche du premier moyen, il convient, premièrement, d’observer que l’utilisation par l’entreprise bénéficiaire des subventions accordées, au titre de l’appel à propositions litigieux, dans le cadre du sous-programme « Média », laquelle se rapporte aux conditions d’éligibilité des actions susceptibles d’être financées à ce titre, telles qu’elles sont définies, en particulier, au point 6.2 de la partie B des lignes directrices, est sans incidence sur l’appréciation, et pour l’application, des critères d’éligibilité qui se rapportent aux candidats, lesquels relèvent du point 6.1 de ces dispositions (arrêt du 29 juin 2022, Leonine Distribution/Commission, T‑641/20, non publié, EU:T:2022:403, point 66).

67      Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la définition de la notion d’« entreprise européenne » retenue en l’espèce, méconnaîtrait, au regard des objectifs du sous-programme « Média », l’impact réel de l’utilisation de l’aide sur le secteur audiovisuel ni qu’il conviendrait, pour apprécier une telle notion, de prendre en considération « le comportement antérieur [de l’entreprise candidate] en matière d’investissement, ou encore les investissements prévus et la valeur ajoutée effective réalisée avec les fonds [précédemment] obtenus ».

68      En conséquence, sont sans incidence sur la qualification de la requérante d’« entreprise européenne » les circonstances, invoquées au soutien du deuxième moyen, selon lesquelles les films qu’elle produit « seraient effectivement des productions culturelles européennes typiques », elle se serait engagée « à contribuer à la culture européenne » et, pour ces raisons, elle serait apte à atteindre les objectifs du sous-programme « Média ».

69      Deuxièmement, si les priorités du sous-programme « Média » sont prises en compte dans l’interprétation du point 6.1 de la partie B des lignes directrices, notamment pour en assurer une mise en œuvre la plus large possible, une telle interprétation ne saurait aller au-delà du libellé même de ces dispositions (arrêt du 29 juin 2022, Leonine Distribution/Commission, T‑641/20, non publié, EU:T:2022:403, point 69).

70      Dès lors, il ne saurait être déduit des objectifs assignés au programme « Europe créative », tels qu’ils sont repris aux articles dont se prévaut la requérante, et rappelés aux points 30 et 31 ci-dessus, que la notion d’« entreprise européenne » au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices doit être interprétée comme désignant une société enregistrée dans un État membre de l’Union ou dans un pays participant au sous-programme « Média » dont le siège social, le lieu de sa supervision stratégique, opérationnelle et éditoriale, le lieu où son personnel concerné exerce ses activités, ou encore le lieu de sa résidence fiscale seraient situés dans ledit État membre ou ledit pays.

71      À cet égard, la requérante soutient, en particulier, ainsi qu’elle l’a souligné lors de l’audience, qu’elle doit être considérée comme une entreprise allemande et, partant, comme une entreprise européenne, au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices, au motif qu’elle-même et ses actionnaires majoritaires seraient assujettis fiscalement en Allemagne, au titre de l’impôt sur les sociétés et de celui sur le revenu des personnes physiques. L’absence de prise en compte, comme critère d’éligibilité à l’appel à propositions litigieux, du lieu de la résidence fiscale de l’entreprise candidate et de celui de ses actionnaires serait, en substance, incompatible avec les objectifs généraux et spécifiques du sous-programme « Média ».

72      Il convient, toutefois, de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 49 ci-dessus, que la notion d’« entreprise européenne » au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices se réfère à la nationalité des personnes physiques détenant de manière majoritaire le capital de l’entreprise candidate à l’appel à propositions litigieux et ne se réfère pas à la résidence fiscale desdites personnes physiques. Si, ainsi qu’il a été précisé au point 50 ci-dessus, le cadre juridique pertinent tient également compte du lieu d’enregistrement ou d’établissement de cette entreprise, il ne prévoit pas davantage la prise en compte du lieu de sa résidence fiscale.

73      L’interprétation du point 6.1 de la partie B des lignes directrices ne saurait aller au-delà du libellé même d’une telle disposition, ainsi qu’il a été souligné au point 69 ci-dessus. En conséquence, il ne saurait être déduit des objectifs assignés au programme « Europe créative » que la notion d’« entreprise européenne » devrait être interprétée comme désignant une société qui serait enregistrée dans un État membre de l’Union et qui y serait assujettie fiscalement ainsi que la majorité de ses actionnaires, conformément au point 70 ci-dessus.

74      Dès lors, l’argument de la requérante tiré de ce que l’absence de prise en compte du lieu de la résidence fiscale de l’entreprise candidate et des personnes physiques qui la détiendraient serait incompatible avec le sous-programme « Média » du programme « Europe créative » doit être écarté.

75      Au surplus, il ne ressort ni du règlement no 1295/2013 ni du programme de travail annuel 2020 que la Commission était tenue de prendre en compte le lieu de la résidence fiscale de l’entreprise candidate ou de ses actionnaires majoritaires comme critère d’éligibilité à l’appel à propositions litigieux. La Commission dispose, en effet, d’un très large pouvoir d’appréciation quant à l’établissement de règles sur les critères d’éligibilité s’agissant des demandeurs de subventions. Il en est, notamment, ainsi dans le cadre de la mise en œuvre du programme « Europe créative » (voir, en ce sens, ordonnance du 15 novembre 2017, Pilla/Commission et EACEA, T‑784/16, non publiée, EU:T:2017:806, point 97).

76      En tout état de cause, la requérante n’apporte aucun élément permettant de considérer qu’une entreprise résidente fiscalement dans un État membre de l’Union ou qui serait majoritairement détenue par des actionnaires assujettis fiscalement dans ce même État membre contribuerait davantage aux objectifs du sous-programme « Média » qu’une entreprise n’y résidant pas fiscalement ou dont les actionnaires majoritaires n’y seraient pas non plus fiscalement assujettis. De même, la requérante n’apporte pas d’élément de nature à établir qu’une entreprise dont les actionnaires majoritaires seraient des ressortissants d’un pays participant au sous-programme « Média » serait, davantage qu’une entreprise dont les actionnaires majoritaires seraient assujettis fiscalement dans l’un de ces pays, susceptible d’utiliser les bénéfices générés par la participation à ce sous-programme autrement que pour renforcer la culture européenne.

77      Dans ces conditions, alors que la Commission n’avait pas à prendre en compte le lieu de la résidence fiscale de l’entreprise candidate et des personnes physiques qui la détenaient, la requérante ne saurait être considérée comme une « entreprise européenne » au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices, au motif que sa résidence fiscale, comme celle de ses actionnaires, se situerait en Allemagne.

78      Troisièmement, est inopérant le grief de la requérante selon lequel la notion d’« entreprise européenne » au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices, retenue en l’espèce, contredit la notion d’« œuvre européenne » reprise dans le règlement no 1295/2013, en ce que la première notion doit être interprétée au regard de la définition qui en est donnée à l’article 1er, paragraphe 1, sous n), de la directive « Services de médias audiovisuels », lu conjointement avec l’article 1er, paragraphe 3, de cette directive.

79      À cet égard, il convient de préciser que l’article 1er, paragraphe 1, sous n), de la directive « Services de médias audiovisuels » définit la notion d’« œuvre européenne » comme comprenant, notamment, « les œuvres originaires d’États membres » et « les œuvres originaires d’États tiers européens parties à la convention européenne sur la télévision transfrontière du Conseil de l’Europe et répondant aux conditions visées au paragraphe 3 ».

80      L’article 1er, paragraphe 3, de la directive « Services de médias audiovisuels » dispose ce qui suit :

« Les œuvres visées au paragraphe 1, [sous] n), […] sont des œuvres qui sont réalisées essentiellement avec le concours d’auteurs et de travailleurs résidant dans un ou plusieurs des États visés dans ces dispositions et qui répondent à l’une des trois conditions suivantes :

i)      elles sont réalisées par un ou des producteurs établis dans un ou plusieurs de ces États ;

ii)      la production de ces œuvres est supervisée et effectivement contrôlée par un ou plusieurs producteurs établis dans un ou plusieurs de ces États ;

iii)      la contribution des coproducteurs de ces États est majoritaire dans le coût total de la coproduction, et celle-ci n’est pas contrôlée par un ou plusieurs producteurs établis en dehors de ces États. »

81      Ainsi, la circonstance, invoquée par la requérante, selon laquelle il découle de l’article 1er, paragraphe 1, sous n), de la directive « Services de médias audiovisuels », lu conjointement avec l’article 1er, paragraphe 3, de cette directive, que « [l]es participations dans la société de production ou sa structure sociale, et a fortiori l’origine des actionnaires ultimes, ne s[eraient] pas pris en compte pour qualifier l’œuvre », ne saurait, en tout état de cause, faire obstacle à la prise en compte, pour la définition de la notion d’« entreprise européenne » au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices, de la structure de l’actionnariat d’une telle entreprise. Ces dispositions de ladite directive n’ont, en effet, ni pour objet ni pour effet de définir la nationalité des actionnaires de ces entreprises produisant ou distribuant des œuvres européennes au sens de ladite directive, pas plus que les modalités de détention du capital de ces mêmes entreprises.

82      À cet égard, la circonstance selon laquelle la Commission, dans son rapport d’évaluation intermédiaire du programme « Europe créative » pour les années 2014 à 2020, adressé au Parlement européen et au Conseil, aurait souligné que le sous-programme « Média » « soutiendra[it] le renforcement de la promotion des œuvres européennes prévu par la directive ‟Services de médias audiovisuels » ne saurait permettre d’établir que la notion d’« entreprise européenne » au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices devait tenir compte de celle d’« œuvre européenne »au sens de cette directive. L’objectif ainsi défini concerne la diffusion de la production d’œuvres européennes et ne saurait, en tout état de cause, suffire à définircettedernière notion (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2022, Leonine Distribution/Commission, T‑641/20, non publié, EU:T:2022:403, points 79 et 80).

83      Alors que ni le point 6.1 de la partie B des lignes directrices ni aucune disposition du règlement no 1295/2013 sur le fondement duquel ces lignes directrices ont été prises ne renvoient à la directive « Services de médias audiovisuels » pour définir la notion d’« entreprise européenne », la requérante n’a apporté aucun élément pertinent pour démontrer que la décision attaquée, en ce qu’elle faisait application dudit point, aurait dû tenir compte de cette directive.

84      Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir qu’elle aurait dû être considérée, pour l’application du point 6.1 de la partie B des lignes directrices, comme étant « détenue directement » par DCM Holding, au motif qu’il s’agirait d’« une société allemande, […] enregistrée, établie, [ayant] son siège social et exer[çant] ses activités à Berlin, en Allemagne ».

85      À cet égard, il ressort du dossier et il n’est pas contesté que, si la totalité du capital de la requérante est détenue par DCM Holding, le capital de cette dernière est lui-même détenu, à parts égales, par quatre sociétés, dont chacune est détenue à 100 % par des personnes physiques de nationalité suisse. La requérante reconnaît expressément que « les personnes physiques propriétaires de ces quatre sociétés sont toutes des personnes de nationalité suisse ».

86      Or, il est constant que la Confédération suisse n’a pas conclu d’accord avec l’Union pour la période allant de 2014 à 2020 au titre du programme « Europe créative » et qu’elle n’a pas contribué à son financement. Les entreprises candidates détenues par des ressortissants de nationalité suisse, à la date de la décision attaquée, ne pouvaient donc être admises, conformément à l’article 8, paragraphe 3, sous c), du règlement no 1295/2013, à participer au sous-programme «  Média ».

87      Il ressort ainsi de la structure capitaliste de la requérante que celle-ci, contrairement à une « entreprise européenne » au sens du point 6.1 de la partie B des lignes directrices, telle que définie au point 49 ci-dessus, n’est pas détenue directement par des personnes physiques ayant la nationalité d’un État membre de l’Union ou d’un autre pays européen participant au sous-programme « Média ».

88      Compte tenu de tout ce qui précède, c’est sans erreur de droit ni d’appréciation que la Commission a confirmé l’appréciation de l’EACEA et l’inéligibilité de la requérante à l’appel à propositions litigieux en constatant que ses actionnaires finals étaient tous des ressortissants de nationalité suisse, de sorte que, la Confédération suisse n’ayant pas participé au financement du programme « Europe créative » pour la période allant de 2014 à 2020 ni conclu à cette fin d’accord avec l’Union, elle ne pouvait être considérée comme étant détenue directement ou par participation majoritaire par des ressortissants d’un État membre ou d’un autre pays européen participant au sous-programme « Média ».

89      Dans ces conditions, les premier et deuxième moyens doivent être écartés, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la première branche du premier moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de transparence ainsi que du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination

90      La requérante soutient que la décision attaquée viole le principe de transparence ainsi que le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination, tels qu’ils sont définis aux articles 188 et 197 du règlement 2018/1046, ainsi que le principe d’égalité en droit garanti par l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Selon elle, la différence de traitement entraînerait, par voie de conséquence, un désavantage qui ne serait ni justifié ni proportionné à l’objectif qu’un tel traitement serait censé poursuivre.

91      La requérante avance quatre arguments.

92      Premièrement, la requérante estime se trouver dans une situation comparable, au regard des objectifs du règlement no 1295/2013, à celle des entreprises majoritairement détenues par des ressortissants de la République fédérale d’Allemagne, puisqu’elle a, conformément à l’article 54 TFUE, son siège statutaire, son administration, son principal établissement et, en outre, son domicile fiscal sur le territoire de cet État membre. Compte tenu de tels critères attestant de son « rattachement » à l’Allemagne, elle soutient qu’elle doit être considérée comme une « entreprise européenne » aux fins de l’éligibilité au sous-programme « Média ».

93      Deuxièmement, le libellé même des lignes directrices introduit, selon la requérante, une rupture d’égalité de traitement entre une société cotée en bourse, dont la nationalité est déterminée en fonction du lieu où se situe cette dernière, et une entreprise, comme la sienne, dont la nationalité, pour apprécier son éligibilité au financement, ne tient pas compte d’un tel critère.

94      Troisièmement, la requérante fait valoir que la différence de traitement entraîne un désavantage pour elle, dès lors qu’elle n’a pas accès au financement prévu dans l’appel à propositions litigieux pour la distribution de films européens sur les marchés du film. Selon elle, un tel désavantage lui est d’autant plus préjudiciable qu’elle ne peut pas non plus prétendre à un financement dans le pays dont sont originaires ses propriétaires majoritaires, car elle n’a ni son siège ni sa résidence en Suisse.

95      Quatrièmement, la différence de traitement qu’entraînerait la décision attaquée ne serait ni justifiée ni proportionnée aux objectifs poursuivis par le sous-programme « Média », définis dans le règlement no 1295/2013, puisqu’elle serait, en substance, sans rapport avec la qualité créative et la production de l’entreprise candidate.

96      La Commission, soutenue par l’EACEA, conteste l’argumentation de la requérante.

97      L’article 20, intitulé « Égalité en droit », de la charte des droits fondamentaux, dispose que « [t]outes les personnes sont égales en droit ».

98      Conformément à l’article 188, sous a), du règlement 2018/1046, les subventions sont soumises au principe de l’égalité de traitement.

99      S’agissant des critères d’éligibilité à la procédure d’attribution de subvention, l’article 197 du règlement 2018/1046 se lit comme suit :

« 1. Les critères d’éligibilité déterminent les conditions de participation à un appel à propositions.

2. Les demandeurs ci-après sont éligibles pour participer à un appel à propositions :

a)      les personnes morales ;

[…]

3. L’appel à propositions peut fixer des critères d’éligibilité supplémentaires qui sont établis en fonction des objectifs de l’action et qui respectent les principes de transparence et de non-discrimination.

[…]. »

100    Il ressort d’une jurisprudence constante que le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (voir arrêt du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, EU:C:2005:223, point 71 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 septembre 2013, IBV & Cie, C‑195/12, EU:C:2013:598, point 50).

101    La violation éventuelle du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose ainsi que les situations visées sont comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. À cet égard, il convient de rappeler que les éléments qui caractérisent différentes situations et, ainsi, leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte du droit de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (arrêt du 26 septembre 2013, IBV & Cie, C‑195/12, EU:C:2013:598, points 51 et 52).

102    Le principe d’égalité de traitement entre candidats à une procédure d’attribution de subventions implique également une obligation de transparence afin de permettre de vérifier son respect (voir, par analogie, arrêt du 12 décembre 2002, Universale-Bau e.a., C‑470/99, EU:C:2002:746, point 91 et jurisprudence citée).

103    À titre liminaire, il convient de relever que la requérante n’assortit son grief tiré de la violation du principe de transparence d’aucun argument distinct de ceux invoqués au soutien de ses griefs tirés de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination. Par ailleurs, elle ne conteste pas les allégations de l’EACEA selon lesquelles les documents relatifs à l’appel à propositions litigieux ont fait l’objet d’une publicité adéquate et les critères d’éligibilité ont été rédigés de manière à ce que tous les cas similaires soient traités de manière identique.

104    Cela étant précisé, il y a lieu d’observer, en premier lieu, que le grief tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination est fondé sur une prémisse erronée. Ainsi qu’il a été constaté aux points 62 et 63 ci-dessus, la Commission n’avait pas à tenir compte des critères définis à l’article 54 TFUE, tels qu’ils sont rappelés au point 92 ci-dessus, pour apprécier les critères d’éligibilité au sous-programme « Média » définis à l’article 6.1 de la partie B des lignes directrices et en faire application au cas de la requérante,. La requérante ne saurait donc utilement soutenir qu’en répondant aux critères définis à l’article 54 TFUE, elle serait, pour ce motif, dans une situation comparable aux entreprises détenues par des ressortissants d’un État membre et répondant, en conséquence, aux critères définis à l’article 6.1 de la partie B des lignes directrices.

105    En outre, l’ensemble des critères définis à l’article 54 TFUE, relatifs, en substance, aux conditions d’établissement d’une entreprise, ne sauraient de toute évidence recouper le premier des deux critères cumulatifs définis par l’article 6.1 de la partie B des lignes directrices, relatif à la nationalité des personnes physiques détenant directement ou par participation majoritaire cette même entreprise. Le respect des critères invoqués par la requérante ne saurait donc permettre de considérer que celle-ci, au regard de la définition d’« entreprise européenne », serait dans une situation comparable à celle d’une entreprise répondant à l’ensemble des critères fixés par cette même disposition.

106    En tout état de cause, il convient de constater que, au regard de l’objectif du programme « Europe créative », rappelé au point 51 ci-dessus, de renforcer la compétitivité des secteurs culturels et créatifs européens, notamment celle du secteur audiovisuel, à travers le renforcement durable de la capacité financière des entreprises présentes dans ces mêmes secteurs, une entreprise, telle que la requérante, détenue par participation majoritaire par des ressortissants d’un pays tiers, en l’occurrence par des actionnaires de nationalité suisse, ne saurait être considérée ni comme étant dans une situation comparable à celle d’une entreprise détenue par participation majoritaire par des ressortissants d’un État membre, ni comme étant dans une situation comparable à celle d’une entreprise détenue par des ressortissants d’un autre pays européen participant au financement du sous-programme« Média », la Confédération suisse, ainsi qu’il a été constaté au point 86 ci-dessus, ne participant pas au financement d’un tel programme sur la période couverte par la décision attaquée.

107    La circonstance, par ailleurs, selon laquelle le domicile fiscal des actionnaires de la requérante se situe en Allemagne est également sans incidence sur l’appréciation de leur nationalité, de sorte que la requérante ne saurait se trouver, pour ce motif, dans une situation comparable à celle d’une entreprise détenue directement ou par participation majoritaire par des ressortissants de nationalité allemande.

108    En deuxième lieu, l’article 6.1 de la partie B des lignes directrices précise, en ce qui concerne la notion d’« entreprise européenne », que, « [l]orsqu’une société est cotée en bourse, sa nationalité sera déterminée en tenant compte du lieu où se situe cette dernière ».

109    Si la requérante soutient que, au vu de la règle prévue à l’article 6.1 de la partie B des lignes directrices pour déterminer la nationalité d’une société cotée en bourse, la Commission a traité de façon inégale des situations comparables, il suffit de relever que la Commission n’a pas fait application de cette règle au soutien de la décision attaquée. Un tel grief est donc inopérant pour apprécier le présent moyen, tiré de ce que l’interprétation par cette institution de la notion d’« entreprise européenne » au sens dudit article a méconnu les principes de transparence, d’égalité de traitement et de non-discrimination. En tout état de cause, la situation de la requérante ne saurait être comparable à celle d’une société cotée en bourse, laquelle, contrairement à la requérante, est ouverte à la participation publique.

110    Au surplus, ainsi que l’observe la Commission, les lignes directrices ne font pas obstacle à la prise en compte, pour apprécier la qualification d’« entreprise européenne » d’une société cotée en bourse, d’autres critères que celui du lieu où se situe cette dernière, puisque la règle prévue à l’article 6.1 de la partie B des lignes directrices pour déterminer la nationalité d’une telle société prescrit seulement d’en tenir compte et ne fait pas de ce lieu un critère exclusif pour apprécier la nationalité d’une telle société pour l’application des critères d’éligibilité.

111    Dans ces conditions, la Commission, par la décision attaquée, n’a pas traité de manière différenciée des situations comparables en confirmant la décision de l’EACEA de considérer la requérante comme étant inéligible à l’appel à propositions litigieux au motif qu’elle n’était détenue ni directement ni par participation majoritaire par des ressortissants d’un État membre ou d’un autre pays européen participant au sous-programme « Média ».

112    En troisième et dernier lieu, dès lors que la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination invoquée par la requérante n’est pas établie, la requérante ne saurait utilement se prévaloir d’un dommage qui aurait résulté d’une différence de traitement qui n’aurait été ni justifiée ni proportionnée au but poursuivi.

113    Compte tenu de tout ce qui précède, le troisième moyen doit être écarté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’un abus de pouvoir 

114    La requérante soutient que la Commission, en « retenant une interprétation de la notion d’ “entreprise européenne” qui méconna[issai]t le droit de l’Union alors que d’autres interprétations alternatives étaient possibles », a abusé de son pouvoir. Elle renvoie sur ce point à son argumentation développée au soutien des trois premiers moyens.

115    La Commission, soutenue par l’EACEA, conteste l’argumentation de la requérante.

116    En l’espèce, il ressort de l’analyse des trois premiers moyens du présent recours que la Commission n’a commis aucune erreur de droit ni d’appréciation dans son interprétation et son application de la notion d’« entreprise européenne » au soutien de la décision attaquée. En outre, la requérante n’assortit son moyen d’aucun élément précis ni distinct de ceux avancés au soutien de ses trois premiers moyens.

117    Dans ces conditions, le quatrième moyen doit être écarté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité

118    La requérante soutient qu’il aurait suffi à la Commission, afin de s’assurer que les fonds du sous-programme « Média » avaient été utilisés conformément aux objectifs du règlement no 1295/2013, de lui accorder la subvention sollicitée sous réserve, d’une part, qu’elle puisse en justifier a posteriori l’emploi et, d’autre part, que le transfert des bénéfices vers des pays tiers soit interdit, sinon à devoir en rembourser le montant.

119    La requérante estime, en conséquence, que le rejet « de principe » de sa demande de financement, sans que soit examinée l’utilisation réelle des fonds, violerait le principe de proportionnalité, consacré expressément par l’article 5, paragraphe 4, TUE.

120    La Commission, soutenue par l’EACEA, conteste l’argumentation de la requérante. En particulier, la Commission fait valoir que le moyen est irrecevable au motif qu’il n’a pas été soulevé dans le recours administratif introduit par la requérante au titre de l’article 22, paragraphe 1, du règlement no 58/2003.

121    Il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés au regard des buts visés. Ce principe est rappelé à l’article 5, paragraphe 4, TUE ainsi qu’à l’article 1er du protocole (no 2) sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au traité UE et au traité FUE (arrêts du 4 juin 2020, Hongrie/Commission, C‑456/18 P, EU:C:2020:421, point 41, et du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/BEI, T‑461/08, EU:T:2011:494, point 142).

122    Or, il suffit de constater qu’aucune des dispositions de la réglementation applicable au présent litige ne prévoit la possibilité, et a fortiori l’obligation, d’accorder un financement provisoire à toute entreprise candidate à l’appel à propositions litigieux. L’octroi de la subvention est, en effet, conditionné au respect des conditions d’éligibilité applicables aux candidats, et non pas, en tout état de cause, à la vérification a posteriori de l’utilisation de la subvention accordée au titre de l’appel à propositions litigieux ou des éventuels bénéfices qui résulteraient d’une telle utilisation (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2022, Leonine Distribution/Commission, T‑641/20, non publié, EU:T:2022:403, point 143).

123    En l’espèce, la requérante ne répondant pas aux critères d’éligibilité fixés à l’article 6.1 de la partie B des lignes directrices, la Commission était tenue de confirmer la position de l’EACEA de rejeter sa candidature à l’appel à propositions litigieux sans que la circonstance selon laquelle elle n’avait pas tenu compte de l’utilisation des fonds antérieurement reçus ou de l’utilisation envisagée des fonds sollicités puisse, en conséquence, révéler, pour un tel motif, le caractère disproportionné de la décision attaquée.

124    Compte tenu de ce qui précède, le cinquième moyen doit être écarté, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité.

125    En conséquence, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

126    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

127    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

128    L’EACEA supportera ses propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      DCM Film Distribution GmbH est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      L’Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture (EACEA) supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Schwarcz

Valasidis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 octobre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.