Language of document : ECLI:EU:T:2008:397

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

24 septembre 2008 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Classement par la Commission d’une plainte mettant en cause un comportement d’un État membre – Décision du Médiateur européen relative au traitement de la plainte – Erreurs commises par la Commission dans la constatation des cas de mauvaise administration – Désignation nominative du requérant – Violation du droit au respect de la vie privée, des principes de proportionnalité et du contradictoire – Préjudice moral – Lien de causalité »

Dans l’affaire T‑412/05,

M, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté initialement par Mes G. Vandersanden et A. Kalogeropoulos, puis par Mes Kalogeropoulos et L. Levi, avocats,

partie requérante,

contre

Médiateur européen, représenté par MM. J. Sant’Anna et G. Grill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande en réparation, en vertu de l’article 288, deuxième alinéa, CE, du préjudice subi par le requérant en raison de sa désignation nominative dans la décision du Médiateur européen du 18 juillet 2002 relative à la plainte enregistrée sous la référence 1288/99/OV et des négligences commises par le Médiateur quant à l’instruction de ladite plainte et aux conclusions auxquelles il est parvenu dans ladite décision,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), président, MM. S. Papasavvas et A. Dittrich, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 31 janvier 2008,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Conformément à l’article 21, deuxième alinéa, CE, tout citoyen de l’Union peut s’adresser au Médiateur européen (ci‑après le « Médiateur ») institué conformément aux dispositions de l’article 195 CE.

2        L’article 195, paragraphe 1, CE dispose :

« Le Parlement européen nomme un médiateur, habilité à recevoir les plaintes émanant de tout citoyen de l’Union ou de toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre et relatives à des cas de mauvaise administration dans l’action des institutions ou organes communautaires, à l’exclusion de la Cour de justice et du Tribunal de première instance dans l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles.

[…] »

3        Aux termes de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision 94/262/CECA, CE, Euratom du Parlement européen, du 9 mars 1994, concernant le statut et les conditions générales d’exercice des fonctions du Médiateur (JO L 113, p. 15, modifiée par la décision 2002/262/CE, CECA, Euratom du Parlement européen, du 14 mars 2002, JO L 92, p. 13) :

« 1. Le [M]édiateur procède, de sa propre initiative ou à la suite d’une plainte, à toutes les enquêtes qu’il estime justifiées pour clarifier tout cas éventuel de mauvaise administration dans l’action des institutions et organes communautaires. Il en informe l’institution ou l’organe concerné, qui peut lui faire parvenir toute observation utile.

2. Les institutions et organes communautaires sont tenus de fournir au [M]édiateur les renseignements qu’il leur demande et lui donnent accès aux dossiers concernés. Ils ne peuvent s’y refuser que pour des motifs de secret dûment justifiés.

[…] »

4        L’article 4, paragraphe 1, de la décision 94/262 dispose :

« Le [M]édiateur et son personnel – auxquels [s’applique] l’article [287] CE […] – sont tenus de ne pas divulguer les informations et les pièces dont ils ont eu connaissance dans le cadre des enquêtes auxquelles ils procèdent […] »

5        Le 16 octobre 1997, le Médiateur a adopté des dispositions d’exécution de la décision 94/262 (ci‑après les « DE de 1997 »). Les DE de 1997 sont entrées en vigueur le 1er janvier 1998 et ont cessé d’être d’application au 1er janvier 2003.

6        Le point 5.2 des DE de 1997, intitulé « Pouvoirs d’investigation », prévoit que « [s]i un fonctionnaire ou autre agent est nommément critiqué dans une plainte, il est normalement invité à présenter des observations ».

 Faits à l’origine du litige

7        Par lettre du 21 juin 1995, Me H. a déposé une plainte auprès de la Commission au nom de plusieurs résidents et propriétaires de biens immobiliers dans la région de Parga, Préveza (Grèce), parmi lesquels figurait Mme K. La plainte a été enregistrée sous le n° 1995/4923. Dans celle‑ci, les plaignants affirmaient que le site dénommé « Varka », choisi pour la construction de la station d’épuration biologique des eaux urbaines résiduaires de Parga, était inadéquat et que la construction et la mise en service de la station d’épuration auraient des incidences négatives sur l’environnement, en violation des directives 76/160/CEE du Conseil, du 8 décembre 1975, concernant la qualité des eaux de baignade (JO 1976, L 31, p. 1), 80/68/CEE du Conseil, du 17 décembre 1979, concernant la protection des eaux souterraines contre la pollution causée par certaines substances dangereuses (JO 1980, L 20, p. 43), 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40) et, tout particulièrement, de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40).

8        N’ayant pas reçu de réponse à leur plainte, les plaignants ont présenté, en octobre 1996, une pétition à la commission des pétitions du Parlement, enregistrée sous le n° 570/96, pour contester le choix de « Varka » comme site pour la construction de la station d’épuration.

9        Dans une communication du 26 mars 1997, la Commission a informé la commission des pétitions du Parlement que, eu égard aux informations dont elle disposait à ce stade, elle estimait que le projet faisant l’objet de la plainte n° 1995/4923 n’était pas conforme à la directive 85/337, le démarrage des travaux ayant été autorisé avant l’achèvement de l’étude d’impact sur l’environnement, et que, par conséquent, elle avait décidé d’inclure cette affaire dans le cadre d’une procédure horizontale en manquement contre la République hellénique et de suspendre le financement du projet par le Fonds de cohésion.

10      Parallèlement, les autorités helléniques ont, dans le cadre de leur correspondance avec la Commission, notamment dans une lettre du 11 mars 1998, communiqué à la Commission certaines informations concernant le projet en cause et, en particulier, l’arrêt n° 744/1997 du Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État grec) rejetant le recours en annulation introduit par les plaignants contre la décision n° 85202/5142/10.10.1995 du directeur général de la direction générale « Environnement » du ministère de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire et des Travaux publics grec portant approbation préalable du site Varka pour la construction de la station d’épuration ; l’arrêté ministériel conjoint n° 121227/18.3.1997 autorisant la construction de la station d’épuration sur le site Varka comme étant conforme aux normes en matière d’environnement ; l’arrêté n° 667/28.2.1986 du préfet de Préveza, approuvant l’étude relative à la construction du réseau d’assainissement et de la station d’épuration de Parga, et un projet d’étude d’impact du projet en question sur l’environnement, au sens de la directive 85/337, en vue de son cofinancement par le Fonds de cohésion.

11      Après avoir examiné l’ensemble des nouvelles informations mises à sa disposition par les autorités helléniques, la Commission a estimé, au cours d’une réunion ayant eu lieu au ministère des Affaires étrangères grec le 20 mai 1998, que, l’ensemble du projet de construction de la station d’épuration de Parga ayant été approuvé avant l’entrée en vigueur, le 3 juillet 1988, de la directive 85/337, l’évaluation de ses incidences sur l’environnement, prévue par ladite directive, n’était pas obligatoire. Ainsi, l’affaire litigieuse devait être dissociée de la procédure horizontale en manquement relative à la bonne application de la directive 85/337 en Grèce et le cofinancement du projet par le Fonds de cohésion pouvait être débloqué.

12      Dans une note de dossier, datée du 27 mai 1998, le requérant, M. M., un fonctionnaire de la direction générale « Environnement, sécurité nucléaire et protection civile » de la Commission (ci‑après la « DG Environnement »), a considéré que la procédure en manquement contre la République hellénique, objet de la plainte n° 1995/4923, ne devrait plus être poursuivie et que, partant, une lettre devait être adressée aux plaignants les informant de l’intention des services de la Commission de proposer la clôture de l’affaire.

13      Par décision C (1998) 2297 du 28 juillet 1998, la Commission a relancé la procédure de cofinancement du projet.

14      Mme K. a communiqué à la Commission de nouveaux éléments à l’appui de la plainte n° 1995/4923 les 23 octobre et 7 décembre 1998.

15      Le 3 décembre 1998, l’époux de Mme K. a eu un entretien à Athènes (Grèce) avec deux fonctionnaires de la Commission concernant la plainte n° 1995/4923.

16      Par lettre du 9 décembre 1998, le requérant a informé Mme K. que les services de la Commission examineraient ces nouveaux éléments et qu’ils décideraient, à l’issue dudit examen, de la suite qu’il conviendrait de donner à l’affaire.

17      Le requérant a pris un congé annuel du 15 décembre 1998 au 30 janvier 1999, qui a été suivi par un congé de convenance personnelle (ci‑après le « CCP ») débutant le 1er février et prenant fin le 30 juin 1999. Pendant son CCP, le requérant a été conseiller du président du parti politique grec Nea Democratia.

18      Par lettre du 28 janvier 1999, la Commission a informé Mme K. que, en vue de clarifier certains points du dossier, elle envisageait l’organisation, en mars 1999, d’une visite du site et d’un débat public à Parga sur le projet.

19      Au cours du débat public ayant eu lieu le 19 mars 1999 à Parga, l’époux de Mme K. ainsi que d’autres habitants de la région et les représentants des autorités locales et nationales ont exprimé leur point de vue sur le projet. En outre, les représentants de la Commission se sont rendus sur le site en cause. Par courrier du 23 mars 1999, la Commission a envoyé le procès-verbal du débat public aux autorités helléniques et aux plaignants.

20      Par lettre du 20 avril 1999, la Commission a informé Mme K. et les autres plaignants des résultats de l’instruction de leur plainte n° 1995/4923 et de son intention de classer l’affaire et les a invités à formuler leurs observations éventuelles à ce sujet. Les plaignants n’ayant pas transmis de nouveaux éléments d’information, la Commission a décidé de classer l’affaire [PV (1999) 1440 du 1er juillet 1999].

21      Par arrêt n° 3221/1999, rendu le 18 octobre 1999, le Symvoulio tis Epikrateias a rejeté le recours en annulation introduit par les plaignants contre l’arrêté ministériel conjoint n° 121227/18.3.1997 autorisant la construction de la station d’épuration litigieuse.

22      Le 22 octobre 1999, Mme K. a présenté une plainte auprès du Médiateur relative à la manière selon laquelle la Commission avait traité sa plainte n° 1995/4923. La plainte adressée au Médiateur a été enregistrée sous la référence 1288/99/OV.

23      Dans cette plainte, Mme K. reprochait notamment à la Commission de ne pas avoir respecté son obligation d’examen impartial de la plainte n° 1995/4923.

24      Dans sa décision du 18 juillet 2002 relative à la plainte enregistrée sous la référence 1288/99/OV, le Médiateur a formulé les trois commentaires suivants :

« 1. Entre mars 1998 et décembre 1998, période pendant laquelle elle a modifié sa position sur la présente affaire, la Commission n’a pas fourni les informations nécessaires dès lors qu’elle a caché à la plaignante un élément en l’occurrence fondamental, à savoir qu’elle s’était déjà déterminée, par sa décision C ([19]98) 2297 du 28 juillet 1998, à faire bénéficier le projet litigieux d’un financement du Fonds de cohésion. La Commission a ainsi fait croire à la plaignante qu’elle poursuivait l’instruction de l’affaire. Le fait que la Commission n’ait pas informé la plaignante de manière adéquate sur son dossier est constitutif de mauvaise administration.

2. La demande d’autorisation du projet litigieux, au sens de l’arrêt rendu par la Cour de justice le 11 août 1995 dans l’affaire C-431/92, a été introduite de manière formelle le 28 février 1995, c’est-à-dire après l’entrée en vigueur de la directive 85/337, de sorte que la Commission a jugé à tort que cette directive n’était pas applicable audit projet. Ce fait est constitutif de mauvaise administration.

3. Du point de vue de la plaignante, qui ignorait que le fonctionnaire incriminé était en congé annuel puis en [CCP] non rémunéré, et qui venait de surcroît de recevoir une lettre signée de sa main le 9 décembre 1998 et l’informant de la poursuite de l’instruction de l’affaire, il y avait assurément lieu de douter que la Commission avait traité le dossier de manière impartiale et appropriée et que la conduite du fonctionnaire en question était uniquement dictée par le souci de défendre les intérêts de la Communauté. À vrai dire, il serait difficile à un citoyen quelconque d’un quelconque État membre de ne pas douter du caractère impartial de l’action entreprise par la Commission en sa qualité de gardienne du traité alors même qu’un fonctionnaire de cette institution jouerait un rôle central dans l’examen d’un dossier d’infraction tout en exerçant des fonctions dans un parti politique justement de l’État membre mis en cause dans ce dossier et en agissant publiquement au titre de ces fonctions à un moment où l’instruction du dossier suivrait son cours. Les incidents de ce genre peuvent nuire auprès des citoyens à la réputation de la Commission en tant que gardienne du traité, chargée de promouvoir le respect du droit communautaire. Le Médiateur estime, par conséquent, que la Commission, pourtant gardienne du traité, n’a pas veillé au traitement impartial et approprié de la présente affaire. Ce manquement est constitutif de mauvaise administration. »

25      La décision du 18 juillet 2002 a été publiée sur le site Internet du Médiateur, le 23 juillet 2002. Cette première version comporte des références explicites au nom du requérant. Une seconde version a remplacé la première sur ledit site Internet, à partir du 2 août 2002. La seconde version ne comporte plus de références nominatives au requérant.

26      Le 23 juillet 2002, le Médiateur a publié sur son site Internet un communiqué de presse concernant sa décision du 18 juillet 2002.

27      Par lettre du 16 décembre 2002, adressée au Médiateur, la Commission a formellement contesté le bien-fondé de l’ensemble des conclusions susvisées de l’enquête de celui-ci.

 Procédure et conclusions des parties

28      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 novembre 2005, le requérant a introduit le présent recours.

29      À la demande du requérant, le président de la cinquième chambre du Tribunal a décidé, le 10 janvier 2006, de lui accorder le bénéfice de l’anonymat.

30      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté, en qualité de président, à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

31      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

32      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 31 janvier 2008. À la fin de l’audience, le Tribunal, après avoir entendu les parties en chambre du conseil, a suspendu la procédure orale en vue de permettre aux parties de trouver une solution amiable du litige pour le 6 mars au plus tard.

33      Par lettres des 25 février et 3 mars 2008, respectivement, le requérant et le Médiateur ont informé le Tribunal de ce qu’une solution amiable du litige n’avait pu être trouvée.

34      Par lettre du 7 mars 2008, le requérant a encore confirmé, se référant à la lettre du Médiateur du 3 mars 2008, qu’aucun accord n’avait été trouvé entre les parties et a invité le Tribunal à poursuivre la procédure. Cette lettre a été versée au dossier et le Médiateur a été invité à formuler des observations sur celle‑ci. Les observations formulées par le Médiateur sont parvenues au greffe du Tribunal le 8 avril 2008. Par la suite, la procédure orale a été clôturée.

35      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la responsabilité extracontractuelle de la Communauté européenne sur la base de l’article 288, deuxième alinéa, CE, est engagée en raison des fautes commises par le Médiateur dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, et plus particulièrement en raison de la publication de son rapport relatif à la plainte enregistrée sous la référence 1288/99/OV le désignant injustement de manière nominative et en raison des négligences commises par le Médiateur quant à l’instruction du dossier et aux conclusions erronées auxquelles il est parvenu ;

–        en conséquence, condamner la Communauté, représentée par le Médiateur, à lui payer, à titre de réparation de son dommage professionnel, moral ainsi que du préjudice causé à sa santé, une somme provisoirement évaluée à 150 000 euros ;

–        condamner la Communauté, représentée par le Médiateur, aux dépens.

36      Le Médiateur conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son ensemble comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 Sur la recevabilité

 Sur l’absence d’une démarche précontentieuse

 Arguments des parties

37      Le Médiateur fait valoir que le requérant est un fonctionnaire des Communautés européennes assujetti aux dispositions du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci‑après le « statut »). Bien qu’il ne soulève pas d’exception d’irrecevabilité dans la présente affaire, il estime qu’une démarche précontentieuse, semblable à celle prévue à l’article 90 du statut (arrêts du Tribunal du 28 juin 1996, Y/Cour de justice, T‑500/93, RecFP p. I‑A‑335 et II‑977, point 64 ; du 6 novembre 1997, Liao/Conseil, T‑15/96, RecFP p. I‑A‑329 et II‑897, point 57, et du 23 janvier 2002, Reynolds/Parlement, T‑237/00, Rec. p. II‑163, point 131), aurait permis de poursuivre les objectifs d’éclaircissement et de précision des points de vue mutuels de l’administration et du fonctionnaire et aurait, le cas échéant, pu contribuer utilement à la résolution du différend.

38      Le requérant soutient, en se référant à l’arrêt de la Cour du 23 mars 2004, Médiateur/Lamberts (C‑234/02 P, Rec. p. I‑2803), et à l’arrêt du Tribunal du 10 avril 2002, Lamberts/Médiateur (T‑209/00, Rec. p. II‑2203), que le présent recours est recevable.

 Appréciation du Tribunal

39      Il importe de rappeler que, dans son arrêt Lamberts/Médiateur, point 38 supra, le Tribunal a déjà jugé qu’il était compétent pour connaître d’un recours en indemnité dirigé contre le Médiateur (point 52). Cet arrêt a été confirmé sur pourvoi par la Cour (arrêt Médiateur/Lamberts, point 38 supra).

40      En l’espèce, il doit être constaté, ainsi que le Médiateur lui‑même le souligne, que, même si le requérant est un fonctionnaire de la Commission, le présent recours ne porte pas sur un litige entre un fonctionnaire et « son » institution, le requérant demandant la réparation par la Communauté d’un préjudice qui ne résulte pas d’un acte ou d’actes de son institution. Les dispositions du statut relatives aux voies de recours ne sont donc pas d’application dans la présente espèce.

41      Il y a lieu également de souligner que la position du requérant dans la présente affaire n’est pas différente de celle du requérant dans l’affaire Lamberts/Médiateur, point 38 supra, qui, en tant qu’agent auxiliaire de la Commission relevait également des dispositions du statut relatives aux voies de recours pour les litiges entre lui et « son » institution (arrêt Lamberts/Médiateur, point 38 supra, point 16). Or, dans cette affaire, le fait que la procédure précontentieuse de l’article 90 du statut n’avait pas été suivie n’a manifestement pas empêché le juge communautaire de déclarer le recours intenté contre le Médiateur recevable.

42      Il résulte de ce qui précède que ce grief d’irrecevabilité doit être rejeté.

 Sur le respect des exigences de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal

43      Il y a lieu de constater que le préjudice dont se prévaut le requérant dans la requête consiste, d’une part, en un préjudice moral se rapportant à l’affectation de sa réputation et de son honorabilité professionnelle, et, d’autre part, en un préjudice matériel lié aux frais médicaux qu’il aurait encourus.

44      Selon l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et selon l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit, notamment, indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Pour satisfaire à ces exigences, dont le non-respect peut être invoqué d’office par le juge communautaire (arrêt du Tribunal du 8 juin 2000, Camar et Tico/Commission et Conseil, T‑79/96, T‑260/97 et T‑117/98, Rec. p. II‑2193, points 181 et 182), une requête visant à la réparation des dommages causés par une institution ou organe communautaire doit contenir les éléments qui permettent d’identifier, notamment, le préjudice que le requérant prétend avoir subi et, plus précisément, le caractère et l’étendue de ce préjudice (voir ordonnance du Tribunal du 5 février 2007, Sinara Handel/Conseil et Commission, T‑91/05, Rec. p. II‑245, point 109, et la jurisprudence citée).

45      Ce n’est qu’à titre exceptionnel que le Tribunal a admis que, dans des circonstances particulières, il n’était pas indispensable de préciser dans la requête l’étendue exacte du préjudice et de chiffrer le montant de la réparation demandée. À cet égard, il a également été jugé que le requérant devait établir ou au moins invoquer, dans sa requête, l’existence de telles circonstances (voir ordonnance Sinara Handel/Conseil et Commission, point 44 supra, point 110, et la jurisprudence citée).

46      Or, en l’espèce, il convient de relever que la requête ne contient aucun élément de preuve concernant la réalité des problèmes de santé invoqués par le requérant. En outre, elle ne contient aucun élément permettant d’établir les frais que ces prétendus problèmes de santé lui auraient occasionnés.

47      Par ailleurs, le requérant n’a pas fait valoir de circonstances particulières qui l’auraient empêché d’identifier concrètement et précisément dans la requête le montant des différents aspects du préjudice matériel qu’il aurait subi.

48      Il s’ensuit que le recours est irrecevable dans la mesure où il porte sur le dédommagement du préjudice matériel qu’aurait subi le requérant.

49      S’agissant ensuite du préjudice moral, il doit être constaté que le requérant se réfère, d’une part, à un préjudice propre, et, d’autre part, à un préjudice que sa famille, et en particulier sa fille, aurait subi. Toutefois, dès lors que le requérant ne fait valoir ni une cession de droits ni un mandat explicite l’habilitant à présenter une demande de réparation du préjudice prétendument subi par des membres de sa famille (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 4 octobre 1979, Ireks-Arkady/CEE, 238/78, Rec. p. 2955, point 5 ; arrêt du Tribunal du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T‑481/93 et T‑484/93, Rec. p. II‑2941, points 76 et 77, et ordonnance du Tribunal du 2 juillet 2004, Coldiretti – Federazione regionale della Sardegna et CIA/Commission, T‑9/03, non publiée au Recueil, points 47 et 48) et que, en tout état de cause, la requête ne satisfait pas aux exigences rappelées au point 44 ci‑dessus en ce qu’elle n’explicite pas le préjudice moral qu’auraient pu subir les membres de la famille du requérant par les comportements du Médiateur, le recours doit être rejeté comme irrecevable pour dans la mesure où il vise à la réparation de ce préjudice.

50      Le recours n’est donc recevable que dans la mesure où il vise à la réparation du préjudice moral personnel subi par le requérant.

 Sur le fond

 Arguments des parties

 Sur l’illégalité du comportement du Médiateur

51      Le requérant fait observer, à titre liminaire, qu’un dysfonctionnement interne d’une institution (arrêt du Tribunal du 16 novembre 1994, San Marco/Commission, T‑451/93, Rec. p. II‑1061) ou la violation d’une obligation de confidentialité (arrêt de la Cour du 7 novembre 1985, Adams/Commission, 145/83, Rec. p. 3539) peut constituer un comportement illégal qui donne lieu à la réparation du dommage causé. Le requérant rappelle, ensuite, que, dans son arrêt Lamberts/Médiateur, point 38 supra (point 57), le Tribunal a considéré qu’il n’était pas exclu qu’un citoyen puisse démontrer que le Médiateur a commis une faute manifeste dans l’exercice de ses tâches. Pour rechercher s’il existe une violation suffisamment caractérisée du Médiateur, il devrait être tenu compte des spécificités de sa fonction (arrêt Médiateur/Lamberts, point 38 supra, point 50). Cette spécificité s’apprécierait par rapport aux compétences, aux pouvoirs et aux fonctions conférés au Médiateur.

52      En l’espèce, le requérant soutient que le Médiateur a commis une erreur en qualifiant son rapport du 18 juillet 2002 relatif à la plainte enregistrée sous la référence 1288/99/OV de « décision ». Le Médiateur se serait ainsi arrogé des droits qu’il ne possède pas. En effet, le Médiateur n’aurait pas la compétence pour prendre des actes obligatoires.

53      En outre, le Médiateur aurait commis de graves erreurs d’appréciation dans le traitement de la plainte enregistrée sous la référence 1288/99/OV ayant abouti à la « décision » du 18 juillet 2002. En citant nommément le requérant dans la « décision » du 18 juillet 2002 et en imputant à tort trois cas de mauvaise administration à la Commission, le Médiateur aurait manifestement outrepassé les pouvoirs et compétences qui lui sont conférés par le traité.

54      En premier lieu, en ce qui concerne la désignation nominative du requérant, celui‑ci rappelle que le Médiateur a procédé à la publication de sa « décision » du 18 juillet 2002 en faisant au moins à dix reprises état de son nom ou de sa qualité de chef de l’unité juridique de la DG Environnement, ce qui aurait permis une identification rapide d’un fonctionnaire assumant des tâches importantes. Se référant à l’arrêt de la Cour du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes (C‑315/99 P, Rec. p. I‑5281), et à l’arrêt du Tribunal du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes (T‑277/97, Rec. p. II‑1825), le requérant relève qu’une personne ne peut être désignée nommément dans les décisions destinées au public qu’à titre tout à fait exceptionnel. En l’espèce, les conditions pour pouvoir désigner nommément le requérant ne seraient manifestement pas réunies. À cet effet, le requérant insiste sur le fait qu’il n’a pas été entendu par le Médiateur sur les griefs qui avaient été formulés contre lui par la partie plaignante. Le Médiateur n’aurait, de ce fait, respecté ni les droits de la défense et le principe du contradictoire ni le droit à la protection de la réputation consacrée par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (ci‑après la « CEDH »).

55      Le requérant fait encore observer qu’il a été entendu par la Commission, à la demande du Médiateur, et que celle‑ci a conclu qu’il n’avait commis aucune faute et qu’il n’avait pas pu influencer la procédure décisionnelle de la Commission. Le Médiateur aurait dû, dès ce moment, être plus attentif et prudent. Si le Médiateur considérait qu’il ne pouvait pas passer sous silence les allégations de la plaignante, il aurait dû, après la conclusion de l’enquête par la Commission, les rejeter clairement en considérant qu’elles n’étaient pas fondées.

56      Le requérant insiste par ailleurs sur l’absence de tout risque de confusion en cas d’absence de désignation nominative dans le cas d’espèce. Il serait évident qu’une enquête pourrait être sérieuse aux yeux de tous, y compris des citoyens européens, sans qu’il faille nécessairement procéder à la désignation de personnes concernées par cette enquête. Le fait que le requérant aurait pu être identifié en raison de ses responsabilités serait sans doute vrai, mais n’autoriserait pas pour autant le Médiateur à se livrer lui‑même à cette désignation. Dès lors, toutes les données permettant l’identification du requérant ainsi que le contenu et l’étendue des jugements de valeur exprimés auraient excédé ce qui était strictement nécessaire à la réalisation des objectifs visés par l’enquête du Médiateur. En essayant d’y remédier ex post en enlevant le nom du requérant de sa décision publiée sur son site Internet, le Médiateur aurait même reconnu explicitement son erreur.

57      Enfin, le requérant soutient qu’il a subi un traitement discriminatoire dès lors que le nom de la plaignante aurait été maintenu confidentiel dans la « décision » du Médiateur du 18 juillet 2002 alors qu’il y aurait été nommément cité. Le Médiateur se serait fondé de manière exclusive sur les allégations d’une source anonyme, sans que cet anonymat ait été contrebalancé par des garanties procédurales et notamment le droit du requérant à être entendu, en violation de l’article 6 de la CEDH et de l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1).

58      En deuxième lieu, le requérant considère que, en adoptant sa « décision » du 18 juillet 2002, le Médiateur aurait procédé à un certain nombre d’appréciations erronées et aurait excédé ses pouvoirs.

59      Le premier commentaire critique formulé par le Médiateur dans sa « décision » du 18 juillet 2002 ne serait pas fondé. Il ressortirait par ailleurs de l’ordonnance du Tribunal du 13 janvier 2006, Komninou e.a./Commission (T‑42/04, non publiée au Recueil, points 34 et 35), qu’aucun reproche de manque d’information de la plaignante ne pourrait être adressé à la Commission ni, par voie de conséquence, au requérant, qui a travaillé pour la Commission sur ce dossier.

60      S’agissant du deuxième commentaire critique formulé par le Médiateur dans sa « décision » du 18 juillet 2002, le requérant soutient que le Médiateur, en aboutissant à la conclusion selon laquelle la Commission aurait procédé à une mauvaise application du droit communautaire en considérant que le projet litigieux n’était pas visé par la directive 85/377, a manifestement excédé ses pouvoirs en tant qu’organe communautaire.

61      Concernant le troisième commentaire critique formulé dans la « décision » du Médiateur du 18 juillet 2002, à savoir l’allégation selon laquelle la Commission n’aurait pas respecté les règles d’impartialité et n’aurait pas traité la plainte de façon appropriée, celui-ci serait totalement dénué de fondement et témoignerait d’une attitude partiale de la part du Médiateur dans le traitement du dossier ainsi que d’une faute manifeste dans l’exercice de ses compétences, en ce qu’elle mettrait directement en cause le rôle prétendument joué par le requérant dans l’aboutissement du projet litigieux, son financement et l’appréciation de sa conformité au droit communautaire.

62      Le Médiateur ne saurait déduire du simple fait que le requérant ait exercé des activités politiques en Grèce auprès du président du parti Nea Democratia au cours de la période précédant le classement de la plainte qu’il aurait exercé ses fonctions de manière partiale et en opposition avec les intérêts de la Communauté. Les comportements prétendument litigieux auraient eu lieu en effet alors que le requérant était en CCP. Celui-ci n’aurait eu aucun contact avec les fonctionnaires en charge du dossier à cette période, ce qui ressortirait également des déclarations des fonctionnaires interrogés lors d’une audition. Le caractère non fondé des allégations du Médiateur à l’encontre du requérant ressortirait en outre clairement de l’ordonnance Komninou e.a./Commission, point 59 supra (points 36 à 38).

63      En troisième lieu, le requérant soutient que le Médiateur a violé le principe de confidentialité, prescrit par l’article 3, paragraphe 2, et l’article 4 de la décision 94/262, en communiquant le contenu du rapport d’audition interne effectué par la Commission à la plaignante.

64      Le Médiateur rappelle que le critère décisif pour considérer une violation du droit communautaire comme étant suffisamment caractérisée est celui de la méconnaissance manifeste et grave par l’institution ou l’organe communautaire concerné des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation (arrêt de la Cour du 10 juillet 2003, Commission/Fresh Marine, C‑472/00 P, Rec. p. I‑7541, point 26). Pour rechercher s’il s’est produit une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire permettant d’engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté en raison du comportement du Médiateur, il devrait donc être tenu compte des spécificités de la fonction de ce dernier. Dans ce contexte, il conviendrait de retenir que le Médiateur bénéficie d’une marge d’appréciation étendue dans la conduite de ses enquêtes (arrêt Médiateur/Lamberts, point 38 supra, point 50).

65      Par conséquent, même à considérer que le Médiateur aurait commis une faute dans le cadre de son enquête, ce qu’il conteste, sa responsabilité non contractuelle ne pourrait être engagée qu’en présence d’une méconnaissance flagrante et manifeste des obligations qui lui incombent, ce qui ne se vérifierait pas non plus en l’espèce.

66      En premier lieu, s’agissant de la désignation du requérant dans sa décision du 18 juillet 2002, le Médiateur fait valoir que, dans des cas où une plainte dirigée à l’encontre d’une institution ou d’un organe communautaire comprend une accusation contre un fonctionnaire ou un agent identifié, il doit prendre en compte tous les droits et les intérêts des personnes concernées et doit également garantir que ses activités d’enquête sont en accord avec le cadre juridique établi par le statut en ce qui concerne les mesures disciplinaires et avec les objectifs d’intérêt public qui lui sont impartis par le traité CE.

67      Le Médiateur affirme ensuite qu’il doit, en tant qu’autorité publique, respecter les droits et les libertés garantis par la CEDH. Il rappelle que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme reconnaît la protection de la réputation comme un des droits garantis par l’article 8 de la CEDH en tant qu’élément du droit au respect et à la protection de la vie privée (voir Cour eur. D. H., arrêt Radio France e.a. c. France du 30 mars 2004, Recueil des arrêts et décisions, 2004‑II).

68      Toutefois, dans sa décision du 18 juillet 2002, le Médiateur n’aurait aucunement censuré le comportement du requérant. Cette décision aurait comporté exclusivement des commentaires critiques adressés à la Commission en tant qu’institution. Au contraire, en mentionnant dans ladite décision le fait que la Commission avait enquêté sur les accusations portées par la plaignante à l’encontre du requérant et en précisant que celle‑ci considérait ces accusations comme non fondées, le Médiateur aurait agi de façon à protéger la réputation du requérant contre les rumeurs qui seraient susceptibles de résulter de toute tentative d’étouffer ou de passer sous silence de telles accusations.

69      Les accusations de la plaignante auraient concerné les activités politiques et publiques du requérant en tant que conseiller pour les affaires européennes du président d’un des grands partis politiques grecs et l’exercice de ses fonctions officielles en tant que haut fonctionnaire communautaire. Or, bien que le terme « vie privée » ne doive pas être interprété de façon restrictive, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ne permettrait pas aux personnalités publiques de s’attendre à ce que leur participation à des activités de gestion de la chose publique soit exemptée du droit de regard des citoyens. Celle-ci aurait en effet jugé que « les limites de la critique acceptable sont plus larges en ce qui concerne une personnalité publique […] qu’en ce qui concerne un particulier » et que, « [à] la différence du dernier, une responsabilité publique s’expose inévitablement et sciemment à l’examen minutieux de ses paroles et actes par […] le public en général, et doit par conséquent faire preuve d’un plus grand degré de tolérance » (voir Cour eur. D. H., arrêt Hrico c. Slovaquie du 20 juillet 2004, Recueil des arrêts et décisions, 2004‑II, § 40).

70      Même si l’on considérait qu’il y avait eu violation de l’article 8 de la CEDH, ce que le Médiateur nie, il serait alors nécessaire de pondérer le droit à la protection de la vie privée et la protection des droits et libertés d’autrui. Le Médiateur se réfère à cet effet à l’arrêt du Tribunal du 10 novembre 2004, Vonier/Commission (T‑165/03, RecFP p. I‑A‑343 et II‑1575, point 56).

71      Or, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions dans l’intérêt général des Communautés et des citoyens de l’Union, le Médiateur aurait toujours estimé que les citoyens en général ont un intérêt légitime et réel dans la bonne conduite des personnalités publiques qui traitent des affaires d’intérêt général. La transparence de ses enquêtes permettrait aux citoyens de mieux s’informer sur le fonctionnement des institutions communautaires et encouragerait ainsi l’émergence d’une opinion publique européenne. Le droit de regard du public comprendrait dès lors naturellement la possibilité pour les institutions et organes communautaires ainsi que pour leurs agents, et en particulier pour leurs hauts fonctionnaires, de faire l’objet d’éventuelles critiques. Le principe de transparence et d’ouverture et la liberté des débats publics l’emporteraient sur l’intérêt du fonctionnaire communautaire à rester anonyme.

72      L’intérêt du requérant au traitement confidentiel de l’information le concernant devrait ainsi être mis en balance avec l’intérêt de garantir la transparence et le droit de regard du public envers l’administration, intérêt qui aurait été d’autant plus grand dans la présente affaire eu égard au fait que le requérant était un haut fonctionnaire exerçant des fonctions très importantes à la Commission, que les questions en jeu, à savoir la protection de l’environnement et les plaintes pour infraction dans ce domaine, sont parmi celles qui intéressent le plus les citoyens, que le requérant avait choisi de devenir une personnalité publique en assumant des responsabilités politiques, qu’il avait été personnellement mis en cause par une citoyenne européenne qui s’est plainte auprès du Médiateur et qu’il avait été exempté de toute suspicion par la Commission à la suite d’une enquête administrative.

73      Le Médiateur souligne par ailleurs que ses décisions antérieures à octobre 2002 incluaient régulièrement les noms des fonctionnaires ou agents concernés. Cela n’aurait jamais impliqué quelque critique que ce soit à l’égard des fonctionnaires mentionnés et ni la Commission ni les fonctionnaires concernés n’auraient jamais contesté cette pratique jusqu’à présent. La pratique du Médiateur aurait été modifiée en octobre 2002 par mesure de prudence, eu égard à l’incertitude qui aurait existé à l’époque en ce qui concernait l’interprétation et l’application à donner au règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données sur la protection des données personnelles (JO 2001, L 8, p. 1).

74      En tout état de cause, dans le cas d’espèce, les hautes fonctions exercées par le requérant auraient toujours permis son identification. Si le Médiateur était obligé d’éviter à tout prix la possibilité d’identification directe des hauts fonctionnaires concernés, il existerait un risque important de dénaturation des rapports sur les enquêtes menées et de leurs conclusions. Le risque serait grand de les rendre incompréhensibles pour les plaignants et de nature à jeter le doute sur le caractère sérieux des enquêtes du Médiateur aux yeux des citoyens en général, et ce surtout dans les cas où les agents au service d’une autorité publique seraient mis en cause par un plaignant. De surcroît, les mentions vagues et imprécises sur l’identité et les fonctions exercées par les personnes mises en cause risqueraient de jeter la confusion sur leur vraie identité, ce qui serait susceptible de nuire aux intérêts d’autres personnes concernées, mais non visées par les accusations de la plaignante (conclusions de l’avocat général M. Ruiz-Jarabo Colomer sous l’arrêt du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, point 54 supra, Rec. p. II‑5283, point 76).

75      Le fait que ses enquêtes seraient menées à l’encontre des institutions et non de leurs fonctionnaires n’empêcherait pas le Médiateur d’examiner les comportements des fonctionnaires des institutions, car les activités de celles‑ci seraient constituées par les actions des personnes physiques qui les représentent. Dès lors, les fonctionnaires des institutions ne pourraient pas être considérés comme des tierces personnes, ce qui serait confirmé par l’article 3, paragraphe 2, de la décision 94/262.

76      Ce serait à tort que le requérant croit voir dans la décision du 18 juillet 2002 des critiques personnelles à son égard. Celle‑ci ne ferait aucune accusation à l’encontre du requérant et prendrait acte de la position de la Commission qui a exempté le requérant de toute suspicion et de toute accusation de conduite incorrecte, ce qui distinguerait clairement la présente espèce de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 26 octobre 1993, Caronna/Commission (T‑59/92, Rec. p. II‑1129).

77      Enfin, le Médiateur n’aurait pas « avoué sa faute » en publiant une seconde version de la décision du 18 juillet 2002 sur son site Internet le 2 août 2002. En modifiant très rapidement la décision disponible sur le site Internet, en remplaçant le nom du requérant par l’expression « un fonctionnaire de la [DG] Environnement », il aurait voulu éviter des interprétations injustifiées du contenu de sa décision et répondre aux préoccupations du requérant. Il s’agirait d’un geste de bonne volonté envers ce dernier. Il souligne en outre que le nom du requérant n’a jamais été identifié dans son communiqué de presse.

78      En deuxième lieu, le Médiateur conteste les allégations du requérant concernant la prétendue violation des dispositions juridiques en rapport avec les enquêtes du Médiateur et avec les prétendues fautes (carences, omissions et imprécisions) commises dans le cadre de l’enquête relative à la plainte enregistrée sous la référence 1288/99/OV et dans la décision du 18 juillet 2002.

79      Il affirme que les deux premiers commentaires critiques formulés dans sa décision du 18 juillet 2002 sont entièrement justifiés.

80      En ce qui concerne le troisième commentaire critique, le Médiateur considère que les arguments du requérant reposent sur une lecture imprécise de la décision du 18 juillet 2002. Le requérant confondrait les allégations de la plaignante et les conclusions auxquelles a abouti le Médiateur dans son enquête et identifierait erronément le destinataire auquel s’adressent les commentaires critiques.

81      Ainsi, la décision du 18 juillet 2002 mentionnerait successivement, d’abord, l’allégation de la plaignante sur le manque d’impartialité de la Commission, ensuite, le rapport de la Commission à la suite de l’enquête administrative à laquelle elle a procédé et selon lequel le fonctionnaire mis en question aurait agi correctement et n’aurait aucunement influencé la décision prise et, enfin, les faits constants du dossier tels que présentés objectivement par le Médiateur, qui démontreraient néanmoins que le requérant, en sa qualité de chef de l’unité des affaires juridiques de la DG Environnement, aurait été profondément impliqué dans la procédure qui aurait conduit au changement de position de la Commission concernant le bien-fondé de la plainte n° 1995/4923. Le Médiateur aurait également constaté que, pendant la période où le requérant était encore en activité à la Commission, des articles dans la presse grecque avaient déjà fait état de sa nomination en tant que conseiller politique du président d’un parti politique en Grèce.

82      Toutefois, se référant à la formulation du troisième commentaire critique (décision du 18 juillet 2002, p. 25), le Médiateur souligne qu’il n’a jamais fait de critiques à l’encontre du requérant. Ses commentaires ne seraient adressés qu’à la Commission, en tant que gardienne du traité, qui n’aurait pas pris les mesures nécessaires pour que le traitement de la plainte n° 1995/4923 apparaisse, aux yeux de n’importe quel citoyen européen et donc aussi de la plaignante, comme ayant été impartial et correct.

83      À cet égard, le Médiateur insiste sur le fait que l’existence d’impartialité peut être déterminée non seulement sur la base d’une démarche subjective, c’est-à-dire en vérifiant si les personnes traitant un dossier l’ont fait d’une manière impartiale, mais également sur la base d’une démarche objective, qui permettrait de vérifier si l’administration a donné des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime à cet égard. Dans le cadre de cette démarche objective, il conviendrait de déterminer s’il y a des faits prouvés qui seraient de nature à jeter le doute sur l’impartialité d’un fonctionnaire traitant un dossier. Une telle démarche serait également appliquée par la Cour européenne des droits de l’homme dans le cadre de l’application de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH (voir Cour eur. D. H., arrêt Piersack c. Belgique du 1er octobre 1982, série A n° 56, § 30 et suivants, Albert et Le Compte c. Belgique du 10 février 1983, série A n° 58, § 32, et Fey c. Autriche du 24 février 1993, Recueil des arrêts et décisions, série A n° 255, § 28 à 30). Or, ce serait en application de cette démarche objective que le Médiateur aurait conclu que, vu les circonstances particulières de ce cas, un citoyen pourrait avoir des doutes légitimes sur le traitement impartial et adéquat par la Commission de la plainte n° 1995/4923 et que la Commission n’aurait pas pris les mesures nécessaires pour écarter ces doutes. Ce serait, en revanche, en application d’une analyse subjective de l’impartialité que le Tribunal aurait constaté, dans son ordonnance Komninou e.a./Commission, point 59 supra (points 36 à 38) que la Commission n’avait pas violé les règles d’impartialité en l’espèce.

84      Le Médiateur n’aurait aucune raison de douter du fait que le requérant se soit comporté de manière impartiale dans le cas qui a donné lieu à la présente affaire et il n’aurait par conséquent fait aucune remarque dans sa décision du 18 juillet 2002 qui pourrait être interprétée comme une critique à l’égard du requérant. En revanche, le Médiateur serait parvenu à la conclusion que la Commission, en tant qu’institution, n’avait pas pris les mesures nécessaires afin d’éviter de donner lieu à des doutes quant à son impartialité.

85      En troisième lieu, le Médiateur fait observer qu’il n’a pas transmis à la plaignante une copie du rapport de l’audition du requérant par la Commission, mais une copie du résumé non confidentiel de ce rapport que la Commission lui aurait fourni après maintes démarches de sa part.

86      Le Médiateur conclut donc que le premier élément constitutif de la responsabilité non contractuelle de la Communauté fait défaut en l’espèce, puisque le requérant n’aurait pas établi à suffisance de droit qu’il avait commis la moindre illégalité ou une faute suffisamment caractérisée en adoptant sa décision du 18 juillet 2002.

 Sur le dommage

87      Le requérant soutient que la « décision » du Médiateur du 18 juillet 2002, en le mettant sérieusement en cause et en l’accusant d’avoir contribué aux cas de mauvaise administration imputés à la Commission, lui a causé un préjudice moral irréparable, qui continuerait tant que les allégations et informations mensongères et impertinentes qu’elle contiendrait demeureraient dans le domaine public et ne seraient pas formellement retirées. La « décision » et le communiqué de presse du Médiateur l’accompagnant auraient été reproduits textuellement dans la presse grecque, européenne et internationale et se trouveraient toujours publiés sur plusieurs sites Internet, en différentes langues et dans plusieurs États membres et pays tiers avec d’autres commentaires qui iraient au‑delà des conclusions erronées tirées par le Médiateur. Plus spécifiquement, l’article diffamatoire publié dans The Sprout et toujours disponible sur le site « thesprout.net » aurait eu un effet « boule de neige » qui aggraverait le préjudice du requérant dans la mesure où son honnêteté, sa probité et son image seraient mises en cause. Il se réfère en outre à un extrait du journal grec intitulé « La Grèce devant la Cour de justice à cause des décharges d’ordures ». Par ailleurs, la réhabilitation a posteriori par l’institution du requérant, à savoir la Commission, ne serait pas à même de modifier la « décision » du Médiateur, puisqu’elle ne serait pas publiée, n’aurait pas le rang de décision ni la même autorité politique qu’une « décision » du Médiateur.

88      Le requérant estime dès lors que la « décision » du Médiateur du 18 juillet 2002, qui lui reproche publiquement de s’être livré, dans l’exécution de ses fonctions, à un favoritisme caractérisé, a gravement porté atteinte à son intégrité professionnelle et à sa réputation, affectant ainsi 25 ans de carrière au sein de la Commission, et en particulier la renommée et la crédibilité que le requérant avait construites au fil des années grâce à ses écrits, publications, livres et participations à des séminaires et en tant que rapporteur, modérateur ou président.

89      Ce préjudice moral serait encore accentué par le fait que les plaignants dans la présente affaire, après avoir introduit une action en responsabilité contre la Commission, qui a été considérée comme manifestement non fondée par le Tribunal dans son ordonnance Komninou e.a./Commission, point 59 supra, ont décidé d’introduire un pourvoi devant la Cour, au cours duquel, selon une note d’un chef d’unité à la DG Environnement, ceux‑ci, « au lieu d’invoquer des moyens de droit, se borne[raie]nt à critiquer des appréciations de fait et rép[é]te[raie]nt les allégations qu’ils [avaient] développées en première instance ». Cette situation serait grandement préjudiciable pour le requérant, d’autant plus qu’il aurait toujours joui auprès de la Cour d’une indéniable respectabilité, ainsi qu’en témoignerait le fait que, lorsqu’il travaillait à Luxembourg, il aurait été pendant de nombreuses années l’agent domiciliataire de la Commission pour les affaires instruites et plaidées devant la Cour.

90      Le requérant souligne également qu’il est de jurisprudence constante qu’un préjudice futur peut faire l’objet d’une réparation. Il suffirait, pour cela, qu’il soit prévisible avec une certitude suffisante sur la base de la situation matérielle et réglementaire existante (arrêt de la Cour du 2 juin 1976, Kampffmeyer e.a./CEE, 56/74 à 60/74, Rec. p. 711 ; arrêt Camar et Tico/Commission et Conseil, point 44 supra, point 73). Si le requérant décidait de quitter la Commission pour poursuivre une carrière dans son pays, éventuellement dans le domaine public, le risque serait grand de voir la « décision » du Médiateur du 18 juillet 2002 utilisée contre lui. Or, il serait évident que, à partir du moment où le nom du requérant a été associé aux cas de mauvaise administration que le Médiateur a considérés comme imputables à la Commission, voire que sa responsabilité a été engagée, le préjudice pourrait même être considéré comme étant dès à présent réel mais pouvant être aggravé, dans le futur, au cas où la mise en cause du requérant par la « décision » incriminée du Médiateur serait utilisée contre lui dans un développement ultérieur de sa carrière.

91      Le requérant évalue dès lors l’ensemble de son préjudice, à titre provisoire, à 150 000 euros.

92      Le Médiateur estime que le préjudice professionnel auquel se réfère le requérant est inexistant. En effet, son institution l’aurait exempté de toute suspicion et de toute critique, rien ne lui aurait été reproché professionnellement à la suite de l’enquête administrative de la Commission, et il aurait gardé son poste, son rang et ses fonctions, toujours de très hautes responsabilités dans la DG Environnement. Les allégations sur le préjudice que son image aurait subi auprès de ses supérieurs, ses pairs et ses subordonnés seraient donc non seulement vagues, mais également fondées sur des faits qui n’auraient pas été établis.

93      La mention d’un préjudice dans sa vie académique ne reposerait sur aucune preuve non plus et serait purement hypothétique. Il en irait de même en ce qui concerne son préjudice éventuel et hypothétique au cas où il voudrait rentrer en Grèce pour suivre une carrière publique.

94      En outre, il ne serait pas établi qu’il y aurait eu une large divulgation de la décision du Médiateur du 18 juillet 2002. En tout état de cause, même si la divulgation de la décision du Médiateur du 18 juillet 2002 avait fait « effet boule de neige », comme le prétend le requérant sans toutefois le prouver, cela n’aurait pas pu lui porter préjudice, puisqu’il n’aurait aucunement été mis en cause personnellement ou professionnellement dans la décision du Médiateur.

95      Enfin, l’argument du requérant tiré du fait que la plaignante se serait fondée sur la décision du Médiateur, dans le cadre de la plainte enregistrée sous la référence 1288/99/OV, pour introduire un recours en indemnité contre la Commission, ne serait pas pertinent pour le cas d’espèce. Le fait qu’un recours en indemnité contre la Commission ait été soumis au Tribunal et que, par la suite, un pourvoi ait été introduit contre l’ordonnance du Tribunal ne prouverait en rien l’existence d’un dommage au requérant.

96      Le Médiateur conclut donc que le requérant n’a pas établi l’existence d’un préjudice réel et certain.

 Sur le lien de causalité

97      Le requérant affirme que, en raison de sa désignation nominative dans la « décision » du Médiateur du 18 juillet 2002 ainsi que des appréciations erronées faites par le Médiateur, il a subi le préjudice allégué tant dans ses relations avec le monde extérieur qu’au sein des institutions elles-mêmes. Les différentes et multiples fautes dont le Médiateur se serait rendu coupable dans la gestion de la plainte enregistrée sous la référence 1288/99/OV constitueraient la cause unique et directe du préjudice. En effet, en l’absence de ladite « décision », le dommage du requérant ne se serait pas produit tel qu’il s’est réalisé en l’espèce. Aucun élément extérieur ne serait venu interrompre ce lien direct de causalité ni le comportement du requérant lui-même.

98      Il souligne qu’il ne dénonce pas seulement sa désignation nominative dans la décision du 18 juillet 2002. Les conclusions du Médiateur seraient fausses dans leur ensemble, ce qui rendrait la mise en cause du requérant encore plus intolérable.

99      Le Médiateur admet que la situation vécue par le requérant, qui était mis en cause personnellement et professionnellement par une citoyenne grecque dans le cadre de ce dossier et qui a dû répondre à des questions dans le cadre des enquêtes administratives conduites par son institution, ait pu lui causer un certain stress et donc des souffrances. Toutefois, il ne serait pas correct cependant d’attribuer ce stress et ces souffrances à l’enquête du Médiateur, celui-ci n’ayant fait qu’exercer son mandat à la suite d’une plainte déposée par une citoyenne. Il rappelle qu’il n’a fait aucun commentaire critique à l’égard du requérant.

100    En outre, même si l’on admettait qu’un préjudice moral ait pu naître pour le requérant du fait de la mise en cause de son professionnalisme dans un journal anglophone, qui aurait mis en doute son honorabilité, ce préjudice ne pourrait pas être imputé à la décision du Médiateur du 18 juillet 2002. En effet, le Médiateur ne formulerait aucune critique à l’égard du requérant dans ladite décision et mentionnerait explicitement et correctement la conclusion de l’enquête de la Commission qui a exempté son fonctionnaire de toute suspicion de comportement incorrect dans le cadre du traitement de ce dossier. Le prétendu préjudice subi n’aurait donc résulté que des imprécisions d’un seul journal anglophone et le Médiateur ne pourrait pas être tenu pour responsable des mauvaises lectures ou interprétations faites par ce journal des conclusions de son enquête. Il en résulterait qu’il n’y aurait aucun lien de causalité direct entre ce prétendu préjudice, d’une part, et l’enquête et la décision du 18 juillet 2002, d’autre part.

 Appréciation du Tribunal

 Observations liminaires

101    Il résulte d’une jurisprudence constante que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution ou à l’organe communautaire, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et Médiateur/Lamberts, point 38 supra, point 49 ; arrêts du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T‑175/94, Rec. p. II‑729, point 44 ; du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T‑336/94, Rec. p. II‑1343, point 30 ; du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, Rec. p. II‑1239, point 20, et du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, Rec. p. II‑3995, point 116).

102    Il ressort également d’une jurisprudence constante que, dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, points 19 et 81 ; arrêts du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II‑515, point 37, et Tillack/Commission, point 101 supra, point 119).

103    Il y a lieu, en l’espèce, de commencer l’examen par la question de l’existence d’un lien de causalité entre les différents comportements prétendument illégaux reprochés au Médiateur et le préjudice allégué par le requérant.

 Sur le lien de causalité

104    Il est de jurisprudence constante que la condition relative au lien de causalité exigée par l’article 288, deuxième alinéa, CE suppose l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement des institutions communautaires et le dommage (arrêt de la Cour du 4 octobre 1979, Dumortier e.a./Conseil, 64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, Rec. p. 3091, point 21 ; arrêts du Tribunal du 24 octobre 2000, Fresh Marine/Commission, T‑178/98, Rec. p. II‑3331, point 118, et du 14 décembre 2005, Beamglow/Parlement e.a., T‑383/00, Rec. p. II‑5459, point 193). Il appartient au requérant d’apporter la preuve de l’existence d’un tel lien de causalité (arrêt de la Cour du 30 janvier 1992, Finsider e.a./Commission, C‑363/88 et C‑364/88, Rec. p. I‑359, point 25 ; voir arrêt du Tribunal du 24 avril 2002, EVO/Conseil et Commission, T‑220/96, Rec. p. II‑2265, point 41, et la jurisprudence citée ; ordonnance du Tribunal du 17 décembre 2003, Krikorian e.a./Parlement e.a., T‑346/03, Rec. p. II‑6037, point 23).

105    En l’espèce, il importe de rappeler que les différents comportements reprochés au Médiateur qui auraient causé le préjudice allégué sont les suivants : la qualification de « décision » du rapport du Médiateur du 18 juillet 2002 (voir point 52 ci‑dessus), la désignation nominative du requérant dans ladite « décision » (voir points 53 à 56 ci‑dessus), le traitement discriminatoire qu’aurait subi le requérant par rapport à la plaignante dès lors que le nom de cette dernière aurait été maintenu confidentiel dans cette « décision » (voir point 57 ci‑dessus), les erreurs commises par le Médiateur dans l’imputation de trois cas de mauvaise administration à la Commission (voir points 53 et 58 à 62 ci‑dessus) et la violation du principe de confidentialité en communiquant le rapport d’audition interne effectué par la Commission à la plaignante (voir point 63 ci‑dessus).

106    En premier lieu, force est de constater que la requête ne contient aucun élément de nature à établir un lien de causalité entre la qualification de « décision » de l’acte adopté par le Médiateur, le 18 juillet 2002, et un éventuel dommage subi par le requérant. Ensuite, le requérant n’avance aucun élément de nature à démontrer que la violation alléguée du principe d’égalité aurait pu lui causer un préjudice. Enfin, le requérant n’explique pas non plus en quoi la transmission à la plaignante d’une copie du rapport de l’audition du requérant, dont il n’est pas contesté qu’il s’agissait d’un résumé non confidentiel, aurait pu lui causer un préjudice, d’autant plus que le requérant lui‑même affirme dans la requête que l’audition menée par la Commission démontre l’« inexactitude des conclusions du [M]édiateur ».

107    Il s’ensuit que le requérant n’a pas établi l’existence d’un lien de causalité suffisamment direct entre, d’une part, la qualification de « décision » de l’acte adopté par le Médiateur et les prétendues violations des principes d’égalité et de confidentialité mentionnées aux points 105 et 106 ci-dessus et, d’autre part, le préjudice allégué.

108    En second lieu, s’agissant de la désignation nominative du requérant dans la décision du Médiateur du 18 juillet 2002 et des prétendues erreurs commises par le Médiateur dans l’imputation de trois cas de mauvaise administration à la Commission (voir points 53 et 58 à 62 ci‑dessus), il doit être relevé que les constatations du Médiateur ne causent, en principe, pas de préjudice au requérant, dès lors qu’elles visent les agissements d’une institution et non d’un fonctionnaire. En outre, la désignation nominative d’une personne dans une décision d’un organe communautaire ne cause, en principe, pas non plus en tant que telle un préjudice direct à la personne en question. Il importe, en effet, d’examiner si le contenu de la décision concernée présente défavorablement la personne nominativement désignée dans celle‑ci.

109    Il doit être relevé à cet égard que, dans la requête, le requérant ne prétend pas que sa désignation nominative dans la décision du Médiateur aurait causé, en tant que telle, un préjudice. Le seul lien de causalité allégué dans la requête entre le comportement du Médiateur et le préjudice subi concerne la circonstance que, en désignant nominativement le requérant dans sa décision du 18 juillet 2002, le Médiateur « met le requérant sérieusement en cause et l’accuse d’avoir contribué aux cas de mauvaise administration dans le chef de la Commission », ce qui aurait affecté la réputation et l’honorabilité professionnelle du requérant. Le préjudice ainsi causé serait d’autant plus grave dès lors que le Médiateur aurait commis des erreurs dans la constatation des cas de mauvaise administration.

110    Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’examiner si la décision du Médiateur du 18 juillet 2002 met le nom du requérant en relation avec chacun des trois commentaires critiques constatant les différents cas de mauvaise administration. En l’absence d’un tel rapport pour l’un ou l’autre commentaire, la désignation nominative du requérant dans la décision et les éventuelles erreurs commises par le Médiateur dans la constatation des cas de mauvaise administration concernés ne seraient pas de nature à avoir causé directement un préjudice à la réputation et à l’honorabilité professionnelle du requérant.

111    À cet égard, il doit être constaté, d’abord, que, dans le cadre du premier commentaire critique (décision du Médiateur du 18 juillet 2002, points 1.1 à 1.9 et 4.1), le Médiateur n’établit aucun rapport entre le comportement du requérant et le fait que la plaignante n’aurait pas été informée en temps utile par la Commission sur la modification de sa position. En effet, dans le cadre de ce premier commentaire critique, la décision du Médiateur ne contient aucune référence explicite ou implicite au nom du requérant.

112    Le lien de causalité entre l’illégalité du comportement du Médiateur se rapportant au premier commentaire critique et le préjudice allégué n’est donc pas établi.

113    Ensuite, s’agissant du deuxième commentaire critique, il doit être constaté que, au point 2.13 de la décision du Médiateur du 18 juillet 2002, le nom du requérant est explicitement mentionné. Le Médiateur y explique ce qui suit :

« Il ressort des documents du dossier que les services de la Commission ont eux‑mêmes considéré que c’est la décision ministérielle du 18 mars 1997 qui a définitivement approuvé le projet. Cela ressort clairement de deux notes dans le dossier de la Commission, datées des 4 et 27 mai 1998, dans lesquelles [le requérant] et un autre fonctionnaire de la DG Environnement ont affirmé que cette décision constituait l’approbation définitive pour la mise en œuvre du projet et confirmait la localisation du site. »

114    Toutefois, le deuxième commentaire critique porte sur la prétendue interprétation erronée des dispositions de la directive 85/337 par la Commission. Or, dans le cadre du deuxième commentaire critique, la décision ne suggère ni explicitement ni implicitement que cette erreur soit imputable au requérant ou la conséquence d’un comportement du requérant. Il s’ensuit donc que les éventuelles erreurs commises par le Médiateur lui‑même dans le cadre de ses constatations ne sont pas de nature à constituer la cause d’un préjudice subi par le requérant. En effet, à supposer même qu’il soit démontré que le Médiateur n’était pas compétent pour constater que la Commission avait considéré à tort que la directive 85/337 n’était pas applicable ou que le Médiateur lui‑même avait commis une erreur de droit dans l’interprétation de ladite directive, une telle constatation ne présenterait aucun lien avec l’atteinte à la réputation ou à l’honorabilité professionnelle du requérant dès lors que le Médiateur n’a pas établi de rapport entre la prétendue erreur de droit commise par la Commission et le comportement du requérant.

115    Enfin, en ce qui concerne le troisième commentaire critique, il y a lieu de relever que le Médiateur se réfère au chef de l’unité juridique de la DG Environnement au point 3.1 de sa décision du 18 juillet 2002. Il s’agit d’une désignation certaine du requérant dès lors que la décision du Médiateur mentionne, à plusieurs reprises (p. 2, 8, 13, 17), le nom du requérant en précisant qu’il est chef de l’unité juridique de la DG Environnement.

116    En outre, dans le cadre du troisième commentaire critique, la révélation de l’identité du requérant est mise en relation avec la constatation d’un cas de mauvaise administration, à savoir le défaut d’impartialité dans le traitement de la plainte n° 1995/4923.

117    Il doit être constaté à cet égard qu’il ressort de la décision du 18 juillet 2002 que le Médiateur souscrit à l’analyse de la plaignante selon laquelle le requérant aurait influencé la Commission dans sa décision de classer la plainte n° 1995/4923 afin d’obtenir le cofinancement communautaire du projet litigieux. En effet, après avoir relevé que « la Commission se réf[érait] au congé pris par le [requérant] pour démontrer qu’il n’avait pas influencé la décision dans cette affaire et qu’il n’y était donc pas impliqué », le Médiateur estime que cette argumentation est mise en doute par différents éléments factuels (point 3.3). Le Médiateur soutient sur la base des différents éléments du dossier, qu’« il est évident que le fonctionnaire en question était profondément impliqué dans la décision de classer l’affaire, qui est une condition nécessaire pour le financement du projet par la Commission » (point 3.5). Le Médiateur souligne encore que, « dans la période précédant le classement de l’affaire », le requérant « avait été nommé conseiller pour les affaires européennes du président du parti Nea Democratia et avait assisté à une réunion de parti dans la région pendant laquelle il a donné un discours sur la législation communautaire environnementale » (point 3.6).

118    Le requérant est donc personnellement mis en cause dans le cadre du troisième commentaire critique du Médiateur. Même si, comme le prétend le Médiateur, la conclusion de sa décision du 18 juillet 2002 ne vise que le comportement de l’institution et ne concerne qu’un défaut d’impartialité objective en ce sens que la Commission n’aurait pas pris les mesures nécessaires pour s’assurer que son comportement ne puisse pas donner lieu à des doutes quant à son impartialité (point 3 de la conclusion et point 3.7), il n’en reste pas moins que l’intégrité du requérant a été directement mise en cause par les constatations du Médiateur dans le cadre du troisième commentaire critique.

119    Au vu de cette mise en cause directe et personnelle du requérant dans le cadre du commentaire relatif au défaut d’impartialité dans le traitement de la plainte n° 1995/4923, il doit être considéré que le lien de causalité entre la désignation nominative du requérant dans la décision du 18 juillet 2002 et le préjudice allégué, à savoir l’atteinte à la réputation et à l’honorabilité professionnelle du requérant, est établi.

120    Il ressort de tout ce qui précède que la seule prétendue irrégularité dans la décision du Médiateur relative à l’imputation des trois cas de mauvaise administration à la Commission qui ait pu causer directement le préjudice dont se prévaut le requérant consiste en la désignation nominative de ce dernier dans la décision du Médiateur du 18 juillet 2002 en rapport avec le « troisième » cas de mauvaise administration identifié dans ladite décision.

 Sur le comportement illégal

121    Il importe de relever d’abord qu’il ressort des conclusions de la requête que le comportement illégal visé concerne uniquement la première version de la décision du Médiateur du 18 juillet 2002, telle qu’elle a été publiée le 23 juillet 2002 sur le site Internet du Médiateur. En effet, seule cette première version désigne le requérant de manière nominative.

122    S’agissant de la condition relative au comportement illégal de l’institution ou de l’organe concerné, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 42). Pour ce qui est de l’exigence selon laquelle la violation doit être suffisamment caractérisée, le critère décisif permettant de considérer qu’elle est remplie est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution ou l’organe communautaire concerné, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Lorsque cette institution ou cet organe ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit communautaire peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêts de la Cour du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C‑312/00 P, Rec. p. I‑11355, point 54 ; Commission/Fresh Marine, point 64 supra, point 26, et Médiateur/Lamberts, point 38 supra, point 49 ; arrêts du Tribunal du 12 juillet 2001, Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, T‑198/95, T‑171/96, T‑230/97, T‑174/98 et T‑225/99, Rec. p. II‑1975, point 134, et Tillack/Commission, point 101 supra, point 117).

123    Dès lors, afin de déterminer s’il s’est produit une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire permettant d’engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté en raison du comportement du Médiateur, il doit être tenu compte des spécificités de la fonction de ce dernier (arrêt Médiateur/Lamberts, point 38 supra, points 50 et 52).

124    À cet égard, il doit être rappelé que, aux termes de l’article 195, paragraphe 1, CE, le Médiateur est « habilité à recevoir les plaintes […] relatives à des cas de mauvaise administration dans l’action des institutions ou organes communautaires ». De même, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la décision 94/262, « [l]e [M]édiateur procède, de sa propre initiative ou à la suite d’une plainte, à toutes les enquêtes qu’il estime justifiées pour clarifier tout cas éventuel de mauvaise administration dans l’action des institutions et organes communautaires ». Il s’ensuit que seules les institutions et organes communautaires peuvent faire l’objet d’une enquête du Médiateur.

125    Pour souligner l’illégalité de la désignation nominative du requérant, ce dernier se réfère au droit à la protection de la vie privée, consacré par l’article 8 de la CEDH, au principe de proportionnalité et au principe du contradictoire, qui sont des règles de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt du Tribunal du 6 décembre 2001, Emesa Sugar/Conseil, T‑43/98, Rec. p. II‑3519, point 64, pour le principe de proportionnalité ; arrêt Tillack/Commission, point 101 supra, point 127, pour le principe du contradictoire, et arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Nikolaou/Commission, T‑259/03, non publié au Recueil, points 210 et 211, pour la protection de la vie privée). Dans le cadre de son recours, le requérant n’allègue toutefois pas une violation des dispositions du règlement n° 45/2001, qui vise à assurer, comme l’explique son article 1er, paragraphe 1, que les institutions et organes communautaires protègent les libertés et droits fondamentaux des personnes physiques, notamment leur vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel.

126    Le droit à la protection de la vie privée, tel que consacré par l’article 8 de la CEDH ainsi que par l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, fait partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect. Toutefois, le droit au respect de la vie privée n’est pas une prérogative absolue. Il peut comporter des restrictions, à condition que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté et qu’elles ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à sa substance même (arrêt de la Cour du 5 octobre 1994, X/Commission, C‑404/92 P, Rec. p. I‑4737, points 17 et 18 ; arrêts du Tribunal du 15 mai 1997, N/Commission, T‑273/94, RecFP p. I‑A‑97 et II‑289, point 73, et Vonier/Commission, point 70 supra, point 56).

127    C’est ainsi que le juge communautaire a jugé, concernant la Cour des comptes des Communautés européennes, que le souci de s’acquitter efficacement de sa mission pouvait amener l’institution concernée à dénoncer exceptionnellement les faits constatés d’une façon complète et donc à désigner nommément les personnes tierces directement impliquées (arrêt du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, point 54 supra, point 109).

128    Cette jurisprudence relative aux rapports de la Cour des comptes est transposable aux activités du Médiateur, qui, à l’instar de la Cour des comptes, examine des irrégularités commises par des institutions et organes communautaires sans pour autant exercer de contrôle sur des comportements de particuliers.

129    Sur la base de la jurisprudence relative aux rapports de la Cour des comptes, deux exceptions au principe de confidentialité peuvent être distinguées.

130    La première exception concerne le cas dans lequel la désignation nominative est nécessaire eu égard à la gravité des faits et en tenant compte de l’objectif poursuivi par l’institution ou l’organe communautaire (arrêt du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, point 54 supra, points 40 et 41). Ainsi, lorsqu’il est indispensable d’identifier le coupable pour atteindre l’objectif que poursuit la dénonciation des irrégularités qu’il découvre, l’institution ou l’organe communautaire concerné pourrait citer nommément ce coupable (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Ruiz-Jarabo Colomer sous l’arrêt du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, point 74 supra, point 74).

131    La deuxième exception concerne le cas dans lequel la confidentialité risque de prêter à confusion ou encore de jeter le doute sur l’identité des personnes impliquées, ce qui est susceptible de nuire aux intérêts de personnes concernées mais non visées par les irrégularités dénoncées (conclusions de l’avocat général M. Ruiz-Jarabo Colomer sous l’arrêt du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, point 74 supra, point 76, et arrêt du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, point 54 supra, point 109).

132    En outre, il a été souligné que si, dans des cas exceptionnels, la Cour des comptes procède à la désignation de particuliers dans ses rapports, ceux‑ci doivent être mis en mesure d’émettre des observations sur les points desdits rapports les visant nominativement, avant que ceux‑ci soient définitivement arrêtés et publiés (arrêt du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, point 54 supra, point 29 ; arrêt Nikolaou/Commission, point 125 supra, points 248 et 249).

133    Il résulte de tout ce qui précède que des circonstances particulières pouvant tenir à la gravité des faits ou au risque de confusion préjudiciable aux intérêts des tiers sont de nature à permettre au Médiateur de désigner nominativement, dans ses décisions, des personnes qui ne sont en principe pas soumises à son contrôle, sous réserve que ces personnes bénéficient du principe du contradictoire (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, point 54 supra, point 40).

134    Force est de constater en l’espèce, premièrement, que la désignation du requérant n’était pas indispensable pour atteindre l’objectif que poursuit la dénonciation d’un cas de mauvaise administration. En effet, comme le souligne, à juste titre, le Médiateur, celui‑ci a adopté, dans sa décision du 18 juillet 2002, une approche objective dans le cadre du troisième commentaire critique. Selon le Médiateur, la Commission n’aurait pas pris les mesures nécessaires pour s’assurer que le comportement de l’institution ne puisse pas donner lieu à des doutes quant à son impartialité dans le traitement de la plainte n° 1995/4923. Eu égard à l’approche objective poursuivie, la mention du nom du requérant ne s’imposait nullement pour formuler le commentaire critique en question, comme le démontre d’ailleurs la version rendue anonyme de la décision du 18 juillet 2002 qui a été publiée sur le site Internet du Médiateur à partir du 2 août 2002.

135    Deuxièmement, la désignation nominative du requérant n’était pas non plus nécessaire afin d’éviter un risque de confusion. Il importe de souligner, à cet égard, que, dans l’affaire qui a donné lieu aux arrêts Ismeri Europa/Commission, point 54 supra, deux des quatre administrateurs de l’Agence se trouvaient dans la situation de confusion d’intérêts constatée par la Cour des comptes et que, en se limitant à décrire objectivement les faits sans préciser qui étaient les administrateurs impliqués, la Cour des comptes aurait soulevé des doutes sur le comportement de ceux qui étaient innocents de l’irrégularité incriminée (conclusions de l’avocat général M. Ruiz-Jarabo Colomer sous l’arrêt du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, point 74 supra, point 77). En revanche, la DG Environnement comporte des centaines de fonctionnaires. Si le Médiateur avait fait état dans sa décision du 18 juillet 2002 d’un fonctionnaire de la DG Environnement, au lieu de procéder à la désignation nominative du requérant, cette circonstance n’aurait pas pu créer une confusion de nature à mettre en cause des fonctionnaires particuliers qui étaient exempts de toute responsabilité dans la situation dénoncée.

136    Troisièmement, il est constant que le Médiateur n’a pas entendu le requérant avant d’adopter sa décision du 18 juillet 2002 alors que le point 5.2 des DE de 1997, qui était d’application au moment de ladite décision, disposait explicitement que, « [s]i un fonctionnaire ou autre agent est nommément critiqué dans une plainte, il est normalement invité à présenter des observations ». En tout état de cause, dès lors que le troisième commentaire critique met en cause la réputation du requérant en affirmant que celui‑ci a été profondément impliqué dans la procédure qui a conduit au changement de position de la Commission concernant le bien-fondé de la plainte n° 1995/4923, alors qu’il était conseiller politique du président d’un parti politique en Grèce, le respect du principe du contradictoire aurait exigé que le Médiateur invite celui-ci à émettre des observations sur les points de sa décision le visant nominativement avant que celle‑ci ne soit définitivement arrêtée et publiée (arrêt du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, point 54 supra, points 28 et 29 ; arrêt Nikolaou/Commission, point 125 supra, points 248 et 249).

137    Le Médiateur ne saurait prétendre que le principe du contradictoire aurait été respecté du fait qu’il a invité la Commission à entendre le requérant. En effet, le requérant a été entendu sur les éléments de la plainte enregistrée sous la référence 1288/99/OV mais non sur les conclusions provisoires du Médiateur.

138    Le Médiateur ne saurait pas non plus tirer un argument du fait qu’il aurait modifié sa pratique de mentionner les noms des fonctionnaires ou agents concernés dans ses décisions, en octobre 2002, par mesure de prudence, eu égard à l’incertitude qui aurait existé à l’époque en ce qui concerne l’interprétation et le champ d’application du règlement n° 45/2001.

139    En effet, le règlement n° 45/2001 est entré en vigueur le 1er février 2001 et donc antérieurement à l’adoption de la décision du Médiateur du 18 juillet 2002. Si le respect des dispositions du règlement n° 45/2001 rendait effectivement nécessaire le changement de pratique dont il est fait état au point précédent, ce changement aurait dû intervenir avant l’adoption de ladite décision. Le changement de pratique n’était donc nullement de nature à justifier la désignation nominative du requérant dans le cadre du troisième commentaire de la décision du Médiateur du 18 juillet 2002.

140    Il résulte de tout ce qui précède que le Médiateur, en identifiant nommément le requérant dans le cadre du troisième commentaire critique, a violé le droit au respect de la vie privée de celui-ci, le principe de proportionnalité ainsi que le principe du contradictoire.

141    L’argumentation du Médiateur relative au poste politique occupé par le requérant en Grèce et aux hautes fonctions exercées par celui‑ci au sein de la Commission n’est pas de nature à affecter cette conclusion. En effet, dans le cadre du troisième commentaire critique du Médiateur relatif à une impartialité objective de la Commission, il n’était pas indispensable de désigner nommément le requérant ni d’ailleurs de mettre en cause le comportement d’un fonctionnaire identifiable.

142    Il importe ensuite d’examiner si la violation des règles de droit constatée est suffisamment caractérisée pour engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté. Tel serait le cas si le Médiateur avait excédé de manière manifeste et grave les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation.

143    À cet égard, il doit être rappelé que, en principe, les décisions du Médiateur ne sauraient désigner nommément les fonctionnaires dont les comportements ont contribué à un cas de mauvaise administration imputé à l’institution. Ce n’est, en effet, qu’à titre exceptionnel que le Médiateur peut procéder à une telle identification. Dès lors, même si le Médiateur dispose d’une large marge d’appréciation quant au bien‑fondé des plaintes et aux suites à donner à celles‑ci (arrêt Médiateur/Lamberts, point 38 supra, points 50 et 52), il n’en est pas de même pour ce qui concerne l’appréciation du point de savoir s’il y a lieu de se départir, dans un cas concret, de la règle de confidentialité. Dans ces conditions, la simple infraction au droit communautaire constatée au point 140 ci‑dessus suffit pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêts Commission/Camar et Tico, point 122 supra, point 54 ; Commission/Fresh Marine, point 64 supra, point 26 ; Médiateur/Lamberts, point 38 supra, point 49 ; Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, point 122 supra, point 134, et Tillack/Commission, point 101 supra, point 117).

144    La désignation nominative du requérant est par ailleurs d’autant plus inacceptable qu’il ressort de l’ordonnance Komninou e.a./Commission, point 59 supra (points 36 à 38), confirmée sur pourvoi par l’arrêt de la Cour du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission (C‑167/06 P, non encore publié au Recueil, point 58), que les éléments du dossier ne permettent pas d’établir que la Commission aurait violé les règles d’impartialité dans le traitement de la plainte n° 1995/4923 en raison de la participation du requérant à la procédure ayant abouti au classement de celle‑ci.

145    Il ressort de tout ce qui précède que, en désignant nommément le requérant dans le cadre du troisième commentaire critique dans la première version de sa décision publiée sur son site Internet le 23 juillet 2002, le Médiateur a excédé de manière manifeste et grave les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation et a dès lors commis une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, permettant d’engager la responsabilité de la Communauté.

 Sur le dommage

146    Il est de jurisprudence constante que la responsabilité de la Communauté ne saurait être engagée que si le requérant a effectivement subi un préjudice « réel et certain » (arrêts de la Cour du 27 janvier 1982, Birra Wührer e.a./Conseil et Commission, 256/80, 257/80, 265/80, 267/80 et 5/81, Rec. p. 85, point 9, et De Franceschi/Conseil et Commission, 51/81, Rec. p. 117, point 9 ; arrêts du Tribunal du 16 janvier 1996, Candiotte/Conseil, T‑108/94, Rec. p. II‑87, point 54, et Oleifici Italiani/Commission, point 101 supra, point 74). Il incombe au requérant d’apporter des éléments de preuve au juge communautaire afin d’établir l’existence et l’ampleur d’un tel préjudice (arrêt de la Cour du 21 mai 1976, Roquette frères/Commission, 26/74, Rec. p. 677, points 22 à 24 ; arrêts du Tribunal du 9 janvier 1996, Koelman/Commission, T‑575/93, Rec. p. II‑1, point 97, et du 28 avril 1998, Dorsch Consult/Conseil et Commission, T‑184/95, Rec. p. II‑667, point 60).

147    S’agissant, en premier lieu, de l’existence d’un préjudice, il convient de rappeler que, dans la requête, il est expliqué que le comportement illégal du Médiateur a mis en cause « la probité et l’intégrité professionnelle du requérant ». Le requérant se réfère en outre à la circonstance que la décision du 18 juillet 2002 a été publiée sur le site Internet du Médiateur et qu’elle a fait l’objet d’un communiqué de presse dans lequel il aurait aussi été nommément désigné. Il évalue son préjudice, à titre provisoire, à 150 000 euros.

148    Force est de constater d’abord que le contenu de la décision du Médiateur du 18 juillet 2002, dans sa première version, met en cause la réputation et l’honorabilité professionnelle du requérant dès lors que son nom est mis en rapport avec la constatation d’un manque d’impartialité de la Commission dans le traitement de la plainte n° 1995/4923. Le troisième commentaire critique du Médiateur (décision du 18 juillet 2002, point 3, p. 23 et 24) fait, en effet, apparaître que le requérant aurait influencé la Commission dans sa décision de classer la plainte n° 1995/4923 afin d’obtenir un financement communautaire pour le projet litigieux à un moment où il exerçait un poste politique en Grèce. La publication de la première version de la décision du 18 juillet 2002 sur le site Internet du Médiateur a ainsi causé un préjudice réel et certain au requérant.

149    Ensuite, il ne saurait être constaté que le communiqué de presse du Médiateur a contribué à un préjudice distinct. En effet, ce communiqué ne désigne pas nommément le requérant. Il fait uniquement état d’un « haut fonctionnaire de la Commission ». Par ailleurs, en ce qui concerne le lien qu’il y avait dans ledit communiqué vers le texte de la décision du Médiateur du 18 juillet 2002, l’éventuel préjudice en découlant se confond intégralement avec le préjudice découlant de la décision du 18 juillet 2002 elle-même.

150    Enfin, le Médiateur ne saurait prétendre que le préjudice allégué par le requérant est hypothétique. En effet, le requérant cherche à être indemnisé pour le préjudice moral résultant de l’affectation de sa réputation et de son honorabilité professionnelle en tant que telles. Or, au vu des constatations du Médiateur qui ont été faites dans le cadre du troisième commentaire critique de la décision du 18 juillet 2002 et eu égard au fait que cette décision a été publiée sur le site Internet du Médiateur, cette affectation est réelle et certaine.

151    S’agissant, en second lieu, de l’étendue du préjudice subi, le requérant se réfère à un effet « boule de neige » dans la mesure où des extraits de la décision du 18 juillet 2002 auraient été repris dans la presse. Il mentionne à cet égard un article paru dans The Sprout et un article paru dans un journal grec, intitulé « La Grèce devant la Cour de justice à cause des décharges d’ordures ».

152    Premièrement, il doit être constaté que l’article paru dans The Sprout cite la décision du Médiateur du 18 juillet 2002 et accuse nommément le requérant de favoritisme. L’article paru dans le journal grec fait référence à une « communication du Médiateur » mettant en cause le traitement impartial d’une plainte que des citoyens de la municipalité de Parga avaient déposée auprès de la Commission en 1995. Toutefois, ce dernier article ne citait pas le nom du requérant.

153    Certes, le communiqué de presse du Médiateur concernant sa décision du 18 juillet 2002 a augmenté la visibilité de celle‑ci. Toutefois, il ne saurait être considéré que ce communiqué a considérablement aggravé le préjudice subi par le requérant. En effet, outre les articles mentionnés au point 151 ci‑dessus, le requérant ne cite aucun autre article de presse faisant état de la décision du Médiateur du 18 juillet 2002.

154    Deuxièmement, il y a lieu de considérer que, même si la décision du 18 juillet 2002 a causé un préjudice réel et certain au requérant, son étendue est limitée pour les raisons suivantes.

155    D’abord, il importe de rappeler que seule la première version désignait nommément le requérant en rapport avec le troisième commentaire critique. Cette version a été publiée sur le site Internet du Médiateur, le 23 juillet 2002, et a déjà été remplacée par une version rendue anonyme, le 2 août 2002.

156    Ensuite, au sein de la Commission, la réputation et l’honorabilité professionnelle du requérant sont restées intactes. La Commission rejette en effet le troisième commentaire critique du Médiateur et estime que le requérant n’a nullement cherché à influencer la Commission dans sa décision de classer la plainte n° 1995/4923 (décision du Médiateur, point 3.2 et observations de la Commission du 16 décembre 2002).

157    Enfin, dans la mesure où la désignation nominative du requérant en rapport avec le troisième commentaire critique dans la première version de la décision du 18 juillet 2002 a affecté la réputation et l’honorabilité professionnelle du requérant à l’égard du monde extérieur, ce qui pourrait avoir une incidence sur ses chances de trouver un nouvel emploi en dehors des institutions communautaires, il doit être relevé qu’il ressort sans équivoque de l’ordonnance Komninou e.a./Commission, point 59 supra (points 36 à 38), que les constatations préjudiciables faites par le Médiateur dans le cadre du troisième commentaire critique sont dépourvues de tout fondement. L’ordonnance du Tribunal, qui a été confirmée sur ce point par l’arrêt Komninou e.a./Commission, point 144 supra (point 58), a donc considérablement réduit les effets préjudiciables que la décision du Médiateur aurait pu avoir pour la réputation et l’honorabilité professionnelle du requérant.

158    Sur la base des éléments qui précèdent, il y a lieu d’accueillir la demande du requérant mentionnée au point 35 ci-dessus, à hauteur de la somme fixée ex aequo et bono à 10 000 euros. Cette somme suffit pour réparer le préjudice moral causé à la réputation et à l’honorabilité professionnelle du requérant par la publication de la première version de la décision du 18 juillet 2002 sur le site Internet du Médiateur.

159    Le recours doit être rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

160     Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

161    En l’espèce, le requérant a obtenu en partie satisfaction, dans la mesure où le Médiateur est condamné à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu’il a subi.

162    Toutefois, il convient de relever également que le requérant a partiellement succombé en son recours, premièrement, dans la mesure où celui‑ci est irrecevable dans la mesure où il porte sur le dédommagement, d’une part, du préjudice matériel qu’aurait subi le requérant et, d’autre part, du préjudice moral qu’auraient subi les membres de sa famille et, deuxièmement, dans la mesure où le Tribunal n’a admis qu’une partie du montant réclamé par le requérant.

163    Dans ces conditions, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le Médiateur européen est condamné à payer à M. M une indemnité de 10 000 euros.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.


Martins Ribeiro

Papasavvas

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 septembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. E. Martins Ribeiro

Table des matières


Cadre juridique

Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

Sur la recevabilité

Sur l’absence d’une démarche précontentieuse

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le respect des exigences de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal

Sur le fond

Arguments des parties

Sur l’illégalité du comportement du Médiateur

Sur le dommage

Sur le lien de causalité

Appréciation du Tribunal

Observations liminaires

Sur le lien de causalité

Sur le comportement illégal

Sur le dommage

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.