Language of document : ECLI:EU:T:2001:280

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

6 décembre 2001 (1)

«Régime d'association des pays et territoires d'outre-mer - Importations de sucre - Refus de certificat d'importation - Recours en annulation - Exception d'illégalité - Décision 97/803/CE - Irréversibilité des réalisations obtenues - Principe de proportionnalité - Sécurité juridique - Règlement (CE) n° 2553/97»

Dans l'affaire T-44/98,

Emesa Sugar (Free Zone) NV, établie à Oranjestad (Aruba), représentée par Me G. van der Wal, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. P. J. Kuijper et T. Van Rijn, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. J. Huber et G. Houttuin, en qualité d'agents,

par

Royaume d'Espagne, représenté par Mmes M. López-Monís Gallego et R. Silva de Lapuerta, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

par

République française, représentée par Mme K. Rispal-Bellanger, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

et par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté par Mme R. Magrill, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission, du 23 décembre 1997 (VI/51329), adressée au Hoofdproductschap Akkerbouw, rejetant une demande visant à la délivrance de certificats d'importation pour 3 010 tonnes de sucre, présentée au titre du règlement (CE) n° 2553/97 de la Commission, du 17 décembre 1997, relatif aux modalités de délivrance des certificats d'importation pour certains produits relevant des codes NC 1701, 1702, 1703 et 1704 cumulant l'origine ACP/PTOM (JO L 349, p. 26),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. J. Azizi, président, K. Lenaerts et M. Jaeger, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 15 mai 2001,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    En vertu de l'article 3, sous r), du traité CE [devenu, après modification, article 3, paragraphe 1, sous s), CE], l'action de la Communauté comporte l'association des pays et territoires d'outre-mer (PTOM), «en vue d'accroître les échanges et de poursuivre en commun l'effort de développement économique et social».

2.
    Aruba fait partie des PTOM.

3.
    L'association de ces derniers à la Communauté est régie par la quatrième partie du traité CE.

4.
    Aux termes de l'article 131, deuxième et troisième alinéas, du traité CE (devenu, après modification, article 182, deuxième et troisième alinéas, CE):

«Le but de l'association est la promotion du développement économique et social des pays et territoires, et l'établissement de relations économiques étroites entre eux et la Communauté dans son ensemble.

Conformément aux principes énoncés dans le préambule du présent traité, l'association doit en premier lieu permettre de favoriser les intérêts des habitants de ces pays et territoires et leur prospérité, de manière à les conduire au développement économique, social et culturel qu'ils attendent.»

5.
    À cet effet, l'article 132 du traité CE (devenu article 183 CE) énonce un certain nombre d'objectifs, parmi lesquels l'application par les États membres «à leurs échanges commerciaux avec les pays et territoires [du] régime qu'ils s'accordent entre eux en vertu du présent traité».

6.
    L'article 133, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 184, paragraphe 1, CE) prévoit que les importations originaires des PTOM bénéficient à leur entrée dans les États membres de l'élimination totale des droits de douane intervenue progressivement entre les États membres conformément aux dispositions dudit traité.

7.
    Selon l'article 136 du traité CE (devenu, après modification, article 187 CE):

«Pour une première période de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur du présent traité, une convention d'application annexée à ce traité fixe les modalités et la procédure de l'association entre les pays et territoires et la Communauté.

Avant l'expiration de la convention prévue à l'alinéa ci-dessus, le Conseil statuant à l'unanimité établit, à partir des réalisations acquises et sur la base des principes inscrits dans le présent traité, les dispositions à prévoir pour une nouvelle période.»

8.
    Sur le fondement de l'article 136, second alinéa, du traité, le Conseil a adopté, le 25 février 1964, la décision 64/349/CEE, relative à l'association des PTOM à la Communauté économique européenne (JO 1964, 93, p. 1472). Cette décision visait à remplacer, à compter du 1er juin 1964, date de l'entrée en vigueur de l'accord interne relatif au financement et à la gestion des aides de la Communauté, signé à Yaoundé le 20 juillet 1963, la convention d'application relative à l'association des PTOM à la Communauté, annexée au traité et conclue pour une durée de cinq ans.

9.
    À la suite de plusieurs décisions ayant le même objet, le Conseil a adopté la décision 91/482/CEE, du 25 juillet 1991, relative à l'association des PTOM à la Communauté économique européenne (JO L 263, p. 1, ci-après la «décision PTOM»), qui, selon son article 240, paragraphe 1, est applicable pour une période de dix années à compter du 1er mars 1990. La même disposition, paragraphe 3, sous a) et b), prévoit toutefois que, avant l'expiration de la première période de cinq ans, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, arrête, le cas échéant, outre les concours financiers de la Communauté, pour la seconde période de cinq ans, les modifications éventuelles à apporter à l'association des PTOM à la Communauté. C'est ainsi qu'a été adoptée par le Conseil la décision 97/803/CE, du 24 novembre 1997, portant révision à mi-parcours de la décision PTOM (JO L 329, p. 50).

10.
    Dans sa version initiale, l'article 101, paragraphe 1, de la décision PTOM disposait:

«Les produits originaires des PTOM sont admis à l'importation dans la Communauté en exemption de droits de douane et de taxes d'effet équivalent.»

11.
    L'article 102 de cette même décision prévoyait:

«La Communauté n'applique pas à l'importation des produits originaires des PTOM de restrictions quantitatives ni de mesures d'effet équivalent.»

12.
    L'article 108, paragraphe 1, premier tiret, de la décision PTOM renvoie à l'annexe II de celle-ci (ci-après l'«annexe II») pour la définition de la notion de produits originaires et des méthodes de coopération administrative qui s'y rapportent. En vertu de l'article 1er de cette annexe, un produit est considéré comme originaire des PTOM, de la Communauté ou des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ci-après les «États ACP») s'il y a été soit entièrement obtenu, soit suffisamment transformé.

13.
    L'article 3, paragraphe 3, de l'annexe II dresse une liste d'ouvraisons ou de transformations considérées comme insuffisantes pour conférer le caractère originaire à un produit en provenance des PTOM.

14.
    L'article 6, paragraphe 2, de l'annexe II dispose toutefois:

«Lorsque des produits entièrement obtenus [...] dans les États ACP font l'objet d'ouvraisons ou de transformations dans les PTOM, ils sont considérés comme ayant été entièrement obtenus dans les PTOM.»

15.
    En vertu de l'article 6, paragraphe 4, de l'annexe II, la règle citée au point ci-dessus, dite «de cumul d'origine ACP/PTOM», est applicable à «toute ouvraison ou transformation effectuée dans les PTOM, en ce compris les opérations énumérées à l'article 3, paragraphe 3».

16.
    La décision 97/803 a limité l'application de la règle de cumul d'origine ACP/PTOM pour le sucre en provenance des PTOM.

17.
    Dans le septième considérant de la décision 97/803, le Conseil explique:

«considérant que l'instauration par la décision [PTOM] du libre accès pour tous les produits originaires des PTOM, et le maintien du cumul entre produits originaires des États ACP et produits originaires des PTOM a amené à constater le risque de conflit entre les objectifs de deux politiques communautaires, à savoir le développement des PTOM et la politique agricole commune; que, en effet, de graves perturbations sur le marché communautaire de certains produits soumis à l'organisation commune de marchés se sont traduites à plusieurs reprises par l'adoption de mesures de sauvegarde; qu'il convient de prévenir de nouvelles perturbations au moyen de mesures propres à définir un cadre favorable à la régularité des échanges et en même temps compatibles avec la politique agricole commune».

18.
    À cette fin, la décision 97/803 a inséré dans la décision PTOM, notamment, l'article 108 ter, qui admet le cumul d'origine ACP/PTOM pour le sucre à concurrence d'une quantité annuelle déterminée. Cet article 108 ter, paragraphes 1 et 2, dispose:

«1. [...] le cumul d'origine ACP/PTOM visé à l'article 6 de l'annexe II est admis pour une quantité annuelle de 3 000 tonnes de sucre.

2. Pour la mise en oeuvre des règles de cumul ACP/PTOM visée au paragraphe 1, sont considérés comme suffisants pour conférer le caractère de produits originaires des PTOM le moulage de sucre en morceaux ou la coloration» [sans que soit également mentionnée la mouture du sucre (le «milling»)].

19.
    Le 17 décembre 1997, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 2553/97, relatif aux modalités de délivrance des certificats d'importation pour certains produits relevant des codes NC 1701, 1702, 1703 et 1704 cumulant l'origine ACP/PTOM (JO L 349, p. 26). Ce règlement dispose que l'importation de sucreau titre du cumul d'origine ACP/PTOM prévu à l'article 108 ter de la décision PTOM est soumise à la présentation d'un certificat d'importation.

20.
    Le règlement n° 2553/97, conformément à son article 8, premier alinéa, est entré en vigueur le 19 décembre 1997. En vertu de son article 8, deuxième alinéa, il a été applicable à partir du 1er janvier 1998. Un régime transitoire a toutefois été prévu par son article 8, troisième alinéa, qui dispose:

«[...] les certificats d'importation [pour les produits visés à l'article 108 ter de la décision PTOM] pour lesquels les demandes ont été présentées entre le 10 et le 31 décembre 1997 sont délivrés par les autorités des États membres après autorisation préalable des services de la Commission, selon l'ordre de leur présentation et dans la limite de la quantité maximale de 3 000 tonnes pour la Communauté.»

Faits, procédure et conclusions des parties

21.
    Depuis le mois d'avril 1997, la requérante exploite une usine sucrière, située sur l'île d'Aruba, et exporte du sucre vers la Communauté. L'usine a, selon la requérante, une capacité minimale de traitement de 34 000 tonnes de sucre par an. Le sucre n'étant pas produit à Aruba, la requérante achète du sucre blanc auprès de raffineries de sucre de canne établies dans des États ACP. Le sucre acheté est transporté à Aruba où il fait l'objet d'opérations d'ouvraison et de transformation avant d'être exporté vers la Communauté.

22.
    Par lettre du 19 décembre 1997, la requérante a déposé devant l'autorité néerlandaise compétente, le Hoofdproductschap voor Akkerbouwproducten (ci-après le «HPA»), une demande de certificats d'importation portant sur 3 010 tonnes de sucre en provenance d'Aruba. Il s'agissait de sucre importé d'un État ACP et transformé dans les installations de la requérante à Aruba. Le 22 décembre 1997, le HPA a transmis cette demande à la Commission.

23.
    Par lettre du 23 décembre 1997 (VI/51329) (ci-après la «décision attaquée»), la Commission a fait savoir au HPA que, en vertu de l'article 8 du règlement n° 2553/97, la demande de la requérante était «irrecevable, car portant sur une quantité supérieure à la quantité maximale».

24.
    Par lettre du 24 décembre 1997, le HPA a informé la requérante de sa décision de déclarer la demande de celle-ci irrecevable, en vertu de l'article 8 du règlement n° 2553/97.

25.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 mars 1998, la requérante a introduit le présent recours, visant à l'annulation de la décision attaquée.

26.
    Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le 10 avril 1998, la requérante a également introduit, en vertu de l'article 185 du traité CE (devenu article 242 CE), une demande de sursis à l'exécution de la décision attaquée, jusqu'à ce que le Tribunal ait statué sur le fond et, en vertu de l'article 186 du traité CE (devenu article 243 CE), une demande de mesures provisoires visant à faire interdire à la Commission d'appliquer, pendant la même période, les dispositions du règlement n° 2553/97 et/ou de l'article 108 ter de la décision PTOM, modifiée, dans la mesure où ces dispositions ont pour effet de limiter l'importation dans la Communauté de sucre originaire des PTOM.

27.
    Par ordonnance du 14 août 1998, Emesa Sugar/Commission (T-44/98 R, Rec. p. II-3079), le président du Tribunal a rejeté ces demandes.

28.
    Le Conseil et le royaume d'Espagne, par ordonnances du 7 juillet 1998, la République française, par ordonnance du 9 juillet 1998, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, par ordonnance du 21 octobre 1998, ont été autorisés à intervenir au soutien des conclusions de la Commission, conformément à leur demande présentée en application de l'article 115 du règlement de procédure du Tribunal.

29.
    À l'exception de la République française, les parties intervenantes ont déposé un mémoire en intervention, à l'égard duquel les parties principales ont été invitées à présenter leurs observations.

30.
    Sur pourvoi formé par la requérante, l'ordonnance Emesa Sugar/Commission, citée au point 27 ci-dessus, a été annulée par ordonnance du président de la Cour du 17 décembre 1998, Emesa Sugar/Commission [C-364/98 P(R), Rec. p. I-8815], et l'affaire a été renvoyée devant le Tribunal.

31.
    Par ordonnance du 30 avril 1999, Emesa Sugar/Commission (T-44/98 R II, Rec. p. II-1427), le président du Tribunal a autorisé la requérante à importer, pendant une période de six mois à compter de la date de l'ordonnance, 7 500 tonnes de sucre moulu sous le régime du cumul d'origine ACP/PTOM, à condition toutefois que la requérante constitue une sûreté sous forme de garantie bancaire d'un montant de 28 dollars des États-Unis (USD) par tonne de sucre importée. La mesure a été prorogée jusqu'au 29 février 2000 par ordonnance du président du Tribunal du 29 septembre 1999, Emesa Sugar/Commission (T-44/98 R II, Rec. p. II-2815). Par ordonnance du président du Tribunal du 6 avril 2000, Emesa Sugar/Commission (T-44/98 R II, Rec p. II-1941), le président a refusé d'accorder une prorogation supplémentaire et a ordonné que la sûreté que la requérante avait constituée devrait être libérée au profit de la Communauté.

32.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens.

33.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours en annulation comme non fondé;

-    condamner la requérante aux dépens.

34.
    Le Conseil et le royaume d'Espagne concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours en annulation comme non fondé;

-    condamner la requérante aux dépens.

35.
    Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord conclut à ce qu'il plaise au Tribunal rejeter le recours comme non fondé.

36.
    Au titre de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), le président de l'Arrondissementsrechtbank te 's-Gravenhage (Pays-Bas) a demandé à la Cour de se prononcer sur la validité de la décision 97/803 (affaire C-17/98).

37.
    Par ordonnance du 11 février 1999, le Tribunal a suspendu la procédure dans l'affaire T-44/98 jusqu'à la décision de la Cour mettant fin à l'instance dans l'affaire C-17/98.

38.
    Dans son arrêt du 8 février 2000, Emesa Sugar (C-17/98, Rec. p. I-675), la Cour a jugé que l'examen des questions posées n'avait pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité de la décision 97/803.

39.
    Par lettre du 29 février 2000, les parties ont été invitées à déposer des observations sur la poursuite de la procédure dans la présente affaire.

40.
    La requérante a soutenu, dans sa lettre du 31 mars 2000, que l'appréciation par la Cour dans l'arrêt Emesa Sugar, cité au point 38 ci-dessus, de la validité de la décision 97/803 était fondée sur des erreurs de fait. En outre, cet arrêt serait intervenu en violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que, au cours de la procédure devant la Cour, la requérante n'aurait pas pu formuler des observations sur les conclusions de l'avocat général. En tout état de cause, la procédure devant la Cour n'aurait concerné que la décision 97/803 et non le règlement n° 2553/97. La requérante a demandé au Tribunal de poursuivre la procédure écrite dans la présente affaire et d'inviter les parties à déposer des observations sur le fond de l'arrêt Emesa Sugar, précité.

41.
    La Commission et le Conseil ont fait valoir, dans des lettres datées respectivement des 24 et 29 mars 2000, que l'exception d'illégalité dirigée contre la décision 97/803était devenue sans objet eu égard au fait que la Cour avait confirmé, dans son arrêt Emesa Sugar, cité au point 38 ci-dessus, la validité de cette décision. La procédure devrait donc être poursuivie pour que le Tribunal statue sur la validité du règlement n° 2553/97.

42.
    Par lettre du 24 mai 2000, la requérante a été invitée à déposer un mémoire complémentaire sur le fond de l'arrêt Emesa Sugar, cité au point 38 ci-dessus. Le 9 octobre 2000, la requérante a déposé ce mémoire, à l'égard duquel la Commission et le Conseil ont présenté des observations dans des mémoires datés du 21 février 2001.

43.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Au titre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure, certaines questions écrites ont été adressées aux parties qui y ont répondu dans le délai imparti.

44.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 15 mai 2001.

En droit

45.
    La requérante soutient que la décision attaquée est dépourvue de base juridique en ce qu'elle est fondée sur deux actes illégaux de la Communauté, à savoir la décision 97/803 et le règlement n° 2553/97, à l'encontre desquels elle soulève des exceptions d'illégalité.

Sur la prétendue illégalité de la décision 97/803

46.
    La requérante invoque cinq moyens à l'appui de son exception d'illégalité. Le premier est tiré d'une violation du «mécanisme de verrouillage» selon lequel les avantages déjà attribués aux PTOM dans le cadre de la réalisation par étapes de leur association à la Communauté ne pourraient plus être remis en cause par celle-ci. Le deuxième est pris d'une violation du principe de proportionnalité. Le troisième moyen est tiré d'une violation de l'article 240 de la décision PTOM et le quatrième d'une violation du principe de la sécurité juridique. Le cinquième moyen, enfin, est pris d'une violation de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE).

47.
    Il doit être constaté que, dans le cadre des premier, deuxième et quatrième moyens, la requérante reprend les arguments qu'elle a également invoqués dans l'affaire T-43/98, Emesa Sugar/Conseil. Ces moyens doivent être rejetés pour les mêmes motifs que ceux exposés dans l'arrêt du Tribunal de ce jour dans l'affaire précitée.

48.
    Il y a lieu toutefois d'examiner les moyens tirés d'une violation de l'article 240 de la décision PTOM et d'une violation de l'article 190 du traité.

Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 240 de la décision PTOM

49.
    La requérante rappelle que la décision 97/803 a été adoptée le 24 novembre 1997. Le Conseil ne serait pas en droit de se prévaloir du pouvoir que l'article 240, paragraphe 3, de la décision PTOM lui confère pour réviser ladite décision en novembre 1997. En effet, cet article ne permettrait pas au Conseil de réviser cette décision après le 1er mars 1995. La requérante soutient que la durée de validité de dix ans de la décision PTOM, au lieu des cinq ans de validité des décisions PTOM précédentes, s'explique, d'une part, par le progrès important qui a été réalisé par la décision PTOM dans la poursuite des objectifs qui sont énoncés aux articles 131 et 132 du traité et, d'autre part, par le souci de garantir aux investisseurs que les règles de droit qui leur sont applicables le seront pendant un délai suffisant pour développer certaines activités commerciales ou industrielles. Avant l'échéance du délai de validité de la décision PTOM, celle-ci ne pourrait donc être revue qu'aux moments expressément prévus par ses dispositions.

50.
    Le Tribunal constate que cette argumentation a déjà été rejetée par la Cour dans son arrêt Emesa Sugar, cité au point 38 ci-dessus. La Cour a, en effet, jugé que, «[s]i l'article 240, paragraphe 3, de la décision PTOM prévoit que, avant l'expiration de la première période de cinq ans, le Conseil arrête, le cas échéant, les modifications éventuelles à apporter à l'association des PTOM à la Communauté, il ne saurait [...] priver le Conseil de la compétence, qu'il tire directement du traité, de modifier les actes qu'il a adoptés au titre de l'article 136 de celui-ci aux fins de réaliser l'ensemble des objectifs énoncés à l'article 132 dudit traité» (point 33 de l'arrêt).

51.
    La requérante n'ayant pas formulé d'observations sur ce point de l'arrêt Emesa Sugar, cité au point 38 ci-dessus, dans ses observations supplémentaires du 9 octobre 2000, il y a donc lieu de rejeter le présent moyen.

Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 190 du traité

52.
    La requérante fait valoir que l'exposé des motifs de la décision 97/803 modifiant le régime commercial des échanges entre les PTOM et la Communauté est incompréhensible, insuffisant et manifestement incorrect. La décision 97/803 ne respecterait donc pas les exigences de l'article 190 du traité.

53.
    Le Tribunal rappelle que la motivation exigée par l'article 190 du traité doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et aujuge communautaire d'exercer son contrôle (arrêt du Tribunal du 29 septembre 2000, International Potash Company/Conseil, T-87/98, Rec. p. II-3179, point 65).

54.
    Or, la motivation de la décision 97/803 satisfait à ces exigences. En effet, les raisons qui ont justifié la limitation du cumul d'origine ACP/PTOM pour le sucre ont été exposées de manière claire dans le septième considérant de la décision 97/803.

55.
    Il s'ensuit que le moyen tiré d'une violation de l'article 190 du traité n'est pas non plus fondé.

56.
    Il ressort de tout ce qui précède que l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre de la décision 97/803 doit être rejetée.

Sur la prétendue illégalité du règlement n° 2553/97

57.
    Dans sa requête, la requérante a invoqué cinq moyens à l'appui de son exception d'illégalité. Dans son premier moyen, elle a fait valoir que le règlement n° 2553/97 était illégal parce qu'il mettait en oeuvre la décision 97/803, qui, elle aussi, était illégale. Dans son deuxième moyen, la requérante a soutenu que, dans les relations entre la Communauté et les PTOM, l'exigence de certificats d'importation était illégale. Le troisième moyen a été tiré du caractère disproportionné des conditions imposées par le règlement n° 2553/97. Le quatrième moyen a été pris de l'illégalité de l'article 8, troisième alinéa, du règlement n° 2553/97. Dans son cinquième moyen, enfin, la requérante a soutenu que les restrictions à l'importation imposées par le règlement n° 2553/97 violaient des dispositions des accords conclus dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.

58.
    À l'audience, la requérante a renoncé à invoquer les moyens susvisés, à l'exception du premier moyen.

59.
    Dès lors que, concernant le premier moyen, la requérante se réfère uniquement à l'argumentation examinée aux points 46 à 56 ci-dessus, l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre du règlement n° 2553/97 ne peut pas non plus être accueillie.

60.
    Les deux exceptions d'illégalité ayant été déclarées non fondées, le présent recours doit être rejeté.

Sur les dépens

61.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux relatifs aux procédures en référé, conformément aux conclusions de la Commission.

62.
    En vertu de l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, le Conseil, la République française, le royaume d'Espagne et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, étant intervenus au soutien des conclusions de la Commission, supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission, y compris ceux relatifs aux procédures en référé.

3)    Les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens.    

Azizi

Lenaerts
Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 décembre 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

M. Jaeger


1: Langue de procédure: le néerlandais.