Language of document : ECLI:EU:T:2020:535

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

11 novembre 2020 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Remboursement de frais médicaux – Enquête de l’OLAF – Article 85 du statut – Répétition de l’indu »

Dans l’affaire T‑173/19,

AV,

AW,

représentés par Mes L. Levi, S. Rodrigues et J. Martins, avocats,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par MM. T. Lazian et I. Lázaro Betancor, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation des décisions du Parlement des 23 juillet et 1er août 2018 procédant à la récupération d’une somme de 5 289 euros auprès de la requérante et d’une somme de 3 880 euros auprès du requérant au motif de leur paiement indu au titre du remboursement de frais médicaux,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos, président, Mme I. Reine et M. L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 17 juin 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Les requérants, AV et AW, sont fonctionnaires du Parlement européen.

2        La requérante est en invalidité depuis le 1er mai 2017, le requérant depuis le 1er novembre 2018.

3        Le 15 mai 2014, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a décidé d’ouvrir une enquête à l’encontre des requérants au sujet de documents prétendument irréguliers qui auraient accompagné des demandes de remboursement de frais médicaux.

4        L’OLAF a rendu son rapport final le 21 décembre 2015 (ci-après le « rapport de l’OLAF »). Il a conclu à l’existence d’irrégularités. Selon l’OLAF, les requérants auraient, premièrement, présenté de fausses factures afin d’obtenir le remboursement de traitements non remboursables, deuxièmement, obtenu le remboursement de traitements pour le compte de tiers et, troisièmement, présenté des factures d’un montant supérieur aux frais réellement exposés.

5        L’OLAF a recommandé au Parlement d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre des requérants et de récupérer, au titre de la répétition de l’indu, une somme d’un montant de 5 289 euros auprès de la requérante et une somme d’un montant de 3 880 euros auprès du requérant (ci-après les « sommes litigieuses »).

6        L’OLAF a également recommandé l’ouverture d’une enquête aux autorités judiciaires portugaises.

7        Le 26 janvier 2016, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») compétente en matière disciplinaire a diligenté une enquête administrative à l’encontre des requérants en raison d’une suspicion de fausses déclarations de frais médicaux en vue d’obtenir leur remboursement par le régime d’assurance maladie commun aux institutions des Communautés européennes (RCAM).

8        Le 7 novembre 2016, sur le fondement du rapport établi à la suite de l’enquête administrative visée au point 7 ci-dessus, le conseil de discipline prévu à l’article 5 de l’annexe IX du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») a été saisi et, après avoir entendu les conseils des requérants, le 20 février 2018, a rendu son avis le 19 mars 2018.

9        Le conseil de discipline a proposé à l’AIPN compétente en matière disciplinaire de rétrograder la requérante dans son groupe de fonctions et de réduire le montant de l’allocation d’invalidité versée au requérant au minimum vital jusqu’à ce que ce dernier atteigne l’âge de la mise à la retraite.

10      Le 30 juin 2017, un acte de mise en examen a été émis par les autorités judiciaires portugaises à l’encontre du requérant. Le 13 juillet 2017, un acte de mise en examen a été émis par ces mêmes autorités à l’encontre de la requérante. Ces actes ont été communiqués au Parlement le 27 avril 2018.

11      Le 26 avril 2018, une note de débit portant sur un montant de 5 289 euros a été adressée à la requérante, qui a été invitée à procéder au remboursement dudit montant, correspondant à la somme que l’OLAF avait recommandé au Parlement de récupérer auprès d’elle, au titre de la répétition de l’indu.

12      Les requérants ont été entendus par l’AIPN compétente en matière disciplinaire le 30 avril 2018.

13      Par courrier du 4 mai 2018, les conseils de la requérante ont sollicité auprès de la direction générale (DG) du personnel du Parlement une copie « de la décision administrative [ayant] fondé l’émission de la note de débit » que celle-ci avait reçue le 26 avril 2018.

14      Par courriel du 18 mai 2018, le directeur général du personnel du Parlement a informé les requérants qu’il avait décidé d’attendre la fin de la procédure pénale ouverte contre eux au Portugal pour prendre une décision quant aux sanctions disciplinaires à prononcer. Par application de l’article 25 de l’annexe IX du statut, la procédure disciplinaire ouverte à l’encontre des requérants a été suspendue.

15      Le même jour, la requérante a été suspendue de ses fonctions pour une durée indéterminée, en application des articles 23 et 24 de l’annexe IX du statut. Cette décision a fait l’objet d’une réclamation le 18 mai 2018, puis a été annulée par l’autorité compétente le 12 décembre suivant.

16      Par courrier du 24 mai 2018, l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu a répondu au courrier visé au point 13 ci-dessus, en indiquant que la mise en œuvre de la récupération de la somme de 5 289 euros était fondée sur des conclusions du rapport de l’OLAF.

17      Par courrier du 28 mai 2018, les conseils de la requérante ont répondu à l’AIPN en faisant valoir notamment qu’aucune décision permettant de procéder à la récupération de la somme en cause au titre de la répétition de l’indu n’avait été prise.

18      Par lettre du 25 juin 2018, la requérante a été informée de l’intention de l’AIPN compétente de récupérer, sur le fondement de l’article 85 du statut, la somme de 5 289 euros, qu’elle estimait avoir été indûment perçue en remboursement de frais médicaux. L’AIPN se fondait sur les fautes graves imputées à la requérante, telles que détaillées et précisées dans le rapport de l’OLAF.

19      Par courrier du 2 juillet 2018, la requérante a présenté ses observations sur la lettre du 25 juin 2018.

20      Par lettre du 17 juillet 2018, le requérant a été informé de l’intention de l’AIPN compétente de récupérer, sur le fondement de l’article 85 du statut, la somme de 3 880 euros, qu’elle estimait avoir été indûment perçue en remboursement de frais médicaux. L’AIPN se fondait sur les fautes graves imputées à ce dernier, telles que détaillées et précisées dans le rapport de l’OLAF.

21      Par décision du 23 juillet 2018, l’AIPN a décidé de procéder à la répétition, par imputation sur la pension d’invalidité de la requérante, de la somme de 5 289 euros, qu’elle estimait avoir été indûment perçue par cette dernière en remboursement de frais médicaux (ci-après la « décision du 23 juillet 2018 »).

22      Par courrier du 26 juillet 2018, le requérant a présenté ses observations sur la lettre du 17 juillet 2018.

23      Par décision du 1er août 2018, l’AIPN a décidé de procéder à la répétition, par imputation sur la pension d’invalidité du requérant, de la somme de 3 880 euros, qu’elle estimait avoir été indûment perçue par ce dernier en remboursement de frais médicaux (ci-après la « décision du 1er août 2018 »).

24      Le 6 septembre 2018, la procédure pénale ouverte au Portugal à l’encontre des requérants a été suspendue pour une durée de cinq mois, avec obligation pour ces derniers de rembourser les sommes litigieuses. Cette décision a été prise sur le fondement des dispositions de l’article 281 du code de procédure pénale portugais, lequel prévoit, pour certaines infractions et à certaines conditions, la suspension de la procédure, en imposant au prévenu des injonctions et des règles de conduite.

25      Le 12 septembre 2018, la requérante a introduit, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre la décision du 23 juillet 2018, laquelle a été rejetée par décision du 4 janvier 2019.

26      Le 13 septembre 2018, le requérant a introduit, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre la décision du 1er août 2018, laquelle a été rejetée par décision du 10 janvier 2019.

27      Le 8 janvier 2019, la requérante a demandé au Parlement communication d’un document récapitulatif de l’état de remboursement de la somme visée au point 18 ci-dessus, afin de justifier du remboursement de ladite somme auprès des autorités judiciaires portugaises. Une attestation de remboursement datée du 28 janvier 2019 a été délivrée à la requérante.

28      Le 22 janvier 2019, le requérant a fait part au Parlement de son intention de rembourser la somme visée au point 20 ci-dessus, afin de justifier auprès des autorités judiciaires portugaises du remboursement définitif de ladite somme.

29      La somme visée au point 18 ci-dessus a été prélevée sur les rémunérations perçues par la requérante entre octobre 2018 et janvier 2019. Le requérant a procédé à un virement bancaire le 29 janvier 2019 en remboursement de la somme visée au point 20 ci-dessus.

30      Le 20 mars 2019, à la suite du remboursement des sommes litigieuses, la procédure pénale ouverte à l’encontre des requérants a été close au terme du délai de la suspension provisoire, conformément à l’article 282, paragraphe 3, du code de procédure pénale portugais.

 Procédure et conclusions des parties

31      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 mars 2019, les requérants ont introduit le présent recours.

32      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 27 mars 2019, en application de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, les requérants ont demandé le bénéfice de l’anonymat. Par décision du 17 avril 2019, le Tribunal (deuxième chambre) a fait droit à cette demande.

33      Par décision du 16 octobre 2019, le président du Tribunal, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure, a réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, affecté à la septième chambre.

34      Sur proposition du juge rapporteur, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal (septième chambre) a posé des questions écrites aux parties, qui y ont répondu dans les délais impartis.

35      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions du 23 juillet et du 1er août 2018 et, en tant que de besoin, les décisions de rejet des réclamations introduites contre lesdites décisions ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

36      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

37      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure le 20 mai 2020.

38      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 juin 2020.

 En droit

 Observations liminaires

39      Le Parlement fait valoir que le recours est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre des actes ne faisant pas grief aux requérants. Il explique que le remboursement des sommes indues, sollicité par les requérants eux-mêmes, a permis à ces derniers d’obtenir la clôture de la procédure pénale ouverte contre eux au Portugal, de sorte que les décisions litigieuses, par le bénéfice qu’ils en ont tiré, ne sauraient être considérées comme ayant affecté leurs intérêts en modifiant de façon caractérisée leur situation juridique.

40      Le Parlement ajoute que les requérants sont dépourvus d’intérêt à agir et qu’ils ont méconnu le principe d’estoppel ainsi que les principes de bonne foi et de loyauté. En effet, les requérants auraient cherché, par leur recours, en procédant au paiement des sommes litigieuses pour obtenir la clôture de la procédure pénale, avant de solliciter leur remboursement devant le Tribunal, à tirer bénéfice de prétentions contraires, au détriment de l’Union européenne. Leur recours constituerait ainsi un abus de droit en ce que, par un tel recours, les requérants chercheraient à invoquer le droit de l’Union pour contourner le droit national portugais et échapper aux obligations qu’ils s’étaient pourtant engagés à respecter dans le cadre de la procédure pénale.

41      À titre subsidiaire, le Parlement expose qu’il doute de la régularité de la demande d’annulation des décisions litigieuses au regard du droit national portugais, dans la mesure où une telle demande remettrait en cause, si elle était accueillie, les conditions qui ont permis la clôture de la procédure pénale, le délai de prescription dans ce cadre national ne prenant fin, par ailleurs, qu’à la date du 30 juin 2021.

42      Selon la jurisprudence, il appartient au Tribunal d’apprécier si une bonne administration de la justice justifie, dans les circonstances de l’espèce, de rejeter au fond le recours sans statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par le Parlement (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52).

43      En l’espèce, dans un souci d’économie de procédure, il y a lieu d’examiner les moyens invoqués par les requérants au soutien de leur recours, sans statuer préalablement sur les fins de non-recevoir soulevées par le Parlement.

 Sur l’objet du recours

44      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 25 octobre 2018, KF/CSUE, T‑286/15, EU:T:2018:718, point 115). En effet, la décision qui rejette une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable (voir arrêt du 12 septembre 2019, XI/Commission, T‑528/18, non publié, EU:T:2019:594, point 20 et jurisprudence citée).

45      Les décisions de rejet des réclamations dirigées contre les décisions des 23 juillet et 1er août 2018 étant, en l’espèce, dépourvues de contenu autonome, le recours doit être regardé comme tendant à l’annulation des seules décisions des 23 juillet et 1er août 2018 (ci-après les « décisions attaquées »).

 Sur le bien-fondé du recours.

46      Les requérants soulèvent cinq moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 78 du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier »), et des droits de la défense. Le deuxième moyen est tiré du caractère erroné de la base juridique. Le troisième moyen, invoqué dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que les décisions attaquées sont fondées sur l’article 85 du statut, est tiré de la violation de cette dernière disposition. Le quatrième moyen est tiré de la méconnaissance du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude. Le dernier moyen est tiré de l’existence d’un détournement de pouvoir.

47      Le Parlement conclut au rejet de l’ensemble des moyens.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 78 du règlement financier et des droits de la défense.

–       Sur la première branche, tirée de la violation du règlement financier

48      Les requérants soutiennent, dans la requête, que les décisions attaquées ont été adoptées en violation de l’article 78 du règlement financier, au motif qu’elles n’ont pas été précédées d’un ordre de recouvrement de l’ordonnateur compétent. D’une part, les ordres de recouvrement n’existeraient pas. D’autre part, et en tout état de cause, ils n’auraient pas été portés à la connaissance des requérants.

49      Dans la réplique, les requérants déclarent avoir pris connaissance des ordres de recouvrement des sommes litigieuses, à la suite de leur production par le Parlement en annexes B.2 et B.3 du mémoire en défense, mais contestent qu’ils soient datés. Ils maintiennent le grief selon lequel ils n’ont pas reçu ces ordres de recouvrement.

50      Le 8 juin 2020, dans un corrigendum au mémoire en défense, le Parlement a adressé au Tribunal les ordres de recouvrement des sommes litigieuses, correspondant aux annexes B.2 et B.3 du mémoire en défense, revêtus de leur signature électronique, laquelle n’avait pas été reproduite, à la suite d’un incident technique, sur les ordres de recouvrement initialement transmis.

51      Lors de l’audience, les requérants ont déclaré ne plus contester l’existence des ordres de recouvrement des sommes litigieuses, ni la date de leur émission. Ils ont indiqué ne pas contester la signature dont ceux-ci sont revêtus. Ils ont par ailleurs fait valoir qu’aucune note de débit n’avait été adressée au requérant, en violation de l’article 78, paragraphe 2, du règlement financier.

52      S’agissant de ce dernier grief, il convient de rappeler que, conformément à l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. De plus, un moyen, ou un grief, qui constitue l’ampliation d’un moyen ou d’un grief énoncé antérieurement, explicitement ou implicitement, dans la requête et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir arrêt du 24 septembre 2019, Yanukovych/Conseil, T‑301/18, non publié, EU:T:2019:676, point 74 et jurisprudence citée).

53      En l’espèce, il convient de constater que les requérants ont fait état de l’absence de communication d’une note de débit au requérant dans la partie de la réplique consacrée à la présentation des faits et ont formellement soulevé un grief tiré de cette absence de communication et fondé sur l’article 78, paragraphe 2, du règlement financier, lors de l’audience. Ce grief ne constitue pas l’ampliation d’un grief énoncé dans la requête, puisque les requérants y ont seulement fait valoir, ainsi qu’il est indiqué au point 48 ci-dessus, que l’article 78 du règlement financier avait été méconnu au motif que les décisions attaquées n’avaient pas été précédées d’un ordre de recouvrement de l’ordonnateur compétent. Dans ces conditions, et dès lors qu’il ne repose pas sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, ce grief, soulevé pour la première fois au stade de la réplique, est tardif et, partant, irrecevable.

54      L’article 78 du règlement financier, intitulé « Constatation des créances », dispose :

« 1. La constatation d’une créance est l’acte par lequel l’ordonnateur compétent :

a) vérifie l’existence de la dette du débiteur ;

b) détermine ou vérifie la réalité et le montant de la dette ;

c) vérifie les conditions d’exigibilité de la dette.

2. Les ressources propres mises à la disposition de la Commission [européenne] ainsi que toute créance identifiée comme certaine, liquide et exigible sont constatées par un ordre de recouvrement donné au comptable, suivi d’une note de débit adressée au débiteur, tous deux établis par l’ordonnateur compétent.

[…]

3. Les montants indument payés sont recouvrés. »

55      Il résulte de l’article 78, paragraphe 2, du règlement financier que la note de débit qui est adressée au débiteur doit être précédée d’un ordre de recouvrement donné au comptable.

56      En premier lieu, des ordres de recouvrement des sommes litigieuses ont été établis le 25 avril 2018, ainsi qu’il ressort des annexes B.2 et B.3 du mémoire en défense, produites par le Parlement, telles que complétées par le corrigendum mentionné au point 50 ci-dessus. Les décisions attaquées, adoptées les 23 juillet et 1er août 2018, ont donc chacune été précédées d’un ordre de recouvrement.

57      En second lieu, le grief pris de l’absence de communication des ordres de recouvrement aux requérants doit être écarté, dès lors qu’aucune obligation de porter ces documents à la connaissance des débiteurs n’est prévue par l’article 78, paragraphe 2, du règlement financier. Contrairement à ce que les requérants ont avancé lors de l’audience, il ressort de cette disposition du règlement financier que le membre de phrase « adressée au débiteur » vise uniquement la note de débit, et non l’ordre de recouvrement, lequel, selon la même disposition, doit seulement être « donné au comptable ».

58      Il résulte de ce qui précède que la première branche du premier moyen doit être écartée.

–       Sur la seconde branche, tirée de la violation des droits de la défense

59      Les requérants soutiennent que les décisions attaquées ont été adoptées en méconnaissance de leurs droits de la défense. Ils n’auraient pas été informés des motifs pour lesquels l’ordonnateur compétent a considéré que les conditions relatives à la constatation des créances prévues à l’article 78 du règlement financier étaient remplies.

60      Selon la jurisprudence, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure. En matière de fonction publique de l’Union, le respect des droits de la défense, qui a pour corollaire le principe du contradictoire, exige que le fonctionnaire à l’égard duquel une institution de l’Union a entamé une procédure administrative ait été mis en mesure, au cours de cette procédure, de faire valoir utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, des circonstances alléguées et des documents que cette institution entend utiliser contre lui à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction aux dispositions du statut (voir, en ce sens, arrêts du 18 novembre 1999, Tzoanos/Commission, C‑191/98 P, EU:C:1999:565, point 34, et du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, point 97 et jurisprudence citée).

61      En l’espèce, les décisions attaquées ont été adoptées à l’issue d’une procédure administrative en répétition de l’indu ouverte sur le fondement de l’article 85 du statut. La violation des droits de la défense invoquée par les requérants résulterait du défaut d’information à leur égard, avant l’adoption desdites décisions, des motifs pour lesquels les conditions de la constatation des créances prévues par l’article 78 du règlement financier ont été considérées comme réunies.

62      Conformément à l’article 78, paragraphe 1, du règlement financier, l’ordonnateur compétent doit constater l’existence de la créance, ce qui suppose qu’il vérifie l’existence de la dette, qu’il détermine ou vérifie sa réalité et son montant et qu’il vérifie les conditions d’exigibilité de celle-ci (arrêt du 21 septembre 2017, Eurofast/Commission, T‑87/16, non publié, EU:T:2017:641, point 54).

63      En vertu de l’article 81 du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement financier (JO 2012, L 362, p. 1, ci-après le « règlement d’application »), pour constater une créance, l’ordonnateur s’assure, notamment, du caractère certain de celle-ci, qui ne doit pas être affectée d’une condition. Il est également tenu de s’assurer du caractère liquide de la créance, dont le montant doit être déterminé en argent et avec exactitude, ainsi que de son caractère exigible, la créance ne devant pas être soumise à un terme (arrêt du 21 septembre 2017, Eurofast/Commission, T‑87/16, non publié, EU:T:2017:641, point 55).

64      En l’espèce, il ressort du dossier que, par lettres des 25 juin et 17 juillet 2018, la directrice de l’administration des ressources humaines à la DG du personnel du Parlement, en tant qu’AIPN compétente, a rappelé aux requérants que, « [e]n date du 26 janvier 2016, [ils avaient] été informé[s] de l’ouverture d’une enquête administrative à [leur] égard en raison d’une suspicion d’introduction de fausses déclarations de frais médicaux en vue d’obtenir des remboursements indus de la part du [RCAM] » et leur a fait savoir que, « [c]ompte tenu de la teneur de [leur] dossier, des fautes graves alléguées à [leur] encontre et du contenu du rapport de l’OLAF en la matière, très détaillé, précis et sans équivoque, [elle les] inform[ait] de [son] intention d’appliquer l’article 85 du [s]tatut, afin de récupérer les sommes indûment perçues par [eux] ». L’AIPN a ensuite indiqué aux requérants qu’elle considérait que les conditions requises pour la récupération des frais médicaux indûment payés, prévues à l’article 85 du statut, étaient remplies et mentionné que « [l]’irrégularité des versements en question [était] la résultante directe des fautes graves commises par la falsification de données ». En outre, l’AIPN a précisé les montants à récupérer, à savoir, dans la lettre du 25 juin 2018, adressée à la requérante, la somme de 5 289 euros et, dans la lettre du 17 juillet 2018, adressée au requérant, la somme de 3 880 euros.

65      Par ces mêmes courriers, l’AIPN a indiqué aux requérants que « [l’]article 41 de la [charte des droits fondamentaux de l’Union européenne leur] donn[ait] le droit d’être entendu[s] de nouveau avant qu’une mesure individuelle susceptible de [les] affecter défavorablement ne soit prise » et les invitait « à [lui] faire connaître endéans les 8 jours à compter du lendemain de l’envoi du présent courrier s[’ils souhaitaient] faire usage de ce droit quant à la mise en œuvre de l’article 85 du statut ». Elle a conclu ces courriers en informant les requérants que, « [en] l’absence de réaction de [leur] part dans ce délai, la récupération sera[it] mise en œuvre, soit par ordre de recouvrement, soit par prélèvement direct sur [le] salaire ».

66      Par ailleurs, il ressort du procès-verbal d’audition des requérants par l’AIPN compétente en matière disciplinaire, produit en annexe A.9 à la requête, que ces derniers ont été destinataires du rapport de l’OLAF, sur lequel se fonde l’AIPN pour constater l’irrégularité du versement des sommes litigieuses, avant le 30 avril 2018, date de cette audition tenue dans le cadre de l’action disciplinaire.

67      Le point 4.1 du rapport de l’OLAF énumère 24 factures, émises au nom du requérant entre le 28 septembre 2012 et le 31 décembre 2013, que l’OLAF estime avoir été falsifiées. Chaque facture est identifiée par un numéro, le nom de l’établissement émetteur, sa date d’émission, son montant ainsi que le montant remboursé correspondant. Le point 4.2 de ce rapport cite 13 factures, émises au nom de la requérante entre le 29 juillet 2013 et le 30 décembre 2013. Chaque facture comporte un numéro, une date d’émission et le montant correspondant. Le rapport précise le nom de l’établissement dont proviennent les 13 factures ainsi que le montant global remboursé à la requérante. Les éléments qui ont conduit l’OLAF à estimer que les versements des sommes correspondant au remboursement des factures ainsi identifiées étaient irréguliers sont repris dans les conclusions du rapport aux points 6.1 et 6.2.

68      Ainsi, en premier lieu, il ressort des lettres des 25 juin et 17 juillet 2018 visées au point 64 ci-dessus que l’AIPN, se fondant sur le rapport de l’OLAF, a estimé que les requérants étaient débiteurs, à l’égard du RCAM, de sommes d’argent, exprimées en euros, d’un montant, s’agissant de la requérante, de 5289 euros et, s’agissant du requérant, de 3 880 euros. Ces lettres, lues à la lumière des explications figurant dans le rapport de l’OLAF, constatent donc l’existence de deux créances, dont les montants sont déterminés en argent avec exactitude, attestant ainsi de leur caractère liquide au sens de l’article 81 du règlement d’application.

69      En deuxième lieu, il ressort également des lettres des 25 juin et 17 juillet 2018 que l’AIPN a considéré que les dettes ainsi constatées étaient certaines dans la mesure où les conditions de répétition de l’indu, prévues à l’article 85 du statut, étaient remplies, conformément aux conclusions du rapport de l’OLAF. Ainsi, ces lettres permettent de comprendre que la récupération des sommes litigieuses n’était soumise à aucune autre condition que celles prévues à l’article 85 du statut dans la mesure où, selon l’AIPN, s’appuyant sur le rapport de l’OLAF, qu’elle qualifie de très détaillé, précis et sans équivoque, la répétition desdites sommes était la conséquence de l’irrégularité de leur versement, qui résultait directement de la falsification de données. Dès lors, les lettres susmentionnées attestent également du caractère certain des créances correspondant aux sommes litigieuses au sens de l’article 81 du règlement d’application.

70      En troisième lieu, en informant les requérants que, en l’absence d’observations de leur part, la récupération des sommes litigieuses serait mise en œuvre, notamment par prélèvement direct sur leur salaire, l’AIPN leur a fait savoir que les créances constatées n’étaient pas soumises à échéance, attestant ainsi de leur caractère exigible. La faculté accordée aux requérants d’exercer leur droit d’être entendu dans un certain délai ne signifie pas que les créances ainsi constatées soient soumises à un terme.

71      Dès lors qu’ils ont été destinataires des lettres des 25 juin et 17 juillet 2018, lesquelles ont précédé l’adoption des décisions attaquées, les requérants doivent être considérés comme ayant été informés de l’existence d’une créance dont le Parlement était titulaire, de la réalité et du montant de cette créance ainsi que de son caractère certain, liquide et exigible.

72      Il en résulte que les requérants ont été informés, avant l’adoption des décisions attaquées, des motifs pour lesquels les conditions relatives à la constatation des créances, prévues à l’article 78 du règlement financier, étaient remplies.

73      Dans ces conditions, la seconde branche du premier moyen doit être écartée.

74      Compte tenu de ce qui précède, le premier moyen, en ses deux branches, doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré du caractère erroné de la base juridique

75      Les requérants soutiennent, en substance, que la procédure de répétition de l’indu s’inscrivait, en l’espèce, dans un contexte disciplinaire, de sorte que l’AIPN ne pouvait adopter les décisions attaquées que sur le fondement de l’article 22 du statut, relatif à la responsabilité pour faute des fonctionnaires de l’Union, et non sur le fondement de l’article 85 du statut. À tout le moins, la procédure de répétition de l’indu et la procédure disciplinaire étant liées l’une à l’autre et ayant été mises en œuvre sur le fondement du rapport de l’OLAF, l’AIPN ne pouvait, sans violer le principe de bonne administration, adopter les décisions attaquées sans attendre l’issue de la procédure disciplinaire. Les décisions seraient privées de base légale en ce qu’elles seraient fondées sur une base juridique erronée.

76      Par une mesure d’organisation de la procédure du 7 avril 2020, les requérants ont été invités à expliquer en quoi les points 54 et 55 de la requête, par lesquels il est reproché à l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu d’avoir engagé une procédure de répétition de l’indu sans attendre le terme de la procédure disciplinaire, se rattachaient au deuxième moyen, tiré de l’absence de base juridique valable.

77      Les requérants ont répondu qu’ils entendaient soutenir que l’article 85 du statut ne pouvait pas être appliqué tant que la procédure disciplinaire n’avait pas été close. Adoptées avant l’issue de la procédure disciplinaire, les décisions attaquées auraient donc méconnu le champ d’application dans le temps de l’article 85 du statut.

78      Le Parlement conclut au rejet du moyen. 

79      Il convient de rappeler les dispositions des articles 22 et 85 du statut, invoqués par les requérants.

80      Aux termes de l’article 22 du statut :

« Le fonctionnaire peut être tenu de réparer, en totalité ou en partie, le préjudice subi par l’Union en raison de fautes personnelles graves qu’il aurait commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

La décision motivée est prise par l’[AIPN], après observation des formalités prescrites en matière disciplinaire. 

La Cour de justice de l’Union européenne a une compétence de pleine juridiction pour statuer sur les litiges nés de la présente disposition. »

81      L’article 85 du statut est rédigé comme suit :

« Toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l’irrégularité du versement ou si celle-ci était si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

La demande de répétition doit intervenir au plus tard au terme d’un délai de cinq ans commençant à courir à compter de la date à laquelle la somme a été versée. Ce délai n’est pas opposable à [l’AIPN] lorsque celle-ci est en mesure d’établir que l’intéressé a délibérément induit l’administration en erreur en vue d’obtenir le versement de la somme considérée. »

82      L’article 22 du statut permet ainsi à l’AIPN d’agir en réparation d’un préjudice subi par l’Union à la suite du comportement fautif d’un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions.

83      L’article 85 du statut, quant à lui, permet à l’AIPN compétente d’obtenir la répétition d’une somme indûment perçue.

84      En conséquence, l’article 22 du statut instaure un régime de responsabilité fondé sur l’existence d’une faute personnelle grave du fonctionnaire, tandis que l’article 85 instaure un régime de répétition de l’indu fondé sur l’existence d’un versement irrégulier de sommes estimées dues au fonctionnaire en application du titre V du statut, relatif au régime pécuniaire et aux avantages sociaux du fonctionnaire.

85      Dans ces conditions, pour récupérer les sommes litigieuses, l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu n’est pas tenue de rapporter la preuve de l’existence d’une faute personnelle grave imputable aux requérants, sur le fondement de l’article 22 du statut, mais doit démontrer, en application de l’article 85, premier alinéa, du même statut, que le versement des sommes litigieuses est affecté d’une irrégularité.

86      Ainsi, l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu pouvait, par les décisions attaquées, procéder à la répétition des sommes litigieuses, qu’elle estimait avoir été indûment versées, sans devoir rapporter la preuve de l’existence d’une faute personnelle grave des requérants et réclamer à ceux-ci des dommages et intérêts pour un préjudice que l’Union aurait subi du fait de leurs agissements.

87      S’agissant de la question de savoir si une décision fondée sur l’article 85 du statut pouvait être adoptée avant la clôture de la procédure disciplinaire et si les décisions attaquées, en ce qu’elles sont intervenues avant cette date, ont méconnu le champ d’application dans le temps de l’article 85 du statut, d’une part, il y a lieu de constater que les dispositions de cet article ne prévoient aucune condition analogue à celle, prévue à l’article 22, deuxième alinéa, du statut, prescrivant d’attendre l’observation des formalités prescrites en matière disciplinaire pour adopter une décision fondée sur ce dernier. D’autre part, les requérants ne précisent pas les éventuelles autres règles de droit applicables au présent litige dont il résulterait que l’article 85 du statut ne peut être appliqué avant qu’une décision ne soit adoptée en matière disciplinaire.

88      Par suite, l’AIPN pouvait, sans méconnaître le principe de bonne administration ni les fonder sur une base juridique erronée, adopter les décisions attaquées sur le fondement de l’article 85 du statut, et non sur celui de l’article 22 du même statut, sans être tenue d’attendre l’issue de la procédure disciplinaire en cours.

89      Compte tenu de ce qui précède, le deuxième moyen doit être écarté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 85 du statut

90      Le troisième moyen est divisé en deux branches. D’une part, les conditions d’application de l’article 85, premier alinéa, du statut, à supposer qu’un tel article soit applicable au présent litige, ne seraient pas remplies en l’espèce. D’autre part, une partie de la somme prétendument indue, concernant le requérant, ne pourrait plus être réclamée en raison de la règle de prescription prévue à l’article 85, second alinéa, du statut.

91      Le Parlement conclut au rejet du moyen.

–       Sur la première branche du troisième moyen, tirée de la violation des conditions d’application de l’article 85, premier alinéa, du statut

92      Il résulte de l’article 85, premier alinéa, du statut que la répétition de l’indu est soumise à deux conditions cumulatives, à savoir l’irrégularité du versement de la somme que l’administration cherche à récupérer et la connaissance de cette irrégularité par le fonctionnaire ou la constatation que l’irrégularité en question était si évidente que le fonctionnaire ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

93      La première branche du troisième moyen comporte deux griefs. Le premier est soulevé à titre principal, le second à titre subsidiaire.

94      Pour soutenir que les conditions de répétition de l’indu ne sont pas remplies en l’espèce, les requérants font valoir, à titre principal, que l’AIPN a adopté les décisions attaquées en se bornant à renvoyer au rapport de l’OLAF, sans tenir compte des pièces qu’ils ont fournies lors de la procédure disciplinaire en vue de contester les conclusions de ce rapport. Ils invoquent, à cet égard, un procès-verbal d’audition du 30 avril 2018, les observations écrites qu’ils ont déposées le 14 mai 2018 à la suite de cette audition ainsi qu’une attestation de leurs conseils du 4 juillet 2018 (ci-après les « documents litigieux »). Selon les requérants, de telles pièces ont nécessairement eu une incidence sur la vérification des conditions d’application de l’article 85 du statut, puisqu’elles étaient de nature à remettre en cause les conclusions du rapport de l’OLAF que l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu avait reprises à son compte.

95      À titre subsidiaire, les requérants soutiennent que, dans l’hypothèse où l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu aurait tenu compte des documents litigieux, celle-ci a entaché son appréciation d’une erreur manifeste.

96      S’agissant du premier grief, il convient de constater que, dans le cadre de la procédure administrative de répétition de l’indu, les requérants ont adressé les quatre courriers suivants à l’AIPN compétente.

97      Par courrier du 4 mai 2018, les conseils de la requérante ont sollicité une copie « de la décision administrative qui a[vait] fondé l’émission de la note de débit » adressée à celle-ci le 26 avril 2018 et correspondant à la somme de 5 289 euros qui aurait été indûment perçue par elle selon les conclusions du rapport de l’OLAF.

98      Par courrier du 28 mai 2018, ces mêmes conseils ont fait valoir qu’aucune décision n’avait été prise par l’AIPN qui aurait permis de constater l’existence d’un indu et de procéder à la récupération de la somme en cause au titre de la répétition de cet indu.

99      Par courriers des 2 et 26 juillet 2018, les requérants ont adressé des observations en réponse aux courriers des 25 juin et 17 juillet 2018, par lesquels l’AIPN compétente les informait de son intention de récupérer les sommes litigieuses. Dans ces observations, les requérants ont indiqué qu’ils contestaient la réalité des fautes qui leur étaient reprochées, en arguant notamment du fait que, si elles faisaient l’objet d’une procédure disciplinaire et d’une procédure pénale, à ces dates, aucune décision définitive de l’autorité compétente en matière disciplinaire comme en matière pénale n’avait constaté l’irrégularité du versement des sommes litigieuses.

100    Dans aucun de ces courriers les requérants n’ont fait référence aux documents litigieux, qu’ils avaient transmis dans le cadre de la procédure disciplinaire et dont ils reprochent à l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu de ne pas avoir tenu compte avant d’adopter les décisions attaquées.

101    En outre, lors de l’audience, les requérants ont précisé que les documents litigieux n’avaient pas été communiqués à l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu, mais l’avaient été à l’AIPN compétente en matière disciplinaire. Au cours de la même audience, le Parlement a expliqué que les documents transmis dans le cadre d’une procédure disciplinaire ne pouvaient pas être communiqués aux autres directions en raison de la nature même de cette procédure. 

102    En conséquence, les requérants ne sauraient reprocher à l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu d’avoir adopté les décisions attaquées en se bornant à renvoyer au rapport de l’OLAF sans tenir compte des pièces qu’ils avaient fournies, dans le cadre de la procédure disciplinaire, en vue de contester les conclusions de ce rapport.

103    Le premier grief de la première branche du troisième moyen doit donc être écarté.

104    S’agissant du second grief, soulevé à titre subsidiaire et tiré de l’existence d’une erreur manifeste dans l’appréciation des documents litigieux, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort des points 96 à 101 ci-dessus, que l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu n’a pas reçu lesdits documents. Dès lors, le second grief, soulevé dans l’hypothèse où l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu aurait pris connaissance de ces documents, doit être écarté.

105    Il résulte de ce qui précède que la première branche du troisième moyen, tirée de la violation des conditions d’application de l’article 85, premier alinéa, du statut, doit être rejetée dans son intégralité.

–       Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée de la violation de la prescription quinquennale prévue à l’article 85, second alinéa, du statut

106    Selon l’article 85, second alinéa, première phrase, du statut, la demande de répétition de l’indu doit intervenir au plus tard au terme d’un délai de cinq ans commençant à courir à compter de la date à laquelle la somme a été versée. Aux termes de la seconde phrase du même texte, le délai de cinq ans n’est pas opposable à l’AIPN lorsque celle-ci est en mesure d’établir que l’intéressé l’a délibérément induite en erreur en vue d’obtenir le versement de la somme considérée. Il en est notamment ainsi lorsque le fonctionnaire n’a pas consenti à lui fournir l’ensemble des informations concernant sa situation personnelle ou à porter à sa connaissance des changements intervenus dans sa situation personnelle, ou lorsqu’il a procédé à des manœuvres pour rendre plus difficile la détection, par l’AIPN, du caractère indu du paiement dont il a bénéficié, y compris par la fourniture d’informations erronées ou inexactes (arrêt du 30 avril 2014, López Cejudo/Commission, F‑28/13, EU:F:2014:55, point 67).

107    L’objectif poursuivi par l’article 85 du statut est celui de la protection des intérêts financiers de l’Union dans le contexte spécifique des relations entre les institutions de l’Union et leurs agents, c’est-à-dire des personnes qui sont liées à ces institutions par le devoir de loyauté spécifique, tel qu’il est prévu à l’article 11 du statut, lequel commande, en particulier, que le fonctionnaire règle sa conduite en ayant « uniquement en vue les intérêts de l’Union » et remplisse les fonctions qui lui sont confiées « dans le respect de son devoir de loyauté envers l’Union » (voir arrêt du 30 avril 2014, López Cejudo/Commission, F‑28/13, EU:F:2014:55, point 66 et jurisprudence citée).

108    Le requérant soutient que l’action en répétition des sommes versées avant le 1er août 2013, soit cinq ans avant la demande de répétition de l’indu du 1er août 2018, est prescrite, en application de l’article 85, second alinéa, première phrase, du statut. Il fait valoir que le Parlement n’a pas établi qu’il aurait délibérément induit ce dernier en erreur, de sorte que la prescription quinquennale ne pourrait être écartée pour ce motif.

109    En l’espèce, il ressort du rapport de l’OLAF que les sommes réclamées au requérant dans le cadre de la procédure de répétition de l’indu s’élèvent à un montant total de 3 880 euros et correspondent à des frais médicaux intervenus entre le 28 septembre 2012 et le 31 décembre 2013. Le requérant ne conteste pas le montant des sommes réclamées. 

110    Il ressort également du même rapport, dans le cadre du présent litige, que les requérants ont communiqué à l’administration de fausses factures afin d’obtenir le remboursement des sommes litigieuses auprès du RCAM. Il ressort donc de ces éléments du dossier, non sérieusement remis en cause en l’espèce, que les requérants ont délibérément induit le RCAM en erreur en produisant des documents qu’ils savaient erronés. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le délai de prescription prévu à l’article 85, second alinéa, première phrase, du statut n’était pas opposable à l’AIPN, conformément à la seconde phrase de cette disposition. L’AIPN pouvait donc procéder à la répétition des sommes indûment versées au requérant avant le 1er août 2013. 

111    Compte tenu de ce qui précède, la seconde branche du troisième moyen doit être écartée ainsi que, en conséquence, l’ensemble du troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la méconnaissance du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude

112    Les requérants soutiennent que l’AIPN a méconnu le principe de bonne administration, tel qu’il est défini à l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et le devoir de sollicitude qui en découle. Ils affirment que cette autorité n’a pas respecté le principe de bonne administration et le devoir de sollicitude dans la mesure où elle n’a pas pris en compte l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision.

113    Les requérants invoquent deux griefs.

114    D’une part, l’AIPN n’aurait pas vérifié l’exactitude de la « prétendue irrégularité » détectée par le rapport de l’OLAF en analysant les pièces fournies par les requérants lors de la procédure disciplinaire. En particulier, elle n’aurait pas tenu compte des documents exposant l’analyse juridique de l’avocat ayant représenté les requérants au cours de la procédure pénale au Portugal, dont il ressortirait qu’ils ne pourraient être regardés, au regard du droit pénal portugais, comme ayant acquiescé aux conclusions de l’OLAF. Or, le Parlement aurait indiqué, dans le mémoire en défense, avoir tenu compte de ce que les requérants avaient reconnu les faits pour prendre les décisions attaquées.

115    D’autre part, l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu aurait dû informer les requérants des raisons pour lesquelles, après avoir attendu deux ans et demi pour mettre en œuvre les recommandations contenues dans le rapport de l’OLAF, elle avait subitement décidé de les exécuter sans tenir compte du fait que la procédure disciplinaire n’était pas achevée.

116    Les requérants font valoir qu’il était dans leur intérêt d’être informés de la « rationalité propre » aux décisions attaquées eu égard au moment choisi par l’AIPN pour les adopter. Soit, en effet, l’AIPN aurait estimé ne pas devoir attendre l’issue de la procédure disciplinaire, et elle aurait dû adopter lesdites décisions dans un délai raisonnable, un délai de deux ans et demi après la remise du rapport de l’OLAF ne pouvant être regardé comme raisonnable au sens de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, soit l’AIPN aurait estimé devoir attendre l’issue de la procédure disciplinaire et, dans ce cas, elle aurait dû exposer les raisons pour lesquelles elle ne l’avait finalement pas fait.

117    Le Parlement conclut au rejet du moyen.

118    Aux termes de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, « [t]oute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union ».

119    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le devoir de sollicitude reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi, notamment, de celui du fonctionnaire concerné. Cette dernière obligation est imposée à l’administration également par le principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux (voir arrêt du 16 octobre 2019, Palo/Commission, T‑432/18, EU:T:2019:749, point 60 et jurisprudence citée).

120    S’agissant du premier grief, tiré de ce que l’AIPN compétente n’aurait pas analysé, au titre de son devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, les pièces fournies par les requérants lors de la procédure disciplinaire, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été conclu au point 102 ci-dessus, qu’il ne peut être reproché à l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu de ne pas avoir pris en considération les documents produits par les requérants dans le cadre de la procédure disciplinaire et destinés à la seule AIPN compétente en la matière.

121    En outre, les requérants ont déclaré, lors de l’audience, ainsi qu’il a été précisé au point 101 ci-dessus, qu’ils n’avaient pas transmis à l’AIPN compétente, dans le cadre de la procédure ouverte sur le fondement de l’article 85 du statut, les pièces produites au cours de la procédure disciplinaire.

122    Enfin, il ressort des décisions attaquées, telles que complétées par les réponses aux réclamations dirigées contre ces décisions, que l’AIPN a fondé son appréciation de l’irrégularité du versement des sommes litigieuses sur le rapport de l’OLAF, qu’elle a qualifié de « détaillé » et de « sans équivoque ».

123    À cet égard, le rapport de l’OLAF ne fait pas référence à la reconnaissance, par les requérants, des faits à l’origine des irrégularités qui leur sont reprochées. Au contraire, il ressort des points 5.1 et 5.2 du rapport de l’OLAF que les requérants ont contesté l’ensemble des faits qui leur étaient reprochés. Ce n’est que postérieurement à la remise de ce rapport que le conseil représentant alors les requérants a affirmé, lors de la réunion du conseil de discipline du 20 février 2018, que les requérants reconnaissaient les faits à l’origine des irrégularités en cause.

124    En outre, les décisions attaquées ainsi que les réponses aux réclamations dirigées contre lesdites décisions ne sont pas davantage fondées sur la reconnaissance par les requérants des faits à l’origine de ces irrégularités. La prise en compte des documents exposant l’analyse juridique de l’avocat ayant représenté les requérants au cours de la procédure pénale au Portugal, dont il ressortirait que ces derniers ne sauraient être regardés, au regard du droit pénal portugais, comme ayant acquiescé au rapport de l’OLAF concluant à l’irrégularité du versement des sommes litigieuses, ne constituait pas l’un des motifs qui fondait les décisions attaquées. Il ne peut être ainsi soutenu que l’AIPN n’a pas tenu compte de l’intérêt des requérants au motif qu’elle n’aurait pas pris en considération de tels documents.

125    Dans ces conditions, les décisions attaquées n’apparaissent pas avoir été adoptées en méconnaissance du devoir de sollicitude au motif que l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu n’aurait pas tenu compte des pièces transmises par les requérants à l’AIPN compétente en matière disciplinaire.

126    Il ressort du dossier, en revanche, que, les 25 juin et 17 juillet 2018, les requérants ont été invités par l’AIPN, sur le fondement de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, relatif au principe de bonne administration, à faire valoir leurs observations sur la procédure de répétition de l’indu. Par courriers des 2 et 26 juillet 2018, les requérants ont adressé à l’AIPN leurs observations. Or, l’AIPN a fait expressément référence à ces courriers dans les décisions attaquées et indiqué en avoir « pris bonne note ». Les requérants ne prétendent pas que leurs observations adressées à l’AIPN dans le cadre de la procédure de répétition de l’indu par les courriers des 2 et 26 juillet 2018 n’auraient pas été examinées par cette autorité avant de prendre les décisions attaquées. En conséquence, il ne saurait être reproché à l’AIPN compétente de ne pas avoir tenu compte de l’intérêt des requérants lorsqu’elle a statué sur leur situation dans le cadre de la procédure engagée au titre de l’article 85 du statut.

127    Au soutien du second grief, les requérants invoquent l’absence de communication à leur intention des motifs pour lesquels l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu n’a pas attendu l’issue de la procédure disciplinaire pour adopter les décisions attaquées.

128    Il convient de rappeler que, les décisions attaquées étant fondées sur des déclarations des requérants qualifiées de fausses par l’AIPN et dont l’appréciation de l’irrégularité susceptible de les affecter n’est pas liée à la caractérisation d’une faute, cette autorité pouvait, sans méconnaître le principe de bonne administration, adopter les décisions attaquées sur le fondement de l’article 85 du statut sans attendre l’issue de la procédure disciplinaire. Dès lors, la question de l’articulation entre la procédure disciplinaire et la procédure de répétition de l’indu ne se posait nullement en l’espèce, de sorte qu’il ne saurait être reproché à l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu de ne pas avoir communiqué les raisons pour lesquelles elle n’avait pas attendu l’issue de la procédure disciplinaire pour adopter les décisions attaquées.

129    L’argument invoqué au soutien du second grief et tiré de ce que l’AIPN n’a pas attendu l’issue de la procédure disciplinaire avant d’adopter les décisions attaquées doit être écarté.

130    À l’appui du même grief, les requérants invoquent, en outre, le caractère déraisonnable du délai écoulé entre la date à laquelle l’OLAF a rendu son rapport et la date d’adoption des décisions attaquées, au sens de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux.

131    Selon la jurisprudence, l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge de l’Union assure le respect et qui est repris comme une composante du droit à une bonne administration par l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux (arrêts du 7 avril 2011, Grèce/Commission, C‑321/09 P, EU:C:2011:218, point 32, et du 6 décembre 2012, Füller-Tomlinson/Parlement, T‑390/10 P, EU:T:2012:652, point 115).

132    Lorsque la durée de la procédure n’est pas fixée par une disposition du droit de l’Union, le caractère raisonnable du délai pris par l’institution pour adopter l’acte en cause doit être apprécié en fonction de l’ensemble des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence (voir arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134, point 28 et jurisprudence citée).

133    En matière de répétition de l’indu, l’article 85 du statut, sur le fondement duquel l’AIPN compétente a procédé à la répétition des sommes litigieuses, prévoit certes, à son second alinéa, un délai de prescription de cinq ans de la demande en répétition, commençant à courir à compter de la date à laquelle la somme a été versée. Toutefois, conformément à la seconde phrase de ce même alinéa, le délai de prescription n’était pas, dans le présent litige, opposable à l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu, les requérants ayant délibérément induit l’administration en erreur, ainsi qu’il ressort du point 110 ci-dessus.

134    En l’espèce, d’une part, il convient de rappeler que, par la décision du 23 juillet 2018, l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu a sollicité de la requérante la répétition des sommes versées en remboursement de factures émises entre le 29 juillet 2013 et le 30 décembre 2013. Ainsi, le délai de 2 ans, 7 mois et 2 jours qui s’est écoulé entre l’adoption du rapport de l’OLAF, le 21 décembre 2015, et la décision du 23 juillet 2018, délai considéré comme n’étant pas raisonnable par la requérante, a conduit l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu à demander la répétition des sommes indûment perçues par la requérante 4 ans, 11 mois et 24 jours après l’émission de la première facture et 4 ans, 6 mois et 24 jours après l’émission de la dernière facture.

135    D’autre part, il convient de constater que, par la décision du 1er août 2018, l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu a sollicité du requérant la répétition des sommes indûment versées en remboursement de frais médicaux intervenus entre le 28 septembre 2012 et le 31 décembre 2013, le premier remboursement étant intervenu le 21 novembre 2012. Ainsi le délai de deux ans, sept mois et onze jours qui s’est écoulé entre l’adoption du rapport de l’OLAF et la décision du 1er août 2018, délai considéré comme n’étant pas raisonnable par le requérant, a conduit l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu à demander la répétition des sommes indûment perçues par le requérant cinq ans, huit mois et neuf jours après le versement du premier remboursement indu et quatre ans et sept mois après l’émission de la dernière facture de remboursement de frais médicaux.

136    Pour expliquer les raisons pour lesquelles l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu a adopté les décisions attaquées plus de deux ans et demi après avoir pris connaissance du rapport de l’OLAF, le Parlement rappelle que, dans un souci de bonne administration, il a préféré conforter l’ensemble des éléments de preuve. Il ajoute que la reconnaissance des faits par les requérants et la nécessité pour ces derniers de voir leur responsabilité pénale éteinte au Portugal justifient le calendrier de l’ensemble de la procédure.

137    Dans le cadre du présent litige, ainsi qu’il a été précisé au point 69 ci-dessus, la récupération des sommes litigieuses n’est soumise à aucune autre condition que celles prévues à l’article 85 du statut, dans la mesure où, selon l’AIPN, s’appuyant sur le rapport de l’OLAF, qu’elle a qualifié, dans les décisions attaquées, de très détaillé, précis et sans équivoque, la répétition desdites sommes est la conséquence de l’irrégularité de leur versement, qui résulte directement de la falsification de données.

138    Ainsi qu’il a également été rappelé au point 124 ci-dessus, les décisions attaquées ne sont pas fondées sur la reconnaissance par les requérants des faits à l’origine des irrégularités constatées dans le rapport de l’OLAF.

139    L’AIPN était donc en possession, dès le 21 décembre 2015, de l’ensemble des éléments de preuve qu’elle a retenus pour justifier les décisions attaquées et qui lui permettaient d’identifier la créance dont le Parlement était titulaire à l’égard des requérants. Ni la reconnaissance des faits ni la nécessité pour les requérants de voir leur responsabilité pénale éteinte au Portugal ne pouvaient justifier le retard pris dans l’adoption des décisions attaquées.

140    En outre, ainsi qu’il a été observé au point 128 ci-dessus, la question de l’articulation entre la procédure disciplinaire et la procédure de répétition de l’indu ne se posait nullement en l’espèce. Le Parlement ne saurait davantage se prévaloir, à supposer qu’il ait entendu le faire, de la nécessité de tenir compte de l’avis du conseil de discipline, rendu le 19 mars 2018, pour justifier le délai de plus de deux ans et demi qui sépare la date à laquelle l’OLAF a rendu son rapport et la date d’adoption des décisions attaquées.

141    Compte tenu de l’enjeu que représentait pour les requérants la répétition de sommes d’un montant élevé et de l’absence de complexité de l’affaire, dès lors que l’OLAF avait conclu, ainsi que l’AIPN l’a retenu, de manière précise, détaillée et sans équivoque à l’irrégularité du versement desdites sommes dès le 21 décembre 2015, il convient de considérer que le Parlement a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du principe du délai raisonnable en adoptant la décision du 23 juillet 2018 deux ans, sept mois et deux jours après l’établissement du rapport de l’OLAF, daté du 21 décembre 2015, ainsi qu’en adoptant la décision du 1er août 2018 deux ans, sept mois et onze jours après l’établissement du même rapport.

142    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le comportement des requérants, qui auraient, selon le Parlement, attendu le changement de leurs conseils pour contester le rapport de l’OLAF. Une telle circonstance, qui est intervenue en 2018, ne faisait pas obstacle à ce que l’AIPN compétente, après avoir entendu les requérants sur les conclusions dudit rapport, adopte les décisions attaquées dans un délai raisonnable après la remise dudit rapport, intervenue en décembre 2015.

143    Cependant, il convient de rappeler qu’une violation du principe du délai raisonnable ne saurait emporter l’annulation d’un acte que si ladite violation a affecté l’exercice, par son destinataire, des droits de la défense. En effet, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation d’une décision que s’il a été établi qu’il a porté atteinte aux garanties requises pour que l’intéressé présente son point de vue. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non-respect de l’obligation de prendre une décision dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative (voir arrêt du 20 septembre 2019, LL/Parlement, T‑615/15 RENV, non publié, EU:T:2019:636, point 106 et jurisprudence citée).

144    En l’espèce, il y a lieu de constater que la circonstance que l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du principe du délai raisonnable, ainsi qu’il a été constaté au point 141 ci-dessus, n’a pas affecté l’exercice, par les requérants, de leurs droits de la défense. Ainsi qu’il a été conclu au point 73 ci-dessus, la seconde branche du premier moyen, tirée de la violation des droits de la défense, a été écartée. Ainsi qu’il ressort du point 126 ci-dessus, les requérants, après avoir été invités, par lettres des 25 juin et 17 juillet 2018, à faire valoir leur point de vue sur la procédure en répétition de l’indu, ont adressé leurs observations les 2 et 26 juillet 2018, lesquelles, ainsi qu’il ressort du même point, ont été dûment prises en compte par l’AIPN compétente en matière de répétition de l’indu avant de prendre les décisions attaquées. Dans ces conditions, le dépassement du délai raisonnable n’a pas porté atteinte aux garanties requises pour que les requérants puissent présenter leur point de vue.

145    Il en résulte que le grief selon lequel le délai écoulé entre le rapport de l’OLAF et les décisions attaquées présenterait un caractère déraisonnable doit être écarté.

146    Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré du détournement de pouvoir

147    Les requérants font valoir que les décisions attaquées ont été prises dans un but autre que celui pour lequel l’article 85 du statut a été prévu, et qu’elles sont donc entachées d’un détournement de pouvoir.

148    Ils soutiennent à cet égard que les décisions attaquées constituent des sanctions déguisées. La volonté de l’AIPN de sanctionner les requérants par les décisions attaquées, autrement que par la voie disciplinaire, ressortirait de trois séries d’indices. Tout d’abord, l’OLAF aurait recommandé, dans son rapport, de récupérer les sommes litigieuses au plus tard en juillet 2016, alors que l’AIPN aurait adopté les décisions attaquées plus de 30 mois après cette recommandation. Ensuite, l’AIPN compétente en matière disciplinaire aurait été contrainte de suspendre la procédure disciplinaire, dans l’attente de l’issue de la procédure pénale, empêchant ainsi le Parlement de sanctionner disciplinairement les requérants. Enfin, en annulant la décision de suspension infligée à la requérante, le Parlement aurait implicitement, mais nécessairement, reconnu avoir méconnu les droits statutaires de cette dernière.

149    Le Parlement conclut au rejet du moyen.

150    Selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir se réfère à l’usage de ses pouvoirs par une autorité administrative dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris à une telle fin (voir arrêt du 5 juin 2003, O’Hannrachain/Parlement, C‑121/01 P, EU:C:2003:323, point 46 et jurisprudence citée).

151    En outre, un détournement de pouvoir n’est concevable que si l’auteur de l’acte en cause dispose d’un pouvoir d’appréciation. Il n’est, en revanche, pas envisageable lorsque l’adoption de cet acte résulte d’une compétence liée, l’auteur dudit acte ne disposant d’aucune marge d’appréciation quant au recouvrement des sommes indûment versées (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 21 mars 2019, Gollnisch/Parlement, C‑330/18 P, non publiée, EU:C:2019:240, points 78 et 79, et arrêt du 20 juillet 2017, Barnett et Mogensen/Commission, T‑148/16 P, non publié, EU:T:2017:539, point 78).

152    Par ailleurs, lorsque les conditions de l’article 85 du statut sont remplies, l’institution employeuse se trouve dans l’obligation de procéder à la répétition des sommes indûment perçues de l’Union, ladite disposition ne prévoyant pas d’exception à cet égard (arrêt du 27 janvier 2016, DF/Commission, T‑782/14 P, EU:T:2016:29, point 53).

153    Il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été dit au point 111 ci-dessus, le troisième moyen tiré de la violation de l’article 85 du statut ayant été écarté, les conditions de mise en œuvre du régime de la répétition de l’indu doivent être, en l’espèce, considérées comme remplies.

154    Le Parlement était donc tenu de procéder au recouvrement des sommes litigieuses, sans disposer d’une quelconque marge d’appréciation à cet égard.

155    Dans ces conditions, le cinquième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir, doit être écarté, sans qu’il y ait lieu d’examiner les indices dont se prévalent les requérants au soutien de ce moyen.

156    L’ensemble des moyens ayant été rejeté, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

157    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

158    Toutefois, selon l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

159    Les requérants ont succombé en leurs conclusions. Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 141 ci-dessus, le Parlement a, dans le présent litige, manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du principe du délai raisonnable.

160    Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il est juste et équitable de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

da Silva Passos

Reine

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 novembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.