Language of document : ECLI:EU:T:2022:60

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

9 février 2022  (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Personnel de l’ECDC – Rapport d’évaluation au titre de l’année 2018 – Liberté d’expression – Obligation de motivation – Cas nécessitant une motivation spécifique – Erreur manifeste d’appréciation – Devoir de sollicitude – Droit d’être entendu »

Dans l’affaire T‑33/20,

Ivo Van Walle, demeurant à Järfälla (Suède), représenté par Mes L. Levi et A. Champetier, avocates,

partie requérante,

contre

Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), représenté par Mme J. Mannheim, en qualité d’agent, assistée de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation du rapport d’évaluation du requérant pour l’année 2018,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, P. Nihoul et J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 17 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 43 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire font l’objet d’un rapport annuel dans les conditions fixées par l’autorité investie du pouvoir de nomination de chaque institution conformément à l’article 110. Ce rapport indique si le niveau des prestations du fonctionnaire est satisfaisant ou non. L’autorité investie du pouvoir de nomination de chaque institution arrête des dispositions prévoyant le droit de former, dans le cadre de la procédure de notation, un recours qui s’exerce préalablement à l’introduction d’une réclamation conformément à l’article 90, paragraphe 2.

[...]

Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles. »

2        L’article 15, paragraphe 2, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») dispose :

« Les dispositions de l’article 43 du statut concernant la notation sont applicables par analogie. »

3        Le 13 avril 2015, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a adopté la règle d’exécution no 20, relative à l’évaluation des agents temporaires (ci-après la « règle d’exécution »). L’article 2 de cette règle prévoit :

« 1.      Chaque année, un rapport couvrant la période allant du 1er janvier au 31 décembre de l’année précédente (ci-après la “période de référence”) doit être établi pour chaque titulaire de poste […]

2.      Chaque rapport comprend une évaluation qualitative individuelle du rendement, des compétences et de la conduite dans le service du titulaire de poste. Ce rapport porte sur l’ensemble des activités professionnelles du titulaire de poste.

3.      Chaque rapport doit également contenir une conclusion indiquant si les prestations du titulaire de poste sont satisfaisantes ou non. La conclusion selon laquelle les prestations du titulaire de poste n’ont pas été satisfaisantes doit être motivée par des éléments factuels. »

4        Aux termes de l’article 3, paragraphes 1 à 3, de la règle d’exécution :

« 1.      L’évaluateur est le supérieur hiérarchique direct du titulaire de poste et, en règle générale, le chef d’unité du titulaire de poste au 1er décembre de la période de référence […]

2.      L’évaluateur d’appel est le supérieur hiérarchique direct de l’évaluateur au moment de sa première intervention dans la procédure d’évaluation prévue à l’article 6 […]

3.      Dans des cas exceptionnels, justifiés par la volonté d’agir dans l’intérêt du titulaire de poste ou en cas de modification de l’organigramme d’un service, le directeur peut déroger aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus pour tenir compte du contexte spécifique découlant respectivement des circonstances ou de la modification. »

5        L’article 4 de la règle d’exécution dispose :

« 1.      Un rapport concluant que les prestations du titulaire de poste n’ont pas été satisfaisantes doit être confirmé par un validateur.

2.      Le validateur est le supérieur hiérarchique direct de l’évaluateur [...]

3.      L’évaluateur d’appel est le directeur exerçant cette fonction lors de sa première intervention dans la procédure d’évaluation [...] »

6        Aux termes de l’article 5 de la règle d’exécution :

« L’évaluation qualitative individuelle est fondée sur les compétences, le rendement et la conduite dans le service du titulaire de poste, en tenant compte du contexte dans lequel le titulaire de poste a exécuté ses fonctions. Cette évaluation qualitative individuelle ne peut pas comprendre d’éléments de comparaison avec les prestations d’autres titulaires de poste. »

7        L’article 7 de la règle d’exécution dispose :

« 1.      Le refus motivé du rapport par le titulaire de poste conformément à l’article 6, paragraphe 8, vaut automatiquement saisine de l’évaluateur d’appel. Le titulaire de poste peut à tout moment retirer son refus motivé du rapport.

2.      Sur demande formulée par le titulaire de poste dans son refus motivé du rapport, l’évaluateur d’appel tient un dialogue avec celui-ci dans les dix jours ouvrables à compter de la date du refus motivé du rapport [...]

3.      Dans un délai de 20 jours ouvrables à compter de la date du refus motivé d’accepter le rapport et à la suite du dialogue prévu au paragraphe 2, l’évaluateur d’appel confirme le rapport ou le modifie, en motivant sa décision.

Dans le cas d’un rapport évaluant la performance du titulaire de poste comme insatisfaisante, l’évaluateur d’appel consulte l’entité chargée des ressources humaines de l’agence avant de prendre sa décision ; cette entité peut à son tour consulter le comité mixte. La décision de l’évaluateur d’appel ne peut pas être basée sur des faits que le titulaire de poste n’aurait pas déjà eu la possibilité de commenter au cours de la procédure d’évaluation ou d’appel, sauf à ce que cette possibilité lui soit donnée en temps utile par l’évaluateur d’appel.

4.      À la suite de la décision de l’évaluateur d’appel, le rapport devient définitif [...] »

 Antécédents du litige

8        Le requérant, M. Ivo Van Walle, a été recruté le 1er novembre 2010 par l’ECDC en qualité d’agent temporaire. Le 23 mars 2015, son contrat a été reconduit jusqu’au 31 octobre 2020. À ce terme, l’ECDC a décidé de ne pas reconduire son contrat.

9        Le 18 juillet 2017, l’ECDC a publié un avis de vacance pour un poste auquel le requérant a postulé le 27 août 2017. Par décision du 26 octobre 2017, sa candidature n’a pas été retenue. Le 23 janvier 2018, le requérant a formé une réclamation contre la décision de rejet de sa candidature sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Le 22 mai 2018, sa réclamation a été rejetée.

10      En 2018, l’évaluation du requérant établie dans le cadre du dialogue de développement du personnel pour l’année 2017 a conduit à la conclusion selon laquelle ses prestations avaient été satisfaisantes. Cette évaluation comportait néanmoins des commentaires négatifs relatifs à sa conduite. Le 12 mars 2018, le requérant a contesté cette évaluation, contestation qui a été rejetée par décision du 11 avril 2018. Le 13 mai 2018, le requérant a introduit une réclamation sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

11      Le même jour, le requérant a introduit une demande d’assistance sur le fondement de l’article 24 du statut en raison de difficultés relationnelles avec son supérieur hiérarchique. À la suite de cette demande, la directrice de l’ECDC l’a invité, le 1er juin 2018, à fournir des informations et des éléments de preuve supplémentaires, lesquels ont été communiqués le 23 août 2018. Par décision du 25 septembre 2018, la directrice a rejeté la demande d’assistance formée par le requérant et a proposé la mise en place de séances de « coaching d’équipe ». La première séance, prévue le 23 avril 2019, a été reportée au 13 mai 2019.

12      Les titulaires de poste ont été invités à procéder à leur auto-évaluation dans le cadre du dialogue de développement du personnel pour l’année 2018. Le 14 janvier 2019, le requérant a soumis son auto-évaluation.

13      Le 16 janvier 2019, la cheffe du programme Food and Waterbone Diseases (ci-après le « programme FWD ») a présenté des observations sur les prestations du requérant dans la mesure où ce dernier avait travaillé en partie sous sa supervision hiérarchique durant la période de référence. Le 17 janvier 2019, un entretien s’est tenu entre le requérant et son supérieur hiérarchique, en qualité d’évaluateur. Le 28 janvier 2019, l’évaluateur, tout en s’estimant satisfait du rendement et des compétences du requérant, a établi un rapport dans lequel il est parvenu à la conclusion d’ensemble, au regard de la conduite du requérant dans le service, que les prestations de celui-ci n’avaient pas été satisfaisantes en 2018 (ci-après le « rapport litigieux »).

14      Le 1er février 2019, cette évaluation a été confirmée par le validateur. Le 8 février 2019, le requérant a refusé le rapport établi par celui-ci, en vertu de l’article 7 de la règle d’exécution.

15      La directrice de l’ECDC, en sa qualité d’évaluatrice d’appel, a eu un entretien avec le requérant le 4 mars 2019 à propos de ce rapport. L’évaluatrice d’appel a également reçu les commentaires du supérieur hiérarchique, du chef de service et du chef d’unité du requérant. Par décision du 8 mars 2019, l’évaluatrice d’appel a confirmé ledit rapport.

16      Le 6 juin 2019, le requérant a formé une réclamation contre le rapport litigieux sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Par décision du 7 octobre 2019, la réclamation a été rejetée par l’ECDC (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

17      Le 9 juin 2020, sur la base du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), et du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39), le requérant a adressé une demande d’accès à des documents dans le cadre de sa réclamation contre la décision de non-renouvellement de son contrat. Dans sa demande, le requérant a sollicité la communication de tout document relatif à ses prétendus problèmes de conduite dans le service. À la suite de cette demande, l’ECDC lui a communiqué des documents qui faisaient notamment partie de ses rapports d’évaluation.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 janvier 2020, le requérant a introduit le présent recours.

19      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses orales aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 septembre 2021.

20      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le rapport litigieux ;

–        annuler, le cas échéant, la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner l’ECDC aux dépens.

21      L’ECDC conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

22      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 63 et jurisprudence citée). Il y a lieu de constater que la décision de rejet de la réclamation confirme le rapport litigieux et sa motivation. Par ailleurs, la décision de rejet de la réclamation, sans qu’il y soit procédé à un réexamen de la situation du requérant en fonction d’éléments de droit et de fait nouveaux, répond à ses griefs soulevés dans la réclamation et, à cette occasion, complète la motivation fournie dans le rapport litigieux. Dans ces circonstances, il convient de considérer que le seul acte faisant grief au requérant est le rapport litigieux et que la légalité de celui-ci doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2019, RK/Conseil, T‑11/17, EU:T:2019:65, point 53).

23      Au soutien de son recours, le requérant invoque quatre moyens, respectivement tirés, premièrement, de la violation de l’article 43 du statut et de l’article 2, paragraphe 3, de la règle d’exécution ainsi que de la méconnaissance du droit à la liberté d’expression, deuxièmement, de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation, troisièmement, de la méconnaissance du devoir de sollicitude et, quatrièmement, de la méconnaissance du droit d’être entendu.

24      Au cours de l’audience, le requérant a soulevé un grief tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 2, de la règle d’exécution, en vertu duquel le rapport d’évaluation doit porter sur l’ensemble des activités professionnelles du titulaire de poste. À cet égard, il estime que, ayant consacré la moitié de son temps de travail durant la période de référence aux projets placés sous la supervision de la cheffe du programme FWD, l’ECDC aurait violé l’article susmentionné en ne prenant pas suffisamment en considération l’évaluation rédigée par cette dernière.

25      Interrogé par le Tribunal au cours de l’audience sur la recevabilité de ce grief, le requérant a déclaré que celui-ci n’était pas constitutif d’un moyen formel nouvellement soulevé, mais était un argument supplémentaire venant au soutien du moyen tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation.

26      L’ECDC a rétorqué que ce grief, soulevé pour la première fois lors de l’audience, devait être déclaré irrecevable.

27      À cet égard, il y a lieu de relever que ce grief, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 2, de la règle d’exécution, n’a pas été soulevé lors de la phase écrite de la procédure. Certes, dans le cadre de la quatrième branche de son deuxième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation, le requérant a mentionné les déclarations positives de la cheffe du programme FWD afin de soutenir que l’ECDC avait commis une erreur manifeste dans l’appréciation de sa conduite dans le service. Toutefois, l’impact de déclarations positives émanant d’une autre personne que son supérieur hiérarchique sur l’évaluation de sa conduite dans le service et la question de savoir si le rapport litigieux a porté sur l’ensemble des activités professionnelles du requérant sont deux questions distinctes, de sorte que le grief nouveau, soulevé par le requérant lors de l’audience, ne saurait être considéré comme l’ampliation d’un moyen déjà soulevé. Par conséquent, il constitue un moyen nouveau qui doit être écarté comme étant irrecevable, en vertu de l’article 84 du règlement de procédure du Tribunal, interdisant la production de moyens nouveaux en cours d’instance.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 43 du statut et de l’article 2, paragraphe 3, de la règle d’exécution ainsi que de la méconnaissance du droit à la liberté d’expression

28      Le requérant fait valoir que la conclusion du rapport litigieux est justifiée uniquement eu égard à l’évaluation de sa conduite dans le service et que celle-ci repose entièrement sur son auto-évaluation, ce qui, non seulement, violerait l’article 43 du statut et l’article 2, paragraphe 3, de la règle d’exécution, mais méconnaîtrait également son droit à la liberté d’expression. Ce moyen comporte deux branches.

 Sur la première branche, tirée de la méconnaissance du droit à la liberté d’expression

29      Le requérant soutient que l’ECDC a jugé ses prestations « insatisfaisantes » en raison des propos tenus dans son auto-évaluation, ce qui constituerait une violation de son droit à la liberté d’expression.

30      Le requérant estime qu’une atteinte à sa liberté d’expression a également été portée dès lors que l’ECDC s’est référé, dans la décision de rejet de la réclamation, aux propos qu’il a tenus dans cette réclamation, alors que l’introduction d’une réclamation n’est que l’exercice légitime d’un droit qui ne saurait porter préjudice à son auteur.

31      L’ECDC conteste les arguments du requérant.

32      La liberté d’expression, consacrée à l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, figure parmi les droits fondamentaux garantis par l’ordre juridique de l’Union européenne.

33      Dans le domaine de la fonction publique de l’Union, la Cour a jugé que l’obligation d’allégeance à l’Union, telle qu’elle est imposée aux fonctionnaires par le statut et aux agents temporaires par le RAA, ne peut être entendue dans un sens contraire à la liberté d’expression (voir arrêt du 16 décembre 1999, CES/E, C‑150/98 P, EU:C:1999:616, point 13 et jurisprudence citée).

34      La Cour a également considéré que le respect du droit à la liberté d’expression est particulièrement important lorsqu’un fonctionnaire fait usage du droit, qui lui est accordé par l’article 43, paragraphe 3, du statut, de présenter les observations qu’il juge utiles sur le rapport d’évaluation qui lui est notifié (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 1999, CES/E, C‑150/98 P, EU:C:1999:616, point 14). Il en va de même pour un agent temporaire tel que le requérant, qui bénéficie, en vertu de la règle d’exécution, de garanties analogues à celles d’un fonctionnaire en matière d’évaluation.

35      Dès lors, s’il est légitime de soumettre les fonctionnaires à une obligation de réserve, obligation qui est du reste expressément prévue aux articles 12 et 21 du statut, et rendue applicable aux agents temporaires par l’article 11 du RAA, il n’en reste pas moins que cette obligation de réserve ne saurait être interprétée avec rigueur lorsque le fonctionnaire exerce le droit qui lui est reconnu par l’article 43, paragraphe 3, du statut. Cette obligation ne saurait donc être considérée comme violée qu’au cas où le fonctionnaire ou l’agent temporaire emploie des expressions gravement injurieuses ou gravement attentatoires au respect dû au notateur (arrêt du 16 décembre 1999, CES/E, C‑150/98 P, EU:C:1999:616, point 15).

36      Par ailleurs, s’il est vrai qu’un fonctionnaire ou un agent peut s’exprimer librement dans son auto-évaluation, sous les réserves qui viennent d’être indiquées, sans que s’y oppose son obligation de réserve, le respect de la liberté d’expression n’interdit pas à l’administration de prendre en considération le contenu de cette auto-évaluation dans son appréciation du comportement professionnel et de la manière de servir de l’intéressé. Il en va d’autant plus ainsi lorsque, comme en l’espèce, l’auto-évaluation constitue le point de départ de la procédure d’évaluation et peut servir de base aux entretiens conduits dans ce cadre.

37      En l’espèce, il y a lieu de constater, comme cela a été admis par les deux parties lors de l’audience, que le rapport litigieux a effectivement fait référence, à plusieurs reprises, aux commentaires formulés par le requérant dans son auto-évaluation. Dans son appréciation, l’évaluateur a ainsi estimé qu’il ressortait de ces commentaires « un profond décalage [du requérant] avec les priorités du centre » et « un manque de respect et de compréhension du travail fourni par ses collègues ». L’évaluateur a ajouté que l’auto-évaluation du requérant comportait des « attaques personnelles portant atteinte à la dignité de son supérieur hiérarchique ». Quant au validateur, il a relevé que cette auto-évaluation reflétait « un désaccord persistant avec les priorités stratégiques de l’ECDC, une incapacité à formuler des critiques de manière constructive, une dévaluation du travail fourni par ses collègues et l’utilisation de sarcasmes à l’égard des décisionnaires de l’ECDC et de son supérieur hiérarchique ». Pour sa part, l’évaluatrice d’appel a indiqué que les difficultés du requérant à accepter les décisions stratégiques de l’ECDC et la manifestation de ce désaccord « [devenaient] évident[e]s dans [son] auto-évaluation, dans laquelle [le requérant] critiqu[ait] sévèrement et de manière inappropriée les décisions de l’ECDC et [sa] direction ».

38      Néanmoins, la circonstance que les appréciations relatives à la conduite dans le service figurant dans le rapport litigieux sont en partie fondées sur l’auto-évaluation du requérant ne révèle aucune atteinte illégale à la liberté d’expression. En effet, force est de constater que les références aux commentaires portés par le requérant dans son auto-évaluation ont pour seul objet d’étayer le constat d’un manque d’acceptation des décisions stratégiques par le requérant et d’une attitude critiquable dans ses relations avec ses collègues et sa hiérarchie. Dès lors, il convient de considérer ces références comme des exemples supplémentaires susceptibles de corroborer les éléments sur lesquels l’administration a fondé la conclusion du rapport litigieux selon laquelle les prestations du requérant avaient été « insatisfaisantes ».

39      En tout état de cause, à supposer même que les propos tenus par le requérant dans son auto-évaluation aient été déterminants pour justifier ladite conclusion, il n’en résulterait aucune atteinte à la liberté d’expression. En effet, ainsi qu’il a été indiqué au point 36 ci-dessus, le respect de la liberté d’expression ne fait pas obstacle à ce que les évaluateurs prennent en considération dans leurs appréciations le contenu de l’auto-évaluation. En outre, certains propos tenus par le requérant dans son auto-évaluation, mettant en doute la probité de son supérieur hiérarchique dans le cadre du traitement accordé à sa demande d’assistance, mentionnée au point 11 ci-dessus, pouvaient à juste titre être regardés, dès lors qu’ils n’étaient étayés d’aucun élément de preuve, comme étant attentatoires à la dignité professionnelle de son supérieur hiérarchique et ne pouvant, dès lors, être protégés sous le prisme de la liberté d’expression.

40      De même, il ne saurait être reproché à l’ECDC d’avoir repris dans la décision de rejet de la réclamation les propos tenus par le requérant dans sa réclamation. Outre le fait que, compte tenu de l’obligation de motivation qui s’imposait à lui en vertu de l’article 296 TFUE, il était nécessaire qu’il les examine, il ne ressort pas de la décision de rejet de la réclamation que l’ECDC se soit fondé sur ceux-ci pour considérer que la conduite du requérant dans le service était insatisfaisante. Au contraire, il ressort de ladite décision que, ainsi qu’il était attendu de lui, l’ECDC a analysé les éléments contenus dans le rapport litigieux à la lumière des griefs présentés par le requérant. Dès lors, il ne saurait être considéré que la décision de rejet de la réclamation viole la liberté d’expression.

41      La première branche, tirée de la méconnaissance du droit à la liberté d’expression, doit donc être rejetée.

 Sur la seconde branche, tirée de la violation de l’article 43 du statut et de l’article 2, paragraphe 3, de la règle d’exécution

42      Tout d’abord, le requérant soutient que la référence répétée à son auto-évaluation dans la partie du rapport litigieux relative à sa conduite dans le service prouve que ce rapport se fonde entièrement sur son auto-évaluation, laquelle ne saurait constituer un élément factuel à même de satisfaire à l’obligation de motivation posée à l’article 2, paragraphe 3, de la règle d’exécution.

43      Ensuite, le requérant souligne que les références faites dans le rapport litigieux aux rapports d’évaluation des années précédentes ne seraient pas pertinentes, dès lors qu’elles ne couvrent pas la même période d’évaluation que celle au titre de laquelle le rapport litigieux a été établi.

44      Enfin, le requérant rappelle que, le 9 juin 2020, il a sollicité, auprès de l’ECDC, la communication de tout élément relatif à ses problèmes de conduite. Le requérant considère que l’absence de production de documents à la suite de cette demande serait la preuve, d’une part, que ces problèmes n’auraient pas été discutés en amont de l’évaluation contestée et, d’autre part, que cette évaluation serait uniquement fondée sur les appréciations subjectives des évaluateurs, lesquelles ne sauraient constituer des éléments factuels au sens de l’article 2, paragraphe 3, de la règle d’exécution, dès lors qu’elles ne seraient accompagnées d’aucune preuve tangible.

45      L’ECDC conteste les arguments du requérant.

46      En premier lieu, il est de jurisprudence constante que le pouvoir d’appréciation de l’autorité habilitée à conclure les contrats comme celui de l’autorité investie du pouvoir de nomination doit s’exercer dans le respect de toutes les réglementations pertinentes, y compris les éventuelles règles de conduite dont l’autorité se serait dotée pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation. De telles règles internes font ainsi partie du cadre légal dont l’autorité compétente ne saurait s’écarter sans préciser les raisons qui l’y ont amenée (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2003, McAuley/Conseil, T‑165/01, EU:T:2003:225, point 44, et du 7 juillet 2009, Bernard/Europol, F‑99/07 et F‑45/08, EU:F:2009:84, point 79).

47      En l’espèce, l’ECDC a prévu, à l’article 2, paragraphe 3, de la règle d’exécution, qu’une conclusion selon laquelle les prestations du titulaire de poste n’ont pas été satisfaisantes devait être motivée par des éléments factuels. Dès lors, l’ECDC était tenu de respecter cette obligation lors de l’exercice de son pouvoir d’évaluation ou, à défaut, de justifier le non-respect de cette règle. L’obligation de motiver une telle conclusion par des éléments factuels implique que l’évaluation repose non pas uniquement sur des jugements de valeur, mais également sur des éléments concrets et précis de nature à la justifier.

48      Il ressort du rapport litigieux que la conclusion qu’il comporte, selon laquelle les prestations du requérant ont été « insatisfaisantes », est seulement due à l’appréciation de sa conduite dans le service, dès lors que les commentaires liés au rendement et aux compétences sont, au contraire, globalement positifs.

49      Le rapport litigieux contient les appréciations successivement portées par plusieurs intervenants. Tout d’abord, le supérieur hiérarchique du requérant, en sa qualité d’évaluateur, a indiqué que « [le requérant] a effectivement contribué à la planification préliminaire, mais avec des signes de désaccord au regard [des décisions stratégiques] ». Ensuite, le validateur a relevé que, « malgré les désaccords au sujet du changement des priorités du service, [cela restait de la responsabilité du requérant] de démontrer son implication dans les activités de son équipe, de respecter les priorités stratégiques [de l’ECDC] et de s’abstenir d’insinuer que les performances et la contribution de ses collègues [étaient] inférieures aux siennes ». Enfin, la directrice de l’ECDC, en sa qualité d’évaluatrice d’appel, qui s’est entretenue avec le requérant et ses supérieurs pour obtenir « leurs commentaires et éclaircissements » respectifs, est parvenue à la conclusion qu’il y avait lieu « de maintenir l’évaluation de [ses] performances comme étant insatisfaisantes en raison de [son] comportement relatif à la non-acceptation des décisions stratégiques de l’ECDC ». L’évaluatrice d’appel a considéré que « cela dev[enait] évident que [le requérant avait] des difficultés à accepter certaines décisions prises par la direction de l’ECDC et [continuait] à exprimer [son] désaccord avec celles-ci » et précisait que « cela affect[ait] la collaboration et [son] implication au sein de [l’équipe] ».

50      Il ressort du rapport litigieux, et notamment des commentaires rappelés au point 49 ci-dessus, lesquels ne trouvent pas leur fondement dans l’auto-évaluation du requérant, que l’évaluation « insatisfaisante » de la conduite du requérant dans le service résulte de son manque d’acceptation des décisions stratégiques et d’une attitude critiquable dans ses relations avec ses collègues. L’évaluateur et le validateur ont évoqué un niveau d’implication inégal, un manque de proactivité dans certains projets collectifs ainsi que la manifestation de signes de désaccord au sujet des décisions stratégiques de l’ECDC. Le rapport litigieux mentionne les insinuations du requérant selon lesquelles ses performances et sa contribution seraient supérieures à celles de ses collègues. L’évaluatrice d’appel a précisé également que cela affectait la collaboration du requérant avec son équipe.

51      Il résulte des mentions ainsi portées dans le rapport litigieux que, contrairement à ce que soutient le requérant, la conclusion selon laquelle sa conduite dans le service n’était pas satisfaisante n’est pas fondée exclusivement sur son auto-évaluation.

52      Certes, il ressort du point 37 ci-dessus que le rapport litigieux fait effectivement référence, en outre, à certains commentaires portés par le requérant dans son auto-évaluation. Toutefois, ainsi qu’il a été indiqué au point 36 ci-dessus, il était loisible à l’administration de prendre en considération ces commentaires, qui reflétaient concrètement la difficulté du requérant à accepter les objectifs qui lui étaient assignés et corroboraient les problèmes constatés dans sa conduite. De telles appréciations sont basées sur des éléments factuels au sens de l’article 2, paragraphe 3, de la règle d’exécution et ne contreviennent donc pas à cette disposition. La conclusion « insatisfaisante » du rapport litigieux est motivée par les difficultés relationnelles du requérant et par sa non-acceptation des décisions stratégiques de l’ECDC. L’ensemble de ces constatations, lesquelles ont justifié l’évaluation « insatisfaisante » figurant dans le rapport litigieux, sont fondées sur les éléments exposés aux points 49 et 50 ci-dessus et corroborées par les propos tenus par le requérant dans son auto-évaluation, ce qui, ainsi que cela a été relevé au point 38 ci-dessus, n’est pas constitutif d’une violation de la liberté d’expression.

53      En deuxième lieu, concernant la référence aux rapports d’évaluation des années précédentes, il résulte de l’article 2, paragraphe 1, de la règle d’exécution que, lors de l’établissement du rapport d’évaluation au titre d’une année donnée, sont évalués le rendement, les compétences et la conduite dans le service du titulaire de poste entre le 1er janvier et le 31 décembre de ladite année. Ainsi, l’évaluation doit porter sur des faits se rapportant à la période de référence au titre de laquelle le rapport en cause a été établi.

54      En l’espèce, le rapport litigieux se réfère brièvement aux rapports d’évaluation des années précédentes, lesquels faisaient état des difficultés relationnelles du requérant et fixaient des objectifs en lien avec ces difficultés relationnelles.

55      Néanmoins, une telle mention des problèmes relationnels antérieurs du requérant ne saurait démontrer, à elle seule, que l’évaluation serait fondée sur des éléments antérieurs à la période de référence (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2007, Talvela/Commission, F‑43/06, EU:F:2007:162, point 74).

56      En effet, il ressort du rapport litigieux que les mentions relatives aux problèmes relationnels du requérant, selon lesquelles ces problèmes ont été constatés lors des années précédant la période de référence du rapport litigieux, soit l’année 2018, et ont perduré durant cette période, constituent, en présence d’une situation continue, un simple rappel de ce qui est reproché à l’agent concerné, et qui existait déjà antérieurement à ladite période. De telles mentions ne démontrent pas que la conduite du requérant aurait été appréciée au regard d’une autre période de référence (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2007, Talvela/Commission, F‑43/06, EU:F:2007:162, point 75).

57      En outre, même si l’établissement du rapport d’évaluation doit reposer sur une évaluation de l’agent pendant la période de référence, il n’apparaît pas inapproprié que les commentaires dudit rapport puissent faire un renvoi aux périodes précédentes si cela est utile pour apprécier l’évolution du rendement, des compétences ou de la conduite dans le service dudit agent pendant la période de référence par rapport aux périodes précédentes. Sur ce point, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une attention particulière doit être accordée à la motivation d’une évaluation comportant des appréciations moins favorables que celles figurant dans un rapport d’évaluation précédent (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2007, Talvela/Commission, F‑43/06, EU:F:2007:162, point 76). Or, certaines appréciations négatives de la conduite du requérant ayant figuré dans les rapports d’évaluation des années précédant l’année 2018, il était légitime que l’évaluation effectuée au titre de cette dernière année s’y réfère pour apprécier quelle avait été l’évolution de la conduite du requérant.

58      Il résulte des points 46 à 57 ci-dessus que le rapport litigieux est effectivement motivé par des éléments factuels, conformément à l’article 2, paragraphe 3, de la règle d’exécution, qui portaient bien sur la période de référence de ce rapport, soit l’année 2018, de telle sorte qu’il ne saurait être considéré, contrairement à ce qu’avance le requérant, que ledit rapport porterait sur une période non pertinente.

59      En dernier lieu, s’agissant des arguments du requérant relatifs à sa demande d’accès aux documents, d’une part, il résulte des points 53 à 57 ci-dessus que ses problèmes de conduite dans le service avaient été discutés en amont de l’évaluation contestée puisqu’ils étaient mentionnés dans les rapports d’évaluation des années précédentes. D’autre part, comme précisé au point 58 ci-dessus, le rapport litigieux est effectivement motivé par des éléments factuels. Dès lors, les arguments du requérant ne sauraient prospérer.

60      Partant, la seconde branche, tirée de la violation de l’article 43 du statut et de l’article 2, paragraphe 3, de la règle d’exécution, ne peut prospérer, de sorte que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation

61      Le requérant fait valoir qu’un certain nombre d’éléments démontrent que le rapport litigieux est entaché d’erreurs manifestes d’appréciation, qui priveraient de plausibilité les appréciations effectuées par l’ECDC.

62      Il convient de rappeler qu’il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle des personnes chargées d’évaluer le travail de la personne notée. En effet, un large pouvoir d’appréciation est reconnu aux évaluateurs dans les jugements relatifs au travail des personnes qu’ils ont la charge de noter. Dès lors, le contrôle juridictionnel exercé par le juge de l’Union sur le contenu des rapports d’évaluation est limité au contrôle de la régularité procédurale et de la bonne application des règles de droit, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 1er juin 1983, Seton/Commission, 36/81, 37/81 et 218/81, EU:C:1983:152, point 23, et du 19 septembre 2019, FV/Conseil, T‑153/17, non publié, EU:T:2019:622, points 70 et 71).

63      Ensuite, il y a lieu de relever qu’une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle peut être aisément détectée à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner l’exercice d’un pouvoir décisionnel. En conséquence, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’un rapport d’évaluation, les éléments de preuve qu’il incombe à la partie requérante d’apporter doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations effectuées par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme plausible (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2016, Winkel/EUIPO, F‑48/15, EU:F:2016:149, point 36 et jurisprudence citée).

64      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments avancés par le requérant au soutien du deuxième moyen, qui comporte six branches.

 Sur la première branche du deuxième moyen

65      Le requérant fait valoir, comme dans le cadre de son premier moyen, que le rapport litigieux est fondé sur l’auto-évaluation qu’il a rédigée, de telle sorte qu’aucun élément factuel ne permettrait de justifier la conclusion selon laquelle sa conduite dans le service avait été insatisfaisante.

66      L’ECDC renvoie aux explications fournies en réponse au premier moyen et souligne que le manque de proactivité et d’implication du requérant ont motivé l’appréciation négative de sa conduite dans le service.

67      Ainsi qu’il a été jugé au point 58 ci-dessus, c’est à tort que le requérant prétend que le rapport litigieux ne serait pas fondé sur des éléments factuels intervenus au cours de la période de référence et qu’il résulterait exclusivement de l’auto-évaluation. Par conséquent, il ne saurait davantage être considéré que l’ECDC aurait commis une erreur manifeste d’appréciation au motif qu’il se serait appuyé seulement sur des commentaires figurant dans l’auto-évaluation. La première branche du moyen doit donc être rejetée.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen

68      Le requérant considère que, en ne prenant pas en compte l’ensemble du contexte dans lequel il se trouvait au moment de l’établissement de son évaluation, l’ECDC a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de sa conduite dans le service.

69      Il soutient, à cet égard, que l’ECDC aurait dû prendre en considération les difficultés relationnelles qu’il rencontrait avec sa hiérarchie, lesquelles auraient été mentionnées par la cheffe du programme FWD. Il conteste l’existence de réunions avec ses supérieurs hiérarchiques ayant eu pour objet de lui expliquer les décisions stratégiques de l’ECDC, invoquant à cet égard l’absence de preuve de la tenue de telles réunions. Le requérant estime enfin que l’ECDC aurait dû prendre en considération sa demande d’assistance formée le 13 mai 2018, ayant abouti à une proposition de mise en place de séances de coaching.

70      L’ECDC conteste les arguments du requérant.

71      Il découle d’une jurisprudence constante que l’évaluateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer le travail des personnes évaluées. Or, l’existence d’un tel pouvoir d’appréciation présuppose que les évaluateurs n’aient pas l’obligation de faire figurer dans le rapport d’évaluation tous les éléments de fait et de droit pertinents à l’appui de leur évaluation, ni celle d’examiner et de répondre à tous les points contestés par la personne évaluée (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2009, van Arum/Parlement, F‑139/07, EU:F:2009:105, point 88, et du 12 juillet 2018, PA/Parlement, T‑608/16, non publié, EU:T:2018:440, point 32).

72      Les commentaires descriptifs figurant dans un rapport d’évaluation ont pour objet de justifier les appréciations analytiques portées dans le rapport et servent d’assise à l’établissement de l’évaluation, en permettant au fonctionnaire ou à l’agent concerné de comprendre les mentions obtenues. Par conséquent, eu égard à leur rôle prédominant dans l’établissement du rapport d’évaluation, les commentaires doivent être cohérents avec les mentions attribuées, la mention obtenue devant être considérée comme une transcription analytique des commentaires (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2018, PA/Parlement, T‑608/16, non publié, EU:T:2018:440, point 32 et jurisprudence citée).

73      En l’espèce, il y a lieu de constater que chacun des intervenants à la procédure d’évaluation a fait référence, dans le rapport litigieux, aux difficultés relationnelles rencontrées par le requérant. Ce constat s’étend, par ailleurs, à la cheffe du programme FWD, qui, bien qu’elle se soit exprimée dans un sens favorable au requérant, a évoqué les difficultés que ce dernier rencontrait avec sa hiérarchie. Il résulte de ce qui précède que les difficultés relationnelles, dont fait état le requérant, étaient bien connues de l’ECDC.

74      Or, les difficultés relationnelles du requérant avec sa hiérarchie n’étaient pas seulement un élément du contexte qui devait être pris en compte lors de l’établissement du rapport litigieux, comme l’exige l’article 5 de la règle d’exécution, mais constituaient, précisément, l’un des aspects de la conduite du requérant qui lui était reproché. L’ECDC a, à juste titre, estimé que les éléments factuels qui ont justifié l’évaluation insatisfaisante de sa conduite constituaient la matérialisation de ces difficultés relationnelles. Dès lors, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient le requérant, ces dernières ont bien été prises en considération dans le rapport litigieux, conformément à l’article 5 de la règle d’exécution.

75      Par ailleurs, il ne saurait être fait grief à l’administration, dans les circonstances de l’espèce, de ne pas avoir mentionné, dans le rapport litigieux, au titre de la prise en compte de l’ensemble du contexte, la demande d’assistance formée par le requérant. En effet, cette demande a été rejetée par une décision du 25 septembre 2018, que n’a pas contestée le requérant et qui était devenue définitive lors de l’élaboration du rapport litigieux. Les allégations portées dans cette demande n’ayant pas été confirmées, le rapport litigieux n’avait pas à en faire état en tant qu’élément de contexte qu’il aurait été nécessaire de prendre en considération dans le cadre de l’évaluation du requérant. Au demeurant, si le rapport litigieux s’y était référé, une telle mention aurait pu être regardée comme préjudiciable au requérant, dès lors que l’ECDC avait estimé ladite demande sans fondement.

76      À titre surabondant, il convient de préciser que la conduite du requérant dans le service, telle que décrite dans le rapport litigieux, ne saurait, en tout état de cause, être justifiée par les difficultés relationnelles invoquées par le requérant. Certes, l’existence de ces difficultés relationnelles a été reconnue dans la décision de rejet de la demande d’assistance formée par le requérant, néanmoins ces difficultés ne sont pas de nature, en l’espèce, à justifier la contestation, par le requérant, des décisions stratégiques de l’ECDC.

77      Ainsi, le requérant n’invoque pas d’argument suffisant pour établir que l’ECDC a commis une erreur manifeste, au sens de la jurisprudence citée au point 63 ci-dessus, dans l’appréciation de sa conduite dans le service. Il y a lieu, dès lors, de rejeter la deuxième branche du moyen.

 Sur la troisième branche du deuxième moyen

78      Le requérant soutient que l’ECDC a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il aurait émis des signes de non-acceptation des décisions stratégiques de l’ECDC et aurait fait preuve d’un enthousiasme modéré, alors que l’ensemble des tâches et objectifs liés à ces activités stratégiques auraient été accomplis de manière satisfaisante selon les propos de son supérieur hiérarchique et que le seul objectif qui n’a pas été accompli aurait été étranger à de telles décisions, mais relatif à une approche plus collaborative et à une meilleure communication. En outre, le requérant estime que ses propos relatifs à sa charge de travail, tenus dans le cadre de son auto-évaluation, ont été interprétés à tort comme traduisant une contestation systématique des décisions de sa hiérarchie et une dévalorisation du travail de ses collègues, et que ce déséquilibre dans la charge de travail est prouvé par les témoignages de deux de ses collègues.

79      L’ECDC conteste les arguments du requérant.

80      À cet égard, il convient de constater que le rapport litigieux liste les tâches et objectifs fixés au requérant au cours de l’année faisant l’objet de l’évaluation et précise si ces tâches et objectifs ont été « pleinement accomplis », « partiellement accomplis » ou « non commencés ». Il ressort dudit rapport que les tâches et objectifs liés aux activités stratégiques de l’ECDC ont tous été évalués comme « pleinement accomplis », à l’exception de l’objectif fixé au requérant de démontrer une approche collaborative avec son équipe. Ainsi, contrairement à ce qu’affirme le requérant, l’objectif d’une approche plus collaborative et d’une meilleure communication faisait partie intégrante des tâches et objectifs relatifs aux décisions stratégiques de l’ECDC. C’est en effet dans le cadre de ces activités stratégiques qu’il était attendu du requérant une telle approche collaborative avec son équipe. En outre, il ressort des commentaires du supérieur hiérarchique que le travail du requérant a été jugé « bon » et que ses compétences ont été jugées « pertinentes ». Dès lors, l’ECDC a valablement pris en considération le travail accompli par le requérant, y compris celui en lien avec les activités stratégiques.

81      De plus, il convient de préciser que, si l’appréciation du rendement et des compétences de la personne évaluée relève d’une appréciation strictement individuelle des qualités de ladite personne, prise isolément, l’appréciation de sa conduite dans le service, en revanche, implique nécessairement une appréciation plus collective, au regard de l’équipe à laquelle elle appartient et au regard de sa hiérarchie. Dès lors, des commentaires positifs à l’égard du rendement et des compétences de la personne évaluée ne sont pas incompatibles avec une conduite insatisfaisante de cette même personne dans le service.

82      Or, en l’espèce, il ressort du rapport litigieux que l’objectif consistant à « démontrer une approche collaborative lors de la mise en œuvre de la feuille de route en assurant une communication efficace et une attitude réceptive aux commentaires fournis par l’équipe » a été considéré comme non accompli. Par ailleurs, parmi les commentaires positifs dans la rubrique « Rendement », le supérieur hiérarchique relève, néanmoins, un « niveau d’engagement et de proactivité inégal » dans les travaux d’équipe liés aux activités stratégiques, ce qui doit être rapproché des difficultés qui sont à nouveau évoquées dans les appréciations relatives à la conduite dans le service.

83      Sur la base de telles constatations, dont le requérant n’a pu remettre en cause la matérialité, il y a lieu de considérer que l’ECDC a pu, sans commettre d’erreur manifeste, estimer que la conduite du requérant dans le service en lien avec l’accomplissement des tâches et objectifs liés aux activités stratégiques de l’ECDC n’était pas satisfaisante.

84      Quant à la question de savoir si l’ECDC aurait mal interprété les propos tenus par le requérant au sujet de sa charge de travail, ce qui aurait vicié les critiques formulées à l’égard du requérant liées à la dévaluation du travail de ses collègues, le Tribunal constate que rien n’indique que ces critiques soient motivées par ces propos.

85      De plus, le Tribunal constate que, contrairement à ce qu’allègue le requérant, ce sont non pas ces propos relatifs à la charge de travail, mais les commentaires évoqués au point 52 ci-dessus, figurant dans l’auto-évaluation, qui ont été pris en considération, avec d’autres éléments, pour fonder la conclusion du rapport litigieux.

86      En tout état de cause, cette analyse n’est pas remise en cause par les témoignages dont le requérant se prévaut, qui ont été rédigés par des personnes extérieures au service dans lequel sa conduite a été jugée insatisfaisante et ne sont pas susceptibles d’établir la véracité des propos tenus par le requérant à cet égard.

87      Ainsi, les arguments soulevés par le requérant ne permettent pas de priver de plausibilité l’appréciation de sa conduite dans le service par l’ECDC, de sorte que la présente branche doit être rejetée.

 Sur la quatrième branche du deuxième moyen

88      Le requérant considère que l’absence de document attestant ses difficultés relationnelles avec les membres de son équipe ainsi que les déclarations positives de la cheffe du programme FWD et de certains de ses collègues sont en contradiction avec les déclarations des évaluateurs relatives à l’existence de telles difficultés. Cette contradiction révélerait une erreur manifeste dans l’appréciation de la conduite du requérant dans le service.

89      L’ECDC conteste ces arguments.

90      Quant aux commentaires positifs formulés à l’égard du requérant par la cheffe du programme FWD et par certains de ses collègues, il y a lieu de relever que ces commentaires proviennent de personnes extérieures au service dans lequel la conduite du requérant a été jugée insatisfaisante. Or, la conduite positive du requérant dans un service ne prive pas de plausibilité l’appréciation négative de sa conduite au sein d’un autre service, de telle sorte que le requérant ne prouve pas que l’appréciation de sa conduite figurant dans le rapport litigieux soit entachée d’une erreur manifeste.

91      Quant à l’absence de document attestant ses difficultés relationnelles avec les membres de son équipe, il convient de rappeler que l’article 2, paragraphe 3, de la règle d’exécution oblige l’ECDC à motiver par des éléments factuels toute conclusion selon laquelle les prestations du titulaire de poste n’ont pas été satisfaisantes. En revanche, il ne pèse pas sur l’ECDC d’obligation de produire des preuves matérielles étayant chacun des éléments factuels retenus.

92      Au contraire, ainsi qu’il a été rappelé au point 63 ci-dessus, la charge de la preuve pèse sur la partie requérante, laquelle est tenue d’apporter des éléments de preuve de nature à priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, les appréciations négatives sur la conduite du requérant apparaissent plausibles, en ce qu’elles émanent de l’évaluateur, du validateur et de l’évaluatrice d’appel. En outre, elles font suite à des commentaires allant dans ce sens dans les précédents rapports d’évaluation du requérant. De surcroît, le ton de certains des propos tenus par le requérant dans son auto-évaluation corrobore sa difficulté à accepter les priorités que lui avait assignées sa hiérarchie. Or, le requérant n’a pas produit d’élément susceptible d’infirmer l’existence de difficultés relationnelles dans le service, de telle sorte que la quatrième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

 Sur la cinquième branche du deuxième moyen

93      Le requérant considère que les propos du supérieur hiérarchique, figurant dans le rapport litigieux, l’invitant à « valoriser son propre rôle sans penser qu’une autre description du poste est nécessaire pour le rendre plus remarquable » sont en contradiction avec les propos tenus par le même supérieur hiérarchique après l’adoption du rapport litigieux, lors d’une réunion ayant eu lieu le 13 novembre 2019, selon lesquels il ne voyait pas d’inconvénient à ce que l’intitulé dudit poste soit modifié. Cette contradiction établirait l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

94      L’ECDC conteste les arguments du requérant.

95      À cet égard, il convient de préciser que le commentaire du supérieur hiérarchique figurant dans le rapport litigieux a été formulé en réponse aux « aspirations professionnelles » exposées par le requérant dans ce rapport. En effet, dans la section dudit rapport relative aux aspirations professionnelles du requérant, ce dernier a indiqué aspirer à davantage de responsabilités managériales « où le respect de chacun et l’amélioration continue sont primordiaux et où l’ouverture aux autres groupes est considérée comme une vertu ». C’est en réponse à ce commentaire que le supérieur hiérarchique a, dans un premier temps, souligné que les qualités qu’entendait développer le requérant lorsqu’il serait chargé d’une équipe étaient celles qui lui faisaient défaut au moment de l’évaluation, lesquelles lui permettraient de développer plus rapidement sa carrière. Par la suite, le supérieur hiérarchique a ajouté qu’il invitait le requérant à « valoriser son propre rôle sans penser qu’une autre description du poste est nécessaire pour le rendre plus remarquable ».

96      Or, l’opinion émise par le supérieur hiérarchique lors d’une réunion postérieure à l’adoption du rapport litigieux, selon laquelle il ne voyait pas d’inconvénient à ce que l’intitulé du poste occupé par le requérant soit modifié, ne contredit pas le conseil émis par ce même supérieur dans le rapport litigieux. En effet, par ce conseil, le supérieur hiérarchique a exprimé non pas une opposition définitive à un changement d’intitulé de poste, mais une recommandation au requérant d’améliorer sa conduite dans le service pour parvenir aux aspirations professionnelles qu’il décrivait.

97      Dès lors, aucune contradiction n’est caractérisée à cet égard et la cinquième branche du moyen doit être rejetée.

 Sur la sixième branche du deuxième moyen

98      Le requérant considère que plusieurs erreurs manifestes ont été commises dans l’appréciation des commentaires formulés dans son auto-évaluation, lesquelles auraient conduit l’ECDC à considérer à tort sa conduite dans le service comme étant insatisfaisante.

99      Le requérant fait valoir que ses commentaires relatifs aux « détracteurs du projet Listeria Typing Exercise », dans son auto-évaluation, ont été erronément interprétés comme visant les responsables scientifiques et le chef du service de microbiologie, alors que le requérant n’a cité aucun nom ni aucune fonction. De plus, il soutient que la déclaration, dans son auto-évaluation, selon laquelle, lors de la procédure relative à sa demande d’assistance, il n’a pas été mis en mesure de prendre connaissance des preuves produites par son supérieur hiérarchique, de telle sorte que ces preuves pourraient être inexactes ou trompeuses, n’a pas été correctement interprétée. Par cette déclaration, il n’aurait fait qu’émettre une possibilité et n’aurait formulé aucune insinuation à l’encontre de ce supérieur hiérarchique.

100    L’ECDC conteste les arguments du requérant.

101    En l’espèce, sans qu’il soit besoin de déterminer avec précision les personnes visées par les termes « détracteurs du projet Listeria Typing Exercise », il est clair, dans le contexte du litige, que ces termes visent, à tout le moins, les personnes compétentes pour prendre les décisions stratégiques relatives à ce projet. Si, comme l’évaluatrice d’appel l’a rappelé à juste titre, le requérant avait la possibilité d’émettre ses opinions, la liberté d’expression qui est reconnue dans l’exercice d’évaluation ne saurait néanmoins justifier l’emploi de tels termes.

102    Par ailleurs, concernant les commentaires du requérant relatifs à la possibilité que son supérieur hiérarchique ait produit des preuves inexactes ou trompeuses, c’est à juste titre que l’ECDC les a interprétés comme une insinuation mettant en cause ce supérieur hiérarchique, le requérant ne produisant aucun élément probant de nature à étayer une telle allégation.

103    Par conséquent, l’ECDC n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que les propos du requérant constituaient des allégations indirectes et insinuantes de nature à jeter le discrédit sur l’honorabilité professionnelle de son supérieur hiérarchique et qu’ils ne sauraient être tolérés.

104    La sixième branche est donc également non fondée, de sorte que le deuxième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance du devoir de sollicitude

105    Le requérant soulève trois griefs à l’appui de ce moyen.

106    Premièrement, le requérant considère que l’ECDC aurait dû prendre en compte son congé de maladie ainsi que le rejet de sa demande d’assistance, à l’occasion duquel la directrice de l’ECDC a déclaré que les relations de travail entre le requérant et son supérieur hiérarchique étaient « quelque peu difficiles ». Selon le requérant, ce contexte de fragilité dans lequel il se trouvait lorsqu’il a rédigé son auto-évaluation n’a pas été pris en considération dans l’évaluation de ses prestations, ce qui constituerait une violation du devoir de sollicitude qui incombe à l’ECDC.

107    L’ECDC conteste les arguments du requérant.

108    Selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créé dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Ce devoir implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire ou d’un agent, l’administration prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de l’intérêt du fonctionnaire ou de l’agent concerné (voir arrêt du 19 septembre 2019, FV/Conseil, T‑153/17, non publié, EU:T:2019:622, point 90 et jurisprudence citée).

109    En l’espèce, il convient de relever que, comme cela a été précisé au point 80 ci-dessus, le rapport litigieux liste les tâches et objectifs fixés au requérant au cours de la période de référence et précise si ces tâches et objectifs ont été « pleinement accomplis », « partiellement accomplis » ou « non commencés ». Or, il ressort du rapport litigieux qu’une tâche relative au programme FWD a été jugée « partiellement accomplie » et une autre, « non commencée ». Dans les commentaires, il est précisé que la tâche partiellement accomplie s’explique par un « congé de maladie ayant réduit le nombre de jours possibles pour monter le projet ». Quant à la tâche « non commencée », il est précisé que celle-ci n’a pas été commencée « en raison d’un congé de maladie » et que le « [p]rojet [a été] interrompu en 2019 en raison de nouvelles priorités stratégiques ». À ce sujet, il y a lieu de constater que les commentaires ainsi formulés à l’égard des tâches qui n’ont pas été pleinement accomplies n’ont eu aucune conséquence sur l’appréciation du rendement et des compétences du requérant, comme en attestent les commentaires positifs portés sur ces rubriques.

110    Il résulte de ce qui précède que l’ECDC a effectivement pris en considération le congé de maladie du requérant et, de fait, les problèmes de santé rencontrés par celui-ci au cours de l’année de référence. À ce propos, s’il est possible d’envisager que des problèmes de santé puissent nuire aux performances d’une personne, voire à sa conduite dans le service, encore faut-il que le requérant établisse un lien suffisant permettant au Tribunal de constater que ces difficultés sont susceptibles d’être justifiées par ces problèmes de santé. Or, il y a lieu de constater que le requérant n’avance aucun élément relatif à sa santé susceptible de justifier ses problèmes de conduite dans le service.

111    Par ailleurs, il est à noter que les difficultés relationnelles du requérant avaient déjà été évoquées dans le rapport d’évaluation de l’année précédente et qu’une amélioration à cet égard figurait parmi les objectifs pour la période de référence. En outre, il a été relevé par l’évaluateur que le requérant « a[vait] en effet contribué à la planification préparatoire, mais en émettant des signes de non-acceptation [des décisions stratégiques] ». Pour sa part, le validateur a souligné que, « dans les commentaires du supérieur hiérarchique [du requérant], [il observe] une appréciation du travail du requérant en termes de réalisation de ce qui est attendu sur le plan du travail, mais aussi la nécessité d’être plus engagé dans les activités principales de son équipe ». Quant à l’évaluatrice d’appel, elle a précisé que, « [b]ien que [le requérant ait] la possibilité d’émettre son avis et de discuter de manière constructive, [s’il est] d’un autre avis, [elle] attend de chaque titulaire de poste d’accepter les décisions stratégiques prises par la direction de l’ECDC et, par conséquent, les tâches qui [lui] sont attribuées en lien avec ces priorités sans les questionner ou les critiquer de manière continue ». Ainsi, il ressort de ces commentaires qu’une mise en balance a été opérée entre les intérêts du requérant et ceux du service. Les différents intervenants ont souligné les aspects positifs du travail effectué par le requérant, qui ont toutefois été contrebalancés par ses problèmes de conduite dans le service, notamment concernant l’acceptation des décisions stratégiques. Or, il y a lieu de rappeler que c’est en se fondant en particulier sur le manque d’acceptation des décisions stratégiques et le manque d’enthousiasme dans l’exécution des tâches et objectifs liés à ces décisions stratégiques que la conduite du requérant dans le service a été jugée insatisfaisante.

112    Dès lors, il ressort du rapport litigieux que l’ECDC a pris en considération l’ensemble des éléments pertinents dans l’évaluation du requérant, en tenant compte non seulement de l’intérêt du service, mais également des intérêts du requérant.

113    Il convient donc d’écarter ce premier grief.

114    Deuxièmement, le requérant considère qu’une plus grande diligence dans la mise en place des séances de coaching proposées par la directrice à la suite du rejet de sa demande d’assistance aurait permis d’influencer les commentaires qu’il a formulés dans son auto-évaluation, laquelle serait le fondement de son rapport d’évaluation. Interrogé à cet égard lors de l’audience, le requérant a ajouté que ces séances de coaching auraient pu être une source de changement, en favorisant la reprise du dialogue avec ses supérieurs hiérarchiques.

115    L’ECDC conteste les arguments du requérant.

116    Il convient de relever que, même dans l’hypothèse où les séances de coaching se seraient tenues plus tôt, dès la fin de l’année 2018, et non à partir du mois de mai 2019, elles seraient intervenues en fin de période de référence et n’auraient pas eu de conséquence sur les éléments factuels ayant justifié la conclusion selon laquelle la conduite du requérant au sein du service, au titre de cette période, n’était pas satisfaisante. C’est donc à tort que le requérant considère que le délai dans la mise en place de ces séances de coaching a eu une incidence sur son évaluation.

117    Troisièmement, le requérant fait valoir dans sa réplique que, compte tenu du contexte dans lequel il se trouvait au moment de son évaluation, l’ECDC a violé son devoir de sollicitude en ne faisant pas usage de l’article 3, paragraphe 3, de la règle d’exécution, en vertu duquel la directrice de l’ECDC peut déroger aux règles de désignation des divers intervenants à la procédure d’évaluation dans des cas exceptionnels, justifiés par la volonté d’agir dans l’intérêt du titulaire de l’emploi ou en cas de modification de l’organigramme d’un service.

118    L’ECDC conteste les arguments du requérant.

119    Lors de l’audience, le Tribunal a invité les parties à présenter leurs observations quant à la recevabilité de ce grief, présenté par le requérant, pour la première fois, au stade de la réplique.

120    Le requérant considère que ce grief a été présenté en réponse à l’argument avancé par l’ECDC, dans son mémoire en défense, selon lequel, même en présence d’une situation de harcèlement, l’évaluateur n’est pas nécessairement empêché d’exercer ses fonctions dans le cadre du processus de notation. Le requérant précise que, en se référant à l’article 3, paragraphe 3, de la règle d’exécution, il a souhaité souligner l’existence d’une possibilité, spécifique à l’ECDC, d’agir et de choisir un autre évaluateur.

121    À cet égard, le Tribunal observe qu’il s’agit d’un grief nouveau, qui figure seulement dans la réplique, lequel n’est pas fondé sur des éléments de fait et de droit qui se sont révélés lors de la procédure, de telle sorte que, en vertu de l’article 84 du règlement de procédure, ledit grief doit être déclaré irrecevable.

122    En tout état de cause, à supposer que le grief tiré de la non-application de l’article 3, paragraphe 3, de la règle d’exécution soit recevable, c’est à juste titre que l’ECDC souligne que cette disposition ne s’applique que dans des cas exceptionnels, conformément aux conditions qui y sont posées.

123    En l’espèce, selon le requérant, une telle procédure aurait été justifiée par les relations difficiles qu’il entretenait avec son supérieur hiérarchique.

124    Néanmoins, il est de jurisprudence constante que, s’il ne peut être exclu que des divergences entre un fonctionnaire ou un agent et son supérieur hiérarchique puissent créer une certaine irritation chez ledit supérieur hiérarchique, cette éventualité n’implique pas, en tant que telle, que ce dernier ne soit plus en mesure d’apprécier objectivement les mérites de l’intéressé. Il a en outre été jugé que même le fait qu’un agent ait introduit une plainte pour harcèlement à l’encontre de la personne qui doit apprécier ses prestations professionnelles ne saurait, comme tel, en dehors de toute autre circonstance, être de nature à mettre en cause l’impartialité de la personne visée par la plainte (voir arrêt du 8 novembre 2018, QB/BCE, T‑827/16, EU:T:2018:756, point 94 et jurisprudence citée).

125    Il convient de constater que, en l’espèce, le requérant a, certes, introduit une demande d’assistance, au titre de l’article 24 du statut, en raison des problèmes relationnels rencontrés avec son supérieur hiérarchique. De plus, bien que cette demande d’assistance ait été rejetée, la décision de rejet a reconnu que les relations entre le requérant et son supérieur hiérarchiques étaient « quelque peu difficiles ». Toutefois, il y a lieu de constater que le requérant se borne à invoquer la demande d’assistance, sans produire d’élément complémentaire qui serait de nature, conformément à la jurisprudence rappelée au point 124 ci-dessus, à appuyer ses allégations quant au manque d’impartialité de son supérieur hiérarchique. En outre, le requérant n’apporte pas d’élément permettant de caractériser un « cas exceptionnel » justifiant le recours à l’article 3, paragraphe 3, de la règle d’exécution. Par conséquent, le grief tiré de la violation de cet article doit, en tout état de cause, être rejeté.

126    Il résulte de ce qui précède que l’ECDC n’a pas violé le devoir de sollicitude qui lui incombe. Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la méconnaissance du droit d’être entendu

127    Le requérant soutient qu’il n’a pas été en mesure de s’exprimer sur les éléments retenus dans le rapport litigieux avant que le validateur ne prenne sa décision, ce qui constituerait une violation de son droit d’être entendu. Il affirme que, s’il avait eu l’occasion de s’entretenir avec le validateur, il aurait pu davantage expliquer la situation dans laquelle il se trouvait, ce qui aurait pu conduire le validateur à adopter une position différente.

128    Par ailleurs, le requérant souligne qu’il n’a pas été informé des arguments avancés auprès de l’évaluatrice d’appel par l’évaluateur et le validateur, de telle sorte qu’il n’a pas été en mesure de prendre position sur d’éventuels nouveaux arguments.

129    L’ECDC soutient que le droit du requérant d’être entendu a été respecté dès lors que ce dernier s’est entretenu avec l’évaluateur, le 17 janvier 2019, puis avec l’évaluatrice d’appel, le 4 mars 2019. L’ECDC ajoute que, outre ces deux entretiens, le requérant s’est exprimé à deux reprises par écrit, lors de son auto-évaluation du 14 janvier 2019, puis lors de la contestation de l’évaluation insatisfaisante le 8 février 2019.

130    Le droit d’être entendu, consacré à l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêts du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 53 et jurisprudence citée, et du 10 janvier 2019, RY/Commission, T‑160/17, EU:T:2019:1, point 24 et jurisprudence citée).

131    Dans le domaine de l’évaluation du personnel de l’Union, ce principe doit permettre à l’intéressé, au cours de la procédure d’évaluation, de se défendre face à l’allégation de faits susceptibles d’être retenus à son encontre dans le rapport d’évaluation (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, PT/BEI, T‑571/16, non publié, EU:T:2019:301, point 165).

132    Ce principe implique que l’administration, lors de la procédure d’évaluation, porte à la connaissance de l’intéressé l’ensemble des éléments susceptibles d’être retenus à son encontre avant que le rapport d’évaluation ne soit définitivement établi (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, PT/BEI, T‑571/16, non publié, EU:T:2019:301, point 166).

133    La seule connaissance avérée, par l’intéressé, des éléments factuels qui sont à la base du rapport d’évaluation ne saurait suffire à établir qu’il a eu la possibilité de défendre utilement ses intérêts préalablement à l’adoption de ce rapport. Encore faut-il que l’administration mette l’intéressé en mesure de comprendre que ces éléments factuels sont de nature à justifier ledit rapport (voir arrêt du 8 mai 2019, PT/BEI, T‑571/16, non publié, EU:T:2019:301, point 167 et jurisprudence citée).

134    En premier lieu, il convient de préciser que, en vertu de l’article 7, paragraphe 4, de la règle d’exécution, le rapport d’évaluation devient définitif après que l’évaluateur d’appel a pris sa décision.

135    En deuxième lieu, il doit être relevé que, conformément aux articles 6 et 7 de la règle d’exécution, le requérant a eu l’occasion de présenter ses observations à deux reprises, lors de l’entretien qu’il a eu avec l’évaluateur puis lors de l’entretien qu’il a eu avec l’évaluatrice d’appel, comme cela a été indiqué au point 129 ci-dessus. En outre, le requérant a eu l’occasion de faire connaître son point de vue sur sa situation personnelle de manière écrite par le biais de son auto-évaluation, puis de partager ses observations par le biais de l’opposition motivée à son évaluation.

136    En troisième lieu, quant à la communication au requérant des éléments retenus à charge contre lui, il ressort de la procédure d’évaluation telle que prévue par la règle d’exécution que le requérant a été mis en mesure de connaître ces éléments lors des entretiens auxquels il a participé, mais également au travers des avis rédigés par les différents intervenants dans la procédure d’évaluation.

137    En quatrième et dernier lieu, le requérant savait que l’amélioration de sa conduite dans le service était un des objectifs fixés lors de l’évaluation de l’année précédente, puisqu’il était indiqué dans le rapport d’évaluation relatif à celle-ci que « ce changement de comportement devait être visible en 2018, comme expliqué dans les objectifs fixés dans le rapport d’évaluation [du requérant], afin de maintenir une performance satisfaisante ». Il était donc d’autant plus en mesure de comprendre quels éléments avaient motivé les appréciations négatives portées à cet égard par son évaluateur et de présenter ses observations avant que le rapport litigieux soit adopté par l’évaluatrice d’appel. Même s’il est regrettable que le requérant n’ait pu avoir un entretien avec le validateur, au cours duquel il aurait pu faire valoir ses commentaires et réactions avant que celui-ci n’exprime sa position, il ressort des différentes étapes de la procédure d’évaluation que celle-ci a, dans son ensemble, été respectueuse du droit du requérant d’être entendu avant qu’une conclusion définitive soit portée dans le rapport litigieux sur sa manière de servir.

138    Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté, de même, partant, que le recours.

 Sur les dépens

139    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’ECDC.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Ivo Van Walle supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).

Gervasoni

Nihoul

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 février 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais