Language of document : ECLI:EU:T:2022:81

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

23 février 2022 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Recrutement – Concours EPSO/AD/380/19 – Décision de refus de prorogation des dates de test d’un concours – Délais impartis pour passer une épreuve de sélection dans un centre de test – Droit à une procédure équitable – Devoir de sollicitude – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑709/20,

OJ, représenté par Me H.-E. von Harpe, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. L. Hohenecker et Mme I. Melo Sampaio, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, en substance, à l’annulation de la décision de l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) du 30 janvier 2020, par laquelle cet office a refusé de proroger la date de l’épreuve de sélection du concours EPSO/AD/380/19,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger (rapporteur) et Mme O. Porchia, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, OJ, est un agent contractuel de la Commission européenne qui exerce ses fonctions au sein de la délégation de l’Union européenne au Pakistan.

2        Le requérant s’est inscrit, le 14 janvier 2020, au concours EPSO/AD/380/19 – Administrateurs (AD 7/AD 9) dans le domaine de la coopération internationale et de la gestion de l’aide aux pays tiers (JO 2019, C 409 A/1) de l’Office européen de sélection du personnel (EPSO).

3        Le requérant a, par lettre du 20 janvier 2020, été invité par l’EPSO à réserver, entre le 28 janvier et le 3 février 2020, une date, comprise entre le 4 et le 14 février 2020, pour passer l’épreuve de sélection de type questionnaire à choix multiples sur ordinateur dans l’un des centres de test proposés, dont le plus proche se trouvait à Dubaï (Émirats arabes unis). Dans ce courrier, il était indiqué que, à défaut pour le candidat d’accomplir cette formalité de réservation d’une date pour passer l’épreuve de sélection, sa candidature serait considérée comme étant retirée.

4        Le 30 janvier 2020, le requérant a adressé à l’EPSO une demande tendant à obtenir une prorogation de la date prévue pour passer l’épreuve de sélection. À cet égard, il a, en substance, fait valoir que le délai extrêmement court imposé pour passer cette épreuve, à savoir entre le 4 et le 14 février 2020, créait une situation de désavantage pour les agents travaillant au sein des délégations de l’Union. Il a ajouté que, au cours de cette période, il se trouverait dans l’impossibilité de voyager, étant seul pour garder ses enfants.

5        Cette demande a, le même jour, été rejetée par décision de l’EPSO, au motif, d’une part, que le délai retenu pour passer l’épreuve de sélection était conforme au standard applicable en matière de concours et, d’autre part, que le principe d’égalité de traitement était respecté, dans la mesure où ce délai était applicable à l’ensemble des candidats (ci-après la « décision du 30 janvier 2020 »).

6        Par lettre du 31 janvier 2020, le requérant a de nouveau sollicité la fixation d’une date d’épreuve postérieure au 15 février 2020, au motif qu’il ne pouvait pas quitter son lieu d’affectation pour rejoindre en temps voulu l’un des centres de test proposés et participer ainsi à l’épreuve de sélection organisée par l’EPSO.

7        Le 7 février 2020, l’EPSO a confirmé sa décision du 30 janvier 2020 de ne pas autoriser la fixation d’une date pour passer l’épreuve de sélection en dehors de la période initialement indiquée (ci-après la « décision du 7 février 2020 »).

8        Le 20 avril 2020, le requérant a introduit une réclamation en langue allemande contre les décisions du 30 janvier et du 7 février 2020 au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne. Il a fait valoir, en substance, que le délai imposé de 15 à 25 jours pour passer l’épreuve de sélection était trop bref pour lui permettre de s’organiser, notamment en ce qui concernait la garde de ses enfants, dans une zone géographique où la sécurité des personnes n’était pas assurée.

9        Par décision du 1er septembre 2020, datée du 21 septembre 2020 en ce qui concernait sa version allemande, l’EPSO a rejeté la réclamation du requérant, au motif que ce dernier n’avait pas réservé de date pour passer l’épreuve de sélection, ce qui équivalait à un retrait de candidature (ci-après la « décision du 1er septembre 2020 »). L’EPSO a précisé qu’il ne pouvait lui être reproché d’avoir violé le principe d’égalité de traitement, dans la mesure où tous les candidats avaient été traités de manière similaire.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 novembre 2020, le requérant a introduit le présent recours.

11      Le même jour, le requérant a sollicité le bénéfice de l’anonymat. Le Tribunal a fait droit à sa demande.

12      Le mémoire en défense a été déposé le 17 février 2021, la réplique le 11 mai 2021 et la duplique le 23 juin 2021.

13      La procédure écrite a été clôturée le 24 juin 2021.

14      Les parties n’ayant pas demandé la tenue d’une audience de plaidoiries au titre de l’article 106, paragraphe 1, de son règlement de procédure, le Tribunal (première chambre), s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire, a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, dudit règlement, de statuer sans phase orale de la procédure.

15      Le 4 octobre 2021, le requérant a, par ailleurs, introduit une demande en référé tendant à la suspension de la procédure de sélection du concours EPSO/AD/380/19. Cette demande a été rejetée par ordonnance du président du Tribunal en date du 1er décembre 2021.

16      Dans le présent recours, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 1er septembre 2020 ainsi que tout acte connexe ;

–        ordonner à l’EPSO de recommencer la procédure de sélection du concours EPSO/AD/380/19 conformément aux règles et en respectant en particulier un délai d’inscription raisonnable à son égard ;

–        à titre subsidiaire, ordonner à l’EPSO de recommencer toute la procédure de sélection du concours EPSO/AD/380/19 conformément aux règles et en respectant en particulier un délai d’inscription raisonnable ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du recours concernant la décision du 1er septembre 2020

18      À titre liminaire, la Commission demande que le recours soit déclaré irrecevable en ce qu’il concerne la décision du 1er septembre 2020, dans la mesure où celle-ci ne ferait que confirmer la décision du 30 janvier 2020. Selon elle, la décision dont l’annulation est sollicitée est ainsi celle du 30 janvier 2020, laquelle est connexe à la décision du 1er septembre 2020.

19      Le requérant n’a pas formulé d’observations sur cette fin de non-recevoir.

20      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 23 septembre 2020, ZL/EUIPO, T‑596/18, non publié, EU:T:2020:442, point 29 et jurisprudence citée).

21      En outre, compte tenu de ce que la procédure précontentieuse présente un caractère évolutif, une décision explicite de rejet de la réclamation qui ne contient que des précisions complémentaires et se borne ainsi à révéler, de manière détaillée, les motifs de la confirmation de la décision antérieure ne constitue pas un acte faisant grief (voir arrêt du 23 septembre 2020, ZL/EUIPO, T‑596/18, non publié, EU:T:2020:442, point 30 et jurisprudence citée).

22      En l’espèce, la décision du 1er septembre 2020 ne fait que confirmer la décision du 30 janvier 2020, elle-même déjà confirmée par la décision du 7 février 2020, en vertu de laquelle l’EPSO a rejeté la demande du requérant de pouvoir participer à l’épreuve de sélection de type questionnaire à choix multiples sur ordinateur en dehors de la période prévue dans le cadre du concours EPSO/AD/380/19.

23      Il en résulte que l’acte qui fait grief au requérant est la décision du 30 janvier 2020.

24      Dans la mesure où le recours a pour objet de solliciter l’annulation de la décision du 1er septembre 2020 ainsi que de « tout acte connexe » et où la Commission elle-même reconnaît la connexité de cette décision avec la décision du 30 janvier 2020, il y a lieu de considérer, en application de la jurisprudence mentionnée au point 20 ci-dessus, que la demande du requérant vise à l’annulation de la décision du 30 janvier 2020 (ci-après la « décision attaquée ») et que ses conclusions en annulation sont recevables.

 Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne à l’EPSO de recommencer la procédure de sélection du concours EPSO/AD/380/19

25      Par ses deuxième et troisième chefs de conclusions, le requérant demande, en substance, au Tribunal d’ordonner à l’EPSO de recommencer la procédure de sélection du concours EPSO/AD/380/19.

26      Il convient de constater que ces chefs de conclusions visent à ce que le Tribunal adresse une injonction à l’EPSO.

27      Or, il est de jurisprudence constante que, s’agissant du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, le Tribunal n’est pas compétent pour adresser des injonctions à l’administration (voir ordonnance du 25 mars 2020, Lucaccioni/Commission, T‑507/19, non publiée, EU:T:2020:118, point 60 et jurisprudence citée).

28      Il en découle que les deuxième et troisième chefs de conclusions du requérant doivent être rejetés pour cause d’incompétence.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée

29      À l’appui de sa demande en annulation, le requérant fait valoir, en substance, que la décision attaquée est entachée d’illégalité en ce qu’elle viole le principe d’égalité de traitement, le droit à une procédure équitable et le principe de bonne administration, lequel inclut le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents.

30      En ce qui concerne le devoir de sollicitude, le requérant fait valoir que le délai de présentation à un examen de concours doit être calculé de sorte qu’il permette à l’ensemble des candidats d’avoir la même chance de participer à cet examen. Or, selon lui, tel n’a pas été le cas en l’espèce, dans la mesure où le délai imposé pour passer l’épreuve de sélection, à savoir entre 15 et 25 jours après la date de l’invitation à s’inscrire à ladite épreuve, ne permettait pas à des candidats affectés dans des délégations lointaines de s’organiser à brève échéance, notamment, en ce qui le concernait, s’agissant de l’organisation de son voyage, de son hébergement et de la garde sécurisée de ses enfants. De plus, le requérant indique que, en déterminant des dates d’épreuve dans des délais aussi rapprochés, l’EPSO a agi de manière arbitraire, dans le seul but de faire diminuer artificiellement le nombre de candidats se présentant au concours.

31      Le requérant ajoute que, en refusant de tenir compte de sa situation particulière, à savoir l’exercice de fonctions dans un pays tiers présentant de hauts risques en matière de sécurité, risques qui auraient d’ailleurs amené la Commission à interdire à ses agents d’accomplir des missions à l’intérieur du Pakistan, l’administration a violé le devoir de sollicitude. À cet égard, le requérant fait valoir que, en adoptant la décision attaquée, l’administration aurait dû non seulement tenir compte de l’intérêt du service, mais aussi du sien, afin qu’il ne soit pas désavantagé par rapport aux autres candidats.

32      En outre, contrairement à ce qu’affirme la Commission, les motifs avancés par le requérant pour justifier son absence d’inscription à l’épreuve de sélection résulteraient non pas de sa situation personnelle ou de « difficultés pratiques », mais de « ses circonstances générales de vie », qui seraient des éléments objectifs, car liés à son lieu d’affectation.

33      Le requérant ajoute qu’il était dans l’impossibilité de faire garder ses enfants dès lors que, ainsi que cela résulte d’un document émanant de leur école et produit à l’annexe 6 de la requête, il était interdit de déléguer leur transport scolaire à des tiers ou encore de les laisser en garde à des tiers, tant les risques qu’ils encouraient étaient élevés au regard de leur sécurité. De plus, le requérant estime que la Commission n’assurait pas à ses agents en poste à Islamabad (Pakistan) un niveau de sécurité suffisant en ce qui concernait la protection de leur domicile. Ladite institution n’aurait ainsi pas fait poser d’alarme au domicile du requérant, contrairement aux normes applicables. Cet état d’insécurité aurait été aggravé par l’absence de fiabilité de la société de sécurité mandatée par la Commission pour assurer la protection de son domicile.

34      Le requérant en conclut que l’administration a manqué à son devoir de sollicitude en ne tenant pas compte de la spécificité de son poste, en ne lui assurant pas des conditions de sécurité satisfaisantes et en ne prévoyant pas suffisamment de centres de test pour la région Asie, contrairement à d’autres zones géographiques.

35      En ce qui concerne le principe d’égalité de traitement, le requérant affirme que l’administration n’a pas tenu compte de sa situation spécifique et a appliqué un traitement identique à des situations différentes. En effet, la situation d’un candidat domicilié à Bruxelles (Belgique) ne serait pas la même que celle d’un candidat affecté à l’étranger qui, en pratique, se trouverait dans l’impossibilité de participer à un concours lorsque le délai imparti pour passer l’épreuve de sélection est trop bref, comme ce serait le cas en l’espèce.

36      Par ailleurs, le requérant indique que l’un de ses collègues, lui-même candidat au concours et affecté comme lui au Pakistan, a, après la survenance d’une panne généralisée au cours de l’épreuve de sélection dans le centre de test du Koweït, finalement passé cet examen à Islamabad, à une date postérieure à celles initialement imposées. Cela prouverait que l’administration peut faire preuve d’un certain degré de flexibilité.

37      Le requérant affirme en outre que les défaillances des concours relatifs au recrutement de personnels spécialisés, comme en l’espèce, ont été mises en évidence dans un rapport de la Cour des comptes européenne daté de 2020, mettant en cause notamment la longueur et la lourdeur du processus de sélection et, finalement, sa fiabilité et son utilité.

38      Il ajoute que l’administration, qui a manqué tant à son devoir de sollicitude qu’au principe d’égalité de traitement, a, ainsi, également manqué à son devoir de respecter le droit à une procédure équitable.

39      Dans la réplique, le requérant fait valoir que l’argumentation développée par la Commission, selon laquelle l’absence d’inscription à l’épreuve de sélection litigieuse à une date déterminée impliquait son renoncement à participer à la suite du concours, est purement formelle. À cet égard, le requérant précise que, s’il s’était inscrit dans un centre de test « en temps utile » sans pour autant participer effectivement à l’épreuve de sélection à la date réservée, la Commission aurait pu, pour rejeter sa candidature, invoquer le fait que, par son inscription, il avait accepté les conséquences inhérentes à toute absence de présentation à une épreuve de sélection.

40      À cet égard, le requérant fait valoir que la liste des centres de test dans lesquels il était possible de passer l’épreuve de sélection met en évidence un surnombre des centres situés en Amérique latine (onze centres) par rapport aux centres situés en Asie du Sud. Ainsi, les centres de test seraient répartis de manière inégale et inéquitable.

41      La Commission conteste les arguments du requérant.

42      À titre liminaire, il convient de constater qu’il est constant que pouvaient participer au concours EPSO/AD/380/19 non seulement les agents de la Commission, mais aussi les personnes ressortissantes de l’Union ne travaillant pas au sein des institutions, des organes ou des organismes de l’Union. De plus, le délai imparti pour passer l’épreuve de sélection était applicable à l’ensemble des candidats, quelle que soit leur situation privée, professionnelle ou géographique.

43      En premier lieu, s’agissant du grief du requérant tiré de la violation du devoir de sollicitude, il y a lieu de relever que, en vertu d’une jurisprudence constante, un tel devoir, conjointement avec le principe de bonne administration, implique notamment que, lorsqu’elle statue sur la situation d’un agent, l’administration au service de laquelle est affecté cet agent prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui dudit agent (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2021, Commission/De Esteban Alonso, C‑591/19 P, EU:C:2021:468, point 61 et jurisprudence citée).

44      Dans le cadre de l’organisation d’un concours, le principe de bonne administration implique, notamment, que l’administration prévoie des délais raisonnables, de sorte qu’il soit non seulement tenu compte de son propre intérêt à ce que le concours se déroule rapidement, mais aussi de celui des candidats à ce qu’ils puissent s’organiser pour participer dans de bonnes conditions, sur un plan matériel, aux épreuves de ce concours.

45      Or, en l’espèce, le délai de onze jours, correspondant à la période allant du 4 au 14 février 2020 au cours de laquelle les candidats pouvaient participer à l’épreuve de sélection, a été notifié à ces candidats le 20 janvier 2020, soit près de quatre semaines avant son expiration. Cela implique que, contrairement à ce qu’affirme le requérant, il disposait d’un délai de plusieurs semaines afin « de prendre des précautions (en [matière] de sécurité) bien étudiées, de réserver [son] voyage et d’organiser l’hébergement sécurisé et responsable de [sa] famille, en particulier [de ses] enfants ».

46      À cet égard, il y a lieu de relever que le requérant ne conteste pas que l’un de ses collègues, lui aussi en poste au Pakistan et candidat au concours EPSO/AD/380/19, s’est inscrit et présenté au centre de test du Koweït dans les délais imposés par l’EPSO, ce qui confirme qu’il était possible de s’organiser dans les délais imposés par l’avis de concours pour participer à l’épreuve de sélection. Cela illustre aussi que l’interdiction des missions du personnel de l’Union au Pakistan imposée par la Commission, dont le requérant fait état, ne concernait que les déplacements à l’intérieur de ce pays et non les déplacements hors de ses frontières.

47      De plus, à supposer même que l’argument du requérant tiré de l’impossibilité de faire garder ses enfants dans des conditions de sécurité suffisantes ne concerne pas sa vie privée, mais ses conditions de vie dans un pays où il est affecté par la Commission et où la situation sécuritaire serait particulièrement mauvaise, et que cet argument puisse être invoqué dans le cadre de son argumentation tirée d’une méconnaissance du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude, il y a lieu de relever que le requérant n’apporte pas la preuve qu’il était objectivement dans l’impossibilité de faire garder ses enfants par des tiers pour participer à l’épreuve de sélection en cause.

48      En effet, la lettre-circulaire de l’école internationale d’Islamabad, dont se prévaut le requérant à l’appui de cet argument, met uniquement en évidence que la direction de l’école a imposé aux parents qui étaient en déplacement prolongé à l’étranger de l’en informer et de désigner « une personne responsable additionnelle » (Parents out of the country for extended periods of time need to have an additional guardian appointed). Ce document n’établit pas l’interdiction de déléguer le transport scolaire à un tiers ou encore l’impossibilité de confier la garde de ses enfants à des tiers.

49      De plus, l’appréciation du devoir de sollicitude devant se faire en tenant compte des obligations réciproques de l’administration et de l’agent concerné, il y a lieu de relever que le requérant n’apporte aucun élément de nature à prouver les démarches qu’il aurait accomplies auprès de tiers, notamment celles restées vaines, pour faire garder ses enfants afin de pouvoir participer à l’épreuve de sélection.

50      Ainsi, dans la mesure où le requérant n’apporte aucun élément objectif de nature à mettre en évidence que ses conditions de service à l’étranger l’empêchaient de participer à l’épreuve de sélection ou que le délai imposé par l’administration était objectivement trop court pour qu’il puisse s’organiser pour participer dans de bonnes conditions, sur un plan matériel, à ladite épreuve, il y a lieu de rejeter son grief tiré d’une violation du devoir de sollicitude et du principe de bonne administration.

51      En deuxième lieu, s’agissant du grief du requérant tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, il convient de relever qu’un tel principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 25 mars 2021, Alvarez y Bejarano e.a./Commission, C‑517/19 P et C‑518/19 P, EU:C:2021:240, point 52 et jurisprudence citée).

52      Or, pour les raisons mentionnées aux points 45 à 50 ci-dessus, un tel grief doit être rejeté, dès lors que les délais fixés par l’EPSO étaient suffisants pour permettre à l’ensemble des candidats, y compris le requérant, de participer à l’épreuve de sélection. Ainsi, l’argument du requérant selon lequel l’administration n’a pas tenu compte de sa situation spécifique ne saurait prospérer, dans la mesure où le principe d’égalité de traitement veut que les épreuves écrites d’un concours aient lieu dans les mêmes conditions pour tous les candidats, comme cela est prévu dans l’avis de concours (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 1976, Prais/Conseil, 130/75, EU:C:1976:142, points 13 et 14).

53      L’argument du requérant tiré d’une répartition géographique inégalitaire des centres de test n’est pas non plus de nature à affecter la légalité de la décision attaquée en raison d’une méconnaissance du principe d’égalité de traitement.

54      En effet, la lecture de l’annexe B.2 du mémoire en défense, que le requérant a justement interprétée comme étant une énumération des centres de test proposés aux candidats pour participer à l’épreuve de sélection du concours EPSO/AD/380/19, met en évidence que, pour la zone Asie, les centres de test proposés se situaient au Koweït, au Liban, au Viêt Nam, aux Émirats arabes unis, à Hong Kong, en Turquie, en Inde, aux Philippines, en Russie, à Singapour et en Israël. Un tel nombre de centres de test ainsi que la diversité de leur situation géographique donnaient suffisamment de possibilités à un candidat demeurant en Asie du Sud de s’inscrire dans l’un d’entre eux se trouvant à une distance raisonnable de son domicile. Il en résulte que l’argument tiré d’une rupture d’égalité avec les candidats demeurant sur d’autres continents que l’Asie doit être écarté.

55      En outre, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel l’un de ses collègues a pu passer l’épreuve de sélection en dehors des délais imposés par l’EPSO et à Islamabad, il y a lieu de relever que, contrairement au requérant, ce candidat s’était régulièrement inscrit auprès de l’EPSO pour passer ladite épreuve, puis s’était présenté au centre de test du Koweït à la date prévue, avant de faire face à une panne technique qui n’était pas de son fait et dont la responsabilité incombait en conséquence à l’organisation du concours. La situation du requérant différant ainsi objectivement de celle de son collègue, aucune violation du principe d’égalité de traitement n’est établie en l’espèce.

56      Il en résulte que, pour les motifs qui précèdent, l’argument tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement doit être rejeté.

57      En troisième lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel l’EPSO a agi de manière arbitraire dans le seul but de faire diminuer artificiellement le nombre de candidats au concours, il y a lieu de relever qu’il n’est étayé par aucun élément de preuve, de sorte que, demeurant une simple allégation, il doit être rejeté.

58      En quatrième lieu, s’agissant du grief tiré de la violation du droit à une procédure équitable, il y a lieu de constater qu’il n’a fait l’objet d’aucune argumentation spécifique de la part du requérant, en ce qu’il a été traité indifféremment avec le grief tiré de la violation du devoir de sollicitude et celui tiré de la violation du principe d’égalité de traitement. En tout état de cause, il doit être rejeté pour les mêmes raisons que celles qui ont justifié le rejet des deux autres griefs.

59      En cinquième lieu, enfin, il convient de relever que les éléments d’analyse tirés du rapport de la Cour des comptes ne sont nullement de nature à étayer l’argumentation du requérant, dans la mesure où ce dernier se plaint de la célérité avec laquelle l’EPSO a organisé l’épreuve de sélection du concours EPSO/AD/380/19 alors même que ledit rapport critique notamment la lenteur du processus de sélection des concours spécialisés.

60      Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande du requérant tendant à l’annulation de la décision attaquée et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

62      En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      OJ est condamné aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Kanninen

Jaeger

Porchia

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 février 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.