Language of document : ECLI:EU:T:2022:89

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

23 février 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale Хозяйка – Marque nationale figurative antérieure хозяюшка – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑185/21,

Lackmann Fleisch- und Feinkostfabrik GmbH, établie à Bühl (Allemagne), représentée par Me A. Lingenfelser, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Eberl, et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Peter Schuju, demeurant à Borchen (Allemagne), représenté par Me K. Borstel, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 16 novembre 2020 (affaire R 2717/2019‑1), relative à une procédure de nullité entre M. Schuju et Lackmann Fleisch- und Feinkostfabrik,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. Kancheva et M. P. Zilgalvis, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 avril 2021,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 15 juillet 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 13 juillet 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 26 novembre 2013, la requérante, Lackmann Fleisch-und Feinkostfabrik GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Хозяйка.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29, 30, 31, 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent notamment, en ce qui concerne les produits relevant des classes 29, 30 et 31, à la description suivante :

–        classe 29 : « Extraits de viande ; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; ajvar [poivrons conservés] ; extraits d’algues à usage alimentaire ; compote de pommes ; fèves conservées ; bouillons ; mélanges contenant de la graisse pour tartines ; dattes ; pois conservés ; beurre de cacahuètes ; arachides [préparées] ; cornichons ; chips de pomme de terre pauvres en matières grasses ; concentrés [bouillons] ; extraits de viande ; chips de fruits ; fruits conservés dans l’alcool ; gelées de fruits ; pulpe de fruit ; en-cas à base de fruits ; gelées comestibles ; légumes cuits ; légumes séchés ; légumes conservés ; conserves de légumes ; mousses de légumes ; salades de légumes ; varech comestible grillé ; gingembre [confiture] ; juliennes [potages] ; beurre de cacao ; fruits confits ; pommes chips ; flocons de pommes de terre ; beignets aux pommes de terre ; hoummos [pâte de pois chiches] ; kimchi [plat à base de légumes fermentés] ; beurre de coco ; huile et graisse de coco pour l’alimentation ; noix de coco séchées ; huile de coco ; fruits cuits à l’étuvée ; confitures ; ail conservé ; consommés ; croquettes alimentaires ; huile de lin à usage culinaire ; lentilles [légumes] conservées ; huile de maïs ; amandes moulues ; margarine ; marmelade d’agrumes ; lait ; boissons lactées où le lait prédomine ; produits laitiers ; milk-shakes [boissons frappées à base de lait] ; petit-lait ; fruits à coque préparés ; fruits cuits à l’étuvée ; fruits conservés ; fruits [congelés] ; fruits en conserve ; salades de fruits ; huiles comestibles ; olives conservées ; huile d’olive comestible ; huile de palmiste à usage alimentaire ; huile de palme [alimentation] ; jus végétaux pour la cuisine ; piccalilli ; pickles ; champignons conservés ; compote de canneberges ; huile de colza comestible ; raisins secs ; graines préparées ; choucroute ; zestes de fruits ; huile de sésame ; graines de soja conservées à usage alimentaire ; graines de tournesol préparées ; huile de tournesol comestible ; graisses comestibles ; suif comestible ; préparations pour faire du potage ; purée de tomates ; jus de tomates pour la cuisine ; truffes conservées ; préparations pour bouillons ; oignons [légumes] conservés » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao et succédanés du café ; riz ; tapioca et sagou ; farines et préparations faites de céréales ; pain, pâtisserie et confiserie ; glaces comestibles ; sucre, miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel ; moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; herbes culinaires ; anis [grains] ; arômes pour boissons autres que les huiles essentielles ; aromates autres que les huiles essentielles ; farine de blé ; arômes pour gâteaux, autres que les huiles essentielles ; poudre à lever ; pâte à gâteaux ; vinaigre de bière ; farine de fèves ; confiserie ; brioches ; pain ; pain azyme ; sandwiches ; petits-beurre ; cheeseburgers [sandwichs] ; chow-chow [condiment] ; chutneys [condiments] ; couscous [semoule] ; curry [condiment] ; crème anglaise ; mousses [confiserie-pâtisserie] ; glaces et crèmes glacées ; thé glacé ; confiserie à base d’arachides ; essences pour l’alimentation à l’exception des essences éthériques et des huiles essentielles ; vinaigres ; vermicelles ; tourtes à la viande ; sauces au jus de viande ; fondants [confiserie] ; coulis de fruits ; rouleaux de printemps ; pâtes de fruits [confiserie] ; gruau de maïs ; orge mondé ; farine d’orge ; orge égrugé ; boissons à base de thé ; céréales en forme de chips ; céréales ; barres de céréales ; en-cas à base de céréales ; épices ; condiments ; clous de girofle [épices] ; glucose à usage culinaire ; additifs de gluten à usage culinaire ; semoule ; gruaux pour l’alimentation humaine ; avoine écachée ; flocons d’avoine ; gruau d’avoine ; avoine mondée ; halvas ; levure ; miel ; gingembre [condiment] ; yaourt glacé [glaces alimentaires] ; café ; succédanés du café ; préparations végétales remplaçant le café ; arômes de café ; boissons à base de café ; cacao ; boissons à base de cacao ; confiserie ; câpres ; caramels ; farine de pommes de terre ; pâte à gâteaux ; ketchup [sauce] ; sel de cuisine ; sel pour conserver les aliments ; crackers ; infusions non médicinales ; pâte à gâteaux ; glaçage de gâteaux ; herbes potagères conservées [assaisonnements] ; préparations pour gâteaux ; pâte à gâteaux ; curcuma ; réglisse [confiserie] ; bâtons de réglisse [confiserie] ; graines de lin pour l’alimentation humaine ; maïs moulu ; maïs grillé ; paillettes de maïs ; gruau de maïs ; farine de maïs ; macaronis ; macarons [pâtisserie] ; maltose ; malt pour l’alimentation humaine ; biscuits de malte ; malt pour l’alimentation humaine ; confiserie à base d’amandes ; marinades ; massepain ; pâte d’amandes ; mayonnaise ; farine ; mets à base de farine ; sirops et mélasses ; sirops et mélasses ; bouillie alimentaire à base de lait ; café au lait ; boissons à base de cacao et de lait ; chocolat au lait [boisson] ; préparations pour glacer du jambon ; produits de minoterie ; noix muscade ; muesli ; aliments à base d’avoine ; repas préparés à base de nouilles ; vermicelles ; sucre de palme ; chapelure ; sauces pour pâtes ; pâtés [pâtisserie] ; tourtes ; pastilles [confiserie] ; pesto [sauce] ; petits fours [pâtisserie] ; crêpes [alimentation] ; poivre ; pain d’épice ; menthe pour la confiserie ; bonbons à la menthe ; piments [assaisonnements] ; pizzas ; barres de céréales hyperprotéinées ; desserts ; maïs grillé et éclaté [pop corn] ; quiches ; ravioli ; riz ; gâteaux de riz ; en-cas à base de riz ; achards ; glace brute, naturelle ou artificielle ; café vert ; safran [assaisonnement] ; sagou ; stabilisateurs pour crème fouettée ; sauces à salade ; levain ; chocolat ; cacao soluble ; mousses au chocolat ; quatre-épices ; sel de céleri ; petits pains ; moutarde ; farine de moutarde ; pâte de fèves de soja [condiment] ; farine de soja ; sauce soja ; sorbets [glaces alimentaires] ; sauces [condiments] ; spaghetti ; glaces comestibles ; poudres pour glaces alimentaires ; bicarbonate de soude de cuisine ; amidon à usage alimentaire ; anis étoilé ; édulcorants naturels ; taboulé ; tacos ; tapioca ; farine de tapioca ; thé ; pâte à cuire ; ferments pour pâtes ; pâtes alimentaires ; sauce tomate ; pâte à gâteaux ; tortillas ; vanille [aromate] ; vanilline [succédané de la vanille] ; gaufres ; germes de blé pour l’alimentation humaine ; épices ; préparations aromatiques à usage alimentaire ; chicorée [succédané du café] ; cannelle [épice] ; gluten préparé pour l’alimentation ; sucre ; dragées aux amandes ; sucreries pour la décoration d’arbres de Noël ; confiserie ; biscottes » ;

–        classe 31 : « Fruits et légumes frais ; algues pour l’alimentation humaine ou animale ; baies [fruits] ; fèves fraîches ; orties ; chicorée fraîche ; pois frais ; arachides fraîches ; concombres frais ; citrons frais ; laitues fraîches ; poireaux [porreaux] frais ; épinards frais ; légumes frais ; noisettes ; pommes de terre ; noix de coco ; noix de cola ; herbes potagères fraîches ; courges fraîches ; lentilles [légumes] fraîches ; maïs ; amandes [fruits] ; châtaignes fraîches ; fruits à coque ; fruits frais ; olives fraîches ; oranges ; champignons frais ; piments [plantes] ; rhubarbe fraîche ; betteraves ; raisins frais ; truffes fraîches ; agrumes ; oignons [légumes] frais ».

4        La marque a été enregistrée en tant que marque de l’Union européenne le 11 avril 2014, sous le numéro 12 344 529, pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

5        Le 13 février 2018, l’intervenant, M. Peter Schuju, a déposé auprès de l’EUIPO une demande en nullité de cette marque en ce qui concerne une partie des produits pour lesquels elle avait été enregistrée, à savoir notamment les produits revendiqués dans les classes 29, 30 et 31 décrits au point 3 ci-dessus. Le motif de nullité invoqué à l’appui de cette demande était celui visé à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du même règlement.

6        La demande en nullité était fondée sur la marque allemande figurative antérieure, enregistrée le 16 décembre 2003 sous le numéro 30 348 275, telle que reproduite ci-après :

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7        Les produits pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée relèvent des classes 29, 30 et 31, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; produits à base de fruits (non frais) ; produits à base de légumes (non frais) comme la choucroute et la purée de tomates ; champignons et fruits conservés, séchés et cuits ; produits à base de fruits (non frais) comme les confitures et marmelades ; produits à base de champignons (non frais) » ;

–        classe 30 : « Herbes potagères conservées et séchées ; pain, pain croustillant [Knäckebrot], pain grillé, pain de seigle noir [Pumpernickel] ; biscuits tels que des petits pains [Brötchen], petits pains [Semmeln], petits pains [Schrippen], pain berlinois [Knüppel], petits pains [Rundstücke], croissants, brezels ; gâteaux ; pâtisseries, y compris pâtisseries de longue conservation comme les biscuits, crackers, pâtisserie longue durée [Laugendauergebäcke], pain d’épice, gaufres, macarons, papier gaufré pour macarons, biscottes, biscuits, pain russe, meringues ; confiserie ; pizzas ; agent levant tel que poudre à lever, carbonate d’ammonium, potasse ; levure ; sucre vanillé ; sel comestible ; épices ; condiments ; moutarde ; vinaigre ; sauces en tant que condiments ; salade traiteur ; sauces à salade telles que ketchup, sauce tartare, mayonnaise ; pâtes alimentaires à base de légumes et fines herbes ; infusions non médicinales ; arômes pour gâteaux, autres que les huiles essentielles ; arômes pour boissons, autres qu’huiles essentielles » ;

–        classe 31 : « Herbes potagères fraîches ».

8        Par décision du 8 octobre 2019, la division d’annulation a partiellement fait droit à la demande en nullité, au motif qu’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et a annulé la marque contestée, avec effet au 13 février 2018, pour les produits des classes 29, 30 et 31 mentionnés au point 3 ci-dessus.

9        Le 29 novembre 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre cette décision de la division d’annulation, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, demandant l’annulation de ladite décision dans la mesure où elle avait fait droit à la demande de nullité de la marque contestée.

10      Par décision du 16 novembre 2020 (affaire R 2717/2019‑1) (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours en considérant qu’il existait un risque de confusion en ce qui concerne les produits litigieux.

11      En particulier, la chambre de recours a relevé, premièrement, que les produits litigieux s’adressaient au grand public russophone d’Allemagne faisant preuve d’un niveau d’attention moyen ; deuxièmement, que les produits en cause étaient soit identiques soit similaires ; troisièmement, que les signes en cause n’avaient aucun élément dominant ; quatrièmement, que ces signes présentaient une similitude supérieure à la moyenne sur le plan visuel, une similitude à tout le moins moyenne sur le plan phonétique ainsi qu’une similitude à tout le moins supérieure à la moyenne sur le plan conceptuel et, cinquièmement, que la marque figurative antérieure ne présentait pas un caractère distinctif élevé pour les produits en cause.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter la demande en nullité de la marque contestée ;

–        condamner l’intervenant aux dépens.

13      L’EUIPO et l’intervenant concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique tiré de la violation de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement.

 Sur la recevabilité des arguments tirés de l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure

15      La requérante allègue, au point 33 de sa requête, que la marque antérieure n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux pour les produits pour lesquels elle est enregistrée. Elle soutient que le titulaire de cette marque n’a pas rapporté la preuve de cet usage de façon différenciée selon les groupes visés par lesdits produits, alors même que ledit usage était contesté. À cet égard, elle renvoie à ses écritures déposées devant la division d’annulation lors de la procédure administrative.

16      L’EUIPO et l’intervenant réfutent cette allégation de la requérante, en faisant valoir que la requérante n’a pas soulevé d’exception tirée de l’usage conformément à l’article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 19, paragraphe 2, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), puisque, à aucun moment, elle n’a présenté une demande de preuve de l’usage de la marque antérieure comme une demande inconditionnelle dans un document distinct. L’acceptation d’une telle demande au stade du recours devant le Tribunal constituerait une modification de l’objet du litige dans la procédure en cours, ce qui serait irrecevable en vertu de l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal.

17      La chambre de recours a rejeté, au point 19 de la décision attaquée, la contestation de la requérante selon laquelle l’intervenant n’avait pas prouvé l’usage de la marque antérieure. Elle a considéré que la requérante n’avait pas soulevé d’exception concernant l’usage au sens de l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, raison pour laquelle ses griefs relatifs à l’étendue de l’usage de la marque antérieure étaient inopérants.

18      À cet égard, il convient de relever que l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 correspond, en substance, à l’article 64, paragraphe 2, de ce règlement, lequel est applicable à la procédure de nullité comme en l’espèce. Cette dernière disposition prévoit que, « [s]ur requête du titulaire de la marque de l’Union européenne, le titulaire d’une marque de l’Union européenne antérieure, partie à la procédure de nullité, apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la date de la demande en nullité, la marque de l’Union européenne antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels le titulaire de cette marque antérieure fonde sa demande en nullité, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date, la marque de l’Union européenne antérieure ait été enregistrée depuis cinq ans au moins ». L’article 19, paragraphe 2, du règlement délégué 2018/625, quant à lui, prévoit que « [l]a demande de preuve de l’usage d’une marque antérieure au titre de [l’article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001] n’est recevable que si elle est présentée comme une demande inconditionnelle dans un document distinct ».

19      En l’espèce, il ressort du dossier que, ainsi que la requérante l’a elle-même indiqué dans sa requête, l’absence de l’usage de la marque antérieure a été soulevée dans le mémoire qu’elle a présenté devant la division d’annulation le 28 janvier 2019 (dossier EUIPO, page 132). Cependant, la requérante n’a pas présenté une demande de preuve de l’usage de la marque antérieure comme une demande inconditionnelle dans un document distinct, conformément aux dispositions susmentionnées.

20      Il s’ensuit que la chambre de recours a, à juste titre, rejeté, au point 19 de la décision attaquée, la contestation de la requérante selon laquelle l’intervenant n’avait pas prouvé l’usage de la marque antérieure.

21      Dès lors, l’allégation de la requérante relative au défaut d’usage sérieux de la marque antérieure présentée devant le Tribunal doit également être écartée comme inopérante.

 Sur le fond

22      Dans le cadre du moyen unique, la requérante reproche essentiellement à la chambre de recours d’avoir commis des erreurs dans la comparaison des produits en cause, dans l’appréciation de la similitude des marques en conflit et dans l’appréciation globale du risque de confusion.

23      L’EUIPO et l’intervenant réfutent les arguments avancés par la requérante et concluent au rejet du moyen unique comme étant non fondé.

24      Aux termes de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, sur demande du titulaire d’une marque antérieure, une marque est déclarée nulle lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

25      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

26      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

27      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le moyen unique.

 Sur le public pertinent et son niveau d’attention

28      Selon l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, l’existence d’un risque de confusion résultant de la similitude, d’une part, entre la marque dont l’enregistrement est demandé et une marque antérieure et, d’autre part, entre les produits ou les services que ces marques désignent doit être appréciée dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée (arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 51, et du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, EU:C:2007:514, point 59).

29      En outre, selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

30      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 26 à 31 de la décision attaquée, que le public pertinent était composé du grand public russophone d’Allemagne, eu égard aux produits en cause et au fait que la marque antérieure était une marque allemande correspondant à un mot de la langue russe, écrit en caractères cyrilliques. Quant au niveau d’attention, la chambre de recours a considéré que les produits litigieux étaient des produits alimentaires qui s’adressaient audit public normalement informé faisant preuve d’un niveau d’attention moyen.

31      Les appréciations de la chambre de recours, aux points 26 à 31 de la décision attaquée, relatives à la définition du public pertinent et son niveau d’attention, au demeurant non contestées par les parties, sont conformes à la jurisprudence citée aux points 28 et 29 ci-dessus et doivent être approuvées.

 Sur la comparaison des produits

32      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

33      Selon la jurisprudence, les produits complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise (voir arrêt du 22 janvier 2009, easyHotel, T‑316/07, EU:T:2009:14, point 57 et jurisprudence citée).

34      En outre, lorsque les produits visés par la marque antérieure incluent les produits visés par la demande de marque, ces produits sont considérés comme identiques [voir arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 34 et jurisprudence citée].

35      En l’espèce, la chambre de recours a confirmé, aux points 32 et 33 de la décision attaquée, le résultat de la comparaison des produits en cause effectuée par la division d’annulation dans sa décision du 8 octobre 2019. Elle a considéré que la requérante n’avait pas contesté la constatation de la division d’annulation, selon laquelle ces produits étaient « en partie identiques et en partie d’une similitude lointaine ». Elle a indiqué qu’il s’agissait de produits alimentaires compris dans les classes 29, 30 et 31, qui soit figuraient dans la liste des produits de la marque antérieure, soit concordaient avec ces produits, soit étaient commercialisés par le biais des mêmes canaux de distribution ou dans les mêmes points de vente et à propos desquels les consommateurs pouvaient, par conséquent, supposer qu’ils proviennent des mêmes entreprises. Ainsi, selon la chambre de recours, les produits en cause étaient soit identiques soit similaires.

36      La requérante conteste cette appréciation de la chambre de recours et soutient que les produits litigieux de la marque contestée ne sont ni identiques ni partiellement similaires aux produits visés par la marque antérieure. De nombreux autres produits litigieux couverts par la marque contestée ne figureraient pas parmi les produits de la marque antérieure.

37      L’EUIPO et l’intervenant réfutent les arguments de la requérante.

38      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations [voir arrêt du 21 avril 2004, Concept/OHMI (ECA), T‑127/02, EU:T:2004:110, point 17 et jurisprudence citée]. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même [ordonnance du 8 juillet 2010, Strålfors/OHMI (ID SOLUTIONS), T‑211/10, non publiée, EU:T:2010:301, point 5].

39      Il ressort de la jurisprudence que des exigences analogues à celles exposées au point précédent sont requises lorsqu’un grief ou un argument est invoqué au soutien d’un moyen [arrêts du 9 juillet 2010, Grain Millers/OHMI – Grain Millers (GRAIN MILLERS), T‑430/08, non publié, EU:T:2010:304, point 38, et du 8 novembre 2017, Pempe/EUIPO – Marshall Amplification (THOMAS MARSHALL GARMENTS OF LEGENDS), T‑271/16, non publié, EU:T:2017:787, point 86].

40      Or, force est de constater que l’affirmation générale de la requérante selon laquelle, en substance, les produits en cause ne sont ni identiques ni partiellement similaires aux produits visés par la marque antérieure, relève d’une affirmation péremptoire qui n’est ni étayée ni démontrée.

41      En effet, dans ses écritures, la requérante ne développe pas d’argumentation spécifique à cet égard, n’identifie pas les produits à comparer et ne précise pas quelles sont les erreurs de droit ou de fait que la chambre de recours aurait commises en ce qui concerne la comparaison des produits en conflit, effectuée aux points 32 et 33 de la décision attaquée. Dès lors, l’argument de la requérante tiré de l’absence d’identité ou de similitude des produits en cause, faute de répondre aux exigences rappelées aux points 38 et 39 ci-dessus, est irrecevable.

42      En tout état de cause, s’agissant des constats de similitude ou d’identité des produits qui sont contestés par la requérante, il suffit de relever, à la lumière de la description des produits couverts par les marques en conflit (voir points 3 et 7 ci-dessus), que la chambre de recours a correctement pris en compte, au point 32 de la décision attaquée, la nature, la destination, l’utilisation, les canaux de distribution ainsi que la complémentarité entre les produits en cause, conformément à la jurisprudence citée aux points 32 à 34 ci-dessus.

43      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré, aux points 32 et 33 de la décision attaquée, que les produits visés par les signes en conflit étaient soit identiques soit similaires.

 Sur la comparaison des signes

44      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 88 et jurisprudence citée]. La perception des marques qu’a le consommateur des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

45      Selon une jurisprudence constante, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents, à savoir les aspects visuels, phonétiques et conceptuels [voir arrêts du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 30 et jurisprudence citée, et du 17 février 2011, Annco/OHMI – Freche et fils (ANN TAYLOR LOFT), T‑385/09, EU:T:2011:49, point 26 et jurisprudence citée].

46      En l’espèce, il y a lieu de comparer, d’une part, la marque verbale contestée Хозяйка et, d’autre part, la marque figurative antérieure хозяюшка qui, telle que reproduite au point 6 ci-dessus, est constituée d’un seul mot écrit en gras et en caractères cyrilliques standards de couleur noire, sans le moindre élément graphique. Ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 35 de la décision attaquée, en tant que représentation de mots uniques, ces signes en conflit n’ont, en principe, aucun élément dominant.

47      La requérante soutient que la chambre de recours a, dans la décision attaquée, omis de définir la similitude entre les signes ainsi que d’en indiquer le degré. À cet égard, il suffit de relever que, aux points 37 à 47 de la décision attaquée, la chambre de recours a procédé à la comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit et a conclu qu’ils suscitaient globalement une impression de similitude supérieure à la moyenne, dès lors que ceux-ci présentaient une similitude supérieure à la moyenne sur le plan visuel, une similitude à tout le moins moyenne sur le plan phonétique ainsi qu’une similitude à tout le moins supérieure à la moyenne sur le plan conceptuel. En conséquence, la requérante ne saurait reprocher à la chambre de recours d’avoir omis d’indiquer un certain degré de similitude dans le cadre de la comparaison des signes.

–       Sur la similitude visuelle

48      En ce qui concerne la comparaison sur le plan visuel, la chambre de recours a souligné, au point 37 de la décision attaquée, que le fait que la marque antérieure avait été enregistrée en Allemagne en tant que marque figurative n’empêchait pas la comparaison avec la marque verbale contestée, car la marque antérieure concernait simplement un mot en gras, en caractères cyrilliques standards, sans le moindre élément graphique qui empêcherait de comprendre directement le mot cyrillique. En outre, elle a, considéré, aux points 38 à 40 de cette décision, qu’il existait un degré de similitude supérieur à la moyenne entre les marques en conflit, notamment eu égard au fait que ces dernières, de longueurs similaires, concordaient visuellement par leurs mêmes quatre premières lettres ainsi que par les mêmes deux dernières lettres et ne différaient qu’au niveau des lettres du milieu « й » et « юш ». Elle a souligné que les consommateurs attachaient normalement plus d’importance à la partie initiale des mots, raison pour laquelle la présence des quatre premières lettres identiques dans les signes en conflit entraînait une similitude visuelle, laquelle était encore renforcée par la présence des lettres « к » et « а » à la fin de ces deux signes.

49      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit présentent une similitude supérieure à la moyenne sur le plan visuel. Elle reproche à la chambre de recours de ne pas avoir suffisamment pris en considération le fait que la marque antérieure était une marque figurative. Elle soutient, en outre, que la marque antérieure diffère complètement de la marque contestée sur le plan visuel, de sorte qu’il n’existe aucune similitude entre elles. En effet, la marque antérieure se composerait de huit caractères, alors que la marque contestée en comporterait sept. Le mode d’écriture de chaque signe serait également différent. De plus, s’appuyant sur une décision d’une juridiction allemande, elle fait valoir que, lorsque la partie initiale du mot possède un faible caractère distinctif, du fait de sa fréquence, comme l’élément verbal « хозя », signifiant « maison » en l’espèce, la partie finale ou centrale du mot peut également acquérir un caractère distinctif supérieur.

50      L’EUIPO et l’intervenant partagent l’analyse effectuée par la chambre de recours dans la décision attaquée.

51      À cet égard, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 44 ci-dessus, la comparaison des signes sur le plan visuel doit être réalisée en tenant compte de l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, le consommateur percevant normalement une marque comme un tout et ne se livrant pas à un examen des différents détails de celle-ci.

52      En l’occurrence, l’impression d’ensemble est dominée, dans chacun des signes en présence, par le fait que les quatre premières lettres de la marque contestée, représentant la séquence de lettres « х », « о », « з » et « я » écrites en caractères cyrilliques standards, sont identiques à celles de la marque antérieure et apparaissent dans le même ordre au début de ces signes. En outre, les signes en cause concordent au niveau des deux dernières lettres « ка ». De plus, ces signes sont de longueurs similaires, à savoir respectivement de sept et huit lettres, et la marque contestée partage avec la marque antérieure six des sept lettres qu’elle comporte. Ainsi, à la seule différence de la lettre « й », la marque contestée est contenue dans la marque antérieure. Il s’ensuit que lesdits signes ont en commun un nombre significatif de lettres occupant la même position.

53      Ces similitudes seront immédiatement remarquées, et aisément gardées en mémoire, par le public pertinent. De plus, ainsi que l’a souligné à juste titre la chambre de recours au point 37 de la décision attaquée, l’élément figuratif de la marque antérieure est négligeable, de sorte que la requérante ne saurait lui reprocher de ne pas avoir suffisamment pris en considération le fait que la marque antérieure était une marque figurative.

54      Selon une jurisprudence constante, lorsqu’une marque figurative comportant des éléments verbaux est comparée sur le plan visuel à une marque verbale, les marques sont jugées similaires sur le plan visuel si elles ont en commun un nombre significatif de lettres dans la même position et si l’élément verbal du signe figuratif n’est pas hautement stylisé, nonobstant la représentation graphique des lettres dans des polices de caractères différentes, en italiques ou en caractères gras, en minuscules ou en majuscules, ou encore en couleur [voir, par analogie, arrêt du 24 octobre 2017, Keturi kambariai/EUIPO – Coffee In (coffee inn), T‑202/16, non publié, EU:T:2017:750, point 101 et jurisprudence citée].

55      En outre, dès lors que la partie initiale des signes en cause coïncide en ce qu’ils ont en commun leur quatre premières lettres, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle le consommateur est réputé prêter généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin, la partie initiale d’une marque ayant normalement, tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique, un impact plus fort que la partie finale de celle-ci [voir arrêt du 22 mai 2012, Sport Eybl & Sports Experts/OHMI – Seven (SEVEN SUMMITS), T‑179/11, non publié, EU:T:2012:254, point 36 et jurisprudence citée]. Cette jurisprudence est d’autant plus applicable en l’espèce que la partie initiale commune aux signes en cause consiste en des éléments verbaux dont la lecture s’effectue habituellement, pour le public pertinent, de gauche à droite.

56      De plus, il convient de constater que les similitudes importantes des signes en cause ne sauraient être neutralisées par la différence concernant le mode d’écriture de chaque signe, mentionnée par la requérante. En effet, la marque antérieure concerne simplement un mot en gras, en caractères cyrilliques standards, sans le moindre élément graphique, ce qui ne pourrait pas empêcher de comprendre directement le mot cyrillique représenté par cette marque. De même, la seule divergence concernant les lettres du milieu desdits signes, respectivement « й » et « юш », est totalement secondaire et, de ce fait, n’est pas suffisante dans le cadre d’une appréciation visuelle d’ensemble pour l’emporter sur les similitudes.

57      Par ailleurs, l’argument de la requérante, selon lequel, lorsque la partie initiale du mot possède un faible caractère distinctif, du fait de sa fréquence, comme l’élément verbal « хозя » signifiant « maison » en l’espèce, la partie finale ou centrale du mot peut également acquérir un caractère distinctif supérieur, à le supposer exact, ne saurait valablement prospérer. En effet, la requérante méconnaît le fait que cet élément verbal n’est pas descriptif pour les produits concernés, de sorte que la fin du mot n’est pas déterminante. Partant, la portée de la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus ne saurait être limitée. Au demeurant, la requérante n’a nullement établi que ledit élément verbal était fréquent pour les produits alimentaires en cause destinés au public pertinent. Par ailleurs, la requérant néglige le fait que la fin des deux signes en cause dans la présente affaire concorde.

58      Par conséquent, s’agissant de l’appréciation de la similitude visuelle, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé, aux points 37 à 40 de la décision attaquée, que les marques en conflit présentaient une similitude visuelle supérieure à la moyenne.

–       Sur la similitude phonétique

59      En ce qui concerne la comparaison sur le plan phonétique, la chambre de recours a considéré, aux points 41 à 43 de la décision attaquée, qu’il existait un degré de similitude à tout le moins moyen entre les marques en conflit, en raison d’une concordance sonore, notamment des premières lettres de ces marques, étant donné que, normalement, l’attention du consommateur se dirige surtout sur le début du mot. La chambre de recours a, en outre, souligné que cette appréciation était également attestée tant par l’expertise linguistique de l’Institut de Slavistique de l’Université Humboldt de Berlin (Allemagne) que par celle d’une traductrice diplômée de l’université de Heidelberg (Allemagne), produites par l’intervenant.

60      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit sont moyennement similaires sur le plan phonétique. Elle allègue qu’il y a lieu d’envisager toutes les variantes de prononciation auxquelles il est possible de s’attendre de la part d’un consommateur moyen. Elle soutient que, en l’espèce, il est manifeste que, pour autant que les signes en cause soient prononcés, la prononciation est complètement différente. Tandis que l’un des signes se prononcerait « Choseika », l’autre serait prononcé « Chosjajuschka », de sorte que l’on ne constaterait aucune similitude phonétique.

61      L’EUIPO et l’intervenant réfutent les arguments de la requérante.

62      À cet égard, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 44 ci-dessus, la comparaison des signes sur le plan phonétique doit être réalisée en tenant compte de l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, le consommateur percevant normalement une marque comme un tout et ne se livrant pas à un examen des différents détails de celle-ci.

63      En l’occurrence, il importe d’emblée de constater que les deux signes en cause consistent en des éléments exclusivement verbaux, à savoir les termes « хозяйка » et « хозяюшка », ainsi que cela ressort de l’indication fournie par la chambre de recours au point 35 de la décision attaquée. Eu égard aux caractéristiques des signes en conflit mentionnées au point 52 ci-dessus, à savoir, tout particulièrement, le caractère commun des quatre premières lettres, lesquelles représentent plus de la moitié des lettres de la marque contestée, composée de sept lettres, et la moitié des lettres initiales de la marque antérieure, composée de huit lettres, l’impression phonétique d’ensemble produite par les signes en cause est dominée, dans chacun de ces signes, par le fait que leur prononciation coïncide pleinement en ce qui concerne l’élément « хозя ».

64      De plus, compte tenu desdites caractéristiques des signes en présence et de la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus, laquelle est d’autant plus applicable en l’espèce pour les mêmes raisons que celles évoquées audit point, il y a lieu de constater que lesdits signes sont similaires sur le plan phonétique.

65      En outre, il convient de constater que les similitudes importantes des signes en cause ne sauraient être neutralisées par la différence résidant exclusivement dans la divergence au niveau des lettres du milieu de ces signes. En effet, dès lors que ces derniers coïncident dans les deux premières syllabes ainsi que dans la dernière syllabe, lesdites lettres du milieu ne créent pas une différence significative dans le son résultant de la prononciation des signes en cause. Cette différence est donc totalement secondaire et, de ce fait, n’est pas suffisante, dans le cadre d’une appréciation phonétique d’ensemble, pour l’emporter sur les similitudes.

66      Par ailleurs, il convient de souligner que, ainsi qu’il ressort du point 42 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est également appuyée à cet égard sur une analyse phonétique détaillée des termes en cause qui avait été effectuée par les experts cités au point 59 ci-dessus. Cette analyse avait établi qu’une concordance entre les signes résultant de la combinaison de syllabes, de la racine verbale commune « хозя », ainsi que du rythme et de l’accentuation des mots respectifs, conduisait à une similitude phonétique, ce que la requérante n’a d’ailleurs pas pu valablement contredire.

67      Ces appréciations ne sont pas remises en cause par l’argumentation de la requérante. En effet, d’une part, la requérante se limite à affirmer qu’il y a lieu d’envisager toutes les variantes de prononciation auxquelles il est possible de s’attendre de la part d’un consommateur moyen, sans pour autant contester l’analyse de la chambre de recours à cet égard. Ainsi, la requérante ne démontre pas que cette analyse est erronée. D’autre part, elle allègue que les marques se prononcent, respectivement, « Choseika » et « Chosjajuschka », sans pour autant étayer cette affirmation.

68      Par conséquent, s’agissant de l’appréciation de la similitude phonétique, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé, aux points 41 à 43 de la décision attaquée, que les marques en conflit présentaient une similitude phonétique à tout le moins moyenne.

–       Sur la similitude conceptuelle

69      En ce qui concerne la comparaison sur le plan conceptuel, la chambre de recours a considéré, aux points 44 à 46 de la décision attaquée, qu’il existait un degré de similitude à tout le moins supérieur à la moyenne entre les marques en conflit, au motif que les termes russes « хозяюшка » et « хозяйка » de ces marques possédaient la même signification, à savoir « maîtresse de maison » ou « hôtesse », et que le mot « хозяюшка » de la marque antérieure constituait le diminutif grammatical du mot « хозяйка » de la marque contestée. La chambre de recours a, en outre, souligné que cette appréciation était également attestée par les expertises de l’Institut de Slavistique de l’Université de Hambourg (Allemagne) et de l’Institut de Slavistique de l’Université Humboldt de Berlin, produites par l’intervenant.

70      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit sont similaires à un degré supérieur à la moyenne sur le plan conceptuel. Elle soutient, en substance, qu’il n’existe aucune similitude au niveau du contenu sémantique de ces signes. Elle fait valoir qu’il existe de nombreux termes qui commencent par le mot « хозя » signifiant « maison » et qui ne présentent aucun rapport avec la marque antérieure. De plus, elle allègue qu’une similitude au niveau du contenu sémantique est à elle seule insuffisante, car doit s’y ajouter un caractère distinctif renforcé de la marque antérieure. Or, en l’espèce, cette dernière ne revêtirait même pas un caractère distinctif moyen, car elle serait utilisée pour désigner des produits alimentaires en se référant à une dénomination censée signifier « femmes au foyer », alors qu’une telle traduction n’existerait pas, mais constituerait un terme de fantaisie. Même si cette traduction existait, elle n’aurait même pas un caractère distinctif moyen, car, selon l’intervenant, le terme de la marque antérieure signifierait « à la manière des femmes au foyer », de sorte qu’il s’agirait d’une indication descriptive.

71      L’EUIPO et l’intervenant partagent l’analyse effectuée par la chambre de recours dans la décision attaquée.

72      En l’occurrence, il importe de relever que, ainsi que la chambre de recours l’a constaté au point 44 de la décision attaquée en s’appuyant sur des expertises linguistiques qui n’ont pas été valablement contredites par la requérante, l’élément verbal de la marque antérieure, à savoir « хозяюшка », est, d’un point de vue grammatical, un diminutif du terme « хозяйка », qui signifie « maîtresse de maison » ou « hôtesse » en russe.

73      Ainsi, le terme russe « хозяйка » de la marque contestée, qui renvoie au concept de « maîtresse de maison » ou d’« hôtesse », est le même substantif, avec la même signification, que le terme « хозяюшка », qui revêt le même sens de « maîtresse de maison » ou d’« hôtesse » et qui représente, en réalité, le diminutif féminin du premier terme constituant la marque contestée. À cet égard, force est de constater que la polysémie de ces termes, pris séparément, soulevée par la requérante, ne fait pas obstacle à la détermination d’une similitude conceptuelle, dans la mesure où, en raison de la parenté sémantique étroite manifeste desdits termes, le public connaissant la signification de l’un d’entre eux transpose cette signification à l’autre.

74      Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel il existerait de nombreux termes commençant par le mot « хозя » signifiant « maison », mais qu’ils ne présenteraient aucun rapport avec la marque antérieure, il suffit de relever que cet argument n’a nullement été développé, ni étayé par des éléments de preuve. Ledit argument doit dès lors être écarté, conformément à la jurisprudence citée aux points 38 et 39 ci-dessus.

75      S’agissant de l’argumentation de la requérante, visée au point 70 ci-dessus, relative au caractère distinctif prétendument faible de la marque antérieure, celle-ci n’est pas pertinente dans le cadre de la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel. Une telle argumentation s’inscrit plutôt dans le cadre de l’analyse du risque de confusion, laquelle sera examinée ci-après.

76      Par conséquent, s’agissant de l’appréciation de la similitude conceptuelle, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé, aux points 44 à 46 de la décision attaquée, que les marques en conflit présentaient une similitude conceptuelle à tout le moins supérieure à la moyenne.

 Sur le risque de confusion

77      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

78      Aux fins de cette appréciation globale, il convient de tenir compte de la circonstance selon laquelle le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il garde en mémoire (arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 26).

79      Par ailleurs, le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important [arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24, et du 8 juin 2017, AWG/EUIPO – Takko (Southern Territory 23°48’25”S), T‑6/16, non publié, EU:T:2017:383, point 71].

80      En l’espèce, la chambre de recours a conclu, aux points 51 à 59 de la décision attaquée, à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent en ce qui concerne les produits litigieux.

81      En particulier, tout d’abord, la chambre de recours a rappelé que les produits litigieux de la marque contestée étaient en partie identiques et en partie similaires (ou d’une similitude lointaine) à ceux de la marque antérieure, et que le degré de similitude des signes en conflit était globalement supérieur à la moyenne. Ensuite, elle a souligné que, compte tenu de ces facteurs et du principe d’interdépendance, il n’était pas possible d’exclure, même en supposant un caractère distinctif seulement faible de la marque antérieure, que le public pertinent présume que les produits distribués sous la marque contestée et ceux distribués sous la marque antérieure proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées. Elle a précisé que tel était aussi le cas pour des produits pour lesquels il n’existait qu’une faible similitude. Enfin, elle a ajouté que, comme il était question en l’espèce du même terme sous une forme diminutive, ce risque de confusion existait.

82      Par ailleurs, la chambre de recours a écarté, aux points 56 à 58 de la décision attaquée, une expertise de l’Académie nationale russe de la propriété intellectuelle produite par la requérante, dans laquelle il était établi qu’il n’existait pas de risque de confusion pour le public russophone. Elle a considéré que cette expertise n’était pas déterminante en l’espèce, car elle avait été effectuée en tenant compte de la réglementation de la Fédération de Russie, alors le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, ainsi que les procédures contentieuses effectuées à son égard devant l’EUIPO, ne devaient être appréciés que sur la base de la réglementation sur les marques de l’Union européenne, laquelle était indépendante de tout système national.

83      La requérante soutient, en substance, qu’il n’existe aucun risque de confusion entre les marques en conflit. Les divergences dans l’impression globale seraient très importantes, de sorte qu’elles excluraient toute similitude.

84      Par ailleurs, la requérante considère que la chambre de recours s’est erronément abstenue de faire application de la théorie de la « neutralisation » dans la décision attaquée, alors que chacun des signes en cause possède un contenu sémantique différent qui peut compenser la similitude visuelle et phonétique desdits signes et, partant, conduire à exclure tout risque de confusion.

85      En outre, la requérante soutient que la marque antérieure possède seulement un faible caractère distinctif, étant donné que le terme « femme au foyer » de cette marque est descriptif pour les produits concernés. À cet égard, elle reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte de plusieurs décisions de juridictions allemandes portant sur des termes cyrilliques comparables à l’espèce, lesquelles ont jugé que la marque antérieure en cause possédait un caractère distinctif inférieur à la moyenne, ce qui aurait une incidence sur l’appréciation globale du risque de confusion en l’espèce.

86      L’EUIPO et l’intervenant réfutent, en substance, les arguments de la requérante et concluent à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

87      En l’espèce, les produits visés par la marque demandée sont en partie identiques et en partie similaires aux produits visés par la marque antérieure (voir points 42 et 43 ci-dessus). De même, il a été établi que, prises dans leur ensemble, les marques en conflit produisaient une impression globale de similitude supérieure à la moyenne, dès lors que celles-ci présentaient une similitude supérieure à la moyenne sur le plan visuel, une similitude à tout le moins moyenne sur le plan phonétique ainsi qu’une similitude à tout le moins supérieure à la moyenne sur le plan conceptuel (voir points 48 à 76 ci-dessus).

88      Dans ce contexte, s’agissant de l’argumentation de la requérante selon laquelle la chambre de recours se serait erronément abstenue de faire application de la théorie de la « neutralisation » dans la décision attaquée, car l’absence, en l’espèce, de similitude des signes en conflit sur le plan conceptuel aurait pu compenser la similitude visuelle et phonétique desdits signes, il suffit de rappeler qu’aucune différence conceptuelle entre les signes en conflit n’a été relevée en l’espèce. La neutralisation alléguée par la requérante ne pourrait donc pas s’appliquer. Partant, ladite argumentation ne saurait valablement prospérer.

89      En outre, s’agissant de l’argumentation de la requérante faisant grief à la chambre de recours ne pas avoir considéré que la marque antérieure possédait seulement un faible caractère distinctif, il convient de rappeler que le fait que la marque antérieure possède un faible caractère distinctif à l’égard des produits qu’elle couvre n’empêche pas de constater l’existence d’un risque de confusion. En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [voir arrêt du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, EU:T:2007:387, point 70 et jurisprudence citée].

90      En l’espèce, après avoir retenu, au point 50 de la décision attaquée, que la marque antérieure n’avait pas un caractère distinctif élevé pour les produits qu’elle désignait, la chambre de recours a considéré, au point 53 de cette décision, que, même en supposant un caractère distinctif seulement faible de la marque antérieure, que la requérante semblait approuver, il n’était pas possible d’exclure qu’il existe un risque de confusion pour le public pertinent.

91      Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante relative au caractère distinctif seulement faible de la marque antérieure ne saurait valablement prospérer, puisque, en tout état de cause, même en retenant un tel caractère distinctif, la conclusion de la chambre de recours aurait été la même. Cette argumentation doit donc être écartée comme étant inopérante.

92      Eu égard aux considérations exposées aux points 87 à 91 ci-dessus, et compte tenu du principe d’interdépendance rappelé au point 77 ci-dessus, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

93      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les différents arguments soulevés par la requérante.

94      En effet, en premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante reprochant à la chambre de recours de s’être référée aux rapports d’expertise linguistique de l’Institut de Slavistique de l’Université Humboldt de Berlin et de l’Institut de Slavistique de l’Université de Hambourg, il convient de relever, ainsi que cela ressort notamment des points 41 à 46 de la décision attaquée, que la chambre de recours s’est fondée sur sa propre analyse des marques en cause et sur plusieurs rapports d’expertise, notamment celui de la traductrice diplômée de l’Université de Heidelberg, que la requérante ne semble pas contester.

95      Par conséquent, dès lors que les appréciations de la chambre de recours ne reposent pas exclusivement sur les rapports contestés par la requérante, ledit argument de la requérante doit être écarté comme étant inopérant. Au demeurant, pour autant que la requérante invoque une éventuelle dénaturation de ces rapports, force est de constater que les appréciations de la chambre de recours reflètent fidèlement les constatations opérées dans lesdits rapports contestés, de sorte qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir commis une quelconque dénaturation à cet égard.

96      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante faisant grief à la chambre de recours de s’être écartée de la position établie dans plusieurs décisions de juridictions allemandes, il suffit de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, si ni les parties ni le Tribunal ne sauraient être empêchés de s’inspirer, dans l’interprétation du droit de l’Union, d’éléments tirés de la jurisprudence nationale, celle-ci ne lie cependant pas le juge de l’Union, le système de la marque de l’Union européenne étant un système autonome dont l’application est indépendante de tout système national [voir arrêt du 9 mars 2012, Ella Valley Vineyards/OHMI – HFP (ELLA VALLEY VINEYARDS), T‑32/10, EU:T:2012:118, point 54 et jurisprudence citée]. Au demeurant, ainsi que le soutient l’intervenante, force est de constater que les décisions nationales produites par la requérante portaient sur des faits différents de l’espèce. Dès lors, ledit argument de la requérante doit être écarté.

97      En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’aurait pas tenu compte de l’expertise de l’Académie nationale russe de la propriété intellectuelle produite par ses soins, il convient de relever que la chambre de recours l’a effectivement écartée, aux points 57 et 58 de la décision attaquée, au motif que cette expertise avait été effectuée en tenant compte de la réglementation de la Fédération de Russie, ce que la requérante ne conteste pas.

98      Dans ces conditions, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que ladite expertise n’était pas déterminante, puisque le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, ainsi que les procédures contentieuses effectuées à son égard devant l’EUIPO, comme en l’espèce, ne doivent être appréciés que sur le fondement de la réglementation sur les marques de l’Union européenne, laquelle constitue un système autonome dont l’application est indépendante de tout système national, conformément à la jurisprudence citée au point 96 ci-dessus. Par ailleurs, il convient de souligner que, dans le cadre de l’examen du risque de confusion, la chambre de recours s’est appuyée sur sa propre analyse ainsi que sur plusieurs expertises linguistiques parmi l’ensemble des éléments de preuve qui lui ont été soumis. Dès lors, ledit argument de la requérante doit être rejeté.

99      En quatrième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’aurait pas pris en considération la liste de différents enregistrements de marques russes comportant le mot « хозяин », il convient de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Ainsi, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation de l’Union pertinente. L’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue dans un État membre ou dans un pays tiers admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale. Tel est le cas même si une telle décision a été prise dans un pays appartenant à la zone linguistique dans laquelle le signe en cause trouve son origine [voir arrêt du 13 juillet 2017, Ecolab USA/EUIPO (ECOLAB), T‑150/16, non publié, EU:T:2017:490, point 43 et jurisprudence citée].

100    Il s’ensuit que, étant tenue d’apprécier le cas d’espèce uniquement sur le fondement de la réglementation sur les marques de l’Union européenne et non sur le fondement de la pratique d’un office national des marques en matière d’enregistrement, il ne saurait être reproché à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte de ladite liste de différents enregistrements de marques russes. Au demeurant, il convient également de souligner que le simple fait que plusieurs marques russes contiennent le mot « хозяин » n’est pas la preuve d’une absence de risque de confusion en l’espèce. Dès lors, ledit argument de la requérante doit également être écarté.

101    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, la chambre de recours ayant conclu à bon droit à l’existence d’un risque de confusion, le moyen unique tiré de la violation de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement, doit être rejeté. Partant, le deuxième chef de conclusions tendant à ce que le Tribunal rejette la demande en nullité de la marque contestée doit également être écarté, dès lors que ce chef de conclusions présuppose qu’il soit fait droit au recours en annulation.

102    Par conséquent, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

103    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

104    La requérante ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Lackmann Fleisch- und Feinkostfabrik GmbH est condamnée aux dépens.

Costeira

Kancheva

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 février 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.